1Le système des Nations unies comprend l’Organisation des Nations unies elle-même d’une part – avec ses organes principaux et subsidiaires, ses programmes et ses fonds, ses instituts et ses commissions – et d’autre part les institutions spécialisées ou apparentées qui lui sont reliées.
2Au tournant du siècle, il se présente, notamment à la lecture de l’organigramme publié par les services d’information de l’ONU [1], comme un ensemble complexe mais rationnellement constitué de manière à couvrir tous les champs de l’activité internationale. On peut contester que cet ensemble constitue un véritable système, certains préfèrent parler de galaxie ou de famille, mais l’expression est couramment utilisée et a pris un caractère officiel.
3Après avoir rappelé les origines et l’architecture du système, on en examinera les deux ensembles majeurs, l’ONU et les institutions, avant de conclure sur ses perspectives.
Les origines du système
4La nouvelle organisation du monde fut préparée au cours même de la Seconde Guerre mondiale en raison de la volonté du président Roosevelt de rompre avec la politique isolationniste des États-Unis et en tenant compte de l’expérience de la Société des Nations. Il s’agissait de prolonger après la guerre la coopération établie entre les alliés, afin de préserver la paix et la sécurité.
5La Déclaration des Nations unies, signée par les 26 pays alliés le 1er janvier 1942, trois semaines après Pearl Harbor, ne dit mot de la future organisation, mais fait référence à la Charte de l’Atlantique rendue publique le 14 août 1941 à la suite d’une rencontre entre Churchill et Roosevelt. Celle-ci énonce les grands principes sur lesquels les signataires « fondent leurs espoirs en un avenir meilleur », mais exprime seulement la conviction que toutes les nations renonceront à l’usage de la force, que celles qui menacent la paix seront désarmées et le fardeau des armements allégé pour tous « en attendant de pouvoir établir un système étendu et permanent de sécurité générale ».
6L’accord de Staline est obtenu dès octobre 1943. La Déclaration des Quatre Nations (31 octobre 1943) permet d’associer la Chine au projet et envisage « une organisation internationale fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous les États pacifiques et ouverte à tous les États, grands et petits, pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale ». Plusieurs conférences permettent ensuite de résoudre les divergences entre les grandes puissances (Moscou, octobre 1943 ; Téhéran, décembre 1943 ; Dumbarton Oaks, juillet-août 1944 ; Yalta surtout en février 1945).
7La Conférence des Nations unies sur l’organisation internationale se réunit à San Francisco le 25 avril 1945, au lendemain du décès de Roosevelt et alors que la guerre n’est pas terminée. La Charte est approuvée à l’unanimité et signée le 26 juin ; elle entre en vigueur le 24 octobre 1945.
L’architecture du système
8La Charte définit une organisation à vocation universelle et à compétence générale, dont l’architecture s’est révélée assez souple pour donner naissance à une foule d’agences, de fonds et de programmes. Si la vocation universelle de l’ONU s’est réalisée, c’est aussi au prix d’un alourdissement du système, d’une bureaucratisation qui a provoqué de nombreuses critiques concernant notamment son coût.
L’universalisation du système
9La conférence de San Francisco n’était ouverte qu’aux délégations des pays belligérants, même si l’engagement de certains pays qui déclarèrent la guerre à l’Allemagne en avril 1945 était de pure forme. Comme la SDN, l’ONU était donc à ses débuts l’organisation des vainqueurs, mais sa vocation universelle a pu se réaliser progressivement, malgré les difficultés initiales dues à la Guerre froide qui devaient bloquer la procédure d’admission de nouveaux membres entre 1950 et 1955 et retarder l’adhésion des anciens ennemis. L’ONU est ainsi passée de 51 États membres originaires (les 50 pays représentés à San Francisco ainsi que la Pologne, alors sans gouvernement reconnu) à 76 membres en 1955, puis à 99 en 1960, 126 en 1968 et 159 en 1984 grâce à la décolonisation, à 184 membres en 1993 à la suite de l’éclatement de l’URSS, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie, enfin à 191 membres, depuis que la Suisse, jusque-là réticente, et le Timor oriental l’ont rejointe en septembre 2002.
