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Article de revue

Usages de drogues et réduction des risques et des dommages en contextes festifs techno : quelques enseignements de 20 ans d’observation in situ

Pages 87 à 112

Notes

  • [1]
    En 1995, le ministère de l’Intérieur diffuse ainsi une circulaire à ses services, intitulée Les soirées raves : des situations à hauts risques, qui reprend un rapport réalisé par la mission de lutte antidrogue (Milad). Les événements festifs et le mouvement techno y sont assimilés à de véritables lieux de « débauche » et associés, entre autres, aux usages et aux trafics de drogue, à la démesure, à la prise de risques sexuels, etc. Ce premier texte sera suivi d’autres mesures dont les conséquences sur le mouvement techno et les usages de drogues seront analysées dans l’article.
  • [2]
    La circulaire n° 97/366 du 23 mai 1997 de la DGS « relative aux mesures nouvelles dans le domaine du soin aux toxicomanes » comporte ainsi un volet « prévention sanitaire dans les soirées “rave” » afin de « veiller à la présence sanitaire et la prévention dans les événements festifs techno ». La circulaire prévoit le financement d’associations qui interviennent au sein des raves.
  • [3]
    Voir par exemple, pour le cas français, Fontaine et Fontana (1996). Pour des enquêtes réalisées dans d’autres pays européens, voir Van de Wijngaart et al. (1998).
  • [4]
    Le « sound system » désigne le collectif d’individus qui possède l’équipement technique nécessaire à la sonorisation et à la décoration et qui organise des fêtes. Dans son sens restreint, l’expression fait référence au matériel nécessaire à la production musicale (platines, table de mixages, ordinateurs, etc.), à la diffusion sonore (enceintes, câbles et groupe électrogène) et le moyen nécessaire au transport de ce matériel (camion, bus).
  • [5]
    Par exemple, d’octobre 2001 à mai 2003, aucune autorisation ne fut délivrée (Dumont, 2008) si bien que derrière un régime d’autorisation se cache plutôt un régime d’interdiction.
  • [6]
    Pour davantage d’informations sur ces points, le lecteur pourra consulter les rapports des sites Trend publiés entre 2003 et 2010 : https://www.ofdt.fr/regions-et-territoires/reseau-des-sites-trend/rapports-des-sites-locaux-du-dispositif-trend/.
  • [7]
    Un numéro de téléphone va renvoyer à un code ouvrant un message texte ou oral expliquant l’itinéraire.
  • [8]
    Entre autres exemples, la gendarmerie procède parfois de manière pédagogique en mettant en place deux barrages à la sortie de la fête : si les passagers du véhicule sont positifs aux tests de dépistage sur le premier barrage, les gendarmes leur proposent de retourner se reposer sur le lieu de la fête ou de prendre le risque de se présenter à un deuxième barrage.
  • [9]
    Ce « testing » concernait la MDMA/ecstasy (sous forme de comprimé). Il s’agissait d’un test d’identification présomptive rapide : le comprimé est un peu gratté, un réactif est versé sur la substance recueillie et la lecture se fait en fonction de la couleur obtenue. Ce test permet donc de confirmer ou non la présence de MDMA dans le comprimé mais ne permet pas de déterminer s’il existe d’autres produits actifs. Le décret du 14 avril 2005 met fin au « testing » pratiqué à partir de 1997 par les associations, notamment parce qu’il constituerait une forme d’incitation à la consommation, il montre toute l’ambiguïté d’une politique de réduction des risques (Lafargue de Grangeneuve, 2009) en tension avec l’orientation répressive réaffirmée aux débuts des années 2000.
  • [10]
    Un premier « collectif des sound systems » rassemble en 2000 une centaine d’entre eux afin de bénéficier d’un encadrement réglementaire adapté. Il se dissout à la fin des années 2000 suite à l’impasse des négociations avec l’État. Plusieurs collectifs locaux sont alors créés.
  • [11]
    Une étude réalisée au milieu des années 2000 donne un ordre de grandeur de l’usage récent (mois précédent) de LSD : celui-ci concerne environ 10 % des personnes sortant en milieu festif électro et près d’un quart du public de la scène alternative (Reynaud-Maurupt et al., 2007).
  • [12]
    Notamment après la régression des « arnaques » à la méthoxétamine, vendue pour de la kétamine au début de la décennie 2010 (Lahaie et Martinez, 2012).
  • [13]
    La diméthyltryptamine ou DMT est une substance psychotrope naturelle, qui peut être synthétisée sous forme cristalline et qui est généralement fumée. Elle procure un effet hallucinogène puissant, quasi immédiat et de courte durée, pouvant aller jusqu’à une expérience de mort imminente.
  • [14]
    Cette notion renvoie directement à « l’expertise profane » développée par divers types de patients atteints de maladies diverses qui ont développé des formes de contre-expertise au savoir savant en « mettant l’accent sur l’existence et l’importance des capacités du savoir et de l’expérience des profanes – ou des laymen dans la littérature anglo-saxonne –, elles ont contribué à réfuter l’idée selon laquelle le public ne serait qu’un simple récepteur de l’information scientifique, et à interroger le caractère socialement construit de la répartition des rôles entre expert et non-expert » (Salman et Topçu, 2015). L’expertise profane dans le domaine des produits psychotropes nous semble, à l’instar d’autres segments de la médecine comme la médecine ouvrière du travail (Marichalar et Pitti, 2013), aussi être le fruit d’alliances entre consommateurs et professionnels de santé (médecins et pharmaciens militants) au sein d’associations de réduction des risques, notamment celles structurées par la logique d’auto-support des usagers.
  • [15]
    Le basage de la cocaïne consiste à ajouter un composé alcalin à la cocaïne poudre, permettant d’obtenir une forme du produit fumable qui entraîne des effets plus brefs, mais surtout plus intenses.
  • [16]
    Sur ce point particulier, les représentations à l’égard de l’héroïne des participants aux free-parties rejoignent celles de l’ensemble de la population générale (Spilka et al., 2019).
  • [17]
    L’étude dite « Quanti festif », menée par l’OFDT en 2004 et 2005, indique que 15,5 % de ceux qui fréquentent les free-parties déclarent un usage d’héroïne au cours des trente derniers jours (Reynaud-Maurupt et al., 2007).
  • [18]
    L’étude « Quanti festif » montrait que l’expérimentation de ce produit concernait 40 % des participants réguliers aux free-parties, 13,5 % de ces derniers en avaient fait usage dans le mois précédent (Reynaud-Maurupt et al., 2007).
  • [19]
    Une petite quantité de produit déposée dans une feuille de papier à cigarettes en vue de l’ingérer.
  • [20]
    Prix du comprimé lorsqu’il est consommé sur le lieu de fête.
  • [21]
    L’augmentation de la taille des comprimés, à teneur constante, provoque une augmentation de la dose des comprimés. La dose moyenne de ceux saisis par les forces de l’ordre a été multipliée par trois entre 2009 (44 mg/comprimé) et 2016 (131 mg/comprimé), avant de se stabiliser (Néfau 2018).
  • [22]
    Nourrie par une impression d’offre toujours renouvelée. Cette « abondance » permet aux consommateurs de parler des produits en « connaisseur » en citant les logos et les noms, en repérant les nouvelles « séries » de comprimés et en comparant les produits entre eux, alors que la composition peut être strictement identique mais habillée d’une couleur et d’un logo différents.
  • [23]
    Souvent vendue entre 80 et 100 euros le gramme mais régulièrement proposée à 70 ou 60 euros.
  • [24]
    Chaque année, des décès liés à des usages de substances en contexte festifs sont toutefois recensés.
  • [25]
    Techno+ en région parisienne en 1995, Spiritek à Lille et Keepsmilling à Lyon en 1996, l’Orange bleue en Bretagne en 1998, etc.
  • [26]
    Cette méfiance des sound systems vis-à-vis des associations de RdRD fut perceptible jusqu’au début des années 2000. À l’instar de l’association Techno+ dont les membres ont parfois eu à justifier leur participation au travail de veille des dispositifs Trend et Sintes vis-à-vis d’organisateurs de free-party pour qui ce travail (et les financements publics qui lui sont associés) constituait une menace pour le mouvement.
  • [27]
    À titre d’exemples, on peut citer les dispositifs Fêtez Clairs depuis 2007 à Paris et Plus Belle la Nuit depuis 2013 à Marseille.

