Notes
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[1]
Médecin adjoint agrégé, Responsable de secteur, Chargé de cours à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève.
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[2]
Docteur en psychologie, Psychologue spécialiste en psychothérapie FSP, Membre du comité directeur de la formation continue universitaire en psychothérapie cognitivo-comportementale.
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[3]
FMH : Federatio Medicorum Helveticorum, organisation responsable avec l’Office Fédéral de la Santé pour l’attribution des titres de spécialiste en Suisse.
La psychothérapie cognitivo-comportementale en 2006
1La psychothérapie cognitivo-comportementale a connu une remarquable évolution au cours de ces trente dernières années. En effet, sous l’impulsion de cognitivistes comme Beck (1979), Mahoney (1974), Meichenbaum (1977), les thérapeutes comportementalistes « purs et durs » de la première génération (se basant essentiellement sur l’association stimulus-réponse et sur l’analyse comportementale) ont été contraints d’admettre que les processus cognitifs contribuent de manière significative aux changements en psychothérapie. Ainsi, depuis 25 à 30 ans, une deuxième génération de thérapeutes, désormais appelés les cognitivo-comportementalistes, a considéré les pensées irrationnelles, les schémas cognitifs pathologiques et les erreurs logiques de la pensée comme pouvant être des cibles directes du changement en thérapie (Hayes, Follette et Linehan, 2004).
2Depuis ces premières générations de thérapeutes, les données sur l’efficacité des Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) se sont accumulées et, comme le rappellent Pomini et Philippot (2001), « il existe des procédures thérapeutiques validées empiriquement pour tous les troubles psychopathologiques reconnus » (p. 9).
3Lorsqu’on parle de TCC aujourd’hui, on remarque des sensibilités diverses selon que l’accent thérapeutique est mis davantage sur des techniques comportementales (prescription de tâches à domicile, plans d’activité, programme de résolution de problème), sur des techniques cognitives standards (mise en évidence des pensées automatiques, formulation du modèle cognitif, recherche d’alternatives) ou encore sur des aspects particuliers liés au développement, à la relation thérapeutique ou aux émotions en séance (Bondolfi et Bizzini, 2002). Récemment, l’école italienne a proposé une approche constructiviste, ou post-rationaliste, en thérapie cognitive. Les auteurs de cette approche (V. Guidano, G. Liotti, G. Arciero, G. Bondolfi) ont d’abord critiqué la rationalité excessive de la thérapie cognitive standard, soulignant que la dimension relationnelle, trop peu considérée jusqu’alors en TCC, représente un des éléments essentiels pour permettre le changement. Ces développements théorico-cliniques récents enrichissent et rendent la pratique des thérapies cognitives plus élaborée.
4Depuis quelques années, une troisième génération de psychothérapies cognitivo-comportementales a été décrite. Toujours ancrés dans la tradition empirique, ces derniers développements élargissent les frontières thérapeutiques au-delà du seul contenu des phénomènes psychologiques. Pour cela, la « troisième vague » des TCC (Hayes et al., 2004) incorpore des éléments d’autres traditions comme la philosophie dialectique, la notion d’acceptation, la spiritualité ou encore la mindfulness.
5Un exemple de cette nouvelle tendance est sans doute l’approche de groupe développée par Segal, Williams et Teasdale (2002) pour la prévention des rechutes dépressives chez les patients en rémission d’une dépression unipolaire récurrente. Ce programme, appelé Mindfulness Based Cognitive Therapy (MBCT ; en français « Thérapie cognitive basée sur la pleine conscience »), intègre des techniques de thérapie cognitive et de méditation.
6Les développements que nous venons de considérer brièvement nous rappellent que l’une des caractéristiques principales de la TCC demeure la constante recherche de l’efficacité clinique à travers sa validation empirique. Pour cette approche, le défi à l’heure actuelle est de réussir à préserver cette exigence en intégrant les tendances plus récentes, expérientielles et épistémologiquement plus complexes. Les programmes de formation doivent refléter ces développements et être en mesure de rapidement revoir leurs contenus en les adaptant aux nouvelles tendances théoriques et cliniques sans toutefois perdre les bénéfices de la tradition.