10Les institutions spécialisées ont eu longtemps un caractère moins universel que l’ONU. Les pays socialistes étaient restés en dehors de plusieurs d’entre elles, ainsi que certains petits États. Aujourd’hui encore, le Fonds international de développement agricole ne compte que 163 membres et l’Organisation mondiale du tourisme 146, mais l’Organisation mondiale de la santé, avec 192 États, dépasse l’ONU.
11Seules les grandes organisations sportives, en acceptant des territoires autonomes, ont un caractère plus universel que l’ONU : le Comité international olympique reconnaît 201 comités nationaux et la Fédération internationale de football a 204 membres.
La bureaucratisation du système
12Le système onusien est plus centralisé que celui de la SDN. Les Soviétiques refusaient toute ingérence dans leur système social et les Britanniques tout engagement en faveur de l’abolition du système colonial. Staline, craignant l’isolement de l’URSS, voulait limiter les compétences de l’organisation au maintien de la paix par l’accord entre les grandes puissances, alors que Roosevelt, assuré de la domination américaine, souhaitait une organisation aux compétences larges, étendues notamment aux questions économiques, sociales et culturelles. En fait, ces compétences ont été renvoyées à des institutions spécialisées ou apparentées, certes reliées à l’ONU, mais qui sont de véritables organisations intergouvernementales.
13Les divers organes et institutions emploient 53 000 personnes (en dehors des missions et des forces de maintien de la paix), dont 9 000 pour le Secrétariat de l’ONU. On fait remarquer à l’ONU que c’est autant que Disneyland et trois fois moins que McDonalds ! Mais la comparaison n’est peut-être pas pertinente…
14L’Assemblée de l’ONU, en décembre 2003, a voté un budget de 3,160 milliards de dollars pour l’exercice biennal 2004-2005. Pour l’ensemble des organisations du système, les dépenses annuelles s’élèvent à 20 milliards de dollars environ. Les contributions des membres sont régulièrement révisées. Les États-Unis demeurent le premier contributeur (22 %), devant le Japon (19,689 %), mais la part de l’ensemble des membres de l’Union européenne s’élève à 35 % (Allemagne : 9,845 % ; France : 6,516 %).
15Le coût de cet ensemble a engendré de nombreuses critiques et une crise financière permanente en raison de la mauvaise volonté de certains États, notamment les États-Unis, et de l’incapacité des plus pauvres à verser leurs contributions.
L’ONU
16L’ONU elle-même possède une structure forte avec ses six organes principaux et elle s’est dotée de nombreux organes subsidiaires, en fonction des besoins, des logiques bureaucratiques et souvent aussi pour répondre aux revendications des pays du Sud anciennement colonisés.
Les organes principaux de l’ONU
17Ils sont au nombre de six, mais l’un d’eux, le Conseil de tutelle, chargé de contrôler l’application du régime international de tutelle, défini au chapitre xii de la Charte, aux territoires placés auparavant sous mandat de la SDN et aux anciennes colonies italiennes et japonaises, a suspendu ses travaux en 1994 après l’accession à l’indépendance des îles Palaos, dernier territoire soumis à ce régime.
18L’Assemblée générale se compose de tous les États membres, chacun disposant d’une voix. Elle a une compétence générale et se réunit tous les ans entre la mi-septembre et la mi-décembre pour délibérer sur toutes les affaires du monde… Les décisions sont prises normalement à la majorité simple et sur les questions importantes à la majorité des deux tiers, mais fréquemment la méthode du consensus est utilisée.
19Le Conseil de sécurité est l’organe principalement responsable du maintien de la paix. Sa composition est dominée par les cinq grandes puissances qui sont membres permanents et dotées du droit de veto (États-Unis, Royaume-Uni, Chine, France et Russie qui a succédé à l’URSS). Dix autres membres sont élus pour deux ans par l’Assemblée générale de manière à assurer une représentation des groupes régionaux. Les décisions sont prises par un vote affirmatif de neuf membres, dont en principe les voix des membres permanents (art. 27), mais l’abstention d’un membre permanent, selon un usage établi, n’empêche pas l’adoption d’une résolution.