1Les contextes festifs se caractérisent par une temporalité et une ambiance particulière en rupture avec le quotidien et constituent des moments propices à l’usage de substances psychoactives. Que l’on pense, par exemple, à l’alcool consommé lors des bals aux XIXe et XXe siècles ou plus récemment au cannabis et au LSD consommés lors des concerts de musiques psychédéliques dans les années 1960(Yvorel 1992 ; Devresse et Duprez 2008 ; Bergeron 2009). En Europe, et particulièrement en Angleterre dès le milieu des années 1980 puis en France, à partir de 1990, le développement du mouvement techno donne une nouvelle visibilité à la question des usages de drogues en contexte festif (Collectif 2003 ; Pourtau 2005 ; Lafargue de Grangeneuve 2010). La multiplication des événements diffusant des musiques électroniques qui se présentent comme porteurs d’une forme de contre-culture fédérant une partie de la jeunesse semble alors jouer un rôle central dans la diffusion de nouveaux produits tels que les drogues de synthèse, l’ecstasy en particulier (Kokoreff et Mignon 1994 ; Parker et al. 1998 ; Fontaine et Richard 2001).

2En France, quelques années après les premières raves, le développement du mouvement techno suscite des réponses publiques ambivalentes, voire contradictoires, entre contrôle et répression d’une part et préoccupations sanitaires d’autre part (Tessier 2003 ; Lafargue de Grangeneuve 2010). Les premières et principales réponses des autorités consistent en l’application de dispositions réglementaires particulièrement contraignantes à l’encontre des organisateurs et participants aux événements techno [1]. Dans le même temps, des mesures d’ordre sanitaire sont adoptées et visent à renforcer les actions de prévention liées notamment à l’usage de drogues [2]. Concomitamment, la réalisation d’enquêtes sociologiques et anthropologiques [3], dont certaines sont commanditées par les pouvoirs publics et pilotées par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), fournissent par ailleurs les premières analyses concernant ces événements, leurs participants et leurs pratiques et sociabilités festives.

3C’est dans ce contexte que le plan triennal 1999-2001 de la MILDT (MILDT 2000) préconise la création d’un dispositif d’identification, de description et de compréhension des tendances récentes en matière d’usage de drogues qui observera, « en temps réel, l’évolution des modes et des contextes de consommation afin d’adapter régulièrement les politiques publiques ». L’une des finalités de ce dispositif, baptisé Trend (Tendances récentes et nouvelles drogues), sera d’observer les usages de drogues au sein des événements festifs technos, de documenter l’émergence de nouvelles pratiques et de nouveaux produits (voir encadré) (Costes 2010 ; Cadet-Taïrou et al. 2016). La création de Trend est couplée à la mise en œuvre d’un Système d’identification national des toxiques et des substances (Sintes) qui s’inspire des différentes initiatives associatives qui se développent alors en matière d’analyse de drogues (Sueur et Mission Rave 1999 ; Sueur et Benezech 2000 ; Sueur 2005). Cet article propose une synthèse de 20 années d’observation réalisées au sein d’événements festifs par le dispositif Trend. Dans une première partie, il revient sur un type d’événement festif techno particulier, les free-parties, et les effets de la politique de répression de ce type de fêtes sur leur forme, leur organisation, les évolutions des usages de drogues qui y ont cours ainsi que la présence d’acteurs de la politique de réduction des risques et des dommages. Si le caractère permissif des usages de drogues en free-parties est observé, il s’accompagne de limites sociales exprimées par les fêtards à l’égard de certains usages ou substances. En contrepoint, la seconde partie rend compte du déploiement des observations du dispositif dans divers lieux festifs commerciaux dont la programmation intègre les musiques techno (festivals, boîtes de nuit, bars et clubs, etc.) en pointant une contradiction contemporaine qui s’est aiguisée au cours des années 2010 : en dépit des limites consécutives à la répression des événements illégaux comme les free-parties, la politique de réduction des risques et des dommages (RdRD) a pu s’y déployer ; paradoxalement, et malgré leur cadre légal, cela a moins été le cas dans les établissements et événements légaux.

Méthodologie

Le dispositif Trend s’appuie sur un réseau de huit coordinations implantées à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes et Toulouse, lesquelles mettent en œuvre des outils d’observation qualitatifs (observations ethnographiques, entretiens collectifs et individuels) afin de repérer et documenter les phénomènes émergents et les évolutions en matière d’usage de drogues illicites et de médicaments détournés. Ces coordinations recueillent leurs informations auprès d’acteurs (usagers, intervenants du secteur socio-sanitaire et de l’application de la loi, etc.) dont l’ancrage local contribue à une meilleure compréhension des spécificités territoriales. Chaque coordination participe également, par ses collectes de produits et par la transmission de signaux d’alerte, au Système d’identification national des toxiques et des substances (Sintes) qui assure une veille sur des produits nouveaux ou inhabituellement dangereux et sur le contenu toxicologique des substances.
Le dispositif Trend a d’abord concentré ses observations au sein de l’espace festif techno dit « alternatif », dont les événements affiliés sont les free-parties, les raves, les teknivals et les « zones off », des festivals qui ont lieu en zone rurale ou semi-rurale. Des événements festifs alternatifs sont également organisés en zone urbaine, dans des squats militants ou artistiques, ou des bâtiments abandonnés. Le dispositif a rapidement étendu ses investigations à l’espace festif techno « commercial », c’est-à-dire à des soirées payantes diffusant principalement, mais non exclusivement, des musiques « techno » et qui peuvent être organisées au sein d’établissements variés (bars musicaux, discothèques, clubs, salles de concert, espaces aménagés en plein air, etc.).
Le matériau utilisé dans cet article est constitué des rapports annuels des sites Trend et des synthèses nationales réalisées chaque année. La méthodologie du dispositif Trend est détaillée dans un guide qui lui est consacré (Gérome 2020).

