Notes
-
[1]
La Reproduction sociale est l’ensemble des processus biologiques, démographiques, sociaux, économiques et culturels qui proviennent de l’existence d’une société et des différents groupes et classes sociales qui la composent (Guzmán, 2005).
-
[2]
Il existe une différence entre les paysans et les producteurs agricoles. Les paysans ont bénéficié de la Réforme agraire et leur rapport avec la terre et l’agriculture n’est pas exclusivement de nature économique, il est aussi de nature socioculturelle. Les producteurs agricoles, quant à eux, ont un rapport avec l’agriculture purement économique et la plupart d’entre eux étaient propriétaires d’haciendas avant la Révolution mexicaine.
1Tout au long de l’histoire, les sociétés du monde ont développé des mécanismes de reproduction sociale [1] dans le but d’atteindre une meilleure qualité de vie. La Révolution industrielle, née de la pensée économique européenne et du développement technologique, a engendré des changements socio-économiques et culturels dans la plupart des communautés rurales au Mexique.
2Dans les années 1950, les États-Unis ont cherché à étendre leur modèle de développement à toutes les sociétés du monde. Ce modèle, précurseur de la théorie de la modernisation économique et du progrès, a profité de l’évolution de la pensée économique européenne. Cela s’est produit dans un contexte international spécial et visait à offrir une amélioration présumée de la qualité de vie, aussi bien dans les pays en reconstruction que dans les pays nouvellement indépendants qui sont restés traditionnels (Peemans, 1992). De plus, ce projet est parti de l’hypothèse selon laquelle l’accumulation de richesse et de capital fournirait bien-être social et progrès. À l’époque, une seule logique de développement était reconnue : les pays sous-développés devaient adopter les mécanismes économiques ainsi que les technologies créés par les pays développés (Rist, 2001).
3Le Mexique a adhéré rapidement à cette nouvelle logique internationale du développement. Il a cherché à consolider un projet économique pour sortir du sous-développement. Il a donc décidé de mettre en place un secteur moderne capable de s’imposer progressivement face au secteur traditionnel. Cela ne garantissait aucun avenir aux peuples et communautés paysannes, puisqu’il fallait augmenter la productivité agricole afin de soutenir le développement industriel (Quintana, 1997).
4Amatlán, une communauté paysanne aux racines nahuas, composée de 1020 habitants et située à proximité de grandes villes, a fait face à la pression économique et sociale des politiques de modernisation du pays. Au fil du temps, elle a connu des transformations économiques, sociales et culturelles qui ont à la fois entrainé des pertes et créé de nouveaux espaces économiques et sociaux.
5Depuis les années 1940, Amatlán s’est fortement développée sur le plan de l’économie et de l’infrastructure. Avant cette période, le village n’avait ni électricité, ni moyens de communication. La première route reliant Amatlán au réseau routier national et la première école ont vu le jour dans les années 1960. Dès lors, le village a entamé un processus de développement influencé non seulement par les politiques économiques nationales, mais aussi par son propre intérêt pour le progrès. Cette ouverture au progrès ne signifiait pas la recherche d’une transformation complète, mais démontrait plutôt la capacité du village à entamer un processus de modernisation adapté à son rythme et à ses besoins. Ce processus de modernisation propre, qui conserve le traditionnel tout en y intégrant quelques aspects du moderne, a donné naissance à toute une série de nouveaux espaces sociaux et économiques sur le territoire d’Amatlán.
Amatlán et son contexte
6Amatlán de Quetzalcoatl se situe à 20 km de Cuernavaca et à 90 km de la ville de Mexico. C’est une communauté qui fait partie des 25 villages de la région de Tepoztlán et qui se distingue par son histoire précolombienne “nahua” encore présente dans son activité économique, sociale et culturelle. Malgré ses caractéristiques géographiques peu favorables à la pratique agricole, le village reste basé sur l’agriculture, plutôt pour des raisons culturelles qu’économiques. Il s’agit d’une agriculture mixte traditionnelle utilisant certaines techniques agricoles modernes.
