Couverture de POPU_2401

Article de revue

Dirigeants et professionnels de haut niveau : une définition statistique de l’« élite socioprofessionnelle »

Pages 41 à 73

Notes

  • [1]
    L’article reprend l’intitulé officiel de la catégorie utilisé par l’Insee, qui est au masculin. Il utilise en revanche des formulations inclusives pour les libellés de professions collectés et les intitulés de rubriques de la nomenclature des PCS 2020, comme le fait l’Insee.
  • [2]
    Bien qu’elle puisse s’en approcher, la notion de champ retenue dans l’article ne se réfère pas strictement au cadre théorique de Pierre Bourdieu. Il s’agit en tout état de cause d’espaces dotés d’une autonomie relative, au sein desquels ont été définis des critères et des niveaux de hiérarchisation entre professions spécifiques (voir infra). En pratique, on considère ici que les champs correspondent aux catégories socioprofessionnelles à deux positions au sein desquels les libellés d’emploi sont classés (par exemple, les cadres des services administratifs et commerciaux d’entreprise ou les professions libérales).
  • [3]
    Le rapport du groupe de travail du Cnis en charge de la rénovation et l’article de synthèse qui en résulte font état de travaux préparatoires concernant la catégorie, réalisés par les auteurs de cet article entre l’automne 2018 et l’automne 2019, en collaboration avec Cédric Hugrée.
  • [4]
    Il n’est malheureusement pas possible de reconstituer la catégorie dans les enquêtes passées, puisqu’elle est définie à partir des libellés de professions de la PCS 2020.
  • [5]
    En cela, et de façon cohérente avec le cadre défini par la nomenclature des PCS, la catégorie ne renvoie ni au degré d’influence médiatique ou politique ni à la réputation ou au prestige des professions, notions plus difficilement objectivables et susceptibles de varier dans le temps.
  • [6]
    Pour une présentation et une discussion de l’opposition entre approches étique et émique, voir par exemple : Olivier de Sardan, 1998, sur un plan général ; Rose et Harrison, 2009 (p. 31-32), et Filhon et al., 2013, de façon plus spécifique s’agissant des nomenclatures socioéconomiques.
  • [7]
    Voir par exemple : Birnbaum et al., 1978 ; Stanworth et Giddens, 1974.
  • [8]
    En effet, comme on le verra plus loin, les positions les plus élevées sont regroupées avec des positions plus basses même au niveau le plus détaillé de la nomenclature (professions à quatre positions).
  • [9]
    Le détail des libellés de professions est disponible sur le site du projet à l’adresse suivante : https://www.sv.uio.no/iss/english/research/projects/ordc/.
  • [10]
    Sont inclus en particulier les médecins, les vétérinaires, les dentistes, les pharmacien·nes, les psychologues, les architectes, les avocat·es, les chercheur·es et les enseignant·es-chercheur·es, les ingénieur·es, les maires, et les conseillères et conseillers municipaux, ainsi que les « responsables » (sjef), en plus des « directeurs » et « directrices ». Si le recours au revenu comme variable de classement permet de retenir plus d’artistes que dans la catégorie présentée ici, il exclut la possibilité de son implémentation dans les enquêtes où cette variable n’est pas connue.
  • [11]
    Une fonction de recherche automatisée permet de filtrer progressivement la liste des libellés de profession proposés selon les termes saisis. En cas d’impossibilité de trouver un libellé approprié, une saisie de texte en clair est possible, auquel cas le code de profession et l’appartenance ou non à la catégorie sont déterminés manuellement.
  • [12]
    Des précisions n’ont été ajoutées dans les libellés que quand elles concernaient un nombre suffisant de personnes, le seuil progressivement dégagé de façon empirique étant de l’ordre de plusieurs centaines dans la population en emploi.
  • [13]
    Les données de ces sites sont bien sûr à manipuler avec précaution, dans la mesure où les individus y déclarent eux-mêmes leur entreprise, intitulé de poste et salaire. Mais elles fournissent des indices sur les hiérarchies professionnelles, qui ont notamment été pris en compte lorsqu’ils ont pu être croisés avec d’autres sources.
  • [14]
    Le grand nombre de libellés inclus dans la catégorie reflète la finesse de sa définition : de nombreuses positions supérieures concernent des effectifs faibles ; de nombreuses déclinaisons de libellés ont dû être introduites pour préciser les seuils d’inclusion.
  • [15]
    Expression utilisée dans certaines entreprises.
  • [16]
    Les seuils ont été établis en concertation avec la DGAFP.
  • [17]
    Institut national du service public (INSP) depuis le 1er janvier 2022.
  • [18]
    Ce choix s’appuie sur un raisonnement statistique selon lequel l’identification d’un groupe de petite taille est fortement exposée aux « faux positifs » (individus appartenant au groupe à tort) qui, même si leur nombre reste faible à l’échelle de la population entière, peuvent facilement constituer une proportion importante du groupe et masquer ses spécificités (Banens et Le Penven, 2016).
  • [19]
    Les informations concernant le revenu ne sont disponibles que pour environ 1/6e de l’échantillon ; celles sur l’origine sociale ne le sont que pour une partie de l’échantillon.
  • [20]
    Sur 39 647 individus interrogés au premier trimestre 2021, 1 203 font partie des dirigeants et professionnels de haut niveau, soit 3 % de l’échantillon de l’enquête (données non pondérées).
  • [21]
    Cette population est très proche, en pratique, des cadres et professions intellectuelles supérieures et des chefs d’entreprise de plus de 10 salariés dans la PCS, 87 % de la classe A* appartenant à ces groupes.

1 Les inégalités économiques mesurées au sommet de la structure sociale font depuis plusieurs années l’objet d’un regain d’intérêt scientifique et médiatique, notamment sous l’angle de l’augmentation de la part des revenus perçus par les 1 % les plus riches dans de nombreux pays (Alvaredo et al., 2013). La sociologie française s’est, de longue date, saisie de la question des élites et continue de s’y intéresser, comme en témoignent les travaux portant sur la grande bourgeoisie et ses quartiers (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2016), les institutions scolaires au cœur de la formation des élites économiques, administratives et politiques (Bourdieu, 1989 ; Eymeri, 2001 ; Van Zanten, 2016 ; Pasquali, 2021), les hauts revenus de la finance (Godechot, 2012) ou encore la « structure du champ du pouvoir » dans son ensemble (Denord et al., 2011).

2 Pourtant, du fait de leur taille très restreinte, ces groupes n’ont presque jamais été appréhendés dans les grandes enquêtes quantitatives nationales, dont Mike Savage et Karel Williams (2008) soulignent qu’elles sont fondamentalement aveugles aux élites par manque de précision des catégories utilisées. Cette difficulté méthodologique nourrit la distinction entre deux champs d’étude qui se sont ainsi développés séparément. D’un côté, la sociologie des élites et l’économie des inégalités se focalisent sur des groupes très sélectifs – les 0,1 %, voire moins, des plus hauts revenus –, mobilisant pour cela des sources spécialisées (par exemple, le Who’s Who ou le Bottin mondain en France – voir Arrondel et Grange, 1993 ; Denord et al., 2011) ou des fichiers administratifs exhaustifs (à l’image des travaux sur les très hauts revenus ou patrimoines à partir de données fiscales :  voir Piketty, 2001 ; Godechot, 2012 ; Insee, 2021). De l’autre, la sociologie de la stratification et des classes sociales s’intéresse à des groupes plus larges, principalement à partir d’enquêtes nationales sur échantillon représentatif (Bouchet-Valat et Jayet, 2019). Un gouffre quantitatif sépare les énarques ou les grands patrons étudiés par le premier courant, qui représentent au plus quelques dizaines de milliers de personnes, du groupe socioprofessionnel des « cadres et professions intellectuelles supérieures » analysé par le second courant, qui en représente plusieurs millions. Ce problème n’est pas spécifique à la France : ainsi Mike Savage (2015), soulignant la « fracture » interne à la catégorie britannique de upper service class (équivalente aux cadres et professions intellectuelles supérieures dans la classification officielle NS-SEC), appelle la sociologie à « distinguer un groupe un peu plus large [que les 1 %] au sommet de la structure sociale » (p. 236).

