Notes
-
[1]
Automatisation DEs LIstes.
-
[2]
Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins.
-
[3]
Voir plus bas.
-
[4]
J. Carroy, A. Ohayon & R. Plas (2006), Histoire de la psychologie en France. Éditions La Découverte, Paris.
-
[5]
Décret du 9 mai 1947.
-
[6]
Ohayon, A. « La psychologie clinique en France. Éléments d’histoire », Connexions, vol. no 85, no. 1, 2006, pp. 9-24.
-
[7]
Idem 2.
-
[8]
Communiqué du 24/01/18 : Les psychologues et le remboursement des actes: toute une histoire
Ces dernières années, revient comme une antienne, la question de l’inscription des psychologues dans le code de santé publique. Y aller ou pas, en être ou pas, soulèvent de nombreuses interrogations qui ne relèvent pas que de la simple suspicion ou de l’ambivalence de la profession, même si ambivalence il y a.
Les craintes s’avèrent certainement plus prégnantes du côté des psychologues hospitaliers, dits cliniciens ou non.
Textes fondateurs
1 Comme toute profession à l’assise fragile, les psychologues s’accrochent aux rares textes législatifs fondateurs :
2 Tout d’abord l’article 44 de la loi de 1985 protégeant le titre. Il n’y a pas de hasard à ce que cette protection du titre soit inscrite dans une loi relevant du ministère des Affaires sociales et de la Solidarité sous Georgina Dufoix. En effet, le lobbying de professionnels et d’universitaires de l’époque, largement soutenu par Jean Pierre Sueur alors député à l’Assemblée nationale, s’est tourné, comme allant de soi vers ce ministère. Le terme de protection fera trace chez les psychologues, davantage inscrits du côté de la défense que de la promotion.
3 17 ans plus tard, c’est la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé de mars 2002 rendant obligatoire pour les psychologues en fonction, quel que soit leur champ d’intervention, de s’inscrire sur les listes Adeli [1] applicable par une circulaire de la Dhos [2] en 2003.
4 Pourquoi faire retour sur ces deux textes ? Parce qu’ils sont particulièrement représentatifs des ressorts de notre profession. La crainte majeure de la paramédicalisation, pour une bonne partie justifiée, et le compagnonnage historique avec la médecine et plus spécifiquement la psychiatrie, semblent constituer les deux bornes de notre reconnaissance professionnelle. Sans revenir pour autant à l’Antiquité ni même à la naissance du terme de psychologia au XVe siècle, juste après la Seconde Guerre mondiale, nous pouvons trouver dans l’affaire Clark-Williams [3] une des origines du traumatisme des psychologues, à l’encontre des médecins.
5 L’université nous a transmis que le trépied fondateur de la formation de la psychologie, en France, avait été la philosophie, la médecine et la psychanalyse. La reconnaissance universitaire de la psychologie s’institue dans la nomination de Théodule Ribot (1839-1916), agrégé de philosophie, à la première chaire de Psychologie expérimentale et comparée du Collège de France, en 1888. S’ensuivront Janet (1859-1947), Binet (1857-1911), Piéron (1881-1964), Fraisse (1911-1996). Piéron fonde l’Institut de psychologie à la Sorbonne en 1920. La formation dure alors un an avec 44 étudiants inscrits, 6 seront reçus aux examens.
6 En 1950, alors que les études sont allongées d’une année, 759 étudiants sont inscrits à l’Institut parisien qui est le seul existant. [4]
7 La professionnalisation se formalise quant à elle, tout d’abord par la création d’une licence de psychologie [5] puis par celle d’un certificat de psychologie clinique à Paris-Censier en 1966, sous l’égide de Juliette Favez-Boutonier (1903-1994), agrégée de philosophie, médecin et psychanalyste. Issue de la Faculté de Lettres de Strasbourg elle avait été nommée à la Chaire de Psychologie, dans la suite de Daniel Lagache, philosophe, psychiatre et psychanalyste (1903-1972). Didier Anzieu (1923-1999) lui succédera, ce sera l’un des premiers titulaires d’une chaire de psychologie à avoir un réel parcours universitaire de psychologie.