7Depuis les années 1950, la structure, la taille et l’apparence du village ont complètement changé. La population a triplé et les maisons construites avec des matériaux traditionnels n’existent plus. Le rôle de l’homme et de la femme s’est modifié substantiellement et se rapproche désormais davantage du rôle que l’on retrouve dans la société urbaine. Néanmoins, les rapports sociaux de nature collective, la prise de décisions d’intérêt communautaire et l’héritage de la terre, entre autres exemples, restent toujours ancrés dans la culture nahua. Le village d’Amatlán a toujours été ouvert aux changements liés aux transformations économiques et sociales du pays sans pour autant perdre son identité nahua.
8L’organisation sociale et politique est l’une des caractéristiques culturelles très importante du village. Une structure sociale complexe, qui repose essentiellement sur la famille, fait fonctionner le village en tant que groupe communautaire. C’est un système de prise de décisions local nommé “sistema de cargos” qui organise et délimite symboliquement l’utilisation de l’espace communautaire (Rodríguez, 1995). À Amatlán, ce système est divisé en deux. D’une part, il y a les “cargos civiles”, c’est-à-dire tout ce qui est en rapport avec le système politique national et, d’autre part, les “cargos morales”, soit tout ce qui est en rapport avec le territoire et le calendrier des fêtes du village. Il existe aussi d’autres organes comme les “comités” qui sont en charge de la gestion du développement du service public et les “bienes communales” qui sont en charge de la gestion des terres.
9Tout individu d’âge adulte peut prendre position dans ce système pendant un an. Il offre son service à la communauté avec le soutien de sa famille. Ces postes de service communautaire engendrent un prestige social important. Les “cargos civiles” représentent le système politique national. Ils participent officiellement à tout débat politique de la municipalité.
10Ce système de gestion propre permet d’axer les décisions politiques, économiques et sociales sur le bien-être de la communauté.
L’influence du développement dans la communauté d’Amatlán
11La Révolution mexicaine a été l’un des premiers événements modernisateurs sur le plan économique et social du xxe siècle dans la société mexicaine. Cet événement a transformé la structure politico-sociale et économique du pays, ce qui a largement bénéficié à l’instauration du système capitaliste. Depuis, de nouveaux espaces d’échange économique, social et politique ont vu le jour, par exemple l’“ejido” (propriété collective attribuée à un groupe de paysans) qui a été créée dans le but de transformer le système agricole en regroupement de communautés rurales paysannes. Tout ceci a fortement bénéficié aux paysans et aux producteurs agricoles [2] qui ont alors joué un rôle fondamental dans le développement du pays (Gordillo, 1980).
12Néanmoins, entre les années 1930 et 1960, le secteur industriel est devenu le secteur privilégié à développer. Il a donc fallu investir massivement dans les ressources la plupart provenant du secteur agricole. Pour les paysans, ce fut le début du déclin de leur participation au développement économique du pays en tant que groupe social. Les producteurs agricoles ont rapidement compris la situation et ont adapté leur agriculture aux besoins nationaux. Ils ont donc développé une agriculture moderne, capable de produire en quantité et qualité pour l’exportation. Pendant plus de 40 ans, le secteur agricole a soutenu le développement industriel et économique du pays, tout en recevant en contrepartie un soutien économique destiné principalement à la production agricole pour l’exportation, c’est-à-dire aux producteurs agricoles (Rello, 2007).
13En revanche, les paysans, qui ont bénéficié de peu de technologie et d’un faible soutien économique, ont fourni aux villes les aliments de base à prix bon marché, tout en réduisant leurs bénéfices. Il a été difficile pour eux de moderniser leur agriculture pour différentes raisons (taille des parcelles, coûts financiers, conditions du marché, etc.). Mais c’est l’instauration du modèle néolibéral qui a complètement exclu les paysans de la scène économique, alors qu’ils vivaient déjà une grave crise structurelle. La diminution de leur productivité, le manque d’investissements en technologie agricole, l’ouverture du marché et la dévalorisation artificielle des prix du grain ont entrainé une forte diminution du prix des semences à l’échelle internationale. De nombreux paysans ont ainsi fait faillite et se sont trouvés dans une situation de précarité économique (Rubio 2006, Ramírez 2012).
