Couverture de PCP_022

Article de revue

Troubles de l’écriture, clinique projective et aléas de la symbolisation

Pages 245 à 270

Notes

  • [*]
    Sylvie Baudin Massoulier, psychologue clinicienne, psychothérapeute en libéral, graphothérapeute. Membre adhérent à la spf. Maîtrise en histoire médiévale. s.mass@yahoo.fr
  • [**]
    Charlotte Marcilhacy, psychologue, psychothérapeute, docteur en psychologie. Service de Pédopsychiatrie, médecin chef de pôle : Dr Zann, eps Roger Prévot (95 Moisselles). Analyste en formation à la sprf. charlotte_marcilhacy@orange.fr
  • [1]
    Comme l’écrit Bernard Cadoux, « le moment où la trace se sépare du geste qui l’accomplit […] est la mise en scène d’un premier détachement psychique » (1999, p. 66).
  • [2]
    Comme support perceptif et sensoriel, le trait reste « très imprégné, comme mouvement agi, par les sensations visuotactiles, coenesthésiques et kinesthésiques propres au vécu primitif » (Marcilhacy, 2011, p. 178).
  • [3]
    Ex : Empêchement à rompre avec l’image d’une lettre restée en deçà de sa valeur de symbole, comme difficultés à s’extraire de l’imaginaire infantile et de toute la charge projective qu’il contient ; trop grande implication du corps dans un geste d’écriture non symbolisé, mal différencié (Du Pasquier, ibid. ; Marcilhacy, 2006,11,13) et qui témoigne de l’incapacité de l’enfant à abandonner des modes pulsionnels révolus.
  • [4]
    Dans certains cas, son hyper adaptation pourra marquer chez certains le surinvestissement défensif des activités du moi (Marcilhacy, 2006).
  • [5]
    Ex : fortes sollicitations identitaires suggérées par les configurations du Rorschach et par certaines planches du tat.
  • [6]
    Nous nous sommes référées dans le cadre de ce travail à la grille de dépouillement des épreuves thématiques verbales mise au point par Monika Boekholt (1993), qui privilégie la singularité du fonctionnement psychique de l’enfant, compte tenu des processus de changement qui le spécifient. Évolution qui caractérise également l’écriture en voie d’apprentissage de l’enfant.
  • [7]
    Nous remercions Adeline Eloy, graphothérapeute, pour son éclairage concernant l’approche de l’écriture d’Étienne.
  • [8]
    La dysgraphie est une incapacité significative à produire, à un âge donné, et en dehors d’un trouble neuro-moteur, une écriture lisible et rapide.
  • [9]
    Des groupes de mots, parfois des phrases entières sont marquées par de fortes irrégularités portant sur la direction, mais aussi sur d’autres genres (ex. conduite du tracé, pression, forme…).

1Au xvie siècle, Montaigne s’inquiétait déjà des meilleurs principes pour parfaire l’éducation des enfants et il invitait les enseignants à développer chez l’élève sa pensée, à former son jugement, à construire sa personnalité, plutôt qu’à accumuler des connaissances. Cette visée très moderne était destinée aussi à combattre les piètres résultats des établissements d’enseignement car « en tout un peuple d’enfants, ils en rencontrent à peine deux ou trois qui rapportent quelque juste fruit de leur discipline » (p. 183). Qu’en est-il aujourd’hui de façon plus générale de l’entrée dans les apprentissages et des conflits, des questions qu’elle soulève ? Certes le contexte sociologique est bien différent. Mais si l’on se réfère aux avancées de Freud sur la sexualité infantile, à son rôle fondateur dans le développement psychique et à ses avatars psychopathologiques, il apparaît que le petit humain se structure en deux temps séparés par la période de latence, où le refoulement des désirs pulsionnels œdipiens ouvre l’accès notamment à la capacité représentative, l’investissement de la représentation étant un nouveau but pulsionnel. La période de latence témoigne de l’installation du complexe d’Œdipe, du surmoi et d’identifications aux modèles parentaux, dans la reconnaissance de la différence des sexes et des générations. Or, ce fonctionnement idéal, que Freud lui-même estimait rarement atteint ou du moins asymptotique, existe-t-il encore de nos jours ? Dans une recherche récente (Chagnon, 2009, p. 39), « les cas d’enfants de 10 ans non consultants examinés s’écartaient notablement de ce schéma normatif, une seule fillette sur douze enfants y correspondant ». En ce qui concerne les troubles de l’écriture, une étude menée par une équipe autour d’Adeline Gavazzi-Eloy (2014), auprès de 1 264 enfants de l’école élémentaire, témoigne de résultats similaires. Selon ses indications, seuls 10% d’entre eux ont une écriture dite calligraphique, en fin de scolarité primaire. Un peu comme si l’écriture était elle aussi de moins en moins encline à s’assagir dans sa latence calligraphique.

2En cette période de latence riche des possibilités nouvelles de l’investissement de la représentation, nous allons essayer de comprendre quel est l’enjeu psychique de l’entrée dans l’écriture et nous intéresser ici au paradigme des troubles de l’écriture qui engage les aléas de la symbolisation. Nous examinerons les liens entre la psychogenèse de l’entrée dans l’écriture et l’accès à la symbolisation, puis la valeur singulière de l’écrit et son articulation à un fonctionnement psychique particulier. En nous appuyant sur la clinique projective, nous envisagerons les achoppements du passage à l’écrit à partir d’un cas clinique, et montrerons en quoi le conflit psychique peut être chez certains pour partie à l’origine de ce symptôme. Nous évoquerons également les voies thérapeutiques de dégagement.

Psychogenèse de l’entrée dans l’écriture et accès à la symbolisation

3Comme l’explique Alain Gibeault (2010, p. 326), le travail de symbolisation est à l’œuvre dès les représentations de l’art préhistorique. L’homme exprime alors un imaginaire dont les secrets nous échappent tandis que s’opère un travail de transformation de la pulsion qui « à la fois dissimule et montre dans un mouvement de lutte contre la détresse ». Cette trace, projection de soi et invite au regard de l’autre, expose déjà un conflit psychique et une angoisse originelle, issus de la vie pulsionnelle. Le petit humain se confronte lui aussi précocement à cette transformation dans une tentative de représentation de soi et de préfiguration de la séparation d’avec l’objet.

Investissement de la trace et construction psychique

Les débuts de la symbolisation, l’inscription de soi et les premières traces

4C’est très précocement que s’initient les linéaments du processus psychique qui déterminera la possibilité – ou non – du sujet d’accéder à la séparation. La trace de soi en est le marqueur, qui va progressivement se diversifier, s’enrichir et se complexifier au fil de l’évolution psychique du petit humain.

5Elle se construit dans le lien à l’objet dont le bébé dépend pour sa survie et sa sécurité de base. Geneviève Haag (1996, p. 152) fait l’hypothèse de l’existence in utero d’une enveloppe à deux feuillets qui serait « représentant de la peau commune en même temps que frontière ». Cette construction débuterait avant même la naissance dans une continuité des rythmes biologiques liant le bébé à sa mère, représentée par la « boucle de retour ». L’image motrice d’une détente de retour de « la tension vers » soutiendrait alors le sentiment de continuité d’exister.

6Après la naissance, le bébé construit son objet interne en lien avec le développement de ses fonctions psychiques : métaphorisation de la séparation, capacité de fantasmatisation, figuration symbolique, psychisation des pulsions partielles qui se lient en pulsion épistémophilique, s’inscrivent dans la trace. Haag (1995, 1996) rappelle que les premières traces sont rythmiques. Elles constituent une expressivité motrice archaïque dans laquelle vont se constituer progressivement la représentation du corps, de l’espace et de l’objet. L’écriture resterait partiellement liée à cette rythmicité première, anticipatrice et constitutive de la perception des premiers objets et de l’organisation du moi.

