Notes
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[1]
Le taux de chômage est de 8,5 % au moment de la rédaction de cet article (Insee, 2019).
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[2]
L’État couvre les soins aux invalides de guerre et aux personnes en situation irrégulière, notamment via l’aide médicale d’État (AME). Ces aides nécessaires sont cependant à la marge du système de remboursement des soins.
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[3]
En 2016, le niveau de vie médian des chômeurs au sens du BIT s’élevait à 14 070 euros par an contre 22 720 euros pour les actifs occupés (Insee, 2016b).
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[4]
La généralisation de l’accès à une complémentaire par l’entreprise a débuté en 2013 avec l’Accord national interprofessionnel (ANI) mis au point en 2017, 96 % des salariés du secteur privé y ont accès – les derniers 4 % sont gérés par de plus petites entreprises qui ont davantage recours à une assurance. En considérant les dispenses d’adhésion, il y a finalement 82 % des salariés qui bénéficient de la couverture de leur entreprise (Lapinte et Perronnin, 2018).
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[5]
Site de l'Assurance maladie, ameli.fr, consulté en mars 2019.
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[6]
Une autre dimension importante est le coût des soins qui varie selon le conventionnement des spécialités médicales au sein de différents secteurs. Certains soins sont totalement remboursés, d’autres partiellement, et d’autres encore ne le sont pas du tout. En effet, 45,7 % des médecins en 2016 pratiquent des dépassements d’honoraires ou la liberté tarifaire (Cnam, 2017), et il devient très difficile dans certaines spécialités – notamment les gynécologues, chirurgiens, ORL, dentistes et ophtalmologues – d’avoir recours à des professionnels ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires (Bras, 2015). Il apparaît que le renoncement aux soins est plus fréquent dans les départements où les professionnels de santé pratiquent des honoraires libres plus élevés (Desprès et al., 2011b).
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[7]
La portabilité des contrats d’assurance ou de mutuelle est dépendante du type de contrat de travail ou des conditions de fin du contrat. À la fin d’un CDD, après un licenciement ou une démission : si l’ancien salarié est indemnisé au titre de l'assurance chômage, il peut conserver son adhésion à sa mutuelle d’entreprise, à condition de justifier des paiements de l'assurance chômage, ou à ses propres frais, pour une durée maximale de 12 mois. Les intérimaires sont automatiquement affiliés à la Mutuelle des intérimaires, automatique à partir de 414 heures de mission sur 12 mois. Cette affiliation est conservée de droit pendant 2 mois à condition d'avoir travaillé au moins 8 mois pour le dernier contrat de travail ou le temps d’indemnisation par l’assurance chômage.
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[8]
La CMU-C et l’ACS sont remplacées depuis 2020 par la Complémentaire santé solidaire, mais étaient encore existantes au moment de l’enquête sur laquelle se base cet article.
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[9]
Notons cependant qu’ils peuvent être confrontés à l’application illégale de dépassements ou à des refus de soins – pratique alors discriminatoire – du fait de l’interdiction de dépassements (Chareyron et al., 2019).
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[10]
Voir, par exemple, « Un Français sur trois renonce aux soins, faute d’argent », France Info, 10/10/2018.
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[11]
Santé publique France. Les Baromètres santé, un observatoire des comportements des Français pour orienter les politiques de santé publique. http://inpes.santepubliquefrance.fr/Barometres/index.asp
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[12]
Cette nécessité de parler français a pour conséquence de biaiser l’échantillon, notamment concernant le pays de naissance. Sur les 15 216 répondants, seuls 1 524 sont nés à l’étranger et 929 parmi les 9 660 étudiés ici.
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[13]
Cela exclut donc les apprentis, les étudiants n’ayant jamais travaillé, les retraités ou préretraités, les personnes au foyer et les personnes en congés de longue durée ou en situation de handicap. On a aussi supprimé un individu ayant répondu « Ne sait pas » à la question sur le renoncement pour des raisons financières.
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[14]
Par exemple, une personne sans emploi peut, selon la conception qu’elle se fait de sa propre situation, se déclarer comme personne au foyer ou au chômage.
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[15]
1 UC pour le premier adulte du ménage ; 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ; 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans (Insee, 2016c).
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[16]
Compte tenu de la façon dont le Baromètre Santé a posé la question, les personnes interrogées peuvent tout autant comprendre qu’il s’agit du médecin généraliste ou de médecins spécialistes.
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[17]
On a regroupé en deux catégories les modalités désignant l’état de santé générale, classant alors les modalités « excellente », « très bonne » ou « bonne » comme « bonne » santé générale, et les modalités « médiocre » et « mauvaise » comme « mauvaise » santé générale.
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[18]
Les résultats ne dégagent pas la relation en forme de cloche entre l’âge et le renoncement aux soins soulevée par la littérature. Il faut noter cependant que la population étudiée ici porte sur les 18-64 ans et exclut les personnes les plus âgées qui sont censées moins renoncer aux soins. Il apparaît cependant que les individus âgés de 45 à 64 ans révolus ne renoncent pas plus que ceux ayant entre 18 et 44 ans révolus.
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[19]
C’est d’autant plus marquant dans les cas des modèles 2.2 et 4 où l’une des variables explicatives est le revenu par unité de consommation, permettant ainsi de contrôler indirectement le revenu du partenaire et le fait que le chômeur reçoive des revenus de transfert ou pas.
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[20]
Le revenu par unité de consommation a été exclu du modèle 3 en raison du fort effet de colinéarité de cette variable. Il a été introduit dans les modèles 2.2 et 4 pour montrer que le chômage reste encore explicatif.
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[21]
On suppose que les individus comprennent l’expression « consultation chez un médecin » comme relative aux soins généralistes ou aux soins de façon générale, sans distinction de spécialité.
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[22]
Cela se retrouve même dans la définition du chômage puisqu’il s’agit fondamentalement de « ne pas travailler » (Milland, 2002).
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[23]
Le modèle 3 a été privilégié par rapport au modèle 4, du fait que l’ajout de la variable de revenu par unité de consommation semble dans une certaine mesure tautologique pour expliquer le renoncement aux soins pour raisons financières. Cette dernière variable a donc la valeur d’un contrôle supplémentaire pour indiquer que le statut d’emploi est toujours explicatif, mais une analyse basée sur le modèle 3 apparaît à ce propos plus pertinente car les effets liés aux PCS ne sont pas invisibilisés par les revenus des ménages.
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[24]
Résultats non montrés mais disponibles auprès des auteurs.
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[25]
L’accès à la CMU et sa complémentaire nécessitait de résider de façon stable depuis au moins 3 mois sur le territoire national, pour les individus de nationalité française et les étrangers en situation régulière, et de ne pas disposer d’autres prestations sociales en nature de la part d’un quelconque organisme d’assurance maladie obligatoire (régime de la Sécurité sociale ou régime spécial).
-
[26]
Il est envisageable qu’il y ait des différences de qualité moyenne des complémentaires entre chômeurs et actifs occupés, notamment dans la mesure où ces derniers bénéficient de contrats de groupes généralement plus avantageux que les contrats individuels auxquels sont amenés à souscrire les chômeurs. Ces différences ne sont pas mesurées au sein du Baromètre Santé 2016, cela demeure pour autant une piste de réflexion intéressante en termes de compréhension de la protection sociale.
Renoncer à se faire soigner par manque de ressources financières est courant dans les pays où les frais médicaux sont peu ou pas pris en charge par le système de protection sociale. Ce renoncement est plus rare dans un pays comme la France où les soins sont financés à la fois par la Sécurité sociale et des dispositifs spécifiques pour les plus démunis. Toutefois, le « reste à charge » varie et peut constituer un frein à l’accès aux soins. Le statut professionnel, souvent lié à une assurance complémentaire, est-il source de disparités ? À partir des données du Baromètre Santé 2016, les auteur·es explorent cette question en comparant les déclarations de renoncement aux soins des chômeurs et des actifs occupés, ainsi que leurs déterminants.