Les free-parties : des événements privilégiés pour observer les usages de substances psychoactives

4Les free-parties sont des événements festifs principalement organisés en zone rurale ou semi-rurale, souvent dans des espaces naturels (champs, plages, prairies, etc.) ou aménagés mais désaffectés ou inoccupés (champignonnières, hangars, usines, carrières, déchetteries, etc.). Réunis au sein de sound systems[4] ou « sons », les organisateurs des free-parties et une large part de leurs participants revendiquent un ensemble de références contre-culturelles – autogestion, gratuité, refus du mercantilisme, autonomie vis-à-vis de l’industrie musicale par la mise en place de réseau de diffusion parallèle (autoproduction, diffusion musicale via internet, presse alternative) – qui renvoient, entre autres, à l’imaginaire et à la culture punk et libertaire (Hein 2012 ; Marchant 2016). Le mouvement alternatif fait cependant l’objet d’engagements très variables, certains membres adoptant un mode de vie communautaire et nomade (les Travellers) alors que d’autres sont de « simples » participants (Petiau 2006). La plupart des personnes qui fréquentent ces scènes ont entre 18 et 30 ans, bien qu’une partie d’entre eux, souvent des pionniers du mouvement, soient plus âgés. Ils sont majoritairement issus des classes moyennes et populaires, se recrutant parmi les étudiants, apprentis, jeunes ouvriers, employés ou encore jeunes chômeurs (Queudrus 2004 ; Reynaud-Maurupt et al. 2007).

Une politique répressive qui change la forme des free-parties

5La réglementation instaurée par le ministère de l’Intérieur à partir de 2002 eut des conséquences durables sur les modalités d’organisation et la forme des free-parties. Pour de nombreux observateurs et chercheurs (Pourtau 2005 ; Lafargue de Grangeneuve 2009), le décret n° 2002-887 (dit Mariani et Vaillant) a entraîné la pénalisation de ce mouvement contre-culturel techno. Présenté par les pouvoirs publics comme une obligation de déclarer les projets de fêtes rassemblant plus de 250 personnes (cette limite passera à 500 personnes en 2006) aux préfets des départements concernés, l’application du texte correspond, dans ses modalités, à la mise en œuvre d’un régime d’autorisation prévoyant des sanctions pour les organisateurs (amende, saisie du matériel de sonorisation, des instruments, etc.) dans le cas où ces derniers choisiraient de maintenir l’événement malgré le refus des autorités locales. Or, dans les faits, la délivrance d’autorisations fut exceptionnelle [5] et les refus quasi systématiques. De plus, les démarches administratives pour déclarer un événement s’avèrent fastidieuses et se couplent aux difficultés rencontrées par les organisateurs pour louer ou occuper gratuitement des lieux, du fait de l’hostilité des propriétaires tant publics que privés (qui découle de la mauvaise image des free-parties et de leurs participants). Ainsi, de nombreux sound systems désireux de respecter la réglementation (et qui, pour cela, s’étaient constitués en association) se sont, à quelques exceptions, vus refuser leurs demandes par les préfectures.

6Cette réglementation s’accompagne d’une répression importante lors d’événements légaux ou illégaux (qu’ils aient été ou non déclarés par les organisateurs puis refusés par les préfectures) qui ont lieu sur des terrains privés (avec ou sans accord du propriétaire) ou publics. Si les forces de l’ordre ne s’immiscent que rarement dans le déroulement de la fête, les contrôles de conformité (lorsque l’événement est légal), les contrôles d’identité, les fouilles systématiques des participants et de leurs véhicules au début et à la fin de l’événement, les opérations de dépistage des consommations de produits et les verbalisations pour stationnement gênant sont fréquemment observées depuis le début des années 2000 (Cadet-Taïrou et al. 2010 ; Cadet-Taïrou et al. 2020). À partir de la fin des années 2000, cette réponse publique semble se durcir dans certains territoires (notamment en Bretagne, en Île-de-France et en Lorraine) où des saisies fréquentes de matériel de sonorisation ou de biens personnels sont observées et des événements sont interdits (Cadet-Taïrou et al. 2015 ; Gérome et al. 2018).

7Le premier effet de cette répression est d’avoir substantiellement diminué le nombre de rassemblements de dimension importante sur l’ensemble des territoires couverts par le dispositif Trend [6]. Pour se prémunir des risques encourus en cas d’événement non déclaré d’une part et des interventions des forces de l’ordre d’autre part, les sound systems ont en effet largement opté pour des fêtes de taille inférieure à la limite fixée par la loi. La communication autour des événements est devenue plus discrète afin de ne pas en ébruiter la tenue : certains organisateurs abandonnent les flyers puis, au cours des années 2010, utilisent les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) et/ou envoient les informations via des SMS à leurs réseaux d’interconnaissance, puis reviennent à des systèmes d’infoline [7] afin de divulguer, au dernier moment, les lieux de la fête (dont l’accès relève souvent du jeu de piste) (Cadet-Taïrou et al. 2020). Parallèlement à l’organisation d’événements de taille modeste, certains sound systems poursuivent une autre stratégie : organiser collectivement des événements dont l’ampleur (plusieurs milliers de participants) ne permet pas aux forces de l’ordre d’intervenir, garantissant ainsi leur déroulement et dans lesquels le statut d’organisateur peut facilement être « dilué » entre plusieurs personnes, limitant ainsi les risques de sanctions encourues (saisie de matériel de sonorisation et amendes).

8Localement, les situations sont toutefois diverses, en fonction des pratiques des services déconcentrés de l’État dans l’application de la réglementation [8], de la situation géographique et des particularités territoriales. Ainsi, au cours des années 2000, fêtards et sound systems implantés dans les régions transfrontalières migrent vers les pays voisins (Belgique, Allemagne, Espagne) où les autorités sont réputées moins répressives. Des déplacements sont également observés vers des départements où les autorités préfectorales sont moins sévères, les risques de sanctions moins importants, et où les terrains ruraux isolés sont plus nombreux. Si l’action des forces de l’ordre constitue un élément déterminant pris en compte dans l’organisation d’une soirée festive (heure de départ, lieu choisi, modalité de communication des organisateurs), elle a également exercé des effets sur les types, la temporalité et l’intensité des consommations de produits psychoactifs. Les contrôles d’alcoolémie et le développement des tests salivaires visant à dépister les usages de drogues ont ainsi donné lieu à différentes stratégies de la part des fêtards, notamment afin de conserver leurs permis de conduire : entre abstinence, arrêt des consommations tôt dans la soirée ou report vers des produits réputés « non détectables » comme la kétamine.

L’action des associations de réduction des risques en tension face à la répression

9La réponse répressive est rapidement entrée en tension avec les enjeux de santé publique et a eu des répercussions négatives sur l’action des associations de réduction des risques intervenant en free-parties. En effet, la démultiplication de fêtes de petite taille et leur dissémination géographique rendent alors plus difficiles leurs interventions (les associations et leurs bénévoles ne sont pas assez nombreuses pour couvrir la majorité des événements) (Sudérie et al. 2010). De plus, au cours des années 2000, les risques d’intervention policière et de sanction judiciaire ont parfois distendu les liens entre associations et sound systems, ces derniers se méfiant de tout ce qu’ils assimilent (de près ou de loin et à tort ou à raison) à une initiative institutionnelle.

10L’autre obstacle au déploiement des actions de réduction des risques renvoie à l’interdiction du testing de produits psychoactifs en 2005 [9]. Ce dernier permettait d’instaurer un dialogue confidentiel et non culpabilisant avec les usagers (et notamment ceux ne fréquentant pas habituellement les stands de documentation des associations), d’échanger sur leurs consommations, de les informer des risques liés aux consommations, sur les pratiques de réduction des risques : « C’était un outil de médiation très intéressant […], qui permettait justement de prendre un temps d’échange et de discussion, dans la confidentialité, et en individuel. Quelque chose qu’on ne peut pas avoir sur un stand, qu’on ne peut pas avoir lors de discussions informelles. C’était vraiment le moment privilégié et qu’on n’a plus maintenant, hélas » (professionnel de santé au sein d’une association de RdRD intervenant en milieu festif interrogé par le dispositif Trend à Rennes en 2007) (Amar et al. 2007).