7Ainsi chez l’enfant normal (Tisseron, 1996, p. 239), les premières traces apparaissent entre 6 et 18 mois, sous deux formes où le bébé « agit » et métaphorise la situation de séparation dans ses deux versants : tantôt actif, s’identifiant au geste qui écarte ; tantôt passif, identifié à la trace. Les traces inscrivent, par le geste du corps, des situations émotionnelles qui peu à peu permettent l’installation des fonctions psychiques d’introjection et de projection. L’enfant produit, d’une part, plusieurs types de figures auxquels, explique Haag (1996), il s’essaie jusqu’à la fermeture du cercle articulée à la maîtrise sphinctérienne : les pointillages vers 18 mois correspondent à la quête discriminatoire des qualités du corps, de l’espace et de l’objet ; les balayages, vers 18 mois, aboutissent soit au remplissage, soit au serrage, soit au déploiement en dents de scie, inscrits dans la pulsionnalité sadique orale qui annonce déjà la maîtrise anale. D’autre part, il crée les tracés de contact, applications effectuées sans autre mouvement, qui témoignent du « fantasme de peau commune » (Anzieu, 1985) à la mère et à l’enfant, garant de la possibilité ultérieure pour celui-ci d’accéder à la position dépressive. La mise en place du lien précoce serait sous-tendue par l’introjection de ce fantasme. La capacité de fantasmatisation s’initie dans le lien mère-bébé de la « préoccupation maternelle primaire » (Winnicott, 1956), et dans la faculté qu’a la mère de soutenir l’illusion, d’entretenir le fantasme que le bébé « crée » son objet.

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Si ces fondements sont fragiles, nous en voyons parfois la manifestation en graphothérapie, ainsi chez Sébastien (9 ans), intelligent et sympathique, qui imprime la marque de sa manche de pull-over sur la pâte à modeler et peut dire : « Moi, je suis ma mère », dans un moment de régression dans le transfert de la séance.

9Tandis que l’impulsion à tracer est issue du besoin primitif de marquer son territoire ainsi que son emprise sur l’autre, l’expression par la griffe ou par la dent relève des mouvements destructeurs de la pulsion orale. À mesure que le tout-petit gagne en maturation, intériorisant son objet et développant ses fonctions psychiques, la sexualité infantile soutient en lui la pulsion épistémophilique, entée sur la scène primitive.

10Cette étape s’accompagne d’autres développements qui renforcent le moi. Autour de 18 mois, le contrôle visuel se met en place et l’œil peut à présent suivre le geste de la main, sans encore la guider. Dans le même temps s’opère « l’installation des relations au miroir en corps total, sorte de parachèvement du stade du miroir dont on dirait qu’il commence, tel que Lacan (1949) l’a décrit, dans le visage à visage, tandis que là, la sphinctérisation anale, achèvement de la séparation du corps total, se négocie dans les conflits de cette étape, notamment, précisément autour de la maîtrise » (Haag, 1996, p.150). La maitrise anale trouve son expression graphique dans la spirale antihoraire, en lien probablement avec la stabilisation de la forme fermée. Cette étape fondamentale paraît bien inachevée chez nos jeunes patients fixés pour certains à ce conflit, ce qu’ils expriment par un blocage ou une crispation dans leur corps lorsqu’ils écrivent.

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Tel Grégoire, âgé de 8 ans, vif et curieux, qui est pris dans un conflit où le contact avec l’objet tout proche provoque de l’excitation, tandis que la distance de celui-ci génère une angoisse qu’il contre-investit en écrasant le crayon, instrument de sa pulsion d’emprise.

L’installation d’un fond et d’un contenant psychique, les tracés circulaires

La constitution d’un fond psychique

12La construction psychique de plus en plus élaborée de la trace de soi s’étaie sur le lien à l’objet initié in utero et elle se structure dans l’installation d’un fond, condition d’inscription de la trace. Les achoppements de cette intrication apparaissent dans l’empêchement pour certains enfants de poser un fond. Les travaux de Haag (1995, p. 63) auprès d’enfants autistes, psychotiques et pré-psychotiques témoignent des aléas de cette mise en place :

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« Derrière une inhibition massive, ou au contraire dans une compulsion répétitive et destructrice, la trace déborde, perfore, envahit un support qui, surtout s’il est un feuillet détachable, semble bien représenter un état de soi fissuré, perforé, plissuré, envahi, débordé par un mouvement pulsionnel ou émotionnel cherchant désespérément impression sur ou dans un autre devant faire miroir de soi. »

14Cette faille de soi et ce manque d’assise dans la construction du lien primaire compromettent l’entrée dans un processus de symbolisation.

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Ainsi Dimitri, un enfant psychotique empêché d’écrire « en attaché », investit le modèle cursif dans la relation avec la graphothérapeute mais ne peut ensuite le faire évoluer. Il gagne certes en lisibilité et ainsi en gratifications narcissiques, mais il reste fixé à ce qui semble un « dessin de lettres » dans une fixation adhésive, comme une défense face au vide, sans fond. En deçà de la symbolisation, il est de fait empêché d’accéder à la lettre dans sa valence symbolisante.

16La fragilité du lien à l’objet peut s’exprimer lors de l’abord par l’enfant de l’écriture dans une manifestation corporelle – évoquée plus haut – la crispation. Le dessin, lorsqu’il est investi, peut s’offrir comme support de représentations.

17Ainsi Thomas, un jeune garçon de ce2, pourvu d’une imagination riche et capable de reconnaître la réalité, tente de projeter sur le papier des contenants et un fond dont il ne dispose pas intérieurement. Il invente alors les « trous en escalier », inspiré dit-il par le « trompe-l’œil de Michel-Ange ». Le dessin au trait appuyé, produit par la crispation, figure des carrés emboîtés de plus en plus petits et il évoque un « trou noir » où rien ne le retient.

La création de formes contenantes

18Revenons à l’évolution de la symbolisation par la création de nouvelles traces, ou plus précisément de tracés, expression d’une figuration symbolique plus élaborée. Ainsi, entre 18 et 24 mois, apparaissent les tracés circulaires contenants, les formes radiaires, expression de l’intégration de la bisexualité primitive et du déplacement possible vers des formes de représentation de plus en plus secondarisées (Haag, 1995, 1996), et du « bonhomme têtard ». Serge Tisseron (1996, p. 247) voit dans ces nouvelles configurations des représentants symboliques qui témoignent graphiquement de la constitution du moi de l’enfant comme contenant individualisé, de la représentation de l’unité primitive mère-enfant, et enfin d’une mère détachée de soi et marquée par la séparation.

19L’investissement de ces formes marque aussi la possibilité d’accéder à la position dépressive, en voie de constitution dès le deuxième semestre de la vie selon Melanie Klein. Le geste graphique, lorsqu’il peut être investi comme un « objet transitionnel » (Tisseron, 1996), signe la possibilité d’élaboration de la séparation d’avec l’objet, préalable à la mise en place de l’entrée dans l’écriture, comme nous le verrons dans une partie suivante.

20André Green apporte un éclairage métapsychologique sur l’installation de l’objet interne dont dépend aussi la possibilité pour l’enfant d’élaborer la séparation. Le nouveau-né en détresse attend d’une « personne secourable » (Freud, 1895), un étayage. De la réussite – ou non – de l’installation des représentations de cet objet dans sa psyché, dépendent ses facultés ultérieures d’élaboration. Cette construction passe par la capacité d’effacer la mère en tant qu’objet primaire, dans l’hallucination négative : « Ne peut-on inférer que l’hallucination négative de la mère, […] a rendu les conditions de la représentation possibles ? » (Green, 1983, p.127). L’hallucination négative de l’objet primaire et sa survie à la destructivité fantasmatique constituent une phase importante de la subjectivation, car l’enfant qui dispose de la représentation de l’objet a de surcroît accès à l’ambivalence et à la liaison pulsionnelle. Dès lors le moi du nourrisson peut se mobiliser en quête de nouvelles représentations, de substituts à l’investissement de l’objet primaire, ébauchant ainsi un mouvement qu’il retrouvera lors de l’apprentissage de l’écriture. L’objet est conservé en tant que « structure encadrante », par-delà l’épreuve de la séparation primaire. Cette étape le prépare pour une phase ultérieure et d’autres enjeux psychiques.

