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Article de revue

Le rite hallucinogène comme technique du Soi : une approche anthropologique de l’efficacité des psychédéliques dans le traitement des addictions

Pages 35 à 59

Notes

  • [1]
    Le terme « ayahuasca » désigne à la fois une liane (Banisteriopsis caapi) et le breuvage dont elle est l’ingrédient principal. Cette boisson aux effets psychotropes et émétiques, utilisée en Amazonie occidentale dans le cadre du chamanisme indigène et métis, et dont l’usage s’est récemment mondialisé, est classée sur la liste des stupéfiants en France depuis 2005.
  • [2]
    La soplada est une technique commune aux pratiques du chamanisme métis péruvien, qui consiste à souffler de la fumée de tabac ou des parfums liquides sur la tête, les mains et le plexus du sujet à des fins de purification et de protection.
  • [3]
    Les malocas sont des constructions traditionnelles d’Amazonie, de forme ovale et au toit conique.
  • [4]
    Afin de préserver leur anonymat, les prénoms des patients ont été modifiés.

Introduction

1Les substances dites « hallucinogènes » ou « psychédéliques » telles que le LSD, l’iboga, l’ayahuasca, le peyotl ou les champignons psilocybes connaissent depuis peu un regain d’intérêt pour leurs propriétés thérapeutiques dans le traitement des addictions (M. F. Brown, 1978 ; T. K. Brown, 2013 ; Carhart-Harris & Goodwin, 2017 ; De Veen et al., 2017 ; Labate & Cavnar, 2013 ; Nichols et al., 2017 ; Nunes et al., 2016 ; Webb, 2011 ; Winkelman, 2014). Parmi ces dernières, l’ayahuasca [1]est considérée comme une substance particulièrement prometteuse (Halpern et al., 2008 ; Labate et al., 2009 ; Mercante, 2013). Les propriétés thérapeutiques de l’ayahuasca – et plus largement, des psychédéliques – ont été le plus souvent saisies à partir de cadres neuro-pharmacologiques (Jacob & Presti, 2005 ; Palhano-Fontes et al., 2015 ; Prickett & Liester, 2014) ou psychodynamiques (Bouso & Riba, 2014 ; Frecska et al., 2016 ; Garcia-Fernandez et al., 2014 ; Loizaga-Velder & Verres, 2014). Les ressorts de l’efficacité de ces substances restent toutefois encore mal compris et ces modèles sont souvent critiqués par les usagers comme réductionnistes et manquant les principaux ressorts de la cure psychédélique.

2Ces derniers soulignent en effet à l’envie l’importance de la dimension « spirituelle », qu’ils décrivent comme le principal catalyseur de ses propriétés thérapeutiques. Le traitement des addictions implique en effet fréquemment une dynamique de conversion religieuse, comme l’illustrent les cas des Alcooliques anonymes (Cain, 1991) ou des communautés thérapeutiques qui se sont distinguées dans le traitement des toxicomanes (Guelman, 2018).

3Ces éléments sont toutefois restés ignorés par la plupart des travaux portant sur les ressorts des effets thérapeutiques de l’ayahuasca. Les effets du breuvage psychotrope sur les voies dopaminergiques et sérotoninergiques ainsi que sa capacité supposée à produire une catharsis émotionnelle ou la reconfiguration de la relation entretenue avec des événements traumatiques ont en effet jusqu’ici été décrits comme les principaux vecteurs des effets psychothérapeutiques de l’ayahuasca.

4En m’appuyant sur les données recueillies au cours d’une enquête ethnographique menée dans une clinique de traitement des addictions d’Amazonie péruvienne, je propose ici d’explorer la nature de cette dimension « spirituelle » évoquée par les usagers et d’interroger sa place dans l’efficacité des psychédéliques dans le traitement des addictions. Mobilisant une approche anthropologique dialoguant avec la théorie des systèmes (Bateson 1971), je montrerai que cette dimension « spirituelle » renvoie à l’élaboration de nouvelles relations avec des êtres habituellement invisibles survenant au cours de l’expérience hallucinogène, qui conditionne pour le sujet de profondes reconfigurations identitaires.

5Je proposerai ainsi d’aborder le rite hallucinogène comme une « technique du Soi » conduisant les participants à réinterpréter leur identité, leur biographie et leurs comportements quotidiens à l’aune d’un nouveau modèle culturel. Nous verrons ainsi que cette dynamique de reconfiguration identitaire, ainsi que ses implications comportementales et cognitives opèrent comme les principaux catalyseurs de la cure. L’approche anthropologique proposée ici invite à repenser la toxicomanie et l’usage thérapeutique des psychédéliques au-delà des modèles neuropharmacologiques et psychodynamiques, pour mieux prendre en compte les processus identitaires, narratifs et sociaux.

1 – Takiwasi, une clinique de traitement des addictions en Amazonie péruvienne

6Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les substances dites « psychédéliques » ou « hallucinogènes » sont l’objet d’un intérêt croissant pour leurs propriétés thérapeutiques. Cependant, très peu d’institutions cliniques ont jusqu’à présent intégré l’utilisation de ces substances dans le traitement qu’elles proposent. Parmi celles-ci, le centre de traitement des addictions de Takiwasi fait figure d’institution pionnière. Fondée en 1992 en Haute-Amazonie péruvienne par le médecin français Jacques Mabit et ses collaborateurs péruviens et espagnols, la communauté thérapeutique de Takiwasi est à la fois une clinique de traitement des dépendances et l’un des principaux lieux d’accueil pour les clients du « tourisme chamanique », qui se rendent en Amazonie à la recherche de thérapies alternatives, de développement personnel ou dans le cadre de quêtes spirituelles.

7La fondation de cette institution visait initialement à proposer une alternative thérapeutique aux toxicomanies associant les techniques du chamanisme métis péruvien (curanderismo) à celles de la biomédecine et de la psychothérapie. Ayant longtemps occupé le premier rang mondial de production de coca, la région est confrontée à une forte consommation locale de pasta basica de cocaina. Malgré l’importance de la demande de soin, les centres d’accueil restent peu nombreux. Face à ce constat, le Dr. Mabit a souhaité développer une proposition thérapeutique mobilisant les ressources locales. À la fin des années 1980, il se rend pour la première fois dans le département de San Martín afin d’y rencontrer des guérisseurs traditionnels locaux (curanderos). Ce travail les conduit à rencontrer près de soixante-dix curanderos métis et autochtones de la région, auprès desquels ils se livrent à l’auto-expérimentation des pratiques étudiées (usage de plantes émétiques et psychotropes, « diètes ») et apprennent le maniement des plantes médicinales, des chants qui accompagnent leur usage (icaros) et des sopladas[2]. En août 1992, le « centre de réhabilitation de toxicomanes et de recherche en médecines traditionnelles Takiwasi » ouvre ses portes. L’établissement revendique aujourd’hui le traitement de plus de mille toxicomanes provenant d’Amazonie péruvienne ainsi que des grandes villes d’Amérique latine et d’Europe francophone.