11À travers ces discussions, les associations pouvaient également recueillir des informations sur les évolutions en matière d’usages de produit. Or l’interdiction des tests d’identification présomptive sur site vient affaiblir la réduction du risque puisqu’elle entraîne « moins de dialogue et de proximité avec les usagers, moins d’information sur les consommateurs et les tendances de consommations, moins d’information sur les produits » (bénévole au sein d’une association de RdRD intervenant en milieu festif interrogé par le dispositif Trend à Rennes en 2007) (Amar et al. 2007). Certains professionnels à Rennes, Marseille ou Bordeaux observent alors une baisse notable de la fréquentation des stands de prévention en free-parties.

12Les associations témoignent également au cours des années 2010 de leur difficulté à faire reconnaître leur action et leur rôle auprès des forces de l’ordre. Malgré leur statut de professionnel, leur matériel ou encore les lettres de mission dont ils peuvent être porteurs, ils sont souvent assimilés aux organisateurs et parfois soumis aux mêmes traitements (contrôle d’identité, fouille au corps et des véhicules à l’entrée et à la sortie de l’événement) et très rarement considérés comme des interlocuteurs légitimes. Néanmoins, les associations de RdRD sont régulièrement présentes dans une multitude de free-parties où elles informent les usagers, distribuent du matériel, procèdent à des réassurances ou interviennent en cas de malaise.

13Au-delà des particularités territoriales, les tensions observées depuis 20 ans entre forces de l’ordre d’une part, acteurs de la RdRD et organisateurs d’autre part témoignent des difficultés des pouvoirs publics à considérer les free-parties et la (contre-)culture dont elles se revendiquent autrement qu’en termes répressifs. Cependant, la répression dont ont fait l’objet les sound systems tend à renforcer leur enracinement dans une contre-culture qui cimente le sentiment de cohésion et d’appartenance des organisateurs et des participants plus qu’elle ne la fragilise. La répression contribue ainsi à l’attractivité du mouvement alternatif techno en le préservant des dynamiques de marchandisation impulsées par certains acteurs (marques d’alcool, labels de musique, médias, etc.) dans d’autres mondes festifs. Elle favorise également le rapprochement et l’alliance entre sound systems et concourt finalement au dynamisme du mouvement avec la création de nouveaux collectifs par des jeunes fêtards assurant un renouvellement générationnel (Gérome et al. 2018). Ainsi, des sound systems s’associent pour organiser des manifestations dans les métropoles régionales où ils portent des revendications concernant le cadre légal, l’accès aux terrains publics et un soutien aux actions de RdRD. Ces alliances ont débouché sur la création d’une coordination nationale des sound systems en 2017 afin de porter ces revendications auprès des pouvoirs publics [10].

Des usages diversifiés, nombreux et spécifiques

14Les produits psychoactifs sont très présents en free-parties, avec une variété de substances sans équivalent dans la plupart des autres événements festifs. Une enquête menée au milieu des années 2000 observait ainsi que les niveaux d’usages de produits psychoactifs y sont plus importants que ceux ayant cours dans d’autres types d’événements et de lieux festifs comme les boîtes de nuit, les clubs, les bars les festivals (voir partie suivante) (Reynaud-Maurupt et al. 2007).

15En plus des usages répandus d’alcool, de cannabis et de stimulants comme la MDMA et la cocaïne, certains produits sont plus particulièrement caractéristiques de la scène des free-parties. C’est notamment le cas des hallucinogènes et particulièrement du LSD, une substance appréciée par certains participants [11]. Son prix bas (10 euros) pour des effets puissants et longs participe à l’attractivité du produit. Ces usagers ont développé une expertise dans la gestion de ses effets à partir d’une connaissance fondée sur l’expérience et diffusent les conditions nécessaires à son usage : fractionner et échelonner les quantités consommées du fait notamment d’une concentration aléatoire du produit qui imbibe son support (buvard) (Milhet et al. 2017).

16La présence de kétamine, un anesthésique vétérinaire et humain, constitue jusque récemment une autre spécificité des free-parties. Observés par le dispositif Trend dès sa création en 1999 (Reynaud-Maurupt et Akoka 2004), ces usages n’ont cessé d’y devenir plus visibles et plus fréquents, en raison d’une plus grande disponibilité du produit (qui s’explique par le développement de réseaux d’usagers-revendeurs) combinée à une évolution des représentations d’une frange croissante des participants aux free-parties (Gandilhon et al. 2014 ; Gérome et al. 2018). Au cours des années 2010, l’image répandue d’« anesthésique pour chevaux », produit dangereux aux effets incontrôlables et antagoniques (isolement du consommateur des autres fêtards) avec l’esprit de la fête, laisse progressivement place à l’image d’une substance « euphorisante » et « ludique », parfois même branchée comme en témoigne le film Berlin’s Calling (dans lequel un DJ allemand reconnu incarne son propre rôle et consomme énormément de kétamine), notamment auprès des nouvelles générations de participants, à tel point qu’à la fin des années 2010, la kétamine devient, dans la plupart des free-parties, aussi populaire, recherchée et consommée que l’ecstasy, les amphétamines ou la cocaïne [12]. Ce développement des usages de kétamine est également lié, d’une part, à la durée limitée des effets (environ une heure) qui ne seraient pas suivis d’une phase de descente désagréable et, d’autre part, au fait que la substance n’est pas (encore) détectée par les tests de dépistage routiers utilisés.

17Plus globalement, les usages d’hallucinogènes comme le LSD, la kétamine (mais également les champignons hallucinogènes, certains nouveaux produits de synthèse ou encore la DMT [13]), s’expliquent par le cadre spatio-temporel qu’offrent les free-parties. En effet, leur longue durée (un ou plusieurs jours) ainsi que leur déroulement en plein air dans un espace vaste, sans présence policière ni service d’ordre, constituent autant de conditions pour éviter le risque de bad trip (sentiment d’oppression ressentie dans les lieux clos, de paranoïa, etc.) et « tirer parti » des effets hallucinogènes et dissociatifs de ces produits.

18Certaines associations de produits constituent également un marqueur distinctif des free-parties. Les amphétamines (speed) et la cocaïne sont ainsi presque toujours utilisées en association avec d’autres produits, notamment l’alcool, la MDMA ou la kétamine, pour accentuer, accompagner ou contrôler les effets de ces substances. L’association cocaïne-kétamine, dénommée « Calvin Klein » (Reynaud-Maurupt et al. 2004) permet de coupler l’effet stimulant de la première à l’effet hallucinogène de la seconde. Les associations peuvent viser à obtenir des effets psychoactifs spécifiques, comme l’association LSD/MDMA (format poudre ou comprimé) dénommée « candy-flip » pour ses effets hallucinogènes et euphorisants. Le LSD est également consommé en association avec de la kétamine, cette dernière permettant d’accentuer les effets psychédéliques (Milhet et al. 2017). Certains modes d’usage n’ont également fait l’objet d’observations qu’en free-parties comme les consommations de MDMA inhalée à chaud (chasse au dragon) ou fumée avec du tabac, afin d’intensifier la montée de ses effets, en raison d’une absorption plus rapide du produit par les alvéoles pulmonaires.