L’accès à la symbolisation

21C’est une opération psychique du même ordre qu’observe G. Haag (1995, p. 81-85) dans les dessins des enfants. Elle note une évolution du fond qui accompagne la résolution du complexe d’Œdipe. Tandis que le premier fond, on l’a vu, est « représentation de la peau commune, adhésive et symbiotique, en formation grâce aux structures rythmiques des échanges psychiques », il doit normalement se refouler derrière la barrière conscient/inconscient et « passer dans l’encadrement » pour céder la place à un nouveau fond blanc, celui des représentations portant signification langagière du sujet, inscrit dans le « dédoublement d’une horizontale en ligne de terre et ligne de ciel », posant le décor de la triangulation.

22Lorsque les conditions favorables sont réunies, l’enfant peut introjecter la différenciation entre les contenus et processus psychiques conscients/inconscients, la distinction dedans/dehors, la séparation moi/non-moi. Il investit l’expression verbale et graphique de façon concomitante à la symbolisation. Lorsque le lien à l’objet primaire ne permet pas cette expérience intégratrice, se trouve compromise la possibilité pour le sujet de projeter une trace de soi unifiée sur un support. L’enfant crispé dans l’écriture exprime parfois ce besoin d’un contenant et d’un appui.

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C’est ce que semble signifier le jeune Louis, âgé de 9 ans, qui s’interroge en séance de graphothérapie :
– Lui : Qu’est-ce que je pourrais bien dessiner ?… et de la pâte à modeler ?
– Moi : Cela fait peut-être beaucoup ? Qu’est-ce que tu voudrais faire ?
– Lui : Des petits trucs en pâte à modeler pour accrocher sur la feuille et que tout le monde les voie.
À travers l’investissement transférentiel, cet enfant traduit de façon émouvante sa quête d’un fond et d’un appui, adressée au thérapeute, avant de pouvoir se projeter dans la trace.

24Lorsqu’un processus s’installe chez l’enfant normal – ou en graphothérapie dans le lien transférentiel –, peu à peu les traces deviennent des tracés symboliques qui inscrivent par le geste des situations émotionnelles qui vont se psychiser, en introjection/projection, en dedans/dehors (Massoulier, 2013). Elles vont permettre une installation de la représentation de soi et de la séparation, comme le métaphorise si bien le jeu de la bobine du petit-fils de Freud qui tente ainsi de maîtriser la séparation d’avec sa mère. La trace devient alors authentique « trace de soi », inscription sur ce deuxième fond (Haag, ibid.) qui témoigne du processus de séparation et de la triangulation œdipienne. Comme l’analyse G. Haag, l’enfant est en mesure, avec l’entrée en latence, d’investir une troisième dimension qui apparaît dans le dessin, la perspective :

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« La “percée” de ce second fond par la perspective ouvrant des espaces apparemment infinis suppose une nouvelle modification du côté du sujet ; un nouveau “retournement projectif”, non plus de la peau, mais d’un “point de vue”, c’est comme si le “cône” d’une forme radiaire de ce point de vue pouvait se renverser et se multiplier sur de nombreux points de fuite où ciel et terre peuvent à nouveau se rejoindre. Tout ceci se passe au moment où la sphéricité du globe terrestre est proclamée et commence à être explorée. »

26Et cela correspond à l’intérêt croissant de l’enfant pour cette nouvelle forme d’exploration que constitue l’écriture.

Latence et entrée dans l’écriture

L’entrée dans l’écrit : du symbole à la capacité de symbolisation

27Voyons comment se forge le symbole-écriture, support des nouvelles perspectives de l’enfant, et revenons d’abord à la définition du symbole. Le terme grec « symbolon » désigne « un objet coupé en deux, dont deux hôtes conservaient chacun une moitié qu’ils transmettaient à leurs enfants ; ces deux parties rapprochées servaient à faire reconnaître les porteurs et à prouver les relations d’hospitalité contractées antérieurement » (Bailly, 1894, p.1821). Puis l’emploi du mot s’élargit et il caractérise un signe, intermédiaire qui traduit l’appartenance à un groupe et ressortit à un code. Il est ainsi le garant de la relation, du lien au sein du groupe dans une référence à une « loi ».

28Qu’en est-il du symbole et de la symbolique dans le champ psychanalytique ? Freud (1916-1917) s’est attaché particulièrement à la valeur signifiante de la symbolique du rêve, mais il établit des correspondances et lie la symbolique des rêves à celle de l’écriture :

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« La comparaison du rêve avec un système d’écriture semble encore plus à propos qu’avec une langue parlée. En effet, l’interprétation d’un rêve est tout à fait analogue au déchiffrement d’une écriture pictographique antique, comme celle des hiéroglyphes égyptiens. Il y a, ici comme là, des éléments qui ne sont pas destinés à être interprétés, ni d’autre part à être lus, mais qui doivent assurer comme simples déterminants, la compréhension d’autres éléments ».
(Freud, 1913, p. 199)

30Nous pensons que notre système d’écriture garde la trace de façon atténuée et plus suggérée, de cette forme de « paralangage » qui participe du travail de symbolisation.

31Étymologiquement, le terme « symbolon » vient du verbe qui signifie « jeter ensemble, mettre aux prises, comparer, rapprocher, etc. » (Bailly, 1894, p. 1820) et il convie à une action et une élaboration qui mettent en rapport le pulsionnel et le langage. Le symbole-écriture, code arbitraire et modulable, est investi pour opérer cette mise en sens, travail de symbolisation dans sa double valence symbolique et symbolisante.

32En effet le signe, le symbole-écriture, peut être conçu comme une pièce d’un modèle tiercéisé, comme le théorise André Green qui s’inspire des recherches de Charles Sanders Peirce (1839-1914) initiateur de recherches en sémiotique et auteur d’une définition ternaire du signe :

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« Dans une telle optique, le sujet, l’objet auquel s’attache le sujet et l’objet produit par ce rapport constituent une triade irréductible. […] Il y a de l’interprète, non dans le signe, mais par le signe pour un tiers ».
(Green, 2002, p. 266)

34Cette définition ouvre le champ de la relation qui, si elle reste duelle, enferme ses tenants. Initiée par l’« hallucination negative », la relation tiercéisée installe un espace, celui de la relation entre un sujet et un objet, qui se constitue lorsque les objets œdipiens refoulés peuvent être représentés psychiquement dans une « figure de l’absence ». Ainsi le sujet est en mesure d’investir le symbole, figuration du lien intrapsychique entre le sujet et l’objet absent : le symbole-écriture peut se mettre en place et déployer sa double valence dans un processus de transformation de la pulsion.

35Pour l’enfant, il s’agit d’une construction psychique progressive qui débute avec la trace, passe par le dessin-de-lettre pour investir la lettre comme symbole graphique portant signification langagière. Ce cheminement passe inaperçu lorsque tout va bien, et comme on l’a vu, il se construit dans l’ancrage de la sensori-motricité, articulé à l’élaboration de la question de la séparation, préalable à la résolution du complexe d’Œdipe.

Écriture, tierceité et conflit œdipien

Les remaniements du conflit œdipien

36L’entrée dans l’écriture n’est pas la simple continuité de l’élaboration de la question de la séparation. L’enfant, confronté à des enjeux multiples en même temps qu’il doit dépasser le complexe d’Œdipe, est au seuil de la période de latence qui engage, sous le coup du refoulement, « une transformation des investissements d’objets en identifications aux parents, un développement des sublimations » (Laplanche, Pontalis, 1967).