3 La catégorie des « dirigeants et professionnels de haut niveau [1] » présentée dans l’article entend combler ce manque et répondre par là-même au souhait de disposer, dans la statistique publique, d’une grille d’analyse hiérarchisée à l’intérieur du groupe des « cadres et professions intellectuelles supérieures » (Penissat et al., 2018). Cette catégorie regroupe plusieurs centaines de milliers de personnes – environ 3 % des emplois – et permet donc de réaliser des analyses à la jonction de la sociologie de la stratification et de la sociologie des élites. Elle délimite, au sein des chef·fes d’entreprise et cadres et professions intellectuelles supérieures, la fraction supérieure des positions occupées dans la division sociale du travail, positions caractérisées par une responsabilité importante dans les organisations de travail (que ce soit comme salarié·e ou comme non-salarié·e) ou une expertise reconnue comme étant de haut niveau. Si le revenu tiré de l’activité et le diplôme possédé sont considérés comme des indices d’une position élevée dans un champ donné [2], leurs niveaux varient d’un champ à un autre – étant entendu que les positions dominantes à l’échelle de la société représentent une proportion variable des effectifs de chaque champ, selon sa position dans la hiérarchie des champs. Aussi, la catégorie proposée ne se réduit-elle pas à une mesure, fût-elle indirecte, de ces dimensions : son objectif est bien de repérer les personnes ayant un haut niveau de pouvoir, c’est-à-dire de responsabilité ou d’expertise, attaché à une position formelle dans la division du travail et qui peut, de ce fait, être objectivée par un libellé d’emploi et des caractéristiques de la situation professionnelle.

4 La catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau constitue l’une des innovations de la dernière rénovation de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) intervenue en 2020 (Amossé et al., 2019 ; Amossé, 2020) [3]. Elle est issue d’un travail de conception mené par les auteurs de cet article au sein du groupe de travail du Conseil national de l’information statistique (Cnis), parallèlement à la rénovation du processus de codage de la PCS, qui permet un repérage plus précis des situations professionnelles grâce à l’utilisation d’une liste de plusieurs milliers de libellés d’emploi standardisés en collecte. Le degré de finesse du repérage statistique ainsi obtenu n’a que peu d’équivalent, en France comme à l’étranger, dans les enquêtes en population générale. Il permet d’identifier avec une grande précision les professions réglementées, les grades de la fonction publique et les positions dans les organigrammes d’entreprise.

5 La variable qui en résulte est mise à disposition dans les enquêtes statistiques nationales depuis 2021, et en premier lieu dans l’enquête Emploi de l’Insee [4]. Si elle ne peut rivaliser en finesse de définition et d’analyse avec les travaux prosopographiques et les enquêtes monographiques de la sociologie des élites, la catégorie embrasse un spectre social plus large. Son apport majeur est de permettre l’établissement de connaissances cumulatives dans différents champs de recherche grâce à une définition stable dans le temps et homogène dans différentes sources. Grâce à elle, on pourra, par exemple, identifier les mécanismes de sélection pour l’accès à l’élite socioprofessionnelle, préciser l’analyse du « plafond de verre » auquel se heurtent les femmes dans leur carrière, ou encore, mieux comprendre la mobilité et l’homogamie sociales.

6 Ces analyses sont ainsi susceptibles de compléter, à partir d’enquêtes en population générale, les approches existantes des élites, qui sont essentiellement limitées à une entrée par les formations les plus prestigieuses ou par les plus hauts revenus et patrimoines.

7 L’article qui suit présente les fondements théoriques de la catégorie (partie I), ses principes de définition et les enjeux méthodologiques que pose son implémentation dans les enquêtes statistiques (partie II), ainsi que des premières exploitations (partie III) à partir des données de l’enquête Emploi 2021, qui détaillent les caractéristiques socio-démographiques des dirigeants et professionnels de haut niveau et illustrent l’apport de la catégorie en matière d’analyse de la mobilité sociale.

I. Présentation théorique

8 Il y a plus d’une vingtaine d’années, David Grusky et ses co-auteur·es (Jasper Sørensen en 1998 ; Kim Weeden en 2001) s’interrogeaient sur la nécessité de repenser le cadre des analyses de classes, alors présentées comme étant en déclin parce que liées à la philosophie de l’histoire marxiste. Elle et ils proposaient de quitter le niveau macrosociologique des « grandes classes » utilisées par les spécialistes de la stratification sociale pour se rapprocher de la sociologie du travail, en adoptant une approche mésosociologique de « micro-classes ». Suivant cette perspective, les analyses de classe étaient amenées à prendre pour objet des professions ou groupements de professions qui, seuls, apparaissaient encore sociologiquement consistants en ce qu’ils renvoyaient tout à la fois à des modalités d’accès, des types d’organisation et conditions de travail spécifiques, des parcours de carrière et des sociabilités professionnelles partagés, des règles et des valeurs, parfois même des styles de vie ou des orientations politiques spécifiques. La création de la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau s’inspire de ce courant.

9 Elle en retient la taille limitée de la catégorie proposée, mais aussi – et plus fondamentalement – l’importance d’ancrer l’analyse de la stratification sociale dans la réalité des univers professionnels, des segmentations et hiérarchies dont ils sont dotés. De fait, ses composantes, définies comme les fractions supérieures de différentes catégories socioprofessionnelles, s’apparentent à des micro-classes. Si elles ne forment pas directement des espaces d’interconnaissance et d’entre-soi que seules des définitions de l’élite dans un sens restreint permettent d’approcher, elles constituent des débouchés communs de formations, des espaces de socialisation professionnelle et des aires partagées de mobilité de carrière. Reflétant des combinaisons de caractéristiques sociales (économiques, culturelles, etc.) liées aux situations et aux environnements de travail, elles sont définies de manière multidimensionnelle, à l’image de la nomenclature socioprofessionnelle dans son ensemble (Desrosières et Thévenot, 2002 [1988]). Agrégeant statistiquement ces différentes composantes, la catégorie élaborée doit ainsi permettre aux chercheurs en sciences sociales d’examiner, a minima sous forme d’hypothèse, l’unité et la consistance d’une « élite socioprofessionnelle » – étendant ainsi à une échelle plus large une question classique de la sociologie des élites.

10 La catégorie ne se limite pas à la saisie des hauts niveaux de revenu ou de patrimoine. À la suite des travaux précurseurs de Thomas Piketty (2001), le développement de cette approche a certes contribué de façon déterminante à la mise en évidence du renforcement des inégalités économiques au profit des fractions les plus riches de la société française, mais elle n’a permis qu’une analyse des inégalités par le biais de leur composante économique, alors que s’appuyer sur les situations de travail en offre une compréhension plus large, non cantonnée aux revenus ou aux diplômes (Mood, 2017). Cette limite s’applique aussi de fait aux travaux s’intéressant à la formation des élites sous l’angle exclusif du diplôme (voir par exemple Van Zanten et Maxwell, 2015). Par ailleurs, la mesure du revenu souffre d’écueils classiques (sous-déclarations, y compris dans les sources fiscales ; variabilité temporelle en fonction de la conjoncture économique et du cycle de vie) et l’information sur les diplômes ne dit en soi rien sur les positions acquises en cours de carrière. Tous ces éléments expliquent que la situation professionnelle, donnée simple à collecter dans une variété d’enquêtes, reste la clé d’analyse privilégiée de la sociologie quantitative de la stratification sociale (Connelli et al., 2016 ; Bouchet-Valat et Jayet, 2019).

1. Repérage des positions et descriptibilité des professions

11 La catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau a pour objectif d’identifier les positions les plus élevées dans chaque champ défini par l’une des catégories socioprofessionnelles de cadres et professions intellectuelles supérieures ou des chef·fes d’entreprise, en faisant l’hypothèse que ces positions peuvent raisonnablement être saisies à partir des libellés des professions, qui reflètent leur situation dans les organisations de travail, et plus largement dans la société. Dans le vocabulaire de la sociologie des élites, l’approche retenue ici est donc positionnelle, en ce qu’elle se fonde sur les positions formelles occupées par les individus, par opposition aux approches réputationnelle (fondée sur la reconnaissance mutuelle des membres de l’élite) et décisionnelle (fondée sur l’observation des actions concrètes ; voir Coenen-Huther, 2004, pour une présentation synthétique [5]). Cette approche est cohérente avec celle défendue par Charles Wright Mills, selon lequel « l’élite, ce n’est pas simplement les hommes les plus favorisés, car ils ne pourraient pas “être favorisés” sans les postes qu’ils occupent au sein des grandes institutions. En effet, ces institutions sont les bases nécessaires du pouvoir, de la richesse et du prestige » (Mills, 2012 [1956], p. 10-11).

12 Conformément aux approches bourdieusiennes en termes de champs (Bourdieu, 2011 ; Lahire, 2001) ou millsienne en termes d’ordres institutionnels (Mills, 2012 [1956]), la démarche suivie ne suppose pas que les positions élevées puissent être identifiées à partir d’un critère unique, valable uniformément pour tous les champs – que ce soit, par exemple, le revenu, le diplôme, ou une combinaison de ces deux variables. Au contraire, chaque champ ayant une autonomie relative et suivant une logique propre, les critères de classement ne sont a priori pas réductibles à une seule dimension : il importe d’identifier les hiérarchies professionnelles spécifiques à chaque champ pour y repérer les positions les plus élevées, ce qui suppose d’accepter que celles d’un champ donné puissent, sur tel ou tel critère, occuper une position moins favorable que celles d’un autre champ. À défaut de suivre cette règle, la catégorie à laquelle on aboutirait ne serait qu’une mesure approchée du revenu ou du diplôme, à la valeur sociologique limitée. Ce principe de construction est proche, dans son esprit, de celui utilisé par Nicole Delruelle-Vosswinkel (1972) pour étudier les « notables en Belgique » (dont le périmètre était toutefois bien plus restreint).

