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Article de revue

Comment les migrations affectent-elles la mortalité infanto-juvénile en zone rurale ? L’exemple de Niakhar, Sénégal

Pages 359 à 387

Notes

  • [1]
    Les taux d’attrition sont uniquement liées aux décès ou émigrations définitives de la région. Les migrants de longue durée et leur statut sont clairement identifiés dans cette base de données.
  • [2]
    Comme les migrations de courte et de longue durée ont commencé à s’intensifier dans la région de Niakhar en 1998 (figures annexes A.1 et A.2), c’est l’année retenue comme point de départ. L’étude s’arrête en 2014, car les données pour 2015 et au-delà n’étaient pas disponibles au moment de la rédaction de cet article.
  • [3]
    Pour être considéré comme résidant à Niakhar, il faut vivre dans la région pendant au moins un an. Il existe des exceptions pour les travailleurs saisonniers qui étaient résidents auparavant et continuent de passer au moins un mois par an dans la région ; pour les travailleurs ayant un conjoint et des enfants dans la zone et se rendant dans leur famille au moins deux fois par an ; et pour les étudiants dont les parents résident dans la région.
  • [4]
    Le terme « non-migrant » ne renvoie pas forcément aux personnes n’ayant jamais émigré mais aux membres d’un ménage n’ayant pas émigré pendant une année donnée.
  • [5]
    Contrairement au modèle d’analyse des données de survie, le modèle de probabilité linéaire est transposable à tous les niveaux d’analyse (individu, ménage, concession).
  • [6]
    Le nombre d’enfants âgés de 0 à 5 ans dans le ménage est déduit de l’effectif de la fratrie de l’enfant i. La fratrie se compose des enfants nés de la même mère mais comprend également les enfants qui ont été confiés à la garde d’un parent membre du ménage (mère, autre femme, chef du ménage, etc.).
  • [7]
    L’âge en année t est l’âge de l’enfant à la fin de l’année t.
  • [8]
    Ces valeurs positives semblent montrer que les absences prolongées ont des effets défavorables sur le bien-être de l’enfant, au moins au niveau de la concession. Bien qu’il s’agisse d’événements (exceptionnellement) rares, ils pourraient être juste révélateurs de l’extrême fragilité de l’unité. En outre, avec d’autres spécifications examinées dans la section III.2, les résultats de régressions du tableau annexe B.1 n’indiquent aucune association significative entre migrations de longue durée et mortalité des enfants.
  • [9]
    Les ménages individuels comptant un grand nombre de membres équivalent à une concession et représentent 41 % de l’échantillon.
  • [10]
    Se concentrer sur les concessions composées d’un ménage unique réduit considérablement la taille de l’échantillon, ce qui peut avoir des incidences sur les estimations. Néanmoins, ces concessions présentent des caractéristiques qui pourraient expliquer la non-significativité. Par exemple, les ménages uniques qui les constituent n’ont pas la possibilité de confier leurs enfants à la garde de ménages voisins, de sorte que les migrations pourraient avoir des effets hétérogènes sur la survie des enfants.
  • [11]
    Toutefois, quand des déplacements de courte durée ont lieu simultanément au niveau des ménages et des concessions, le coefficient positif et significatif du terme d’interaction entre eux indique un effet global moins important que la somme de leurs deux effets séparés.
  • [12]
    L’indice de pauvreté fondé sur les biens de consommation a été construit suivant la méthodologie décrite par Andersson (2014).
  • [13]
    On a inclus des informations sur les migrations de courte durée de membres du cercle familial (tableau 6, colonne 4) et des variables de contrôle pour les variables inobservables (maternités, par exemple) en utilisant des effets fixes croisés avec le village.
  • [14]
    Les enfants sont considérés comme âgés de 1 an quand ils sont observés en année t et que leur mère est partie l’année t–1, alors qu’ils avaient entre 0 et 11 mois.
  • [15]
    Si on prend en compte le nombre total de jours passés par la mère hors du village plutôt que le nombre total de déplacements, les conclusions sont identiques : une augmentation du nombre de jours est associée à une augmentation des chances de survie pendant les 12 premiers mois de la vie de l’enfant. En revanche, si ce nombre de jours augmente quand l’enfant a moins d’un an, la mère réduit les chances de survie de son enfant à 1 an et 2 ans.
  • [16]
    Le paludisme et le choléra sont des maladies soudaines et aiguës, ce qui limite le lien entre l’état de santé de l’enfant durant l’année t–1 et son risque de mortalité pendant l’année t.