20Le Conseil de sécurité est un organe permanent, doté d’un pouvoir de coercition et dont les décisions sont obligatoires. Il peut favoriser un règlement pacifique des différends en recommandant les mesures appropriées (chap. vi de la Charte). En cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression, il peut prendre des sanctions économiques (chap. vii, art. 41) et même entreprendre une action militaire (art. 42).
21Le Conseil économique et social (ECOSOC) se compose de 54 membres désignés par l’Assemblée générale pour un mandat de trois ans. Il décide à la majorité simple. Sa compétence est vaste. Il est principalement chargé de la coordination des travaux des institutions spécialisées et des nombreux organes subsidiaires qu’il a créés et dont les activités se recoupent souvent.
22Le Secrétariat est dirigé par un Secrétaire général nommé par l’Assemblée générale, sur recommandation du Conseil de sécurité, en fait après accord des cinq grandes puissances. Sa personnalité compte beaucoup et il peut exercer dans l’organisation, voire dans le monde, une influence importante.
23La Cour internationale de justice est une juridiction disposant d’un corps de 15 magistrats indépendants élus par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité. Succédant à la Cour permanente de justice internationale, elle siège à La Haye et est chargée du règlement des différends entre États conformément au droit international. Sa compétence s’étend à toute affaire que les parties lui soumettent, ses arrêts sont alors obligatoires. Mais peu d’États acceptent la juridiction obligatoire de la Cour, qui n’a pu devenir le grand instrument de règlement des différends qu’espéraient ses promoteurs.
Les organes subsidiaires
24Ils sont plus de 150 auxquels s’ajoutent de nombreux comités ad hoc. Parmi les plus importants ou les plus connus, on peut signaler :
- les commissions économiques régionales (Asie-Pacifique, Asie occidentale, Afrique, Europe, Amérique latine et Caraïbes) ;
- les commissions techniques, dont la commission des droits de l’homme ou la commission du droit international ;
- le haut commissariat aux droits de l’homme et le haut commissariat pour les réfugiés (HCR) ;
- les programmes pour le développement (PNUD), l’environnement (PNUE), l’alimentation (PAM) ;
- le fonds pour l’enfance (UNICEF) ;
- les instituts de recherche pour la promotion de la femme, le développement social, la recherche sur le désarmement (UNIDIR) ;
- l’université des Nations unies et l’université pour la paix ;
- les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda ;
- enfin l’ONU a organisé 56 missions d’assistance ou forces de maintien de la paix, dont 13 en cours.
Les institutions
25Les institutions spécialisées ou apparentées sont des organisations intergouvernementales qui possèdent des statuts, des organes, un budget, un personnel, une direction et un siège qui leur sont propres, mais elles sont reliées à l’ONU afin d’assurer une coordination de leurs travaux.
Les institutions spécialisées
26Le chapitre ix de la Charte indique le compromis : engagement des États membres à respecter de grands principes de coopération et mise en œuvre de ces principes par des « institutions spécialisées ». Celles-ci sont créées par des accords intergouvernementaux fixant leurs statuts, et dotées d’attributions « étendues dans le domaine économique et social, de la culture intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique et autres domaines connexes ». Ces institutions spécialisées sont reliées à l’ONU dans des conditions fixées par des accords conclus avec le Conseil économique et social et approuvés par l’Assemblée générale de l’ONU (art. 57 et 63 de la Charte).
27Les structures des institutions sont semblables :
- une assemblée générale réunit, en général tous les deux ans, les représentants des États membres, chacun disposant normalement d’une voix, sauf dans les institutions de Bretton Woods, et elle fixe les grandes orientations ;
- un Conseil plus réduit, où les grandes puissances sont toujours représentées, assure la direction effective ;
- un secrétariat ou un bureau permanent met en œuvre les décisions, sous l’autorité d’un directeur ou d’un secrétaire général souvent doté d’une grande autorité.
281. Les quatre grandes organisations sectorielles prévues dès l’origine constituent un premier groupe couvrant d’emblée l’essentiel des activités sociales :
29L’Organisation internationale du travail (OIT) avait été créée par la Conférence de Versailles en 1919. Elle a affirmé dans la Déclaration de Philadelphie, en 1944, la prééminence des objectifs sociaux dans les relations internationales et la nécessité de lutter contre la pauvreté, et elle est devenue, en 1946, la première des institutions spécialisées. La composition de son Assemblée générale est originale puisque les délégations des États membres comprennent deux envoyés du gouvernement, mais aussi un délégué représentant les employeurs et un délégué les travailleurs, chacun jouissant d’une pleine liberté d’expression et de vote. On retrouve la même organisation tripartite au conseil d’administration. Le rôle normatif de l’OIT a été important pour l’amélioration des conditions de travail.
