Notes
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[1]
Professeur d’histoire de la médecine à l’Université de UCLA, elle publie depuis de nombreuses années des articles et ouvrages sur l’histoire de la médecine française. En 2005, elle a écrit avec Jean Garrabé l’introduction de la réédition du Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale de Pinel, publié au Seuil.
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[2]
Weiner construit cette opposition quelque peu caricaturale tout au long de son livre, et plus précisément dans le chapitre IX intitulé « La joute du vocabulaire : rivalité entre Pinel et Esquirol ». À l’inverse, dans la « Vie de Jean-Etienne Esquirol », Sémelaigne [28] s’était plu à souligner ce que les deux hommes pouvaient avoir de semblable.
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[3]
Sa distraction était légendaire. Une seule anecdote : au cours d’un repas, La Fontaine se montre « plus distrait encore qu’à l’ordinaire » et si « occupé de profondes méditations » que ses convives – en l’occurrence Molière, Boileau et Racine ! – finissent par s’en agacer et le raillent pour le tirer de sa rêverie ([19], p. xlvii).
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[4]
C’est sur cette phrase que se termine son rapport, et non celle que Weiner présente comme en étant la conclusion : « Pour finir, Esquirol décoche sa flèche : “Pinel fut le La Fontaine de la médecine”… ».
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[5]
Marchant fait pour sa part d’Esquirol « L’Hippocrate de la médecine mentale » ([19], p. 13).
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[6]
Habituellement traduit par : « seule la nature guérit ».
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[7]
Notons par ailleurs que 1811 est aussi l’année de décès de son épouse.
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[8]
J’emprunte cette formule à Simone Goyard-Fabre ([16], p. 344), qu’elle applique à Montesquieu.
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[9]
Pinel exprime pour sa part son « admiration pour les préceptes judicieux des anciens » ([26], p. 51).
-
[10]
La colère a longtemps été un thème philosophique à part entière, aussi bien pour les philosophes que pour les médecins de l’Antiquité.
-
[11]
C’est d’une certaine manière cette thèse que Swain et Weiner contestent. Pour ces historiennes, l’apport de Pinel ne se réduit pas à son humanisme ; son rôle a été fondamental dans l’élaboration de la clinique psychiatrique elle-même.
Introduction
1« Pinel fut le La Fontaine de la médecine » ([12], p. 227) : c’est à travers cette expression qu’Esquirol (1772-1840) évoque dans un rapport destiné à l’Académie de médecine son collègue décédé deux ans plus tôt. Au moment où il s’agit de rendre hommage à Philippe Pinel (1745-1826), médecin-chef de Bicêtre puis de la Salpêtrière, auteur d’une Nosographie philosophique six fois éditée de 1798 à 1818 et d’un Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale qui fit de lui le fondateur de l’aliénisme, c’est donc curieusement au poète dont les enfants apprennent par cœur les fables sur les bancs de l’école que son plus proche élève estime judicieux de faire référence.
2La caractérisation de Pinel par Esquirol est d’autant plus singulière que l’expression nous paraît bien obscure, presque deux siècles plus tard. Tombée en désuétude, elle ne fait désormais plus sens pour personne : nous ne savons rien des critères qu’un homme de science devait remplir pour qu’un tel qualificatif lui soit attribué, et nous ignorons par là même ce que cela pouvait bien signifier.
3Pour l’historienne Dora Weiner [1], qui rapporte la phrase dans son ouvrage Soigner et comprendre, l’affaire est entendue : Esquirol décoche une flèche à Pinel, il règle ses comptes avec lui. Dans une note de bas de page, elle justifie ainsi son interprétation : « Au nom de La Fontaine, on associe spontanément le mot “fable”, et il nous semble que de la fable au mythe, il n’y a qu’un pas » ([37], p. 338). Il faudrait donc comprendre que Pinel fut un piètre médecin et que ses écrits étaient hautement fantaisistes. En fait, le mot d’Esquirol trahirait le ressentiment et le mépris qu’il éprouvait à l’égard d’un homme dont tout le séparait : comment lui, ce fils de bourgeois catholique et royaliste attentif au bien-être des riches, aurait-il pu s’entendre avec Pinel, ce républicain devenu athée, né dans une famille modeste, et entièrement dévoué au sort des pauvres [2] ?
4L’interprétation de Weiner est erronée, et dans les lignes qui suivent je vais exposer les arguments qui le démontrent. Non seulement la référence au célèbre fabuliste n’a rien de désobligeant pour Pinel, mais elle présente en outre un intérêt insoupçonné, celui d’éclairer l’anthropologie médicale que son hippocratisme rendait possible en même temps que nécessaire pour traiter l’aliénation mentale. Il ne s’agira donc pas ici de nourrir le journal des conflits interpersonnels et des rapports de pouvoir entre aliénistes, mais plutôt d’utiliser le mot d’Esquirol comme d’un outil ouvrant sur l’histoire et la philosophie de l’aliénisme.
Pinel et La Fontaine : les motifs d’un rapprochement
5Délaissant la rigueur scientifique au profit de la seule imagination, Pinel a-t-il privilégié le mythe à la réalité, faisant de son œuvre une « construction de l’esprit qui ne repose pas sur un fond de réalité » ([5], p. 687) ? L’hypothèse qui voit dans la formule d’Esquirol une critique acerbe et déguisée adressée à son maître ne résiste pas longtemps à l’examen.
