Notes
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[1]
https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/01/admission-en-master-des-candidats-acceptes-par-erreur_6180151_3224.html
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[2]
https://datafranca.org/wiki/Bo%C3%AEte_noire
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[3]
Algorithmes et Smart Cities : Données Juridiques, Contribution au colloque « Les algorithmes publics » des 12 et 13 avril 2018 à l’université de Lorraine (Metz) : Revue générale du droit on line, 2018, numéro 29878, p. 12 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=29878).
-
[4]
Ibid., p. 12.
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[5]
Giorgio Mancosu, « Les algorithmes publics déterministes au prisme du cas italien de la mobilité des enseignants, Contribution au colloque Les algorithmes publics » des 12 et 13 avril 2018 à l’université de Lorraine (Metz) : Revue générale du droit on line, 2018, numéro 29 646, p.1 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=29646).
-
[6]
Avis n° 20161989
-
[7]
Décision n° MED-2017-053, https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000035647959/
-
[8]
Code de l’éducation, art. L. 612–3 et D. 612-1-5.
-
[9]
Décision n° 2019-021, 18 janvier 2019 relative au fonctionnement de la plateforme nationale de préinscription en première année de l’enseignement supérieur
-
[10]
Rapport pour l’année 2019.
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[11]
CADA, avis, n° 20 184 400, 10 janv. 2019,
-
[12]
TA Guadeloupe, 4 février 2019, n° 1801094, AJDA 2019, p. 259 ; Dalloz IP/IT 2019. 390, obs. T. Douville.
-
[13]
CE, 12 juin 2019, n° 427916 et n° 427919, université des Antilles c/ UNEF : AJDA 2019, p. 1192, obs. J.-M. Pastor ; JCP A 2019, comm. 2238, concl. Dieu, note Fressoz ; Dalloz IP/IT 2019, p. 700, obs. T. Douville.
-
[14]
CE, 15 janvier 2020, n° 433296.
1 La fin de l’année universitaire 2022-2023 a été marquée par la mise en œuvre de la plateforme « mon master » dont l’objet – transparent – est de sélectionner les étudiants dans les différents parcours de masters dans les universités française. S’il est nouveau, cet outil d’aide à la décision qui recourt à des algorithmes est largement inspiré du portail parcours sup permettant d’affecter les lycéens dans les établissements d’enseignement supérieur.
2 S’il est trop tôt pour jeter un œil critique sur le fonctionnement de cette plateforme – qui pose néanmoins dès à présent un certain nombre de difficultés [1] – il est utile de rappeler que l’utilisation d’algorithmes dans la procédure d’inscription des étudiants dans un cycle d’études supérieur n’est pas une nouveauté. La plateforme « mon master » est en effet largement inspirée par le portail admission post-bac (APB) – aujourd’hui parcourssup – lequel a généré un nombre important de difficultés juridiques.
3 De fait, ce type de plateforme met en cause plusieurs principes essentiels que l’on retrouve dans le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) : l’information, le respect du droit d’accès aux données, la possibilité d’un réexamen humain de la situation des candidats, la sécurité et la confidentialité des données traitées.
4 Ce qui est en cause c’est principalement la « boîte noire » qui peut caractériser le mécanisme décisionnel recourant à un algorithme, étant précisé que « le comportement de boîte noire caractérise un algorithme dont on ignore le mécanisme interne de décision » [2].
5 Pourtant, ce phénomène concerne principalement les algorithmes autoapprenants dont le fonctionnement est opaque, dès lors qu’ils « présentent la particularité d’être capables d’adapter la rationalité sur laquelle ils reposent aux réactions du milieu dans lequel ils sont déployés et produisent leurs effets » [3]. En d’autres termes, l’algorithme évolue sans intervention humaine directe en s’enrichissant « de ce qu’il découvre dans les contextes dans lesquels on l’applique » [4].