Héroïne et injection : les limites sociales d’un cadre permissif

19L’importance des consommations de drogues dans les free-parties ne signifie pas absence de normes d’usages (Hoareau 2018). Au contraire, les participants familiers de ces événements disposent d’une expertise d’usage [14] des produits dont ils maîtrisent les dosages, gèrent les effets et les associations et adoptent des pratiques afin de réduire les risques liés aux usages (incidents aigus, infections virales telles que les hépatites, etc.) comme le fractionnement des doses consommées, le non-partage du matériel de consommations (notamment « les roule-ta-paille ») (Reynaud-Maurupt et al. 2007). De même, des représentations et des normes communes à la grande majorité des participants définissent des seuils de tolérance et d’acceptabilité concernant certaines pratiques et certains produits. Autrement dit, en free-parties, tous les produits et les pratiques de consommation ne bénéficient pas du même degré d’acceptabilité et de tolérance.

20C’est par exemple le cas de l’héroïne, de la cocaïne basée et du recours à l’injection, rarement observés par le dispositif Trend. Lorsqu’ils existent, ces usages ont généralement lieu dans des espaces clos, protégés des regards (véhicules, tentes…) et se limitent souvent à des cercles amicaux restreints (Gandilhon et al. 2013). Au-delà des contraintes liées à la préparation (basage de la cocaïne [15], préparation des seringues), cette dissimulation des usages s’explique par les représentations négatives partagées depuis une vingtaine d’années par la plupart des participants aux free-parties (Girard et Boscher 2009). Dans leurs discours, l’héroïne et l’injection sont associées à la dépendance, l’usage compulsif et la déchéance sanitaire et sociale [16] et s’opposent aux drogues hallucinogènes et psychostimulantes associées à des valeurs positives d’introspection, de communion avec les pairs et/ou avec la musique. Ces représentations s’expliquent aussi par le fait que le mouvement des free-parties souffre d’une image péjorative qui lui est notamment conférée par son association systématique à la consommation de drogues. Le rejet de l’héroïne et de l’injection vise ainsi à limiter cette stigmatisation en mettant à distance des phénomènes susceptibles de ternir encore davantage l’image de ce mouvement. Ce rejet correspond également à un mécanisme d’autocontrôle et d’autoprotection : il vise à préserver les membres du mouvement (notamment les plus jeunes et les plus fragiles face aux addictions) d’un produit (l’héroïne) et d’un mode d’usage (l’injection) dont les conséquences socio-sanitaires (Kokoreff et al. 2018) des années 1990 sont ancrées dans la mémoire collective.

21Objets d’un rejet massif et donc peu visibles et rarement observés, le recours à l’injection et l’usage d’héroïne existent pourtant en free-parties. De l’héroïne y est vendue au cours des années 2000 sous l’appellation de « rabla ». De couleur marron et consommée sans recourir à l’injection, la « rabla » est perçue un temps et par certains comme un produit différent de l’héroïne (généralement associée à une poudre blanche qui s’injecte). Les associations de RdRD en espace festif développent une communication ciblée et la « rabla » reprendra rapidement son appellation d’origine. L’héroïne est le plus souvent consommée [17] en sniff ou via la technique de la chasse au dragon, l’usage visant à réguler les effets des psychostimulants ou d’en amortir la descente. La stigmatisation de l’injection par la grande majorité des participants amène les usagers qui y ont recours à dissimuler leur pratique par crainte d’être mal jugés, parfois même pris à partie, ce qui rend d’autant plus difficiles les possibilités d’observation et de recueil d’information sur ce phénomène.

22La consommation de cocaïne basée est également rarement observée durant les free-parties en raison de ses effets réputés peu adaptés au contexte festif (Gandilhon et al. 2013). Des usages sont pourtant rapportés dès le début des années 2000 [18]. Le produit est appelé free base et bénéficie alors de représentations relativement positives parmi les participants qui le consomment. Selon eux, il se distinguerait du « crack », lequel est associé, à l’instar de l’injection et de l’héroïne, à la toxicomanie et la déchéance. Pourtant, ces deux appellations désignent bien un seul et même produit (la cocaïne basée), mais cette distinction sémantique, qui marque une volonté de distinction sociale envers des catégories d’usagers socialement stigmatisés (notamment la figure repoussoir du « toxico » injecteur et/ou vivant à la rue) (Gandilhon et al. 2013), perdurera jusqu’aux années 2010.

Développement et recomposition de l’offre festive techno : les investigations menées en milieu festif « commercial »

23Tout en continuant d’observer les free-parties, le dispositif Trend a déployé ses observations dans un nombre croissant d’événements musicaux dès le début des années 2000 : les festivals (petits et grands, organisés en zones urbaines et rurales), les boîtes de nuit, les clubs et bars dansants implantés dans les métropoles régionales, etc. Cette diversification des lieux festifs observés résulte du mouvement de diffusion des musiques techno au sein de nouveaux espaces et de leur appropriation par de nouveaux acteurs (programmateurs et gestionnaires de salles de spectacle, d’établissements commerciaux, etc.). Cette diffusion est une des manifestations d’un processus de légitimation culturelle multiforme qui se matérialise, comme dans le cas du rap, par divers « indicateurs de notoriété et de consécration » (Hammou et Sonnette 2020) : succès populaires de certains titres, artistes ou « starification » de DJ, prix et distinctions variés, ou encore diffusion dans les médias de masse (télévision et radio). Légitimation culturelle et diffusion des musiques techno semblent aussi s’accompagner d’une diffusion des usages de produits psychoactifs dans d’autres contextes festifs que les free-parties, dans des espaces légaux et plus conventionnels. Celle-ci s’opère notamment à travers des usagers (les publics) qui circulent entre les scènes alternatives comme les free-parties et celles plus conventionnelles et commerciales comme les clubs et les festivals (Cadet-Taïrou et al. 2020). D’un autre côté, une nouvelle scène alternative, mobilisant d’autres acteurs que ceux des free-parties, se développe à partir du milieu des années 2010, d’abord en Île-de-France, puis dans d’autres grandes villes. Ces collectifs organisent des soirées (appelées warehouse) dans des lieux non dévolus à la fête, notamment des bâtiments industriels abandonnés, affichent des valeurs de tolérance et d’ouverture vis-à-vis des minorités sexuelles LGBTQ+ et des personnes racisées, tout en conservant souvent des dimensions mercantiles (entrée et consommations payantes, service d’ordre, etc.) et en bénéficiant parfois du soutien des pouvoirs publics locaux. Il s’agissait donc, pour l’OFDT, d’élargir ses observations via le dispositif Trend, afin de rendre compte des évolutions en matière d’usages de drogues dans une pluralité de contextes festifs liés aux musiques techno.