6Au XIXe siècle, dire de quelqu’un qu’il est le La Fontaine de sa discipline n’est pas lui faire injure. Contrairement à ce que Weiner suppose, il ne s’agit alors nullement de souligner l’absence de crédibilité d’un discours ou le caractère affabulateur d’un personnage. Relativement répandue, la formule consistait en fait à marquer le caractère humble d’une attitude, d’une manière d’être. Au XIXe siècle, être un La Fontaine, c’est méconnaître sa propre valeur sociale, ne pas avoir conscience de la haute estime en laquelle les autres nous tiennent, éprouver une gêne immotivée à côtoyer des gens d’un rang social supérieur, voire plus simplement ses propres pairs. C’est en somme faire preuve d’une modestie et d’une humilité excessives qui contrastent avec le respect que l’on serait en droit de revendiquer du fait des mérites qu’on s’est acquis par son travail. Dans sa Physiologie des passions, Jean-Louis Alibert, premier médecin ordinaire du roi et professeur à la Faculté de Médecine de Paris, propose en 1825 une nouvelle doctrine des sentiments moraux et rapporte à cet effet une anecdote illustrant l’obligation sociale qui devrait selon lui servir de règle aux rapports des hommes entre eux :
« On n’a pas oublié le docteur Rousseul, homme simple et naïf, justement surnommé le La Fontaine des médecins, qui ne sut jamais ce qu’il valait, qui refusa toutes les offres du grand Frédérik, qui, devenu l’ami et le pensionnaire de madame Helvétius, se réfugiait dans les bosquets, dans les chaumières des villageois, toutes les fois qu’il arrivait de grands personnages en visite chez sa respectable bienfaitrice. Je rapporte ces différens traits, parce qu’on aime à voir le talent qui s’ignore ».
8L’anecdote d’Alibert témoigne qu’il était manifestement courant à cette époque d’user d’une telle expression pour caractériser l’attitude d’une personne timide et modeste, sans que cela soit péjoratif. Esquirol fait-il de même dans son rapport ? Il y a tout lieu de penser que c’est le cas. Par quatre fois en effet, il prend soin de motiver le rapprochement qu’il opère entre le célèbre fabuliste et le non moins renommé aliéniste :
- « Oui, Messieurs, Pinel fut le Lafontaine de la médecine. Même finesse d’observation, même facilité à saisir les rapports, même connaissance du cœur humain, même simplicité, même bonhomie, même désintéressement » ([12), p. 227) ;
- « Distrait comme Lafontaine, M. Pinel dans une assemblée, même dans une réunion d’amis, paraissait absorbé dans ses réflexions, il fallait le retirer de cet état, pour obtenir son opinion… » ([12], p. 227) ;
- « Comme Lafontaine, M. Pinel était d’une modestie qu’on prenait pour de la timidité. Lui seul méconnaissait son propre mérite, il ignorait toute l’étendue de sa réputation… » ([12], p. 227) ;
- « M. Pinel, désintéressé comme Lafontaine, négligea les moyens de fortune que lui présentaient son mérite et sa réputation. Il cultivait la science pour elle-même et dans l’espoir d’être utile » ([12), p. 230).
9C’est un fait : Pinel est connu pour avoir été mal à l’aise en public, peu éloquent, et fort loin de posséder l’assurance dont font habituellement preuve ceux qui exercent des fonctions institutionnelles importantes. « Peu servi par sa timidité naturelle, sa petite taille et un bégaiement assez pénible » ([27], p. 40), on sait de lui qu’il préférait rester dans l’ombre et « se tenir à l’écart du tourbillon des affaires » ([18], p. 788) plutôt que d’être sur le devant de la scène. Les raisons qui concourent à rapprocher Pinel de La Fontaine sont donc nombreuses et toutes d’ordre psychologique ou éthique : ce sont des traits de caractère, des vertus morales, des qualités intellectuelles.
10Or, que nous apprennent à ce propos les biographes de La Fontaine ? Tout d’abord qu’il possédait « un caractère simple et naïf, un cœur droit et bienfaisant, une âme sensible et passionnée… » ([20], p. xxxv). D’un naturel affable et modeste, il « ne connoissoit ni les intrigues, ni l’art de briguer les faveurs » ([21], p. 32-33) :
«Né sans ambition, il cultivait les lettres au sein de l’amitié ; on étoit sûr de ne l’avoir jamais pour concurrent dans le chemin de la fortune ; il méprisoit toutes ces petites intrigues, toutes ces cabales obscures dont l’effet est toujours d’honorer l’homme médiocre de la récompense qui n’est due qu’au mérite. Ses mœurs étoient pures et ses discours réservés. Il étoit naturellement rêveur et distrait, même avec ses amis… ».
12De par ses manières et en dépit de ses talents littéraires, le fabuliste n’en imposait à personne. En fait, les expressions de son visage et son aspect général incitaient même plutôt à porter sur lui un jugement spontanément négatif : « A sa physionomie, […] on n’eût pas deviné ses talents. Un sourire niais, un air lourd, des yeux presque éteints, nulle contenance… » ([36], p. xxii. Walckenaer rapporte ici des propos de l’abbé d’Olivet). Rien qui suscite l’admiration ni force le respect.
