Notes
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[1]
Psychologue clinicien. Expert près la Cour d’Appel de Lyon. Professeur de Psychologie clinique, Centre de Recherches en Psychopathologie et Psychologie Clinique (C.R.P.P.C), Institut de Psychologie, Université Lumière-Lyon 2.
-
[2]
Agence Nationale de Recherche sur le Sida (1995) « Le comportement sexuel des jeunes de quinze à dix-huit ans », cité par M. Séry (2001).
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[3]
On peut se référer, à ce sujet, aux travaux de D. Lafortune (Ecole de Criminologie, Université de Montréal) : « Abus sexuel commis par un adolescent et milieu familial », 8ème Congrès de l’A.I.C.L.F , Liège, 6 mai 2002.
-
[4]
La notion de position dépressive familiale a été conçue à partir des travaux de M. Klein (1934) sur la position dépressive infantile. Elle vise à rendre compte de l’intrication des enjeux de l’établissement des procédures de séparation/individuation et de l’inscription de celles-ci dans l’ordre des générations. Inscrite dans le fil du courant de thérapie familiale psychanalytique, cette proposition de la position dépressive familiale ainsi que les prolongements méthodologiques qui l’accompagnent dans le champ des méthodes projectives (voir à ce sujet, pour un développement exhaustif, P. Roman, 1999) me semblent à même d’inscrire une lecture clinique des protocoles d’adolescents auteurs d’abus sexuels dans la perspective du double remaniement narcissique-identitaire et objectal-identificatoire que Ph. Jeammet prête à l’adolescence.
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[5]
T.A.T – Youssef :
Pl. 2 -je sais pas ( ?) je sais pas (?)... deux femmes ( ?) je sais pas
Pl. 3 – il est tombé là, il a mal au genou, il arrive pas à se relever, c’est tout.
Pl. 4 – je sais pas ( ?) je sais pas ça... y’a une femme et un monsieur... ( ?) je sais pas Pl. 5 – y a une femme, elle regarde la salle à manger, elle regarde ce qui passe, après elle va partir Pl. 6 – y a un jeune homme avec sa grand-mère... et je sais pas il va où... il va avec elle sa grand-mère faire un tour, c’est tout Pl. 7 – un jeune homme avec son père... ils partent... il demande elle est où sa mère... c’est tout... et lui il dit « je sais pas » -
[6]
T.A.T Christel :
Pl. 3 – « alors là c’est une fille qui pleure, enfin je pense, enfin elle est triste en tous cas parce que soit elle s’est fait gronder ou... ou alors elle est peut-être maltraitée... ça fait penser à la cellule de la gendarmerie ». -
[7]
TAT Norbert :
Pl. 3 – « (...) elle va avoir une peine de trois ans de prison ferme ». -
[8]
Institut Médico-Educatif.
-
[9]
Cf P. Roman (2000), sur l’expression et le destin du clivage au travers des épreuves projectives.
-
[10]
Thierry (15 ans) Rorschach, VI : « une peau de lapin oui (...) », enquête : « disséquée en SVT, des aiguilles dans tous les coins » ; Nathalie (16 ans), Rorschach VIII : « là on dirait plusieurs animaux qui essaient de faire une pyramide ».
-
[11]
Armelle (15 ans) Rorschach, VI : « alors là on dirait un animal qui est sur le dos et là on lui a ouvert (...)»; Nathalie (16 ans), Rorschach IX : « là on dirait qu’il ya... qu’il y a un petit garçon qui essaie de manger des sorcières ».
-
[12]
Chris (14 ans), Rorschach X : « alors euh... c’est assez coloré mais je vois pas... on dirait une tête en fait, une tête avec une barbe, un peu un clown (...) et d’ailleurs il a l’air d’être pas content parce que ça fait un pli sur ses lunettes » ; Bruno (15 ans), Rorschach, IV : « y a que des personnes ou quoi ? ou je suis fou ? on dirait un extra-terrestre vu d’en bas, une forme un peu bizarre (...)».
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[13]
Brahim (13 ans), Rorschach, V : « sinon un corps de crocodile siamois ».
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[14]
Nathalie (16 ans), Rorschach, III : « (.) on dirait une bonne femme et le bas on dirait un. une queue de poisson ou quelque chose comme ça ».
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[15]
Noëlle (14 ans), Rorschach, V: « on dirait une chauve-souris avec des ailes de crocodiles ».
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[16]
Tom (18 ans), Rorschach, IV : « un personnage de fiction, sorte d’ogre, Gargantua par exemple, regardant son adversaire qui se trouverait devant, petit. sorte de mage, assez terrifiant. l ogre voulant détruire la terre et le mage voulant sauver la terre de cet ogre, de ce monstre » ; Armelle (15 ans), Rorschach IX : « là je verrais plutôt comme si quelque chose... je vois la peur... comme si quelque chose d’affreux qui est arrivé, comme si une personne hantait des personnes... comme un fantôme qui hante les autres personnes ».
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[17]
Noëlle (14 ans), TAT, 6GF : « pareil on dirait un film pendant la guerre, d’avant, et puis je sais pas c’est... eux ils font pas la guerre parce que c’est des gens riches, enfin un président ou n’importe quoi »; Karine (15 ans), TAT 6 GF : « un homme qui vient voir une femme et elle, elle est étonnée de le voir ».
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[18]
Karine (15 ans), TAT, 7 GF : « une domestique qui est en train de regarder... ce que porte la fille... je sais pas très bien ».
UNE CLINIQUE DE LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ADOLESCENCE
1La clinique actuelle de l’adolescence se trouve très largement mobilisée autour de situations qui mettent en jeu le registre de la violence sexuelle, que cette violence consiste en une violence agie ou dans une violence subie. L’acuité de la question de la violence sexuelle à l’adolescence conduit à interroger, au-delà de l’acte et de l’insupportable violence de son expression (tant du côté de l’auteur que de la victime), la place de cet agir dans le processus adolescent ; il s’agira en effet d’interroger le mode de participation de la violence sexuelle dans le jeu des remaniements propres à accompagner la maturation psychoaffective de l’enfant en devenir d’adulte, remaniements exigés par l’accès à la maturité sexuelle. Comment penser, à l’endroit du sexuel et de la sexualité, l’émergence de comportements dans le registre de la transgression ? Comment imaginer que ceux-ci puissent s’inscrire, à leur manière, dans le projet adolescent ?
2Ce sont ces interrogations qui accompagnent la rencontre, au quotidien, d’adolescentes et d’adolescents, auteurs et/ou victimes de violence sexuelle, dans le cadre de consultations de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ou dans celui d’une pratique expertale. Si ces interrogations ont pris forme, au fil du temps, en tant que recherche clinique, c’est très certainement non seulement pour tenter d’y voir plus clair dans l’accueil, l’évaluation de la personnalité et l’orientation de ces adolescentes et adolescents, mais également pour tenter un dégagement à l’égard de rencontres qui tendent à attaquer les liens de pensée, dans la confrontation traumatique à laquelle se trouve soumis le clinicien, et qui se présente comme une réplication du traumatisme initial.
3Peut-être peut-on ajouter à ces motifs d’engagement dans la recherche une dimension que l’on pourrait qualifier de militante au regard d’une éthique du sujet : en effet, il me semble que trop souvent la question de la violence sexuelle se trouve rabattue sur la dimension de l’acte, sans que soient nécessairement interrogées les articulations entre l’acte et la vie psychique, sans que se trouve élaborée la spécificité du sens de l’agir au regard du fonctionnement psychique.
4À cet égard, le langage s’avère significatif : dans le champ de la psycho-criminologie, l’expression « adolescent abuseur sexuel » (ou « adolescent(e) abusé(e) ») se présente de manière très répandue. Quel implicite ces expressions contiennent-elles, si ce n’est celui que ces adolescents pourraient être réduits, même momentanément (pour les besoins de repérage scientifiques, professionnels ou institutionnels) à l’acte qu’ils ont commis ? Quel espace de pensée subsiste-t-il pour appréhender le fonctionnement psychique d’un sujet si celui-ci se trouve confondu à l’acte pour lequel une intervention est sollicitée, y compris dans le champ du judiciaire ?
5Par ailleurs, la notion même d’abus m’apparaît ambiguë : outre la connotation morale introduite par ce terme (du côté du mauvais, de l’impropre... il serait alors question d’une sexualité mauvaise), émerge l’hypothèse d’un engagement de la sexualité dans l’excès (du côté du trop de sexualité). On comprend alors la difficulté de se situer en clinicien dans un contexte si lourdement connoté, et le risque de dérive dans lequel se trouvent mobilisées les positions contre-transférentielles du clinicien dans la confrontation à l’émergence, parfois exacerbée, des conduites sexuelles à l’adolescence .
6Y. H. Haesevoets (2001) insiste, pour sa part, sur le risque de ce qu’il nomme une « aliénation à une nouvelle forme de répression de la sexualité », reprenant la distinction proposée par J. Y. Hayez et E. De Becker (1997) entre trois modalités d’engagement de l’adolescent dans la sexualité : jeux sexuels, passion amoureuse et violence sexuelle à proprement parler.