8Les locaux de Takiwasi sont situés à la périphérie de la ville de Tarapoto, au sein d’un terrain de deux hectares et demi, bordé par une clôture végétale et la rivière Shilcayo. On y trouve un bâtiment central comprenant des locaux administratifs et de réception, un auditorium et une bibliothèque. Dans d’autres parties du terrain se trouvent les logements des patients résidents, la cuisine, deux salles polyvalentes où se déroulent les rituels (malocas[3]), divers ateliers (menuiserie, boulangerie), une chapelle, un laboratoire de production de produits phytothérapeutiques, une boutique et un jardin botanique, où sont cultivées les principales plantes médicinales utilisées à Takiwasi. L’institution est également propriétaire d’une parcelle de 54 hectares de forêt située à quelques kilomètres de là, au sein de la réserve naturelle de la Cordillera escalera, où se trouvent une quinzaine de cabanes d’isolement (tambos) dédiées aux temps de retraites (dietas) ainsi qu’une maloca au sein de laquelle sont réalisés les rituels d’ayahuasca.

9L’établissement emploie aujourd’hui une quarantaine de salariés. La majorité d’entre eux, originaires de la région, se consacrent aux tâches d’entretien, de gestion et d’administration de l’institution. Une équipe comprenant médecins, psychologues et curanderos propose un traitement d’une durée de neuf mois fondé sur trois éléments : la vie en communauté, la psychothérapie, ainsi que des pratiques ritualisées inspirées des pratiques chamaniques de la région (ingestion de l’ayahuasca et de préparations émétiques, temps d’isolement dans la forêt accompagnant l’ingestion de préparations végétales appelées « diètes »). Les patients, tous de sexe masculin et au nombre de quinze environ, vivent en collectivité, dans des locaux dédiés. Leurs activités se partagent entre tâches quotidiennes (cuisine, entretien des locaux, ménage, etc.), aux ateliers collectifs (sport, artisanat, activités artistiques) et aux activités thérapeutiques (groupes de parole, entretien psychothérapeutique, rituel de purge impliquant l’ingestion de préparations végétales émétiques et rituel d’ayahuasca hebdomadaires) (Giove Nakazawa, 2002).

10Au cours des années qui suivent la création de Takiwasi, les principaux acteurs de l’institution publient plusieurs articles formulant une théorie des addictions originale. Selon ces textes, les toxicomanies poseraient la question de « l’aspiration de l’individu au sacré et à la spiritualité » à travers une « voie initiatique » qui ferait défaut au sein des sociétés modernes du fait de leur sécularisation (Mabit, 1993). La toxicomanie est vue ici comme la conséquence d’une aspiration spirituelle réalisée à travers une voie auto-initiatique laquelle, détachée de toute structure sociale, produirait une « contre-initiation » condamnant le sujet à l’autodestruction et à la marginalisation. Soigner la toxicomanie consiste dans cette perspective à réaliser une « véritable initiation », culturellement structurante, proposée par les ressources du chamanisme et de la « médecine traditionnelle amazonienne » (Mabit, 1993).

11La toxicomanie étant dans ce contexte conçue comme le résultat d’une quête spirituelle non résolue, la guérison est associée à une expérience directe de transcendance à travers des « états de conscience modifiés » obtenus par l’utilisation ritualisée de substances psychotropes telles que l’ayahuasca. On remarquera ici l’influence de la psychologie transpersonnelle (Grof, 1989), qui domine le paradigme psychothérapeutique de Takiwasi. L’usage de l’ayahuasca s’inscrit plus largement dans le cadre de la valorisation de l’usage psychothérapeutique des substances hallucinogènes prôné par le mouvement psychédélique et initié par les expériences de « thérapie-LSD » conduites par Stanislav Grof (Grof, 1980, 2016). On attribue ainsi à l’ayahuasca une fonction de catalyseur psychologique : facilitation des associations verbales, production d’une imagerie mentale, abréaction ou régressions infantiles. Ces propriétés sont perçues comme à même de servir un processus psychothérapeutique, à la condition que l’expérience hallucinogène soit l’objet d’une élaboration verbale.

12À Takiwasi, les rituels d’ayahuasca sont par conséquent articulés à des espaces de réflexivité et d’échanges discursifs visant à éclairer l’expérience du participant. Le vécu rituel est ainsi élaboré par le biais d’entretiens individuels au cours desquels le patient fait le récit de son expérience à un psychothérapeute. Des groupes de parole sont également organisés afin de symboliser l’expérience rituelle : rassemblant l’ensemble des patients, ils sont le plus souvent conduits par des psychologues ou des officiants. À l’image d’une épreuve projective, le rituel d’ayahuasca y est présenté comme un outil permettant de manifester les dispositions psychologiques inconscientes qui structurent la personnalité du sujet et son comportement quotidien. En articulant les différents aspects du récit du participant à son histoire personnelle, à son économie relationnelle et à ses dispositions psychologiques, ces interactions discursives invitent le participant à user de son expérience rituelle à la manière d’un outil heuristique lui permettant d’accéder à une meilleure connaissance de lui-même en tant que sujet psychologique. Les techniques rituelles encadrant l’usage de l’ayahuasca empruntées au curanderismo sont dans ce contexte investies de la fonction du setting des thérapies psychédéliques (Zinberg, 1984) : un dispositif de contention symbolique accompagnant l’absorption des hallucinogènes en vue de prévenir d’éventuels troubles et d’assurer la structuration de l’expérience.

