Couverture de PSYT_243

Article de revue

Discuter et transformer le travail pour réguler les conduites addictives des professionnels

Pages 57 à 82

Introduction : la prévention des conduites addictives en entreprise cible savoirs, rôles et règles professionnels mais avec quels effets réels sur les usages de psychotropes et la santé ?

1Cadrés par la loi n˚ 2011-867 du 20 juillet 2011 relative aux missions des services de santé au travail et par les recommandations du troisième plan national santé travail (PST3 2016-2020), les usages de psychotropes des professionnels s’imposent comme une question de santé au travail. Mais de quoi parle-t-on ? En l’absence d’outil validé permettant d’identifier et d’agir sur les interrelations entre le travail et les usages de psychotropes du côté de l’organisation et des conditions du travail, quelles sont les perspectives mobilisées ? Avec quels effets sur le travail, la santé et les conduites addictives ?

2Les produits psychotropes, autrement désignés comme des substances psychoactives ou des drogues, recouvrent l’ensemble des principes actifs chimiques, ou alcaloïdes, qui agissent sur le cerveau et le système nerveux central, et peuvent provoquer des modifications psychiques et comportementales (Morel et Couteron, 2008). Dans le cadre de notre étude, nous retenons la définition établie par le médecin addictologue Bertrand Lebeau (2002). Il présente le vocable de psychotrope comme « terme général désignant toute substance présentant un tropisme pour le système nerveux central. La plupart des substances psychotropes ou psychoactives peuvent être classées en stimulants, calmants et hallucinogènes. » Toutes ces substances, licites ou non, sont des « pharmakons », à la fois « remède et poison » (Platon dans Derrida, 1972 ; Rosenzweig, 1998 ; Stiegler, 2007), à la fois ressource et danger, pour le sujet et la société. La différence entre effet remède ou toxique n’est pas une question de produit (Roques, 1998), leur caractère licite ou illicite est d’ailleurs essentiellement une convention sociale qui varie en fonction des cultures, des croyances et des pays (Morel et Coll., 2015). Aujourd’hui en France, les drogues légales les plus consommées sont l’alcool, le tabac, le café et les médicaments psychotropes (analgésiques, anxiolytiques, hypnotiques, neuroleptiques, antidépresseurs, thymorégulateurs) (OFDT, 2019). Plus confidentiels, nous trouvons aussi les médicaments de substitution aux opiacés (MSO). Parallèlement, il existe aussi plus d’une centaine de molécules illicites accessibles (tableau français des stupéfiants, 2015), mais les produits illégaux phares ne sont que quelques-uns : il s’agit du cannabis, de la cocaïne, des amphétamines et de l’héroïne, et de leurs multiples déclinaisons synthétiques (OFDT, 2019).

3Tel que mobilisé dans le milieu professionnel, le sens commun de psychotrope, à la fois remède et poison, s’est transformé. Sous l’influence du monde médical et du régime juridique, toute la diversité des recours aux drogues des travailleurs est occultée par la catégorisation médico-juridique du malade/délinquant (Rosenzweig, 1998 ; Crespin et coll., 2015, 2017). Cette catégorisation malade/délinquant s’est cristallisée dans le terme de conduite addictive et d’addiction, dont la signification s’est, au travail, rabattue du côté exclusif du poison, du risque, de la menace sanitaire et sociale. Dans le milieu professionnel, toute la dimension remède pour travailler, se détendre et récupérer de l’alcool, du tabac et des drogues est effacée au profit de la dangerosité, de l’interdit ou de la dépendance. Enfermées et invisibilisées sous le vocable « conduites addictives », nous trouvons toutefois deux réalités différentes et interreliées. La première correspond aux professionnels, dirigeants et opérateurs, présentant des troubles (médico, psycho ou sociaux) aigus et/ou chroniques de leurs usages de psychotropes. La seconde, très largement majoritaire, implique les consommations courantes de psychotropes (médicaments, alcool, tabac, stupéfiants) sans problème manifeste. Dans les deux cas, ces consommations polymorphes peuvent être des remèdes pour travailler, entrer dans les stratégies de santé des salariés et des employeurs et dans l’économie productive des organisations de travail. Contre les idées-forces, les observations cliniques montrent que les personnes qui usent ou abusent de psychotropes n’ont pas nécessairement plus d’accident du travail et en ont parfois moins. Ce qu’en 1995, Alain Ehrenberg qualifie d’« adjuvant chimique de l’action » (Ehrenberg, 1995, pp. 127-128) et que plusieurs auteurs nomment aujourd’hui dopage professionnel. Paradoxalement, si la prégnance de ces conduites dopantes est reconnue scientifiquement (Airagnes, 2018 ; Crespin, Lhuilier et Lutz, 2015 ; Maranda, 2003), socialement (Prix du livre RH 2018 décerné à l’ouvrage Se doper pour travailler, Crespin, Lhuilier et Lutz, 2017) et politiquement (Prisse, 2017), les directions, salariés, médecins du travail, épaulés par des professionnels de l’addictologie, activent des stéréotypes sociaux et des présupposés médicaux et gestionnaires, qui concourent à l’euphémisation, si ce n’est au déni, des dynamiques professionnelles en jeu. Tous ces acteurs s’intéressent peu aux usages réels de drogues (licites ou non) et de médicaments des travailleurs, pas plus qu’à leur sens professionnel (Maranda, 2011 ; Lutz, 2016). La prévention telle que recommandée dans les guides institutionnels (INRS, 2013, MILDECA/DGT, 2012, MNT, 2018) vise à l’acquisition de savoirs, de règles ou de comportements adaptés a priori : « consommer moins c’est mieux », repérer ou contrôler une situation à risque, repérer les acteurs et distribuer le rôle des uns et des autres, actualiser les procédures pour agir en responsabilités. La prévention se développe quasi exclusivement sur des dynamiques d’intervention d’ordre secondaire (actions de cadrage visant les salariés et le couple salarié/risques présupposés) et tertiaire (organisation de la prise en charge des salariés contrevenants ou fragilisés) avec des effets limités, insuffisamment mesurés. La prévention primaire qui vise à agir collectivement et paritairement sur l’organisation et les conditions du travail est encore balbutiante. L’observation et l’action achoppent sur une définition réductrice des psychotropes, pensés exclusivement comme des facteurs de risques professionnels et de la prévention pensée comme une mise en conformité.