Les particularités des usages et produits consommés en établissements de nuit

24Au sein des établissements de nuit (clubs, bars dansants, salles de concert, etc.), les usages de drogues diffèrent substantiellement en fonction des caractéristiques de l’événement : sa durée (une soirée, une nuit, plusieurs jours dans le cas des festivals), l’agencement du lieu (intérieur, extérieur, présence d’espaces dissimulés, etc.), la programmation musicale, les catégories de publics présentes et, dans une moindre mesure, la tolérance des services d’ordre par rapport aux drogues. Ces éléments constituent autant de paramètres induisant des ambiances plus ou moins propices aux consommations de produits. Il est toutefois possible de mettre en lumière des caractéristiques communes aux usages de drogues au sein de ces espaces festifs et d’établir des points de comparaison avec les observations menées en free-parties.

25Le premier point commun aux événements festifs au sein d’établissements commerciaux concerne les conditions dans lesquelles se réalisent les consommations de drogues. Alors qu’en free party une large part des usages de drogues sont relativement visibles et peuvent s’effectuer sans dissimulation, ils sont cachés au sein des établissements commerciaux. Les dispositifs de surveillance et de contrôle (présence de services d’ordre ou d’agents de police en civil dans certains festivals organisés dans un espace public) exigent des fêtards rapidité et dissimulation des consommations. Ces stratégies de dissimulation sont diverses : consommer à l’extérieur de l’établissement lorsqu’il est possible de rentrer à nouveau dans l’enceinte, dans les toilettes (lieu souvent privilégié pour préparer son produit en vue d’une prise par sniff) ; utiliser un accessoire (clé ou pince à cheveux) pour récupérer un peu de poudre (dans le pochon) qui sera sniffée à même l’objet, pratique permettant de consommer rapidement et d’éviter une préparation plus longue nécessitant un support et une paille pour réaliser une ligne de produit et la sniffer. L’impératif de discrétion amène également les usagers et les usagers-revendeurs à préparer avant leur arrivée des doses de produit (principalement de la MDMA) « prêtes à consommer » sous la forme de « parachute » [19]. À l’exception de l’alcool, premier produit consommé, les observations menées dans des lieux festifs commerciaux se centrent ainsi principalement sur deux produits, la MDMA/ecstasy et la cocaïne, bien que d’autres substances comme la kétamine, le GHB/GBL ou les poppers soient sporadiquement présentes. C’est donc là un autre point commun aux événements commerciaux qui les distingue des free-parties : la palette des produits consommés et les modes d’usage sont plus restreints dans les établissements commerciaux.

26L’ecstasy/MDMA est sans conteste le produit dont les consommations sont les plus fréquentes. Sa présence est constatée dans l’ensemble des soirées techno excédant les 2 heures du matin mais également au sein d’autres types d’événements (soirées privées, fêtes d’étudiants, discothèques généralistes, ou encore espaces publics transformés en lieux de fête) (Gérome et Gandilhon 2020). Plusieurs éléments expliquent ce « succès » de la substance : son usage par ingestion répond bien aux impératifs de discrétion évoqués plus haut (comprimés et « parachute » sont ainsi consommés rapidement sans besoin de matériel) ; ses effets empathogènes, entactogènes et psychostimulants se révèlent particulièrement adaptés à ces contextes festifs en limitant la sensation de fatigue, en exacerbant les sensations d’harmonie avec la musique et les sociabilités. Selon les fêtards, l’intérêt du produit par rapport à l’alcool est constitué par un rapport qualité-effet/prix avantageux (10 euros suffisent pour acquérir un comprimé d’ecstasy [20] parfois partagé entre amis et dont l’effet durera plusieurs heures alors qu’un verre d’alcool peut excéder 10 euros) et l’absence d’effets secondaires. Les préférences des usagers concernant la forme du produit ont varié au fil des ans : au début des années 2000, l’image de l’ecstasy évolue défavorablement en raison notamment des compositions incertaines des comprimés (des « arnaques » sont fréquemment rapportées et en partie détectées par les opérations de testing avant leur interdiction) (Girard et Boscher 2010 ; Gandilhon et Néfau 2016). La plupart des usagers (notamment les plus expérimentés) se rabattent alors vers d’autres formes (poudre ou cristaux de MDMA), réputées de meilleure qualité et dont la disponibilité croît. La situation s’inverse à partir du milieu des années 2010 : la MDMA sous sa forme cristal/poudre devient moins présente, moins consommée et moins recherchée alors que les comprimés d’ecstasy marquent leur retour. Cette évolution est liée à l’accroissement du poids et de la teneur en MDMA des comprimés [21] et à la quasi-disparition des arnaques. Ce phénomène s’accompagne d’une profusion et d’une sophistication des formes, des couleurs et des logos qui ornent les comprimés, ces derniers faisant référence à des éléments des cultures populaires (personnages de dessins animés, de jeux vidéo ou de séries, sigles de marques de vêtements, de voitures de luxe ou de clubs de football, etc.). Si certains n’y portent pas attention, ces techniques commerciales des fabricants confèrent une dimension ludique et de nouveauté au produit et renforce son attractivité [22] auprès d’autres usagers.

27Moins observés que la MDMA/Ecstasy, l’usage et la revente de cocaïne varient selon les établissements et les types de publics. Le produit est ainsi plus présent lorsque les fêtards sont plus aisés économiquement (et souvent plus âgés) du fait de son prix relativement élevé. Cette situation évolue toutefois à partir du milieu des années 2010 : la hausse de la disponibilité du produit via le développement des livraisons à domicile, la baisse notable de son prix et la hausse de sa pureté moyenne [23], ont accru son usage en contexte festif, y compris pour des usagers relativement jeunes. Moins discrète que la MDMA/ecstasy qui s’ingère aisément, la cocaïne implique toutefois un temps et un espace de préparation relativement conséquent (écraser minutieusement le produit sur une surface plate afin de confectionner des lignes, dites « traces »). Elle est de ce fait fréquemment consommée en espace privé, avant ou après le passage en établissement festif (before ou after). La cocaïne est très rarement consommée seule et presque systématiquement avec d’autres produits dont elle va réguler les effets : elle est ainsi souvent employée pour atténuer temporairement les effets d’une importante quantité d’alcool ou de MDMA, ou pour relancer les effets de cette dernière.

La réduction des risques en contexte festif commercial : un enjeu saillant

28Le développement et la commercialisation des musiques techno, dont témoigne le nombre croissant d’organisateurs de festivals et de gestionnaires d’établissements commerciaux qui intègrent dans leur programmation des artistes se produisant également en free-parties, la diffusion de certains éléments de la contre-culture portée par le mouvement (dont l’usage de drogues), la médiatisation d’événements de taille importante via les réseaux sociaux (qu’il s’agisse de teknivals, de festivals, de soirées organisées en clubs, etc.), ont eu pour effets d’attirer de nouveaux fêtards. Leur fréquentation des événements festifs s’est, de surcroît, réalisée dans un contexte de disponibilité accrue de la plupart des substances en raison notamment du déploiement sans précédent des activités des réseaux de reventes (généralisation des ventes en livraison, via les réseaux sociaux, trafic en ligne via le darknet) (Gérome et al. 2020).