30L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a pour origine la conférence réunie à Hot Springs en mai 1943 à l’initiative des États-Unis. Il s’agissait de poser le problème de l’amélioration de l’alimentation, d’abord dans les territoires dont les ressources avaient été détruites par la guerre. Son action est complétée par celle de deux organes subsidiaires de l’ONU : le Programme alimentaire mondial, que la FAO pilote avec le Conseil économique et social ; le Conseil mondial de l’alimentation, dont elle assure le secrétariat. Les critiques contre la FAO ont conduit en 1977 à la création du Fonds international de développement de l’agriculture (FIDA), institution spécialisée chargée de mobiliser de nouvelles ressources en faveur des pays en développement. Le principe d’égalité des États n’est pas respecté par le FIDA où trois groupes d’États – pays industrialisés, membres de l’OPEP, pays en développement – disposent du même nombre de voix, ce qui annule la loi du nombre, favorable à ces derniers et incite à une prise des décisions par consensus.
31L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), chargée de développer la coopération internationale dans ce domaine a été créée en 1945, en même temps que l’ONU.
32L’Organisation mondiale de la santé (OMS), entrée en vigueur en 1948, a succédé à l’organisation d’hygiène de la SDN. Elle contribue à la lutte contre les épidémies, à la prévention et à la définition de normes pour les produits pharmaceutiques.
332. Le développement des communications a provoqué la création, antérieure à l’ONU et même à la SDN, d’unions administratives, dont certaines sont devenues des institutions spécialisées :
- la vieille Union télégraphique internationale créée en 1865, et devenue Union internationale des télécommunications ;
- l’Union postale universelle (1874) ;
- l’Organisation météorologique mondiale (1878).
34L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) n’est devenue une institution spécialisée qu’en 1974. Elle avait succédé en 1970 aux Bureaux internationaux réunis pour la protection de la propriété intellectuelle, constitués en 1893 par la réunion des secrétariats de la Convention de Paris sur la propriété industrielle et de la Convention de Berne sur la propriété des œuvres littéraires et artistiques. Elle réunit les unions de Paris et de Berne, responsables du respect des conventions d’origine et d’autres traités.
35Enfin l’Assemblée générale de l’ONU, par une résolution adoptée le 23 décembre 2003, a octroyé le statut d’institution spécialisée à l’Organisation mondiale du tourisme qui bénéficiait d’un statut spécial depuis 1977.
363. Les institutions économiques et financières :
37Un groupe particulier est formé par les institutions de Bretton Woods (New Hampshire), où une conférence monétaire et financière réunit 44 pays, du 1er au 22 juillet 1944, pour préparer la réforme du système monétaire international et la relance des échanges afin de favoriser la reconstruction des pays dévastés, la prospérité, la stabilité politique et la paix. Il s’agissait d’éviter le retour des désordres monétaires et des dévaluations compétitives qui avaient marqué les années trente avec le déclin des échanges. Alors que l’économiste anglais John Meynard Keynes proposait la mise en place d’un système de financement des pays déficitaires par une banque chargée d’émettre une monnaie internationale, le « bancor », les États-Unis, alors détenteurs des deux tiers des réserves mondiales d’or, préférèrent le retour formel à l’étalon or. La convertibilité du dollar en or permet alors au dollar de devenir la principale monnaie de réserve, la monnaie du commerce international, le pivot du système monétaire international. Les statuts du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) entrent rapidement en vigueur, mais sans la participation de l’URSS et des autres pays socialistes. Les institutions de Bretton Woods sont ainsi devenues les instruments de gestion et de contrôle de l’économie capitaliste.