14Malgré ce contexte économique peu avantageux, les paysans n’abandonneront pas leurs activités agricoles car elles sont directement liées à leurs fondements culturels. Ils chercheront plutôt d’autres sources économiques, par exemple en travaillant comme ouvriers ou paysagistes en ville ou en tant que travailleurs agricoles à l’étranger afin de continuer à vivre dans une logique de reproduction sociale.
15Comme la plupart des communautés rurales du centre du Mexique, Amatlán a vécu ce développement économique dès les années 1950 ainsi qu’une détérioration économique et sociale dès les années 1970. Une grande partie des paysans d’Amatlán ont quitté leur lieu d’origine pour se rendre aux États-Unis ou au Canada afin de trouver un travail saisonnier qui leur permette de continuer à vivre en tant que paysans. Leur départ massif à l’étranger a permis de soutenir de nombreuses familles mexicaines. En 2004, l’envoi de fonds depuis les États-Unis et le Canada par des travailleurs mexicains est devenu la deuxième source économique du pays après la vente d’hydrocarbures.
Les transformations de l’espace à Amatlán
16À Amatlán, l’envoi de fonds internationaux a permis à la communauté et aux familles paysannes d’améliorer leur situation économique, leur niveau de confort et leur accès aux biens et services modernes. Cela ne veut pas dire que cette pratique soit viable car elle engendre de nombreux problèmes sociaux et culturels.
17Vingt ans après les premiers départs des paysans, de nombreuses transformations économiques et sociales ont vu le jour. Par exemple, l’apparence du village n’est pas du tout la même qu’il y a 30 ans. Les structures des maisons ont été grandement modifiées, le commerce s’est considérablement élargi.
18Les chemins en terre du village ont été remplacés par des rues pavées. Celles-ci continuent toutefois d’être des espaces publics servant aux voitures, aux véhicules de transport, aux personnes et aux animaux. Elles sont aussi utilisées pour le marché traditionnel annuel lors de la fête du village. Celui-ci s’installe pendant dix jours et occupe 90 % de la rue principale. Les rues et les espaces publics sont des lieux de croisement et de rencontre où tout peut se passer. Ce ne sont toutefois pas des lieux anonymes. Les paysans sont bien conscients du rythme de la vie au village et ils interviennent rapidement s’il y a des événements hors du commun. Ils maîtrisent parfaitement leur territoire. Par exemple, en cas de cambriolage, un processus d’urgence se déclenche, la cloche de l’église se met à sonner avec un son et un rythme particuliers et les rues principales sont fermées.
19Seules quelques vieilles maisons conservent encore des matériaux traditionnels (murs en adobe et toits en tuile). Aujourd’hui, les nouvelles maisons sont construites avec des matériaux et des techniques modernes. Leur conception se rapproche de celui des maisons urbaines et même nord-américaines. Ces dernières maisons ne sont pas majoritaires dans le village et se différencient fortement des autres.
20Construire une maison dans le village n’est pas aussi simple qu’il y paraît. La durée de construction varie entre 12 et 17 ans. La famille débute avec la construction d’une chambre avec une porte et une fenêtre. Ensuite, dès que la famille grandit et que les ressources économiques le permettent, une chambre est ajoutée et ainsi de suite. Étant donné que la construction s’étale sur plusieurs années et qu’elle dépend des revenus de la famille, on y trouve tout type de matériaux (murs en torchis et en briques rouges ou grises, toit en tuile et en ciment, etc.). Il en va de même pour les techniques de construction.
21Alors que les anciennes maisons possédaient des espaces restreints et peu illuminés, les nouvelles maisons disposent désormais de grands espaces avec de grandes fenêtres. La plupart de leurs propriétaires sont des personnes qui travaillent aux États-Unis et au Canada. En dépit de ces changements, l’utilisation de l’espace reste presque le même.