1 La santé des chômeurs est un enjeu de santé publique majeur. En 2016, les chômeurs représentaient 10,1 % des 18-64 ans en France (Insee, 2017) [1]. Leur risque annuel de décès est plus élevé que celui des actifs occupés : trois fois plus pour les hommes et deux fois plus pour les femmes (Mesrine, 2000). À l’étranger, les travaux réalisés soulignent une surmortalité des chômeurs par suicide (Milner et al., 2013), par cancer (Lynge, 1997), par maladie cardiovasculaire, et par mort violente et accident (Brenner, 1977). Ils se déclarent également davantage en mauvaise santé et sont plus sujets aux maladies chroniques (Arber, 1987). Pourtant, une revue de la littérature réalisée en 2004 soulignait la rareté des études sur la santé des chômeurs en France (Sermet et Khlat, 2004). Son actualisation en 2017 (Meneton et al., 2017) identifiait seulement trois nouvelles études sur le sujet. Ces deux revues de littérature soulignent la moins bonne santé physique et mentale des chômeurs. Pour autant, bien qu’ils constituent une population présentant des spécificités en termes d’état de santé, aucune étude ne porte sur leurs difficultés à accéder aux soins. Cet article propose d’analyser le renoncement aux soins chez les chômeurs au regard de leurs différentes caractéristiques démographiques, économiques et sociales.
2 La prise en charge des soins par les organismes de protection sociale – possiblement différenciée entre chômeurs et actifs occupés – est un élément clef à prendre en compte. En France, elle est couverte par la Sécurité sociale et par les mutuelles et assurances maladie complémentaires. La couverture par la Sécurité sociale s’universalise, car bien que son financement repose principalement sur les cotisations salariales et patronales (Willmann, 2007), il a été élargi à d’autres sources, dont des taxes plus générales en 2019 (CSG, taxes sur l’alcool et le tabac, TVA), si bien qu’actifs occupés et chômeurs y ont désormais accès. En revanche, la couverture complémentaire continue à être fortement liée à l’emploi et, depuis janvier 2016, les employeurs du secteur privé sont dans l’obligation de fournir à leurs salariés des contrats d’assurance complémentaire santé. En 2016, la Sécurité sociale couvrait en moyenne 77,5 % du coût d’un soin, tandis que les complémentaires et l’État en couvraient 14,9 %, laissant 7,6 % du coût à la charge des ménages (Drees, 2018). L’accès conjoint à ces deux types de couverture (Sécurité sociale et complémentaire [2]) est donc essentiel pour réduire le reste à charge, et garantir un accès égalitaire aux soins. Pourtant, la perte d’un emploi prive certaines personnes de l’accès à une complémentaire santé (Jusot, 2014).
3 On peut se demander si les besoins en soins des chômeurs, spécifiques ou non, peuvent être satisfaits, étant donné la précarisation financière entraînée par le chômage. En d’autres termes, la fragilisation des conditions de vie économiques [3], sociales et sanitaires des chômeurs questionne l’accès aux soins et le risque de renoncement, soulevant ainsi des enjeux sociaux, politiques et de santé publique autour de leur santé. Cette étude vise à explorer les liens entre le chômage et le renoncement aux soins, et à comprendre en quoi certaines caractéristiques des chômeurs peuvent renforcer ces liens, à partir des données du Baromètre Santé 2016. Les chômeurs renoncent-ils plus aux soins que les actifs occupés ? Si tel est le cas, ce renoncement s’explique-t-il par les spécificités de leur profil socioéconomique ? Les caractéristiques associées au renoncement aux soins des chômeurs sont-elles différentes de celles des actifs occupés ? Enfin, en tenant compte des caractéristiques sociales, démographiques, économiques et de santé des chômeurs ainsi que de leur situation vis-à-vis de la protection sociale, on analysera certains effets de l’organisation du système de remboursement des soins en France sur le renoncement aux soins.
I. Chômage, facteurs de risque et accès aux soins : état des savoirs
1. Les causes du renoncement aux soins des chômeurs
4 Selon Maruthappu et al. (2016), l’augmentation du taux de chômage s’accompagne d’une détérioration de l’état de santé de la population à l’échelle de l’Union européenne. Cela pourrait en partie s’expliquer par un moindre accès aux soins pour les chômeurs. Cette accentuation des inégalités d’accès aux soins est fortement liée au contexte institutionnel dans lequel les chômeurs se trouvent – et en particulier au système de protection sociale – qui constitue un médiateur entre les individus et les soins médicaux (Beckfield et al., 2015). D’un pays à l’autre, les difficultés d’accès aux soins liées au chômage et les motifs de renoncement diffèrent.
5 Les résultats de l’enquête EU-SILC de 2004 (statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie) montrent que les pays dans lesquels les proportions les plus importantes de personnes déclarant avoir eu des besoins de soins qu’ils n’ont pas pu satisfaire étaient la Suède, l’Estonie et l’Autriche. Les raisons peuvent être diverses. Dans la plupart des pays, la principale cause de renoncement aux soins est leur coût. En Espagne et en Suède, ce sont les temps d’attente qui sont invoqués, tandis qu’en Norvège, c’est la distance entre le domicile et le lieu des soins (Koolman, 2007). Aux États-Unis, le chômage est un facteur de limitation de l’accès aux soins, notamment en raison de leur coût et des difficultés d’accès à une assurance privée ou publique (Driscoll et Bernstein, 2012).
Facteurs de risque du chômage
6 Trois conditions doivent être simultanément remplies pour être considéré comme chômeur par le Bureau international du travail (BIT) : être sans emploi durant la semaine de référence (c’est-à-dire ne pas avoir travaillé du tout) ; être disponible pour occuper un emploi dans les quinze jours ; et avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans une période inférieure à trois mois (Insee, 2016b).
7 En plus d’un niveau de vie moindre, d’autres facteurs sociodémographiques caractérisent en partie les chômeurs : les femmes, les jeunes, les ouvriers, les employés et les personnes ayant un faible niveau de qualification ont globalement plus de risque d’être confrontés au chômage (Demazière, 2006). Le taux de chômage a longtemps été plus élevé pour les femmes que pour les hommes – en 1996, il était de 12,0 % pour les premières et de 9,3 % pour les seconds –, mais est presque identique depuis 2008 – soit 9,9 % contre 10,2 % en 2016 (Insee, 2017). Il est aussi particulièrement élevé chez les jeunes, en raison de la période de transition, d’incertitude et de mobilité liée au passage de la fin des études à l’entrée en emploi stable (Batard et al., 2012). Ainsi, de 24,6 % chez les 15-24 ans, le taux de chômage chute à 9,3 % chez les 25-49 ans en 2016 (Insee, 2017). Par ailleurs, les immigrés et descendants d’immigrés sont 1,5 fois plus au chômage que les non-immigrés et les non-descendants d’immigrés – respectivement 16 % contre 9 %, et 15 % contre 8 % en 2010 (Insee, 2012).
8 Les personnes les moins diplômées sont celles qui risquent le plus d’être au chômage. Cette inégalité s’est creusée entre 2003 et 2014, années au cours desquelles le taux de chômage global est resté stable, tandis qu’il augmentait de 6,6 points (passant de 11,3 % à 17,9 %) pour les personnes les moins diplômées, et qu’il diminuait de 0,7 point (de 6,4 % à 5,7 %) pour les diplômés de l’enseignement supérieur (Insee, 2016a, 2017). Cet écart se retrouve entre les différentes professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) : entre 2003 et 2016, le taux de chômage des ouvriers est passé de 9,4 % à 14,9 %, tandis que celui des cadres s’est maintenu à 3,5 % (Insee, 2016a, 2017).
