Couverture de PSM_161

Article de revue

Atelier 2 -Accès, maintien et accompagnement dans le logement et le travail

Pages 40 à 43

Notes

  • [1]
    Charles Gardou, La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule, Toulouse, Érès, coll. « Connaissances de la diversité », 2012, ISBN : 978-2-7492-3425-0.
  • [2]
    Simone de Beauvoir, Mémoire d’une jeune fille rangée, Paris, Gallimard, 1958.
  • [3]
    Paul Ricœur définit l’autonomie comme la possibilité de dire, de faire un certain nombre de choses, le pouvoir de se raconter et le fait de parler en son propre nom.
Coordination :
Rhône-Alpes

Présidente :
Marie-Dominique Bénévent

Animatrice :
Marie-Christine Pillon

Rapporteurs :
Rebecca Chappe
Paul Monot

Intervenants :
Jean-Philippe
Catonné Marie-Paule
Chanel André Gachet
Magali Prele
Damien Valencot

1Vivre dans la cité est un droit auquel toute personne en souffrance psychique et/ou en situation de handicap d’origine psychique peut prétendre avec la perspective pour chacun de réaliser une « vie bonne pour soi-même ».

2L’exercice effectif de ce droit suppose à côté des dispositifs de soins, un maillage territorial de services d’accompagnement et d’insertion social, médico-social et professionnel suffisant. Cependant, les difficultés d’accès à ces services, régulièrement dénoncées par l’UNAFAM, les associations d’usagers, les institutions de soin et les services sociaux et médico-sociaux nous interrogent d’une part sur l’application et la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 -notamment sur la prise en compte par tous les acteurs des changements de représentations et de posture qu’elle promeut vis-à-vis de la place des usagers dans la cité -et d’autre part sur les pratiques des institutions sanitaires et sociales.

3En effet, pour faire référence à la présentation de Jean-François Bauduret et son questionnement sur la mise en application des lois (loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et la loi de santé), nous espérons que « le diable ne se cachera pas dans la mise en application » dans nos échanges au sein de cet atelier.

4Afin de permettre à tous les participants de l’atelier de trouver leurs propres réponses, nous aborderons ces questions à travers les interventions d’une personnalité politique, d’un professionnel de l’accompagnement et de deux usagers. Un chercheur en sciences humaines et philosophe nous permettra ensuite de repenser nos échanges sous un angle de vue différent.

Quels choix pour une société plus juste et solidaire ?

5Valeur constitutionnelle, le droit au logement et le droit au travail sont des droits auxquels peut prétendre tout citoyen français.

6Cependant, même si l’accès au droit est un objectif pour chacun, il est nécessaire de créer les conditions de l’exercice de ce droit.

7Aussi, afin d’assurer l’égalité entre tous, et de répondre à l’obligation de résultat, il est nécessaire de mettre en œuvre des dispositifs compensatoires (dans le cadre du logement : maison relais, pension de famille, sous-location associative…) sans qu’ils apparaissent comme exceptionnels, mais bien comme complémentaires.

8

« Il n’y a ni vie minuscule ni vie majuscule, car il n’y a pas plusieurs humanités : l’une forte, l’autre faible ; l’une à l’endroit, l’autre à l’envers […] La gageure d’une société inclusive est de réunifier les univers sociaux hiérarchisés pour forger un “nous”, un répertoire commun » [1].

Quelles pratiques professionnelles pour un meilleur service ?

9La complexité des parcours des personnes handicapées psychiques entraîne l’intervention successive et concomitante de nombreux dispositifs et professionnels et pose la question de leur maillage avec parfois cinq ou six professionnels pour une même famille (soin, protection de l’enfance, bailleurs sociaux, accompagnement…). Dans ce contexte, comment les professionnels parviennent-ils

10à articuler leurs interventions, mais surtout comment l’usager peut-il s’exprimer et s’y retrouver ? Lorsque l’on touche à l’accompagnement à l’accès et au maintien dans l’emploi ou le logement, au-delà du partenariat entre professionnels et dispositifs, comment intégrer les partenaires de droit commun (commerçants de quartier, voisins...) dans le processus d’accompagnement ?