38Dans leur organisation, elles dérogent au principe d’égalité des États. Ainsi, le Fonds monétaire international fonctionne comme une société par actions. Au Conseil des gouverneurs (l’assemblée générale du FMI), chaque État dispose d’un nombre de voix proportionnel à sa souscription, dont le montant est fixé lors de son adhésion et réévalué périodiquement. Les États-Unis ont ainsi 17,14 % des voix, le Japon 6,15… et le Tonga 0,01 %.
39Le FMI était chargé initialement de la gestion et du contrôle des taux de change, alors que la BIRD, organisée de manière analogue, devait régler le financement de la reconstruction des pays dévastés par la guerre. Ces fonctions ont changé lorsque les pays du tiers monde devenant majoritaires au sein de l’ONU ont mis au premier plan la question du développement et, d’autre part, lorsque le président Nixon a décidé le 15 août 1971 la suspension de la convertibilité du dollar en or, entraînant la disparition du système des parités fixes et le flottement généralisé des monnaies.
40La BIRD et l’Association internationale pour le développement (AID), créée en 1960, dont les activités en faveur du tiers monde sont complémentaires, forment la Banque mondiale. Elles constituent le groupe de la Banque mondiale avec trois filiales (dont deux dotées de la même organisation), qui ont essentiellement pour but l’encouragement et la protection des investissements privés :
- la Société financière internationale (SFI), institution spécialisée (1956) vouée au soutien des investissements privés ;
- le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), créé en 1966 pour faciliter le règlement des différends par la voie de la conciliation ou de l’arbitrage ;
- l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI), fondée en 1988 pour couvrir les risques non commerciaux (nationalisations, conflits).
41Depuis la fin des années soixante-dix, malgré les critiques, le rôle du FMI et de la Banque mondiale s’est accru. L’échec des politiques de développement, l’effondrement des cours des produits de base, l’endettement des pays du Sud ont permis à ces institutions de devenir les « gendarmes du tiers monde ». De nombreux pays, pour obtenir le financement de leurs projets et le rééchelonnement des dettes, doivent se soumettre aux programmes d’ajustement structurel préparés par les experts des deux institutions : désengagement de l’État, ouverture des frontières aux importations, liquidation des monopoles publics, équilibre des finances publiques et réduction des dépenses en faveur des plus défavorisés.
Les institutions apparentées
42Ce sont des organisations intergouvernementales reliées à l’ONU dans des conditions voisines de celles des institutions spécialisées, mais jouissant d’une plus grande autonomie.
43L’Organisation mondiale du commerce a succédé au GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) en 1995. Une troisième institution avait été envisagée à Bretton Woods, mais les États-Unis jugèrent trop dirigiste la charte adoptée par la conférence de La Havane en 1948. Ils ne la ratifièrent pas et l’Organisation internationale du commerce ne fut pas créée. Cependant 23 pays décidèrent de mettre en œuvre le volet commercial et un premier accord de réduction des tarifs douaniers intervint. Huit cycles de négociations multilatérales ont ainsi favorisé la libéralisation des échanges. Le dernier, l’Uruguay Round, s’est conclu à Marrakech (1994) par un accord instituant l’OMC. Celle-ci offre un cadre institutionnel pour la poursuite des négociations commerciales et un mécanisme nouveau de règlement des différends commerciaux.
44Trois autres institutions sont reliées à l’Assemblée générale de l’ONU :
- l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a été établie en 1957 pour favoriser l’utilisation pacifique de l’énergie atomique. Elle est chargée de prévenir le détournement de matières fissiles à des fins militaires ;
- l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques est chargée de l’application de la convention de 1993 qui interdit l’usage, le développement, l’acquisition et le commerce des armes chimiques, entrée en vigueur en 1997 ;
- la commission préparatoire de l’organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (24 septembre 1996) est chargée de veiller sur un traité qui n’entrera en vigueur qu’après ratification par les 44 pays disposant de la capacité nucléaire. Or, seulement 32 de ces 44 États ont, début 2004, ratifié le traité, et les États-Unis notamment ont refusé leur ratification.
L’avenir du système
45Après avoir essuyé à l’origine les critiques de l’URSS et des pays socialistes, le système onusien a subi les critiques des pays en développement et, lorsque l’universalisation a provoqué un changement de majorité, celles des États-Unis et de leurs amis, qui se sont même retirés de l’OIT (de 1977 à 1980), puis de l’UNESCO [2], et ont parfois gelé tout ou partie de leurs contributions au budget de la FAO et de l’ONU.