29Or certains de ces nouveaux adeptes du mouvement techno, souvent jeunes, parfois mineurs, sont encore peu informés et familiers en matière d’usage de produits psychoactifs mais avides d’expériences. Certaines d’entre elles donnent parfois lieu à des incidents aigus, notamment lorsque les substances, principalement la MDMA/ecstasy et la kétamine, sont consommées en grande quantité et associées à l’alcool, mais leurs conséquences sanitaires (malaise, blessures, etc.) sont rarement d’une gravité importante [24]. Dans ce contexte, la question de l’accès à des informations sur les substances, les dosages, les associations entre substances ainsi qu’à du matériel de RdRD et à des dispositifs permettant d’obtenir des informations sur la composition des produits constitue un enjeu de santé publique important. Pourtant, les investigations menées par le dispositif Trend montrent que, depuis près de 20 ans, cet accès est inégal selon les types de lieux festifs et les dispositifs mis en place en leur sein afin de prévenir et de prendre en charge ces incidents. Informations et dispositifs en matière de réduction des risques sont beaucoup plus accessibles au sein des free-parties, pourtant illégales, des teknivals et des soirées alternatives de type warehouse organisées en zone urbaine (Gérome et al. 2019). Les organisateurs prévoient très souvent la mise à disposition de flyers d’information et de matériel de consommation et, lors des événements d’ampleur, sollicitent la présence d’une association qui anime un stand et installe un espace chill out (lieu de repos).

30La présence d’acteurs de la RdRD en free-parties est observée dès les années 1990 avec la création des premières associations par des participants au mouvement techno [25]. Elle s’accentuera les décennies suivantes, malgré les nombreuses difficultés rencontrées par ces acteurs : méfiance des organisateurs [26], fragilités des financements publics, fonctionnement reposant principalement sur des engagements bénévoles, suspicion et stigmatisation de leur action (assimilée par certaines autorités publiques à une incitation à la consommation), dissémination des fêtes et donc des interventions en raison de la législation, contrôle des forces de l’ordre, etc. Cette présence des associations de RdRD témoigne d’une culture de la prévention bien souvent portée par les sound systems et acquise par la plupart des participants réguliers aux free-parties, lesquels se sont socialisés aux risques sur les usages de produits, aux « bonnes » façons de consommer, etc. En ce sens, les associations de RdRD sont des instances de socialisation aux risques liés à la consommation de produits psychoactifs, leur présence constitue un véritable enjeu lors d’événements où sont présentes des personnes novices en matière d’usage de drogues (Hoareau 2007 ; Mutatayi 2019).

31À l’inverse, les gestionnaires d’établissements festifs ou les organisateurs de festival ne font qu’exceptionnellement appel aux associations de réduction des risques et refusent bien souvent de mettre à disposition matériel de consommation ou flyers informatifs. Le principal motif est la mauvaise image que ces actions susciteraient auprès de certains clients mais surtout des autorités locales qui seraient alors susceptibles de renforcer leur contrôle et d’accroître leurs sanctions en cas d’incident grave lié à des consommations (les fermetures administratives prononcées sont courantes), dans un contexte où des décès ont fait l’objet d’une forte médiatisation notamment à Paris, Metz et Bordeaux ces dernières années. Festivals et clubs accueillent pourtant de nombreux expérimentateurs non initiés aux usages de drogues pour lesquels des connaissances en matière de RdRD seraient utiles. Cet enjeu est d’autant plus important que, lors de certains événements, les caractéristiques du contexte festif renforcent les risques sanitaires : l’existence d’un service d’ordre chargé de surveiller et d’exclure les usages peut favoriser les surconsommations avant le temps festif proprement dit, notamment d’alcool (a fortiori lorsque celui-ci est onéreux) et conduire les usagers à consommer de manière dissimulée, dans la précipitation, sans avoir pu, par exemple quand il s’agit de cocaïne ou de kétamine, écraser correctement le produit, nettoyer la surface sur laquelle celui-ci sera sniffé, doser la quantité. Dans certains cas, des personnes ayant surconsommé et dont l’état mériterait une surveillance ne sont pas rassurées par des bénévoles habitués à agir dans ces contextes mais expulsés par les services d’ordre. Dès lors se formule « tout l’intérêt d’une sensibilisation des agents [chargé du service d’ordre] à leur mission de santé publique afin que celle de sécurité qu’ils assurent ne se fasse pas au détriment de la première » (Tissot 2020).

32Les observations menées depuis 20 ans par l’OFDT dans les événements festifs techno ont permis de décrire les consommations de substances psychoactives qui y ont cours. Cet article présente les principaux enseignements tirés de ces observations, qu’il s’agisse des pratiques d’usage, des représentations qui structurent ces pratiques et des contextes dans lesquels elles se déploient. Il s’attache également à montrer les effets des actions des pouvoirs publics sur les consommations de drogues et les risques sanitaires qui leur sont liés. Ce dernier point illustre toute l’ambiguïté qui caractérise plus largement les politiques des drogues illicites en France, entre approche sécuritaire et répressive d’une part et prise en charge sanitaire et réduction des risques d’autre part, ces deux dimensions entrant fréquemment en tension (Bergeron 2009). Dans le cas des événements festifs techno, cette tension se donne à voir à travers les difficultés du déploiement d’une politique de prévention et de RdRD rationnelle et homogène. En effet, en France, depuis les années 1990, les initiatives visant à préserver la santé des fêtards et à limiter les risques liés à leurs usages de produits illicites ont pu principalement se développer lors d’événements souvent illégaux et faisant fréquemment l’objet d’interdiction. Ce déploiement a été permis par la proximité et les alliances entre organisateurs de free-parties, militants associatifs et certaines institutions (collectivités locales et services du ministère de la Santé) convaincus de l’utilité de ces dispositifs. À l’inverse, ces mêmes initiatives ont rencontré de nombreuses limites pour se déployer lors d’événements légaux. Les intérêts économiques et réputationnels des acteurs de la scène commerciale ont constitué des obstacles tout aussi puissants que le cadre répressif des free-parties à l’effectivité d’une politique de réduction des risques. Ce constat doit toutefois être nuancé au regard des initiatives en matière de RdRD qui se développent actuellement dans certains établissements festifs et festivals, notamment dans le cadre de politiques municipales relatives à la vie nocturne et à la fête [27]. Un des points d’attention du dispositif Trend dans les années à venir sera probablement orienté sur l’évolution des formes de régulation de l’offre festive entre État et collectivités locales et de la place qui sera laissée aux pratiques et aux acteurs de la réduction des risques et des dommages liés aux usages de produits psychoactifs.

Les auteurs remercient Vincent Benso (Association Techno+ et site Trend Paris/Seine-Saint-Denis) et Fabrice Perez (Association Techno+) pour leurs précieuses remarques d’une première version de ce texte.