La formation en psychothérapie cognitivo-comportementale
Données de la littérature
7La revue de la littérature concernant la formation en TCC nous a conduits à mettre en évidence quatre thèmes principaux :
- les prérequis nécessaires pour devenir un thérapeute TCC ;
- les contenus des programmes de formation TCC ;
- les attitudes des participants à ces formations ;
- l’évaluation des programmes.
8a) Concernant les prérequis nécessaires pour conduire une thérapie cognitive de la dépression, Beck (1979) en identifiait quatre :
- le psychothérapeute doit avoir une solide connaissance de ce syndrome ;
- il doit être capable d’identifier le risque suicidaire ;
- il doit rester avant tout un bon psychothérapeute ;
- il doit participer à des ateliers de formation, recevoir de la supervision et suivre des congrès (la lecture d’un manuel ne suffit pas).
9b) En ce qui concerne le contenu, Christine Padesky (1996) considère que les programmes de base en TCC doivent enseigner la conceptualisation du cas, les processus thérapeutiques interpersonnels (collaboration paritaire), tout un ensemble de stratégies/techniques thérapeutiques ainsi que quand et comment appliquer les protocoles de traitement. Une fois les bases acquises, le travail de formation portera essentiellement sur l’habileté à définir simplement des problèmes complexes, à promouvoir les stratégies de changement les plus efficaces pour le patient, à instaurer une relation thérapeutique qui, comme dans le cas de troubles de personnalité, puisse faciliter l’apprentissage de nouvelles règles de fonctionnement. Ces contenus sont optimalisés grâce à des méthodes d’enseignement variées, comportant du matériel à lire, des démonstrations cliniques, des ateliers, des exercices de découverte guidée, etc. La supervision inclut également l’apprentissage de la maîtrise des techniques, de la formulation du cas, de la compréhension des enjeux de la relation thérapeutique, ainsi que du processus de supervision lui-même. Enfin, elle recommande d’encourager le thérapeute à utiliser les stratégies cognitivo-comportementales sur du matériel personnel.
10Aujourd’hui, on dispose de plus en plus de manuels pour l’enseignement des procédures de la TCC. Par exemple, Wright, Basco et Thase (2006) viennent de publier un guide qui contient un ensemble impressionnant d’exercices et de méthodes utiles à la formation en TCC dans les classes, les ateliers et en supervision. Des vidéos permettent de suivre des dialogues socratiques et des exemples de formulation de cas. Des fiches en annexe aident le thérapeute à mieux structurer l’analyse fonctionnelle et les exercices à domicile.
11c) Pour ce qui est des attitudes des participants à la formation en psychothérapie, Freiheit et Overholser (1997) ont interrogé 40 étudiants qui suivaient un programme de formation post-graduée d’une année en TCC comprenant une formation théorique et des supervisions. Le questionnaire d’auto-évaluation évaluait les connaissances, les attitudes et les comportements relatifs à la TCC. Comme on pouvait s’y attendre, au début du cours les étudiants qui avaient déjà une orientation cognitivo-comportementale étaient plus positifs à l’égard de la TCC que ceux qui avaient une orientation psycho-dynamique. Ces différences disparaissaient à la fin du cours. Les auteurs concluent que le fait de participer à un cours portant sur la TCC permet de diminuer les préjugés négatifs à l’égard de cette orientation thérapeutique.
12L’attitude positive à l’égard de l’enseignement de la TCC est mise en relief dans la recherche de Ashworth et al. (1999) qui ont évalué le programme de TCC proposé au Newcastle Cognitive Therapy Centre. Soixante-cinq professionnels de la santé (psychologues cliniciens, psychiatres, médecins généralistes, infirmiers, assistants sociaux, ergothérapeutes) ont été interrogés à quatre reprises pendant une année. Les participants se sont montrés positifs à l’égard du programme, estimant que tous les éléments enseignés pendant le cours étaient importants et appréciant tout particulièrement la supervision. Les médecins affirmaient avoir progressé dans une plus grande mesure que les autres professionnels de la santé.