7Ainsi, au fond, la clinique des adolescents auteurs et/ou victimes de violence sexuelle engage deux types de questionnements :
- d’une part, celui de la place de la violence sexuelle dans le processus adolescent et des modalités selon lesquelles cette violence contribue au processus adolescent, au sens de sa participation aux remaniements identitaires (autour des enjeux liés à l’appartenance sexuée) et identificatoires (autour des enjeux liés à la redéfinition des liens entre les générations) qui sont en jeu dans ce temps singulier de maturation psychoaffective ;
- d’autre part, celui de l’inscription sociale de cette violence, inscription qui se traduit en particulier par une forte augmentation de la judiciarisation des actes de violence sexuelle commis par les adolescents, y compris entre eux : en filigrane, se trouve interrogée la frontière entre jeu sexuel et violence sexuelle et, partant, l’articulation entre sexualité et violence, dans le double jeu décrit par S. Freud (1915) entre les motions libidinales et agressives.
8Après la présentation d’un certain nombre de préalables concernant les différents cadres pour considérer la violence sexuelle à l’adolescence (cadre légal et cadre théorique), l’état des travaux actuellement publiés et enfin la spécificité de la contribution des épreuves projectives à la clinique de la violence sexuelle à l’adolescence, la présente contribution se déploiera en deux volets distincts :
- la présentation des résultats d’une étude préliminaire concernant de jeunes adolescents auteurs de violence sexuelle, dans la perspective d’une mise au travail des enjeux de cette violence dans la dynamique des remaniements adolescents ;
- la proposition d’une élaboration de la place de la violence sexuelle à l’adolescence, dans la perspective d’une continuité entre la violence agie et subie au regard de l’émergence et du traitement du traumatisme dans le contexte du processus adolescent : la référence à la notion de pulsion traumatophillique, décrite par J. Guillaumin (2001), pourra servir de point d’articulation pour la compréhension de cette continuité.
9En contrepoint, seront proposés quelques repères cliniques et méthodologiques concernant l’évaluation de la place de la violence sexuelle à l’adolescence.
Le cadre légal face à la violence sexuelle à l’adolescence
10En droit français, il convient de différencier la définition des infractions et la sanction qui y est attachée. En effet, si la définition de l’infraction concerne l’ensemble des auteurs (qu’ils soient mineurs ou majeurs), c’est le régime de la sanction qui diffère entre mineurs et majeurs délinquants : dans ce contexte, les auteurs mineurs (ceux qui nous intéressent ici) sont passibles de peines moins lourdes que les majeurs, la démarche éducative primant sur la sanction au terme de la philosophie qui domine la rédaction de l’ordonnance de 1945 fixant le cadre de la prise en compte de la délinquance des mineurs.
11Le Nouveau Code Pénal apporte les définitions suivantes, dans sa section consacrée aux agressions sexuelles (art. 222-23 à 222-32) :
- l’agression sexuelle, qui englobe le viol et les autres agressions sexuelles, concerne « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » (art. 222-22) ;
- le viol est défini par « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (art. 222-23) ;
- sont considérées comme autres agressions sexuelles les agressions autres que le viol, parmi lesquels les différentes formes d’attouchements (sans pénétration) mais aussi l’exhibition sexuelle.
12Dans les situations dans lesquelles la violence, la contrainte, la menace ou la surprise ne peuvent être invoquées, le critère légal de différenciation entre jeu sexuel et agression sexuelle dans le temps de l’enfance et de l’adolescence tient à l’écart d’âge entre l’auteur et la victime : il est considéré qu’un écart d’âge supérieur à cinq ans caractérise la dimension de l’atteinte sexuelle, du fait de l’autorité que confère un tel écart.
La violence à l’adolescence
13F. Marty (1997) insiste sur le contexte présent en arrière-plan de la violence à l’adolescence, contexte qui est celui du jeu du refoulement des fantasmes incestueux et parricides, réactivés par l’émergence de la maturité sexuelle. Cette maturité sexuelle, qui se traduit par des transformations à la fois somatiques et psychiques, va représenter un risque pour l’adolescent, le risque de la passivité face à des manifestations somatiques qu’il ne contrôle pas. Ph. Jeammet (1997) indique que l’adolescent va tenter de se déprendre de ce risque sous la forme d’un retournement : c’est le sens de l’investissement de l’agir pour échapper à l’expérience d’être agi par les transformations liées à la puberté.
14On peut penser le passage à l’acte violent à l’adolescence, et le passage à l’acte sexuel violent en particulier, comme une rupture dans le processus d’élaboration de nouveaux repères, que Ph. Jeammet situe à la fois sur le plan narcissique-identitaire et sur le plan objectal-identificatoire : l’enjeu de cette confrontation serait alors la mise à l’épreuve sur le corps de l’autre de la rencontre avec l’étrangeté/étrangèreté de l’expérience adolescente. On pourrait alors penser la violence sexuelle à l’adolescence comme une mise en tension entre deux ordres d’expérience, engageant le registre du traumatisme :
- celle des transformations propres à l’adolescence, tel que l’explicite Ph. Gutton (1991), et qui met en question l’intégrité narcissique du sujet ;
- celle de l’acte violent, au travers de la mise à l’épreuve du corps de l’autre dans son intégrité.
15La perspective d’une telle mise en tension contient un caractère paradoxal : en effet, elle renvoie tout à la fois à la tension inhérente aux processus psychiques adolescents (avec les risques de débordement et/ou d’effondrement qui les traverse) et aux potentiels de réaménagements qu’elle contient, dans le sens d’un maintien de la continuité des investissements, y compris par le recours à l’agir violent. Par ailleurs, on peut considérer que cette mise en tension renvoie à la singularité du lien agresseur/agressé, dont la clinique nous montre qu’il constitue un fond non négligeable dans l’histoire des violences sexuelles à l’adolescence. On assisterait ici à un renversement des positions de l’agressé à l’agresseur, sur le modèle du retournement (retournement agir/être agi, propre à contribuer aux modalités défensives de l’adolescent), d’une position passive à une position active. Cette proposition paraît à même de constituer une grille de lecture possible des enjeux spécifiques de la violence sexuelle à l’adolescence.
16Par ailleurs, il est intéressant de signaler la place qu’A. Birraux (1997) accorde au clivage dans le processus adolescent comme mode de régulation et/ou d’organisation de la violence à l’adolescence : le clivage aurait pour fonction de maintenir suffisamment à distance des motions contradictoires ne pouvant être traitées en terme de conflit d’ambivalence. D’une certaine façon, on pourrait penser que l’échec du clivage (ou l’échec du maintien des motions clivées à distance l’une de l’autre), dans sa fonction défensive, favoriserait l’émergence de la violence dans un registre de libération d’énergie non liée.
17Enfin, l’accent mis par S. Couraud (1997) sur une lecture transgénérationnelle de l’expression de la violence à l’adolescence remet au premier plan l’enjeu, bien signalé par Ph. Jeammet, de la remise en chantier des imagos parentales. Pour S. Couraud, la violence à l’adolescence témoignerait d’une tentative de séparation par rapport à l’emprise d’un parent imaginaire.
Psychodynamique de la violence sexuelle
18Ce sont principalement les travaux de C. Balier (1990, 1996) qui seront évoqués ici. Ces travaux, qui s’appuient sur les avancées métapsychologiques proposées par P. Aulagnier (1975), opèrent une différenciation entre trois registres d’expression de la violence sexuelle, en appui sur la différenciation des trois niveaux d’expression de la vie psychique que sont l’originaire, le primaire et le secondaire. Cette différenciation fait écho à mes propres interrogations sur la discrimination des différentes formes d’expression de la violence sexuelle à l’adolescence. Je rappelle ici les grandes lignes des propositions de C. Balier :
- le registre de l’originaire renvoie à ce que C. Balier nomme la perversité sexuelle (proche de la psychose) et s’exprime comme une lutte contre l’anéantissement, sans représentation, face à la menace que constitue le vide. Sur le plan étiologique, C. Balier indique que les sujets se situant dans ce registre se trouvent (ou se sont trouvés) en défaut d’existence dans le regard parental ; ce sont eux que l’on retrouverait comme auteurs des actes de violence sexuelle les plus violents, se traduisant par un anéantissement de la victime : viols « indifférenciés » (sur le plan du sexe de la victime et/ou des modalités de pénétration), l’enjeu étant celui de la négociation de la relation pénétré/pénétrant et, au-delà, celui de l’établissement des limites (limites du corps, limites du moi) ;
- le registre du primaire s’inscrit dans le cadre de la quête de la figure de l’autre comme double, en référence à la quête de l’amour de la mère. L’acte violent s’inscrit dans une recherche de plaisir, dans le déni de la position de l’objet ; C. Balier propose de classer dans ce registre, en particulier, les violences sexuelles par attouchement, principalement sur des victimes pré-pubères ;
- dans le registre du secondaire, on peut véritablement évoquer la violence sexuelle comme relation sexuelle, possiblement référée à l’interdit et s’inscrivant dans un registre névrotique ; le modèle d’acte dans ce registre est celui de l’acte incestueux, avec un attachement affectif à la victime.