4Pour être amélioré, le travail de prévention nécessite de se déprendre du triple enfermement conceptuel (individualisation, normalisation et pathologisation des conduites) qui préside à cette affirmation partielle et partiale. L’intérêt d’analyser les liens entre les usages d’alcool, de tabac, de médicaments psychotropes, de cannabis ou de cocaïne et le travail, du point de vue des professionnels eux-mêmes, ainsi que les risques à ne pas le faire, ont beau être démontrés (Crespin, Lhuilier et Lutz, 2015, 2017), très peu d’acteurs portent activement cette perspective. Mais cette situation évolue, grâce au renouvellement des recherches et des chercheurs (programme Prevdrog financé par la Mildeca/EHESS ; projet SURIPI financé par l’ANSES ; Fettah, 2019 ; Robinaud, 2019 ; Trabuc, 2017 ; Airagnes, 2018), dans l’intérêt de l’innovation en prévention, c’est-à-dire, selon Schumpeter, l’introduction d’un nouveau paradigme dans le milieu de la prévention des addictions, nouveau pour ce milieu (Schumpeter, dans Vian et Hoffman, 2010). Sur le terrain des praticiens, ce changement de paradigme est théorisé et opérationnalisé par l’ANACT (dans le cadre du PST3), l’association Additra (Congrès Travail, santé et usages de psychotropes (TSUP) 2014, 2017, 2020 à venir ; projets TRAACT et STEPP (FACT 2018-02) en cours) et la Fédération Addiction (Guide Renouveler l’intervention sur le travail à paraître en 2019 ; projet TRAACT, 2018-2020), en association avec des équipes de recherche (CRTD/Cnam, CSO/Sciences Po, CERTOP/Université de Toulouse), sur financements publics (Mildeca, FACT, ANSES) et sur fonds propres. Le mouvement prend l’ampleur, il associe mobilise plusieurs prestataires opérateurs du monde de l’addictologie (ANPAA, Oppélia, divers centres et associations d’addictologie indépendants Irema, Addiction Méditerranée, Centre Guillaume Broutet, Les Apsyades, AAT, La Croisée…), des organisations transversales et des réseaux (ISTF, Addictions et entreprise,…) et des consultants en ergonomie (sous l’impulsion du FACT 2018-02 notamment). Il s’agit d’ouvrir « la prévention des pratiques addictives en milieu professionnel » (PST3, 2016-2020) à la prévention primaire, et au maintien en emploi des personnes fragilisées par des problèmes de santé, dont les addictions, du côté de l’amélioration de l’organisation et des conditions du travail (Crespin, Lhuilier et Lutz, 2017 ; Projet FACT 2018-02, ANACT, 2018 ; Lutz 2019). Depuis leurs origines, les travaux en clinique du travail montrent que les usages de psychotropes peuvent aussi être des symptômes, et des masques efficaces, de situations professionnelles problématiques (épuisement et usure professionnelle, troubles musculosquelettiques, risques et troubles psychosociaux). Dans le cadre de l’obligation de moyens renforcés en santé et en sécurité au travail, l’employeur doit complexifier son analyse du côté du travail réel. S’il vise à supprimer les risques liés aux usages de médicaments, d’alcool et de drogues de ses salariés, il doit les analyser prioritairement en prévention primaire, du côté de leur sens professionnel, de leurs liens avec les activités, l’organisation et les conditions du travail réel. Le dirigeant doit réduire les désordres du travail, dont ceux, euphémisés ou invisibles, qui contribuent aux usages de psychotropes, à la résistance aux messages de prévention et au contournement des règles et procédures.

5Dans cet article, nous montrerons que, pour agir de manière éclairée et adaptée, il s’agit de décrire les savoirs d’expérience des professionnels sur leurs consommations de produits psychoactifs, leur santé et leur travail réel. Ces connaissances permettent de sortir d’une définition partielle, souvent erronée, des risques professionnels liés aux drogues. Ces dernières en régulent comme elles en favorisent. Dans un deuxième temps, notre travail interrogera l’éthique, les pratiques et les postures professionnelles communément admises pour intervenir sur les conduites addictives en milieu de travail et leurs effets sur les usages de psychotropes des professionnels et leur santé. Dans un troisième temps, nous formulerons des recommandations. Nos travaux montrent que la prévention doit se déplacer de la posture descendante de l’expertise vers celle compréhensive et systémique de l’intervention clinique. Les dirigeants doivent donner le temps et créer, avec l’intervenant et les salariés, les conditions d’ouvrir ou renforcer des espaces de discussion sur le travail qui contribuent à l’éclairage des fonctions professionnelles des usages de médicaments, d’alcool ou de drogues, et des risques associés, ainsi qu’à la transformation des situations de travail en ressource durable pour la santé. Cette conclusion rejoint celles de la Commission d’audition publique pour la réduction des risques et des dommages qui enjoint au « développement d’études participatives fondées sur la reconnaissance de savoirs expérientiels des usagers » (FFA, 2016, p. 18). Ces recommandations ne font pas table rase des modèles de prévention médico gestionnaires, elles imposent de les compléter du côté des savoirs d’expérience des travailleurs et des disciplines s’intéressant aux liens entre travail et santé.