22Malgré l’évolution de sa taille et de son volume, la maison s’adapte aux besoins et au travail de la famille et non à l’image de la société moderne selon laquelle un espace ne peut être dédié qu’à une seule utilisation. Le salon peut devenir un espace de travail ou un grand dortoir pendant les fêtes. Des espaces réservés et intimes peuvent ainsi devenir des lieux de retrouvailles lors d’occasions spéciales. Par exemple, lors de la fête des morts, la famille prépare un autel dans la chambre et les invités peuvent venir l’admirer.
23Le salon garde une utilisation polyvalente. Il peut servir de salle à manger, de salle des fêtes et même d’espace de travail. En cas de mauvais temps après les récoltes, il peut aussi servir de lieu de stockage, de séchage et d’égrainage du maïs.
24On ne peut parler de maison sans parler de la cuisine. C’est une pièce essentielle. Elle aussi se modernise. On y installe des réseaux électriques et des appareils ménagers. Mais il y a une chose qu’elle conserve toujours : le “tlecuil” ou le “fogón”, à savoir un feu de bois surmonté d’un gril en terre cuite. C’est autour de cet endroit que s’articulent l’économie et l’administration familiales. C’est là où les décisions les plus importantes sont prises. La cuisine reste l’endroit où se côtoient quotidiennement la tradition et la modernité.
25L’économie est le domaine le plus marqué par les transformations. Malgré la taille du village, il existe tout un éventail de services proposés par les habitants (santé, art, commerce, etc.).
26La première “tiendita” (épicerie) a vu le jour en même temps que l’aménagement du premier axe routier d’Amatlán. Elle proposait des produits de première nécessité. Ensuite, elle est devenue un emplacement téléphonique communautaire. Pour communiquer avec quelqu’un du village, il fallait s’annoncer et rappeler plus tard. Elle est donc devenue un lieu de rencontre important où les dernières nouvelles de l’extérieur arrivaient.
27Au fur et à mesure que l’économie du village s’est renforcée, les produits industriels des entreprises multinationales (Coca-Cola, Bimbo, Barcel, etc.) ont fait leur entrée. Les épiceries se sont multipliées, elles sont devenues moins traditionnelles et la cabine téléphonique communautaire a disparu. Néanmoins, elles sont devenues une source économique d’appui pour les familles qui ne pouvaient plus vivre de leur revenu agricole. Aujourd’hui, il existe une épicerie tous les 300 m et le choix de produits industrialisés est vaste.
28Un phénomène similaire s’est produit avec le moulin à maïs. Avant les années 1980, les femmes allaient moudre leur maïs très tôt le matin afin de préparer ensuite les tortillas de la journée. C’était le moment de la journée où elles se racontaient tout, où elles se passaient des messages et des informations. Elles pouvaient savoir si quelqu’un n’allait pas bien ou si d’autres avaient besoin d’aide. Dix ans plus tard, avec l’argent envoyé des États-Unis, les familles ont acheté leur propre petit appareil à moudre le maïs et le moulin communautaire a finalement fermé. C’était un centre d’échange d’informations qui a disparu avec l’accroissement du pouvoir d’achat et l’accès à la technologie.
29Dernièrement, les jeunes familles qui ont investi dans l’éducation de leurs enfants commencent à développer des entreprises familiales. Elles fabriquent leurs produits selon les standards de qualité exigés par le gouvernement. Leurs produits ont un rapport direct avec leurs traditions. Elles vendent des tortillas ou des liqueurs utilisées dans certaines cérémonies religieuses.
30Pour ne pas tomber dans l’idéalisme paysan, il est important de signaler certains changements dans le domaine de la terre. À Amatlán, la terre est une ressource précieuse et un concept social profondément ancré. C’est une caractéristique culturelle du village. Malgré la précarité économique, la parcelle agricole représente un moyen de subsistance pour la famille paysanne d’Amatlán. Néanmoins, cette caractéristique culturelle commence à subir quelques modifications dues en particulier à l’influence du système économique mexicain.
Contrôle des ressources culturelles
31Toutes les cultures du monde sont confrontées au changement à court ou long terme. La capacité d’une société à assimiler et à intégrer des éléments culturels modernes dans sa culture exige un processus complexe d’appropriation. Ce processus peut être abordé sous l’angle de la théorie du contrôle culturel de Bonfil Batalla.