9 Le lieu de résidence joue également un rôle. En effet, la dynamique du marché du travail en France varie dans l’espace géographique et présente des disparités divisant le Nord-Est, les zones littorales et l’Île-de-France. Les différences de taux de chômage par zone d’emploi sont importantes et stables dans le temps, les taux de chômage sont plus élevés sur le littoral méditerranéen et au nord du pays (Bouvart et Donne, 2020). Toutefois, le rôle du territoire interagit avec d’autres caractéristiques sociales, démographiques ou conjoncturelles. Par exemple, les jeunes femmes en milieu rural sont plus exposées au chômage que les jeunes hommes du même milieu et que les jeunes femmes urbaines (Pinel, 2020). Les emplois dans les grandes aires urbaines sont mieux préservés des effets des crises économiques que ceux des petites et moyennes aires urbaines, ou les communes isolées (Insee, 2014).
Facteurs de risque de renoncement aux soins
10 Les facteurs explicatifs du renoncement peuvent être regroupés en deux grandes catégories : les facteurs contextuels ou environnementaux et les facteurs individuels (Bazin et al., 2006 ; Lasser et al., 2006 ; Cadot et al., 2008 ; Desprès et al., 2011a). Les premiers incluent les modes de financement du système de santé, l’accès aux ressources médicales, le mode de rémunération des médecins ou la part des dépenses publiques de santé dans le PIB (Renahy et al., 2011) ; parmi les seconds se trouvent les déterminants sociodémographiques tels que le sexe, l’âge, la configuration familiale, le statut migratoire et le niveau d’éducation.
11 Le sexe est un déterminant important. Les résultats des études de Chaupain-Guillot et al. (2014) et de Legal et Vicard (2015) montrent que, toutes choses égales par ailleurs, les femmes renoncent plus souvent à tous types de soins pour raisons financières que les hommes. Une enquête de l’Observatoire national des non-recours aux droits et services (Odenore) portant sur 18 Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) montre que 64 % des renoncements sont le fait de femmes (Revil et al., 2016). Elles déclarent renoncer plus souvent à des soins, y compris à santé objective équivalente à celle des hommes (Shmueli, 2003).
12 La relation entre l’âge et le renoncement suit une courbe en cloche : le renoncement est moins élevé avant 40 ans et après 80 ans. Toutefois, ce lien varie selon le type de soins. Il est plus important au-delà de 60 ans pour les soins dentaires, entre 40 et 80 ans pour les soins optiques, et entre 50 et 80 ans pour les soins spécialisés (Chaupain-Guillot et al., 2014). Par ailleurs, certaines configurations familiales sont particulièrement associées au non-recours aux soins – c'est notamment le cas des personnes vivant seules (Cadot et al., 2008) et des parents isolés, c’est-à-dire de foyers monoparentaux (Revil et al., 2016).
13 Le statut migratoire a peu d’impact sur le renoncement aux soins. Bien qu’à besoin égal, la population immigrée ait moins recours aux services de santé que la population non immigrée (Renahy et al., 2011 ; Berchet, 2013 ; Legal et Vicard, 2015), les inégalités seraient principalement liées à la faiblesse des revenus et du niveau d’études. À conditions socioéconomiques égales, il n’y a pas de différence significative entre immigrés et non-immigrés (Jusot et al., 2009).
14 Enfin, on observe un moindre recours aux soins chez les personnes les moins diplômées, malgré la distribution relativement équilibrée du recours aux services de généralistes quel que soit le niveau de diplôme (Stirbu et al., 2011). Il en va de même pour la PCS : les ouvriers et les employés renoncent plus aux soins que les cadres et les professions intermédiaires (Legal et Vicard, 2015).
2. L’accès aux soins : les spécificités du modèle français et leur effet pour les chômeurs
15 L’organisation du système de soins et de protection sociale joue un rôle conséquent dans les inégalités de recours aux soins. La prise en charge des frais de santé comporte deux volets : la couverture obligatoire assurée par la Sécurité sociale quasi universelle et la couverture complémentaire assurée par les organismes privés.
16 Le système de protection sociale permet aux travailleurs salariés et aux indépendants d’être protégés contre les risques en santé, à la fois par l’affiliation à une caisse de la Sécurité sociale en charge de la couverture obligatoire, et par la souscription à une complémentaire santé privée souvent proposée par l’entreprise. Les organismes privés de couverture maladie (mutuelles, sociétés d’assurances et instituts de prévoyance) ont des modes de fonctionnement qui diffèrent de celui de la Sécurité sociale en termes d’objectifs, puisqu’ils se situent sur un marché concurrentiel (Chadelat, 2016). Les contrats de complémentaires santé peuvent être collectifs, c’est-à-dire que l’entreprise fournit une complémentaire à ses salariés (c’est le cas pour 82 % des salariés du secteur privé [4]), ou individuels, n’impliquant que la personne et l’organisme qui la fournit [5].
17 Les cotisations sociales ont également pour objectif de couvrir les dépenses de santé des personnes ne remplissant pas les conditions d’affiliation à l’un des régimes de la Sécurité sociale, via des dispositifs d’aides financières à destination des personnes disposant des plus bas revenus. C’est ainsi que sont mises en place la Couverture maladie universelle (CMU dite de base) et sa complémentaire (CMU-C) en 2000, remplacées en janvier 2016 par la Protection universelle maladie (PUMa). Alors que l’affiliation à l’un des régimes de la Sécurité sociale était auparavant dépendante de l’insertion dans le travail salarié, elle ne requiert dorénavant qu’une seule condition, celle de résider ou de travailler en France. Elle est donc accessible à presque tout le monde, mais n’inclut pas les étrangers résidant en France en situation irrégulière. Les soins de ces derniers sont pris en charge par l’Aide médicale de l’État (AME) dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale.
18 Le facteur principal de non-recours aux soins est donc principalement l’absence de cette couverture complémentaire (Berchet, 2013 ; Jusot et al., 2019), élément majeur dans la prise en charge des dépenses de santé et du reste à charge des individus [6]. En France, le bénéfice d’une couverture santé complémentaire reste fortement associé à l’insertion dans le travail salarié. Toutefois, depuis 2016, les droits des personnes au chômage, qui bénéficiaient des prestations de la Sécurité sociale lorsqu’elles étaient encore en emploi, sont conservés via la PUMa. Sous certaines conditions, des salariés peuvent encore bénéficier de la complémentaire fournie par leur employeur jusqu’à 12 mois après la fin de leur contrat de travail, ou tant qu’ils perçoivent une indemnité de l’assurance chômage. Malgré la continuité des prestations en dehors de l’emploi salarié [7], et la disponibilité de la CMU-C et de l’Aide au financement d’une complémentaire santé (ACS) [8], une inégalité d’accès à la couverture santé subsiste : 24 % des chômeurs ne disposent pas d’une complémentaire santé en 2016 contre 5 % des actifs occupés (Santé publique France, Baromètre Santé 2016, calculs des auteurs). Par ailleurs, si les dépassements d’honoraires ne sont pas applicables aux bénéficiaires de la CMU-C [9], ils constituent une lourde charge pour les ménages qui n’en bénéficient pas, bien qu’ils aient des revenus modestes ou qu’ils n’aient pas d’assurance complémentaire (Renahy et al., 2011 ; Legal et Vicard, 2015).
19 Enfin, la multitude de dispositifs existants et la complexité des conditions de prise en charge des soins rendent difficile la compréhension du système, limitant de fait l’accès à certains droits et par conséquent aux services de santé. Ceux qui en pâtissent sont donc les personnes aux plus bas revenus (Bras et Tabuteau, 2012) et celles ayant peu de littératie en santé, c’est-à-dire de capacité à trouver et comprendre les informations relatives aux soins (Darcovich et al., 2000). Pour autant, par les aides (CMU, CMU-C, ACS, PUMa) ou par la portabilité après la perte de leur emploi, le système français de prise en charge des soins est globalement protecteur, y compris pour les chômeurs. Les principales inégalités face au renoncement aux soins résident finalement dans l’accès à une complémentaire santé.