13Certains articles mettent l’accent sur les difficultés que les participants relèvent lors de l’apprentissage de la TCC. Ainsi, Baley et al. (2003) font état d’études qui mettent en évidence la difficulté d’appliquer les nouvelles compétences aux cas en cours, l’inapplicabilité de certaines méthodes compte tenu de la situation professionnelle, un sentiment de manque de soutien et de supervision de la part des responsables du programme. La non-utilisation des compétences acquises au cours d’un enseignement post-gradué de TCC est également relevée par Swift et al. (2004). Ces auteurs ont interrogé des psychiatres qui ont suivi un programme approfondi de TCC sur l’impact des acquis sur leur pratique. Les résultats montrent que les psychiatres utilisent la TCC avec une minorité de patients et accordent peu de temps au perfectionnement en TCC. Toutefois, les participants à l’enquête se voient eux-mêmes comme ayant un rôle significatif en tant qu’enseignant et superviseur TCC.
14d) Enfin, au niveau des publications sur l’évaluation des programmes de formation, Beutler et Kendall (1995) soulignent le peu de données disponibles ainsi que l’importance de réaliser des recherches dans ce domaine.
15Quelques équipes ont cherché à évaluer l’efficacité de la formation en TCC. Ainsi, Williams et al. (1991) ont demandé aux participants au programme de formation TCC de produire deux cassettes vidéo de séances de TCC, l’une après un premier week-end intensif de formation et l’autre à la fin du programme d’une année. Seulement un tiers des participants (11 thérapeutes) ont été en mesure de fournir ce matériel. Sur les onze, huit participants ont augmenté leurs compétences et un au contraire les a péjorées. A noter que les thérapeutes qui ont fourni le matériel étaient les plus expérimentés. Cette étude a été reprise quelques années plus tard par Milne et al. (1999) qui ont affiné la méthodologie en utilisant une version révisée de l’Echelle de compétence du thérapeute (CTS-R, Blackburn et al., 2001). Les participants au programme de formation ont montré une amélioration significative de leur niveau de compétence, passant du niveau « débutant avancé » au niveau « compétent » selon les critères de l’échelle cotée par des thérapeutes juges.
16Ces dernières années, l’évaluation des programmes en TCC s’est considérablement affinée grâce à la mise au point de nouvelles méthodologies. Par exemple, Myles-Kelly (2001) a évalué le programme de formation d’introduction à la TCC à la Northumbria University (12 semaines pour un total de 48 heures) à travers deux instruments : le Foundation Cognitive Behaviour Therapy Multiple Choice Questionnaire (FCBT-MCQ), qui évalue les connaissances en TCC, et la Video Assessment Task (VAT), qui mesure les habiletés cognitivo-comportementales des thérapeutes débutants. Ce deuxième instrument consiste en une vidéo où un acteur joue un patient souffrant de trouble panique, en décrivant trois symptômes relatifs aux domaines cognitif, comportemental, physiologique et affectif. Les participants sont invités à répondre à des questions ciblées sur ce qu’ils ont vu et à proposer des stratégies thérapeutiques adéquates. L’auteur considère que les deux instruments ont de bonnes caractéristiques méthodologiques et peuvent être recommandés pour évaluer empiriquement les progrès des participants.
17En ce qui concerne la supervision en TCC, de nombreuses publications (Perris, 1994 ; Padesky, 1996 ; Liese et Beck, 1997 ; Townend et al., 2002) soulignent l’importance de pratiquer une forme de supervision spécifique à la TCC, à travers l’utilisation de la découverte guidée et du dialogue socratique, la définition claire d’un contrat entre superviseur et supervisé, l’évaluation des stratégies les plus efficaces pour la réussite de la supervision. Les auteurs ont également mis l’accent sur l’importance de l’utilisation de la vidéo, la distinction parfois difficile entre enseignement et thérapie, la nécessité de s’intéresser à la relation thérapeutique et l’exploration de la relation supervisé-superviseur. Un thème central, plus récent, celui de la supervision des superviseurs, vise à étudier quelles sont les stratégies qui rendent la supervision plus efficace à travers le développement d’instruments de mesure qui permettent de le prouver (Gonsalvez et al., 2002).