Dans les régions à forte mortalité, la survie des enfants dépend de nombreux facteurs. Le recours aux soins de santé, l’accès à une nourriture suffisante et adaptée et une bonne hygiène sont des facteurs déterminants, le plus souvent pris en charge par les parents. Que se passe-t-il quand les enfants sont séparés de leurs parents pour une période parfois longue ? L’émigration de la mère, du père ou d’autres membres de la famille affecte-t-elle négativement la santé de l’enfant resté dans le lieu d’origine ? Ou cette émigration, source de revenus et de nouvelles connaissances, est-elle au contraire bénéfique à l’enfant ? Grâce aux données de l’Observatoire de santé et de population de Niakhar au Sénégal, les auteurs proposent de riches analyses éclairant les relations complexes entre survie de l’enfant et migration de son entourage familial.

1Bien que la mortalité des enfants soit plus élevée en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde, elle y a diminué de façon spectaculaire au cours des dernières décennies (Banque mondiale, 2013). Les enquêtes démographiques montrent une corrélation étroite entre l’amélioration des soins de santé maternels et infantiles et les baisses de la mortalité des enfants (Pison et al., 1993 ; Donnay, 2000 ; Amouzou et Hill, 2004 ; Buor et Bream, 2004 ; Bhutta et al., 2005 ; Zupan, 2005 ; Lartey, 2008 ; Kanmiki et al., 2014). Toutefois, de nombreux autres facteurs entrent en jeu, notamment des phénomènes d’ordre socioéconomique et démographique comme les migrations. Les conditions climatiques, l’urbanisation et la vulnérabilité économique ont attiré l’attention sur l’intensification des migrations et leurs effets sur le bien-être des familles de ceux qui émigrent (De Brauw et Harigaya, 2007 ; Mertz et al., 2009 ; Barrios et al., 2010 ; Marchiori et al., 2012). De manière générale, les migrations observées en milieu rural sont considérées comme une stratégie familiale bénéfique débouchant sur une réduction de la mortalité des enfants (Lucas et Stark, 1985 ; Brockerhoff 1990 ; Pitt et Sigle, 1998 ; Amankwaa et al., 2003 ; Kiros et White, 2004 ; Yabiku et al., 2012 ; Böhme et al., 2015). Comme l’ont indiqué Yabiku et al. (2012), les publications sur le sujet analysent généralement la mortalité des enfants, ou les facteurs qui en sont possiblement à l’origine, en comparant familles migrantes et familles non migrantes, c’est-à-dire « restées au village ». Brockerhoff (1994), par exemple, s’est intéressé aux effets de l’émigration rurale sur la survie des enfants dans 17 pays en développement, et a montré que les mères augmentaient les chances de survie de leurs enfants lorsqu’elles quittaient avec eux la campagne pour la ville.

2Cependant, peu de travaux ont été consacrés aux incidences de l’émigration d’un membre du ménage sur la santé des enfants restés sur place, quand la famille n’émigre pas dans son ensemble. Kanaiaupuni et Donato (1999) et Hildebrandt et McKenzie (2005), par exemple, ont obtenu des résultats mitigés sur ce sujet au Mexique. Si l’on se concentre sur les familles restées au village, il est possible de formuler des hypothèses très diverses sur le lien entre migrations et mortalité des enfants. Les migrations, en particulier de courte durée, font partie des stratégies de survie qu’adoptent les ménages ruraux pour surmonter les difficultés socioéconomiques, et dont attestent de nombreux chercheurs (de Brauw et Harigaya, 2007 ; Mertz et al., 2009). Grâce aux envois de fonds des émigrés, les familles devraient voir leur situation s’améliorer sur le plan de la nutrition, du logement et de l’accès aux soins et aux médicaments (Yabiku et al., 2012). En dehors des avantages économiques, les migrants, en particulier les femmes, peuvent revenir chez eux avec de meilleures pratiques maternelles apprises en ville, et améliorer ainsi les chances de survie de leurs enfants (Ruel et al., 1999 ; Matthews et al., 2010). Néanmoins, l’émigration peut aussi avoir des effets délétères sur ce plan, car l’absence d’un parent au foyer, de la mère en particulier, pourrait accroître le risque de mortalité des enfants (DaVanzo et Lee, 1983 ; Nguyen, 2016).