Le travail : une dramaturgie plus qu’un environnement

6Dès l’introduction de son ouvrage Le travail sous tensions (2010), le sociologue Michel Lallement alerte sur la pluralité des sens du travail et sur le discours réducteur ambiant : « Dans les débats actuels, le travail est souvent décliné au singulier. Cette façon de dire, délibérée ou non, a l’inconvénient de voiler la multiplicité et les disparités des mondes et des conditions dans lesquels s’insèrent les travailleurs et les employeurs. Les lignes de démarcation sont multiples. » Pour Lallement (2007, 2010, 2011), mais aussi Clot et Lhuilier (2010), Daniellou (2015), Pelisse (2018), l’approche compréhensive transdisciplinaire s’impose comme un cadre d’analyse à privilégier. Elle met en évidence la double polarité du travail, à la fois objet de développement et d’usure, d’émancipation et de domination et les modalités de leur régulation. L’ergologue Yves Schwartz (2008) affirme que l’ambivalence est indissociable des dynamiques subjectives et sociales qui traversent le travail et le fondent. Il cite Oddone (1947) : « Oddone a montré qu’on ne pouvait rien comprendre à la production, à l’efficacité, à la productivité, aux conflits sociaux, si on ne comprenait pas que le travail était toujours cette espèce d’ambiguïté entre usage de soi par soi et usage de soi par les autres. » Schwartz affirme que la double polarité du travail n’est pas un problème mais une caractéristique du travail humain. Selon lui (2008), cette « dramaturgie » n’est pas une difficulté, c’est son analyse et plus généralement le déni ou l’impossibilité d’en tenir compte qui posent problème. Quelle que soit leur perspective (sociologie, psychologie, clinique du travail, ergologie), les sciences compréhensives du travail éclairent simultanément les définitions du travail et le travail de définition. Ce travail de définition conditionne l’analyse. En 1948, Lahy écrivait (cité par Leplat, 1993) : « L’analyse du travail est la chose la plus longue et la plus difficile, car c’est elle qui pose avec précision le problème scientifique. Prétendre pouvoir résoudre un problème de cet ordre sans analyse préalable du travail reviendrait à prescrire des médicaments à un malade sans l’avoir examiné ou encore à vouloir perfectionner une machine sans connaître ni sa construction ni son fonctionnement. » La posture analytique prônée par Lahy est au cœur de notre étude.

7Dans cette logique, Schwartz (2008) nous invite à chercher dans les situations de travail les prescriptions et les normes, les tensions entre les normes, les débats qui les accompagnent et leurs conséquences (en termes d’activités et d’effets). Il expose sa pensée dans un exemple critique : « Un des ingrédients du “vrai” travail d’un pilote d’avion dans son cockpit, à côté du second pilote, est de combler ces trous de normes avec ses ressources, son histoire, son savoir. Dans ce cas, l’arbitrage entre usage de soi par les autres – les procédures très technicisées – et toute renormalisation proposée, est un arbitrage qui peut ne pas convenir à l’autre pilote du cockpit. Ce qui fait qu’il y a un nouvel arbitrage entre différents débats de normes, et je crois que le travail est toujours cet arbitrage, et pas seulement dans un cockpit. On est toujours à arbitrer entre ses propres débats de normes et ceux des autres » (Schwartz, 2008). Cet exemple montre comment, d’après Schwartz, l’organisation du travail est simultanément prescription, couplage et arbitrage perception-analyse-exécution-renormalisation de cette prescription. Il décrit l’existence d’écarts entre les activités de pilotage et les tâches prescrites. Ce travail individuel et collectif (il y a ici un débat entre pairs) de reconsidération des consignes en situation (ce que Schwartz appelle le « vrai travail ») se fait en réponse à une évaluation permanente des consignes officielles et des composantes réelles de la situation, des objectifs de production et d’intégrité de soi. Dans une situation donnée, cet arbitrage oppose parfois normes de sécurité et perception subjective de l’action adaptée à conduire. Cette alternative personnelle peut être une violation de la règle sans être une violation de la sécurité effective, bien au contraire, en l’assurant mieux encore que ne l’aurait fait l’application de la règle (Amalberti, 1996).

8Cette contradiction est à ce point nécessaire à la production et à la santé qu’elle est au cœur du concept de fiabilité développé par l’ergonomie (Reason, 1993 ; Leplat, 1985 ; Almaberti, 1996). La fiabilité complexifie le sens de la non-conformité du côté de la régulation et non plus exclusivement du risque. Dans la théorie de la régulation de Leplat (2006), toute activité de travail correspond à « une situation de résolution de problème qui l’oblige [l’opérateur] à recourir à des connaissances issues de sa formation ou de son expérience. […] [La régulation] permet de mettre en évidence l’importance de la notion de but dans l’activité : élaboration et fixation du but, identification et coordination des différents buts, évaluation des résultats de l’action par rapport au but. Il souligne aussi le rôle majeur du traitement de ces écarts au but pour la définition de l’action destinée à les éliminer. » Travailler est un couplage de l’opérateur avec ses tâches et avec ses pairs qui implique plusieurs niveaux interreliés de finalités, de contraintes, de ressources et d’effets. Dans les conditions de fortes tensions entre les exigences et les ressources des prescriptions officielles du travail, les opérateurs externalisent leurs marges de manœuvre en dehors du système direct et immédiat de travail, du côté du champ hors travail et plus généralement de leurs ressources « privées » (dont le recours aux psychotropes), souvent aux dépens de leur santé (TMS, TPS, maladies cardiovasculaires). Les travaux sur la santé au travail montrent qu’elle dépend notamment de la qualité du dialogue et des liens sociaux autour des contradictions et des régulations du travail. Pour caractériser ces dynamiques communicationnelles, (2001, 2011, 2013) propose la notion d’espace de discussion (EDD). « L’espace de discussion est le medium à travers lequel se réalise l’ensemble des arrangements, compromis et bricolages que supposent l’incomplétude de la prescription et le caractère irréductiblement erratique de l’activité concrète. Il est un espace de construction par le dialogue de solutions ou de construits d’action collective entre acteurs interdépendants » (Detchessahar, 2013). Abord de Chatillon et Desmarais (2017, p. 31) alertent sur le fait que tous les espaces dits de discussion ne se valent pas : « Du point de vue des outils existants, il convient de préciser que ces espaces sont nombreux mais souvent détournés d’une réelle discussion sur le travail. » Penser les conduites addictives comme une question de santé au travail engage à prioriser ce type de dynamiques sociales, dans leurs versions centrées sur la régulation effective du travail (Davezies, 2012 ; ANACT, 2015).