19Par ailleurs, C. Balier (1998), dans un texte consacré à la violence à l’adolescence, met l’accent sur la particularité des mouvements les plus désorganisés de violence à l’adolescence, lorsqu’ils prennent place dans le cadre d’épisodes psychotiques parfois sans lendemain. Poursuivant les hypothèses de J. Bergeret (1984) sur la violence fondamentale, il insiste sur le caractère protecteur de certaines formes de violences, y compris sexuelles, face à la menace liée à l’émergence de l’objet sexuel.
20Au décours d’une recherche de grande ampleur sur les auteurs (adultes) de violence sexuelle, A. Ciavaldini (2000) propose, pour sa part, quatre lignes principales de compréhension psychodynamique :
- la violence sexuelle agie s’inscrit sur fond d’une carence dans les relations primordiales, au sein desquelles l’institution du tiers fait défaut ;
- la violence sexuelle mobilise une expérience dans le registre de l’immédiat et de la perception, au détriment de l’investissement des instances représentatives ;
- la violence sexuelle procède, à des niveaux différents, d’un défaut d’inscription de l’autre différencié ;
- la violence sexuelle témoignerait d’un avatar dans l’accès à la transitionnalité, avatar que l’on peut situer dans le travail du détruit-trouvé (R. Roussillon, 1995).
21On peut considérer que la manière dont ces différentes voies de compréhension dans une approche psychodynamique interrogent de manière plus ou moins directe les enjeux du processus adolescent permet de proposer un cadre de référence à partir duquel pourra être pensée la clinique des adolescents auteurs de violence sexuelle.
La violence sexuelle à l’adolescence : données cliniques et épidémiologiques
22Une étude réalisée en France pour le compte de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (Kail B. &Le Caisne L., 2002) fait apparaître la place des violences sexuelles dans la population adolescente prise en charge par cette institution : les adolescents auteurs de violence sexuelle (à 99% des garçons) représentent près de 4,5% de la population accueillie, alors que les victimes (65% des filles) représentent un peu plus de 2% de cette population. Le repérage de la population des auteurs de faits avérés ou présumés est bien sûr plus aisé que celui des victimes, dans la mesure où la Protection Judiciaire de la Jeunesse est la seule institution compétente pour la prise en charge des mineurs délinquants, alors que les victimes identifiées comme telles ne font pas l’objet nécessairement d’un accompagnement éducatif.
23En ce qui concerne les auteurs, cette étude précise qu’ils ont en moyenne 14 ans 7 mois, vivant majoritairement dans leur famille au moment des faits. 48% d’entre eux sont impliqués dans des faits de viol, pour 38% pour des faits d’agression sexuelle. Les victimes de ces adolescents sont pour l’essentiel des membres de la famille (43%), des membres de leur réseau de sociabilité (28%) ou de celui de leur famille (24%).
24Par ailleurs, un recensement des actes de violences sexuelles dans les établissements scolaires, récemment instauré et rapporté dans un numéro du Monde de l’Education (M. Séry, 2001), évalue à environ 600 le nombre de ces actes, s’établissant du geste obscène au viol, dans l’année scolaire 199899. Vis-à-vis des auteurs de ces actes de violence sexuelle, les données rapportées dans cette étude mettent en évidence le lien existant entre l’engagement dans un acte de violence sexuelle pour un adolescent et la situation de carences éducatives, voire la position de victime de maltraitances graves et/ou de violences sexuelles. Deux autres constats sont apportés dans le cadre de ce travail :
- d’une part, certains de ces actes qualifiés de violence sexuelle peuvent être rapportés à des jeux sexuels ;
- d’autre part, l’inscription de ces actes dans une forme de déni du corps de la victime.
25J. Sélosse (1996), quant à lui, indique que les adolescents représentent environ 25% des auteurs de violence sexuelle, ce qui correspond à une surreprésentation de cette classe d’âge pour ce type d’actes violents. J. Sélosse propose trois axes de compréhension principaux concernant la place des violences sexuelles à l’adolescence ; en effet celles-ci témoigneraient :
- d’une levée des interdits à l’égard de la sexualité ;
- d’une soumission des adolescents au groupe d’appartenance (cf en particulier les violences sexuelles commises en groupe) ;
- d’une pathologie de la maturation sexuelle, particulièrement dans le cas du viol collectif, qui condense les enjeux exhibitionnistes, voyeuristes, sadiques et pervers.
26On apprend également [2] que si, de manière générale, le nombre de condamnations pour violences sexuelles a presque doublé entre 1994 et 1998, le nombre des mineurs reconnus coupables de tels actes a été, lui, plus que multiplié par deux, ce qui interroge :
- sur l’effet des campagnes de prévention des violences sexuelles sur la dénonciation de faits subis ;
- sur la place d’un traitement judiciaire de l’accès des adolescents à la sexualité génitale.
27Enfin, des études épidémiologiques canadiennes [3] apportent quelques éléments complémentaires pour la compréhension de la problématique des adolescents auteurs de violence sexuelle, éléments qui viennent en écho des travaux français déjà évoqués :
- les adolescents se trouveraient impliqués dans plus de la moitié des violences sexuelles commises sur des enfants et dans un tiers des violences commises à l’encontre de femmes adultes ; si la garde d’enfants par les adolescents constitue une situation repérée comme situation à risque au regard des violences sexuelles, on peut reconnaître, de manière générale, que les violences sexuelles sont commises dans le milieu de vie habituel de l’adolescent (famille, famille élargie, cercle amical...) ;
- la moitié des adolescents impliqués dans des violences sexuelles ont été abusés sexuellement ou initiés précocement à la sexualité et 40% de ces adolescents ont un ascendant qui a lui-même été victime, toujours dans la lignée maternelle ; par ailleurs, dans 7 cas sur 10, l’adolescent auteur de violences sexuelles a eu à connaître dans son histoire familiale une situation de perte (séparation, deuil), souvent précoce (pour 40% d’entre eux) ;
- 85% des auteurs de violences sexuelles sont des garçons, alors que seulement 15% sont des filles ;
- enfin, les violences sexuelles apparaissent, dans 60% des cas, comme participation délinquante exclusive, alors que dans 40% des cas elles se trouvent associées à d’autres expressions délinquantes.
28D’autres données concernant les victimes sont disponibles, indiquant (enquête 1995) que 15% des filles et 2,3% des garçons seraient victimes de violence sexuelle dans le temps de l’adolescence (entre 15 et 18 ans), cette proportion se montrant plus élevée chez les adolescents pris en charge par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (M. Choquet &Coll., 1998), puisque 34% des filles et 6% des garçons déclarent avoir été victimes de telles violences.
La contribution des épreuves projectives
29Le choix de travailler en appui sur les épreuves projectives constitue tout à la fois un choix de pratique clinique et un choix de recherche dans le champ de la psychopathologie.
30En effet, sur le plan de la pratique clinique, le recours aux épreuves projectives autorise un dégagement suffisant des motions potentiellement violentes portées par la pulsion du voir (en risque d’être investie au titre de pulsion partielle) dans la rencontre avec l’auteur (ou la victime) d’acte de violence (P. Roman, 1998). En effet, il s’agit de proposer un déplacement (dégagement) de la scène de l’acte à la scène projective, celle dans laquelle vont se trouver engagés, ipso facto, l’adolescent et le clinicien et, par là même, de proposer un dispositif qui garantisse le clinicien contre le risque de séduction traumatique et/ou de sidération dans une pratique clinique qui s’établit à partir de l’acte et de son traitement judiciaire, dans le cadre d’un mandat qui procède, d’une manière ou d’une autre, d’une injonction au voir, du fait même des termes de l’ordonnance qui énonce la mission de l’expert.
31Par ailleurs, dans une perspective de recherche, le choix des épreuves projectives, et leur intérêt clinique, tient à ce qu’elles s’offrent en butée au déploiement des processus de symbolisation (P. Roman, 1997) et qu’elles constituent de ce fait un attracteur pour les processus de subjectivation de l’adolescent.
32Le traitement du matériel clinique constitué essentiellement des protocoles d’épreuves projectives (10 protocoles de Rorschach et 7 protocoles de TAT pour l’étude concernant les adolescents auteurs de violence sexuelle, auxquels il conviendra d’adjoindre les 10 protocoles de Rorschach et les 3 protocoles de TAT d’adolescent(e)s victimes de violence sexuelles) sera conduit, pour chacun d’eux, en deux temps :
- une lecture transversale de l’ensemble des protocoles de chacun des groupes, portant à la fois sur un certain nombre de critères généraux formels liés au mode d’engagement des adolescents dans le traitement des planches et sur des indices spécifiques élaborés dans un précédent travail (P. Roman, 1999) en appui sur le repérage de ce que j’ai nommé les registres d’élaboration de la position dépressive familiale [4] ;
- l’illustration de chacun des sous-groupes identifiés, pour l’étude concernant les adolescents auteurs de violence sexuelle, par un protocole considéré dans sa valeur paradigmatique et analysé selon la méthode clinique, dans la lignée des travaux de C. Chabert (1997, 1998) et, plus spécialement pour ce qui concerne l’adolescence, de M. Emmanuelli et C. Azoulay (2001).