13La Fontaine ne pouvait laisser de lui qu’une impression pénible à ceux qui le connaissaient mal, à l’instar d’un Pinel dont le premier contact donnait une bien piètre image. Esquirol n’opère-t-il pas le rapprochement entre les deux hommes pour signaler qu’en dépit des apparences qui tendaient à faire de lui un individu quelconque, Pinel fut un homme aux qualités humaines rares ? Nous n’avons guère de raisons de douter qu’en faisant référence à La Fontaine, Esquirol rende un hommage appuyé à l’homme que fut son maître.
14Pourquoi Weiner ne dit-elle rien des explications qu’Esquirol fournit lui-même pour justifier sa comparaison entre l’auteur de fables et le directeur d’asile ? C’est que les successeurs de Pinel se sont systématiquement appliqués à minorer la portée scientifique de son travail pour ne retenir que la dimension humaniste de son œuvre. Weiner reprend en fait à son compte la thèse que Gladys Swain [32] a soutenu dans Le sujet de la folie, en la résumant en quelques mots : « Le moment de ce discours correspond à l’époque où Scipion Pinel et Esquirol créent le mythe d’un Pinel philanthrope qui libère les aliénés de leurs chaînes, et font derrière ce mythe durable disparaître les apports du savant » ([37], p. 339). Dans le rapport de 1828, il faudrait donc comprendre que l’éloge est pour l’homme, et la flèche pour le savant.
Petite philosophie des fables
15Le mot d’Esquirol satisferait deux intentions contraires : dire du bien de Pinel tout en disant du mal de lui. Il y parviendrait car il est toujours possible de juger quelqu’un selon différents critères. En l’occurrence, il faudrait comprendre que Pinel est le La Fontaine de la médecine à deux titres : une fois en raison de ses qualités personnelles – ce dont il y aurait lieu de le louer –, une autre pour le caractère fantaisiste de ses travaux – ce qu’on ne saurait que lui reprocher.
16Mais cette hypothèse n’est guère plus convaincante que la précédente. Dans le même rapport, Esquirol rend en effet également à plusieurs reprises un hommage appuyé au médecin et au savant que fut Pinel. Je n’en cite ici que trois exemples :
- « Jamais il ne parlait de ses travaux, et toujours il repoussait les éloges qu’on lui adressait, en sorte qu’en le quittant on ne savait trop ce qu’on devait le plus admirer en lui de son génie ou de sa modestie » ([12], p. 228) ;
- « Il n’avait point cet extérieur, ces manières, ce ton positif et assuré, qui en imposent si souvent, il manquait de cette élocution abondante, facile et nombreuse qui séduit. Il ne dut son immense réputation qu’à son génie, qu’aux services importants rendus à la science, et à la pratique de la médecine » ([12], p. 229) ;
- « Qui ne se rappelle avec quelle sagacité, avec quel tact, il saisissait le caractère d’une maladie ; avec quelle précision, avec quelle clarté il en analysait les symptômes ! avec quelle sûreté il en annonçait le prognostic, avec quel succès il en prescrivait le traitement ! … C’est donc une grande erreur de croire que M. Pinel n’était supérieur que dans la partie dogmatique de la médecine, il ne fut pas moins habile dans les applications de la science » ([12], p. 230).
17Les motifs du rapprochement entre l’aliéniste et l’Académicien nous sont donnés par Esquirol lui-même, et il n’y a pas lieu de le suspecter d’avoir voulu faire autre chose que ce qu’il a fait : l’éloge d’un homme qui fut son professeur. D’ailleurs, s’il n’avait été question que de vanter ses vertus morales, ne l’aurait-il pas qualifié de La Fontaine des médecins, à l’instar d’Alibert parlant de Rousseul ? Esquirol va plus loin, si l’on peut dire, en faisant de Pinel le La Fontaine de la médecine. Je propose d’accorder à cette nuance sémantique l’attention qu’elle mérite, en considérant qu’elle nous invite à abandonner la piste de la psychologie des grands hommes pour emprunter la voie de la philosophie des sciences. Autrement dit, il ne s’agit plus désormais de se demander ce que fut La Fontaine pour savoir si Pinel peut lui être comparé, mais de définir ce que le premier a apporté à la littérature afin d’en déduire ce que la médecine doit au second.
18Cela revient à mettre à l’épreuve l’intuition de Weiner. Est-il vrai que les fables de La Fontaine sont de simples histoires sans fondement ou des fictions mensongères sans intérêt ?
19À s’en tenir à l’étymologie, la fable semble effectivement confiner au mythe, au sens peu gratifiant du terme. Le Dictionnaire historique de la langue française dirigé par Alain Rey indique que le mot fable « vient (vers 1155) du latin fabula, “récit, propos”, d’où “récit mythologique, allégorique, conte, apologue”… La fable apparaît au milieu du XIIe siècle au sens de “récit imaginaire, histoire” et d’“allégorie mensongère”… » ([28], p. 771). Marc Soriano confirme par ailleurs qu’au XVIIe et XVIIIe siècles « le mot fable est couramment employé au sens de mythe » [30]. La fable semble bien désigner une anecdote, une nouvelle ou une allégation mensongère, justifiant que l’on parle de la possibilité d’abuser quelqu’un par des fables, par exemple.