20 Établir et expliquer le lien entre le chômage et le renoncement aux soins pose au moins trois questions. Le profil des chômeurs étant similaire en plusieurs points à celui de personnes renonçant aux soins, on peut se demander si l’on est uniquement en présence d’effets de structure (caractéristiques sociodémographiques et économiques des populations), ou s’il y a, au-delà de ces effets, une influence intrinsèque de la situation de chômage. Par ailleurs, dans quelle mesure l’accès inégal à une couverture complémentaire santé entre les actifs occupés et les chômeurs accentue les inégalités face au renoncement aux soins ? Enfin, on s’interrogera sur l’effet différencié sur le renoncement aux soins des caractéristiques individuelles selon que l’on est chômeur ou actif occupé.
II. Méthodologie
1. La notion de renoncement aux soins
21 Introduite en 1992 par l’enquête Santé et protection sociale de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), la notion de « renoncement aux soins pour raisons financières » est depuis reprise par la presse [10]. Cependant, en tant qu’indicateur fondé sur la déclaration des individus interrogés, son caractère subjectif suscite la controverse et fait l’objet d’une grande diversité d’analyses. Le renoncement aux soins est une déclaration individuelle d’incapacité à satisfaire totalement ou en partie ses propres besoins de santé ; dès lors, plus qu’un obstacle économique, l’expression du renoncement mesure davantage un sentiment de « frustration » (Bazin et al., 2006). D’ailleurs, la formulation de la question fait fortement varier le taux de réponse : plus elle est précise sur les types de soins et/ou les raisons du renoncement, plus les personnes déclarent avoir renoncé à des soins (Legal et Vicard, 2015).
22 Néanmoins les incohérences dans les réponses des enquêtés sur leur état santé perçu et les autres indicateurs tels que le recours à des consultations médicales et leur renoncement aux soins conduisent à s’interroger sur l’existence d’une compréhension commune de cette notion et d’un socle commun de raisons à l’origine du renoncement aux soins (Desprès, 2013). Le renoncement peut être surestimé ou sous-estimé en fonction des caractéristiques individuelles.
23 Plus spécifiquement, le renoncement aux soins pour raisons financières est la conséquence de la confrontation entre un besoin en santé et une capacité financière très limitée pour les populations les plus démunies : si les populations les plus défavorisées renoncent aux soins, cela accentue de fait les inégalités d’accès aux soins. Cependant, « il peut y avoir renoncement aux soins sans aggravation des inégalités – si les soins sont inutiles – et aggravation des inégalités sans renoncement aux soins – si la qualité des soins est inégale par exemple » (Bourgueil et al., 2012). Si le renoncement aux soins pour raisons financières n’est pas nécessairement vecteur d’inégalités, celui-ci reste un indicateur pertinent d’analyse d’un moindre recours aux soins effectif puisque les personnes qui renoncent le plus sont celles qui ont une moindre consommation de soins (Dourgnon et al., 2012).
24 Par ailleurs, le renoncement n’est pas nécessairement définitif puisque pour trois quarts des personnes déclarant un renoncement, il s’agit d’un report (Dourgnon et al., 2012). La proportion varie cependant selon le type de soins : le renoncement est plus souvent définitif pour les soins optiques et les rendez-vous pour des lunettes et, dans une moindre mesure, pour les soins dentaires et pour les consultations avec un généraliste. De même, certains facteurs de risque comme être âgé et malade, être en situation de précarité, être inactif, retraité ou chômeur, conduisent davantage à renoncer définitivement que d’autres facteurs tels qu’avoir ou non une assurance complémentaire, le niveau de diplôme, le sexe, la localisation géographique ou la composition du ménage (Dourgnon et al., 2012).
25 La notion de renoncement aux soins n’est donc pas un indicateur aux bornes bien délimitées du fait de son caractère subjectif. Toutefois, étudié sous l’angle des raisons financières, il reste un outil pertinent pour approcher les difficultés d’accès aux soins des chômeurs.
2. Le Baromètre Santé 2016 et la population étudiée
26 Cette étude repose sur les données collectées par l’agence Santé publique France dans le cadre des Baromètre Santé visant à comprendre « les différents comportements et attitudes de santé des Français » [11]. Le Baromètre Santé 2016 est l’enquête la plus récente proposant des questions détaillées sur le renoncement aux soins et sur la couverture maladie complémentaire. La passation du questionnaire a été réalisée par téléphone entre janvier et août 2016 après tirages aléatoires de ménages puis d’un individu au sein de chaque ménage sélectionné. Les enquêtés sont francophones [12] et ont entre 15 et 75 ans. Via ce tirage aléatoire à deux degrés et un redressement à partir du recensement, la base de données compte 15 216 individus représentatifs de la population française francophone qui réside en ménage ordinaire.
27 L’échantillon retenu compte les individus actuellement sur le marché du travail. Les inactifs [13] sont donc exclus afin de ne comparer les chômeurs qu’aux actifs en emploi. L’analyse porte finalement sur 9 660 individus, âgés de 18 à 64 ans, actifs en emploi ou au chômage.
3. Les indicateurs de la situation d’emploi, du renoncement aux soins et de la couverture maladie
28 Les particularités liées au chômage sont appréhendées à partir des réponses à la question « Quelle est actuellement votre situation professionnelle ? ». Sont distinguées les personnes ayant répondu « Au chômage (inscrit(e) ou non à Pôle emploi, percevant une rémunération ou non) » de celles s’étant déclarées en emploi (salarié(e), à son compte, déclaré(e) ou non, en congé maternité, parental, en congé maladie de moins de trois ans ou en congé formation). Cette mesure, basée sur une déclaration spontanée, est donc différente des définitions standards du chômage, celle du BIT précédemment décrite établissant des critères objectifs. L’échantillon compte 11,5 % de chômeurs, soit 1,4 point de plus que dans les statistiques de l’Insee pour la même année. Bien que la définition des chômeurs de l’échantillon soit plus inclusive que celle du BIT ou de Pôle emploi [14], elle réunit des personnes dont les conditions socioéconomiques sont très probablement similaires. Les données du Baromètre Santé permettent par ailleurs de connaître la PCS actuelle ou passée (la dernière profession exercée) des individus, qui fournit une indication synthétique de leur position sociale. L’utilisation du revenu par unité de consommation (UC) permet de prendre en compte à la fois le revenu disponible et la taille du ménage [15].
29 Afin d’identifier les individus ayant renoncé à des soins pour raisons financières, l’enquête comprend deux questions : « Au cours des douze derniers mois, vous est-il arrivé de renoncer, pour vous-même, à des soins pour des raisons financières ? ». Aux 1 554 individus ayant répondu oui, il est ensuite demandé « À quels soins avez-vous renoncé pour des raisons financières ? ». Quatre modalités de réponses étaient proposées : à des soins dentaires ; à des lunettes, verres, montures, lentilles ; à une consultation chez un médecin [16] ; à d’autres soins. Ces précisions permettent de rentrer un peu plus dans le détail, de valider ou d’infirmer les différences de degré du renoncement déjà documentées et d’étudier le profil-type des personnes renonçant à tel ou tel soin.
30 Afin de caractériser la situation de santé des enquêtés et donc l’importance du renoncement aux soins pour les personnes présentant le plus de besoins potentiels de soins, on a intégré aux analyses des indicateurs de santé physique et mentale. L’état de santé générale est appréhendé de manière déclarative en réponse à la question « Diriez-vous que, dans l’ensemble, votre santé est... » à laquelle les enquêtés pouvaient répondre par des qualificatifs allant d’« excellente » à « mauvaise ». La santé mentale est mesurée à travers la déclaration d’un état de nervosité, de découragement, de tristesse, ou au contraire de calme et de bonheur, et de la fréquence de cet état au cours des quatre dernières semaines (Leplege et al., 1998). L’auto-évaluation de la santé, bien que subjective, est un bon indicateur de l’état de santé générale concordant avec les indicateurs objectifs (Miilunpalo et al., 1997).