13 S’appuyer sur les libellés de profession pour identifier les positions les plus élevées revient à sanctionner le résultat des luttes de classement au sein de chaque champ, telles qu’elles se sont cristallisées dans les intitulés de poste, les organigrammes d’entreprise, les conventions collectives de branche, les grilles de la fonction publique ou encore les lois régissant l’exercice des professions libérales. La proposition présentée ici suit en cela l’esprit de la nomenclature des PCS, dont les catégories sont définies à partir des compromis sociaux de classement (Desrosières et Thévenot, 2002 [1988]). Au lieu de se fonder sur des critères théoriques établis a priori (par exemple l’utilisation, uniforme ou en croisement, de variables telles que le statut indépendant/salarié, la taille d’entreprise ou le niveau de revenu) [approche étique], elle entend s’adosser aux catégorisations ordinaires et ainsi faire sens pour les acteurs et actrices (approche émique) [6]. En pratique, la démarche a tiré parti des travaux portant sur les libellés d’emploi déclarés dans les sources statistiques (par exemple Thévenot, 1983, et Kramarz, 1991). Associées aux prémices de la socioéconomie des conventions, ces recherches ont montré la pluralité des manières de déclarer sa profession et, par là, des appuis pratiques et normatifs qui organisent les activités de travail. La mise en évidence de cette pluralité, qui peut être reliée aux « cités » de la sociologie pragmatique (Boltanski et Thévenot, 1991), a guidé le travail réalisé pour délimiter, de façon spécifique, les hiérarchies au sein des corpus de libellés correspondant aux différents champs.

2. Entre sociologie des élites et sociologie des classes sociales

14 La catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau se fonde sur des critères que l’on retrouve dans différents courants théoriques. En renvoyant aux positions de pouvoir dans la division du travail, elle entretient une proximité évidente avec les catégories étudiées par la sociologie des élites, bien que celles-ci soient loin d’être unifiées, comme l’a rappelé William Genieys (2011, p. 9). Elle est par exemple proche, sur le plan des principes, d’une partie de la définition qu’en donne John Scott (2008) : pour cet auteur, les élites se reconnaissent à ce qu’elles exercent une domination, c’est-à-dire un pouvoir prenant la forme de relations de contrôle stables et durables et qui passe soit par la contrainte (force ou incitation), soit par l’autorité (expertise ou commandement). Les deux critères utilisés pour définir la catégorie, responsabilité et expertise, correspondent aux deux dimensions de l’autorité qu’il identifie (Scott,2002), et sont par ailleurs centraux dans les théories contemporaines des classes sociales. Selon la théorie néo-marxiste d’Erik Olin Wright (1997, p. 19), ce sont ces deux dimensions qui permettent aux salariés les plus privilégiés de se voir attribuer une partie du surplus issu de l’exploitation des autres salariés par les propriétaires des moyens de production ; elles expliquent aussi, dans la théorie néo-wébérienne de Robert Erikson et John Goldthorpe (1992, p. 42), pourquoi les salariés de la service class bénéficient de conditions d’emploi avantageuses.

15 Néanmoins, l’approche retenue ici suppose d’adopter une acception extensive, structurelle, du pouvoir et de la domination, là où John Scott en retient une lecture stricte, limitée aux cas où ces notions sont individuellement objectivables. De fait, en tentant de jeter un pont entre sociologie des élites et sociologie des classes sociales, la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau s’écarte en pratique, par son périmètre étendu, de la définition de l’élite retenue par le sociologue. L’objectif de la catégorie proposée se rapproche davantage de celui suivi au cours des quinze dernières années par Mike Savage et Karel Williams (2008), qui ont tenté de réintégrer les études sur les élites à l’analyse quantitative des classes sociales, après avoir observé la marginalisation des premières en raison de la fragmentation de leurs objets et de leurs options méthodologiques. En effet, depuis le tournant des années 1970 observé en France comme en Grande-Bretagne [7], la plupart des travaux de la sociologie des élites portent sur des fractions limitées de l’espace social, qui sont analysées sous forme de monographies à partir de données locales ou prosopographiques. Bien qu’ils soient empiriquement approfondis et riches d’enseignements sur leur champ d’investigation, ces travaux, y compris lorsqu’ils se réclament d’une démarche structurale (Denord et al., 2011), n’autorisent pas pleinement l’analyse, à l’échelle de la société, des différentes fractions de l’élite entendue en un sens large (notamment sa comparaison avec d’autres groupes).

16 Le périmètre visé par la catégorie proposée ici est nettement plus étendu que celui habituellement retenu en sociologie des élites. On ne peut donc attendre que les individus qui y sont inclus présentent une homogénéité forte et encore moins une reconnaissance mutuelle. Il ne s’agit pas de l’« élite au pouvoir » décrite par Charles Wright Mills (2012 [1956]) – définie par le fait que sa position au sommet assure à ses membres une domination sur l’ensemble des champs et une capacité à transférer leur pouvoir d’un champ à un autre –, ni même des « personnalités contemporaines » étudiées par Alain Girard (1961) dans son analyse de la « réussite sociale en France ». Le périmètre retenu ici s’apparente en revanche à une extension à l’échelle nationale de ce que Charles Wright Mills nomme la « classe supérieure locale » ou « haute société locale » (local upper class ; Mills, 2012 [1956], ch. II), à ce que Anthony Giddens (1972) désigne comme la « structure secondaire » de l’élite, ou encore, à ce que Mattei Dogan (2003) appelle la « troisième circonférence ».

17 L’élaboration de la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau peut être rapprochée du programme proposé récemment par Erzsebet Bukodi et John Goldthorpe (2021) pour relancer les elite studies. Comme ils l’indiquent (p. 10), « on ne voit pas pourquoi il serait si fondamental de ne considérer comme élites que les groupes qui peuvent être directement associés à l’exercice du pouvoir [comme John Scott] ou de ne considérer les élites que dans le contexte de l’analyse de classe [comme Mike Savage] ». Ce constat invite précisément à tenter de trouver une voie médiane entre les deux approches. Pour autant, la proposition d’Erzsebet Bukodi et de John Goldthorpe diffère encore de celle retenue ici : en effet, les deux auteurs fixent a priori un ordre de grandeur bien inférieur pour les composantes de l’élite qu’ils définissent, dont chacune doit se compter « en dizaines, en centaines ou, tout au plus, en petits milliers » (p. 11), quand la catégorie proposée ici comprend près d’un million de personnes (voir infra). Si l’on adopte leur terminologie, les dirigeants et professionnels de haut niveau constitueraient plutôt le réservoir de recrutement des élites (pool) dont ces auteurs suggèrent d’étudier la composition sociale, notamment en regard de celle des élites proprement dites. C’est aussi en ce sens que la catégorie fait le lien entre sociologie des élites et sociologie de la stratification sociale : elle est un outil statistique pour examiner des processus de sélection sociale conduisant – à la fois en termes intergénérationnels et intragénérationnels – de l’élite socioprofessionnelle lato sensu à l’élite stricto sensu, qui serait identifiée par monographie.

18 La différence d’ordre de grandeur avec les travaux de la sociologie des élites se traduit par une finesse moindre de la catégorie obtenue et une réduction du programme d’analyse qui peut être envisagé. Mais ces inconvénients sont compensés par la large mise à disposition de la variable dans les enquêtes de la statistique publique, qui doit permettre l’obtention de connaissances cumulatives sur un vaste ensemble de questions tenant à la comparaison, interne et externe, des différentes composantes de l’« élite socioprofessionnelle » ainsi définie. Si l’approche défendue ici n’est pas la plus appropriée pour l’analyse de l’exercice des mécanismes individuels ou locaux de domination – question centrale de la sociologie des élites –, elle permet une étude fine, différenciée selon les univers professionnels et comparative dans le temps, des inégalités par le sommet de la structure sociale.

3. Quel repérage statistique du sommet de la stratification sociale ?

19 Proche, dans son principe de construction, de certaines notions élaborées par la sociologie des élites, la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau se situe, par sa taille, à la limite de la sociologie quantitative de la stratification sociale où elle apparaît sans équivalent, à l’exception de la catégorisation norvégienne proposée par Marianne Hansen et ses co-auteurs (2009).