DES ADOLESCENTS AUTEURS DE VIOLENCE SEXUELLE
33Ce premier volet de recherche peut être introduit par la proposition suivante, qui sera discutée et mise à l’épreuve des données de la clinique : l’expression de la violence sexuelle à l’adolescence, au travers d’actes identifiés comme transgressifs, constituerait une forme particulière de mise à l’épreuve des positions identitaires et identificatoires ; cette violence pourrait alors être comprise comme un organisateur paradoxal du processus adolescent. On assisterait alors à la cristallisation, dans l’acte sexuel violent, des enjeux soutenus par la mobilisation de la dualité entre pulsion de vie et pulsion de mort, dont on sait que le temps de l’adolescence constitue un champ d’expérience privilégié. De manière connexe, on pourrait penser que l’acte sexuel violent pourrait avoir une fonction de protection, face au risque désorganisateur que représentent les bouleversements adolescents.
Description de la population d’adolescents auteurs de violence sexuelle
34Cette étude s’appuie sur dix cas cliniques. Il s’agit de dix garçons, de 13 à 17 ans, mis en examen pour viols ou agressions sexuelles ; le statut de mis en examen implique, en droit français, la présomption de l’innocence du sujet même si, paradoxalement, elle représente le premier élément indiquant la présomption de culpabilité. Cette précision est importante dans la mesure où la question de l’acte, dans sa réalité matérielle, reste en suspens pendant la durée de la procédure d’instruction qui se double, de manière systématique, au terme des règles de la procédure pénale, d’une démarche d’investigation psychologique et/ou psychiatrique.
35Ces dix adolescents peuvent être répartis en deux groupes, de cinq adolescents chacun : ceux qui ont été mis en examen pour viol, et ceux qui ont été mis en examen pour agression sexuelle non qualifiée de viol. Les violences sexuelles ont été commises soit à l’encontre de pairs – hétérosexuels pour ce qui concerne les agressions sexuelles (dont un à l’intérieur de la famille, la victime se trouvant être la sœur de l’auteur), homosexuel pour une situation de viol (sodomie) – soit sur des enfants plus jeunes, voire très jeunes (certains de moins de 6 ans) dans quatre cas de viols (contrainte à fellation) dont deux concernent des petits garçons et qui, d’une manière ou d’une autre, s’inscrivent dans des liens familiaux.
36La présentation de chacun des groupes permet de mettre en évidence certains éléments de spécificité.
37Le groupe 1, celui des adolescents mis en examen pour agression sexuelle, se présente de manière relativement homogène ; il est composé de cinq garçons âgés de 13 à 14 ans, avec qui le contact clinique est dans l’ensemble difficile, avec des manifestations de retrait (dans le registre du malaise et/ou de l’inhibition) voire d’opposition. Sur le plan familial, la référence au couple parental apparaît constituée, même si dans deux situations les parents se trouvent être séparés. Sur le plan de l’inscription scolaire, deux des adolescents se trouvent en difficulté sans rupture de l’inscription scolaire, alors que les trois autres se présentent comme en très grande difficulté, avec rupture de toute démarche de formation. Au regard des actes qui leur sont reprochés, les cinq adolescents de ce groupe se placent dans une non-reconnaissance, n’ouvrant pas tant sur une position de déni que sur une forme de banalisation de leur participation transgressive ou d’incompréhension de la nature de l’interdit qui leur est signifiée.
38Le groupe 2, composé de cinq adolescents âgés de 14 à 17 ans mis en examen pour viol est, lui, contrasté ; pour trois des adolescents, le contact est plutôt aisé, sur fond de séduction, alors que pour les deux autres on se trouve dans une véritable rupture de la relation qui évoque un tableau psychotique. Sur le plan familial, on se trouve confronté, dans le discours des adolescents, à une zone d’incertitude quant à la place dans l’inscription des générations (pour un adolescent), quant à la reconnaissance de la figure paternelle (pour trois adolescents), ou quant à l’investissement maternel avec séparation du couple parental et décès de la mère (pour un adolescent). L’inscription scolaire est satisfaisante pour les trois adolescents qui se sont présentés comme étant les plus à même de s’engager dans la relation, alors que les deux autres se trouvent en rupture totale de formation. Pour ce qui est de la reconnaissance des actes de violence reprochés, dominent des positions de déni plus ou moins formalisées, voire labiles.
Analyse clinique des protocoles projectifs (Rorschach et TAT)
39Une lecture synthétique des protocoles de chacun des deux groupes sera proposée successivement avec, en contrepoint, une présentation d’un protocole singulier pour chacun de ces groupes.
Groupe 1
40Les adolescents de ce groupe présentent des protocoles relativement homogènes ; quatre grands axes peuvent être retenus comme significatifs pour ceux-ci :
- une atteinte des assises narcissiques (qui se traduit, en particulier au Rorschach, par des marques d’atteinte à l’intégrité), associée à une difficulté d’élaboration du lien à l’objet (instabilité des représentations, primat d’un mode persécutoire de lien à l’objet) ;
- l’élaboration de la position dépressive bute sur un doute identitaire, qui se traduit par un blocage de l’élaboration secondaire et de sa traduction en termes de représentations suffisamment construites ;
- les engagements identificatoires sont marqués par un effacement de la différence des sexes conduisant à une banalisation ou une anonymisation des représentations humaines (« des gens », « des bonhommes » au Rorschach), voire à un scotome de la représentation féminine (à deux reprises au TAT), ou des mises en tableau de la figure du couple au TAT (« des paysans », planche 2 ; « une histoire de couple », planche 4), sans possibilité de conflictualisation de positions différenciées ;
- le lien générationnel est ténu, souvent évité, ou alors pris dans l’anonymat ; on peut penser qu’il s’agit là d’une figure de la mise à distance (de l’effacement ?) des fantasmes incestueux et parricides.
Exemple clinique : Lionel, 13 ans
41Lionel est mis en examen pour des faits d’agression sexuelle en milieu scolaire, suite à la plainte déposée par une adolescente de son collège qui aurait été victime d’attouchements de la part de l’adolescent. Cette plainte est vécue comme une trahison par les parents de Lionel, dans la mesure où lors d’un contact téléphonique entre les parents de la victime et ces derniers, aurait été évoqué un « arrangement à l’amiable »...
42Lionel se présente sur un versant frustre, il se décrit lui-même comme un « garçon de la campagne ». Il est le troisième enfant d’une fratrie de trois, sa sœur est âgée de 18 ans et son frère d’un peu plus de 20 ans. Ses parents sont séparés depuis quelques années. Son père, agriculteur, est resté vivre à la ferme alors que sa mère s’est installée dans le bourg voisin. Cette dernière, qui vit actuellement avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle, un ami du frère aîné de Lionel, continue à assurer la comptabilité de l’exploitation de son ex-mari, tout en occupant un emploi d’aide à domicile. La mère de Lionel évoque les relations de proximité qui la lie à Lionel (« il m’a beaucoup consolée » dit-elle), en faisant référence à une vie conjugale difficile, marquée par la violence de son mari.
43Lionel vit la passation des épreuves projectives (Rorschach et TAT) comme une contrainte, mais il parviendra toutefois à l’investir progressivement. Il aura besoin durant la passation d’une présence importante du clinicien, dont les sollicitations lui seront particulièrement nécessaire au TAT. Dans l’entretien, il refuse toute évocation des faits relatifs à sa mise en examen, sans déni organisé de ceux-ci.
Éléments de lecture clinique des protocoles projectifs de Lionel
44D’une manière générale, on peut repérer que les protocoles de Rorschach et de TAT de Lionel sont relativement pauvres dans leur déploiement associatif.
45Au Rorschach, les marques de l’atteinte à l’intégrité se présentent dès la planche I (I.3 : « feuille cassée ») pour être réitérées à la planche VI (VI.13 : « chat qui s’est fait écraser »). Cette question de l’intégrité, et de son acuité dans les préoccupations de Lionel, va être à nouveau signifiée à la planche VIII (VIII.15 : « un insecte et après sa peau... euh, sa proie »), laissant entrevoir au travers de ce lapsus la fragilité d’une représentation inscrite dans la continuité (la peau s’est-elle détachée de l’insecte ? dans quel rapport se trouve la proie de l’insecte à l’insecte lui-même ?).
46Les indices de la qualité de la construction de l’objet peuvent être relevés à partir de deux types d’expression :
- la mobilisation de réponses « miroirs » (planches II et VI), dont on mesure les limites quant à l’accès à une dynamique relationnelle (II.5 : « une personne qui se voit dans la glace »), réponse qui se trouve comme rabattue dans le registre de la passivité dans une réponse suivante (III.6 : « ça pourrait être vu dans la glace »);
- la référence à un jeu de vu/caché, peu organisé, mais qui indique les prémices des conditions d’une inscription de la permanence de l’objet.
47Au TAT, la problématique de l’atteinte de l’intégrité apparaît à nouveau dès la première planche, avec la référence à un violon détruit (planche 1 :«[...] ben qu’il essaie le violon et puis qu’il le casse »).