6 Rien de tel toutefois pour les algorithmes utilisés dans l’enseignement supérieur. En effet, ces algorithmes relèvent de la catégorie des algorithmes déterministes, lesquels peuvent notamment avoir pour objet d’automatiser une procédure. Ils sont relativement simples à concevoir, puisqu’ils associent une sortie donnée à chaque entrée possible et en conséquence leur fonctionnement dépend plus de variables juridiques et organisationnelles que de variables informatiques. Il s’agit plus précisément de « permettre de déléguer à l’ordinateur l’accomplissement d’une multitude de tâches répétitives, selon des critères prédéterminés et parfois très complexes, et de dégager du temps pour l’appréciation fine des cas particuliers » [5]. En d’autres termes, les déterminants pris en fonction sont techniquement communicables.
La question de la transparence de la décision algorithmique
7 Initialement, l’une des principales difficultés rencontrées par les usagers concernait la fin de non-recevoir opposé par le ministère de l’Enseignement supérieur aux demandes de communication du Code source d’APB. Confronté à cette opacité, le Syndicat droits des lycéens droits des lycéens suspectait que certains critères pris en compte pour départager les bacheliers pour l’accès aux licences en tension relevaient de pratiques de sélection illégales.
8 Le 23 juin 2016, la Commission d’accès aux documents administratifs a émis « un avis favorable à la communication de tous les documents sollicités » sollicité par le syndicat. En effet, les fichiers informatiques constituant le code source ou algorithme sollicité, sont des documents administratifs, au sens de l’article L 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration et ils sont donc communicables à toute personne intéressée [6].
9 Après une demande d’explication adressée au ministère et avoir obtenu un avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) en septembre 2016, le ministère a été contraint de communiquer les premiers documents confirmant les faits dénoncés par l’association.
10 Droits des lycéens a saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le 25 novembre 2016 d’une plainte dénonçant la mise en œuvre par le ministère de l’Éducation nationale d’un traitement automatisé de données à caractère personnel contraire à la Loi informatique et libertés.
11 Le 28 septembre 2017, la Présidente de la CNIL a pris une mise en demeure, rendue publique, à l’encontre du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, responsable du traitement APB, confirmant le bien-fondé de la plainte déposée par l’association Droits des lycéens.
12 Pour répondre à cette plainte, Madame Frédérique VIDAL, nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, a pris un nouvel arrêté le 19 janvier 2018 autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Parcoursup ». Cet arrêté se limite à légaliser le traitement pratiqué jusqu’à alors par APB.
13 L’association a assisté, les années précédentes, de nombreux bacheliers se voyant refuser illégalement leur entrée à l’université, entraînant la confirmation d’une jurisprudence des tribunaux administratifs constatant l’illégalité des tirages au sort pratiqués.
14 L’association Droits des lycéens a saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir contre la circulaire prise entre les deux tours de la présidentielle et tentant de régulariser la pratique du tirage au sort.
15 Le Conseil d’État, saisi aussi par deux autres associations, a reconnu l’illégalité de cette circulaire et prononcé l’annulation de ce texte (CE, 22 décembre 2017, Associations SOS Éducation, Promotion et défense des étudiants et Droits des lycéens, n° 410561).
16 La Cour de Comptes, qui a auditionné Droits des lycéens, a rendu un rapport confirmant les faits dénoncés par l’association.
17 La Commission nationale informatique et libertés (CNIL), dans une décision du 30 août 2017 [7] est allée jusqu’à mettre en demeure le ministre de l’Éducation nationale de « cesser de prendre des décisions produisant des effets juridiques à l’égard des personnes sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ».
18 La loi pour une République numérique étend le droit d’accès prévu pour les documents administratifs aux traitements algorithmiques intervenant dans un processus de décisions administratives individuelles en créant l’article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l’administration, dont la portée a été précisée par le décret n° 2017-330 du 14 mars 2017 relatif aux droits des personnes faisant l’objet de décisions individuelles prises sur le fondement d’un traitement algorithmique. Cet article dispose que : « Sous réserve de l’application du 2° de l’article L. 311–5, une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l’intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande.