13Bien que l’institution ait joué un rôle pionnier dans le processus d’homogénéisation du chamanisme métis péruvien et dans son intégration au marché global, Takiwasi se distingue toutefois par un éloignement progressif des cadres du psychédélisme et du tourisme chamanique (Dupuis, 2017). L’influence des représentations catholiques a été grandissante au cours de l’histoire de l’institution, la distinguant aujourd’hui radicalement des nombreux autres « centres chamaniques » de la région. Dans ce contexte, l’équipe de Takiwasi a progressivement enrichi la théorie étiologique des addictions présidant aux pratiques de soin. L’élément central de cette théorie est aujourd’hui le concept d’« infestation ». Emprunté à la théologie catholique, ce concept désigne initialement un mode d’influence démoniaque plus mineur et courant que la possession, caractérisé par la présence d’une entité démoniaque malmenant le sujet en affectant sa santé, sa foi ou ses pensées (Clos, 2007). À Takiwasi, l’infestation désigne plus généralement une relation de type parasitaire entretenue avec un ou des êtres surnaturels malveillants de nature démoniaque. Cette affection, pensée comme à l’origine de troubles physiques et de perturbations psychologiques, est décrite comme la conséquence de la transgression de tabous (consommation de drogue, sexualité, pratiques magiques, spiritisme, etc.), de contacts avec des lieux ou des personnes, ou encore du fait d’une transmission par le biais de la filiation. Ce mal est enfin présenté comme nécessitant un traitement spécifique, consistant en la purification du sujet par le biais de l’absorption de préparations émétiques, de l’ayahuasca ainsi que de pratiques proposées par l’Église catholique, telles que la confession ou l’exorcisme.

14Cette théorie étiologique, développée par les principaux acteurs de l’institution au cours des vingt dernières années, met en évidence l’utilisation croissante du corps doctrinal catholique et de l’institution ecclésiale, qui a profondément influencé la forme et la fonction des pratiques proposées. Le rituel de l’ayahuasca est en effet désormais caractérisé par l’utilisation de la prière d’exorcisme, du crucifix, de l’eau bénite et la mobilisation des principales figures du panthéon catholique (Dupuis, 2018). En ce sens, Takiwasi offre un exemple très original des recompositions culturelles contemporaines de pratiques dites « chamaniques » centrées sur l’utilisation de l’ayahuasca qui émergent actuellement en Amazonie (Labate et al., 2016 ; Labate & Cavnar, 2014).

2 – Le rituel d’ayahuasca à Takiwasi

15À Takiwasi, les rituels d’ayahuasca sont tenus une à deux fois par semaine environ. Peu après la tombée de la nuit, les patients sont invités à rejoindre la maloca, au sein de laquelle une quinzaine de coussins ont été disposés en demi-cercle. Après s’être plongés dans un bain de plantes aux vertus présentées comme purificatrices et protectrices, les participants prennent place autour des spécialistes rituels. Ceux-ci disposent d’espaces réservés sous des icônes représentant le Christ, la Vierge et saint Michel, et devant lesquels sont déposés leurs outils rituels (mesa). Le rituel est précédé d’un rappel des règles qui le régissent, telles que les prescriptions portant sur la position corporelle : il convient d’être assis, de maintenir le dos droit, de ne pas s’allonger et de ne pas dormir afin de « faire face à ce qui surgit ». Les participants sont également invités à s’abstenir de faire du bruit, de parler, de chanter, d’interférer avec un voisin, de le toucher ou de lui parler. Les spécialistes rituels justifient ces dispositions auprès des patients par le fait que des éléments subtils sont susceptibles d’être transmis entre les participants au moyen du toucher ou des sons. Il convient donc d’être concentré sur soi et de limiter ses gestes. Les participants sont invités à « formuler une intention » avant de boire l’ayahuasca, mais à ne pas se focaliser sur cette dernière au cours du rituel. En cas de difficulté, ils sont autorisés à faire appel aux officiants. Des seaux sont à leur disposition s’ils ressentent le besoin de vomir, forcer le vomissement n’étant pas recommandé. En cas d’urgence, il est possible de se rendre aux toilettes, situées à l’extérieur de la maloca, mais il sera nécessaire de le signaler et d’attendre qu’un « nettoyage » (sopladas de parfums ou de tabac) ait été réalisé par un officiant avant de réintégrer l’espace rituel. Ces règles seront de mise jusqu’à ce qu’un officiant rallume la lumière, geste qui signe la fin du rituel.

16Après ces quelques mots, un officiant s’empare d’un encensoir dans lequel brûle l’écorce odorante du palo santo, fait le tour de la maloca, puis s’arrête devant chaque participant qu’il invite à s’envelopper de la fumée présentée comme purificatrice et protectrice. Jacques Mabit effectue ensuite quelques gestes afin de matérialiser les limites de l’espace occupé par les participants, en usant d’eau bénite et de sel, qu’il répand derrière et entre eux. Ces actions, présentées à l’assistance comme délimitant un « cercle rituel » à même de prévenir toute interaction pathogène, impliquent dès lors le respect des règles concernant leurs entrées et leurs sorties. Le maître de cérémonie entonne alors plusieurs chants (icaros) et souffle de la fumée de tabac brun d’une variété locale (mapacho) – présentée comme protectrice – sur ses outils rituels, dont la bouteille contenant l’ayahuasca. Chacun est alors convié, l’un après l’autre, à ingérer un verre du breuvage. On éteint ensuite la lumière. Plusieurs chants s’élèvent, récités par les divers officiants, tandis que l’un d’eux circule parmi les participants, soufflant de la fumée de tabac sur le plexus, la fontanelle et les mains (soplada) de chacun d’entre eux. Suivent la récitation d’une prière d’exorcisme en français (le petit exorcisme de Léon XIII), d’autres chants, ainsi qu’une deuxième série de sopladas, réalisées cette fois à l’aide d’un parfum fréquemment utilisé par les guérisseurs métis de la région appelé agua florida. Les chants des officiants, récités en espagnol, en quechua et en français, se succéderont ensuite jusqu’à ce que, six à huit heures plus tard, les effets du breuvage se dissipent.

17L’ingestion de l’ayahuasca induit fréquemment nausée, vomissement, diarrhée, sensations de variations de température, étourdissements, troubles du rythme cardiaque. Angoisse, confusion de la perception du temps et de l’espace, altération de la proprioception et troubles dissociatifs sont fréquents, alors que les perceptions et les émotions sont généralement exacerbées. La perception d’hallucinations visuelles, tactiles (sensations de frôlement, de toucher), olfactives, gustatives et auditives (sons, mélodies, « voix ») est également régulièrement rapportée. Les participants témoignent ainsi de la production d’une riche imagerie mentale, propriété qui a donné sa réputation d’« hallucinogène » à la préparation végétale. Ces images mentales, ici appelées « visions », sont généralement composées de formes « géométriques » lumineuses et colorées. Les hallucinations visuelles peuvent également prendre des formes plus figuratives. De nombreux participants rapportent ainsi la perception d’animaux, d’êtres anthropomorphes ou d’êtres mixtes mêlant éléments humains, végétaux et animaux qui émergent et évoluent au sein de riches tableaux visionnaires. Les patients rapportent enfin de vives remémorations, y compris d’épisodes traumatiques liés à des épisodes à forte charge émotionnelle, qui peuvent prendre la forme d’hallucinations visuelles très élaborées.