8 Ces grands noms de la psychologie nous rappellent, si besoin en était, notre sororité avec la médecine et la philosophie, dans les fondements même de notre discipline. Mais si Daniel Lagache se révèle un grand défenseur et promoteur de la psychologie, clinique notamment, il est rapidement confronté à ses collègues médecins qui se montrent beaucoup plus récalcitrants. Quand Louis Le Guillant, psychiatre engagé, « demande à être informé et rassuré quant aux tâches et aux responsabilités que M. Lagache envisage de confier, dans la pratique, aux psychologues cliniciens » [6], Henri Ey se montre plus tranchant :« Je ne vois pas bien pourquoi on nous parle de psychologie clinique et non pas tout simplement de clinique psychiatrique » [7]. D’un côté la volonté de limiter le champ d’action des psychologues, de l’autre une exclusion de ces derniers de l’exercice de la clinique définie comme la possession exclusive des psychiatres. Le temps n’est pas à la collaboration professionnelle. C’est, me semble-t-il, l’affaire Clark-Williams qui, en focalisant les tensions, se révèle symbolique du divorce consommé entre la psychiatrie et la profession émergente des psychologues.
9 Margaret Clark-Williams, psychanalyste non médecin, travaille au Centre psychopédagogique créé par Lagache en 1946. En 1952, des parents portent plainte contre sa pratique lors du suivi de leur enfant. Soutenue par ses collègues psychologues et psychanalystes, elle est acquittée mais le Conseil de l’Ordre des médecins fait appel et elle est condamnée à une peine de principe pour exercice illégal de la médecine. Cet appel signe, en quelque sorte, la méfiance envers une profession et une pratique échappant au modèle médical.
Et aujourd’hui ?
10 Nous pourrions penser que les choses n’ont pas beaucoup bougé depuis 1953, et pourtant… ! D’une part, les psychologues ont gagné en formation, professionnalisation, et très certainement en unité et d’autre part, la reconnaissance de leur travail tant auprès de la population que des instances de tutelle apparaît aujourd’hui indéniable. Par ailleurs, l’expérience de la remise en cause du cœur de notre métier en 2010 avec le titre de psychothérapeute a fait la preuve de la force de l’unicité de notre titre. La profession s’est mobilisée et a permis avec les universitaires et les organisations syndicales, la réécriture de ce texte pour faire valoir nos acquis.
11 C’est cette reconnaissance, notamment, qui a permis la mise en place des différentes expérimentations en cours cette année, l’une dans le champ de la prise en charge de la souffrance des jeunes et l’autre dans celui des troubles anxieux et dépressifs légers et modérés. Ces expérimentations apparaissent dans un contexte politico-économique particulier à un moment où la pénurie de psychiatres et pédopsychiatres se fait cruellement sentir sur certains territoires, nommés déserts médicaux… des déserts construits par une politique libérale en termes d’installation des médecins, sans volonté d’une véritable répartition sur le territoire.
12 L’annonce de ces expérimentations a provoqué moult réactions dans le landernau de la psychologie. A ressurgi violemment la crainte de la paramédicalisation, non sans fondement. Une lecture attentive [8] des protocoles proposés pour ces remboursements révèle l’impossibilité pour le monde médical de penser une prise en charge en dehors de leur validation. Les deux expérimentations ne sont cependant pas à traiter sur un pied d’égalité. Par exemple, l’indécence des tarifs préconisés dans l’expérimentation sur la prise en charge des troubles en santé mentale d’intensité légère à modérée pour les adultes et le déroulé du protocole ne sont pas comparables à ceux de la prise en charge de souffrance psychique des jeunes.
13 L’analyse de ces propositions est difficile. Doiton y voir une reconnaissance des compétences de la profession dans des champs spécifiques ? Ou bien s’agit-il d’une volonté de seulement nous para-médicaliser ? Les choses semblent plus complexes et c’est à notre profession de démêler les enjeux et d’en tirer parti. Nous sommes peutêtre ici dans une position de force, même si c’est une position qui ne nous est pas familière, tant notre souci protectionniste nous aveugle parfois au détriment de nos atouts.
14 Si les psychologues hospitaliers sont sensibles, à bien des titres, au phénomène de paramédicalisation auquel ils sont parfois confrontés, certains psychologues libéraux sont moins méfiants, car ils savent que le partenariat avec le médecin traitant est inévitable. De nombreux patients sont adressés aux psychologues installés en libéral par leur médecin traitant… presque jamais par un psychiatre d’ailleurs. Alors d’où viennent les réticences ?
15 Tout d’abord entre adresse et prescription il y a un monde, au moins symboliquement parlant. Lorsqu’un médecin adresse un patient à un de ses confrères (cardiologue, pneumologue…), il ne prescrit pas de consultation ; en revanche il va prescrire des séances de kinésithérapie ou d’orthophonie.
16 Paradoxalement, ces deux professions sont dites en tension au niveau des hôpitaux, car elles manquent dans de nombreux services et l’attractivité hospitalière n’est pas suffisante. Nous pouvons alors émettre l’hypothèse que les réticences au remboursement de certains psychologues seraient davantage du côté de l’imaginaire que du réel… quoique le protocole Cnam (pour les troubles dépressifs) ne soit pas très ancré dans le réel, à moins de vouloir sciemment précariser une profession. En tout cas, les craintes ministérielles à généraliser les remboursements pour les psychologues relèvent bien, quant à elles, du réel et de la crainte d’un appel à quitter les hôpitaux pour une installation en libéral plus confortable.