19 La loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 d’orientation et de réussite des étudiants (ORE) a en conséquence instauré, pour l’inscription des étudiants dans une formation de premier cycle universitaire, « une procédure nationale de préinscription qui (leur) permet (…) de bénéficier d’un dispositif d’information et d’orientation ». Cette nouvelle plateforme nationale, visée par l’article L. 612-3 du Code de l’éducation, placée sous la responsabilité du ministre chargé de l’Enseignement supérieur en vertu de l’article D. 612-1 du même code, permet de recueillir les vœux des candidats dont les dossiers font ensuite l’objet d’une procédure locale d’examen par les établissements. Ces sont les mêmes articles qui s’appliquent à parcourssup.
20 Pour répondre à certaines critiques qui avaient été formulées à l’encontre de la première version d’APB, il est prévu de communiquer sur demande différentes informations aux personnes intéressées, tout en tenant compte du besoin de « garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l’examen des candidatures présentées ».
21 Cela implique, selon le II de l’article L. 612-3 du Code de l’Éducation, « la communication du code source des traitements automatisés utilisés pour le fonctionnement de la plateforme mise en place dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au I s’accompagne de la communication du cahier des charges présenté de manière synthétique et de l’algorithme du traitement. ».
22 Il s’agit donc d’une communication plus large que celle prévue, concernant les codes sources, par l’article L. 312-1-3 du Code des relations entre le public et l’administration qui n’exige que la communication des « règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions » par les personnes publiques et assimilées concernées.
23 Si le fonctionnement de la plateforme nationale repose sur des algorithmes, la plupart des établissements utilisent également, pour le classement des candidatures, des algorithmes dits « locaux » qui font l’objet de règles particulières. Pour chaque université, lorsque les candidats postulent à l’entrée de filières sélectives ou en tension, une communication à leur intention est exigée concernant les « critères généraux encadrant l’examen des candidatures par les commissions d’examen des vœux » [8].
24 La loi ORE, dans le but de protéger le secret des délibérations des jurys, a toutefois voulu introduire une atténuation à ces principes, l’article L. 612-3, II du Code de l’éducation précise en effet que les obligations de publication et de communication « sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise ». Si la communication de l’algorithme national est autorisée, l’accès aux algorithmes locaux n’est possible qu’aux seuls candidats qui en font la demande, une fois la décision les concernant prise, et pour les seules informations relatives aux critères et modalités d’examen de leur candidature.
25 Conformément à ces dispositions, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche ainsi que le secrétariat d’État au Numérique ont mis en ligne le code source de l’algorithme national de Parcoursup, comme cela est le cas aujourd’hui également pour la plateforme « mon master » qui constitue un outil dérivé de Parcours mais pour la sélection non plus en L1 mais en master.
La question des algorithmes locaux
26 En revanche, en absence de toute obligation légale, tous les établissements d’enseignement supérieur n’en ont pas fait de même s’agissant des algorithmes dits « locaux ». Cette solution, conforme aux textes en vigueur, pose des difficultés en particulier en raison de l’absence de transparence de la procédure d’affectation ainsi que du caractère potentiellement discriminatoire de certains critères utilisés pour retenir les candidats.
27 Cette solution a été critiquée à la fois par le Défenseur des droits [9] et la Cour des comptes [10]. En particulier, le Défenseur des droits a demandé que soient entreprises des réformes « afin de rendre publiques toutes les informations relatives au traitement, y compris algorithmique, et à l’évaluation des dossiers des candidats par les commissions locales des établissements d’enseignement supérieur en amont du processus de leur affectation dans les formations de premier cycle de l’enseignement supérieur, afin d’assurer la transparence de la procédure et de permettre aux candidats d’effectuer leurs choix en toute connaissance de cause ».
28 Cela n’a pourtant pas empêché la Commission d’accès aux documents administratifs de rejeter une demande de communication de ce type concernant l’université d’Aix-Marseille [11]. Elle a d’abord estimé que « que si (les) dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 612-3 du Code de l’éducation dispensent les établissements concernés de l’obligation de diffusion en ligne des règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles par les établissements dispensant une formation d’enseignement supérieur, elles n’interdisent pas que ces établissements en assurent une diffusion spontanée ». Ensuite elle a considéré que « le droit d’accès spécial instauré par le législateur, au bénéfice des candidats qui en font la demande, aux informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi qu’aux motifs pédagogiques qui justifient la décision prise, doit leur permettre de connaître de façon complète et effective ces critères, modalités et motifs, ce qui peut inclure, le cas échéant, une information relative à un ou plusieurs éléments du traitement algorithmique ».