31 Concernant la couverture maladie, les modalités de réponse correspondent au système prévalant avant 2016 : alors que la PUMa est mise en place en janvier 2016 – année de passation des questionnaires –, le Baromètre Santé recueille l’affiliation à la CMU et à la CMU-C, ce qui peut générer des confusions chez les répondants. Toutefois, on distingue les individus selon la couverture complémentaire dont ils disposent dans la mesure où elle est plus discriminante que l’assurance obligatoire. La typologie est établie en trois modalités : les individus disposant d’une couverture complémentaire privée ; ceux bénéficiant de la CMU-C ou de l’AME (donc les programmes publics de couverture gratuite) ; et ceux n’ayant aucune couverture complémentaire, mais dans la plupart des cas bénéficiant de la Sécurité sociale.
4. Stratégie d’analyses
32 L’analyse prend en compte, en tant que variables de structure, les revenus du ménage (sous la forme du revenu par unité de consommation), le sexe, l’âge, le statut migratoire (approché par le pays de naissance pour comparer les individus nés en France aux migrants européens, africains et originaires d’autres régions), la composition du ménage (le fait de vivre en couple ou de vivre seul, et la présence ou non d’enfants), la taille de l’agglomération (vivre dans un pôle urbain plus ou moins grand ou en zone rurale) et la santé (santé générale dégradée et présence éventuelle de détresse psychologique). Liées aux revenus, ces variables sont conservées dans l’analyse comme déterminants majeurs du renoncement aux soins pour raisons financières. Plusieurs modèles de régression logistique sont élaborés, en ajoutant progressivement la PCS, le revenu par unité de consommation et l’accès à une couverture complémentaire de santé. Ces modèles permettront de répondre aux questions suivantes : le chômage influence-t-il le renoncement aux soins pour raisons financières, toutes choses égales par ailleurs ? Le renoncement des chômeurs est-il dû à d’autres facteurs de vulnérabilité ?
33 On verra ensuite si les déterminants sociodémographiques, économiques et de santé du renoncement aux soins sont les mêmes pour la population des chômeurs et celle des actifs occupés en introduisant plusieurs termes d'interactions avec le statut d’activité (actif occupé vs chômeur). Les variables interagissant avec le statut d’activité sont la composition du ménage, la santé générale (dégradée ou pas [17]), la PCS et la couverture complémentaire. Pour chacune d’elles seront présentées les probabilités prédites de renoncement aux soins des chômeurs et des actifs occupés sous forme graphique.
III. Résultats
1. Les chômeurs : une population qui subit les facteurs de risques associés au renoncement aux soins
34 Le tableau 1 présente la distribution des chômeurs et des actifs occupés en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques, ainsi que leurs déclarations quant au fait d'avoir renoncé à différents types de soins pour raisons financières au cours des 12 mois précédent l’enquête. Les chômeurs sont 29,4 % à déclarer avoir renoncé à un soin contre 16,3 % pour les personnes en emploi. Parmi les soins spécifiques, les soins dentaires sont ceux auxquels les chômeurs renoncent le plus (20,8 % de renoncement contre 12,5 % pour les actifs occupés), et c’est pour les consultations chez un médecin que l'écart entre chômeurs et actifs occupés est le plus grand (14,4 % contre 4,9 %).
Caractéristiques sociodémographiques et de santé des chômeurs et des actifs occupés
Caractéristiques sociodémographiques et de santé des chômeurs et des actifs occupés
35 À l’exception du sexe, toutes les autres caractéristiques varient significativement entre les chômeurs et les actifs occupés. Les chômeurs sont nettement surreprésentés dans les groupes socioéconomiques les plus susceptibles de renoncer aux soins (voir section I). Les chômeurs sont plus souvent des personnes vivant seules sans enfant (42,7 % contre 21,7 %), des personnes nées à l’étranger (notamment en Afrique, 13,6 % contre 5,3 %), des citadins (81,9 % contre 75,6 %), d’anciens ouvriers (40,2 % contre 22,1 %) et employés (36,9 % contre 28,9 %). Ils appartiennent à des ménages dont les revenus par unité de consommation sont les plus faibles (53,2 % des chômeurs se situent dans le premier quintile des revenus).
36 Les chômeurs se déclarent par ailleurs deux fois plus souvent en mauvaise santé que les actifs occupés (16,3 % contre 8,2 %) et sont plus souvent en situation de détresse psychologique (26,4 % contre 15,0 %). Ils sont également moins bien couverts contre les risques de santé. Seuls 67,8 % d’entre eux disposent d’une couverture complémentaire (mutuelle, assurance complémentaire ou institut de prévoyance) contre 95,8 % des actifs occupés. Enfin, la proportion de bénéficiaires de la CMU-C ou de l’AME est plus de dix fois supérieure chez les chômeurs que chez les actifs occupés (13,5 % contre 1,1 %), et près d’un chômeur sur cinq ne bénéficie d’aucune complémentaire.
37 Les chômeurs sont donc marqués par un ensemble de facteurs associés au renoncement aux soins, que ce soit par leurs caractéristiques sociodémographiques, leur état de santé ou leur niveau de couverture maladie. Il apparaît donc logique qu’ils connaissent un renoncement aux soins plus élevé que les actifs occupés. Si les chômeurs cumulent les facteurs de risques associés à ce renoncement, il n'est cependant pas possible de conclure ici sur le lien direct avec le chômage. La suite de l'analyse propose donc de déterminer l'effet du chômage sur le renoncement aux soins à partir de modèles de régression logistique.
2. L’effet du chômage sur le renoncement aux soins
38 Le tableau 2 propose une série de quatre modèles de régression logistique emboîtés, modélisant la probabilité de renoncer à des soins pour raisons financières lors des 12 derniers mois. Le premier modèle contrôle les caractéristiques démographiques des individus : sexe, âge, composition du ménage, pays de naissance, taille de l’agglomération de résidence et caractéristiques de santé. Le modèle 2.1 adjoint au premier la PCS de l'emploi en cours pour les actifs occupés et du dernier emploi pour les chômeurs. Le modèle 2.2 ajoute le quintile du revenu par unité de consommation du ménage d'appartenance de la personne. Le modèle 3 intègre au modèle 2.1 le type de couverture de santé complémentaire. Le modèle 4 comporte toutes les variables des autres modèles.
Le renoncement aux soins (tous types), coefficients de régressions logistiques
Le renoncement aux soins (tous types), coefficients de régressions logistiques
39 Les résultats des modèles de régressions du tableau 2 sont cohérents avec ceux des recherches préexistantes sur ce sujet. Toutes choses égales par ailleurs, les individus jeunes et aux âges intermédiaires [18], appartenant à un ménage isolé avec ou sans enfants, ayant une PCS autre que cadre et vivant dans de grandes agglomérations (à commencer par Paris), sont significativement plus confrontés au risque de renoncer aux soins. L'impact du revenu est logiquement particulièrement important sur le renoncement aux soins pour raisons financières. Néanmoins, même dans le modèle 2.2 qui intègre le revenu par unité de consommation, le rôle des caractéristiques sociodémographiques, notamment des PCS, reste explicatif.
40 Des états de santé (générale ou psychologique) dégradés montrent également une association positive toutes choses égales par ailleurs avec le renoncement aux soins, sans que l’on puisse établir le sens de l’éventuelle causalité. Enfin, le degré de couverture par le système de santé est fortement corrélé au renoncement aux soins : les personnes les plus soumises au risque de renoncer à des soins pour raisons financières sont celles ne disposant pas d’une couverture complémentaire. Il n'y a pas de différence significative entre les personnes bénéficiant d'une mutuelle et celles couvertes par la CMU-C ou l’AME.