20 En effet, aucune des grandes classifications socioéconomiques ou de classes sociales ne permet d’identifier un groupe supérieur qui se rapproche des 3 % des emplois auxquels correspond la catégorie proposée ici. En France, pour identifier le haut de la structure socioprofessionnelle, il conviendrait de retenir le groupe des « cadres et professions intellectuelles supérieures (3) » et la catégorie des « chef·fes d’entreprise de plus de 10 personnes (23) » dans la nomenclature des PCS, mais le périmètre serait beaucoup plus large que pour la catégorie envisagée ici (19 % de la population en emploi en 2020 [8]). Dans les classifications internationales, les catégories regroupant les positions les plus élevées ont, elles aussi, un périmètre large (Leiulfsrud et al., 2010) : de 13 % à 25 % de la population en emploi selon que l’on considère la classification EGP (Erikson et al., 1979), les classifications socioéconomiques européennes ESeG (Meron et al., 2016) et ESeC (Rose et Harrison, 2009), le schéma de classe d’Erik Olin Wright (1997) ou encore celui de Daniel Oesch (2006).

21 À l’inverse, défendant l’importance d’accorder une attention au sommet de la structure sociale, du fait de son rôle dans l’augmentation des inégalités économiques et dans les transformations du capitalisme (Savage et Williams, 2008 ; Savage, 2015), Mike Savage et collègues (2013) ont dénommé « élite » (parfois qualifiée d’« ordinaire ») une classe comptant 6 % de la population identifiée de manière inductive à l’aide d’une procédure de classification automatique. En son sein sont nettement surreprésentés « les PDG, les directeurs et directrices informatiques, les directeur·trices marketing et ventes, les directeur·trices financier·ères, les consultant·es en management, ainsi que les professions libérales d’élite que sont les dentistes et avocat·es » (p. 234), soit une partie des professions incluses dans la présente proposition. Mais cette approche diffère toutefois de celle défendue ici : d’une part, sa taille est deux fois plus élevée ; d’autre part, son utilisation est limitée à certaines enquêtes spécifiques, puisque son implémentation s’appuie sur des variables ad hoc relatives aux ressources économiques et culturelles, et non sur la seule profession.

22 A priori, une seule classification comprend une catégorie se rapprochant de celle définie ici : il s’agit de l’Oslo Register Data Class Scheme (Hansen et al., 2009). Développé pour des données de registres administratifs norvégiens permettant d’étudier des groupes de petite taille, ce schéma de classe est utilisé depuis une dizaine d’années et a donné lieu à de nombreuses publications (Hansen et Toft, 2021, pour un exemple récent). Inspiré par les travaux de Pierre Bourdieu, il se fonde sur la nomenclature norvégienne pour les professions salariées [9] (STYRK) et sur le revenu pour les professions indépendantes et les artistes, afin de construire 13 classes, qui sont distinguées à la fois selon leur volume global de capital et selon la composition de ce capital. Le niveau supérieur, dénommé « élite » ou « classe supérieure » (upper class), regroupe 4 % de la population norvégienne classée. Il est divisé en trois fractions : culturelle, économique et de composition équilibrée de capital (qui comprend les professions libérales). Si le niveau supérieur du schéma de classe présente de grandes similarités avec la présente proposition, sa définition est légèrement moins fine et son périmètre un peu plus étendu [10].

II. Construction de la catégorie

23 Le nouveau dispositif utilisé depuis 2020 pour coder la nomenclature socioprofessionnelle repose sur une collecte informatisée à partir d’une liste de milliers de libellés standardisés de profession et d’un nombre réduit de variables additionnelles nécessaires à la codification [11]. La production de la nomenclature se trouve ainsi facilitée, permettant son usage dans un plus grand nombre de sources statistiques. À la suite de travaux de sociologie des professions (Bernard, 2021, pour un exemple récent), ce dispositif permet en outre le repérage fin de certains domaines ou segments professionnels transversaux à la nomenclature, comme les « professions du numérique », les « métiers verts » ou encore l’« élite socioprofessionnelle » présentée ici (Amossé et al., 2019). De fait, c’est l’existence de ce processus rénové qui a rendu possible l’implémentation empirique d’une catégorie suivant les objectifs et principes théoriques énoncés dans la première partie.

1. S’appuyer sur une liste détaillée de professions

24 La liste de libellés élaborée pour la collecte (informatisée) de la PCS 2020 répond à un double objectif : permettre aux personnes enquêtées de retrouver facilement et sans erreur leur profession ; disposer d’une information suffisamment riche (avec les variables additionnelles) pour obtenir un code de profession unique, ainsi que des domaines ou segments supplémentaires, comme la catégorie présentée ici. Pour atteindre ces objectifs, la liste a été établie à partir des libellés spontanément déclarés dans les principales sources de l’Insee (enquêtes de recensement et sur l’emploi), libellés dans lesquels les personnes interrogées sont susceptibles de se retrouver. La pluralité des registres mentionnés pour déclarer sa profession (logiques de métier, position, titre, grade, etc.), ainsi que la variété des précisions indiquées (sectorielles, fonctionnelles, etc.), ont été conservées quand elles étaient nécessaires au codage des professions et catégories et qu’elles ne s’accompagnaient pas d’une longueur excessive ou d’un nombre trop élevé de libellés (ce qui peut gêner la lecture et la sélection dans la liste lors de la collecte).

25 Des précisions ont parallèlement été ajoutées aux libellés lorsqu’elles étaient nécessaires au codage et n’entraînaient pas de difficulté pour l’utilisation de la liste [12]. En ce qui concerne la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau, ce sont notamment des informations relatives au seuil de taille des entreprises ou des services dans lesquels les emplois sont occupés par les dirigeants salariés, des indications du niveau de responsabilité ou d’expertise de certaines professions (notamment dans la fonction publique) et des modalités d’exercice de certaines professions libérales, qui ont été intégrées aux libellés.

26 Pour établir les frontières de la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau au sein des différentes catégories socioprofessionnelles, ou des univers professionnels plus restreints en leur sein, le travail s’est appuyé sur les découpages que révèlent les libellés spontanément déclarés et sur la connaissance des professions collectivement établie à l’occasion de la rénovation de la nomenclature des PCS. Ces informations ont été complétées par des documents juridiques délimitant les hiérarchies professionnelles, comme les classifications des conventions collectives et les corps de la fonction publique (ainsi que leurs grilles salariales), des données de la statistique publique ou de réseaux sociaux professionnels (LinkedIn ou Glassdoor [13]) et des publications scientifiques (issues de la sociologie des professions en particulier) ou d’organisations professionnelles (Apec, cabinets de consultants, syndicats patronaux et de salariés, etc.) pour objectiver les niveaux de revenu – et parfois de diplôme – des différentes professions dans un domaine donné. Un travail minutieux a ainsi été conduit en amont de la collecte : s’appuyant sur des informations éparses et parfois lacunaires – en l’absence de données générales permettant de caractériser et de hiérarchiser des libellés d’emploi correspondant à des effectifs souvent limités –, il a fait l’objet de deux phases de validation successives grâce aux données collectées en 2020 dans le pilote de l’enquête Emploi, puis en 2021 dans sa version refondue. Les résultats de cette seconde analyse sont détaillés dans la troisième partie de l’article.

2. Description détaillée par catégorie socioprofessionnelle

27 La fin de cette partie présente une synthèse des libellés de profession retenus pour définir la catégorie (plus de 1 500 libellés sont concernés sur les quelque 5 400 que comprend la liste nécessaire au codage de l’ensemble des PCS [14]), puis examine ses critères généraux de construction. Le détail de construction de la catégorie ne pouvant être pleinement restitué dans le cadre d’un article, faute de place, il est accessible en ligne sous la forme d’une matrice de libellés sur le site de l’Insee (https://www.insee.fr/fr/information/6050075), ainsi que sur le site dédié à la nomenclature socioprofessionnelle (https://www.nomenclature-pcs.fr).

28 Parmi les chef·fes d’entreprise d’au moins 10 personnes (CS 23) sont retenu·es celles et ceux qui dirigent des entreprises de 50 personnes ou plus (correspondant à la profession 23A1). Sont toutefois inclus, de façon plus exceptionnelle, certains libellés d’indépendant·es travaillant dans des entreprises de 11 à 49 personnes qui appartiennent aux secteurs de services très qualifiés tels que la banque, l’assurance, la promotion immobilière, la culture ou la santé.

29 Parmi les professions libérales (CS 31) sont retenues : toutes les professions de santé exigeant un doctorat lorsqu’elles sont exercées en libéral, ce qui concerne les médecins spécialistes et généralistes, les chirurgien·nes-dentistes, les vétérinaires et les pharmacien·nes ; les notaires ; certaines professions du droit et de la comptabilité quand elles sont exercées, soit comme indépendant et que l’entreprise comprend au moins deux personnes, soit comme associé·es (avocat·es, expert·es-comptables). De manière générale, toutes les professions de cette CS sont incluses dès lors que leur entreprise emploie au moins 10 salariés (architectes, géomètres-expert·es, etc.).