20Mais les mêmes dictionnaires apportent des précisions que nous aurions tort de négliger. Parmi les récits « à base d’imagination », Le grand Robert de la langue française distingue en effet le « récit de fiction dont l’intention est d’exprimer une vérité générale » du « petit récit en vers ou en prose destiné à illustrer un précepte, une vérité morale » ([4], p. 347). En fait, si la plupart des dictionnaires définissent effectivement la fable comme « récit, propos mensonger ; histoire inventée de toutes pièces », cela ne constitue qu’un des sens possibles du mot, et qui plus est un sens secondaire. Le premier sens mentionné, j’insiste, est en général celui d’un « court récit allégorique, en vers ou en prose, contenant une moralité » ([3], p. 425). Et c’est à La Fontaine qu’il est alors fait explicitement référence.
21Il y a donc un avant et un après La Fontaine. Ses écrits ont eu pour effet de doter la fable d’une signification nouvelle, et pas seulement de lui conférer une valeur dont elle était jusqu’alors dépourvue. En développant considérablement le récit dont la morale se donnait à lire avant lui de manière trop simple, l’Académicien est parvenu à crédibiliser aux yeux d’un public adulte l’intérêt de la fable, considérée jusqu’alors comme un genre mineur réservé aux enfants. C’est une chose qu’on sait mal, mais à l’époque classique l’apprentissage des fables constitue une discipline obligée dans l’éducation d’un honnête homme, à tel point que Starobinski va jusqu’à en faire « la condition même de la lisibilité du monde culturel tout entier » ([31], p. 234).
22Contrairement à ce qu’un jugement hâtif et peu informé pourrait laisser croire, la fable n’est pas un genre littéraire secondaire, et bien qu’on ait pu dire d’elle qu’elle est le plus humble des genres poétiques, elle n’en est pas moins souvent subtile et complexe quant à son contenu, à défaut de toujours l’être dans sa construction textuelle. On retiendra par conséquent ici la définition qu’en donne Christian Biet : « … la fable, comme genre littéraire, est généralement une instruction déguisée sous l’allégorie d’une action. C’est donc une fiction, une invention, un mensonge, mais, selon le paradoxe syllogistique, c’est un mensonge qui dit la vérité. La fable joue sur l’analogie, sur l’exemple fabuleux, pour dire la vérité des choses » [9].
23Cette vérité, quelle est-elle ?
24Elle a évidemment trait à l’âme de la fable, c’est-à-dire à la fonction qu’elle remplit, à la leçon qu’on tire de sa lecture, à la sagesse qu’elle exprime. Car il y a bien une sagesse des fables. Pour La Fontaine comme pour les Anciens dont il s’inspire, « il n’est question que de se tenir dans le juste milieu, garder en tout le sens de la mesure, fuir toute extrémité » ([34], p. 31). On reconnaît évidemment là l’un des topoï de la philosophie hellénistique.
25Il faut donc insister sur la « philosophie de l’homme » ([34], p. 13) des fables, et souligner qu’à travers la mise en scène de la société des bêtes, La Fontaine invite le lecteur à suivre fidèlement la Nature, y voyant la condition du bonheur et la source de tout bien. Comme l’a bien repéré l’un de ses meilleurs commentateurs, c’est en somme une éducation par les fables que le poète nous propose, afin que par l’adoption « d’une vie intelligemment réglée » ([34], p. 138), nous soyons disposés à « apprendre à vivre, et à bien vivre » ([34], p. 139). En expliquant les ressorts cachés de la conduite des hommes et en peignant le secret de leur condition, le moraliste permet en définitive de tirer de son étude des leçons de modération et de prudence sur lesquelles toute notre activité doit se régler. À cet égard, elles constituent un véritable « manuel de conduite pour la vie » ([34], p. 29).
26La fable, en tant que genre littéraire, signifie tout le contraire d’un divorce avec la raison. Elle n’est pas non plus uniquement destinée à amuser. Avec La Fontaine, elle est en fait une manière de révéler la réalité de l’ordre au-delà de l’apparence du désordre, elle apparaît « comme le meilleur moyen de signifier (montrer et dire) l’ordre sous le désordre, de les mêler et de les mettre en scène » ([15], p. 158). Reposant sur cette idée que le rapport de l’homme au cosmos doit pouvoir se déduire de la nature même des choses, à partir de principes d’ordre initialement admis garants de la vérité de prescriptions positives et métaphysiquement fondées, la fable nous apprend à agir en alignant notre conduite sur « les règles du comportement du monde inscrites dans la nature » ([22], p. 88).
27En définitive, « La fable répète la nature » ([33], p. 210) parce qu’elle reprend sous une forme littéraire aussi plaisante qu’instructive la leçon que donne la vie elle-même en enseignant aux hommes la loi de leur comportement : elle « nous met sous les yeux ce que la vie même présente, et nous répète sans cesse la dure et amère leçon de l’expérience » ([33], p. 63).