29 C’est cette restriction qui a été contestée à plusieurs reprises par le syndicat étudiant UNEF qui a dans un premier temps attaqué devant le tribunal administratif de Guadeloupe la décision implicite de refus de l’université des Antilles de communiquer son algorithme local [12]. Le tribunal avait fait droit à cette demande en considérant que les dispositions spécifiques de la loi ORE n’avaient pas écarté celles de l’article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration dès lors les demandes « ne sont pas présentées par la personne ayant fait l’objet d’une décision prise à l’aide d’un traitement algorithmique et qu’elles ne tendent pas à la mise en ligne de ces traitements ». En outre, la communication à l’Unef des traitements algorithmiques sollicités n’aurait pas porté atteinte au secret des délibérations « puisque cette communication ne portera que sur la nature des critères pris en compte pour l’examen des candidatures, leur pondération et leur hiérarchisation, et non sur l’appréciation portée par la commission sur les mérites de chacune de ces candidatures ».
30 Le Conseil d’État a toutefois censuré cette décision [13]. Il a en effet considéré que les dispositions spéciales de la loi ORE devaient être regardées comme ayant entendu déroger, notamment, aux dispositions de l’article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration, en réservant le droit d’accès à ces documents aux seuls candidats, pour les seules informations relatives aux critères et modalités d’examen de leur candidature. En se fondant sur les dispositions de l’article L. 311-1 pour annuler la décision de refus de communication litigieuse, le tribunal administratif avait ainsi commis une erreur de droit.
31 L’affaire ne s’est toutefois pas arrêtée là puisque dans le cadre d’un autre litige concernant cette fois-ci l’université de Corse, le Conseil d’État avait décidé de saisir le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité [14] concernant les dispositions du I de l’article L. 612-3 du Code de l’éducation « en ce qu’elles n’autorisent qu’une communication très limitée des traitements algorithmiques utilisés ». Ces dispositions seraient ainsi contraires au droit d’accès aux documents administratifs et à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 relatif au « droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Elles seraient également contraires au droit au recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
32 Dans une décision du 3 avril 2020, le Conseil constitutionnel a décidé de déclarer le dispositif litigieux contraire à la Constitution. Il a reconnu, d’abord, pour la première fois, l’existence d’un principe constitutionnel garantissant un droit d’accès aux documents administratifs qui trouve sa source dans l’article 15 de la Déclaration de 1789 selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Il a toutefois ajouté qu’il « est loisible au législateur d’apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ». Or, à cet égard, la nécessité de préserver le secret des délibérations des équipes pédagogiques est un objectif d’intérêt général pouvant justifier une dérogation législative. Le Conseil constitutionnel considère également que la limitation au droit de communication des paramètres utilisés par les algorithmes locaux n’est pas disproportionnée. D’une part, en effet, la procédure n’est pas entièrement automatisée, la décision prise sur chaque candidature ne pouvant être exclusivement fondée sur un algorithme. En effet, la décision est prise suite à une appréciation des mérites des candidatures par la commission d’examen des vœux, puis par le chef d’établissement. Ces candidats sont également informés des caractéristiques – autrement dit des attendus – de chaque formation avant qu’ils ne soient amenés à formuler des vœux et ils peuvent demander, après une décision de refus prise à leur égard, communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures, ainsi que des motifs pédagogiques justifiant la décision prise à leur égard.