48Le protocole s’organise autour d’un déni du féminin, tant dans le contexte de la triangulation œdipienne (planche 2) que dans celui du lien amoureux (planche 4). L’absence de lien générationnel et l’anonymat des personnages engagés dans des liens œdipiens témoignent de la fragilité de l’inscription au sein de la différence des sexes et des générations, ainsi que de la précarité du jeu identificatoire.
Groupe 2
49Les protocoles des adolescents de ce second groupe se répartissent en deux sous-groupes contrastés :
- l’un dans le registre de la psychose, sur un versant très inhibé (respectivement 3 et 8 réponses au Rorschach), voire dans le refus (refus de l’épreuve du TAT pour l’un d’entre eux) ;
l’autre avec des productions riches, mobilisant le lien au clinicien au cours de la passation.
Sous-groupe 1
50Le mode de relation des deux adolescents face aux épreuves se caractérise par un désengagement subjectif majeur, voire un effondrement (« je vois pas », « je connais pas »), le support du Rorschach ne permettant pas l’élaboration d’un objet suffisamment constant et consistant. Si on peut noter un mouvement de réassurance identitaire, qui se traduit en particulier par la reconnaissance de la banalité à la planche III, on ne relève pas de mise au travail des potentialités identificatoires qui lui sont attachées.
51La problématique de l’abandon apparaît majeure au travers d’un effondrement dépressif face auquel l’un des adolescents tente de se reprendre, en appui sur les figurations au TAT, à partir de la confrontation au lien paternel [5].
Sous-groupe 2
52Les protocoles sont florides, parfois marqués par des références culturelles qui viennent comme suturer des fragilités narcissiques très présentes en arrière-plan. En effet, l’atteinte des assises narcissiques se donne à voir au travers des marques d’attaque de l’intégrité (en particulier au Rorschach), mais elle se trouve mise au travail, a minima, dans un jeu autour de la symétrie (ce jeu est limité, pour une bonne part, à un traitement de la symétrie en terme de redoublement).
53Le traitement de la position dépressive est marqué par le déni massif de la séparation (cf planche 13B au TAT) et se trouve rabattu sur un accrochage perceptif [6], en référence à un élément d’ordre factuel (le lieu de la garde à vue, reconnu dans la planche), ou sur le mode d’un retournement sadique [7].
54Par ailleurs, les engagements identificatoires sont fragiles, en appui sur des représentations humaines peu accessibles (place des pseudo-humains) ou mono-identifiés (insistance sur l’identification féminine). La différence des sexes est ainsi peu mise en jeu et constitue un support fragile pour l’élaboration du conflit. La différence des générations, lorsqu’elle peut être reconnue, semble peu disponible comme support organisateur des investissements ; la réactualisation des fantasmes incestueux et parricides dans la confrontation au matériel des épreuves projectives apparaît comme désorganisatrice.
55Enfin, les positions de déni et les marques de clivage propres à spécifier ce second sous-groupe, ainsi que le mode de mobilisation du lien au clinicien (en particulier au travers de la place de la sollicitation du regard), donnent à penser à un aménagement dans le registre de la perversion.
Norbert, 15 ans
56Norbert est mis en examen pour des faits de viol (contrainte à une fellation de la part d’un petit garçon de 4 ans dont il avait la garde). Norbert reconnaît les faits. Il se trouvait lui-même à cette période à la garde de sa grand-mère maternelle, suite à un conflit avec sa propre mère et avec le mari de celle-ci. L’enfant victime de Norbert et dont il avait la garde temporaire est l’enfant d’une amie de sa grand-mère.
57L’histoire familiale de Norbert est confuse ; il n’a pas été reconnu par son père, qui en aurait été empêché par sa mère sur fond de chantage, malgré une vie commune avec celle-ci : en effet, la mère de Norbert aurait mis comme condition à la reconnaissance par le père que ce dernier ait une activité professionnelle. La séparation des parents de Norbert et le mariage de la mère avec un autre homme donnent l’occasion d’une reconnaissance dans le cadre du mariage, alors que Norbert est âgé de 7 ans ; il change de nom patronymique.
58Sur le plan de sa scolarité, Norbert connaît des difficultés précoces qui conduisent à son placement en IME [8]. Il dira alors, dans le cadre de l’entretien clinique, avoir été l’objet de violences sexuelles de la part d’un élève plus âgé et n’avoir jamais osé en parler à quiconque.
59Norbert s’engage volontiers dans la passation des épreuves projectives avec le souci, manifestement, d’un « faire plaisir » à l’égard du clinicien.
Éléments de lecture clinique des protocoles projectifs de Norbert
60Au Rorschach, la question de l’intégrité est référée explicitement à l’intégrité corporelle, ainsi qu’en témoignent les détails oligophrènes (Do) présents à la planche III (III.5 : « deux jambes de femme » et III.6 : « une tête, deux têtes en fait, voilà... ») et le nombre prévalent de réponses de détail humain et de réponses anatomiques, signant ainsi une défaillance dans la constitution des enveloppes corporelles et psychiques. Si l’on peut considérer, avec N. Rausch de Traubenberg, que ces détails particuliers renvoient à l’inhibition, c’est bien ici à une inhibition marquée par l’impossible accès à une représentation du corps unifié.
61Par ailleurs, le déplacement d’une référence humaine à une représentation pseudo-humaine rend compte d’une tentative (à valeur de protection face à l’excitation sexuelle suscitée par le matériel) de reconstitution d’une image du corps mise à mal par la poussée pulsionnelle. Les absences de banalité que constituent d’une part la représentation humaine à la planche III et d’autre part la représentation animale à la planche VIII interrogent sur un risque de marginalisation.
62Enfin, les réponses sexuelles, à la planche VII en particulier (VII.12 : « ah, je dis pas ce que je vois parce que je suis pas sûr... V. le pipi d’une femme... le vagin d’une femme, je pense, juste ça (D axial), le reste j’en sais rien »), s’inscrivent dans une sollicitation du clinicien au voir, qui signe la précarité du refoulement comme modalité de traitement et de régulation de l’excitation, interrogeant sur la dynamique perverse des aménagements psychiques de l’adolescent.
63Le protocole de TAT est marqué par des processus de mise à distance temporelle et/ou spatiale dans la construction des récits, qui s’expriment sur un fond de perturbation des repères, perturbation qui dénote une fragilité de l’inscription de Norbert dans l’ordre des générations (glissements et attaques du lien générationnel). On peut relever par ailleurs au travers des récits proposés :
- des manifestations de déni et de clivage rapportés aux investissements libidinaux ;
- un mode de traitement de la violence qui se traduit sur le versant de la rétorsion ;
- l’absence d’élaboration de la position dépressive, dans un retournement passif/actif qui met au premier plan les pulsions violentes et meurtrières.
La violence sexuelle agie à l’adolescence : une modalité défensive ?
64De manière un peu schématique, on peut identifier chacun de ces groupes d’adolescents auteurs de violences sexuelles aux registres de violence proposés par C. Balier (1996). En effet, le premier groupe d’adolescents (auteurs d’actes qualifiés d’agression sexuelle) pourrait être référé au registre de la violence primaire, alors que le second groupe d’adolescents (auteurs d’actes qualifiés de viols) pourrait être référé au registre de la violence originaire. Ce constat ne préjuge cependant pas nécessairement de l’évolution de la personnalité de ces adolescents : il convient, en effet, de rappeler le caractère paradoxalement protecteur de la violence à l’adolescence (C. Balier, 1998) et sa place dans le cadre des réaménagements qui président à cette période du développement psychoaffectif.
65Dans le premier groupe, les marques de la quête du double comme mode de confirmation narcissique sont peu présentes dans les protocoles d’épreuves projectives, même si dans l’un des cas (Lionel) leur émergence permet d’en situer le registre peu élaboré. Peut-on penser alors que les actes d’agression sexuelle (dont on a vu qu’ils sont peu reconnus en tant que tels) s’inscriraient dans une fonction de réassurance des positions narcissiques, comme préalable à la confrontation à la différenciation sexuée, dans un contexte où le mode d’investissement de l’objet apparaît comme abrasé (sur le mode d’un retrait face à un objet vécu comme incertain, voire étrange) ?
66Cette tentative de dégagement pourrait également être reconnue dans la référence implicite à une participation collective, lors des actes de violence, attestant d’une forme de mise en suspens de la participation subjective.
67Il n’est pas inintéressant, par ailleurs, de relever que les adolescents de ce premier groupe se trouvent être les plus jeunes de notre population ; à ce titre, et dans une perspective développementale, il convient d’entendre l’inscription de leurs actes dans ce temps singulier de l’entrée dans l’adolescence, sans doute le plus désorganisateur au regard des repères identitaires.
68Le second groupe, on l’a dit, renvoie de manière plus marquée à la violence originaire évoquée par C. Balier (1996), avec la mise en évidence de deux modalités d’aménagements que l’on a pu évoquer autour de la psychose d’une part et de la perversion d’autre part [9] et qui participerait d’un traitement singulier du traumatisme pubertaire.