41 En revanche, il y a bien un effet spécifique du chômage sur la probabilité de renoncer aux soins (coefficients significatifs dans tous les modèles [19]). Le modèle 4 intégrant toutes les variables, dont le quintile de revenu du ménage, est celui pour lequel le coefficient associé au statut de chômage est le plus faible (β = 0,25 contre β = 0,46 dans le modèle 3), mais l'effet associé du chômage reste fortement significatif. En d'autres termes, même à niveau de revenu du ménage égal, un chômeur aura une probabilité significativement plus importante de renoncer à un soin pour raisons financières qu'un actif occupé [20].
42 Les renoncements aux différents types de soins sont présentés dans le tableau 3, et les résultats sont pour l'essentiel similaires à ceux des modèles précédents. Les coefficients associés au chômage sont systématiquement significatifs et positifs, indiquant des associations positives entre le chômage et les renoncements aux différents types de soins, et ce quel que soit le type de soin considéré (tableau 3 ; tableaux annexes A.1, A.2, A.3 et A.4). Les individus ont plus de chances de renoncer à des soins pour lesquels la prévalence du recours est la plus élevée [21]. À l’exception des soins dentaires pour lesquels les individus disposant de la CMU-C ou de l’AME renoncent moins que ceux disposant d’une mutuelle, ces aides protègent autant contre le renoncement aux soins que les mutuelles. En revanche, les individus ne disposant d’aucune couverture complémentaire renoncent plus à tous les types de soins.
Effets du chômage et de la couverture maladie sur les renoncements aux soins spécifiques, coefficients de régressions logistiques
Effets du chômage et de la couverture maladie sur les renoncements aux soins spécifiques, coefficients de régressions logistiques
43 La surexposition des chômeurs au renoncement aux soins ne s’explique donc pas seulement par la conjonction de facteurs associés au renoncement, qu'ils soient démographiques ou économiques. Il existe un effet additionnel du chômage sur le renoncement aux soins. Les données du Baromètre Santé 2016 ne permettent pas d'expliquer directement les liens causaux qui peuvent exister entre chômage et renoncement en dehors des variables contrôlées dans les modèles précédents, mais des pistes d'explication peuvent être avancées.
44 Le chômage peut être différemment vécu selon les individus, mais les éléments prédominants associés sont souvent péjoratifs et négatifs [22], et les chômeurs sont mal considérés socialement (Chabanet, 2016). Les résultats énoncés précédemment (tableau 1) indiquent que les chômeurs se trouvent plus fréquemment dans un état de détresse psychologique que les actifs occupés. Cet état peut alors être un frein à la satisfaction des besoins sanitaires. L’écœurement et le découragement face aux échecs, les sentiments de dépendance ou d’inutilité, et l’incertitude face à l’avenir tendent à pousser les chômeurs vers l’isolement social (Schnapper, 1998 ; Demazière, 2006 ; Paugam, 2006). Le chômage peut alors entraîner une fragilisation de la santé mentale, notamment une plus forte exposition aux troubles psychiques tels que la dépression ou le trouble anxieux généralisé (Blasco et Brodaty, 2016). Les situations de peur, d’anxiété ou de stress, dont le chômage fait partie, imposent aux individus qui les subissent de gérer ces angoisses plutôt que de trouver une solution à leur cause ou à adopter des stratégies d’évitement (Methivier, 2012). L’ensemble de ces conditions peuvent être à l’origine du plus fort renoncement aux soins des chômeurs, même lorsque leurs conditions de vie et leur couverture maladie sont similaires à celles des actifs occupés. De la même façon, afin de pallier ce déficit ressenti de rôle social, les chômeurs peuvent être amenés à se focaliser sur la recherche d’emploi, leur santé étant finalement considérée comme secondaire au regard de leur objectif principal – à savoir trouver un emploi – et ce bien qu’ils aient plus de temps à y consacrer (Chabanet, 2016). Une autre hypothèse concerne la question des déplacements : les chômeurs ne bénéficient pas de la mobilité des actifs occupés pour qui le recours aux soins se réalise fréquemment dans un lieu proche de leur lieu de travail (Lucas-Gabrielli et al., 2016). Quant à la question spécifique du renoncement aux soins pour raisons financières, l’effet du chômage peut être attribué à l’incertitude vis-à-vis de l’avenir poussant les individus qui le subissent à vouloir faire des économies.
3. Statut d’activité et inégalités de renoncement aux soins
45 Afin d'analyser plus finement les caractéristiques liées au renoncement aux soins chez les chômeurs et les dynamiques inégalitaires qui y sont associées, les analyses suivantes proposent de modéliser les caractéristiques associées au renoncement en introduisant des interactions entre la variable d’activité (chômeur vs actif occupé) et chacune des variables d’intérêt (tableau annexe A.5). Cette analyse vise à comparer la probabilité de renoncer aux soins pour chaque modalité des caractéristiques sociodémographiques, en distinguant les chômeurs des actifs occupés. Réalisés pour l'ensemble des variables du modèle 3 [23], les graphiques présentent les probabilités prédites des interactions entre le statut d'activité et la PCS (figure 1), le type de couverture maladie (figure 2), la composition du ménage (figure 3) et la santé perçue (figure 4).
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et de la PCS sur le renoncement aux soins
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et de la PCS sur le renoncement aux soins
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et le type de couverture maladie sur le renoncement aux soins
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et le type de couverture maladie sur le renoncement aux soins
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et de la composition du ménage sur le renoncement aux soins
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et de la composition du ménage sur le renoncement aux soins
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et l’état de santé perçue sur le renoncement aux soins
Probabilités prédites des interactions du statut vis-à-vis de l’emploi et l’état de santé perçue sur le renoncement aux soins
46 Le groupe des chômeurs a, pour toutes les caractéristiques présentées, une probabilité supérieure de renoncer aux soins par rapport aux actifs occupés. L’analyse en interaction doit permettre de déterminer s’il existe une différence de renoncement entre chômeurs et actifs en fonction de leurs autres caractéristiques. L’interaction entre PCS et statut d’activité étant statistiquement significative, il est possible de conclure à partir de la figure 1 l’existence de sur-risques davantage marqués pour les catégories les moins généralement confrontées au renoncement. L'écart relatif est ainsi plus élevé pour les cadres et les professions intermédiaires que pour les ouvriers et les employés (figure 1). Par exemple, si pour toutes les PCS la probabilité de renoncer est inférieure à 20 % pour les actifs occupés, elle dépasse ce seuil pour chaque catégorie parmi les chômeurs. Les cadres, qui ont la plus faible probabilité d'être touchés par le renoncement quand ils sont actifs occupés, et dans une moindre mesure les professions intermédiaires, sont ceux qui – une fois au chômage – connaissent la plus forte augmentation de leur probabilité de renoncer aux soins, toutes choses égales par ailleurs. Une fois chômeurs, leur risque de renoncement devient identique à ceux des autres PCS. Autrement dit, les différences socioéconomiques dans le renoncement s’estompent pour les chômeurs.
47 Contrairement à l’interaction entre PCS et statut d’activité, les autres interactions ne sont pas statistiquement significatives [24], ce qui ne permet pas de confirmer avec certitude le phénomène précédent pour les autres caractéristiques. On peut néanmoins constater que les régimes de couverture santé qui préservent le plus du renoncement aux soins (mutuelle, CMU-C ou AME) présentent des écarts relatifs entre chômeurs et actifs occupés statistiquement significatifs, alors que ces écarts ne sont pas significatifs pour les autres types de couvertures (figure 2). De même, les ménages composés de personnes seules avec enfants (figure 3), qui sont ceux ayant la plus forte probabilité de renoncer aux soins, sont également ceux dont la différence entre actifs occupés et chômeurs est la moins significative. Enfin, on constate un écart significatif pour les personnes se déclarant en bonne santé contrairement à celles à la santé générale dégradée qui ont également la plus forte probabilité de renoncer à des soins (figure 4).