11Les différences dans les formes d’accompagnement posent la question de la posture des professionnels et parfois de leur impuissance : comment parvenir à trouver le juste équilibre entre le libre choix laissé à l’usager et l’interventionnisme, guidé par une volonté de sécurité ?

12Les failles possibles dans l’accompagnement peuvent laisser place à la mise en œuvre d’autonomie, de prise de décisions voire à la découverte de potentiels cachés. Aussi, il est intéressant de s’interroger sur la manière dont le professionnel peut les travailler en lien avec l’usager.

13La question de la citoyenneté reste une interrogation. En effet, au sein des structures, les CVS (Conseils de vie sociale) et groupes d’expression permettent aux usagers d’être acteurs du changement, alors que l’on observe cependant que leur participation à la citoyenneté de droit commun reste faible. Comment les professionnels peuvent-ils faciliter l’accès à la citoyenneté de droit commun pour les personnes qu’ils accompagnent ?

14D’une manière générale, comment les professionnels parviennent-ils à trouver leur juste place pour permettre à la personne accompagnée de « vivre comme tout le monde en étant comme personne »[2] ?

Quelle est la place de l’usager ?

15Les théoriciens et praticiens s’accordent aujourd’hui sur l’idée que l’usager est au centre du « système », tant par la connaissance qu’il a de son parcours et de sa pathologie que par la volonté des pouvoirs publics de mettre en place un accompagnement qui permette la réalisation de son projet de vie et son accès à une vie sociale et citoyenne.

16L’accès et le maintien dans le logement sont favorisés par le développement de dispositifs et structures (CHRS, foyer d’hébergement, logement individuel avec accompagnement…) permettant l’accès aux ressources sociales et culturelles de la cité. Cependant, ces parcours, construits avec l’usager, leur demandent une projection permanente avec un projet perpétuellement en évolution et continuellement à défendre.

17La loi de 2005 a introduit des changements avec notamment la création d’une place institutionnelle consacrée à l’expression de la parole de l’usager. En effet, la création des CVS au sein des établissements a permis de recueillir l’avis des usagers, et ainsi de mettre en place des modifications organisationnelles au sein des structures (gestion de la vie quotidienne, répartition des tâches…).

Quels sens donner à ses interrogations ?

18Dans la philosophie grecque classique, cette recherche de vie bonne s’imposait comme une évidence. Pour Épicure, une vie heureuse est un art de vivre, une manière d’agencer sa vie, ses désirs et ses besoins. Certes, les orientations pouvaient être plus théoriques que pratiques ou inversement. Cependant pour tous les philosophes de ce temps, la transformation épanouissante de la vie constituait la finalité de la réflexion.

19Vie heureuse, vie accomplie, pose la question du bonheur. Hier comme aujourd’hui, cette notion s’avère multiple et pas toujours simple à définir, mais dont les conditions peuvent être présentées. Parmi elles, le respect de la dignité de la personne et le droit à l’autonomie apparaissent essentiels.

20Le travail dans le monde grec était réservé aux esclaves, les citoyens ne travaillaient pas. Cependant, aujourd’hui, pour nous, le travail est une entité fondamentale, un moyen premier d’intégration qui permet d’accéder à l’autonomie économique, sociale (sentiment d’utilité), personnelle (tissage de liens [3]).

21L’avenir d’une illusion est quelque chose qui au présent a une perception erronée. Cependant, ce qui apparaît erroné aujourd’hui peut apparaitre autrement demain. Il faut donc faire en sorte que notre projet de citoyenneté permettant de faire reconnaitre les personnes à part entière soit une illusion que l’on nourrisse de manière à ce qu’elle se réalise dans une réalité de demain.