30 Parmi les cadres administratif·ves et techniques de la fonction publique (CS 33), la catégorie s’appuie notamment sur la catégorie A+ définie par la Direction générale de l’administration de la fonction publique (DGAFP ; Baradji et Peyrin, 2012), en adoptant cependant une définition plus restrictive. Sont retenus : les corps d’encadrement supérieur, d’inspection, de contrôle et d’expertise de la fonction publique d’État, dont les ingénieur·es des grands corps et en chef ; les positions équivalentes dans la fonction publique territoriale et hospitalière, en retenant des seuils de nombre d’habitants en cohérence avec ceux utilisés par la DGAFP (Baradji et al., 2015) ; les magistrat·es ; les officier·ères supérieur·es à partir du grade de colonel, ainsi que les médecins, dentistes, pharmacien·nes et vétérinaires militaires ; les parlementaires, les élu·es de grandes collectivités et les représentant·es des syndicats et du patronat à l’échelon national.

31 Parmi les professeur·es et professions scientifiques supérieures (CS 34), la catégorie comprend : les professions de l’encadrement supérieur de l’enseignement (inspecteurs et inspectrices pédagogiques régionales, proviseur·es, etc.) ainsi que de l’enseignement supérieur (directeur·trices d’établissement) ; les professeur·es des universités, les directeur·trices de recherche et professeur·es de classes préparatoires ; les médecins et pharmacien·nes salarié·es des hôpitaux et de la Sécurité sociale.

32 Parmi les professions de l’information, des arts et des spectacles (CS 35) ont été retenu·es : les fonctionnaires de niveau A+ de la culture et leurs équivalents du privé (conservateurs et conservatrices du patrimoine, etc.) ; les positions élevées des médias et de l’édition (directeur·trices de rédaction, grands reporters, etc.), de l’audiovisuel et des spectacles (producteurs et productrices, réalisateurs et réalisatrices, etc.), des structures culturelles (directeur·trices d’opéra, danseuses et danseurs étoiles, solistes, etc.) et de la mode (créateurs et créatrices de haute couture, top models).

33 Parmi les cadres administratifs et commerciaux et cadres administratives et commerciales d’entreprise (CS 37), la catégorie inclut : les directeur·trices généralistes en responsabilité dans un service, un établissement ou une entreprise de 50 salariés et plus ; les directeur·trices exerçant des fonctions exigeant une spécialisation de haut niveau ou occupant des postes de responsabilité élevée, sans seuil de taille (directeur·trices France [15], du contrôle financier, etc.) ; les directeur·trices des plus grandes surfaces de vente ou du commerce ; les directeur·trices de la banque, ainsi que les professionnel·les spécialisé·es des marchés financiers.

34 Parmi les ingénieur·es et cadres techniques d’entreprise (CS 38), la catégorie comprend : les directeur·trices techniques généralistes en responsabilité dans un service, un établissement ou une entreprise de 50 salariés et plus ; les directeur·trices spécifiques de certaines fonctions ou domaines techniques impliquant un haut niveau d’expertise ou de responsabilité, sans seuil de taille (directeur·trices recherche et développement, des risques informatiques, ingénieur·es chercheur·es, etc.) ; les professions de direction ou expertes du transport (pilotes de ligne, etc.).

3. Discussion méthodologique

35 L’élaboration de la catégorie a bénéficié de la collecte sur liste des libellés d’emploi adoptée dans le cadre de la PCS 2020, une occasion déterminante pour préciser au mieux la frontière au sein de chaque fraction de la structure socioprofessionnelle. Cela n’a toutefois pas permis de résoudre l’ensemble des difficultés méthodologiques accompagnant sa délimitation.

36 De façon générale, les contours de la catégorie dépendent de la pluralité des registres utilisés pour déclarer sa profession. Leur définition pratique requiert que l’on puisse s’appuyer sur l’ajout d’un nombre limité de précisions terminologiques, de manière à ne pas altérer l’économie du dispositif de codage, qui doit être compris par l’ensemble de la population active. Heureusement, quelques principes généraux permettent à la fois de tracer la frontière de façon relativement simple selon les univers professionnels et de garantir l’homogénéité de la définition entre ces univers.

37 Au sein des entreprises, les positions les plus élevées ont principalement été identifiées à partir du terme « directeur·trice », à l’exclusion de ceux de « chef·fe » et de « responsable ». En effet, ces termes renvoient le plus souvent à des positions moins élevées (ce qui a pu être objectivé par l’analyse des niveaux de diplôme et de salaire – voir infra). De même, quelques libellés de « directeur·trice » de petites unités ont été exclus dans certains secteurs : de supermarché ou de supérette, d’agence (postale, matrimoniale, de surveillance, de gardiennage, de pompes funèbres, d’intérim), d’auberge de jeunesse, de camping, de centre de vacances, etc. Cette règle montre à quel point il est nécessaire de prendre en compte l’importance économique du service, de l’établissement ou de l’entreprise dirigée, importance qui dépend à la fois du secteur d’activité ou du domaine de spécialité (généralement inclus dans le libellé) et de la taille (ce qui justifie de ne retenir que les libellés portant la mention « 50 salariés ou plus » pour les directeur·trices généralistes des domaines administratifs, commerciaux et techniques).

38 Par ailleurs, les corps et grades, qui demeurent des marqueurs positionnels importants dans la haute fonction publique, ont complété le repérage des situations à partir de la fonction occupée (repérage homologue à celui réalisé dans le secteur privé, avec l’utilisation du terme « directeur·trice » et de la mention « 50 salariés ou plus », ou de seuils équivalents en nombre d’habitants concernant les collectivités couvertes [16]) : la catégorie comprend ainsi à la fois les libellés « directeur·trice général·e des services d’une collectivité territoriale (80 000 habitants ou plus) » et « administrateur·trice territorial·e ». En cohérence avec la définition de la catégorie A+ pour la fonction publique d’État ont ainsi été retenus, notamment, les principaux corps de sortie de l’École polytechnique, de l’École nationale d’administration [17]et de l’École nationale de la magistrature. Les titres de cadres et d’ingénieur·es mentionnant ces corps ont également été conservés lorsqu’ils correspondent à des emplois salariés d’entreprise.

39 Enfin, dans le domaine de la santé, du droit, des études économiques ou techniques, ce sont plus directement des noms de profession, au sens fort que lui donne la sociologie américaine (de Verdalle, 2012), qui suffisent à délimiter les contours de la catégorie. Dans le domaine de la santé, une première version (Amossé et al., 2019) ne retenait, pour les salarié·es, que les positions de direction (professeur·es et maître·sses de conférences des universités-praticien·nes hospitalier·ères, médecins-chefs ou directeur·trices de service). Cette distinction a été abandonnée en raison de l’impossibilité pratique de croiser les distinctions hiérarchiques et de spécialité médicale pour l’ensemble des libellés, mais aussi du niveau de revenu et de diplôme particulièrement élevé de l’ensemble des professions médicales.

40 Ainsi, dès lors que cela s’est révélé possible, les règles suivies se sont appuyées sur des délimitations instituées du monde du travail (délimitation des professions libérales, haute fonction publique). Dans le cas inverse, des espaces d’équivalence ont été établis par homologie, en fonction des contraintes empiriques liées à la nomenclature socioprofessionnelle. C’est notamment le cas en ce qui concerne le seuil de taille de 50 salariés ou plus, utilisé pour distinguer les directeur·trices salarié·es et indépendant·es des entreprises. La frontière se veut ainsi cohérente à la fois dans un univers professionnel donné et entre univers professionnels, cohérence dont attestent les statistiques exploratoires qui suivent.

41 Au titre des limites, on peut noter que, dans certains univers professionnels (art, science et sport essentiellement) où les positions les plus élevées peuvent renvoyer à la reconnaissance de qualités individuelles, la catégorie s’en tient au repérage des situations professionnellement et institutionnellement établies. De façon cohérente avec le mode de repérage et l’échelle d’analyse retenus, les positions élevées du champ de la musique sont ainsi identifiées par le fait d’occuper un poste de soliste. Dans le champ scientifique, les positions supérieures sont définies par le fait d’occuper un poste de rang A dans l’enseignement supérieur ou dans la recherche. Dans le sport, enfin, le fait de se déclarer sportif professionnel a été considéré comme un indice de niveau de pratique suffisamment élevé.