Les usages de psychotropes : des pratiques sociales et fonctionnelles

9Dans toutes les sociétés et toutes les époques, les femmes et les hommes recourent aux drogues (alcool, tabac, coca, cannabis, médicaments, en fonction des cultures) parce qu’ils en tirent de nombreux effets bénéfiques (émotionnels, cognitifs, physiques, sociaux, politiques). Qu’elle soit stimulante, sédative, euphorisante, hallucinogène, les individus consomment chaque molécule psychotrope pour les bénéfices qu’elles leur apportent, parfois même si elles ne contrebalancent plus les dommages qu’elles provoquent. Les effets attendus et ressentis sont des consommations et des fonctions individuelles et sociales évolutives qu’elles prennent (Bergeron, 1996 ; Nahoum-Grappe, 2010 ; Hautefeuille, 2008, 2009). Nombre de leurs fonctions traduisent l’effort des sujets pour faire face à des tensions psychologiques, physiques ou sociales (soulager, soutenir, se détendre, éviter le manque). Encouragées par la rationalisation des conduites humaines, de nouvelles configurations de la pathologie et de la souffrance psychique (Kaës, 2012) et par un marketing ciblé, les polyconsommations de produits spécialisés se substituent à la polyvalence des drogues naturelles et l’automédication se substitue à la vitalité des rapports sociaux (Melmann, 2005 ; Bauman, 2006 ; Kaës, 2012). Au cœur de ces évolutions, comme dans l’histoire, le recours à l’alcool, au tabac, aux médicaments, etc., demeure une pratique complexe basée sur des représentations sociales, des fonctions pour l’usager, des satisfactions dans une situation donnée, le regard qu’autrui porte sur lui (sur ses consommations et non-consommations, sur son attitude sous l’effet des produits) et du système de pouvoir et de domination dans lequel il est pris (Becker, 1985). Cette complexité, partagée pour l’ensemble des drogues, entraîne une grande variabilité des usages, pour un même individu et entre les individus. Mais des travaux en sociologie et en psychologie montrent que cette variabilité n’est dénuée ni de sens ni d’intelligibilité.

10Tout particulièrement en milieu professionnel, une des préoccupations vis-à-vis des produits psychotropes porte sur leur « dangerosité » (Parquet, 1998 ; Rosenzweig, 1998 ; Roques, 1998 ; Reynaud, 2002 ; Kopp et Fenogli, 2006 ; Reynaud, 2013). Cette notion caractérise les effets potentiellement néfastes des produits pour la santé et la sécurité, pour le sujet et la société. En 1998, le « rapport Roques » sur la dangerosité des drogues (tabac, alcool, médicaments, stupéfiants), première et unique étude comparative multicritère française, souligne qu’elle ne se superpose pas avec le statut légal des produits. La dangerosité des drogues est en fonction de la dose consommée, des modalités d’usage, de leur utilité fonctionnelle et de l’association de potentialisateurs (substances qui augmentent la réceptivité du cerveau). En 1998, Michel Rosenzweig rappelait que « d’un strict point de vue pharmacologique, entre un poison, un médicament et un narcotique, tout est donc question de dosage et d’usage » (p. 17). Les sciences humaines et sociales montrent l’hétérogénéité des pratiques et l’intérêt de penser les drogues pour ce qu’elles ont toujours été : des pharmakons pouvant être à la fois utiles et dangereux autant aux individus qu’aux sociétés (Morel et al., 2015). Pour caractériser un usage de drogue, la perspective compréhensive ajoute aux caractéristiques pharmacologiques du produit les particularités de la motivation à le consommer, de ses modalités d’acquisition, d’utilisation et d’interprétation et des activités de consommation. Pour le sociologue Alain Ehrenberg (1991), par leurs actions sur les perceptions du corps et les interactions avec les autres et avec le monde, les psychotropes « fabriquent de l’expérience ». Et du point de vue de l’expérience individuelle, les usages de produits psychoactifs sont généralement davantage liés à la notion de bien-être qu’à celle de risque ou de trouble (Hautefeuille, 2009 ; Taieb, 2011). C’est l’expérience, complexe, ambivalente et multifonctionnelle, qui est centrale, pas le trouble. En avril 2016, la déclaration finale de la Commission d’audition publique pour la réduction des risques et des dommages (RdRD) liés aux drogues sous l’égide de la FFA, de la Direction générale de la santé (DGS), de la MILDECA et de la Haute autorité sanitaire (HAS) (FFA, 2016), recommande, aux côtés des études sur les produits et les effets des dosages, de développer les connaissances du côté des usages et des savoirs associés (FFA, 2016, p. 28). Cette recommandation ne doit plus s’arrêter aux portes du travail. Pour améliorer la prévention, nous proposons de coproduire des connaissances du côté des activités de consommations de psychotropes et de travail des sujets, de leurs effets plus ou moins croisés, et des savoirs d’expériences (Rhéaume, 2012) associés.

Une recherche-action qui éclaire conjointement les usages de psychotropes des professionnels, le travail réel et la prévention des conduites addictives

11Notre étude s’inscrit dans le prolongement des travaux déjà entrepris sur l’usage de drogues et les actions de prévention en milieu professionnel. Dans un premier temps, nous avons établi un état des lieux critique de la recherche et de l’action institutionnelle afin de comprendre les connaissances actuelles, leurs modalités d’application dans les entreprises et les services de santé au travail et leurs conséquences pour le travail et la santé. Nous avons étudié l’ensemble des études et interventions, françaises et internationales, traitant directement ou indirectement de ces questions. Nous avons étudié les données épidémiologiques, pharmacologiques, biomédicales et juridiques, généralement utilisées dans les travaux des institutions de référence en santé et sécurité au travail (INRS, MILDECA, DGT, DGS) et nous avons cherché dans les travaux en sciences humaines et sociales (anthropologie, sociologie, ethnologie, psychologie du travail, ergonomie, psychosociologie et psychodynamique du travail) des éclairages sur la question des interrelations entre activités de travail, consommations de substances psychoactives et prévention. Au cours de cette investigation systématique, nous avons constaté l’existence de deux types de production écrite : des articles et ouvrages académiques (écrits scientifiques) et des textes et rapports produits par le milieu institutionnel (État, organismes paritaires et grandes associations délégatrices de service public). Dans une approche compréhensive, nous avons étudié chacun de ces deux corpus et les logiques de leur croisement et de leur articulation. Dans un second temps, nous avons complété ces connaissances et ces pratiques en éclairant certains de leurs angles morts. Il ne s’agit plus de comprendre comment repérer des usages à risque de psychotropes afin de les éviter, mais de décrire les consommations du point de vue des acteurs, d’en comprendre les bénéfices recherchés et leurs conséquences multiples sur le travail et la santé et de transformer leurs composantes professionnelles. Cette dynamique rejoint ce qu’il est commun d’appeler la « prévention primaire » et mobilise la centralité du sujet dans le travail telle que plébiscitée par l’obligation d’adapter le travail à l’homme.