37Auparavant, il a dû évoluer dans ses investissements objectaux. Il lui a fallu renoncer à l’autre comme « objet partiel » qui satisfait les pulsions orales, anales, etc. pour reconnaître en lui un objet « total ». De plus, il a découvert que l’objet est lié à un tiers dans une relation qui lui échappe, protégée de son atteinte par la « censure de l’amante » (Braunschweig, Fain, 1975). L’entrée en latence suppose le renoncement aux objets œdipiens, auxquels l’enfant substitue psychiquement des identifications, soutenu par la promesse implicite que lui aussi, un jour, trouvera/retrouvera son objet d’amour. Ce travail de refoulement et de déplacement est initié dans la relation à la mère dont la « capacité de rêverie » (Bion, 1962) nourrit l’enfant psychiquement, tandis qu’elle lui fait percevoir également son intérêt pour un objet autre que lui. Elle place ainsi le petit humain, dans l’ambivalence des éprouvés, face à une dimension tiercéisée, introductrice à de nouvelles formes de symbolisation.

38L’objet refoulé par les motions œdipiennes subsiste intériorisé dans l’inconscient et inscrit psychiquement dans une représentation, la « figure de l’absence », source pulsionnelle d’investissements qui, pendant la latence, suscite les sublimations et en particulier les investissements culturels et scolaires que soutient le symbole-écriture. Les travaux d’André Green sur le négatif éclairent cette dimension :

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« Le troisième sens [du négatif] – plus difficile à concevoir – se réfère à l’état d’une chose qui, contrairement aux apparences, continue d’exister même quand elle n’est plus perceptible par les sens […]. Il renvoie à la notion d’absence, de latence […]. Dès lors, ce qui n’est plus présent à l’esprit, qui existe à l’état de virtualité (et qu’une évocation pourrait rendre présent), ce qui est absent, peut être dit négatif (par référence à la présence). […] C’est ce troisième sens que rencontre la psychanalyse, puisqu’elle s’intéresse aux représentations inconscientes ».
(1993, p. 30-31)

40À travers l’intégration de cette représentation, les motions psychiques d’un moi en construction relègueraient les objets œdipiens et ceux-ci, intériorisés/absents, pourraient être investis par déplacement sur des substituts parentaux, au service de nouveaux buts. A contrario, la prise en charge des enfants en difficulté avec l’écriture corrobore, semble-t-il, les hypothèses de M.-A. Du Pasquier qui, à la suite de J. de Ajuriaguerra et de J. Bergès « interprète certaines conduites motrices de l’ordre du blocage et de la crispation, effectives dans certains graphismes, comme le refus inconscient de l’enfant de lâcher son emprise sur un mode libidinal révolu » (Marcilhacy, 2013, p. 100).

Les nouveaux buts pulsionnels

41En tant que garant de la représentation de la figure de l’absence, le symbole est investi pulsionnellement dans plusieurs registres. Au niveau identificatoire, il est mobilisé inconsciemment dans la capacité de faire jouer les identifications parentales, de fantasmer, de sublimer. Comme l’ont montré Winnicott (1971) et Roussillon (2001, p.269), la symbolisation est un processus psychique qui permet la différenciation, la création d’une dynamique qui met en jeu les instances psychiques. L’entrée de l’enfant en latence accentue le refoulement de la sexualité infantile, c’est « l’amnésie des premières années », mais la poussée pulsionnelle est « constante », elle entraîne des transformations, sollicite le processus symbolique et créateur. Quant à l’instance surmoïque, « héritière du complexe d’Œdipe », elle indique le cadre, la « loi », et elle permet l’acceptation d’un code, celui de l’écriture.

42Le travail du négatif, consubstantiel du refoulement, permet le déploiement d’un espace psychique. Tandis que « le moi prend possession de son domaine » (Winnicott, 1958), il développe un « plaisir de fonctionnement » par le maniement du langage et d’activités diversifiées (E. Kestemberg et J. Kestemberg, 1966), ainsi qu’un « plaisir de désirer », processus qui joue avec des représentations mentales et permet « l’attente en fantasmant-anticipant un désir érotique ou grandiose assouvi » (R. Diatkine, 1995), contribuant à enrichir les capacités de symbolisation, au fondement de la créativité.

43Dans cette période d’économie narcissique obligée du fait de la disparition du complexe d’Œdipe, l’évolution favorable des enfants dépend aussi de la qualité des investissements des parents dans la réalité, « comme auxiliaires du fonctionnement mental et pourvoyeurs de gratifications narcissiques » (Denis, 1979). Ils appuient ainsi l’apprentissage de la lecture-écriture qui « constitue un moment fécond contraignant à des remaniements dans tous les domaines, abstraction, symbolisation, organisation temporo-spatiale et langage » (Jumel, 2005).

L’avénement de l’écriture

44C’est dans l’élaboration d’une première perte relative au corps à corps et au lien métonymique avec la mère [1], puis d’une seconde, l’intériorisation de la loi calligraphique venant témoigner du renoncement aux objets œdipiens, que l’enfant, par refoulements successifs, accède à la capacité représentative et parvient à s’engager seul, et en l’absence d’étayage imagé, dans l’abstraction alphabétique (Du Pasquier, 2002 ; Marcilhacy, 2006, 2011, 2013). Vient en témoigner l’évolution de son geste qui s’affine en lien avec un objet intériorisé, passant de la décharge et de l’investissement de l’ensemble du corps à une modulation plus subtile qui délègue à la main et aux doigts le geste d’inscription (Barbey, 1996). P. Marty et M. Fain l’observent également : « L’éloignement du sujet de sa motricité pulsionnelle nous paraît jouer un rôle essentiel dans la genèse de la fantasmatisation, de l’intellectualisation » (1955). Il traduit également l’accès pour le moi à la possibilité de se projeter dans un nouvel espace-temps, à travers son maniement des représentations verbales, il est alors prêt à investir les formes motrices dans une nouvelle forme de symbolisation.

45Exploration que vient aussi illustrer l’entrée de l’enfant dans l’écriture, la lettre associée à d’autres lettres constituant alors un mot pourvu de sens. C’est par l’écriture de son prénom qu’il s’y risque et sa jubilation, alors, dit sa fierté de cet ancrage identitaire, attesté aussi dans le regard de l’autre. L’écriture de son prénom, en effet, le « contient », le représente, le figure, à la manière d’un révélateur. L’enfant se « re-connaît » et il peut lâcher son emprise sur un mode libidinal révolu, pressentant déjà que l’ancrage identitaire qui achève la résolution du complexe d’Œdipe le leste psychiquement pour de nouveaux développements. Assuré de sa continuité, et fort de son identité, il peut se projeter dans de nouveaux « fort-da » symboliques et désormais explorer à son compte des champs à découvrir, remettant ainsi au travail des expériences psychiques laissées en suspens.

46Renouvelant à sa manière l’expérience du stade du miroir (Lacan, ibid.), l’écriture de son prénom anticipe les possibilités qui s’offriront à l’enfant plus tard, lorsqu’au-delà de l’apprentissage des lettres, il sera en mesure de les déployer dans leur valence symbolisante, pour un travail de mise en sens de l’expérience et de créativité.

L’investissement de l’écrit et l’éclairage des épreuves projectives

47Entre geste, image et pensée verbale, l’écriture, malgré son investissement langagier, reste innervée par ses soubassements instinctuels, tramée en ses débuts par le travail de figurabilité du rêve (Marcilhacy, 2011). Primitivement équivalent à la chose, le signe aura à s’en éloigner pour accéder à l’écriture. En effet, à l’âge de la latence, le désinvestissement du dessin comme dégagement d’un mode imagé de représentation se rejoue dans l’écriture, avec l’extraction de la lettre désormais signifiante de sa forme iconique et anthropomorphisée. L’intégration de l’image verbale à l’image visuelle décolle la lettre de sa réalité concrète et l’insère dans une signification.

48Nous avons montré ailleurs comment, dans sa contention formelle, l’apprentissage de l’écriture réactualise le dégagement du moi de ses sources corporelles, mode anarchique et parcellaire que le graphisme pré-calligraphique, saturé de participation motrice, a exprimé jusque-là (Marcilhacy, 2006, 2011, 2013). Dans son degré d’organisation et son intégration du code, l’écriture témoigne de l’efficience des procédés de symbolisation et de l’intégration en cours de la maturation pulsionnelle, y compris dans ses aléas.