32Selon cette théorie, toutes les sociétés du monde portent en elles une culture et font usage de leurs éléments ou de leurs ressources culturels pour exercer chacune des pratiques sociales : l’activité de la vie quotidienne, la satisfaction des besoins, la définition et la résolution de problèmes, la formulation et l’accomplissement de souhaits, etc. Chaque élément culturel est nécessaire pour réaliser n’importe quelle action dans la vie. Pour ce faire, il est impératif d’avoir une capacité de décisions sur ces éléments. Dans son étude, l’auteur classifie cinq types d’éléments culturels : éléments matériels, d’organisation, de savoir, symboliques et émotifs. Ces éléments culturels peuvent être inhérents à la société, engendrés et hérités par des générations précédentes tout en restant actuels, ou étrangers, c’est-à-dire appartenant à un autre groupe social : à savoir des éléments qui font partie de la culture dans laquelle vit le groupe social mais qui n’ont pas été créés par ce groupe et qui ont été imposés ou intégrés par des forces externes (Bonfil Batalla, 1988).
33En ce qui concerne la prise de décisions sur ces ressources, il existe tout un éventail de possibilités. Les décisions peuvent être prises de manière individuelle, en famille ou sein de la communauté. Le contrôle culturel se constitue justement de l’ensemble des formes et des mécanismes de prise de décisions à propos d’éléments culturels d’une société donnée. Autrement dit, le contrôle culturel est un système à partir duquel s’exerce la capacité sociale de prise de décision sur les éléments culturels (Bonfil Batalla, 1995).
34Aujourd’hui, après plusieurs siècles d’existence, la communauté d’Amatlán a des éléments culturels inhérents ou étrangers et peut prendre des décisions à propos de ces éléments. Dans le cas spécifique où les ressources culturelles appartiennent à un autre groupe social et que la communauté est capable de les intégrer à sa culture, on parle d’une culture réappropriée (Bonfil Batalla, 1988)
35L’appropriation est facilement vérifiable dans la communauté d’Amatlán car elle utilise tous les jours des appareils électroménagers ou de divertissement pour produire des aliments ou organiser des fêtes qui sont directement liés à sa culture et à sa tradition. L’utilisation de technologies agricoles est un autre exemple d’appropriation visible. Les semences et les produits chimiques font partie de la culture moderne (ce sont des éléments culturels modernes qui appartiennent à autrui), mais dès que l’agriculteur décide de les utiliser pour cultiver son maïs, il les utilise avec l’ensemble de ses connaissances agricoles traditionnelles (éléments culturels inhérents). Malgré les informations techniques, il exerce son pouvoir de décision sur ces ressources culturelles modernes.
36Le territoire, les rues et les maisons d’Amatlán sont tous des ressources culturelles inhérentes à la communauté. Les nouveaux matériaux utilisés pour leur réaménagement ne lui appartiennent pas. Par contre, la communauté a un pouvoir de décision sur ces ressources et elle décide comment et où les utiliser. Dans le cas de réaménagement de maisons privées, il s’agit de décisions individuelles. Lorsqu’il s’agit d’investir ou de paver les rues du village, la prise de décisions est alors communautaire. Dans tous ces cas, la communauté s’est réappropriée des ressources culturelles d’autrui pour améliorer sa qualité de vie.
37Malgré ce changement d’apparence, l’utilisation de l’espace, que ce soit dans les maisons ou dans les rues, reste adaptée aux besoins de la communauté et des familles. La fête du village occupe la majeure partie de l’espace public pendant toute sa durée, les familles peuvent avoir un réfrigérateur, une radio ou des appareils ménagers dans la chambre à coucher.
38Grâce à son esprit ouvert, la population d’Amatlán continue à utiliser de nombreuses technologies ou ressources culturelles modernes. Celles-ci sont constamment mises à l’épreuve et ne sont réappropriées que si elles produisent de “bons” résultats. Ce processus de réappropriation est essentiel pour la continuité du village, spécialement pour faire face à la relation asymétrique qu’il a avec le système capitaliste.