12Nous étudions le continuum « travail, usage de psychotropes, prévention » dans une perspective compréhensive, dans la tradition de la recherche-action clinique basée sur la rencontre entre un (ou des) chercheurs et des sujets « praticiens » de leur vie, de leur travail, de leurs relations sociales. Elle se définit en termes d’ouverture et de dialogue et articule un double projet de connaissance et de changement. Les modalités dialogiques, espace, temps et posture du chercheur, doivent pouvoir prendre soin des questions de chaque protagoniste. Nous inscrivons notre recherche-action dans la tradition de l’analyse du travail. Nous orientons la rencontre avec nos interlocuteurs, d’une part, du côté de la réalité du travail qui inclut l’économie de leur vie psychique et déborde le visible et l’avéré et, d’autre part, du côté de la clinique. La clinique ancre la relation entre le chercheur et le ou les travailleurs du côté non plus d’une simple exploration (question/réponse autour d’une mémoire des faits) mais d’une rencontre créatrice (Lhuilier, 2006). Cette relation complexe n’appartient pas au seul registre de la communication interpersonnelle (respect, écoute, observation, empathie), elle se caractérise autour de la centralité du sens et de son potentiel de transformation. Sa spécificité, à l’opposé des approches causalistes et technicistes réductrices, est de « maintenir ouverte[s] la question du sens et la possibilité de sa coproduction » (Delory-Momberger, dans Niewiadomski, 2012, p. 11). Dans cette démarche générale, notre étude vise à explorer les représentations et les activités réelles de travail, d’usage de psychotropes, de santé et de prévention dans le cadre du poste de travail et des diverses fonctions (de production, d’encadrement, de prévention, etc.) de chacun. Ces thèmes sont du registre de l’économie du vital. Ils sont aussi possiblement stigmatisants et dangereux à aborder pour nos interlocuteurs. Pour respecter au mieux tous ces enjeux, nous avons organisé ce travail en trois dispositifs complémentaires : 70 entretiens individuels avec des dirigeants, des travailleurs et des médecins du travail (entre 2012 et 2015), 15 entretiens collectifs de recherche et des activités participantes de recherche en animant le groupe « Monde du travail » de la Fédération addiction (entre 2015 et 2018).

13Dans le cadre des 70 entretiens semi-directifs individuels et des 15 entretiens semi-directifs collectifs, nous mobilisons la clinique du travail et l’analyse biographique. Six axes de questionnement président à nos discussions : Qu’est-ce que vous faites (techniquement, physiquement, socialement, psychiquement, de manière synchrone et diachrone) quand vous travaillez ? Comment êtes-vous affecté par ce que vous faites ? Qu’est-ce que vous faites quand vous consommez un ou des produits psychotropes ? Comment êtes-vous affecté par ce que vous consommez ? Qu’est ce qui fait risque pour votre santé dans votre travail ? Qu’est-ce qui fait ressource ? Le travail et les usages de psychotropes, liés ou non, que nous cherchons à décrire et comprendre, s’inscrivent dans une histoire qui précède l’instant (celle des sujets, intime, et celle de leur métier, de la prévention, de l’entreprise, etc.). Il convient d’y avoir accès pour pouvoir comprendre le sens des activités et des relations sociales du présent. Ce travail favorise un partage accru du sens, explicite et implicite, de l’activité professionnelle, de l’organisation du travail, de la culture de commandement, de la gestion des risques, des stratégies de santé, des cultures de convivialité, entre le sujet et nous-même (et entre les professionnels dans le cadre des entretiens collectifs). Le récit et l’analyse se construisent dans les sujets sous l’effet de notre intervention. Cette connaissance nouvelle, co-construite avec nous (et les autres professionnels dans le cas d’entretiens collectifs) permet de repérer ensemble de nouvelles marges de manœuvre. Conjointement, le récit lui-même et la connaissance produite deviennent leur propre outil de changement.

14De son côté, le groupe Monde du travail de la Fédération est un collectif pluridisciplinaire de 13 personnes à son lancement en 2015, réduit à dix en 2017 (changements de poste ou départs à la retraite entre temps) dont le but est de produire une réflexion sur la manière de prendre en compte, ou non, le travail des publics cibles, dans ses propres pratiques de soin et/ou de prévention en addictologie et plus généralement dans les services auxquels les membres du groupe appartiennent. La particularité de ce groupe est d’être une « vraie » situation de travail, au sens de Schwartz (2008). La recherche s’inscrit ici dans le cours normal des activités des protagonistes, soit à la fois « prescrites » par les organisations auxquelles ils appartiennent et « réelles », au sens où, en tant que chercheure, nous les observons en train de se vivre, de se construire par les acteurs (dont nous sommes). Ces activités participantes apportent un éclairage complémentaire à la revue de littérature et aux entretiens de l’étude. Elles permettent de construire et de rendre directement discutable l’activité et l’engagement de la subjectivité, et leurs transformations, dans des situations de « production d’un plan d’action » pour améliorer les interventions sur le travail (objectif du groupe). Et elles permettent d’expérimenter les effets de cette approche clinique sur la conduite de la mission elle-même. Ce travail est conduit dans une perspective longitudinale. La recherche a porté sur 10 réunions de travail consécutives, sur une période de 36 mois. Cette approche, avec un aller-retour entre le groupe, leurs situations de travail individuelles et le groupe, a permis de s’intéresser aux transformations des activités et des arbitrages mobilisés en lien avec les usages de substances psychoactives et l’action des protagonistes. Dans le cadre de la recherche-action et de la conduite de leurs missions, les membres du groupe ont accepté d’utiliser le récit de vie et l’analyse biographique comme démarche de travail. La recherche s’est déroulée de 2015 à 2018.