69Dans ce groupe, le processus adolescent est dominé par des mouvements d’effraction qui trouvent des modes de résolution :
- soit dans le désengagement narcissique et objectal ;
- soit dans la construction d’un lien à l’objet qui vient conforter (de manière fragile) les assises narcissiques, sur fond de clivage.
70C. Balier (1996), en conclusion de son ouvrage consacré aux comportements sexuels violents, met l’accent sur ce qu’il nomme « les incertitudes de l’adolescence ». Il se réfère, dans la lignée des travaux des Laufer (1980), à l’idée d’une « rupture du développement » attachée à l’adolescence, à la continuité des aménagements psychotiques et pervers, aménagements différenciés par le mode d’investissement de l’objet externe :
- s’il n’est pas maintenu comme soutien du soi, au sens de l’investissement d’un sentiment de continuité suffisant, on se trouve face à une violence extrême, éventuellement sans préoccupation de l’auto-conservation du sujet ;
- si l’objet externe est maintenu dans un investissement suffisant, la construction perverse garantit une dangerosité moindre à l’égard de la victime. mais cette construction inscrit également la potentialité de la récidive de manière plus marquée.
71Ainsi, dans ce second groupe, l’acte sexuel violent aurait alors pour projet, dans l’économie adolescente, de mettre à l’épreuve la qualité de l’objet externe en tant que celui-ci serait pris dans le risque de se dérober. Les engagements identificatoires pris dans ce risque ne se trouvent alors que peu en mesure de se déployer, laissant largement ouverte en particulier la question de l’élaboration du choix d’objet sexuel.
ADOLESCENTS AUTEURS ET ADOLESCENTS VICTIMES DE VIOLENCE SEXUELLE : UNE CONTINUITÉ DES PROCESSUS ?
72Le prolongement d’une élaboration de la place de la violence sexuelle dans le processus adolescent conduit à interroger la manière dont, pour l’auteur comme pour la victime, se trouve remise en jeu la construction des assises narcissiques-identitaires dans le contexte de la réactualisation des fantasmes incestueux et meurtrier qui engagent l’émergence pulsionnelle adolescente. À partir de là, on peut considérer que la violence sexuelle, agie ou subie, engage une dynamique qui se caractérise par la mise en œuvre de réaménagements psychiques chez l’adolescent ; réaménagements qui concernent la renégociation des places et des statuts vis-à-vis des imagos parentales (abandon versus séduction) dans le contexte de la fragilisation propre au travail psychique à l’adolescence.
L’accès au génital à l’épreuve de la séduction traumatique
73Mina (15 ans) a été victime de violences sexuelles (contrainte à fellation, pénétration vaginale et anale) de la part de son beau-père entre 7 et 12 ans. À cet âge, elle dénonce les faits dans des modalités complexes : elle s’adresse à la fille d’une amie de sa mère, cette dernière alertant la mère de Mina. Celle-ci se sépare alors de son mari, change de ville avec ses enfants. et Mina sollicite à 14 ans un placement au titre de la protection. Elle manifeste par ailleurs une grande difficulté à assumer le dépôt de plainte réalisé par sa mère, mais investit néanmoins cette plainte comme support à l’expression d’une souffrance psychique importante.
74Simon (17 ans) est mis en examen pour des faits de viol (contrainte à fellation) sur la fille de l’ami de sa mère, âgée de 4 ans, dont il assurait temporairement la garde. Simon est orphelin de père depuis plusieurs années, le décès de son père intervenant dans le contexte d’une séparation du couple parental ; il est confié dans le cadre du divorce à sa mère, qui se remarie, puis divorce à nouveau, divorce suite auquel Simon demandera à suivre sa scolarité en internat dans une ville éloignée du lieu d’habitation de sa mère. Le dépôt de plainte du père de l’enfant, suite à une dénonciation explicite de celle-ci, est mal accepté par la mère de Simon, ce dernier s’enfermant dans un déni massif des faits qui lui sont reprochés.
75Tom (18 ans) se déclare victime de violences sexuelles répétées de la part d’un ami proche de ses parents, ami d’enfance et d’adolescence de son père, entre 12 et 17 ans. Il dénoncera ces faits à la suite d’une plainte déposée par un jeune pré-adolescent, victime du même homme : la connaissance de cette plainte semble lui permettre, partiellement tout au moins, une levée du clivage concernant ces faits à l’égard desquels il entretient une relation ambiguë.
76Loucif (14 ans) est mis en examen pour des faits d’agression sexuelle à l’égard d’une adolescente qui lui reproche d’avoir, en groupe, procédé à des attouchements sur sa poitrine, dans un contexte présenté comme un temps de jeu par Loucif... et comme une atteinte à son intégrité par la victime. Les parents de Loucif considèrent, quant à eux, que leur fils a été entraîné par les autres.
77Au regard de ces illustrations cliniques, on comprend qu’un certain nombre de questions viennent traverser les positions de l’adolescent auteur et de l’adolescent victime de violence sexuelle, que l’on pourrait qualifier dans le registre de la séduction traumatique. En effet, que l’adolescence constitue le temps de dénonciation des violences sexuelles pour les victimes ou le temps dans lequel se produisent les violences (pour l’auteur, pour la victime), la violence sexuelle interroge le déploiement du processus adolescent dans sa vectorisation génitale.
78On a vu de quelle manière l’entrée dans l’adolescence pouvait revêtir un caractère traumatique (P. Gutton, 1991) : comment ce traumatisme pubertaire peut-il se signifier, s’élaborer, se travailler dans le contexte d’une violence sexuelle, agie ou subie, alors même que cette violence inscrit l’instauration du lien à l’autre dans le registre d’une sexualité qui se présente sur un versant génitalisé (on sait bien toutefois que là ne se situe pas véritablement l’enjeu pour ces adolescents), et dans le registre de la séduction traumatique, tel que P.C. Racamier (1992) a pu la décrire ?
79C’est donc à la fois au nom d’un choix théorique, considérant l’unité de la référence au processus adolescent, et au nom d’un choix clinique, celui de la continuité entre les situations d’auteurs et de victimes de violence sexuelle, que je me propose d’interroger à présent conjointement la production aux épreuves projectives d’adolescents appartenant à chacune de ces configurations. Cette continuité, cela a été évoqué, peut-être explicitée sur deux plans :
- d’une part sur le plan d’une référence à des violences subies dans l’enfance, pour les adolescents auteurs ;
- d’autre part sur le plan d’une interrogation de ces violences, agies ou subies, dans le registre de l’appétence au traumatisme décrite par J. Guillaumin (2001) au travers de la notion de « pulsion traumatophillique ».
Description des populations d’adolescents auteurs et victimes de violence sexuelle
80Les adolescents mobilisés dans la présente étude (auteurs et victimes) ont tous été rencontrés dans un cadre d’expertise judiciaire ou d’évaluation de la personnalité d’un service de consultation de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Si cet échantillon de 20 adolescents ne prétend pas être représentatif d’une population, il représente toutefois un point d’appui pour une élaboration théorico-clinique de la violence sexuelle à l’adolescence. Le choix de cet échantillon est dicté par le hasard des dossiers d’expertise recueillis au cours de deux années civiles : ils s’inscrivent donc au fil de la pratique clinique et reflètent, de fait, une certaine diversité.
Les auteurs
81On l’a vu, ce sont tous des garçons, âgés de 13 à 17 ans : leurs victimes sont des enfants pour 4 d’entre eux (essentiellement pour des faits de viols) et des adolescents pour 6 d’entre eux (essentiellement pour des faits d’agression sexuelle). Ils peuvent être répartis en deux sous-groupes, déjà présentés, de 5 adolescents chacun, selon les critères de la définition légale des faits de violence pour lesquels ils ont été mis en examen.
Les victimes
82La répartition selon le sexe propose une parité entre les garçons et les filles, pour un âge s’établissant de 13 à 18 ans, l’ensemble des adolescents s’étant trouvés victimes de l’environnement proche, familial ou amical. 3 d’entre eux ont été victimes dans l’enfance, alors que pour 7 d’entre eux les violences ont été subies à l’adolescence. On peut, au même titre que les auteurs de violence sexuelle, les répartir en deux groupes en fonction des violences dénoncées : 5 ont subi des violences en terme d’agression sexuelle (dont 4 garçons) et 5 en terme de viol (dont 4 filles).
83Dans le cadre de la relation expertale, il a été proposé systématiquement :
- la passation de l’épreuve de Rorschach ;
- dans un certain nombre de cas (7 cas sur 10 pour les auteurs et 3 cas sur 10 pour les victimes), la passation de l’épreuve du TAT en complément de l’épreuve de Rorschach.
84La lecture des protocoles projectifs sera conduite, dans une perspective comparative entre les groupes d’adolescents auteurs et d’adolescents victimes, selon les modalités décrites dans la partie introductive de cette étude. Une comparaison sera proposée plus spécifiquement entre les productions des adolescents auteurs et victimes d’agression sexuelle d’une part et auteurs et victimes de viol d’autre part.
Analyse clinique comparative des protocoles projectifs (Rorschach et TAT)
85Globalement, on peut reconnaître un écart notable entre les protocoles projectifs de ces deux groupes, dans la lecture transversale qu’autorise la référence à des sous-groupes spécifiés par la qualité des faits de violence sexuelle agie et/ou subie.