Partage de discussions et d’interrogations

22D’une manière générale, la loi par sa nature-même fait société. Nous nous sommes alors interrogés sur la loi de 2005 : Fait-elle société ? Les professionnels de l’accompagnement ont-ils la capacité et les moyens de sa mise en œuvre ? Qu’elle est son effectivité ?

23Les usagers sont accompagnés par un « mille-feuille » d’intervenants entraînant une multiplicité de projets (projet de vie, projet d’insertion professionnelle, projet d’accueil de jour, projet logement…). Cela nous interroge sur la coordination de ces intervenants et l’articulation de ses projets, ne risque-t-on pas d’avoir des projets avec des objectifs contradictoires pour l’accompagnement d’une même personne ?

24Entre l’usager d’hier « à qui l’on ne demandait rien » et l’usager d’aujourd’hui « à qui on demande beaucoup », l’évolution dans la prise en compte de sa parole est considérable et son expression est prise en considération dans les pratiques et dans l’organisation institutionnelle des structures (CRUQPC, CVS…).

25Cependant, la question du consentement est encore interrogée dans la pratique. En effet, comment prendre en compte la parole de l’usager quand il ne veut pas ou ne veut plus de l’accompagnement alors que le professionnel qui l’accompagne le juge nécessaire, voire indispensable ? De plus, par essence, le professionnel recherche le meilleur pour l’usager, néanmoins, n’est-ce pas le meilleur au vu de ses représentations ? De manière plus concrète, où et comment placer le curseur de la qualité (décors, propreté…) ?

26La place du travail dans l’accompagnement pose elle aussi question : Est-ce un droit ? Une obligation ? Une nécessité ? Le travail est une fonction agissante qui permet une reconnaissance, une utilité sociale et une autonomie, mais le bénévolat ne peut-il pas lui aussi permettre une reconnaissance sociale ? L’autonomie passe-t-elle nécessairement par le travail ?

27Avoir un logement c’est réunir trois conditions : un espace physique, un espace social et un espace sécurisé par le droit. Cependant, et notamment lorsque l’on évoque le champ du handicap psychique, il faut distinguer « se loger », d’« habiter », d’où la condition de l’espace social. Il existe une multitude de formes de logement, mais cela pose la question du parcours de la personne, doit-elle nécessairement passer du CHRS, au foyer d’hébergement, puis à la résidence sociale et à l’appartement individuel ? Peut-on demander à quelqu’un venant de s’installer de continuellement penser à « l’après » ?

28Lorsque l’on évoque le logement, la question du logement individuel ou collectif se pose : comment parvenir à vivre en collectif tout en laissant une place suffisante à l’individuel et en protégeant l’intimité de chacun ? Nos foyers de vie ou foyers d’hébergement sont-ils conçus architecturalement pour cela ?

Pour conclure...

29L’accès, le maintien et l’accompagnement dans le logement et le travail sont des problématiques qui s’articulent sur un territoire avec et à partir des dispositifs et moyens de ce territoire. Aussi pour continuer d’avancer sur ces questions, il est essentiel de s’appuyer sur la triple expertise défendue par Jean-Yves Barreyre, c’est-à-dire sur l’expertise des personnes en situation de vulnérabilités (expertise expérientielle), l’expertise des aidants familiaux (expertise domestique) et l’expertise des professionnels et des chercheurs (expertise clinique et méthodologique) sur un même territoire.

Notes

  • [1]
    Charles Gardou, La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule, Toulouse, Érès, coll. « Connaissances de la diversité », 2012, ISBN : 978-2-7492-3425-0.
  • [2]
    Simone de Beauvoir, Mémoire d’une jeune fille rangée, Paris, Gallimard, 1958.
  • [3]
    Paul Ricœur définit l’autonomie comme la possibilité de dire, de faire un certain nombre de choses, le pouvoir de se raconter et le fait de parler en son propre nom.
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