3 – Socialisation des hallucinations et vérification expérientielle de la théorie étiologique locale

18Ces expériences vives et déroutantes sont fréquemment génératrices d’incertitude, d’incompréhension et d’anxiété. Cette dynamique suscite une demande d’éléments explicatifs invitée à être satisfaite par la participation à des groupes de parole, tenus au lendemain du rituel.

19Ces séances, ici appelées « post-ayahuasca », durent de quatre à six heures et sont présentées comme une aide à l’interprétation de l’expérience de la veille. En début d’après-midi, les participants sont accueillis par des spécialistes rituels, des psychothérapeutes ou le Dr. Mabit dans l’auditorium du bâtiment principal de Takiwasi, avant d’être invités à s’asseoir sur des chaises disposées en cercle. Chacun est alors convié à résumer brièvement l’expérience de la veille devant le groupe et à écouter les commentaires des encadrants.

20Au cours de ces séquences, certains aspects de l’expérience du participant sont interprétés comme le fait de dynamiques projectives révélant les conflits psychiques du sujet, et d’autres comme le signe de la présence et de l’influence d’entités non humaines, bienveillantes (entités du panthéon catholique, esprits de la nature, esprits de l’ayahuasca), ou malveillantes (entités parasites de nature démoniaque, sorciers). Par le biais des commentaires donnés aux participants, les encadrants, qui se positionnent comme les détenteurs d’une compétence de discernement, diffusent progressivement les critères qui permettront aux participants d’identifier à leur tour les signes (somatiques, émotionnels et cognitifs) manifestant la présence et la nature des entités non humaines lors des rituels d’ayahuasca (Dupuis, 2018).

21À l’instar de nombreuses pratiques cérémonielles mobilisant l’usage de substances hallucinogènes, l’expérience visionnaire est donc ici l’objet d’une mise en cohérence narrative qui l’inscrit dans le jeu de langage du groupe social. J’ai exploré ailleurs, à partir de l’étude du cas particulier de Takiwasi, la nature de la relation entre les « visions » et le contexte social de leur émergence (Dupuis, 2019). J’ai alors montré que les interactions encadrant l’expérience visionnaire, en éduquant l’attention du participant et en affectant les procédures de catégorisation des perceptions, structurent la manière d’organiser et d’interpréter l’expérience hallucinogène, qui devient de ce fait le support de la rencontre d’entités surnaturelles culturellement postulées. Les interactions discursives et pragmatiques ainsi que les éléments iconographiques entourant l’expérience visionnaire, qui apparaissent comme autant d’opérateurs de « socialisation des hallucinations », semblent en outre à même, par le façonnage des attentes des participants, de formaliser le contenu même de l’expérience hallucinatoire. Le parcours des patients de Takiwasi souligne enfin la dimension progressive de l’émergence de motifs hallucinatoires signant la présence démoniaque, ce qui nous invite à comprendre ce phénomène comme un processus d’apprentissage.

22Jérémy [4], un jeune patient toxicomane français en traitement à Takiwasi depuis deux mois pour une addiction au cannabis et à la pornographie, me rapporte ainsi au cours de nos échanges avoir éprouvé au cours de son sixième rituel d’ayahuasca ce qu’il désigne lui-même comme une « possession » par un « démon ».

23Au cours du rituel, il ressent d’abord une grande fatigue. Dodelinant de la tête, il a la sensation que « quelque chose ou quelqu’un » l’engourdit, « l’endort ». Il s’affaisse et ne peut plus se tenir droit comme les règles du rituel le prescrivent. Ne percevant aucune « vision », il se sent « partir » et s’endormir. Afin de sortir de cet état, il se résout alors à prendre une seconde fois l’ayahuasca lors de la distribution collective qui ouvre la deuxième partie du rituel. C’est alors que « l’entité » manifeste sa présence : « en prenant une seconde fois l’ayahuasca, c’est comme si j’avais pris un lasso pour l’attraper ». La présence du « démon » se manifeste d’abord par des mouvements fugitifs, notamment des crispations des mains et des rictus du visage, qu’il décrit comme le fait d’une agentivité externe (« J’avais la sensation que quelque chose me forçait à exécuter ces mouvements, que je les faisais sans réellement le vouloir »). Il perçoit ainsi ces troubles comme l’apparition fugitive de la présence d’une entité, qui ne tarde pas à s’enfuir.

24Deux mois plus tard, Jérémy me rapporte qu’afin de « l’appeler pour l’attraper », il s’attache au cours d’un rituel d’ayahuasca à rejouer les comportements qui manifestaient la présence de l’entité (« c’est comme si, pour l’attraper, je devais le faire s’exprimer corporellement »). C’est alors que par le biais de cette pratique d’auto-induction, l’entité « s’est définitivement montrée » : « C’est à ce moment que j’ai senti que c’était vraiment une entité, et pas seulement une métaphore : elle était en moi mais avec une existence propre. C’était comme un rodéo où j’essayais de la tenir mais je ne la contrôlais plus : mon corps bougeait dans tous les sens alors que j’essayais de m’en empêcher pour ne pas gêner les autres, mes doigts se crispaient comme si j’avais des crampes qui allaient et venaient, je tremblais et ma respiration était devenue comme celle d’un autre, gutturale. Je me sentais comme un fauve qui regardait la session et reniflait autour de lui pour savoir ce qu’il allait manger. Je sentais que j’humais l’énergie du groupe, que je voulais entrer dedans, l’occuper. »

25Jérémy est ainsi progressivement conduit à expérimenter au cours des rituels d’ayahuasca la présence d’une altérité en soi, qu’il interprète comme le signe d’une « possession » : « C’était comme s’il y avait deux moi, j’étais scindé : d’un côté quelque chose qui prenait possession de moi, de mon corps, de mes mouvements ; et de l’autre, moi qui ne contrôlais plus mon corps mais qui sentais le plaisir de cette entité à occuper mon corps, qui observais sa façon de se mouvoir. J’étais connecté à l’entité, je sentais ce qu’elle ressentait mais je n’étais pas elle. Par exemple, je sentais comment cette entité, en respirant, se remplissait les poumons d’informations invisibles, énergétiques, sur les autres participants de la session en vue de s’en nourrir aussi. Je ne sentais pas exactement l’intention du démon à ce moment-là, c’est plus tard que j’ai compris. »