15Toutes les personnes engagées dans l’étude sont volontaires. Elles reçoivent une information détaillée quant au but et à la nature de la recherche. Elles peuvent, à tout moment et librement, quitter le projet. La conduite des entretiens se fait dans un cadre déontologique fondé, en recherche scientifique, sur le principe d’une bonne information et du respect des personnes dans leur autonomie (CCNE, Avis n° 58, 1998). Nous traitons toutes les informations échangées de manière strictement confidentielle et anonyme.

L’analyse des usages de psychotropes des professionnels et de leur travail montre les limites de la prévention officielle des conduites addictives

16Une fois mises en perspective du côté de leur matérialité et de leur sens, les conduites addictives des professionnels apparaissent comme une activité dotée de rationalité interne. Il s’agit de s’intéresser aux motivations à consommer énoncées par les sujets et à l’éventuel sens professionnel de ces motivations. Nous observons que les professionnels prennent, individuellement ou collectivement, en charge les effets des consommations comme du travail pour les réintroduire dans les logiques poursuivies (santé, plaisir, sécurité, tache à conduire). Leplat (2006) parle d’un « phénomène de vicariance qui marque la possibilité d’obtenir le même effet par des voies différentes ». Cette propriété permet à l’opérateur de développer et de mobiliser un réseau de ressources, dont les psychotropes, et de buts afin de suppléer la résistance du réel et d’assurer les différents défis de son travail. Dans une situation donnée, cet arbitrage oppose parfois normes de sécurité (dont celle de ne pas consommer de psychotropes) et perception subjective de l’action adaptée à conduire (dont celle de recourir aux produits pour mieux travailler). En croisant notre analyse relative à l’usage de drogue comme pratique fonctionnelle avec les activités de consommation, le rôle de l’organisation du travail dans le recours à ces produits et les stratégies de santé des travailleurs, cet « art » de préservation et de reconnaissance de soi construit au croisement des activités, des savoirs et de l’« intelligence pratique et rusée », nous sommes en mesure de proposer un essai de typologie de ce que nous appelons les « fonctions professionnelles » de l’usage de psychotropes. Cette catégorisation permet de mettre au jour l’existence d’interrelations entre les différentes composantes du travail et les drogues, de type régulation des tensions et renormalisation de soi. Ces fonctions permettent de comprendre comment certaines situations de travail créent des tensions qui agissent sur les personnes et rendent nécessaire l’utilisation de béquilles chimiques. Ce faisant, de notre point de vue, l’intérêt spécifique de l’éclairage de ces fonctions est de rendre visibles et de s’intéresser à toutes les situations où travailler ne fait plus suffisamment ressource pour le sujet, provoquant souffrance, usure physique ou mentale, qui n’apparaissent nulle part, soigneusement masquées sous l’effet de ces adjuvants trop rarement questionnés dans leur sens professionnel (Crespin, Lhuilier et Lutz, 2015).

17Nous restons confrontés à des paradoxes, les drogues peuvent aider à faire malgré tout et elles contribuent à s’user plus vite. Pour analyser le réel et améliorer l’action, nous privilégions l’analyse des activités de travail, de santé et de recours aux substances psychoactives, analyse inscrite par définition au cœur de la prévention primaire mais absente des guides institutionnels de prévention des conduites addictives en milieu de travail (INRS, 2013 ; DGT/MILDECA, 2012 ; MNT, 2018).

Figure 1

Les fonctions professionnelles des usages de psychotropes

Tableau des fonctions professionnelles des usages de psychotropes
(médicaments psychotropes, alcool, drogues et tabac)
1. Anesthésier pour tenir physiquement et psychiquement : calmer la fatigue, la peur, l’ennui, la douleur, l’angoisse, la pensée.
2. Stimuler, euphoriser, désinhiber : rester éveillé, enchaîner, « assurer », « faire le travail », « se mobiliser », améliorer, optimiser ses capacités mentales et physiques et ses résultats, au regard des exigences du travail.
3. Récupérer : dormir, lâcher prise, se détendre, « redescendre » après des activités intenses, « effet de sas », « décompresser ».
4. Intégrer, insérer, entretenir les liens professionnels : stratégies de présentation de soi et de reconnaissance par le groupe professionnel, entretenir la convivialité, la coopération et la solidarité, manifester l’appartenance.

Les fonctions professionnelles des usages de psychotropes

Extrait de : Crespin R., Lhuilier D., Lutz G. (2015). « Les fonctions ambivalentes de l’alcool en milieu de travail : bon objet et mauvais objet », Les Cahiers internationaux de psychologie sociale, 107(3), 389.

18Cette absence se construit dès le travail de définition de la problématique. Au lieu de mobiliser une approche systémique transdisciplinaire, la prévention telle que déployée dans les entreprises et les services de santé au travail se base sur un enfermement conceptuel (individualisation, moralisation et pathologisation des conduites). Elle définit l’idée de collectif de travail comme une somme d’acteurs et d’activités au lieu de s’intéresser à leur couplage, à la nature et au sens de ce système. Pour l’ergonome De Montmollin, le collectif de travail se définit par la cohérence de ses activités de régulation (Montmollin, 1984 ; Rogalski et Marquié, 2004), activités à élucider, tant elles ne se donnent pas à voir d’emblée. La notion d’élucidation des régulations est ici centrale. Les pratiques classiques de prévention en entreprise (INRS, 2013 ; MNT, 2018) appauvrissent l’idée de collectif du côté de celle de contexte. Elles mobilisent le modèle trivariant (la rencontre d’un individu avec un (ou des) produit(s) dans un contexte donné) (Morel et coll., 2015) à contre-sens. Elles l’utilisent pour prédire la dangerosité du couple produit/individu dans un environnement de travail ou vis-à-vis de l’entourage, pas pour décrire et comprendre le sens et la variabilité des effets du système individu/produit/dramaturgie du travail. La prévention des addictions s’élabore sur les règles et les normes (du travail et des usages de psychotropes) et ignore les dynamiques de régulations (du travail et des usages de psychotropes) qui parfois sont hors-norme et leurs fonctions pour travailler, pour la santé et la sécurité. Elle se déploie généralement sur deux axes :