Écriture et clinique projective

49Abstraction et outil de communication, l’écriture confronte l’enfant à la capacité à penser l’objet en son absence, à écrire seul pour un destinataire absent. De même, comme trace de soi, issue d’une gestualité unique, la sienne, elle l’interpelle au fondement de ses capacités expressives. À la jonction des formes sensori-motrices de la représentation et du verbal, l’écriture met en tension, à l’instar des productions projectives, les deux pôles perceptif et projectif de la représentation : spécificités de la forme, du mouvement, mais aussi façon spécifique avec laquelle l’enfant se saisit de l’espace, caractéristiques de son trait [2]. À travers certains troubles graphiques, l’enfant peut ainsi marquer sa difficulté à penser la perte [3], de même qu’à laisser de lui une trace identifiante, qui le représente. De même, nous avons essayé de montrer (Marcilhacy, ibid.) comment il était possible de retrouver, dans leurs articulations singulières, certaines des conduites repérées aux épreuves projectives, mais aménagées différemment du fait de la spécificité de l’écriture et des remaniements psychiques qui favorisent son apprentissage : bien au-delà, on l’a vu, de l’acquisition d’une seule compétence instrumentale.

50Au cours de sa croissance, l’écriture va se trouver aux prises avec des composantes idéales, inféodée au regard des autres, les parents, le maitre, mais aussi l’idéal introjecté, et traduire « la contradiction entre les forces internes, excitations sensori-motrices qui la marquent dans son trait, et les exigences de l’apprentissage » (Marcilhacy, 2011, p. 186). Dans ses heurts, elle pourra marquer la conflictualité psychique singulière mise en jeu à travers le passage plus ou moins aisé, chez chacun, d’un registre sensori-moteur et perceptif à un registre linguistique [4]. Travail de symbolisation et capacités élaboratives également interpellés en situation projective quoique dans un cadre très différent, à travers les problématiques implicitement suggérées à l’enfant par le matériel, et qui renvoient de façon latente à des conflits universels.

Troubles de l’écriture et failles de la construction identitaire

51La clinique et les tests projectifs nous éclairent sur ces jeunes patients en difficulté avec l’écriture. À propos de l’ouvrage de Paul Marciano qui propose une lecture psychodynamique des troubles des apprentissages fondamentaux, Pierre Delion écrit : « Loin de contester les explications neuroscientifiques proposant des hypothèses de compréhension fonctionnelles des phénomènes en question, un nombre non négligeable d’exemples cliniques montre que ce syndrome peut également survenir dans les histoires d’enfants à des moments et selon des processus sur lesquels la psycho-dynamique a des hypothèses spécifiques à proposer » (2015, p. 22). Les épreuves projectives [5] permettent de prendre en compte dans sa complexité ce qui est mis en jeu par l’enfant pour construire son identité et de repérer les failles à l’origine, comme nous allons le voir à travers l’analyse des productions à la fois projectives et graphiques d’Étienne, de certains avatars du passage à l’écrit.