Conclusions
39Au Mexique, les territoires ruraux se sont transformés depuis 30 ans. Leur parcours et leur influence politico-économique dans le pays ont été marquées par les différentes politiques de développement. Alors que les territoires ruraux constituaient des espaces premier plan sur la scène internationale pendant la période révolutionnaire, ils sont désormais considérés comme un espace oubliés et marginalisés.
40Néanmoins, face à cette réalité et grâce à ses propres mécanismes culturels et à sa capacité d’autogestion, la communauté du territoires d’Amatlán a réussi à se réapproprier des ressources culturelles modernes que la politique économique nationale a imposées au cours du temps. La communauté d’Amatlán a donc réussi à intégrer la modernité dans sa tradition tout en créant de nouveaux espaces qui expriment cette mixité. Mais jusqu’à quel point une communauté paysanne d’origine nahua peut-elle intégrer des éléments culturels modernes sans abandonner ses traditions et sa culture ?
Bibliographie
- Bonfil (Guillermo), “La teoría del control cultural en el estudio del proceso étnicos”, Anuario Antropológico/86 Editorial, 1988, Editora Universidad de Brasilia, pp. 13-53.
- Bonfil (Guillermo), Etnodesarrollo : sus premisas jurídicas, políticas y de organización Obras escogidas de Guillermo Bonfil Batalla, 1995, pp. 464-480.
- Gordillo (Gustavo), “Pasado y presente del movimiento campesino en México”, Cuadernos Políticos 23, 1980, pp. 74-88.
- Guzmán (Elsa), Resistencia, permanencia y cambio : estrategias campesinas de vida en el poniente de Morelos, México, D.F : Plaza y Valdés, 313 p.
- Peemans (Jean-Philippe), “Revoluciones industriales, modernizacion y desarrollo”, Historia crítica 6, 1992, pp. 15-33.
- Peemans (Jean-Philippe), “Modernisation capitaliste et destruction de la paysannerie : quelle alternative pour le xxie siècle ?”, ministère du Pouvoir populaire pour la culture, Caracas, 2005, 13-19 octobre, 28 p.
- Quintana (Rodrigo), “El sector agropecuario y los paradigmas del desarrollo económico mexicano”, Economía Teoría y práctica, Nueva época 7, 1997, pp. 1-7.
- Ramírez (Erika) 2012, El campo mexicano en tiempos del neoliberalismo,En línea] http://caminatuspensamientos.blogspot.ch/2012/04/0-0-1-1753-9647-unam-80-22-11378-14.html, Fecha de acceso, 3 mayo 2012
- Rello (Fernando), Saavedra (Fernando), F., Dimensiónes estructurales para la liberalización en la agricultura y el desarrollo rural el caso de México, Banco Mundial, 2007, 219 p.
- Redfield (Robert), Tepoztlán a Mexican Village, a study of folk life, The university of Chicago Press, Chicago, 1930.
- Gilbert Rist, Le Développement : histoire d’une croyance occidentale, Paris, Presses de Sciences Po, 2001.
- Teresa Rodríguez, “Sistema de cargos y cambio religiosa en la Sierra de Zongolica, Veracruz”, Alteridades 5, 1995, pp. 63-69.
- Blanca Rubio, “De la crisis hegemónica y financiera a la crisis alimentaria, Impacto sobre el campo mexicano”, Nueva Epoca, 21, 2008, pp. 35-52.
Notes
-
[1]
La Reproduction sociale est l’ensemble des processus biologiques, démographiques, sociaux, économiques et culturels qui proviennent de l’existence d’une société et des différents groupes et classes sociales qui la composent (Guzmán, 2005).
-
[2]
Il existe une différence entre les paysans et les producteurs agricoles. Les paysans ont bénéficié de la Réforme agraire et leur rapport avec la terre et l’agriculture n’est pas exclusivement de nature économique, il est aussi de nature socioculturelle. Les producteurs agricoles, quant à eux, ont un rapport avec l’agriculture purement économique et la plupart d’entre eux étaient propriétaires d’haciendas avant la Révolution mexicaine.