3À partir d’une analyse fondée sur un modèle à effets fixes et variables décalées, on examine un lien de causalité plausible entre la migration de membres de la famille et l’état de santé des enfants restés à Niakhar, une zone rurale du Sénégal, en se concentrant sur l’incidence de l’émigration maternelle. Comme il importe de distinguer différents types de migrations pour rendre pleinement compte de l’effet des envois de fonds (Oberai et Singh, 1980) et comme, à Niakhar, les migrations de courte durée (essentiellement liées à l’emploi) sont prépondérantes par rapport aux migrations définitives (Guilmoto, 1998 ; Delaunay, 2017 ; Douillot et Delaunay, 2017), on fait la distinction entre migrations de courte et de longue durée, et l’analyse des effets respectifs sur la santé des enfants, contribuant ainsi à la littérature sur le partage des risques, la structure des familles et le développement des enfants.

4Compte tenu du rôle des réseaux dans l’économie du développement rural (Miracle et al., 1980 ; Fafchamps, 1992) et de celui des réseaux familiaux et de la culture de l’entraide propre à l’Afrique subsaharienne rurale (Miracle et al., 1980 ; LaFave et Thomas, 2017), cet article ajoute une nouvelle dimension à l’analyse, celle de la concession. Cette unité d’organisation sociale se compose d’un ou de plusieurs ménages apparentés. La survie des enfants d’un ménage pourrait être influencée par les décisions et les caractéristiques des ménages environnants. En effet, dans un système de ménages basés sur la famille élargie, un enfant grandit dans une organisation familiale qui ne se limite pas à sa mère, son père et aux autres enfants (famille nucléaire), mais inclut les parents, les germains, les oncles, les tantes, les cousins des époux et leur descendance (famille élargie). Cette organisation pourrait jouer un rôle sur les modalités de partage des risques entre les ménages confrontés à la mortalité des enfants (Wilson, 1989 ; LaFave et Thomas, 2017). Ce second point se reflète dans les publications traitant du partage des soins aux enfants dans les familles ou les réseaux familiaux (Breierova et Duflo, 2004 ; Ermisch, 2016 ; LaFave et Thomas, 2017). Comme Breierova et Duflo (2004), on postule ici que la migration de la mère peut avoir des effets différents sur le risque de mortalité de l’enfant en fonction de son âge, et on analyse l’effet de la présence maternelle sur la survie des enfants, en particulier lorsqu’ils sont jeunes. Par conséquent, outre la famille immédiate, étroitement définie par le lignage parental, l’article évalue les effets externes possibles de l’émigration de ménages voisins sur la survie des enfants.

5Cet article étudie ensuite les effets des migrations sur la mortalité des enfants dans les ménages qui n’émigrent pas, en utilisant en particulier des données longitudinales fournies par l’Observatoire de santé et de population de Niakhar. Deux hypothèses sont testées : l’effet positif sur la survie des enfants après l’émigration de membres du ménage et de la famille élargie ; et l’effet positif de l’émigration maternelle sur les chances de survie de son enfant.

I. La zone étudiée de Niakhar

1. Localisation et fonctionnement social

6Située dans le centre-ouest du Sénégal, à 135 kilomètres à l’est de Dakar, la capitale, la zone d’étude de Niakhar couvre 30 villages. Il y règne un climat sahélo-soudanais et l’ethnie dominante est celle des Sérères, dont l’économie rurale est de type agropastoral (Faye et al., 1999 ; Lericollais, 1999). Après plusieurs épisodes récents de sècheresse, la production agricole se limite aujourd’hui essentiellement au mil et à l’arachide, qui sont respectivement la culture vivrière de base et la culture de rente (Adjamagbo et al., 2006 Delaunay et al., 2013).

7Comme l’ont décrit Adjamagbo et al. (2006), le système agricole traditionnel n’est plus stable et la sécurité alimentaire des ménages semble menacée. Les facteurs qui ont contribué à cette situation sont, entre autres, la forte augmentation de la densité de population, la diminution des précipitations, la dégradation de l’environnement, l’épuisement des sols par l’agriculture intensive ainsi que la limitation des prêts et des aides publiques destinés aux achats d’intrants et de matériels agricoles (Delaunay et al., 2013 Lalou et Delaunay, 2015). Ces évolutions ont conduit à l’apparition de nouvelles activités génératrices de revenus comme les petites entreprises et la production artisanale (Adjamagbo et al., 2006). En parallèle, les migrations, notamment de travail, augmentent (Delaunay et al., 2016).