La Querelle des Anciens et des Modernes, de La Fontaine à Pinel
28Les fables de La Fontaine ne se réduisent pas à ce qu’en dit Weiner. Elles sont même si peu cela qu’André Gide a pu en parler comme d’un « miracle de culture » ([2], p. 4114] et Hippolyte Taine soutenir dans sa thèse de doctorat qu’elles ont permis à La Fontaine d’écrire « un chapitre d’histoire naturelle […] au moyen d’un traité de mœurs » ([33], p. 114). À travers ses descriptions concrètes d’êtres vivants, l’Académicien a en effet contribué à la connaissance des comportements humains, objet des sciences morales avant de devenir celui des sciences de l’homme. L’anthropologie, en cessant d’être un chapitre de la théologie et en opérant sur des bases de plus en plus empiriques, trouve là son acte de naissance. Gusdorf y a vu à juste titre « un des événements majeurs de l’histoire de la pensée au XVIIIe siècle » ([17], p. 263).
29Soit. Mais quel rapport tout cela a-t-il à voir avec Pinel ?
30L’Histoire naturelle est le modèle épistémologique dont l’aliéniste s’est servi pour penser l’aliénation mentale. Pour en classer les espèces et les genres, il s’est appuyé sur l’observation et l’expérience, dessinant ainsi des portraits, peignant des tableaux, illustrant à travers mille exemples les principales images de la déraison sur lesquels s’attarde Esquirol :
« Les descriptions des différentes espèces de folie sont si vraies, si animées, si riches d’expressions, qu’en les lisant, on voit l’aliéné sentir, penser, s’agiter, s’irriter ; on le voit dans tous ses écarts dans tous ses égarements ; on devine les motifs de ses actions désordonnées, de ses aversions, de ses haines, de ses fureurs ; les images les plus variées, les plus mobiles, les plus fugitives, ayant pris un corps sous le pinceau de ce grand maître ».
32Faire cela, n’est-ce pas mériter le titre de La Fontaine de la médecine ? Mais plus qu’un style, je crois que c’est un modèle d’intelligibilité des phénomènes humains qui est ici en cause. J’entends pour cette raison soutenir la thèse suivante : la formule d’Esquirol est une invitation à noter que l’aliéniste partage avec le fabuliste la même anthropologie, la même façon de concevoir les « affaires humaines » [11] héritée d’une même tradition. Ils s’intéressent tout deux à la manière dont vivent les hommes, à leur folie, aux impasses où les conduisent leurs égarements et aux souffrances qu’ils s’infligent faute de discernement, mais surtout ils le font sur la base de postulats identiques. Plus précisément, ils le font dans le cadre d’un naturalisme providentialiste qui exige, pour mieux en saisir les coordonnées, de revenir à l’événement culturel majeur survenu à la fin du XVIIe siècle : la Querelle entre Anciens et Modernes.
33Née à la suite de la lecture par Perrault, le 27 janvier 1687, de son poème dédié à la gloire de Louis le Grand, dans lequel il démythifiait le dogme de la suprématie des Anciens, la Querelle portant sur la création d’une nouvelle esthétique allait durer un demi-siècle. Par son intervention, Perrault divise le monde des Lettres entre admirateurs des Anciens et novateurs exaltant une littérature indépendante des modèles antiques. Si « l’Académie, comme le précise Orieux, frémit sur ses bancs en écoutant ce sacrilège » ([23], p. 539), c’est que ce siècle, comme le précédent, est alors en littérature celui de l’imitation : on estime que les Anciens sont supérieurs aux Modernes. Ayant toujours soutenu qu’il leur devait tout, on comprend pourquoi La Fontaine « se sentit profondément bouleversé et blessé dans son admiration et sa dévotion pour les Anciens » ([23], p. 540). En réponse à Perrault, il écrit alors l’Épître à Huet.
34Plus d’un siècle plus tard, le contexte n’est plus le même et le débat entre partisans des Anciens et des Modernes se rejoue sur une autre scène, celle d’une médecine qui puise encore aux sources de l’hippocratisme. Comme le rappelle à juste titre Jackie Pigeaud, « on ne saurait se dispenser, quand l’on fait l’histoire des sciences médicales de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, d’une lecture attentive des Anciens, tant il est vrai […] que nous sommes alors en présence d’une véritable Renaissance, et de la dernière relecture, à des fins scientifiques et non philologiques, des textes de l’Antiquité » ([24], p. 242). Hippocrate reste une référence savante incontournable. On le lit autant pour le commenter que pour faire son éloge et se revendiquer de son héritage. C’est si vrai pour Pinel qu’il passe rapidement pour être l’« Hippocrate français » [5].
35Mais les dogmes du chef de file de l’École de Cos ne font pas l’unanimité. La naissance de la clinique oblige à réviser les certitudes les plus éprouvées, et les convulsions qui agitent la médecine annoncent en fait la fin prochaine d’une tradition dont le dogme de la Nature médicatrice est l’un des piliers thérapeutiques.
36Le cœur de la polémique porte sur l’existence supposée d’une nature guérisseuse (vis naturae medicatrix [6]) dont le médecin hippocratiste se veut le « ministre », et dont il entend soutenir les efforts spontanés grâce à des interventions qui doivent avoir lieu à l’instant propice (kairos), selon des signes bien précis qu’il s’agit d’interpréter correctement. À l’époque d’Hippocrate, Asclépiade avait déjà reproché à cette médecine « expectante » sa passivité et l’avait accusé de conduire à la mort nombre de malades. À sa suite, les critiques d’Hippocrate réclameront une médecine « agissante », délivrée du dogme providentialiste d’une nature supposée indiquer aux hommes ce qu’ils doivent faire et comment ils doivent vivre.