4 – Comprendre l’addiction : la fonction heuristique du rite hallucinogène

26L’expérience rituelle hallucinogène conduit comme on le voit nombre de participants à la vérification expérientielle de la théorie étiologique locale, centrée sur le concept d’infestation par des entités démoniaques. Au cours des groupes de parole, cette expérience rituelle est fréquemment présentée par les encadrants (psychothérapeutes, spécialistes rituels) comme susceptible d’éclairer, de manière analogique, l’histoire et la vie quotidienne du patient. Conformément au trope des thérapies psychédéliques, l’expérience hallucinogène est conçue comme manifestant les dispositions psychologiques inconscientes qui structurent la personnalité du sujet et comme à même de révéler la présence d’êtres restés jusque-là invisibles.

27Les troubles du contrôle moteur rapportés par Jérémy sont ainsi interprétés au cours des groupes de parole comme le signe d’une présence spirituelle malveillante poursuivant des intérêts antagonistes à ceux de son hôte et à même de perturber le discernement de ce dernier sur son propre comportement quotidien. Ces troubles moteur seront ensuite associés par les encadrants aux situations de faiblesse ou de conflit de la volonté (acrasie) se manifestant dans la vie quotidienne de Jérémy par des comportements compulsifs ou addictifs. Pour nombre de patients, le rite hallucinogène constituera en ce sens le support de reconstructions narratives. En intégrant le modèle étiologique local, ils seront de ce fait à même d’éclairer des éléments de leur histoire ou de leurs comportements qui leur semblaient jusque-là inexplicables.

28C’est ainsi que Diego, un jeune Péruvien originaire de Lima venu à Takiwasi pour traiter une addiction à l’alcool, la cocaïne et à la pornographie, voit son regard sur ses comportements addictifs profondément transformé par sa participation au rite hallucinogène. Au cours de nos échanges, ce patient d’une trentaine d’années me rapporte avoir subi des abus sexuels à l’âge de 8 ans, qu’il désigne comme la cause de ses comportements addictifs qui débutent à l’adolescence. À cette époque, il commence à se travestir et à entretenir des relations homosexuelles, pratiques qui s’accompagnent le plus souvent de consommations de stupéfiants.

29La participation au traitement proposé à Takiwasi va progressivement modifier son point de vue sur ces pratiques : « L’ayahuasca m’a montré que je faisais sans m’en rendre compte de véritables rituels : j’allais dans un motel, je me travestissais en buvant de l’alcool, en prenant de la cocaïne et en écoutant souvent la même musique. Une fois habillé en femme et défoncé, je me masturbais en regardant des films pornos pendant des heures. La nuit, je ne dormais pas, je ne faisais que ça. C’est comme si j’avais des relations sexuelles avec une entité invisible, je donnais prise à quelque chose qui me parasitait mais je ne savais pas ce que c’était. L’entité m’utilisait, se manifestait par moi, faisait de moi son esclave sexuel. Avec le recul il était comme mon maître (dueno) comme si je lui avais été consacré. Ici j’ai pu voir cette entité. Les nuits où je me défonçais parfois je voyais des ombres passer dans la chambre, je sentais bien qu’il y avait quelque chose, mais je me disais que j’étais défoncé, que c’était un délire parano, mais maintenant je sais que c’est lui (le démon) que je voyais. »

30C’est donc au cours du rite hallucinogène qu’il visualise cette entité et s’assure de son existence : « Plusieurs fois, je l’ai vu à l’intérieur de moi avec l’ayahuasca. Elle ressemble à une ombre noire, sans beaucoup de détails, comme un vide, avec un corps de femme avec des longs cheveux attachés. Dans le rituel, après avoir vu l’entité et senti sa présence, je me sentais mal : j’avais du mal à rester assis, soit je voulais me lever, soit m’endormir, j’étais très anxieux, j’avais chaud, je suais, j’étais à l’agonie… Puis une autre fois je l’ai vu à l’extérieur de moi, elle me tournait autour et me tirait les cheveux. C’était dur mais après coup je me suis dit que c’était déjà une évolution. […] Peut-être qu’en fait il y en avait plusieurs, parce que ça n’avait pas toujours la même apparence : une ombre, un animal, genre caricature, ou une sorte de gélatine… Une fois j’ai vu Baphomet, j’ai dû faire tout un travail pour l’attraper et le chasser. Je me souviens avoir vu sur Internet que c’était un démon lié à la sexualité. »

31À l’instar de ce qu’ont rapporté les anthropologues au sujet des cultes de possession (de Certeau, 1970 ; Obeyesekere, 2014 ; Seligman, 2005, 2014), l’expérience rituelle hallucinogène, initialement perçue comme difficile à saisir, devient ainsi, au prisme des associations analogiques proposées par les encadrants, un outil heuristique permettant au participant d’accéder à une nouvelle compréhension de son histoire et de son comportement. L’intégration du « modèle culturel » (Dressler & Bindon, 2000 ; Shore, 1996) proposé par l’institution permet ainsi aux patients de donner sens à leur comportement addictif, qui leur apparaissait jusqu’ici inexplicable et incontrôlable.

32Comme nous l’avons vu, cette opération conduit les patients à redéfinir les frontières de leur identité. À l’image de Jérémy et Diego, les participants sont en effet invités à se percevoir comme des sujets perméables et pluriels, traversés par des êtres auxquels ils attribuent désormais certaines de leurs perceptions, états mentaux ou comportements. Les reformulations narratives réalisées au cours des groupes de parole sont au cœur de ce processus de redéfinition identitaire. De nombreux travaux ont proposé dans les dernières décennies d’aborder la narration comme le principal moyen par lequel l’être humain se comprend lui-même et façonne son identité (Cain, 1991 ; Howard, 1991 ; Kirmayer et al., 1998 ; McAdams, 1989 ; Obeyesekere, 2014 ; Seligman, 2014). Plus récemment, la pertinence de cette proposition pour le cas des addictions a été explorée par les cliniciens (Taïeb, 2016 ; Taïeb et al., 2005).