Vignette clinique

52

Étienne, 10 ans et demi, en cm2, consulte pour comportements agressifs, inhibitions, tristesse et difficultés à entrer dans les apprentissages scolaires, notamment en lecture et dans le passage à l’écrit. Lors du bilan, il se montre agréable et de bon contact. Soucieux de bien faire, il coopère à ce qui lui est proposé. Un peu réservé au début, il est sensible aux encouragements et a besoin d’être mis en confiance. Vu dans le cadre d’une épreuve d’efficience intellectuelle par la psychologue scolaire, les résultats au wisc iv mettent en avant l’hétérogénéité des capacités cognitives, avec des capacités de vitesse de traitement dans la moyenne forte, de raisonnement perceptif dans la moyenne faible, de mémoire du travail et de compréhension verbale dans la zone limite.
a) Rorschach
La juxtaposition de conduites adaptatives et de modalités moins organisées signe là aussi une certaine hétérogénéité du fonctionnement psychique.
– Investissement de la réalité externe et de la pensée
Une tentative de contrôle (ex. F% bas, récupéré par un F% élargi dans la norme) ne se révèle pas toujours efficace. Une certaine variété des modes d’appréhension et des contenus, l’intégration plus ou moins réussie du mouvement, de même qu’une sensibilité au symbolisme latent n’arrivent pas toujours à s’organiser dans des productions qui se caractérisent par une fragilité de l’approche perceptive (F+% bas, banalités des planches III et VIII perçues à l’enquête aux limites seulement). La réalité décroche à certains moments, dans la difficulté de l’enfant à organiser sa vie affective sous le poids de la projection (ex. planches III et VI). L’activité des processus de pensée, patente à certains moments, se voit mise en difficulté à certaines planches, signant par-là la fragilité de l’organisation défensive. A contrario, une représentation des H% et des A% dans la norme, avec une prépondérance de ces derniers témoigne, à d’autres moments, de la possibilité de déplacement des conflits, donc du refoulement. Sauf à la pl. II où elle échoue, l’approche globale est de meilleure qualité. En effet, la tentative d’Étienne pour délimiter en D des entités à travers un découpage du matériel échoue la plupart du temps en de mauvaises formes (ex. pl. X, pl. VIII).
– Traitement des conflits
Là encore, Étienne semble fonctionner à différents niveaux. Pl. I et V, les réponses données font état d’une intégrité de la représentation de soi, mise à mal à la pl. III à travers la prévalence de la polarité archaïque (« mouche », avec atteinte narcissique « qui n’a pas d’aile » et destructivité « saigne »). Confronté à cette même planche à une situation conflictuelle, l’enfant, en deçà de la symétrie, fait état d’une perte des limites (« Ils sont collés »), confusion précédemment évoquée à la pl. II à travers celle des espèces (« bébé souris et bébé papillon »). Planche VIII, la projection d’une représentation humaine inadéquate lui permet sans doute de parer à la réactivation d’une menace de castration, dangereuse pour l’intégrité psychocorporelle.
On repère la même difficulté à soutenir des identifications secondarisées. Planche VI, le repérage de la dimension virile suggérée par le matériel fait exploser dans un second temps l’intégrité narcissique, la problématique identificatoire faisant vaciller des fondements narcissiques et des identifications primaires mal consolidés (« Une guitare qui explose » et à l’enquête : « Corps cassé »). À la pl. IV, et après avoir retourné en son contraire une motion de puissance virile pourtant reconnue, l’expression d’une atteinte narcissique bascule secondairement, comme à la pl. VI, dans la destructivité (« écrasé… mort ») avec la résurgence aux choix d’un surmoi archaïque. La pl. VII est en revanche abordée dans un registre de bien-être, avec un investissement cette fois positif de la bisexualité, et la possibilité de mettre en place une relation libidinalisée.
En lien à une fragilité des assises identitaires et narcissiques, et à une difficulté à soutenir des identifications secondarisées, on observe une difficulté majeure de l’investissement relationnel, le maniement de l’agressivité venant menacer l’enfant dans son intégrité : pas de représentation de relation à la pl. II ; relation évoquée à l’enquête à la pl. III (« dispute »), après une évocation de sang et de fusion ; à la p. IV et à la pl. VI, la possibilité de camper une image de puissance sous couvert d’anonymat se renverse dans l’intentionnalité de destructivité et l’expression d’une culpabilité massive (pl. VI « On lui a mis une bombe. Des méchants ») ; pl. IX, l’enfant parvient néanmoins à intégrer l’expression de l’agressivité anale à travers une kob et de la couleur avec l’évocation d’un archaïque dangereux (« volcan qui se reveille »).
b) tat
Les productions [6] données se caractérisent par l’accentuation d’une vie fantasmatique débridée, chaotique, et par le débordement des capacités adaptatives, en lien à une fantasmatique sexuelle et agressive qu’il ne réussit pas à organiser. Dans un premier temps, certaines modalités autorisent l’amorce d’une mise en scène avec, entre autre, le renvoi à la plupart des planches à l’imaginaire enfantin des contes (if1,2,3,4,5,6). Vite débordés, ces procédés se trouvent relayés par des défenses de type maniaque à travers lesquelles l’enfant cherche à endiguer une déstabilisation massive face à son impossibilité à élaborer la problématique depressive : recours, même s’ils sont peu représentés, à la sphère motrice et corporelle (mc2 pl.1 et 12bg ; mc4 pl.11), recours important aux affects (ra2), fabulation loin des planches (if7), remplissage par des personnages ou animaux non figurant sur l’image (if1), de même que surinvestissement, à certaines planches, de la qualité de l’objet (re5). Son utilisation de l’idéalisation vise sans doute à lutter contre l’ambivalence suscitée notamment par l’image paternelle. On relève, aux planches anobjectales essentiellement, d’autres défenses narcissiques (insistance sur les qualités du matériel (re4), le cadrage, les délimitations et les supports (re3)), processus à travers lesquels l’enfant cherche à renforcer des limites précarisées par l’absence d’étayage figuratif du matériel.
La désorganisation de la pensée, la massivité à certains moments de la projection et les nombreuses confusions identitaires qui parsèment les récits s’inscrivent sans doute, en dernier lieu, au service d’un certain colmatage du vécu de perte réactivé par l’agressivité, non assumable en tant que telle. Des récits foisonnants, vite incompréhensibles, autant par leur contenu où prédominent la destructivité et la persécution que par leur construction narrative, signent alors, dans leur débordement, la précarité voire la faillite du refoulement. C’est d’autant plus le cas aux planches anobjectales, l’insuffisance de support tangible déstructurant l’organisation défensive (pl. 10, 11, 12bg, 19 et 16). Massivement représentée, la projection vient la plupart du temps désorganiser les productions, surtout à partir de la pl. 8bm. Malgré des tentatives de moduler ces émergences primaires par le contrôle (oc1, oc2, oc3, oc4, oc5), le recours à l’imaginaire et au fantasme se concentre essentiellement sur les procédés if7, if8, if9, et interrogent alors la capacité de l’enfant à différencier imaginaire et réalité.
Déstabilisé par ces débordements, le langage, dans ses nombreuses défaillances, témoigne de la fragilité identitaire (oc9, oc10), le recours au déni et l’alternance aux mêmes planches entre différentes modalités défensives rendant compte par ailleurs du clivage.
c) L’écriture
Selon notre hypothèse, les failles dans la construction d’un contenant psychique peuvent éclairer certains avatars du passage à l’écrit [7]. Dysgraphique [8], l’écriture d’Étienne, enfant gaucher, est en écho avec le matériel projectif, impactée, comme non refoulé corporel, par de nombreuses difficultés d’ordre graphomoteur : inégalités de dimension, de la prise d’espace avec interlignes et intermots inégaux, pression du trait également inégale, conduite heurtée, continuité et mouvement caractérisés par de nombreuses soudures, des collisions et des suspensions. Les irrégularités de la zone médiane avec certains mots très grands, des formes dilatées, comme pour combler un manque, d’autres en souffrance, cabossées, des changements de train [9], un trait léger, plutôt pâteux malgré les inégalités, une signature très différente du texte témoignent, dans leur articulation spécifique, des fluctuations du sentiment et de l’estime de soi, des variabilités du comportement, d’une hypersensibilité à l’environnement externe, de même que de la difficulté d’affirmation de l’enfant. Une prédominance du noir malgré le manque d’intensité d’un tracé à l’allure incertaine évoque, comme dépendance aux supports externes, l’ « Insistance sur les qualités sensorielles du matériel » (re4) apparue au tat (Boekholt, 1993), mais aussi la sensibilité dysphorique exprimée à certaines planches du Rorschach. Un peu comme si, en se concentrant dans sa matérialité sur la surface d’inscription, l’enfant cherchait à se défendre d’une impression de manque suscitée par le non-inscrit de la feuille, de même qu’à la remplir.
Toutefois, avec sa forme arrondie et ses arcades, l’écriture est appliquée, dans l’effort fait par l’enfant pour accrocher au support tangible constitué par le modèle calligraphique, pétri dans son essence de composantes idéales. Ainsi, Étienne cherche peut-être à se valoriser, marquant par là son besoin d’être à la hauteur, de se sentir considéré et de répondre à ce que l’on attend de lui. Sa difficulté à maintenir son effort et à faire face se retrouve toutefois dans les retouches, les tentatives de verticalisation et de redressement d’une écriture marquée en même temps par les fortes irrégularités de sa direction, des effondrements toniques à travers des lâchages, une pression inégale. Les mots restent néanmoins plutôt cernés, encadrés par de petites marges, celle de gauche tenue et, malgré une conduite heurté, une liaison à peu près maintenue. Peut-être retrouve-t-on dans cette conduite la quête d’un appui, d’une enveloppe délimitante et d’un contenant apparue au tat (re3), l’enfant cherchant à suppléer la défaillance de l’objet interne par la recherche d’un cadre sécurisant ? Et ce d’autant plus que l’écriture, dans la texture peu dense d’un trait perméable, aux bords irréguliers, mal défendus et, on l’a vu, des inégalités en tout genre, marque sans doute l’insuffisance de l’ancrage anal.

Épreuves projectives et résolution œdipienne

53Dans la foulée de la résolution œdipienne, l’accès à l’écriture entérine la possibilité de l’enfant de penser l’objet en son absence, dans une désaffection de la pensée visuelle du dessin et une tempérance de sa motricité au service de la pensée. De leur côté, les épreuves projectives, Rorschach et Thématiques, permettent d’appréhender la façon avec laquelle l’enfant va réussir à réélaborer la position dépressive réactualisée par le renoncement œdipien, et à s’inscrire dans le processus identificatoire. Également proposé à l’adulte, le tat pourra se révéler potentiellement excitant parce que capable de solliciter chez l’enfant des représentations de scènes primitives. Monika Boekholt rappelle que, de ce fait, il mettra de façon spécifique à l’épreuve la capacité de l’enfant de la latence « de moduler, de négocier les messages pulsionnels, au moyen de la forme symbolisée d’un récit » (1993, p. 146).

54Les épreuves projectives permettront donc d’évaluer la qualité des défenses de l’enfant à travers, entre autres, sa capacité à tempérer sa vie fantasmatique sans la réprimer, dans ce qui s’apparenterait alors à une coupure d’avec ses sources instinctuelles. À ce propos, Monika Boekholt évoque l’externalisation possible de conflits psychiques abrasés « soit par le biais de la pathologie comportementale et/ou somatique, soit par celui d’une adaptation conformiste exagérée » (ibid., p. 29). Mais sans se laisser déborder non plus par une fantasmatique désorganisante, comme nous avons pu l’observer ci-dessus.