  • Une approche managériale (gestionnaire) qui organise :
    1. Le cadrage et le contrôle social des consommations de psychotropes
    2. La gestion des situations d’incapacité ou de trouble des conduites au regard des normes et des cadres fixés
    3. Le suivi individualisé des contrevenants aux règles : les soutenir s’ils sont réputés fragiles, les sanctionner si leur conduite est estimée trop dangereuse ou inexcusable.
  • Une approche sanitaire qui organise :
    1. Le repérage plus ou moins précoce des usages de psychotropes des salariés
    2. Le suivi médico-professionnel et l’orientation vers le soin
    3. L’adaptation éventuelle des postes de travail et la restriction de l’aptitude

19Ces deux grands axes d’action se construisent généralement du point de vue de l’employeur et des experts externes, de façon descendante et individualisante, sans véritable prévention primaire ou a minima, rabattue sur une ou plusieurs situations d’usages de psychotropes délimitées dans l’espace et sur ses acteurs directs. Outre le constat de ce manque, la prévention classique des conduites addictives en milieu de travail a contribué à des avancées majeures dans la prise en compte de cette question :

  • Réduction progressive du tabou sur l’alcool, les drogues et les médicaments psychotropes en milieu professionnel, facilitation d’une prise de parole sur le sujet, principalement du côté de l’expertise médicale et juridique
  • Amélioration de l’outillage des employeurs pour organiser leurs obligations légales
  • Amélioration des pratiques et des outils gestionnaires et communicationnelles : rédaction de règlement intérieur, recommandations, logigrammes, outils de dépistage, amélioration des procédures relationnelles
  • Amélioration des pratiques et des outils de repérage et d’intervention des médecins du travail : recommandations pour la pratique clinique (RPC) des médecins du travail, repérage précoce et intervention brève (RPIB) en santé au travail
  • Accélération de l’orientation et de la prise en charge médico-psycho-sociale des professionnels consommateurs problématiques d’alcool
  • Multiplication de recherches, notamment en sciences humaines et sociales, sur les usages de psychotropes des travailleurs et sur la prévention
  • 1er et 2e congrès Travail, santé et usages de psychotropes (tsup) en 2014 et 2017
  • Intégration de la prévention des conduites addictives dans le Plan national Santé travail 2016-2020 et dans les thèmes de travail de l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail)

20La prévention des conduites addictives en entreprise se rabat sur l’autorité patronale et biomédicale, l’obéissance et la conformité. Elle protège et défend trois systèmes de rapports sociaux dans l’entreprise :

  • Les sciences économiques, managériales et sanitaires priment sur la clinique du travail (ergonomie, psychologie ou psychosociologie du travail, sociologie clinique du travail).
  • Le pouvoir de l’employeur prévaut sur celui du salarié.
  • Les savoirs experts et les savoirs professionnels de la direction et des intervenants externes priment sur les savoirs professionnels et les savoirs d’expérience des salariés.

Figure 2

Analyse du point de vue de la prévention primaire des retours d’expériences en prévention secondaire et tertiaire

Figure 2

Analyse du point de vue de la prévention primaire des retours d’expériences en prévention secondaire et tertiaire

(basée sur une slide extraite de : CDG 82, colloque Conduites addictives et santé au travail, Toulouse, 131118)
Figure 3

Renouveler la prévention des conduites addictives en entreprise du côté de la prévention primaire

Figure 3

Renouveler la prévention des conduites addictives en entreprise du côté de la prévention primaire

21Dans cette dynamique, la démarche qualifie de limites et de freins les pratiques non conformes des salariés, tout ce qu’elle voudrait transformer mais ne met pas, ou trop peu, en discussion du côté de son sens professionnel et, ce faisant, échoue à élucider. Coupées des savoirs expérientiels des salariés et des stratégies individuelles et collectives de travail et de santé, les perspectives gestionnaires et sanitaires renforcent leurs propres limites à transformer les usages de psychotropes des professionnels.

22Pour être véritablement globale, la prévention des conduites addictives doit viser un changement qui articule les trois grands niveaux de savoirs disponibles dans les organisations de travail : les savoirs scientifiques et académiques, les savoirs professionnels et les savoirs d’expériences (Rhéaume, 2012). Elle engage une intervention qui doit trouver le temps et les conditions de renforcer ou développer des espaces de discussion sécurisés pour développer les savoirs (académiques, professionnels et expérientiels) manquants sur le travail, la santé et les usages de psychotropes, et pour améliorer l’organisation, les conditions et les prescriptions du travail.

Conclusion : mobiliser les savoirs professionnels et d’expérience des dirigeants et des salariés pour réguler les interrelations entre leur travail et leurs usages de psychotropes

23Usages ? Usages à risques ? Addictions ? Facteurs de risques professionnels ? Symptômes de risques professionnels ? La réponse ne se trouve ni dans le type de produit consommé (licite ou illicite, prescrit ou autoprescrit), ni dans les règles du milieu professionnel (l’armée serait plus légaliste que le milieu artistique), ni dans les statuts des sujets (les consommations de psychotropes des cadres dirigeants et des employeurs seraient moins dangereuses que celles des opérateurs). Elle se construit dans l’étude des rapports entre le sujet, ses produits et ses activités, dans la reconnaissance de la possibilité de ces pratiques réelles et de leur valeur.

24Prendre le temps de déplier ces interrelations, de regarder à la loupe les usages et le travail, d’exposer leurs matérialités réglées ou excessives, licites ou non, sans jugement, donne le relief indispensable à la construction de la réponse à ces questionnements. Face à la multicausalité, à la complexité, et à l’indicible parfois, le clinicien du travail se retrouve comme l’ergonome, « myope, résolument » (Darses et De Montmollin, 2006). Son travail consiste à se rapprocher, se coller aux pratiques réelles, pour les observer, les décrire et les comprendre, avec les travailleurs-usagers de psychotropes et les travailleurs non-usagers, eux-mêmes.