46Bureaucratisation et lourdeur du système, politisation des institutions, incompétence du personnel, blocages dus à l’URSS, puis aux États-Unis, majorités automatiques obtenues par les PED, faiblesse des résultats, incapacité à se réformer, telles sont les critiques majeures.
47La complexité du système est le fruit des divergences entre les grandes puissances qui ont marqué sa naissance et des tensions ou des crises qui ont jalonné son évolution. L’harmonie de l’organigramme n’est qu’une apparence. En fait, les différents éléments du système n’ont pas été mis en place conformément à un plan d’ensemble, mais au gré de l’apparition des besoins, des revendications particulières ou des logiques bureaucratiques. Les critiques ont été souvent à l’origine de la création d’organes ou d’institutions destinés à se substituer à ceux que l’on décriait, mais qui se sont ajoutés à eux. L’empilement des organes et des institutions, la prolifération des agences, des programmes ou des fonds, l’enchevêtrement de leurs compétences ont pour résultat la duplication inefficace des moyens, l’opacité des politiques et la faiblesse des résultats au regard de l’ambition des objectifs affichés. Les fonctionnaires internationaux entretiennent directement des relations avec leurs correspondants des administrations étatiques. Les États représentés dans chacune des entités sont incapables d’avoir une vision d’ensemble cohérente de leurs propres politiques dans les différents organes et institutions. Coordonner les activités de dizaines d’organes ou d’institutions aspirant à l’autonomie est une gageure et malgré la mise en place, afin de bénéficier d’une meilleure synergie, d’un « Conseil des chefs de secrétariat du système des Nations unies pour la coordination », qui réunit les directeurs ou secrétaires généraux de 28 entités principales, le vaisseau onusien paraît dépourvu de timonier.
48À l’occasion du 50e anniversaire de l’organisation, une vaste réforme a été envisagée. Le personnel et les coûts ont été réduits, un regroupement des départements, fonds et programmes opéré, mais la réforme la plus spectaculaire, celle du Conseil de sécurité, a échoué. Il paraissait acquis que le Japon et l’Allemagne devaient obtenir un siège permanent, mais les pays du Sud souhaitaient obtenir aussi une meilleure représentation. Puisque la réforme ne s’est pas faite, certains pensent que l’on ne peut réformer le système et qu’il faut le casser.
49Pourtant l’organisation mondiale demeure un forum irremplaçable, l’adhésion de la Suisse a récemment montré qu’un État ne peut rester absent. En revanche, la guerre d’Irak a prouvé que les États-Unis n’avaient pas besoin de l’autorisation de l’ONU pour agir. L’espoir des idéalistes de les contraindre par un cadre multilatéral est vain.
50L’organisation mondiale peut-elle être démocratisée, devenir l’instrument d’un multilatéralisme rénové ? Un nouveau système capable d’encadrer « la mondialisation libérale » peut-il voir le jour ? La voie d’une « démocratie cosmopolite » a été envisagée, la Charte laissant place à une Constitution, une (seconde) Assemblée générale réunissant les acteurs sociaux, des référendums mondiaux ratifiant les grandes orientations. Mais si la mondialisation est une réalité, elle s’opère au profit des nantis et des puissants et nous n’assistons pas à la construction d’un « espace public » (Habermas) mondialisé qui permettrait de fonder la légitimité de nouvelles institutions.
51La mondialisation autorise au contraire la construction de l’hégémonie américaine par accumulation de puissance et démonstration de capacité à agir librement et elle incite plutôt à penser que l’Économie-monde planétaire conduit à la construction d’un Empire-monde.
Bibliographie
Bibliographie sommaire
- Bertrand, Maurice, L’Onu, Paris, La Découverte, 2003.
- Mestre-Lafay, Frédérique, L’ONU, PUF, « Que sais-je ? », 2003.
- Smouts, Marie-Claude, Les Organisations internationales, Paris, Armand Colin, 1995.
- Le site internet du système des Nations unies <http:// www. unsystem. org> signale 107 sites d’organismes membres du système, dont celui de l’ONU <http:// www. un. org>.