18La question de l’expérience personnelle en TCC a été abordée récemment dans un article sur la formation et la supervision dans les thérapies comportementales et cognitives (Cottraux, 2004). Cottraux soulignait qu’en 2002 encore, parmi les critères de l’Association Européenne de Thérapie Comportementale et Cognitive (EABCT), le choix d’exiger une thérapie didactique pour les thérapeutes était laissé au libre choix de chaque pays, sans qu’il y ait d’obligation à l’accomplir. Depuis quelques années nous demandons à nos collègues qui participent à la Formation de base de l’ASPCo (Association Suisse de Psychothérapie Cognitive) une expérience sur soi dans le modèle TCC d’une durée minimun de 20 heures. Comme le suggère Padesky (1996), la TCC demande au patient un engagement particulier, tant sur le plan de la relation que sur celui du travail personnel à accomplir. Il nous est apparu donc opportun et nécessaire de proposer au thérapeute qui se forme à ce type de psychothérapie de pratiquer lui-même ce travail, de faire lui-même l’expérience d’être impliqué dans une relation de nature collaborative et de devoir accomplir un « travail à domicile ». Mais il y a un deuxième aspect qui justifie ce travail sur soi, celui qui a trait à l’exploration des cognitions (pensées automatiques, schémas inconditionnels, postulats de base) et au travail de reconnaissance et de définition des émotions. Nous considérons indispensable pour la formation du thérapeute cognitivo-comportementaliste que ce dernier, avec l’aide d’un collègue expérimenté, fasse l’expérience d’une investigation personnelle, de la découverte guidée de ses cognitions, de ses schémas de fonctionnement et de ses émotions. Tout cela doit se dérouler dans un climat de collaboration et de non-jugement : le choix des problématiques doit être discuté ensemble afin qu’elles soient abordées dans un environnement « sécure ».
19De cette revue de la littérature, on peut retenir que les programmes de qualité :
- définissent clairement quelques prérequis cliniques et théoriques demandés aux candidats à la formation ;
- tiennent compte de l’évolution des modèles, des procédures et des protocoles de traitement en TCC ;
- organisent l’enseignement théorique et une supervision spécifique au modèle de la TCC ;
- encouragent l’expérience sur soi selon l’approche cognitivo-comportementale ;
- se donnent les moyens d’être évalués (conformément à une approche basée sur les preuves empiriques).
La situation en Europe
20En 2004, l’Association Européenne de Thérapie Comportementale et Cognitive (EABCT) a formulé les nouvelles exigences de formation suivantes : au moins 300 heures d’enseignement théorique, dont 150 sur les processus psychologiques de base. Pour les suivis : 10 patients dans trois domaines différents, 4 cas écrits au moins, 75 heures de supervision en TCC, avec 25 heures en « live ». Les supervisions sont individuelles ou en petits groupes de quatre. Il est aussi demandé 100 heures de développement personnel, connaissance de soi en individuel ou en petit groupe (une connaissance éclairée de soi plutôt qu’une thérapie). Une partie est incluse dans la formation à la TCC et une autre est un aspect de la supervision.
21En Grande-Bretagne, pays européen où la TCC est la mieux implantée, la British Association of Behavioural & Cognitive Psychotherapies (BABCP ; 5390 membres) a donné son label de qualité à 32 cours TCC parmi lesquels nous avons choisi deux exemples remarquables :
- L’un des plus anciens, le Oxford Diploma in Cognitive Therapy, est un enseignement qui existe depuis 15 ans et qui est reconnu par le Département de formation continue de l’Université d’Oxford. Ce diplôme de base de la durée d’une année s’adresse aux psychologues cliniciens, psychiatres, infirmiers, assistants sociaux, médecins généralistes, ergothérapeutes et autres professionnels de la santé. Il comporte au total 36 ateliers d’un jour (en partie enseignement théorique, en partie supervision). Les participants s’engagent à suivre deux patients sur l’année, ainsi qu’à fournir des travaux écrits et des vidéos/audio de leurs séances. Ces cours sont ouverts à 24 participants. Depuis 2004, il existe un cours de 2 ans (12 jours par année) pour thérapeutes expérimentés dans le but de les former en tant qu’experts, enseignants, superviseurs et/ou chercheurs dans le domaine de la TCC. Ce programme est ouvert à 16 participants. Les enseignants font partie des thérapeutes les plus connus dans le domaine de la TCC.