25Innover en prévention des conduites addictives en milieu professionnel, c’est ouvrir la démarche à la prévention primaire, c’est-à-dire aux modèles, aux compétences et aux visées de l’analyse du travail, de la RDR. Cette ouverture nécessite de se déprendre des présupposés médicaux et managériaux classiques. Le sens de l’action en prévention primaire vise le développement dans un processus continu avec les travailleurs, 1) d’espaces de discussion et de négociation conjointement sur le travail, la santé et les usages de psychotropes et 2) des expérimentations organisationnelles pour réguler les usages de psychotropes et les situations problématiques liées aux addictions et non résolues par l’organisation (Arnoud et Falzon, dans Intervenir, 2017, p. 158). Ces situations problématiques non résolues peuvent être : le non-respect des règles relatives aux usages de psychotropes, le recours chronique aux antalgiques forts pour faire face aux TMS, l’objectivation des composantes et déterminants professionnels des consommations, le repérage des usages vs mésusages, les conduites dopantes, la peur de la délation, les pots alcoolisés clandestins, la consommation culturelle de cannabis ou de cocaïne…

26Très étroitement liée à la démarche ethnographique, l’analyse du travail a besoin de temps et articule des observations, des entretiens et une étude documentaire (organigrammes, fiches de poste, plan de formation, données RH, comptes rendus de CHSCT, procédures, règlement intérieur, DUERP, internes à l’entreprise). Les salariés dans leur ensemble sont considérés comme les acteurs des situations et contribuent directement à l’analyse. Celle-ci se construit au fil des interactions dans lesquelles l’intervenant est engagé sur le terrain. Les entretiens croisés avec les observations permettent de comprendre les activités, les systèmes d’acteurs, les ressources et les contraintes de travail, les sources des difficultés à résoudre, les moyens et les manières (déjà à l’œuvre ou à développer) de les dépasser, les fonctionnements quotidiens à modifier et ceux qu’il ne faut pas modifier.

27Les axes majeurs du recueil auprès des personnels sont principalement : le cadre de travail, les choix d’organisation et de management, l’évolution des activités et des décisions touchant le travail, la santé, les fonctionnements réels, les difficultés rencontrées, les régulations individuelles et collectives, les usages de psychotropes. L’intervenant est là pour les professionnels, il renonce à savoir et à comprendre à leur place. Il interroge et écoute les travailleurs pour collecter des éléments descriptifs sur le travail, les stratégies de santé et les usages de psychotropes, des indices sur les faits et leurs sens, et ouvrir éventuellement l’échange vers d’autres points en germe mais non explicités encore. Le but n’est pas de faire parler les travailleurs mais d’explorer avec eux, de déplier une ou plusieurs questions d’activité, de contradiction du travail et d’usages de psychotropes. Il s’agit de favoriser la réflexivité, l’élaboration d’une histoire collective des métiers, des cultures et des activités et l’élaboration de régulations collectives en matière de travail et de santé dont les usages de psychotropes. L’intervenant aide à la mise en lumière des stratégies de performance et de santé, plus ou moins efficaces, en fonction des questions et des situations, et encourage leur mise en discussion.

Figure 4

Intervenir en clinique du travail sur les conduites addictives

Figure 4

Intervenir en clinique du travail sur les conduites addictives

(d’après Ulmann, 2017 et Arnoud et Falzon, 2017)

28La prévention primaire en entreprise, dans les services de santé au travail ou auprès des patients des centres d’addictologie, s’inscrit directement dans l’analyse du travail qui vise à « comprendre comment l’opérateur se débat pour faire son travail, au milieu d’un ensemble de contraintes et de contradictions et quelles conséquences cette action peut avoir sur la performance et la santé » (Daniellou, 2013) et à mobiliser des protections et des régulations collectives plutôt qu’individuelles. L’analyse du travail permet de saisir l’organisation aussi bien du côté de la structure que des interactions. Les modalités de régulation des conduites addictives doivent être élucidées à partir du vécu des acteurs, avec des modèles et des profils complémentaires d’intervention et d’intervenants. Cette perspective n’exclut en effet pas les actions de type secondaire et tertiaire : améliorer les compétences individuelles relationnelles, les circuits de communication et de décision, la mise en conformité des connaissances, des règles et des procédures relatives aux addictions, la gestion de comportements inadaptés au regard de ces prescriptions mais leur opérationnalisation dans la durée dépend de l’analyse du travail préalable et de sa visée d’amélioration des conditions du travail et du pouvoir d’agir.

29L’ambivalence des usages de drogues des travailleurs n’est pas une difficulté en soi, c’est l’impossibilité de l’analyser qui pose problème. Nous observons que, dans le cadre d’une action sécurisée, suffisamment longue, centrée sur l’activité, les professionnels élaborent une nouvelle compréhension de leur utilisation de produits, de ce qu’ils font pour travailler et de ce qui leur arrive. Ils initient des transformations. Nous proposons de déplacer l’analyse de la maladie et du risque vers l’activité et le système social du recours aux drogues. Il s’agit d’établir une prévention des usages de psychotropes qui permette de comprendre leurs bénéfices pour l’organisation du travail et d’agir dessus. La santé dépend de la possibilité d’une parole vivante, individuelle et collective, sur l’activité et de la qualité du répondant des dirigeants. La prise en compte des composantes professionnelles des usages de psychotropes et la volonté d’agir dessus pourrait marquer le retour à l’échelle de l’histoire d’une approche plus humaine et sociale de la société et du travail. Les systèmes d’acteurs et d’actions en addictologie doivent se laisser déstabiliser par les sciences compréhensives du travail (la clinique du travail, l’ergonomie, la psychologie, la sociologie et la psychosociologie du travail) et leurs protagonistes parmi lesquels, et en premier lieu, les travailleurs.

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Mots-clés éditeurs : consommation, psychotropes, prévention, travail, milieu professionnel

Date de mise en ligne : 03/05/2019

https://doi.org/10.3917/psyt.243.0057

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