37Les partisans des Anciens soutiennent qu’on ne saurait mieux faire qu’imiter une Nature « dont ils trouvent dans les œuvres antiques à la fois l’image encore pure et le modèle définitif… » [10], mais le postulat d’un ordre naturel auquel il faudrait se conformer trouve de moins en moins d’écho dans une société française bouleversée par la Révolution et les idéaux individualistes des droits de l’Homme. Lorsque la Faculté de médecine abandonne officiellement en 1810 l’enseignement de la médecine hippocratique, il n’est pas difficile de deviner l’émotion que dut ressentir Pinel, surtout que s’y ajoute un an plus tard le décès de Pussin, le surveillant qu’il avait fait venir à La Salpêtrière après avoir appris auprès de lui les bienfaits du traitement moral à Bicêtre, et dont il dresse un portrait élogieux tout au long de son Traité. Une succession d’événements dramatiques fort mal vécu : « … L’impression semble répandue qu’après 1811, Pinel ne compte plus » [37], p. 329] [7].
38Même s’il reste une autorité scientifique pour ses contemporains, l’influence institutionnelle de Pinel décline rapidement au fil des régimes politiques, à l’inverse de celle d’Esquirol qui en 1814 est fait Chevalier de la légion d’honneur. Weiner note avec pertinence qu’Esquirol est nommé Inspecteur général des Facultés de médecine peu après la relégation de Pinel par le ministère Corbière comme professeur honoraire avec un mi-salaire ([37], p. 325). Pourtant, en dépit d’une fin de carrière difficile, l’auteur de la Nosographie philosophique n’en continue pas moins de publier des articles où il revendique son adhésion à l’hippocratisme et la médecine expectante, comme en attestent ses articles parus dans plusieurs volumes du monumental Dictionnaire des sciences médicales de Panckoucke.
39Un seul exemple. En 1815, dans l’article « Expectation » qu’il rédige, Pinel opère une distinction entre les maladies « qui procèdent avec plus ou moins de régularité vers une terminaison favorable, avec quelques légers secours qu’on donne aux malades et à l’aide d’un régime sagement dirigé », et celles « où la nature paraît entravée dans son cours… et qui se terminent promptement d’une manière fuste, si on les abandonne à elles-mêmes… » ([25], p. 253). Cette différence dans l’évolution des maladies lui sert à rendre compte des « limites réciproques de ce qu’on appelle action et expectation en médecine » et lui offre finalement l’occasion de souligner sa fidélité à la médecine philosophique héritée d’Hippocrate :
« C’est ainsi… que les histoires diverses que j’ai tracées dans mon ouvrage sur la clinique, des trois premiers ordres de fièvres distribuées suivant la classification adoptée dans ma Nosographie, et les remarques que j’ai faites sur les principes du traitement, indiquent assez qu’elles sont du ressort de la médecine expectante : ce mot est alors pris dans son sens étendu, pour désigner en général une suite méthodique de moyens à prendre, ou de remèdes très-simples à employer, pour écarter certaines entraves qui s’opposent au libre développement des ressources de la nature, pour la seconder dans ses efforts salutaires, ou calmer certains symptômes trop intenses ».
41L’Hippocrate français ne renie aucune de ses convictions. L’abnégation qu’il met à défendre une tradition qui s’écroule sous ses yeux fait indéniablement de lui « un Ancien dans le monde des Modernes » [8], à l’instar des auteurs qu’il affectionne comme Montaigne ou Montesquieu. Mais alors, ne faut-il pas entendre le mot d’Esquirol comme une manière discrète de rappeler que son maître fut, à l’instar du fabuliste, un novateur puisant paradoxalement son originalité dans sa fidélité aux Anciens ?
42C’est ce dont il faut prendre la mesure.
De l’ordre asilaire à l’ordre naturel
43Resituée dans le cadre de la Querelle entre Anciens et Modernes, l’œuvre de Pinel fait droit à la conviction profonde de La Fontaine : « nous ne saurions aller plus loin que les Anciens, ils ne nous ont laissé pour notre part que la gloire de les suivre » ([23], p. 540-541) [9]. Leur anthropologie naturaliste leur fait partager un même espoir, celui de découvrir les normes objectives du bien vivre en scrutant les fins naturelles de l’homme. Du point de vue métaphysique, cela revient à poser que la Nature n’est pas axiologiquement neutre et qu’elle indique à l’homme qui veut bien vivre la voie à suivre. Pour eux, l’horizon normatif des affaires humaines se pense dans le cadre d’un entrelacement de l’être et du devoir-être. Entre les régularités naturelles et les règles sociales, entre la réalité positive du monde naturel et les règles normatives du monde institutionnel, la continuité est totale. Le positif mène au normatif : connaître ce qui est, c’est savoir ce qu’on doit faire.
44Chez Pinel, ce naturalisme se traduit par la conviction que les lois de la nature sont aussi les lois de la raison. Souscrit-il à la conception stoïcienne d’une Nature intimement ordonnée et providentielle ? Il y a de ça, au moins en ceci je crois qu’il définit le souverain bien, le telos, comme le fait de vivre en accord avec la Nature. Car du point de vue de la préservation de soi, les nécessités naturelles existent et il appartient à chacun de s’y conformer sous peine d’en subir les conséquences. Qu’est-ce en effet que la maladie ? Elle est pour lui ce qu’elle est pour Hippocrate : « une dyschronie de l’homme et du milieu » ([6], p. 85), une réaction entre l’organisme et le milieu ambiant qui témoigne qu’un équilibre a été rompu.