55

Revenons à Étienne. Aux épreuves projectives, la négociation difficile entre expression pulsionnelle et défense, satisfaction et interdit, met à mal Étienne, en difficulté pour négocier la rivalité et le maniement de l’agressivité. Malgré une résonance tangible à la symbolique sexuelle, il n’est pas suffisamment armé pour affronter la conflictualité œdipienne.
Au Rorschach, bien que posées, la différenciation sexuelle et la triangulation ne paraissent pas véritablement structurantes. La problématique de castration semble en effet renvoyer l’enfant à la perte par non-élaboration de la position dépressive. La confrontation au registre identificatoire s’avère de ce fait difficile et le fragilise dans ses fondements narcissiques, identitaires et la représentation de soi. Néanmoins, la variété des procédés défensifs sur fond de dépendance objectale lui permet à certains moments de s’appuyer sur des modalités cognitives et représentatives un peu plus élaborées et de soutenir ponctuellement certains mouvements identificatoires.
Au tat, la situation œdipienne, de par ses sollicitations incestueuses ou agressives, fait basculer les capacités adaptatives d’Étienne à travers une fantasmatique aux consonances destructrices ou extrêmement crues (ex : planches 2, 6bm , 7bm, 8bm, 10) et le désorganise dans ses repères. L’expression d’un surmoi aux consonances archaïques ne favorise pas la contention du mouvement pulsionnel et le maintien du conflit psychique dans un registre symbolique tempéré.
Ces différentes conduites trouvent leur illustration graphique. Malgré une conduite adaptative, un tracé arrondi témoignant dans son faciès un peu enfantin d’un effort d’application pour se conformer au modèle, l’écriture reste mal dégagée de sa motricité pulsionnelle, dans la difficulté de l’enfant à réguler sa vie psychique au service de nouveaux buts. Pourtant, à travers une continuité plutôt liée malgré les soudures, un geste type sur le N majuscule stylisé, des combinaisons astucieuses, l’enfant essaie malgré tout de s’accrocher, de trouver des solutions personnelles parfois habiles, mouvement de personnalisation calligraphique qui répond sans doute à la quête identificatoire sur fond de grande précarité psychique, en jeu chez ce jeune pré-adolescent.

Conclusion

56Aboutissement d’un processus installé dès les débuts de la vie, la possibilité pour l’enfant d’entrer dans le symbole-écriture est le vecteur d’une nouvelle expansion de son moi, ainsi introduit à approfondir et élargir ses investissements cognitifs et affectifs indissolublement liés (Debray, 2000). Elle le soutient dans l’exploration de « l’aire intermédiaire d’expérience […] [qui] subsistera tout au long de la vie, dans le mode d’expérimentation interne qui caractérise les arts, la religion, la vie imaginaire et le travail scientifique créatif » (Winnicott, 1971, p.25).

57Dans une perspective psychodynamique, nous souhaitons aussi montrer comment l’approche projective peut apporter son éclairage dans la compréhension, toujours à affiner, du sens profond que peut revêtir, chez certains enfants, l’accès à l’écriture, « médium à teneur hautement symbolique » (Marciano, 2015), y compris dans ses troubles.


Annexe

Étienne (10 ans, 6 mois) : Rorschach

tableau im1
I 1 – [V] Un scarabée. Il vole. C’est bon. L’ensemble. La tête du scarabée, les ailes. Le corps. Ça bouge. G kan + A II 2 – Un papillon. 3 – [V] Une chauve-souris. 4 – Et des bébés. (Rouge inf.) (Deux parties noires latérales) (D rouge sup.) Bébé souris et bébé papillon. D F+ A G F-A D F-A III 5 – [V] Une mouche qui a pas d’oreilles. Et qui saigne. (Partie inf. médiane). Les pattes (D noirs lat. inf). Sang (D rouges lat sup.) E.L. Oui. Ils sont collés. Entrés à l’intérieur de l’autre. Fusionnés (DF-H Sym) Réponse additionnelle : Deux hommes qui sont pas heureux. Se disputent (Rouge sup) (D F-H/scène) Dd FC A/Sang IV 6 – Un homme qui est caché derrière un arbre (me redonne la planche). L’ensemble. Il est grand avec ses pieds. Ses jambes. Son corps. Ses mains. Sa tête. (Partie médiane inf.) Là c’est l’arbre. Il l’a cassé. Pour s’assoir. G F+ H/bot Clob V 7 – [V] Un aigle avec deux becs. Et qui vole. L’ensemble, avec les ailes (2 parties latérales) ; le bec (saillies méd. inf.) ; les pattes (saillies méd. sup.) G kan+ A ban VI 8 – [V] Une guitare qui explose. L’ensemble. Début de la guitare avec du feu (Partie sup) ; corps qui est cassé (partie principale inf.) G kob obj/explosion VII 9 – Deux animaux qui se rencontrent dans la forêt. Queue, pattes, poche (tiers médians latéraux) ; roche (tiers inférieurs) ; tête des kangourous (tiers sup. latéraux). Après, ils vont se marier. D/G F+ A/Pays. kan VIII 10 – Deux hommes qui grimpent dans une montagne. Et je vois rien d’autre. L’ensemble. Jambes, tête, mains (parties roses latérales) ; sommet (Gris sup.) Long parcours, montagnes qui changent de couleur. E.L. Léopards roses. Sans queue. D/G KC-H/pays. IX 11 – Un volcan qui est réveillé, et qui crache de la lave. …/… L’ensemble. Volcan (lacune centrale) ; fumée qui dégage (rose inf.) ; Lave en train de sortir (vert latéral) ; feu (orange sup.). Gbl kobC frag/explos.
tableau im2
…/… X 12 – [V] Des ailes Rose latéral) D F-Ad 13 – Des animaux (Bruns orangés latéraux inf.) D F-A 14 – Des moustiques (Bruns latéraux) D F-A 15 – Des araignées (Bleus latéraux) D F+ A ban 16 – Une couronne (Gris médians sup.) D F-Obj Et voilà.
Choix +
Pl. VII. Parce qu’il y a deux animaux qui viennent d’un pays chaud. Enfuis de ce pays. Sont dans un zoo en France. Se sont échappés. Dans la même cage. Se connaissent pas. D’un coup, comme ça, ils sont venus. Ils ont fait des enfants.
Choix –
Pl. IV. Parce qu’ils étaient riches. Le monsieur il avait un château. D’un coup il écrase un arbre.
Après il était mort dans l’arbre. Il a juré que si il écrasait l’arbre il serait mort.
Pl.VI. Parce que la guitare elle a explosé. On lui a mis une bombe. (Question) Des méchants.

Étienne (10 ans, 6 mois) : tat

581. Il était une fois un enfant qui rêvait de jouer au piano… du violon. Il arrivait pas. Pour comprendre pourquoi il arrivait pas à faire du piano… euh, du violon, il regardait le violon pendant des heures. (Me rend la planche en la jetant).

592. Il était une fois dans la ferme une famille qui plantait des, des graines pour faire de la nourriture. Et les graines poussaient, poussa pas. Ils attendirent pendant des heures. (Question) Après il y a un grand brouillard noir qui prenait toutes les graines et la famille avait planté toutes leurs dernières graines, et elle meurt de faim.

603bm. Il était une fois un enfant qui avait pas d’ami. Tous les camarades de sa classe rigolaient sur lui parce qu’il disait des bêtises. Après il essaye de pas faire de bêtises, de pas faire rigoler ses camarades, mais il y arrivait pas. Et après il alla dans sa chambre pleurer. Depuis qu’il a arrêté de faire rire ses camarades, il a des amis.

614. Il était une fois un homme et une femme. L’homme aimait la femme quand il était tout petit, au collège. Et la femme ne l’aimait pas. Parce qu’il fait trop de bêti… Trop (…) n’importe quoi. Et quand le garçon est adulte, la femme le veut, et l’homme veut pas. (Question) Parce que quand au collège il l’a pas aimée, elle l’a pas aimé, et le garçon fait comme elle.

625. Il était une fois dans une maison une madame qui ouvrait jamais cette porte. Cette porte, il y avait trop de bruits, toujours étranges et des verres qui cassaient. Le propriétaire a dit ne jamais ouvrir cette porte et la femme s’inquiétait. Et après la femme a désobéi au propriétaire, a ouvert cette porte, a vu des gens et a vu des monstres. Après la dame est évanouie.

636bm. Il était une fois un meurtrier qui tuait des gens. La police n’avait jamais l’attraper parce qu’elle… Il avait des masques et des armes. Après sa mère lui dit arrête de faire, de tuer des gens, ou bien rend toi à la police. Et le garçon a arrêté de tuer. Après la police a arrêté de chercher le meurtrier. Il sortait plus de chez lui. Il commandait de la nourriture. Et la police a arrêté cette affaire et il avait enlevé tous ses empreintes.

