Quarante ans après l’assassinat d’Amilcar Cabral à la veille de la victoire sur le terrain du mouvement de libération de la Guinée-Bissau, on doit s’interroger sur la portée de ses engagements au regard de la problématique contemporaine visant la démocratie et le développement dans le continent africain. Trop tôt disparu pour peser directement à l’aune de son poids historique réel dans l’élaboration des grandes stratégies d’unité africaine, il avait toutefois identifié et illustré des choix essentiels dont on mesure tout le prix au carrefour des options présentes.
Mario de Andrade (1928-1990) fut parmi les plus proches de ses compagnons au long cours. Son témoignage constitue l’une des pièces essentielles pour la reconnaissance du rôle de celui qui fut un grand pionnier de la conquête des indépendances, et qu’il nomme, à juste titre, « le Précurseur ». Pour saisir toute la signification d’un parcours hors du commun, il convient de remonter aux sources.
La Guinée-Bissau tient une place spéciale dans l’histoire coloniale de l’Afrique. À la pointe de l’exploration maritime atlantique, les caravelles de l’Infant Henrique y implantèrent des comptoirs de souveraineté portugaise un demi-siècle avant la découverte de l’Amérique. C’est à partir de ces bases que s’édifièrent, dès le XVIe siècle, l’atroce « commerce triangulaire » et la traite négrière esclavagiste suscitant les convoitises et l’émulation des entreprises de la colonisation mercantile européenne. Ce trafic prédateur s…