45On devine dès lors que l’ordre naturel à partir duquel se définit la maladie décide aussi du principe thérapeutique fondamental de la médecine : puisque le corps humain est moins un objet isolé qu’un « point de jonction entre l’homme et l’univers » ([7], p. 121), l’organisme peut être influencé et modifié par les conditions ou les actions du milieu extérieur. Claude Bernard en conclut logiquement que, conçue dans ce cadre, « la thérapeutique ne peut […] être autre chose que la production de conditions artificielles propres à favoriser la tendance de l’organisation à revenir à son état normal ». Pour cette médecine qui considère l’organisme en bloc, soigner ne peut se faire qu’en « plaçant l’être tout entier dans un milieu convenable » ([9], p. 164). L’asile en est un.
46Le Traité de Pinel est inintelligible si l’on néglige de le lire en tenant compte du holisme hippocratique qui en ordonne la logique. Car la prescription hippocratique qui fait du principe de modération la norme de toute conduite humaine est justement ce qui lui permet de penser l’aliénation mentale in rerum natura, en la nature même des choses, dans des modalités qui confère à la thérapeutique du traitement moral la dimension d’une véritable anthropologie médicale :
- L’excès est pathogène, il provoque le dérèglement de l’esprit et entraîne le désordre des fonctions vitales, confinant à la maladie et la mort. L’extrême de la passion qui conduit l’individu à outrepasser la mesure qui lui convient le rend étranger à lui-même, sans lien (alienus). Elle cause l’aliénation mentale car lorsqu’elle est vécue dans la démesure, elle devient contre-nature.
- L’asile « bien ordonné » que Pinel institue doit permettre à l’aliéné de renouer avec les normes naturelles dont il s’est écarté jusqu’à s’en rendre malade. Le calme et l’ordre qui y règnent sont l’expression concrète des règles de rationalité et de justice dont la fonction est de juguler l’hubris de l’aliéné. Priver les malades de la possibilité de se plaindre, et donc de se mettre en colère, c’est la première fonction de l’asile [10].
- En se montrant tempérant, en évitant les excès et en faisant preuve de retenue, l’aliéné réapprend à vivre en harmonie avec la nature, conformément à ce que prescrit la doctrine du vivere secundum naturam. S’il guérit, c’est qu’il renoue avec les normes vitales elles-mêmes, dont la vertu est d’être un intermédiaire entre les extrêmes.
47Le fabuliste et l’aliéniste partagent les mêmes convictions, ils œuvrent tout deux dans le cadre d’une anthropologie naturaliste prétendument fondée sur les normes objectives du bien vivre. Ils soumettent à notre jugement des leçons de sagesse pratique qui tiennent à cette « même finesse d’observation » qu’évoque Esquirol et dont il espère lui-même faire preuve quand il publie en 1838 Des maladies mentales :
« L’ouvrage que j’offre au public est le résultat de quarante ans d’études et d’observations ; j’ai observé les symptômes de la folie ; j’ai étudié les mœurs, les habitudes et les besoins des aliénés, au milieu desquels j’ai passé ma vie… ».
49Il ne l’a pas fait sans un certain succès, car si Pinel est habituellement considéré comme le fondateur de l’aliénisme, Esquirol est reconnu pour être celui de la clinique psychiatrique proprement dite [11].
Conclusion
50L’éloge funèbre est un exercice qui a ses règles, et Esquirol y sacrifie en remettant le rapport que lui avait demandé l’Académie de médecine. Le contexte commande évidemment d’adopter un ton de circonstance et de vanter celui qui vient de décéder, quitte à taire ce qu’on avoue plus volontiers lors d’une conversation privée ou dans un cadre moins solennel ; mais exige-t-il qu’on y soutienne ce qu’on ne croit pas, ou pire, qu’on y affirme le contraire de ce qu’on pense ? Cette phrase et les autres, nul doute qu’Esquirol ne la prononce avec l’accent de la sincérité : « Permettez à celui que M. Pinel appelait son élève et son ami, d’acquitter la dette de la reconnaissance en vous entretenant quelques instans de ce qui rendait ce grand maître si respectable, si cher à ceux qui avaient le bonheur d’être admis dans son intimité » ([2], p. 4114). Il en va de même des qualités et mérites professionnels qu’il lui reconnaît : rien de ce qu’il dit ne se prête à une lecture qui permette de lui attribuer les intentions inverses de celles qu’il exprime.
51En décernant à Pinel le titre dont il l’honore, Esquirol ne fait finalement rien d’autre que souligner l’attachement indéfectible de son maître à une thérapeutique expectante pourtant radicalement remise en cause, et rappeler l’obstination qu’il mit à défendre un héritage empruntant beaucoup à la philosophie hellénistique. Ce n’est pas que l’auteur du Traité était réfractaire à tout progrès : sur ce point on peut faire valoir qu’il n’a rien gardé des conceptions humorales d’Hippocrate, et qu’il a au contraire contribué à faire de la Salpêtrière l’un des berceaux de l’anatomo-pathologie. C’est plutôt qu’il a cru pouvoir conserver des Anciens un naturalisme qui ne pouvait satisfaire aux critères d’une rationalité désormais réfractaire à tout providentialisme.