42 Plus largement, les limites empiriques de la catégorie proposée sont celles de toute classification socioéconomique fondée sur les professions combinées avec un nombre réduit de variables annexes (statut, taille de l’entreprise, qualification) : un même libellé peut recouvrir des situations en partie hétérogènes et manquer certaines distinctions, quel que soit son niveau de détail. Son utilisation comme outil de référence de la statistique sociale suppose que la construction empirique soit transparente, stable dans le temps et réponde fidèlement à ses principes d’élaboration. Cette dernière exigence, décisive en raison du périmètre restreint de la catégorie (3 % de la population en emploi), a conduit à exclure les libellés correspondant, dans une proportion significative, à des situations éloignées de la réalité visée [18]. La catégorie a donc pour ambition d’identifier la majeure partie des positions professionnelles les plus élevées, et non de garantir que toutes y soient incluses. Compte tenu de ces réserves, il convient d’adopter pour son analyse une posture de réalisme raisonné, où la dimension conventionnelle de la mesure est assumée mais n’empêche pas de produire des connaissances positives : de façon prudente pour des estimations d’effectifs, avec plus d’assurance pour leurs comparaisons et évolutions (internes comme externes).

III. Analyses empiriques

43 Cet article présentant la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau se conclut sur une série de premières explorations empiriques qui illustrent son intérêt à partir des données de l’enquête Emploi 2021 [19], la première où l’on dispose de son codage définitif.

1. Validation de la catégorie à partir des libellés

44 Un premier ensemble d’analyses permet de valider la construction de la catégorie en examinant les libellés de la liste tels qu’ils sont sélectionnés dans l’enquête par les répondant·es, en s’approchant donc des situations réellement observées dans la population en emploi.

45 Bien qu’elles aient été établies sur des effectifs relativement faibles, ce qui incite à les considérer avec prudence, ces analyses montrent une forte concentration des libellés dans la catégorie : alors que le corpus contient 322 libellés différents (sur les quelque 1 500 possibles) pour les 1 203 individus de l’élite [20], les 10 mots les plus fréquents regroupent 73 % des effectifs, et les 20 les plus fréquents, 84 % des effectifs (tableau 1 ; les résultats par catégorie socioprofessionnelle sont reproduits en annexe).

46 La catégorie repose fortement sur les libellés comportant les termes « directeur·trice » et « médecin » (ou des libellés associés aux différentes spécialités médicales, comme psychiatre, radiologue ou gynécologue, par exemple). Transversales à différents univers professionnels (l’entreprise comme la fonction publique, les fonctions administratives et commerciales comme techniques ; l’exercice libéral comme hospitalier), les déclinaisons de ces termes et des libellés associés représentent plus de la moitié des effectifs de la catégorie. On peut noter que certains libellés fréquents de directeur·trice (par exemple, directeur·trice des systèmes d’information ou de la communication) ne se retrouvent que rarement dans la catégorie, car seuls les libellés précisant en outre « 50 salariés et plus » y sont présents, alors qu’ils sont largement minoritaires par rapport à ceux ne comportant pas cette clause.

47 Les autres libellés les plus fréquents correspondent également à des professions instituées, qui disposent à ce titre de noms bien établis. Ils couvrent les principaux champs de définition de la catégorie : les professions libérales, qu’elles soient de santé (chirurgien·ne-dentiste, pharmacien·ne, vétérinaire), du droit (avocat·e, notaire, huissier·ère de justice) ou des sphères techniques (architecte) et économiques (expert·e-comptable) ; l’expertise technique (ingénieur·e) ; la direction des entreprises (chef·fe d’entreprise, cadre dirigeant·e) ; la haute fonction publique (administrateur·trice, magistrat·e) et l’enseignement supérieur (professeur·e des universités ou de classe préparatoire).

Tableau 1. Libellés les plus fréquents de la catégorie des « dirigeants et professionnels de haut niveau » en 2021

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Tableau 1. Libellés les plus fréquents de la catégorie des « dirigeants et professionnels de haut niveau » en 2021

48 Une seconde série d’analyses (tableau 2) montre que la délimitation des libellés « directeur·trice » appartenant à la catégorie des dirigeant·es et professionnel·les de haut niveau permet bien d’identifier structurellement le haut de la hiérarchie des revenus des différents champs où elle est définie, par rapport aux autres libellés de « directeur·trice » et à ceux de « chef·fe » et « responsable » (qui, à de rares exceptions, sont exclus de la catégorie). C’est particulièrement le cas dans le secteur privé administratif et commercial, où les directeur·trices appartenant à la catégorie se détachent par des revenus nets médians nettement plus élevés : l’écart est de 1 550 € par mois par rapport aux autres directeur·trices. Cela se vérifie notamment pour les libellés qui ne sont inclus dans la catégorie que s’ils comportent la mention « 50 salariés ou plus » : l’écart avec ceux qui ne comportent pas cette mention est de 1 394 € par mois.

Tableau 2. Revenu mensuel médian à temps plein (en €) et effectifs (entre parenthèses), en 2021, des personnes ayant les libellés « responsable », « chef·fe » et « directeur·trice » selon qu’elles sont incluses ou exclues des dirigeant·es et professionnel·les de haut niveau

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Tableau 2. Revenu mensuel médian à temps plein (en €) et effectifs (entre parenthèses), en 2021, des personnes ayant les libellés « responsable », « chef·fe » et « directeur·trice » selon qu’elles sont incluses ou exclues des dirigeant·es et professionnel·les de haut niveau

2. Description sociodémographique de la catégorie

49 En plus de ces premières analyses attestant le bien-fondé des choix effectués pour définir la catégorie, les données de l’enquête Emploi 2021 permettent d’esquisser une description des caractéristiques sociales des dirigeants et professionnels de haut niveau, et de les comparer aux autres emplois de niveau supérieur ainsi qu’au reste de la population en emploi (tableau 3). Les exploitations statistiques s’appuient sur la classification des classes d’emploi élaborée dans le cadre de la PCS 2020 (Amossé et al., 2022), qui répartit les individus en quatre classes hiérarchisées (A*, B*, C* et D*), les emplois de niveau supérieur (salariés ou indépendants) correspondant à la classe A* [21]. Pour ces analyses, une catégorie supplémentaire est distinguée pour les dirigeants et professionnels de haut niveau, qui sont ainsi retirés de la classe A*. Par les diplômes et revenus qui lui sont associés, ces premières analyses confirment la capacité de la catégorie à capter les spécificités des positions socioprofessionnelles les plus élevées.

50 Signe du plafond de verre et, plus largement, des mécanismes genrés de sélection qui entravent les carrières féminines, on trouve plus souvent des hommes chez les dirigeants et professionnels de haut niveau que dans les autres emplois de niveau supérieur (63 %, contre 53 %). Les membres de la catégorie sont également un peu plus âgés (âge médian de 47 ans, contre 43 ans), avec une proportion deux fois plus faible de moins de 30 ans (8 %, contre 17 %) et une proportion trois fois plus élevée de plus de 60 ans (15 %, contre 5 %). Cela témoigne de ce que l’accès aux positions les plus élevées se fait rarement dès le premier poste, qu’il est plus fréquent de les atteindre en fin de carrière et que les âges de départ en retraite y sont plus tardifs.

51 Les écarts entre les dirigeants et professionnels de haut niveau et le reste des emplois de niveau supérieur sont, logiquement encore, plus marqués en ce qui concerne le diplôme et le revenu. Plus des trois quarts (77 %) des membres de la catégorie sont titulaires d’un diplôme de niveau Bac+5 ou plus (contre 49 %). Ils se distinguent encore plus nettement lorsqu’on se concentre sur les diplômes les plus élevés ou les plus prestigieux : 55 % sont titulaires d’un doctorat, d’un diplôme de grande école, d’une agrégation ou d’un diplôme d’exercice d’une profession libérale (avocat, notaire, etc.), contre seulement 19 % pour les autres emplois de niveau supérieur.

Tableau 3. Caractérisation en 2021 des dirigeants et professionnels de haut niveau par sexe, âge, revenu et diplôme, par comparaison avec les autres emplois de niveau supérieur et le reste de la population en emploi

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Tableau 3. Caractérisation en 2021 des dirigeants et professionnels de haut niveau par sexe, âge, revenu et diplôme, par comparaison avec les autres emplois de niveau supérieur et le reste de la population en emploi

52 En 2021, le revenu net médian des dirigeants et professionnels de haut niveau travaillant à temps plein (4 800 € par mois) est supérieur de 77 % à celui des autres emplois de niveau supérieur (2 700 € par mois), soit un peu plus que l’écart entre ce dernier groupe et le reste de la population en emploi (61 %, 1 680 € par mois) et un rapport du simple au triple entre le premier et le dernier groupe. C’est particulièrement aux niveaux de revenus supérieurs à 4 000 € que les dirigeants et professionnels de haut niveau se distinguent : 64 % dépassent ce seuil, contre seulement 18 % des autres cadres et 2 % du reste de la population active. Plus encore, si 11 % des membres de cette catégorie touchent un revenu supérieur à 10 000 €, c’est le cas de seulement 1 % des autres cadres.