33Ces travaux mettent en lumière la fonction centrale de la transformation du Soi dans le traitement des addictions, dynamique qui se trouve particulièrement lisible dans les pratiques des alcooliques anonymes (Bateson, 1977 ; Cain, 1991). Les groupes de parole proposés par les alcooliques anonymes invitent en effet progressivement leurs participants à raconter leur histoire et à décrire leurs comportements conformément aux normes sociales des AA. Il s’identifient ainsi aux « alcooliques » : des personnes qui manquent de pouvoir face à leur consommation d’alcool (Bateson, 1977). Par le biais de ces reformulations narratives, les participants apprennent à inscrire leur détresse dans un idiome spécifique qui les conduit à redéfinir leur identité (« alcooliques »), et ainsi à reconfigurer la relation qu’ils entretiennent avec leur comportement addictif. A Takiwasi comme chez les AA, cette dynamique de reconfiguration identitaire, qui constitue le moteur de la transformation du comportement addictif, s’appuie sur la reconnaissance initiale d’un défaut de maîtrise de soi.

5 – Combattre l’addiction : lutte spirituelle et parenté non humaine

34Les travaux ethnographiques ont montré que dans des contextes culturels très variés, la modification des narrations encadrant les expériences de souffrance, de détresse ou d’infortune constitue un puissant levier thérapeutique (Seligman, 2005 ; Witztum & Goodman, 1999). Dans la cure contre-sorcellaire (Saada, 1977) comme dans les cultes de possession (Seligman, 2005), la transformation du récit de soi permet notamment de faire passer le sujet d’une situation d’affliction et d’impuissance à une position d’affirmation active face à l’infortune (Bonhomme, 2008).

35À Takiwasi, la découverte de l’infestation démoniaque, en donnant un sens nouveau à l’addiction, transforme profondément la relation du sujet au comportement addictif. L’assimilation de l’addiction à une influence démoniaque conduit en effet la plupart des patients concernés à se différencier de ces comportements et à s’y opposer, contribuant en ce sens à restaurer l’agentivité et la responsabilité du sujet (Kirmayer, 1999) et le conduisant par là à jouer un rôle actif dans son traitement.

36Une fois l’existence de l’entité découverte, Diego entame ainsi, à l’invitation des spécialistes rituels, une enquête visant à le libérer de l’influence démoniaque : « Pour s’en sortir, d’abord il faut vraiment vouloir s’en débarrasser. Et puis avec l’ayahuasca, voir l’entité, comprendre ce que c’est, comment elle fonctionne. Une fois que les guérisseurs et l’ayahuasca l’ont chassé, elle peut revenir, donc il faut fermer les portes et pour ça comprendre par où elle est entrée. » Ce travail d’enquête qui s’étendra sur plusieurs mois s’appuie à la fois sur la psychothérapie, les rituels et des rencontres avec le prêtre catholique officiant à Takiwasi : « J’ai compris petit à petit que le démon était entré par mes défauts de caractère : l’arrogance, l’agressivité, la haine… Maintenant j’ai compris que tous ces comportements, y compris l’addiction, c’était comme une manière de me venger de l’abus sexuel que j’avais vécu, comme s’il fallait que je le fasse payer au monde. En fait c’est par l’abus sexuel qu’il est entré, et je le nourrissais avec tous ces mauvais comportements. Faire entrer le diable c’est très facile, c’est beaucoup plus difficile de le faire sortir ! »

37Afin de chasser cette entité et d’empêcher qu’elle l’influence à nouveau, Diego adopte à l’invitation des encadrants une réforme comportementale socialement normée que les spécialistes rituels désignent sous le terme d’« hygiène spirituelle » : « Il faut comprendre ses défauts, tenter de les réduire. Je travaille sur mon agressivité, j’essaie de lui donner le moins de prise possible, j’essaie de ne pas cultiver de mauvaises pensées, sur la sexualité par exemple. J’essaie de prier mais je n’y suis pas vraiment habitué alors je ne sais pas trop si j’y crois… Par contre je vais aux messes avant les sessions d’ayahuasca, je me concentre, je demande la protection et la connexion avec le monde spirituel. »

38À Takiwasi, la découverte de l’infestation doit en effet initier l’adoption de pratiques thérapeutiques et prophylactiques (psychothérapie, utilisation d’émétiques, prière, exorcisme, participation à la messe, etc.) présentées par les encadrants de l’institution comme à même de libérer le participant de la présence d’entités parasitaires et de leur influence pathogène. Parmi les techniques mobilisées afin de lutter contre les entités démoniaques responsables du comportement addictif, le développement de relations avec des entités non humaines protectrices (ancêtres protecteurs, esprits de la nature, esprit de l’ayahuasca ou entités du panthéon chrétien) occupe une place centrale. Les spécialistes rituels affirment en effet fréquemment que face à ces entités qu’ils décrivent comme « spirituelles », il est impossible de « lutter seul », et qu’il est nécessaire de mobiliser le soutien d’entités bienveillantes. La découverte de l’influence démoniaque conduit en ce sens nombre de patients, outre l’établissement d’une relation intime avec « l’esprit de l’ayahuasca », à une (re)conversion au catholicisme et à la pratique religieuse investie comme une protection face aux influences démoniaques.

39C’est ainsi que Jérémy use de la prière afin de se protéger du démon dont il a découvert l’existence : « Maintenant que j’avais découvert ça, il fallait que je trouve des moyens de lutter. […] Après l’expérience du démon, j’ai commencé à me demander ce qu’il y avait au-dessus de ces esprits, pour savoir comment je pouvais les contrôler. Sur les conseils des guérisseurs, j’ai essayé la prière. D’abord pendant les rituels d’ayahuasca, puis dans la vie quotidienne, et là j’ai eu des résultats épatants. […] Quand j’ai vu comment les prières résonnaient en moi et l’efficacité qu’elles avaient sur les démons, je me suis dit qu’il y avait quelque chose de réel, de concret. »