48 En résumé, les inégalités socio-éco-démographiques vis-à-vis du renoncement aux soins apparaissent bien moins notables parmi les chômeurs que parmi les actifs occupés. En ce sens, il semblerait que le chômage ait un effet « égalisateur » sur les disparités de renoncement aux soins, le niveau de sur-risque associé au chômage étant plus élevé pour les sous-groupes initialement les moins exposés. Néanmoins, des analyses complémentaires portant sur des données longitudinales restent à mener pour confirmer ce résultat.
Conclusion
49 En 2016, près d'un chômeur sur trois déclare avoir dû renoncer à un soin pour raisons financières, soit une proportion deux fois plus élevée que chez les actifs occupés d’après les résultats du Baromètre Santé 2016. Bien que la littérature scientifique portant sur le renoncement aux soins soit riche et qu'il y ait des travaux identifiant les chômeurs comme une population dont la santé est particulièrement dégradée, cette recherche sur le croisement chômage et renoncement aux soins en France est inédite. Les chômeurs cumulent les caractéristiques généralement associées au renoncement aux soins pour raisons financières. Ils sont plus souvent membres de ménages isolés avec ou sans enfants, ont des revenus plus faibles et déclarent plus souvent une santé physique ou mentale dégradée. Enfin, ils bénéficient d'une moins bonne couverture maladie, ils ont en particulier moins souvent accès à une mutuelle. Cette conjonction de caractéristiques défavorables semble a priori cohérente avec le taux de renoncement aux soins bien plus élevé des chômeurs comparativement aux actifs occupés. Néanmoins, les résultats présentés dans cette recherche montrent que si les caractéristiques de la population des chômeurs expliquent une partie de leur renoncement aux soins, l’effet du chômage n’est pas à négliger : une fois contrôlé par l'ensemble des caractéristiques socio-éco-démographiques, le chômage a, selon les données exploitées, un effet sur le renoncement aux soins. Par ailleurs, il semble que le chômage amoindrisse les inégalités intra-groupe d'accès aux soins qui existaient dans le groupe des actifs occupés. Les personnes ayant les caractéristiques censées diminuer leur exposition au renoncement tel que le fait d’être cadre, ou d'être en couple et d’avoir des enfants, sont celles qui voient la plus nette augmentation d’exposition au risque de renoncer aux soins une fois au chômage. Le changement de situation sociale et financière provoqué par le chômage modifierait davantage les priorités de dépenses pour ces individus, les soins étant alors considérés comme une trop grande source de dépenses par rapport à leur situation socioéconomique.
50 La couverture complémentaire joue un rôle important dans le renoncement aux soins, en particulier pour les chômeurs, dont le niveau de protection sociale est affecté par la perte d’emploi. Ces résultats posent la question des leviers d'actions spécifiques qui pourraient être mis en œuvre afin de réduire le renoncement aux soins des chômeurs. D'un point de vue politique, le système de couverture santé semble être un outil particulièrement efficace, mais l’accès à une complémentaire fait l’objet d’inégalités. Même si les contrats d’assurance collectifs fournis par les employeurs se sont généralisés, une partie de la population est exclue de ces dispositifs (Jusot, 2014). Les salariés pour lesquels se succèdent les contrats de courte durée et les périodes de chômage voient le problème de la stabilité de l’assurance santé se poser. Son rattachement au salariat questionne donc l’adaptation de cette politique sociale aux chômeurs.
51 Un des moyens d’action contre le renoncement aux soins est la mise en place de dispositifs d’aide financière et de prise en charge de la consommation de soins. Ces résultats rendent compte d’une certaine efficacité de la CMU-C et de l’AME, dont les bénéficiaires ne renoncent pas davantage aux soins que les bénéficiaires d’une complémentaire privée. Cependant, une partie des chômeurs n’y a pas accès. Les causes de cette non-couverture par la CMU-C peuvent être la non-éligibilité ou le non-recours. La non-éligibilité [25] pourrait expliquer, au moins en partie, l'impact proportionnellement plus fort que représente le chômage sur les individus ayant les caractéristiques les plus favorisées. Par ailleurs, les démarches à réaliser pour une prise en charge et la moindre connaissance des droits pour les personnes les plus précaires constituent des freins d’accès à ces dispositifs de protection de la santé et accentuent le non-recours. En ce sens, le recours aux prestations sociales telles que la CMU-C est contraint par un parcours administratif souvent long et décourageant qui peut avoir un effet dissuasif ; cela est lié également au caractère stigmatisant du recours aux aides sociales (Warin, 2016).
52 Le renoncement aux soins des chômeurs ne disposant pas d'une mutuelle et qui n'ont pas non plus accès à la CMU-C ou l’AME montre un angle mort de la politique de couverture santé actuelle. Le remplacement de la CMU-C et de l’ACS par la Complémentaire santé solidaire (CSS) devra être étudié afin de voir s’il parvient à combler ce manque. Cependant, nos résultats montrent que les revenus ne sont pas le seul facteur explicatif du plus fort renoncement aux soins des chômeurs, c’est pourquoi l’affiliation automatique des chômeurs à une complémentaire apparaîtrait comme une solution pour améliorer leur accès aux soins.
53 Il demeure néanmoins que les chômeurs bénéficiant d’une complémentaire renoncent davantage aux soins que les actifs occupés [26]. Le problème apparaît par conséquent lié à une cause plus large que la seule protection sociale : la précarité financière et les multiples difficultés sociales et sanitaires associées au chômage. Cela soulève en conséquence non seulement la question de la protection sociale, mais aussi celles de la santé et de la situation d'incertitude des chômeurs. Là aussi, des réponses politiques peuvent être proposées comme la mise en place de moyens d’accompagnement psycho-sociaux (Blasco et Brodaty, 2016) ou de dépistage et de prévention des maladies à forte prévalence chez les chômeurs.
54 Il convient donc de s’interroger sur ce qui permettrait une meilleure prise en charge de la santé dans des situations précaires, comme le chômage. Ces dernières années, plusieurs mesures ont eu pour ambition un prolongement de l’accès à la protection sociale et ainsi une amélioration de l’accès aux soins. C’est le cas par exemple de la PUMa, mise en œuvre en 2016, ayant pour effet de garantir les droits des assurés qui, en raison de leur situation professionnelle ou migratoire, ne seraient pas automatiquement affiliés à la Sécurité sociale, à condition qu’ils en fassent la demande administrative.
55 Ces éléments de recommandations politiques pourraient être précisés par différentes analyses complémentaires, notamment en considérant des données qui permettent de prendre en compte les récentes évolutions du système de couverture maladie, ou en utilisant des données pour lesquelles le chômage n’est pas mesuré de façon déclarative mais objective. Une autre piste d’approfondissement sur le plan de l’analyse causale serait l’introduction d’une dimension temporelle. En effet, en disposant de la durée du chômage ou de données de panel (permettant d’étudier le passage d’un statut d’activité à un autre), les précédentes analyses pourraient être enrichies en établissant des effets qui ne relèvent pas de la seule corrélation. Enfin, les éléments avancés pour tenter d’expliquer l’effet du chômage constituent des hypothèses qui pourraient être explorées au travers de travaux qualitatifs, et ainsi d’apporter un approfondissement des mécanismes à l’origine du renoncement aux soins des chômeurs.