- Un autre centre de diplôme anglais très connu et pionnier en la matière, le Post graduate Diploma in Cognitive therapy (University of Durham and Newcastle Cognitive and Behavioural Centre) prévoit un premier atelier d’immersion de 5 jours en septembre, suivi de 35 jours distribués sur une année académique. Cette formation est composée de travail clinique, de supervisions et d’enseignements. Chaque participant est suivi par un tuteur académique et un superviseur.
- L’enseignement général de l’AFTCC (Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive) dure trois années (au total 30 jours de cours) et est ouvert aux psychiatres et aux psychologues cliniciens. La première année est consacrée à l’enseignement des bases théoriques et méthodologiques et à l’initiation aux principales techniques thérapeutiques. Puis les deux années suivantes sont dédiées à l’apprentissage pratique de la conduite des TCC à travers des enseignements basés sur des cas cliniques, des exercices, des jeux de rôle, des analyses de cas vidéo. De plus, les étudiants doivent être supervisés dans le traitement de deux patients par un aîné expérimenté et agréé par l’institut d’enseignement. Ces deux suivis font également l’objet d’un mémoire de fin d’année.
- Le Diplôme Universitaire de TCC de l’Université Lyon 1, créé par Jean Cottraux en 1981, a formé plus d’un millier d’étudiants. Actuellement, un DIU (Diplôme Interuniversitaire) est proposé. Celui-ci associe une Faculté de Médecine (Lyon) et une Faculté de Psychologie (Chambéry), dure trois ans et est fondé sur les recommandations de l’EABCT.
- La formation proposée par l’IRCCADE (Institut de Recherche Comportementale et Cognitive sur l’Anxiété et la Dépression), organe de formation bordelais, dure trois ans. La première année comporte 10 journées avec comme objectifs la connaissance des aspects théoriques et fondamentaux des TCC, l’acquisition des techniques de base issues de ces approches et l’apprentissage d’un savoir-faire concernant la prise en charge comportementale et cognitive de patients dans les domaines d’application majeurs. La deuxième année comporte 8 ateliers de 2 jours sur des thèmes tels que le trouble anxieux généralisé, les entretiens motivationnels, les troubles du sommeil, l’état de stress post-traumatique, le TOC, la dépression, la TCC chez l’enfant et l’adolescent, les dépendances. Ces journées comportent également une partie dédiée à la supervision. La troisième année est destinée à renforcer les compétences : séances de supervision de cas en groupe évaluées par un mémoire clinique. Cette dernière année comporte quatre demi-journées, assurées par deux superviseurs à chaque fois, afin de favoriser au maximum le travail par les étudiants.
- Enfin, l’AEMTC (association belge des TCC) propose aux candidats psychothérapeutes cognitivo-comportementalistes d’apprendre les bases de la thérapie non directive, du counselling et de l’approche motivationnelle, les thérapies validées empiriquement, en veillant à appuyer leur pratique sur les connaissances scientifiques actuelles en psychologie, psychothérapie, psychiatrie et d’autres disciplines connexes. Ils sont formés aux facteurs de la relation thérapeutique qui semblent les plus efficaces. Des stages cliniques (de minimum six mois) et des supervisions cliniques (de minimum 30 heures/ année) facilitent cet apprentissage.
La situation en Suisse
La formation post-graduée en psychothérapie
22En Suisse, la réglementation de la formation à la psychothérapie est clairement définie tant pour les psychiatres que pour les psychologues.