Adolescents auteurs et victimes d’agressions sexuelles
86On l’a vu, trois éléments permettent de décrire le fonctionnement psychique des adolescents engagés dans des actes d’agression sexuelle (voir supra) :
- une atteinte des assises narcissiques ;
- un doute identitaire ;
- un effacement de la différence des sexes.
87L’analyse des protocoles des victimes confirme ce registre de problématique, en se présentant toutefois dans une légère inflexion. Dans ces protocoles qui se présentent de manière contrastée quant à la productivité (entre 9 et 18 réponses), les marques de l’atteinte à l’intégrité se donnent à voir également de manière majeure au travers de trois types d’expression :
- une difficulté dans la construction des représentations, celles-ci s’élaborant par juxtaposition des différents éléments des stimuli proposés [10] ;
- la perte des limites [11] ;
- la mobilisation de marques de contrôle dans l’investissement de la relation clinique et des épreuves projectives (tentative massive de maîtrise du blanc au Rorschach, place des formations réactionnelles dans l’énonciation des réponses) que l’on peut sans doute entendre dans sa dimension anti-dépressive.
88Par ailleurs, on notera la place privilégiée donnée à l’investissement du lien par le regard selon différentes modalités :
- insistance sur les yeux comme élément constitutifdes représentations (en appui sur l’investissement et la maîtrise du blanc en particulier), qui témoigne d’une préoccupation quant au maintien des liens dans la continuité (en filigrane, transparaît quelque chose du risque de l’abandon et/ou de l’effondrement) ;
- l’expression d’une tonalité a minima persécutoire au cours de la production des réponses [12] ;
- une référence au double qui se traduit par un faible investissement du jeu potentiellement structurant de l’axe de symétrie à l’épreuve de Rorschach (des réponses redoublées témoignent par exemple d’un échec de cette potentialité) et qui, par ailleurs, peut buter sur un lien de type anaclitique [13]. Enfin, la précarité des mouvements identificatoires est sensible, que ce soit au travers de la non-reconnaissance ou du détournement de l’engramme humain de la planche III [14] du Rorschach et/ou l’absence d’appartenance sexuelle des représentations humaines, ou d’un engagement problématique dans l’élaboration de la bisexualité.
89Dans la même ligne, on notera la fragilité de la construction des figures parentales, présentées à l’épreuve du TAT dans leur caractère inaccessible et/ou dangereux face au risque du rapproché œdipien et/ou contre-œdipien.
Adolescents auteurs et victimes de viols
90Si les protocoles projectifs des adolescents auteurs de viols se présentent dans une forte hétérogénéité, avec en particulier une tension entre deux registres d’aménagement, sur le versant de la psychose et de la perversion, les données cliniques concernant les adolescents victimes de viol témoignent d’une plus grande homogénéité. En effet, les protocoles comportent entre 13 et 20 réponses et présentent des modalités expressives qui viennent en écho les unes à l’égard des autres.
91En premier lieu, on relève des failles dans le travail de représentation à partir de la saisie perceptive, apparaissant dans les difficultés de discrimination du stimulus : présence de réponses contaminées ou confabulées [15], d’effacements représentatifs et d’expression traumatique.
92En second lieu, le lien à l’objet trouvé se présente comme marqué par une inquiétude majeure : clivage bon/mauvais traduisant une instabilité au plan de la construction identitaire [16], retournement d’un voir persécuteur (« j ’ arrive pas à voir »), référence explicite à des figures persécutrices ; ces expressions émergent dans un contexte où le regard tend à être investi sur le mode de la rigidification du lien à l autre, particulièrement autour de l investissement de la symétrie.
93En troisième lieu, l organisation du lien aux figures parentales se trouve mise à mal à plusieurs niveaux :
- la reconnaissance de l humain comme support identificatoire bute sur
94l’échec de la construction d’une appartenance sexuée, avec la mobilisation de représentations para-humaines parfois inquiétantes (« fantômes »), voire sur l’annulation de la référence à l’humain dans sa dimension d’engagement relationnel (« masque »), introduisant un versant paranoïde a minima ;
Les figures parentales voient leur potentiel de protection et/ou de support aux confrontations identificatoires mis en échec, au profit d’émergences dans le registre de l’enfermement ou de l’abandon, entravant toute élaboration d’une conflictualité œdipienne ;
Le lien générationnel est évité ou dénié (lien père/fille) [17], non-reconnu ou détourné (lien mère/fille) [18].
Synthèse
95La présentation comparée des éléments d’une clinique projective dans le contexte de la violence sexuelle à l’adolescence contribue à mettre en évidence un certain nombre de lignes directrices, au-delà du large spectre dans lequel peuvent se jouer les aménagements psychiques à l’adolescence. La composante traumatique de cette clinique est ici flagrante : traumatique non pas tant par les émergences parfois crues des productions projectives que par la précarité des issues à ces expressions et par l’effet de résonance singulier du traumatisme avec les planches. Tout se passe comme si la trace de la violence sexuelle, agie ou subie, venait sidérer les potentiels symbolisants de l’adolescent, le laissant en proie avec le risque d’une désorganisation, sur le mode de la dépression ou de l’effondrement.
96Trois constats peuvent être opérés à cet égard, qui concernent la proximité des profils des adolescents auteurs et victimes, l’enjeu de la temporalité dans laquelle s’inscrit la violence sexuelle et la qualité de l’environnement familial des adolescents :
- la proximité de la dynamique psychique des adolescents auteurs et des adolescents victimes interroge sur le fait que l’engagement dans la violence sexuelle à l’adolescence (comme auteur, comme victime) constituerait un élément significatif de cette dynamique psychique en terme d aménagement et de réaménagement dans le contexte du processus adolescent ; on peut reconnaître en effet que la violence en terme d agression sexuelle mobilise des processus de lutte contre la dépression, alors que la violence en terme de viol ouvre des processus de lutte contre l effondrement ;
- le temps dans lequel les violences sont subies par les victimes ou agies par les auteurs apparaît déterminant ; en effet, du côté des victimes, que la violence subie se situe dans l enfance ou l adolescence, elle semble se rapporter à la répétition d une expérience mettant en jeu les limites dans le lien et/ou d un défaut de protection de l environnement. Du côté des auteurs, il est intéressant de souligner la spécificité des mouvements engagés respectivement à l égard de victimes adolescentes, vis-à-vis desquelles l agression sexuelle se pose comme tentative de réassurance face à la violence pubertaire, et à l égard des victimes dans l enfance, vis-à-vis desquelles la violence sexuelle prend davantage la forme d un raptus incontrôlable ;
- ce qui marque de manière indéfectible le lien entre ces deux groupes d adolescents, auteurs et victimes de violence sexuelle, c est la précarité des repères au sein du groupe familial, dans des configurations qui se rapprochent de ce que P.C. Racamier (1992) décrit avec la dimension de l incestuel : la violence sexuelle, agie ou subie, se présenterait alors comme un révélateur de la désorganisation des repères, dans le double registre de la différence des sexes et des générations.
97À partir de là, dans la perspective d’un croisement entre d’une part les positions d auteur et de victime et d autre part la participation à des violences sexuelles (agies ou subies) en termes d agression ou de viol, une nouvelle formulation de nos hypothèses initiales peut être proposée :
- si l’agression sexuelle peut représenter pour l’adolescent auteur une fonction de réassurance narcissique comme préalable à la rencontre de la différence, elle interroge, chez la victime, la fiabilité de ses assises narcissiques dans la mise en jeu de la fonction de protection et/ou de soutien de l’environnement, sur fond de gel des investissements libidinaux ;
98- si le viol apparaît, chez les adolescents auteurs rencontrés, comme une tentative de mise à l’épreuve de la qualité de l’objet externe, sur fond de clivage des investissements libidinaux, cette même stratégie défensive du clivage semble servir, pour la victime, une stratégie de protection face au risque d’effraction mobilisé par la rencontre génitale violente à l’adolescence.
99Au fond, on peut considérer que, dans des modalités différenciées, la rencontre avec la violence sexuelle à l’adolescence viendrait mobiliser le besoin de traumatisme à l’adolescence. On peut, par ailleurs, faire l’hypothèse que ce besoin de traumatisme interroge la nécessité singulière, pour ces adolescents, de se saisir de l’expérience de vécus primitifs en défaut de sens dans la construction de la sexualité infantile : la pulsion traumatophillique engagée dans ces violences pourrait alors avoir une fonction de liaison, au service de l’élaboration d’une « représentation par le traumatisme » (C. Janin, 1996).
100Au-delà, on comprend bien les implications d’une telle compréhension quant à l’accompagnement éducatif (Assistance Éducative en Milieu Ouvert, placement, suivi éducatif dans le temps de l’incarcération...) et/ou thérapeutique (prise en charge individuelle ou groupale, prise en charge familiale.) de ces adolescents, en ce que la mise en évidence de ces deux figures engage un type de réponse différencié dans la mobilisation de l’environnement social de l’adolescent (famille, institution judiciaire, institution soignante.).