40L’usage de la prière ne tarde pas à conduire Jérémy à percevoir la présence de nouvelles entités : « J’ai entendu l’ayahuasca me dire : “je sais que tu doutes souvent que je suis avec toi et que le monde spirituel t’apprécie. Je vais t’aider à te nettoyer, les autres sont là aussi mais, toi aussi, tu dois être là, on va te nettoyer, faire sortir le démon”. C’est là que sont apparues les figures du catholicisme, que je n’avais jamais vu avant en session d’ayahuasca. J’ai d’abord senti la présence de Marie. C’était une sensation de douceur liée à un élan, une motivation mais avec beaucoup d’humilité. C’était comme la douceur d’une main sur l’épaule, d’une grande puissance. J’ai ressenti un soulagement plus fort que les douleurs dans le ventre. Là, je me suis dit que, quoi qu’il arrive, je ne fléchirai pas. Mon ventre bougeait, quelque chose s’agitait, le démon n’aimait pas ça. Puis je l’ai vue : le manteau bleu, la robe blanche, les mains ouvertes comme dans les images classiques de la Vierge. Il y avait ce sourire de compassion […]. Puis j’ai senti la présence de saint Michel. Je sentais cette dimension de l’amour de Dieu combative, purificatrice, un amour combattant, plus masculin, qui coupe, qui sépare, qui tranche. Finalement, j’ai senti la présence du Christ, qui ressemblait aux images classiques. Je sentais qu’ils étaient tous là, et l’ayahuasca aussi, qui était comme le pont qui permettait de faire le lien entre eux et moi. »

41Les relations tissées par les patients avec ces entités protectrices puisent le plus souvent leur modèle dans les relations de parenté. Si la mobilisation des termes de parenté pour décrire la relation aux entités non humaines illustre un motif récurrent du chamanisme autochtone et métis péruvien (Beyer, 2011 ; Luna, 1986) et plus largement des ontologies animistes (Descola, 2005), ce sont ici les termes de filiation qui sont souvent privilégiés par les patients. L’ayahuasca m’a ainsi fréquemment été présentée par les patients au cours de nos échanges comme une mère, Dieu comme un « père céleste », ou la Vierge comme une « mère spirituelle ». La logique qui règle ces relations de parenté surnaturelles semble de ce fait relativement conforme aux configurations affectives qui président aux relations de parenté humaines.

42Comme l’illustre ce témoignage d’un patient de Takiwasi, la relation à ces entités est en effet souvent décrite comme une relation de filiation idéale, marquée par l’« amour inconditionnel » et la « protection sans faille » qu’elles offrent au patient, suscitant le plus souvent gratitude, espoir, et revalorisation narcissique : « Ici j’ai beaucoup traversé le chagrin, le sentiment de ne pas avoir été vraiment aimé par mon père. Et du coup je me demandais : “Mais qu’est-ce que je fous là ?” Et j’ai eu des réponses vraiment très, très fortes. Ça m’a montré qu’en fait, si j’étais là, c’est parce que Dieu l’avait voulu. Que c’était parce que lui l’a désiré. Parce que s’il n’avait pas désiré que je sois là, je ne serais pas là. Je serais mort. Avec ce que j’ai vécu et le père que j’ai eu, s’il n’avait pas été là, lui là-haut, c’est clair que je finissais très tôt à l’hôpital psychiatrique ou au cimetière. J’ai été confronté à ça de manière très positive. Cet amour. Derrière le père génétique, il y a le père, là-haut, qui lui, donne la vie […]. Qui donne l’amour, accueille, désire. Même si tu as eu un père qui n’a pas voulu de toi, qui ne t’a pas aimé, qui a même tout fait pour te tuer. Eh bien malgré ça, tu es en vie et il y a quelqu’un de plus fort derrière, plein d’amour, qui est là et qui t’a voulu. Ça, ça m’a donné une force dans la vie, une légitimité. […] Si je suis là, c’est parce que Dieu m’a donné la vie. Je l’ai vraiment ressenti. C’était vraiment la force du père bienveillant qui pousse, qui dit : “Vas-y, je suis derrière toi, je suis là, tu vas pas tomber, vas-y !” Un socle… C’était très fort, très net. Vraiment très positif. »

43L’élaboration et le maintien de ces relations de parenté non humaines, en ce qu’elles semblent à même de répondre aux manques, limites et ratés des relations de filiation congénitales, jouent sans doute un rôle central dans la dimension thérapeutique du rite hallucinogène proposé par Takiwasi.

Conclusion. Le rite hallucinogène comme technique du Soi

44Depuis que Sigmund Freud (Freud, 1956) a utilisé pour la première fois le terme Sucht (traditionnellement traduit par en français par « dépendance » ou « addiction ») pour désigner les conséquences de l’abus de substances, la définition univoque de ce concept reste problématique en raison des tensions épistémologiques qui émergent de la confrontation entre les points de vue cliniques, scientifiques et politiques sur la dépendance (Kalant, 2010b, 2010a ; Valleur, 2012).

45L’usage courant du terme d’addiction renvoie toutefois le plus souvent à une catégorie culturelle inspirée de sa définition clinique, qui désigne sous ce terme une pathologie caractérisée par le fait qu’une personne souhaite contrôler ou cesser un comportement sans y parvenir. Cette définition de l’addiction comme pathologie, qui apparaît aujourd’hui dans le DSM-5 sous le terme de « troubles liés à la consommation de substances », a été élaborée à partir de l’observation clinique de l’alcoolisme, qui a historiquement servi de modèle des addictions (Nadeau & Valleur, 2014). La définition de l’alcoolisme comme « perte de la liberté de s’abstenir de boire de l’alcool » proposée par Pierre Fouquet (1950) a en effet fortement influencé la conception de l’addiction partagée aujourd’hui par les cliniciens (Dupont & Naassila, 2016). Cette généalogie lie la naissance de la catégorie culturelle de l’addiction-pathologie à l’émergence de la démocratie moderne. C’est en effet en 1794 que le père de la psychiatrie américaine Benjamin Rush décrivait pour la première fois l’abus d’alcool comme une maladie et non plus comme un vice moral (Rush, 1943).

46Plus récemment, une nouvelle généalogie du concept d’addiction-pathologie a été proposée par Nadeau et Valleur (Nadeau & Valleur, 2014). La redécouverte du texte de Pascasius Justus sur les jeux de hasard (1561) par ces auteurs, outre qu’elle montre que l’addiction a d’abord été conçue à partir de l’étude des dépendances comportementales (les jeux de hasard), renvoie la date de naissance de la catégorie de dépendance-maladie à la période de l’humanisme et de la renaissance. L’émergence de cette catégorie culturelle, qui révèle la pathologisation des comportements compulsifs, apparaît en ce sens comme solidaire de l’émergence du sujet humaniste.

47Depuis Aristote et Augustin, le sujet occidental se caractérise par sa capacité à agir selon une intention dont il peut rendre compte et à se maîtriser par l’exercice de la raison. Cette conception du sujet, consacrée par l’humanisme puis par la figure du citoyen de la démocratie moderne, structure encore fortement la conception du Soi au sein des sociétés euro-américaines, et nous permet de mieux comprendre pourquoi dans ces sociétés, les états dissociatifs (Seligman & Kirmayer, 2008) et les comportements addictifs sont considérés comme déviants ou pathologiques.