23Pour les psychiatres, les exigences de formation en psychothérapie sont détaillées dans le règlement de formation post-graduée pour l’obtention du titre de psychiatre et psychothérapeute FMH [3] en vigueur depuis 2001. La formation post-graduée en psychothérapie au sens strict doit s’effectuer dans l’un des trois modèles reconnus : psychanalytique, systémique et cognitivo-comportemental, et s’étend sur trois ans au moins. Le candidat est tenu d’acquérir des connaissances de base dans les deux autres modèles reconnus en psychothérapie. Cette formation comprend de la théorie, de la pratique, de la supervision et de l’expérience thérapeutique personnelle. Un minimum de 250 heures de psychothérapie effectuées est exigé, portant sur au moins trois à dix traitements supervisés en continu, sur au moins 3 ans, et s’appuyant sur un minimum de 125 heures de supervision. La moitié des heures de supervision de psychothérapie peut se faire en groupe, à condition que le candidat présente lui-même son travail avec le patient (participation active). Une expérience thérapeutique personnelle approfondie, ou du moins correspondant au modèle de psychothérapie choisi, est demandée au candidat pour l’obtention du titre de spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans la révision du programme de formation qui va entrer en vigueur à fin 2007, un minimum de 100 heures d’expérience personnelle est prévu.
24Pour les psychologues, le règlement de la Fédération Suisse des Psychologues (FSP) pour l’obtention du titre de spécialiste en psychothérapie paraît plus précis et plus ambitieux concernant la question du travail sur soi puisqu’il stipule que «… l’expérience personnelle doit permettre d’expérimenter sur soi la méthode choisie, ce qui favorise simultanément le développement de sa propre personnalité » (cité par Despland, 2004). Elle est de 200 heures, dont 100 heures dans l’approche choisie (dont 50 heures maximum en groupe). L’activité thérapeutique individuelle effectuée avec des clients pendant la formation post-graduée comporte au minimum 400 heures de séances de thérapie avec au moins huit traitements terminés. La supervision s’étend sur au moins 200 heures, dont minimun 100 heures en séances individuelles.
La formation post-graduée en TCC
Suisse alémanique et italienne
25Différentes formations en TCC existent en Suisse alémanique, tant pour les psychiatres que pour les psychologues : à Bâle (Psychotherapeutischer Lehrgang in Kognitiver Verhaltenstherapie im Rahmen der FMH-Spezialisierung ; Psychotherapeutische Weiterbildung in Kognitiver Verhaltenstherapie der Universität Basel), à Berne (Postgraduale Weiterbildung in Psychotherapie mit kognitiv-behavioralem und interpersonalem Schwerpunkt der Universität Bern ; Postgradualer Weiterbildungsgang in kognitiver Verhaltenstherapie, Verhaltensmedizin und weiteren empirisch begründbaren Methoden) et à Zürich (Postgraduale Weiterbildung in Psychotherapie mit kognitiv-verhaltenstherapeutischem und verhaltensmedizinischem Schwerpunkt der Universität Zürich).
26Pour ce qui est de la Suisse italienne, les collègues ont tendance à se former en Italie, auprès de la SITCC (Société Italienne de Thérapie Comportementale et Cognitive) ou de l’AIAMC (Associazione Italiana di Analisi e Modificazione del Comportamento e Terapia Comportamentale e Cognitiva).
Suisse romande
27Pour les médecins, les Hôpitaux Universitaires de Genève et le Département de Psychiatrie de Lausanne proposent une formation post-graduée en psychothérapie dans le cadre d’un curriculum permettant l’obtention du titre de spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
28Plus particulièrement, au cours de la 1re année à Lausanne et lors des 2e et 3e années à Genève, les médecins en formation reçoivent des cours théoriques de sensibilisation aux trois modèles de psychothérapie (dont 12 heures à Lausanne et 20 heures à Genève sont consacrées à la TCC). Durant les 3e et 4e années à Lausanne et durant les 4e et 5e années à Genève, la formation théorique en psychothérapie permet d’approfondir les connaissances dans un des trois modèles de psychothérapie. En plus des cours théoriques, pendant leur formation les médecins ont l’opportunité d’effectuer et d’être supervisés pour des psychothérapies cognitivo-comportementales, s’ils ont choisi ce modèle.
29Pour les psychologues, la Faculté de Psychologie de l’Université de Genève offre un diplôme de 3e Cycle d’une durée de deux ans minimum. Celui-ci a pour objectif de former les étudiants à la pratique et à la recherche dans un domaine de la psychologie clinique. L’accent est mis autant sur les pratiques d’évaluation et de prise en charge (à travers un stage dans une institution) que sur les méthodes de recherche clinique (production, analyse de données et rédaction du mémoire) et l’approfondissement de concepts théoriques (modules d’enseignement). Cette formation sera probablement supprimée dès la rentrée 2006-2007, dans le cadre de la mise en place de la Maîtrise en psychologie et du réaménagement des formations approfondies (réforme de Bologne).