Annexes
Le renoncement aux soins dentaires, coefficients de régressions logistiques
Le renoncement aux soins dentaires, coefficients de régressions logistiques
Le renoncement à une consultation chez un médecin, coefficients de régressions logistiques
Le renoncement à une consultation chez un médecin, coefficients de régressions logistiques
Le renoncement à des lunettes, verres, montures, lentilles, coefficients de régressions logistiques
Le renoncement à des lunettes, verres, montures, lentilles, coefficients de régressions logistiques
Le renoncement à d’autres soins, coefficients de régressions logistiques
Le renoncement à d’autres soins, coefficients de régressions logistiques
Modèles 3 avec interactions, coefficients de régressions logistiques
Modèles 3 avec interactions, coefficients de régressions logistiques
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Mots-clés éditeurs : renoncement aux soins, protection sociale, Baromètre Santé, chômage, santé, France, accès aux soins
Mise en ligne 24/06/2022
https://doi.org/10.3917/popu.2201.0077Notes
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[1]
Le taux de chômage est de 8,5 % au moment de la rédaction de cet article (Insee, 2019).
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[2]
L’État couvre les soins aux invalides de guerre et aux personnes en situation irrégulière, notamment via l’aide médicale d’État (AME). Ces aides nécessaires sont cependant à la marge du système de remboursement des soins.
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[3]
En 2016, le niveau de vie médian des chômeurs au sens du BIT s’élevait à 14 070 euros par an contre 22 720 euros pour les actifs occupés (Insee, 2016b).
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[4]
La généralisation de l’accès à une complémentaire par l’entreprise a débuté en 2013 avec l’Accord national interprofessionnel (ANI) mis au point en 2017, 96 % des salariés du secteur privé y ont accès – les derniers 4 % sont gérés par de plus petites entreprises qui ont davantage recours à une assurance. En considérant les dispenses d’adhésion, il y a finalement 82 % des salariés qui bénéficient de la couverture de leur entreprise (Lapinte et Perronnin, 2018).
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[5]
Site de l'Assurance maladie, ameli.fr, consulté en mars 2019.
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[6]
Une autre dimension importante est le coût des soins qui varie selon le conventionnement des spécialités médicales au sein de différents secteurs. Certains soins sont totalement remboursés, d’autres partiellement, et d’autres encore ne le sont pas du tout. En effet, 45,7 % des médecins en 2016 pratiquent des dépassements d’honoraires ou la liberté tarifaire (Cnam, 2017), et il devient très difficile dans certaines spécialités – notamment les gynécologues, chirurgiens, ORL, dentistes et ophtalmologues – d’avoir recours à des professionnels ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires (Bras, 2015). Il apparaît que le renoncement aux soins est plus fréquent dans les départements où les professionnels de santé pratiquent des honoraires libres plus élevés (Desprès et al., 2011b).
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[7]
La portabilité des contrats d’assurance ou de mutuelle est dépendante du type de contrat de travail ou des conditions de fin du contrat. À la fin d’un CDD, après un licenciement ou une démission : si l’ancien salarié est indemnisé au titre de l'assurance chômage, il peut conserver son adhésion à sa mutuelle d’entreprise, à condition de justifier des paiements de l'assurance chômage, ou à ses propres frais, pour une durée maximale de 12 mois. Les intérimaires sont automatiquement affiliés à la Mutuelle des intérimaires, automatique à partir de 414 heures de mission sur 12 mois. Cette affiliation est conservée de droit pendant 2 mois à condition d'avoir travaillé au moins 8 mois pour le dernier contrat de travail ou le temps d’indemnisation par l’assurance chômage.
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[8]
La CMU-C et l’ACS sont remplacées depuis 2020 par la Complémentaire santé solidaire, mais étaient encore existantes au moment de l’enquête sur laquelle se base cet article.
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[9]
Notons cependant qu’ils peuvent être confrontés à l’application illégale de dépassements ou à des refus de soins – pratique alors discriminatoire – du fait de l’interdiction de dépassements (Chareyron et al., 2019).
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[10]
Voir, par exemple, « Un Français sur trois renonce aux soins, faute d’argent », France Info, 10/10/2018.
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[11]
Santé publique France. Les Baromètres santé, un observatoire des comportements des Français pour orienter les politiques de santé publique. http://inpes.santepubliquefrance.fr/Barometres/index.asp
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[12]
Cette nécessité de parler français a pour conséquence de biaiser l’échantillon, notamment concernant le pays de naissance. Sur les 15 216 répondants, seuls 1 524 sont nés à l’étranger et 929 parmi les 9 660 étudiés ici.
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[13]
Cela exclut donc les apprentis, les étudiants n’ayant jamais travaillé, les retraités ou préretraités, les personnes au foyer et les personnes en congés de longue durée ou en situation de handicap. On a aussi supprimé un individu ayant répondu « Ne sait pas » à la question sur le renoncement pour des raisons financières.
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[14]
Par exemple, une personne sans emploi peut, selon la conception qu’elle se fait de sa propre situation, se déclarer comme personne au foyer ou au chômage.
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[15]
1 UC pour le premier adulte du ménage ; 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ; 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans (Insee, 2016c).
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[16]
Compte tenu de la façon dont le Baromètre Santé a posé la question, les personnes interrogées peuvent tout autant comprendre qu’il s’agit du médecin généraliste ou de médecins spécialistes.
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[17]
On a regroupé en deux catégories les modalités désignant l’état de santé générale, classant alors les modalités « excellente », « très bonne » ou « bonne » comme « bonne » santé générale, et les modalités « médiocre » et « mauvaise » comme « mauvaise » santé générale.
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[18]
Les résultats ne dégagent pas la relation en forme de cloche entre l’âge et le renoncement aux soins soulevée par la littérature. Il faut noter cependant que la population étudiée ici porte sur les 18-64 ans et exclut les personnes les plus âgées qui sont censées moins renoncer aux soins. Il apparaît cependant que les individus âgés de 45 à 64 ans révolus ne renoncent pas plus que ceux ayant entre 18 et 44 ans révolus.
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[19]
C’est d’autant plus marquant dans les cas des modèles 2.2 et 4 où l’une des variables explicatives est le revenu par unité de consommation, permettant ainsi de contrôler indirectement le revenu du partenaire et le fait que le chômeur reçoive des revenus de transfert ou pas.
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[20]
Le revenu par unité de consommation a été exclu du modèle 3 en raison du fort effet de colinéarité de cette variable. Il a été introduit dans les modèles 2.2 et 4 pour montrer que le chômage reste encore explicatif.
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[21]
On suppose que les individus comprennent l’expression « consultation chez un médecin » comme relative aux soins généralistes ou aux soins de façon générale, sans distinction de spécialité.
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[22]
Cela se retrouve même dans la définition du chômage puisqu’il s’agit fondamentalement de « ne pas travailler » (Milland, 2002).
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[23]
Le modèle 3 a été privilégié par rapport au modèle 4, du fait que l’ajout de la variable de revenu par unité de consommation semble dans une certaine mesure tautologique pour expliquer le renoncement aux soins pour raisons financières. Cette dernière variable a donc la valeur d’un contrôle supplémentaire pour indiquer que le statut d’emploi est toujours explicatif, mais une analyse basée sur le modèle 3 apparaît à ce propos plus pertinente car les effets liés aux PCS ne sont pas invisibilisés par les revenus des ménages.
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[24]
Résultats non montrés mais disponibles auprès des auteurs.
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[25]
L’accès à la CMU et sa complémentaire nécessitait de résider de façon stable depuis au moins 3 mois sur le territoire national, pour les individus de nationalité française et les étrangers en situation régulière, et de ne pas disposer d’autres prestations sociales en nature de la part d’un quelconque organisme d’assurance maladie obligatoire (régime de la Sécurité sociale ou régime spécial).
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[26]
Il est envisageable qu’il y ait des différences de qualité moyenne des complémentaires entre chômeurs et actifs occupés, notamment dans la mesure où ces derniers bénéficient de contrats de groupes généralement plus avantageux que les contrats individuels auxquels sont amenés à souscrire les chômeurs. Ces différences ne sont pas mesurées au sein du Baromètre Santé 2016, cela demeure pour autant une piste de réflexion intéressante en termes de compréhension de la protection sociale.