52Le La Fontaine de la médecine est celui dont on peut dire de l’œuvre qu’elle est, à l’image des fables du poète, « à la fois un héritage et une pure création » ([2], p. 4114).
Bibliographie
Bibliographie
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- 5Article « Mythe » (1995) In Petit Larousse illustré 1996, Larousse.
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- 7Baissette G (1931) Hippocrate. Éditions Bernard Grasset, Paris.
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- 11Descombes V (1999) Y a-t-il un esprit objectif ? In Les Études Philosophiques, n° 3, p. 347-367 http://www.jstor.org/discover/10.2307/20849274.
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- 16Goyard-Fabre S (1993) Montesquieu – la nature, les lois, la liberté. PUF, Collection Fondements de la politique, essais.
- 17Gusdorf G (1972) Les sciences humaines et la pensée occidentale, Tome V : dieu, la nature, l’homme au siècle des lumières. Payot, Paris.
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- 19de Montenault (1795) « Notice sur la vie de La Fontaine avec quelques observations sur ses fables ». In Jean de La Fontaine, Fables mises en vers. A.-A. Renouard.
- 20de Montenault (1795) « Vie de La Fontaine ». In Jean de La Fontaine, Fables mises en vers. A.-A. Renouard.
- 21Marchant (1868) Discours prononcé à la séance solennelle de la Société impériale de médecine, chirurgie et pharmacie de Toulouse. Rouget frères et Delahaut.
- 22Népote-Desmarres F (1999) La Fontaine : fables. PUF, études littéraires, Paris.
- 23Orieux J (2000) La Fontaine ou la vie est un conte. Flammarion, Collection Biographies historiques, Paris.
- 24Pigeaud J (2001) Aux portes de la psychiatrie : Pinel, l’Ancien et le Moderne, Aubier, Paris.
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- 28Rey A (dir.) (1993) Dictionnaire historique de la langue française. Le Robert 1992, nouvelle édition 1993.
- 29Sémelaigne (1894) Les grands aliénistes français, tome I. Paris, Steinheil éditeur.
- 30Soriano M (2004) Article « Fable ». In Encyclopædia Universalis, édition numérique.
- 31Starobinski J (1989) Le remède dans le mal. Paris, Gallimard.
- 32Swain G (1977) Le sujet de la folie : naissance de la psychiatrie, Calmann-Lévy, 1977.
- 33Taine H (1970) La Fontaine et ses fables. Éditions L’âge d’homme, Collection Lettera, Lausanne.
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- 35Virey J-J (1828) Hygiène philosophique : ou de la santé dans le régime physique, moral et politique de la civilisation moderne. Chez Crochard, Paris http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6366062j.
- 36Walckenaer C A (1862) « Introduction ». In Les fables de La Fontaine, Plon éditeur, Paris.
- 37Weiner D B (1999) Comprendre et soigner : Philippe Pinel (1745-1826) la médecine de l’esprit. Paris, Fayard.
Notes
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[1]
Professeur d’histoire de la médecine à l’Université de UCLA, elle publie depuis de nombreuses années des articles et ouvrages sur l’histoire de la médecine française. En 2005, elle a écrit avec Jean Garrabé l’introduction de la réédition du Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale de Pinel, publié au Seuil.
-
[2]
Weiner construit cette opposition quelque peu caricaturale tout au long de son livre, et plus précisément dans le chapitre IX intitulé « La joute du vocabulaire : rivalité entre Pinel et Esquirol ». À l’inverse, dans la « Vie de Jean-Etienne Esquirol », Sémelaigne [28] s’était plu à souligner ce que les deux hommes pouvaient avoir de semblable.
-
[3]
Sa distraction était légendaire. Une seule anecdote : au cours d’un repas, La Fontaine se montre « plus distrait encore qu’à l’ordinaire » et si « occupé de profondes méditations » que ses convives – en l’occurrence Molière, Boileau et Racine ! – finissent par s’en agacer et le raillent pour le tirer de sa rêverie ([19], p. xlvii).
-
[4]
C’est sur cette phrase que se termine son rapport, et non celle que Weiner présente comme en étant la conclusion : « Pour finir, Esquirol décoche sa flèche : “Pinel fut le La Fontaine de la médecine”… ».
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[5]
Marchant fait pour sa part d’Esquirol « L’Hippocrate de la médecine mentale » ([19], p. 13).
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[6]
Habituellement traduit par : « seule la nature guérit ».
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[7]
Notons par ailleurs que 1811 est aussi l’année de décès de son épouse.
-
[8]
J’emprunte cette formule à Simone Goyard-Fabre ([16], p. 344), qu’elle applique à Montesquieu.
-
[9]
Pinel exprime pour sa part son « admiration pour les préceptes judicieux des anciens » ([26], p. 51).
-
[10]
La colère a longtemps été un thème philosophique à part entière, aussi bien pour les philosophes que pour les médecins de l’Antiquité.
-
[11]
C’est d’une certaine manière cette thèse que Swain et Weiner contestent. Pour ces historiennes, l’apport de Pinel ne se réduit pas à son humanisme ; son rôle a été fondamental dans l’élaboration de la clinique psychiatrique elle-même.