3. Illustration de l’apport de la catégorie : quelle mobilité sociale depuis et vers l’élite socioprofessionnelle ?

53 Depuis ses origines en France – avec les travaux précurseurs du démographe Alain Girard (1951, 1961) et du statisticien Jacques Desabie (1955) – jusqu’à ses développements les plus récents (voir, par exemple, Veljkovic, 2022), l’histoire de l’analyse de la mobilité sociale est marquée par l’importance des enjeux de données et de méthodes. La catégorie présentée dans cet article, articulée avec le schéma de classes d’emploi (Amossé et al., 2022), apporte une contribution originale à ces travaux en fournissant une mesure fine au sommet de la structure socioprofessionnelle : elle répond à la limite du groupe des « cadres et professions intellectuelles supérieures » qui, grâce à la forte élévation de la structure des qualifications, représente désormais environ une personne en emploi sur cinq.

54 L’enquête Emploi interroge les individus sur la profession de leurs parents au moment de la fin de leurs études. Le dispositif de collecte et de codification est le même que pour la profession des interrogé·es, même si l’on peut craindre une sous-estimation de l’appartenance à la catégorie du fait d’une moindre précision des déclarations pour la profession des parents. Dans le champ des personnes de 35 à 59 ans ayant déjà travaillé, usuel pour l’analyse de la mobilité sociale (voir, par exemple, Insee, 2020), 23 % des personnes ayant un emploi de dirigeant ou professionnel de haut niveau (ou dont c’était le dernier emploi) avaient également leur père ou leur mère dans cette situation au moment où elles ont terminé leurs études, contre 9 % de celles qui ont ou ont eu un autre emploi de niveau supérieur (et 5 % en moyenne) [tableau 4]. Plus largement, 65 % des dirigeants ou professionnels de haut niveau avaient leur père ou leur mère dans un emploi de niveau supérieur (A*), contre 43 % de celles et ceux qui ont ou ont eu un autre emploi de niveau supérieur (et 23 % en moyenne). Inversement, 14 % de celles et ceux dont le père ou la mère avait un emploi de dirigeant ou professionnel de haut niveau ont ou ont eu un emploi de haut niveau, contre 6 % de celles et ceux dont le père ou la mère avaient un autre emploi de niveau supérieur (et 3 % en moyenne).

Tableau 4. Table en 2021 des origines et destinées sociales utilisant le schéma de classe d’emploi étoilée et la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau (en %)

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Tableau 4. Table en 2021 des origines et destinées sociales utilisant le schéma de classe d’emploi étoilée et la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau (en %)

55 Les odds ratios mesurant la mobilité sociale intergénérationnelle montrent la force de la reproduction sociale pour l’élite socioprofessionnelle. Sur la première colonne du tableau 5, ils attestent en effet la forte gradation des mécanismes de sélection sociale pour l’accès aux positions les plus élevées en fonction des origines sociales : en prenant pour référence les emplois d’exécution qualifiés (C*), les odds ratios s’échelonnent de 0,3 pour les emplois non qualifiés (D*) à 11 pour les emplois de niveau supérieur hors élite (A*) et 33 pour l’élite. Si les odds ratios (OR) correspondant aux situations de reproduction sociale (sur la diagonale du tableau 5 et la figure 1) suivent une courbe en U, les valeurs sont nettement plus élevées dans la fraction supérieure de l’espace social (OR=33) que dans la fraction la plus défavorisée (OR=1,5). La fermeture sociale est donc beaucoup plus forte en haut de l’espace social qu’en bas. En outre, la différence entre les emplois de l’élite socioprofessionnelle et les autres emplois de niveau supérieur (A*) est très marquée. Ces analyses confirment ainsi l’apport de la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau à l’analyse de la mobilité sociale.

Tableau 5. Odds ratios correspondant à la table en 2021 des origines et destinées sociales utilisant le schéma de classe d’emploi étoilée et la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau

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Tableau 5. Odds ratios correspondant à la table en 2021 des origines et destinées sociales utilisant le schéma de classe d’emploi étoilée et la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau

Figure 1. Odds ratios correspondant à la table en 2021 des origines et destinées sociales utilisant le schéma de classe d’emploi étoilée et la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau

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Figure 1. Odds ratios correspondant à la table en 2021 des origines et destinées sociales utilisant le schéma de classe d’emploi étoilée et la catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau

Conclusion

56 La catégorie des dirigeants et professionnels de haut niveau présentée dans cet article constitue l’une des principales innovations de la dernière rénovation de la nomenclature socioprofessionnelle française, à côté de la PCS Ménage (Amossé et Cayouette, 2022) et du schéma de classes d’emploi (Amossé, Cayouette et Gros, 2022). Elle permet d’aborder de façon renouvelée la question des inégalités au sommet de la structure sociale. Articulée avec les catégories socioprofessionnelles, multidimensionnelle et rendant compte des compromis sociaux de classement, elle identifie les positions les plus élevées dans la division et l’organisation du travail d’une pluralité d’univers professionnels, grâce à une délimitation fine des libellés de professions permise par le dispositif rénové de codage de la PCS 2020.

57 Précises dans ses principes théoriques comme dans sa délimitation empirique, la catégorie et ses différentes composantes constituent un outil descriptif ouvert à de nombreux schémas interprétatifs. Tentant de faire un pont entre la sociologie de l’élite et la sociologie des classes sociales, elle propose – au moins à titre d’hypothèse pour alimenter le débat scientifique – la notion d’« élite socioprofessionnelle », dont on pourra analyser, dans ses composantes internes et en comparaison externe, la mobilité (ou reproduction) sociale, la circulation (ou ségrégation) spatiale, les caractéristiques de logement, les stratégies éducatives, les pratiques culturelles, la composition du patrimoine, etc. À titre de première illustration empirique, l’article a montré la force statistique des mécanismes de reproduction sociale qui la caractérisent.

58 Au regard des matériaux empiriques mobilisés par la sociologie des élites, la catégorie proposée souffre de certaines limites : théoriquement, elle ne permet pas d’identifier précisément les formes de prestige, mécanismes de reconnaissance et capitaux spécifiques de chacune de ses fractions (Denord et al., 2011) ; empiriquement, malgré la finesse des délimitations qu’elle prévoit, elle ne repère pas strictement l’ensemble des positions les plus élevées de la structure socioprofessionnelle.

59 Pour autant, établie selon des conventions de définition transparentes et stables, disponible dans les enquêtes de référence de la statistique publique à compter de 2021, elle entend combler un manque dans l’identification des différentes fractions au sommet de la structure sociale, qu’elle peut permettre d’objectiver, au-delà de monographies locales ou d’investigations limitées à un champ. Dépassant largement les 0,1 %, et même les 1 % de la nouvelle économie des inégalités, la catégorie doit notamment faciliter la compréhension de la manière dont élites et classes supérieures s’articulent, entre processus de sélection (Bukodi et Goldthorpe, 2021) et alliances objectives (Herlin-Giret, 2019). Dans un contexte où la polarisation entre une élite fantasmée et un peuple mythifié ne cesse d’être médiatiquement mise en avant, elle peut également contribuer à restituer la complexité des mécanismes et des paliers de la stratification sociale.


Annexe

60 Le tableau ci-dessous présente les débuts de libellés de dirigeants et professionnels de haut niveau les plus fréquents dans chaque catégorie socioprofessionnelle (CS). Ces libellés, qui regroupent plus de la moitié des effectifs de la catégorie dans chacune des CS, donnent une idée fidèle des professions qui y sont incluses.

Tableau A1. Principaux débuts de libellés de dirigeants et professionnels de haut niveau, par catégorie socioprofessionnelle (CS)

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Tableau A1. Principaux débuts de libellés de dirigeants et professionnels de haut niveau, par catégorie socioprofessionnelle (CS)

61 Les libellés pour les chef·fes d’entreprise de plus de 10 salariés (CS 23, seuil d’inclusion à 50 salariés), CS qui contribue relativement peu en termes d’effectifs, couvrent les différentes formes juridiques de direction d’entreprise (indépendante ou salariée) : chef·fe d’entreprise, cadre dirigeant·e, gérant·e, directeur·trice.

62 Concernant les professions libérales (CS 31), ainsi que les professeur·es et professions scientifiques (CS 34), on peut souligner le poids des libellés commençant par « médecin » qui, d’une part, font de ces CS les plus importantes en termes d’effectifs inclus et, d’autre part, prennent le pas sur les autres professions en leur sein. Ces libellés regroupent à eux seuls un cinquième des individus retenus, alors même que d’autres libellés existent pour chaque spécialité médicale (« chirurgien·nes » notamment, ainsi que « psychiatres », « radiologues », « dentistes » et « gynécologues »), en plus des libellés « praticien·ne hospitalièr·e » et « professeur·e des universités ». D’autres professions libérales sont néanmoins relativement fréquentes dans la CS 31 : avocat·e, pharmacien·ne, expert·e-comptable, architecte, vétérinaire, notaire et huissièr·e. En revanche, les professions intellectuelles, professeur·es et chercheur·es hors santé, sont minoritaires dans la CS 34, les libellés les plus fréquents étant « professeur·e agrégé » (en classes préparatoires) et « professeur·e des universités ».