30Finalement, au cours de ces dernières années, des efforts considérables ont été produits par les Universités de Genève et de Lausanne pour développer des formations continues en TCC.
31Ainsi, le Centre de Formation Continue de l’Université de Lausanne offre un Certificat en Méthodes d’intervention comportementale et cognitive, sur deux ans (site web : www.unil.ch/formcont). Il est ouvert aux médecins, aux psychologues et aux professionnels intervenant dans le champ de la santé mentale (ces derniers doivent disposer d’une formation professionnelle équivalente à un diplôme HES et de 2 ans d’expérience pratique préalable dans un domaine de la santé).
32Les objectifs de ce certificat sont d’apprendre les bases théoriques de l’intervention comportementale et cognitive, d’acquérir les principales stratégies et techniques de diagnostic et d’intervention et de réaliser sous supervision des interventions de qualité.
33Le programme de formation se compose de cinq volets pour un total de 570 heures.
- L’enseignement théorique (180 heures) est subdivisé en cours théoriques obligatoires et séminaires complémentaires (études indépendantes). Les cours théoriques obligatoires (120 heures) se composent des 6 modules (théories de l’apprentissage et analyse fonctionnelle, stratégies et techniques d’intervention, troubles anxieux, troubles de l’humeur, psychoses, dépendances). A noter que ces 120 heures correspondent aux 3e et 4e années de la formation post-graduée prévue pour les médecins en formation à Lausanne (cf. plus haut), et que ces cours sont également accessibles à d’autres professionnels de la santé (infirmiers, assistants sociaux, etc.). Les études indépendantes (60 heures) visent l’approfondissement des connaissances ou la spécialisation dans un domaine. Elles correspondent à des ateliers et séminaires choisis de façon indépendante parmi l’offre en thérapie comportementale et cognitive des associations et institutions actives dans le domaine.
- L’activité d’auto-modification (30 heures) a pour objectif de développer l’introspection et la connaissance de soi nécessaires à une pratique de qualité. Elle est organisée par les candidat(e)s auprès de thérapeutes confirmés.
- La pratique d’intervention (200 heures) est également insérée dans le programme de formation. Les candidat(e) s effectuent des interventions thérapeutiques sous supervision dans le cadre de consultations individuelles ou de groupe. Les 200 heures de pratique d’intervention incluent la préparation des séances et la tenue des dossiers. Les candidat(e)s organisent personnellement leur pratique d’intervention, qu’ils adaptent à leur milieu de travail habituel.
- Le programme prévoit 30 heures de supervision individuelle et 30 heures de supervision de groupe. Les candidat(e)s présentent leurs interventions à des superviseurs expérimentés. L’organisation des supervisions revient aux candidat(e)s.
- Le certificat se conclut par une procédure d’évaluation (100 heures) des connaissances assez stricte qui prévoit trois étapes : a) le dépôt et l’évaluation d’un mémoire de cas qui reprend 4 traitements, dont trois sous forme de rapports brefs et un sous forme d’étude de cas approfondie ; b) le contrôle et la validation des attestations indiquant que les candidats ont bel et bien suivi toutes les activités de formation requises (pratique, supervision, expérience personnelle et enseignement théorique) ; c) un examen oral mené par deux experts en thérapie comportementale et cognitive.
- La première filière, d’une durée de 3 ans, est réservée aux médecins et aux psychologues et conduit à l’acquisition d’un Diplôme en psychothérapie cognitivo-comportementale. La formation théorique et clinique est répartie en 3 niveaux d’un an chacun comportant des cours, des ateliers, de la supervision en petit groupe (4 à 6 participants) et une expérience sur soi.
- 3 ans de cours théoriques (384 heures) ;
- 100 heures de supervision ;
- 5 cas de psychothérapie terminés et supervisés (150 heures) ;
- contrôles des acquis et rédaction d’un mémoire (96 heures) ;
- 20 heures d’expérience sur soi en TCC.