ÉLÉMENTS POUR UNE ÉVALUATION DE LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ADOLESCENCE
101L’enjeu de l’évaluation de la violence sexuelle à l’adolescence tient dans la nécessité d’interroger, au-delà de l’acte, la dynamique psychique dans laquelle celui-ci s’inscrit et dont on a pu constater qu’elle renvoie à des configurations différenciées. On ne peut, à cet égard, faire l’économie d’une réflexion sur le risque de fascination qu’introduit la confrontation à l’acte sexuel violent, agi ou subi, et éviter de s’interroger sur le sens d’une démarche d’investigation (P. Roman, 1998).
102On soulignera dans ce sens l’importance de la compréhension des modalités d’inscription de cet acte violent dans l’histoire du processus adolescent, au sens où l’acte sexuel violent se présente sur le mode d’un aménagement et/ou d’un réaménagement face à l’émergence de la sexualité génitale, et plus largement dans l’histoire des liens de l’adolescent à considérer dans la dynamique familiale au sein de laquelle il se trouve engagé.
103Au fond, on pourrait alors considérer la démarche d évaluation de la personnalité de l auteur ou de la victime de violence sexuelle comme une modalité de dégagement au regard de la confrontation à l acte et, partant, comme support à l élaboration d un projet qui permette d articuler soin et sanction, soin et réparation, à partir de la reconnaissance de la souffrance liée à cette violence, pour la victime mais aussi pour l auteur, au-delà de sa participation transgressive.
104Dans cette perspective, l évaluation de la personnalité des adolescents pourra prendre des formes diverses :
- démarche ponctuelle d expertise, de l auteur et de la victime, par l intermédiaire d une expertise psychologique et/ou psychiatrique ;
- démarche d investigation de la personnalité en milieu ouvert, dans une perspective pluridisciplinaire (mesure d’I.O.E – Investigation et Orientation Éducative – décidée en matière pénale ou civile par le Juge des Enfants) et permettant une forme d accompagnement de l adolescent ;
- démarche d observation, dans un cadre d hospitalisation et/ou d incarcération, en appui sur le quotidien des investissements de l adolescent.
105Les outils de l évaluation de la personnalité sont à considérer dans leur diversité : si l’examen psychologique, avec la mise en œuvre d’épreuves projectives, constitue l outil de choix de l évaluation de la personnalité, il convient d insister sur la pertinence d autres modalités de rencontre. À ce titre, on peut signaler l intérêt d appuyer l évaluation de la personnalité de l adolescent sur un entretien familial avec la médiation, le cas échéant, d un génogramme libre (Lemaire-Arnaud, 1980 ; M. P. Santelices &Coll., 1999), voire sur la participation de l adolescent à un groupe à médiation bref, utilisant le support du photolangage ou de la pâte à modeler par exemple.
106Dans ce contexte, l évaluation de la personnalité poursuivra un triple projet :
- l’interrogation de la qualité de l’acte violent, agi ou subi, et du rapport entretenu avec celui-ci, particulièrement en terme de culpabilité ;
- l’interrogation de ce que l’on pourrait nommer l’écho de l’acte, en tant que l acte violent introduit une double mise en crise dans la vie intrapsychique (tant au plan narcissique-identitaire qu’au plan objectal-identificatoire) et dans les liens intersubjectifs (avec une attention particulière aux enjeux transgénérationnels de la violence sexuelle) ;
- enfin, l’interrogation de la manière dont l’acte sexuel violent mobilise des réponses et/ou des postures institutionnelles et familiales tout à la fois sur le versant de la limite et sur celui de la protection.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : Adolescence, Processus adolescent., Expertise judiciaire, Violence sexuelle, Épreuves projectives
Date de mise en ligne : 01/12/2010.
https://doi.org/10.3917/pcp.010.0113Notes
-
[1]
Psychologue clinicien. Expert près la Cour d’Appel de Lyon. Professeur de Psychologie clinique, Centre de Recherches en Psychopathologie et Psychologie Clinique (C.R.P.P.C), Institut de Psychologie, Université Lumière-Lyon 2.
-
[2]
Agence Nationale de Recherche sur le Sida (1995) « Le comportement sexuel des jeunes de quinze à dix-huit ans », cité par M. Séry (2001).
-
[3]
On peut se référer, à ce sujet, aux travaux de D. Lafortune (Ecole de Criminologie, Université de Montréal) : « Abus sexuel commis par un adolescent et milieu familial », 8ème Congrès de l’A.I.C.L.F , Liège, 6 mai 2002.
-
[4]
La notion de position dépressive familiale a été conçue à partir des travaux de M. Klein (1934) sur la position dépressive infantile. Elle vise à rendre compte de l’intrication des enjeux de l’établissement des procédures de séparation/individuation et de l’inscription de celles-ci dans l’ordre des générations. Inscrite dans le fil du courant de thérapie familiale psychanalytique, cette proposition de la position dépressive familiale ainsi que les prolongements méthodologiques qui l’accompagnent dans le champ des méthodes projectives (voir à ce sujet, pour un développement exhaustif, P. Roman, 1999) me semblent à même d’inscrire une lecture clinique des protocoles d’adolescents auteurs d’abus sexuels dans la perspective du double remaniement narcissique-identitaire et objectal-identificatoire que Ph. Jeammet prête à l’adolescence.
-
[5]
T.A.T – Youssef :
Pl. 2 -je sais pas ( ?) je sais pas (?)... deux femmes ( ?) je sais pas
Pl. 3 – il est tombé là, il a mal au genou, il arrive pas à se relever, c’est tout.
Pl. 4 – je sais pas ( ?) je sais pas ça... y’a une femme et un monsieur... ( ?) je sais pas Pl. 5 – y a une femme, elle regarde la salle à manger, elle regarde ce qui passe, après elle va partir Pl. 6 – y a un jeune homme avec sa grand-mère... et je sais pas il va où... il va avec elle sa grand-mère faire un tour, c’est tout Pl. 7 – un jeune homme avec son père... ils partent... il demande elle est où sa mère... c’est tout... et lui il dit « je sais pas » -
[6]
T.A.T Christel :
Pl. 3 – « alors là c’est une fille qui pleure, enfin je pense, enfin elle est triste en tous cas parce que soit elle s’est fait gronder ou... ou alors elle est peut-être maltraitée... ça fait penser à la cellule de la gendarmerie ». -
[7]
TAT Norbert :
Pl. 3 – « (...) elle va avoir une peine de trois ans de prison ferme ». -
[8]
Institut Médico-Educatif.
-
[9]
Cf P. Roman (2000), sur l’expression et le destin du clivage au travers des épreuves projectives.
-
[10]
Thierry (15 ans) Rorschach, VI : « une peau de lapin oui (...) », enquête : « disséquée en SVT, des aiguilles dans tous les coins » ; Nathalie (16 ans), Rorschach VIII : « là on dirait plusieurs animaux qui essaient de faire une pyramide ».
-
[11]
Armelle (15 ans) Rorschach, VI : « alors là on dirait un animal qui est sur le dos et là on lui a ouvert (...)»; Nathalie (16 ans), Rorschach IX : « là on dirait qu’il ya... qu’il y a un petit garçon qui essaie de manger des sorcières ».
-
[12]
Chris (14 ans), Rorschach X : « alors euh... c’est assez coloré mais je vois pas... on dirait une tête en fait, une tête avec une barbe, un peu un clown (...) et d’ailleurs il a l’air d’être pas content parce que ça fait un pli sur ses lunettes » ; Bruno (15 ans), Rorschach, IV : « y a que des personnes ou quoi ? ou je suis fou ? on dirait un extra-terrestre vu d’en bas, une forme un peu bizarre (...)».
-
[13]
Brahim (13 ans), Rorschach, V : « sinon un corps de crocodile siamois ».
-
[14]
Nathalie (16 ans), Rorschach, III : « (.) on dirait une bonne femme et le bas on dirait un. une queue de poisson ou quelque chose comme ça ».
-
[15]
Noëlle (14 ans), Rorschach, V: « on dirait une chauve-souris avec des ailes de crocodiles ».
-
[16]
Tom (18 ans), Rorschach, IV : « un personnage de fiction, sorte d’ogre, Gargantua par exemple, regardant son adversaire qui se trouverait devant, petit. sorte de mage, assez terrifiant. l ogre voulant détruire la terre et le mage voulant sauver la terre de cet ogre, de ce monstre » ; Armelle (15 ans), Rorschach IX : « là je verrais plutôt comme si quelque chose... je vois la peur... comme si quelque chose d’affreux qui est arrivé, comme si une personne hantait des personnes... comme un fantôme qui hante les autres personnes ».
-
[17]
Noëlle (14 ans), TAT, 6GF : « pareil on dirait un film pendant la guerre, d’avant, et puis je sais pas c’est... eux ils font pas la guerre parce que c’est des gens riches, enfin un président ou n’importe quoi »; Karine (15 ans), TAT 6 GF : « un homme qui vient voir une femme et elle, elle est étonnée de le voir ».
-
[18]
Karine (15 ans), TAT, 7 GF : « une domestique qui est en train de regarder... ce que porte la fille... je sais pas très bien ».