63 Les cadres administratifs/administratives et techniques de la fonction publique (CS 33) comportent pour leur part une proportion importante de haut·es fonctionnaires, d’administrateurs·trices et de magistrat·es, mais aussi de personnels techniques de haut niveau (ingénieur·es et contrôleurs/contrôleuses aérien·nes).

64 Les professions de l’information, des arts et spectacles (CS 35) contribuent assez peu à la catégorie en termes d’effectifs, du fait d’abord de la taille limitée de ce champ mais aussi, comme on l’a noté plus haut, des difficultés à en saisir les positions les plus élevées à travers les libellés de profession. Les professions du cinéma, de la presse et du secteur public sont les plus représentées (producteur·trice, rédacteur·trice en chef, conservateur·trice, réalisateur·trice, ainsi que des directeur·trices), alors que les artistes sont presque complètement absent·es.

65 Les cadres administratifs et commerciaux/administratives et commerciales d’entreprise (CS 37) présent·es dans la catégorie sont constitué·es presque exclusivement de directeur·trices », avec toutefois une part notable de consultant·es et d’ingénieur·es financier·ères – la finance est d’ailleurs le domaine le plus représenté si on les additionne au libellé « directeur·trices (marché financier) ».

66 Enfin, les ingénieur·es et cadres techniques d’entreprise (CS 38) sont aussi principalement des directeur·trices techniques. Si cette catégorie comprend une proportion notable d’ingénieur·es chercheur·es, les autres libellés d’ingénieur·e apparaissent dispersés en fonction de leur école d’origine ou spécialité de formation (Mines, télécommunications, etc.).

67 Dans l’ensemble, les différents libellés directeur·trice regroupent plus d’un quart des individus retenus. On les retrouve dans toutes les catégories socioprofessionnelles, à l’exception des professions libérales.

  • Parmi les chefs d’entreprise (CS 23) : directeur·trice « d’agence », « associé·e », « d’assurance », « d’hôpital », « de restaurant », « industrie ».
  • Parmi les cadres administratifs d’entreprise (CS 37) : directeur·trice « commercial·e », « des ressources humaines », « régional·e », « marché financier », « administratif/administrative ».
  • Parmi les cadres techniques d’entreprise (CS 38) : principalement directeur·trice « de projet ».
  • Parmi les cadres administratifs/administratives et techniques de la fonction publique (CS 33) : directeur·trice « de l’administration », « d’hôpital », « de cabinet », « général·e », « juridique ».
  • Parmi les professions de l’information, des arts et spectacles (CS 35) : directeur·trice « artistique », « d’édition », « de conservatoire », « de musée », « photo », « de production ».

69 Enfin, parmi les individus retenus, quelques dizaines (de l’ordre de 1 sur 20) ont un libellé qui inclut l’adjectif « général » : notamment « directeur·trice général·e », « secrétaire général·e », « inspecteur·trice général·e », « ingénieur·e général·e ». On les trouve parmi les chef·fes d’entreprise (CS 23), les cadres administratifs/administratives et techniques du public (CS 33) et du privé (CS 37 et CS 38).

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Mots-clés éditeurs : inégalités, mobilité sociale, élite, stratification sociale, catégories socioprofessionnelles, classes supérieures

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Mise en ligne 05/08/2024

https://doi.org/10.3917/popu.2401.0041

Notes

  • [1]
    L’article reprend l’intitulé officiel de la catégorie utilisé par l’Insee, qui est au masculin. Il utilise en revanche des formulations inclusives pour les libellés de professions collectés et les intitulés de rubriques de la nomenclature des PCS 2020, comme le fait l’Insee.
  • [2]
    Bien qu’elle puisse s’en approcher, la notion de champ retenue dans l’article ne se réfère pas strictement au cadre théorique de Pierre Bourdieu. Il s’agit en tout état de cause d’espaces dotés d’une autonomie relative, au sein desquels ont été définis des critères et des niveaux de hiérarchisation entre professions spécifiques (voir infra). En pratique, on considère ici que les champs correspondent aux catégories socioprofessionnelles à deux positions au sein desquels les libellés d’emploi sont classés (par exemple, les cadres des services administratifs et commerciaux d’entreprise ou les professions libérales).
  • [3]
    Le rapport du groupe de travail du Cnis en charge de la rénovation et l’article de synthèse qui en résulte font état de travaux préparatoires concernant la catégorie, réalisés par les auteurs de cet article entre l’automne 2018 et l’automne 2019, en collaboration avec Cédric Hugrée.
  • [4]
    Il n’est malheureusement pas possible de reconstituer la catégorie dans les enquêtes passées, puisqu’elle est définie à partir des libellés de professions de la PCS 2020.
  • [5]
    En cela, et de façon cohérente avec le cadre défini par la nomenclature des PCS, la catégorie ne renvoie ni au degré d’influence médiatique ou politique ni à la réputation ou au prestige des professions, notions plus difficilement objectivables et susceptibles de varier dans le temps.
  • [6]
    Pour une présentation et une discussion de l’opposition entre approches étique et émique, voir par exemple : Olivier de Sardan, 1998, sur un plan général ; Rose et Harrison, 2009 (p. 31-32), et Filhon et al., 2013, de façon plus spécifique s’agissant des nomenclatures socioéconomiques.
  • [7]
    Voir par exemple : Birnbaum et al., 1978 ; Stanworth et Giddens, 1974.
  • [8]
    En effet, comme on le verra plus loin, les positions les plus élevées sont regroupées avec des positions plus basses même au niveau le plus détaillé de la nomenclature (professions à quatre positions).
  • [9]
    Le détail des libellés de professions est disponible sur le site du projet à l’adresse suivante : https://www.sv.uio.no/iss/english/research/projects/ordc/.
  • [10]
    Sont inclus en particulier les médecins, les vétérinaires, les dentistes, les pharmacien·nes, les psychologues, les architectes, les avocat·es, les chercheur·es et les enseignant·es-chercheur·es, les ingénieur·es, les maires, et les conseillères et conseillers municipaux, ainsi que les « responsables » (sjef), en plus des « directeurs » et « directrices ». Si le recours au revenu comme variable de classement permet de retenir plus d’artistes que dans la catégorie présentée ici, il exclut la possibilité de son implémentation dans les enquêtes où cette variable n’est pas connue.
  • [11]
    Une fonction de recherche automatisée permet de filtrer progressivement la liste des libellés de profession proposés selon les termes saisis. En cas d’impossibilité de trouver un libellé approprié, une saisie de texte en clair est possible, auquel cas le code de profession et l’appartenance ou non à la catégorie sont déterminés manuellement.
  • [12]
    Des précisions n’ont été ajoutées dans les libellés que quand elles concernaient un nombre suffisant de personnes, le seuil progressivement dégagé de façon empirique étant de l’ordre de plusieurs centaines dans la population en emploi.
  • [13]
    Les données de ces sites sont bien sûr à manipuler avec précaution, dans la mesure où les individus y déclarent eux-mêmes leur entreprise, intitulé de poste et salaire. Mais elles fournissent des indices sur les hiérarchies professionnelles, qui ont notamment été pris en compte lorsqu’ils ont pu être croisés avec d’autres sources.
  • [14]
    Le grand nombre de libellés inclus dans la catégorie reflète la finesse de sa définition : de nombreuses positions supérieures concernent des effectifs faibles ; de nombreuses déclinaisons de libellés ont dû être introduites pour préciser les seuils d’inclusion.
  • [15]
    Expression utilisée dans certaines entreprises.
  • [16]
    Les seuils ont été établis en concertation avec la DGAFP.
  • [17]
    Institut national du service public (INSP) depuis le 1er janvier 2022.
  • [18]
    Ce choix s’appuie sur un raisonnement statistique selon lequel l’identification d’un groupe de petite taille est fortement exposée aux « faux positifs » (individus appartenant au groupe à tort) qui, même si leur nombre reste faible à l’échelle de la population entière, peuvent facilement constituer une proportion importante du groupe et masquer ses spécificités (Banens et Le Penven, 2016).
  • [19]
    Les informations concernant le revenu ne sont disponibles que pour environ 1/6e de l’échantillon ; celles sur l’origine sociale ne le sont que pour une partie de l’échantillon.
  • [20]
    Sur 39 647 individus interrogés au premier trimestre 2021, 1 203 font partie des dirigeants et professionnels de haut niveau, soit 3 % de l’échantillon de l’enquête (données non pondérées).
  • [21]
    Cette population est très proche, en pratique, des cadres et professions intellectuelles supérieures et des chefs d’entreprise de plus de 10 salariés dans la PCS, 87 % de la classe A* appartenant à ces groupes.
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