48Le sujet Moderne est en effet façonné par une ontologie implicite (Kirmayer & Ramstead, 2017) qui lie de manière indissociable le sens du Soi, la propriété et l’agentivité. Dans cette perspective, que Gregory Bateson a décrite comme « l’étrange épistémologie dualiste qui caractérise la civilisation occidentale » (1971), c’est toujours un agent déterminé, le « Soi », qui accomplit une action dans un but déterminé. La psychologie populaire partagée au sein des sociétés euro-américaines suit ainsi un modèle dans lequel l’action est initiée par une intention suivie de son exécution, l’action d’un agent étant toujours pensée comme appuyée sur une raison d’agir, un but explicite ou un résultat souhaité (Kirmayer et al., chapitre non publié). On comprend dès lors que la situation de conflit de la volonté illustrée par le comportement addictif (où le sujet à la fois souhaite et ne souhaite pas s’engager dans un comportement, ou le réalise sans intention de le faire) provoque un trouble profond dans la conception moderne du Soi.

49Ces remarques apparaissent comme les préliminaires d’une approche anthropologique de l’addiction, qui a été esquissée par les travaux inauguraux de Gregory Bateson sur les Alcooliques anonymes (1971). Bateson souligne que le dispositif des AA implique une profonde transformation épistémologique pour le participant, notamment dans la compréhension de son rapport à son environnement, qui rompt avec les prémisses qui sous-tendent le concept moderne du « Soi », fondé sur ce que Bateson décrit comme « le mythe de la maîtrise de soi ». Dans le traitement proposé par AA, l’abandon de la volonté, par lequel le sujet prend conscience de son incapacité à contrôler sa consommation, est considéré comme une étape indispensable au rétablissement. Cette étape, communément désignée par les AA sous l’expression familière « toucher le fond », conduit le sujet en quête de sobriété à la prise de conscience des limites de ses propres ressources individuelles. En dissipant « le mythe de la maîtrise de soi », le dispositif AA conduit le sujet à mobiliser une « puissance supérieure » au moi, constituée de ressources à la fois spirituelles et collectives. Dans la perspective de Bateson, la guérison de la toxicomanie est donc suspendue à la dissolution de la conception moderne du Soi.

50Ces considérations anthropologiques me semblent à même d’éclairer d’un jour nouveau la dynamique qui préside à l’efficacité thérapeutique des psychédéliques dans le traitement des addictions.

51Le rite hallucinogène apparaît ainsi comme une véritable « technique du Soi » : un dispositif conduisant celui qui s’y prête à voir son identité recomposée et les frontières de sa subjectivité redessinées. La mise en scène rituelle des troubles dissociatifs induits par le breuvage psychotrope conduit en effet à la diffraction de l’identité et de la biographie du sujet, désormais lue comme le résultat d’un jeu de différents acteurs : le moi et divers êtres non humains. Ce procédé conduit le participant à se dissocier des comportements addictifs pour les attribuer à une agentivité externe, les percevant comme le fait d’entités démoniaques auxquels il convient de s’opposer. Cette dynamique invite finalement au développement de relations protectrices et pédagogiques avec des entités non humaines bienveillantes, relations qui jouent comme on l’a vu un rôle important dans le renforcement et le maintien de l’opposition au comportement addictif. Ces observations nous invitent à faire l’hypothèse que ce sont peut-être les propriétés dissociatives du breuvage hallucinogène qui jouent ici le rôle le plus important dans les propriétés thérapeutiques imputées aux substances psychédéliques. Il est à noter que si ces propriétés dissociatives sont bien connues et documentées dans divers contextes d’utilisation de l’ayahuasca (Reinburg, 1921 ; Shanon, 2002), elles n’ont pas jusqu’ici été considérées comme susceptibles d’être à l’origine des effets thérapeutiques de l’ayahuasca. Il s’agit sans doute là des effets d’un biais culturel lié à la théorie du Soi des Modernes, qui invite à aborder la dissociation comme le signe pathologique d’un trouble de la subjectivation.

52Pour conclure, le caractère thérapeutique du dispositif semble alors moins reposer sur l’efficacité des techniques curatives et prophylactiques proposées − dont les résultats restent bien sûr aléatoires − que sur l’éclairage du « sens du mal » (Augé & Herzlich, 1984) apporté par la mise au jour de relations restées jusque-là invisibles, ainsi que les reconstructions narratives et les reconfigurations identitaires conditionnées par cette dynamique. Dans cette perspective, c’est semble-t-il l’efficacité des mécanismes soutenant la transmission du modèle culturel de l’institution qui a conduit dans le débat public les défenseurs de ces pratiques à vanter les vertus thérapeutiques du rite hallucinogène et ses détracteurs à dénoncer des techniques de « manipulation mentale » et des « dérives sectaires » (Miviludes, 2005). Si la reconfiguration de l’identité et l’intégration d’un nouveau modèle culturel sont apparues ici comme les principaux ressorts de la cure, ces dynamiques sont en effet susceptibles de susciter par ailleurs des difficultés pour certains participants, notamment lors de leur réintégration au sein de leur groupe social d’origine, et comportent des risques de dérives, telles que celles qui ont été observées dans certaines communautés thérapeutiques centrées sur le traitement des addictions (Barker, 1986).

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Mots-clés éditeurs : addiction, chamanisme, Amazonie, spiritualité, hallucination, Takiwasi, hallucinogènes, ayahuasca, rituel, anthropologie, psychédéliques

Mise en ligne 21/09/2020

https://doi.org/10.3917/psyt.261.0035

Notes

  • [1]
    Le terme « ayahuasca » désigne à la fois une liane (Banisteriopsis caapi) et le breuvage dont elle est l’ingrédient principal. Cette boisson aux effets psychotropes et émétiques, utilisée en Amazonie occidentale dans le cadre du chamanisme indigène et métis, et dont l’usage s’est récemment mondialisé, est classée sur la liste des stupéfiants en France depuis 2005.
  • [2]
    La soplada est une technique commune aux pratiques du chamanisme métis péruvien, qui consiste à souffler de la fumée de tabac ou des parfums liquides sur la tête, les mains et le plexus du sujet à des fins de purification et de protection.
  • [3]
    Les malocas sont des constructions traditionnelles d’Amazonie, de forme ovale et au toit conique.
  • [4]
    Afin de préserver leur anonymat, les prénoms des patients ont été modifiés.
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