17 Le lien entre le remboursement des consultations de psychologie et l’entrée dans le code de santé publique ne va pas de soi, mais se profile néanmoins en filigrane. Il apparait aujourd’hui important d’y réfléchir et d’envisager les avantages et inconvénients.
18 Les professions de santé actuellement inscrites dans le Code sont regroupées en trois groupes :
- les professions médicales : médecins, sages-femmes et odontologistes ;
- les professions de la pharmacie : pharmaciens, préparateurs en pharmacie et en pharmacie hospitalière ;
- les professions d’auxiliaires médicaux : infirmiers, masseurs - kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes et psychomotriciens, orthophonistes et orthoptistes, manipulateurs d’électro-radiologie médicale et techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes et orthésistes, diététiciens, aides-soignants, auxiliaires de puériculture et ambulanciers.
20 Certaines d’entre elles (kiné, psychomotricien, orthophoniste, infirmiers…) disposent d’un décret d’exercice codifié comportant une liste d’actes que les professionnels concernés sont autorisés à effectuer.
21 Il apparaît intéressant d’aller voir un peu plus près ce code de santé publique et comment nous pourrions y trouver notre place.
22 Rédigé en 1957, il est structuré en 6 parties :
- Protection générale de la santé : droit des malades hospitalisés ou non, droit bioéthique, environnement et santé.
- Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant : interruption volontaire de grossesse et aide médicale à la procréation, enfant).
- Lutte contre les maladies et dépendances : maladies mentales, sida, tabagisme, alcoolisme, toxicomanie.
- Droit des professions de santé : professions médicales, professions pharmaceutiques, auxiliaires médicaux.
- Droit des produits de santé : médicaments, produits apparentés dont cosmétiques et dispositifs médicaux.
- Droit des établissements et services de santé : droit hospitalier, laboratoires d’analyses.
24 Notre activité pourrait s’inscrire dans plusieurs de ces parties.
Quels choix pour demain ?
25 Mais, nous, que voulons-nous, quels choix pouvons-nous faire pour l’avenir de notre profession ?
26 La question de sa reconnaissance et de son champ d’exercice est au cœur des préoccupations des psychologues. L’inscription dans le code de santé publique pourrait-elle répondre à ces aspirations ? Sans vouloir heurter la profession, il apparaît judicieux de se saisir de cette question et de se montrer proactif, plutôt que de rester sur un mode protectionniste. Les dernières avancées et interpellations du ministère de la Santé vont dans le sens d’une reconnaissance de nos compétences, sans empiéter sur celles des médecins et des psychiatres.
27 Alors, l’inscription de notre profession (ou de certains de ses actes) dans le CSP peut-elle provoquer ou accélérer ce processus de paramédicalisation tant craint ? Nous ne sommes pas des auxiliaires médicaux, il n’y a pas l’once d’un doute ; relevant des sciences humaines, nous pouvons légitimement penser que nous en sommes loin. Mais l’exercice des psychologues dans le champ spécifique de la santé peut faire craindre ce type de dérive ainsi qu’une possible scission de notre titre. Pourtant, lorsqu’il s’est agi de la protection de notre titre ou de l’obligation de l’inscription Adeli, alors que ces deux mouvements ont relevé du ministère de la Santé, ils ont bien inclus tous les psychologues. Les actes des infirmiers lorsqu’ils sont codifiés, concernent bien tous les infirmiers, quels que soient leur statut ou leurs lieux d’exercice (hospitaliers, de l’Education, etc.).
28 Et si finalement cette inscription, élaborée collégialement et de manière constructive, pouvait au contraire viser à asseoir davantage notre profession et à en protéger les actes sans pour autant l’aliéner ? Nous pourrions de manière optimiste, mais non naïve, en faire le pari.
Notes
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[1]
Automatisation DEs LIstes.
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[2]
Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins.
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[3]
Voir plus bas.
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[4]
J. Carroy, A. Ohayon & R. Plas (2006), Histoire de la psychologie en France. Éditions La Découverte, Paris.
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[5]
Décret du 9 mai 1947.
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[6]
Ohayon, A. « La psychologie clinique en France. Éléments d’histoire », Connexions, vol. no 85, no. 1, 2006, pp. 9-24.
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Idem 2.
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Communiqué du 24/01/18 : Les psychologues et le remboursement des actes: toute une histoire