- La seconde filière prépare des professionnels de la santé à un Certificat en stratégies cognitives et comportementales dans la relation thérapeutique. D’une durée de 2 ans, le Certificat est ouvert à tous les professionnels de la santé (médecins, psychologues, infirmier(e)s, assistants sociaux, etc.). La formation théorico-clinique est répartie en 2 niveaux d’un an chacun, comportant des cours et des ateliers ainsi que des supervisions en petit groupe.
- 2 ans de cours théoriques (au total 272 heures) ;
- 56 heures de supervision ;
- la mise en pratique des stratégies thérapeutiques enseignées (en individuel et/ou en groupe), structurée et supervisée dans un ou deux des 4 domaines enseignés (56 heures) ;
- contrôles des acquis et rédaction d’un mémoire (66 heures).
Conclusions
34La psychothérapie est à la fois une science et un art. Elle se fonde sur un corpus de connaissances théoriques et méthodologiques en psychologie, en psychothérapie, en médecine et dans les disciplines connexes. Elle met aussi en œuvre les qualités humaines et relationnelles du thérapeute dont la compétence réside dans « le bonheur, l’élégance et l’efficacité avec lesquels il applique les savoirs théoriques et méthodologiques à la résolution des problèmes/troubles d’un sujet singulier » (Huber, 1993).
35La TCC représente l’application de la psychologie basée sur l’évidence à la résolution des problèmes cliniques. Comme pour toute thérapie, elle prend place dans un contrat de soins et à travers une relation thérapeutique, qui est définie en termes de collaboration paritaire. Le fait que les TCC aient, dès leurs débuts, mis l’accent sur la validation empirique des pratiques a permis le développement d’une culture de l’évaluation et de la recherche des preuves d’efficacité. Ceci explique le nombre important des recherches contrôlées dans tous les domaines de la psychopathologie qui ont été conduites des années 1960 à nos jours sur l’efficacité des TCC. Une des conséquences de cette tradition est que la TCC est l’approche psychothérapeutique basée sur les preuves (Evidence Based Therapy) la plus fréquemment enseignée dans les écoles et instituts de formation aux Etats-Unis (Weissman et al., 2006). En effet, s’il y a des raisons pour continuer à enseigner des approches qui ont peu d’évidence empirique, il n’y a par contre aucune justification d’exclure des centres de formation l’enseignement d’une forme de psychothérapie pour laquelle l’efficacité a été démontrée empiriquement. En Europe également, et en Suisse tout particulièrement, psychiatres, psychologues mais aussi d’autres professionnels de la santé mentale, ont désormais à leur disposition une large palette de possibilités de formation de qualité en TCC.
36Ces dernières années, de nouvelles orientations et propositions thérapeutiques ont élargi le modèle de la TCC. Au niveau de la pratique psychothérapeutique, cela nécessite un constant ajournement des connaissances, mais également la capacité de la part du thérapeute TCC de ne pas renoncer aux points forts « historiques » de l’approche. Au niveau de la formation de base, le défi consiste à proposer des enseignements théorique et clinique qui tiennent compte à la fois de l’histoire et des évolutions du modèle, à travers un enseignement multimodal qui comporte l’intégration des modèles comportementaux, cognitifs et constructivistes, l’apprentissage des protocoles d’intervention, une supervision développant les capacités interpersonnelles du thérapeute, la supervision des superviseurs assurant la qualité de l’encadrement et un travail sur soi cohérent avec ce modèle de psychothérapie.
Bibliographie
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : formation, psychothérapie cognitivo-comportementale, evaluation des programmes de formation
Mise en ligne 01/01/2007
https://doi.org/10.3917/psys.064.0211Notes
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[1]
Médecin adjoint agrégé, Responsable de secteur, Chargé de cours à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève.
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[2]
Docteur en psychologie, Psychologue spécialiste en psychothérapie FSP, Membre du comité directeur de la formation continue universitaire en psychothérapie cognitivo-comportementale.
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[3]
FMH : Federatio Medicorum Helveticorum, organisation responsable avec l’Office Fédéral de la Santé pour l’attribution des titres de spécialiste en Suisse.