33 Si l’essentiel du dispositif est validé, le Conseil constitutionnel a néanmoins formulé une réserve d’interprétation en considérant qu’une atteinte disproportionnée à l’article 15 de la Déclaration de 1789 serait avérée si elle aboutissait à empêcher l’accès des tiers aux informations en question une fois la procédure achevée. Il appartient en conséquence à « chaque établissement de publier, à l’issue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, le cas échéant sous la forme d’un rapport, les critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées et précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen ». En revanche, il résulte de cette décision qu’il n’existe aucune obligation pour les universités de publier leur algorithme local, ce qui serait susceptible de porter atteinte à la fois au secret des délibérations et à la souveraineté des jurys. C’est pour cette raison que le Conseil d’État rejette finalement le recours de l’UNEF en considérant que l’interprétation donnée par le Conseil constitutionnel des dispositions du I de l’article L. 612-3 du Code de l’éducation n’impose pas « la publication ou la communication aux tiers des traitements algorithmiques eux-mêmes et des codes sources correspondants ».
34 Il apparaît peut contestable que la publication avant l’ouverture de la procédure nationale Parcoursup des critères et traitements algorithmiques remettrait en cause l’équilibre trouvé par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision d’avril 2020, relevait que la protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques constituait un motif d’intérêt général, qui vise à assurer l’indépendance de ces équipes pédagogiques et l’autorité de leurs décisions. Cet équilibre a d’ailleurs été reconnu et défendu par le rapport d’information des députés Nathalie Sarles et Régis Juanico publié en juillet 2020 dans le cadre de leur mission d’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur.
35 Il existe toutefois un enjeu de transparence, de qualité et de lisibilité des informations fournies aux candidats et à leur famille, en particulier des critères généraux d’examen des vœux. Les commissions d’examen des vœux doivent expliquer et justifier leurs choix. C’est dans ce sens que les textes ont progressivement évolué. Ainsi chaque année, les rapports de chaque commission d’examen des vœux sont mis en ligne. C’est ainsi que pour la session 2022, plus de 11 000 rapports ont été recueillis et ont été rendus publics sur le site Parcoursup pour les étudiants de la session 2023. Si cela va donc dans un bon sens, il ne faut pas perdre de vue que contrairement aux idées reçues ce n’est pas le fonctionnement de parcours sup ou d’autres qui peuvent être générateurs de mal être pour les élèves, mais par essence le processus même de sélection des étudiants dans l’enseignement supérieur.
Mots-clés éditeurs : algorithmes, accès au service public, enseignement supérieur
Date de mise en ligne : 12/12/2023
https://doi.org/10.3917/proj.036.0041Notes
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https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/01/admission-en-master-des-candidats-acceptes-par-erreur_6180151_3224.html
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https://datafranca.org/wiki/Bo%C3%AEte_noire
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Algorithmes et Smart Cities : Données Juridiques, Contribution au colloque « Les algorithmes publics » des 12 et 13 avril 2018 à l’université de Lorraine (Metz) : Revue générale du droit on line, 2018, numéro 29878, p. 12 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=29878).
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Ibid., p. 12.
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Giorgio Mancosu, « Les algorithmes publics déterministes au prisme du cas italien de la mobilité des enseignants, Contribution au colloque Les algorithmes publics » des 12 et 13 avril 2018 à l’université de Lorraine (Metz) : Revue générale du droit on line, 2018, numéro 29 646, p.1 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=29646).
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Avis n° 20161989
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Décision n° MED-2017-053, https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000035647959/
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[8]
Code de l’éducation, art. L. 612–3 et D. 612-1-5.
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Décision n° 2019-021, 18 janvier 2019 relative au fonctionnement de la plateforme nationale de préinscription en première année de l’enseignement supérieur
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[10]
Rapport pour l’année 2019.
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[11]
CADA, avis, n° 20 184 400, 10 janv. 2019,
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[12]
TA Guadeloupe, 4 février 2019, n° 1801094, AJDA 2019, p. 259 ; Dalloz IP/IT 2019. 390, obs. T. Douville.
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[13]
CE, 12 juin 2019, n° 427916 et n° 427919, université des Antilles c/ UNEF : AJDA 2019, p. 1192, obs. J.-M. Pastor ; JCP A 2019, comm. 2238, concl. Dieu, note Fressoz ; Dalloz IP/IT 2019, p. 700, obs. T. Douville.
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[14]
CE, 15 janvier 2020, n° 433296.