647bm. Il était une fois un boss qui était riche, qui prenait, qui demandait à des gens de venir avec moi pour aller tuer des gens, pour se venger contre les gens qui l’ont menacé. Et le boss il disait voici mon ami. Mon pire ennemi, il va mettre des bombes dans la maison … Non, c’est l’employé. Il était s’était déguisé. C’était pendant la nuit, en bas de son lit quand il dort, il a explosé et le boss a donné de l’argent. (Question) Le lit et le pire ennemi.

658bm. Un jour, une madame qui faisait une enquête sur un meurtrier qui mettait des bombes dans les ventres des gens. Et le médecin retirait la bombe. La police n’a pas encore trouvé le meurtrier, mais elles sont dans la bonne voie. Un jour, la police parlait à tous les voleurs, à tous ses proches pour dire où il est passé. Mais ses proches disaient rien. Un proche disait qu’il était caché dans les égouts, dans une porte rouge. Et après la police découvrit des gens qui avaient des bombes dans le ventre. Le ventre, il est tout rouge. Ils appelaient des ambulances pour réparer le ventre. La police a mis des mini caméras pour voir si ils arrivaient ou pas. Et après la police l’a attrapé, grâce aux mini caméras.

6610. C’est une fois un méchant qui tuait des gens. Parce qu’il se moquait d’eux, il crachait sur eux quand le monsieur était très énervé, il trouvait ça pas d’accord. Après il se vengeait. Après, il allait dans un magasin d’armurier. Après, il tuait presque tout le monde et il disait au revoir à sa femme parce qu’il allait mourir. Et il est mort. Il dit « fais des enfants ». Après la dame elle a dit oui. (Question) Quand elle sera enceinte.

6711. (Tourne et retourne la planche). Il était une fois un lion qui était roi, qui voulait tuer son pire ennemi, ou être ami. Alors le lion désire de se battre. Il dit le dragon est le roi de la savane et de la mer. Et le dragon dit d’accord. Le lion fait un rugissement de feu. Le dragon pourrait faire un rugissement d’eau. Sauf que le lion peut pas aller dans l’eau. Si il va dans l’eau il mourra. Le lion réfléchit. Le dragon est mort…ou quoi ? Le lion attire de la viande fraiche pour qu’il fit un rugissement de feu pour qu’il mit KO. Et le dragon monta à la surface. Il résista pas à l’odeur. Il sauta dans la viande fraiche. Le lion fit un rugissement de feu et un griffement dans sa main. Alors le lion c’est le roi de la savane et de la mer.

6812bg. (Fronce les sourcils. Retourne la planche qui tombe). Une fois, un homme qui peut devenir des formes différentes. Et l’homme devena qu’est ce qu’il veut être. Un animal ? Un garçon ? Un bateau ? Mais il peut rester comme ça pendant 24 heures. Sinon il devena un arbre qui faisait rien pendant l’éternité. Après, il décida de rien faire, et il devenait un arbre toujours et il dormait pendant l’éternité, en plus qu’il brûle. Et l’arbre a brûlé et l’homme il s’est réveillé et il est mort. (Question) Un rêve, parce qu’il voulait rêver d’être comme ça.

6913b. Il était une fois un garçon qui était intelligent, qui avait des parents. Il trouvait une cabane dans la forêt et vivrait ici pendant longtemps. Mais il n’allait pas à l’école. Il avait des vêtements. Mais il construisait des choses avec du bois. Un jour, il s’ennuyait. Quand il avait de l’argent, il partait à l’école, très loin. Comme il était intelligent, il invente une voiture pour avancer, aller à l’école, aller plus loin, faire sa vie. Depuis, il a réussi. Il a un cartable en bois. Il a trouvé une fille dans la classe. Depuis il allait chez elle. Et le garçon, il voulait construire un cadeau pour son anniversaire. (Question) De la fille de la classe. Pendant la classe, il dit « j’ai pas encore fait le cadeau et si j’ai pas fait, je te le donnerai demain ».

7019. Un jour, un acteur de cinéma qui créait un film. Le film s’appelait « Le sous-marin de la mer et le monstre démoniaque ». Et un jour, il faisait un film. D’abord il faisait pour des petits et en vrai. Maintenant il le fait pour de vrai dans la mer avec un monstre démoniaque avec du faux sang. Et un jour, l’acteur a fait une bêtise et se noie. Et le monstre le ramena à la surface pour qu’il se batte. Il adore se battre avec un sous-marin. Et l’acteur a failli mourir dans la mer d’être coincé dans un sous-marin. A arrêté de faire des films dangereux avec des monstres. Fait des films normaux, simples. Depuis, il est jamais mort, n’a fait aucun accident depuis qu’il fait des films normaux, simples.

7116. Une fois, un homme qui avait trouvé une carte pour faire une carte au trésor. L’homme avait pas de piège pour faire la carte au trésor. Alors il faisait rien. Il prend du papier blanc. Le trésor sera le papier blanc. Le papier blanc, c’était une légende. Et après il appelait le dragon pour qu’il surveille le piège. Le dragon des mers était d’accord. Il avait trouvé un mini dragon pour qu’il surveille l’intérieur de la carte. La fille du pirate avait donné de la nourriture au dragon pour qu’il soit en forme. Personne n’avait réussi à prendre la nourriture du pirate.

Écriture d’Étienne

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Écriture d’Étienne

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : écriture, dysgraphie, tiercéité, symbolisation, psychodynamique, clinique projective

Mise en ligne 06/12/2016

https://doi.org/10.3917/pcp.022.0245

Notes

  • [*]
    Sylvie Baudin Massoulier, psychologue clinicienne, psychothérapeute en libéral, graphothérapeute. Membre adhérent à la spf. Maîtrise en histoire médiévale. s.mass@yahoo.fr
  • [**]
    Charlotte Marcilhacy, psychologue, psychothérapeute, docteur en psychologie. Service de Pédopsychiatrie, médecin chef de pôle : Dr Zann, eps Roger Prévot (95 Moisselles). Analyste en formation à la sprf. charlotte_marcilhacy@orange.fr
  • [1]
    Comme l’écrit Bernard Cadoux, « le moment où la trace se sépare du geste qui l’accomplit […] est la mise en scène d’un premier détachement psychique » (1999, p. 66).
  • [2]
    Comme support perceptif et sensoriel, le trait reste « très imprégné, comme mouvement agi, par les sensations visuotactiles, coenesthésiques et kinesthésiques propres au vécu primitif » (Marcilhacy, 2011, p. 178).
  • [3]
    Ex : Empêchement à rompre avec l’image d’une lettre restée en deçà de sa valeur de symbole, comme difficultés à s’extraire de l’imaginaire infantile et de toute la charge projective qu’il contient ; trop grande implication du corps dans un geste d’écriture non symbolisé, mal différencié (Du Pasquier, ibid. ; Marcilhacy, 2006,11,13) et qui témoigne de l’incapacité de l’enfant à abandonner des modes pulsionnels révolus.
  • [4]
    Dans certains cas, son hyper adaptation pourra marquer chez certains le surinvestissement défensif des activités du moi (Marcilhacy, 2006).
  • [5]
    Ex : fortes sollicitations identitaires suggérées par les configurations du Rorschach et par certaines planches du tat.
  • [6]
    Nous nous sommes référées dans le cadre de ce travail à la grille de dépouillement des épreuves thématiques verbales mise au point par Monika Boekholt (1993), qui privilégie la singularité du fonctionnement psychique de l’enfant, compte tenu des processus de changement qui le spécifient. Évolution qui caractérise également l’écriture en voie d’apprentissage de l’enfant.
  • [7]
    Nous remercions Adeline Eloy, graphothérapeute, pour son éclairage concernant l’approche de l’écriture d’Étienne.
  • [8]
    La dysgraphie est une incapacité significative à produire, à un âge donné, et en dehors d’un trouble neuro-moteur, une écriture lisible et rapide.
  • [9]
    Des groupes de mots, parfois des phrases entières sont marquées par de fortes irrégularités portant sur la direction, mais aussi sur d’autres genres (ex. conduite du tracé, pression, forme…).
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