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Mots-clés éditeurs : usages de drogues, contre-culture, répression, réduction des risques et des dommages, free-parties

Date de mise en ligne : 26/05/2021

https://doi.org/10.3917/psyt.273.0087

Notes

  • [1]
    En 1995, le ministère de l’Intérieur diffuse ainsi une circulaire à ses services, intitulée Les soirées raves : des situations à hauts risques, qui reprend un rapport réalisé par la mission de lutte antidrogue (Milad). Les événements festifs et le mouvement techno y sont assimilés à de véritables lieux de « débauche » et associés, entre autres, aux usages et aux trafics de drogue, à la démesure, à la prise de risques sexuels, etc. Ce premier texte sera suivi d’autres mesures dont les conséquences sur le mouvement techno et les usages de drogues seront analysées dans l’article.
  • [2]
    La circulaire n° 97/366 du 23 mai 1997 de la DGS « relative aux mesures nouvelles dans le domaine du soin aux toxicomanes » comporte ainsi un volet « prévention sanitaire dans les soirées “rave” » afin de « veiller à la présence sanitaire et la prévention dans les événements festifs techno ». La circulaire prévoit le financement d’associations qui interviennent au sein des raves.
  • [3]
    Voir par exemple, pour le cas français, Fontaine et Fontana (1996). Pour des enquêtes réalisées dans d’autres pays européens, voir Van de Wijngaart et al. (1998).
  • [4]
    Le « sound system » désigne le collectif d’individus qui possède l’équipement technique nécessaire à la sonorisation et à la décoration et qui organise des fêtes. Dans son sens restreint, l’expression fait référence au matériel nécessaire à la production musicale (platines, table de mixages, ordinateurs, etc.), à la diffusion sonore (enceintes, câbles et groupe électrogène) et le moyen nécessaire au transport de ce matériel (camion, bus).
  • [5]
    Par exemple, d’octobre 2001 à mai 2003, aucune autorisation ne fut délivrée (Dumont, 2008) si bien que derrière un régime d’autorisation se cache plutôt un régime d’interdiction.
  • [6]
    Pour davantage d’informations sur ces points, le lecteur pourra consulter les rapports des sites Trend publiés entre 2003 et 2010 : https://www.ofdt.fr/regions-et-territoires/reseau-des-sites-trend/rapports-des-sites-locaux-du-dispositif-trend/.
  • [7]
    Un numéro de téléphone va renvoyer à un code ouvrant un message texte ou oral expliquant l’itinéraire.
  • [8]
    Entre autres exemples, la gendarmerie procède parfois de manière pédagogique en mettant en place deux barrages à la sortie de la fête : si les passagers du véhicule sont positifs aux tests de dépistage sur le premier barrage, les gendarmes leur proposent de retourner se reposer sur le lieu de la fête ou de prendre le risque de se présenter à un deuxième barrage.
  • [9]
    Ce « testing » concernait la MDMA/ecstasy (sous forme de comprimé). Il s’agissait d’un test d’identification présomptive rapide : le comprimé est un peu gratté, un réactif est versé sur la substance recueillie et la lecture se fait en fonction de la couleur obtenue. Ce test permet donc de confirmer ou non la présence de MDMA dans le comprimé mais ne permet pas de déterminer s’il existe d’autres produits actifs. Le décret du 14 avril 2005 met fin au « testing » pratiqué à partir de 1997 par les associations, notamment parce qu’il constituerait une forme d’incitation à la consommation, il montre toute l’ambiguïté d’une politique de réduction des risques (Lafargue de Grangeneuve, 2009) en tension avec l’orientation répressive réaffirmée aux débuts des années 2000.
  • [10]
    Un premier « collectif des sound systems » rassemble en 2000 une centaine d’entre eux afin de bénéficier d’un encadrement réglementaire adapté. Il se dissout à la fin des années 2000 suite à l’impasse des négociations avec l’État. Plusieurs collectifs locaux sont alors créés.
  • [11]
    Une étude réalisée au milieu des années 2000 donne un ordre de grandeur de l’usage récent (mois précédent) de LSD : celui-ci concerne environ 10 % des personnes sortant en milieu festif électro et près d’un quart du public de la scène alternative (Reynaud-Maurupt et al., 2007).
  • [12]
    Notamment après la régression des « arnaques » à la méthoxétamine, vendue pour de la kétamine au début de la décennie 2010 (Lahaie et Martinez, 2012).
  • [13]
    La diméthyltryptamine ou DMT est une substance psychotrope naturelle, qui peut être synthétisée sous forme cristalline et qui est généralement fumée. Elle procure un effet hallucinogène puissant, quasi immédiat et de courte durée, pouvant aller jusqu’à une expérience de mort imminente.
  • [14]
    Cette notion renvoie directement à « l’expertise profane » développée par divers types de patients atteints de maladies diverses qui ont développé des formes de contre-expertise au savoir savant en « mettant l’accent sur l’existence et l’importance des capacités du savoir et de l’expérience des profanes – ou des laymen dans la littérature anglo-saxonne –, elles ont contribué à réfuter l’idée selon laquelle le public ne serait qu’un simple récepteur de l’information scientifique, et à interroger le caractère socialement construit de la répartition des rôles entre expert et non-expert » (Salman et Topçu, 2015). L’expertise profane dans le domaine des produits psychotropes nous semble, à l’instar d’autres segments de la médecine comme la médecine ouvrière du travail (Marichalar et Pitti, 2013), aussi être le fruit d’alliances entre consommateurs et professionnels de santé (médecins et pharmaciens militants) au sein d’associations de réduction des risques, notamment celles structurées par la logique d’auto-support des usagers.
  • [15]
    Le basage de la cocaïne consiste à ajouter un composé alcalin à la cocaïne poudre, permettant d’obtenir une forme du produit fumable qui entraîne des effets plus brefs, mais surtout plus intenses.
  • [16]
    Sur ce point particulier, les représentations à l’égard de l’héroïne des participants aux free-parties rejoignent celles de l’ensemble de la population générale (Spilka et al., 2019).
  • [17]
    L’étude dite « Quanti festif », menée par l’OFDT en 2004 et 2005, indique que 15,5 % de ceux qui fréquentent les free-parties déclarent un usage d’héroïne au cours des trente derniers jours (Reynaud-Maurupt et al., 2007).
  • [18]
    L’étude « Quanti festif » montrait que l’expérimentation de ce produit concernait 40 % des participants réguliers aux free-parties, 13,5 % de ces derniers en avaient fait usage dans le mois précédent (Reynaud-Maurupt et al., 2007).
  • [19]
    Une petite quantité de produit déposée dans une feuille de papier à cigarettes en vue de l’ingérer.
  • [20]
    Prix du comprimé lorsqu’il est consommé sur le lieu de fête.
  • [21]
    L’augmentation de la taille des comprimés, à teneur constante, provoque une augmentation de la dose des comprimés. La dose moyenne de ceux saisis par les forces de l’ordre a été multipliée par trois entre 2009 (44 mg/comprimé) et 2016 (131 mg/comprimé), avant de se stabiliser (Néfau 2018).
  • [22]
    Nourrie par une impression d’offre toujours renouvelée. Cette « abondance » permet aux consommateurs de parler des produits en « connaisseur » en citant les logos et les noms, en repérant les nouvelles « séries » de comprimés et en comparant les produits entre eux, alors que la composition peut être strictement identique mais habillée d’une couleur et d’un logo différents.
  • [23]
    Souvent vendue entre 80 et 100 euros le gramme mais régulièrement proposée à 70 ou 60 euros.
  • [24]
    Chaque année, des décès liés à des usages de substances en contexte festifs sont toutefois recensés.
  • [25]
    Techno+ en région parisienne en 1995, Spiritek à Lille et Keepsmilling à Lyon en 1996, l’Orange bleue en Bretagne en 1998, etc.
  • [26]
    Cette méfiance des sound systems vis-à-vis des associations de RdRD fut perceptible jusqu’au début des années 2000. À l’instar de l’association Techno+ dont les membres ont parfois eu à justifier leur participation au travail de veille des dispositifs Trend et Sintes vis-à-vis d’organisateurs de free-party pour qui ce travail (et les financements publics qui lui sont associés) constituait une menace pour le mouvement.
  • [27]
    À titre d’exemples, on peut citer les dispositifs Fêtez Clairs depuis 2007 à Paris et Plus Belle la Nuit depuis 2013 à Marseille.

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