2. La concession et le ménage

8Comme la plupart des sociétés rurales subsahariennes, Niakhar est organisé en vastes unités appelées « concessions » (compounds en anglais), elles-mêmes subdivisées en une ou plusieurs « cuisines » (ngak en sérère). Pour l’Observatoire de santé et de population de Niakhar, une cuisine est un groupe de personnes ne vivant pas nécessairement sous le même toit, mais partageant le mil stocké dans un grenier commun. Ces cuisines sont désignées par le terme de « ménages » dans le reste de l’article, comme c’est le cas dans d’autres études et enquêtes (Enquête démographique et de santé, par exemple). Les ménages composant la concession sont ceux des frères issus d’une même mère. Chacun d’eux vit avec ses épouses, ses enfants et ses neveux utérins. Sur le plan économique, le ménage est une unité de consommation mais aussi de production, car c’est là que s’organise l’autosuffisance, sous l’autorité d’un chef de cuisine, lequel contrôle l’accès aux ressources et l’utilisation de la main d’œuvre (Gastellu et Diouf, 1974 Guigou, 1992). Ces caractéristiques font du ménage une unité pertinente pour l’observation de phénomènes socioéconomiques.

II. Caractéristiques démographiques et migratoires

9On utilise ici des données provenant de l’Observatoire de santé et de population de Niakhar, qui a été créé en 1962 par l’Institut national de recherche pour le développement durable, en vue de pallier les insuffisances de l’état civil et de fournir des indicateurs démographiques (Delaunay et al., 2013). Depuis 1983, l’Observatoire a couvert 30 villages et enregistre régulièrement des informations sur les résidents de la région. Tous les villages font l’objet d’observations exhaustives, et les individus sont suivis aussi longtemps qu’ils demeurent dans la région [1]. Les données ainsi rassemblées nous ont permis d’examiner le comportement des membres des ménages et de distinguer deux types de migrations en fonction de leur durée. Pour étudier le lien entre ces migrations et la mortalité des enfants de moins de cinq ans, l’analyse est effectuée à partir des données de 1998 à 2013 et concerne plus particulièrement les ménages avec au moins un enfant de moins de cinq ans [2].

10De 1998 à 2013, la population de la région a augmenté de 47 % (passant de 29 700 à 43 650 habitants) et le nombre de ménages de 28,7 % (de 2 213 à 2 847), avec en moyenne deux ménages par concession et 13 individus par ménage. La figure A.3 en annexe montre un recul tendanciel de la mortalité des enfants de moins de cinq ans des deux sexes, de 310 à 50 décès pour 1 000 naissances. Les soins de santé maternelle et périnatale ont progressé (Delaunay, 2017), avec une hausse du pourcentage de femmes ayant accouché dans des établissements de soins (de 10 % en 1984 à 50 % en 2014) et de celles ayant donné naissance à un enfant après avoir bénéficié d’au moins quatre consultations prénatales comme le recommande le ministère de la Santé (de 3,6 % en 1994 à 13,9 % en 2014). Une résurgence du paludisme a été observée dans les années 1990, mais le phénomène a diminué de façon spectaculaire pendant la décennie suivante (Delaunay et al., 2013).

11L’étude porte sur les membres des ménages d’âge actif (13 à 59 ans) et distingue les migrations de courte et de longue durée, quelle qu’en soit la raison. Un migrant de courte durée est un membre du ménage quittant le foyer pendant moins d’un an ; au-delà d’un an, la migration est dite de longue durée. Pendant son absence, le ou la migrant·e de longue durée n’est plus considéré·e comme un membre résident du ménage, contrairement aux migrant·es de courte durée [3]. Bien que la base de données de l’Observatoire n’indique pas le lieu de destination des migrations, des études transversales portant sur la région et conduites par Lalou et Delaunay (2015) ont montré que les migrants partaient s’établir dans les grandes villes du pays (Dakar, Fatick, Thiès et Mbour). Des entretiens ont permis aux auteurs d’identifier deux motivations principales chez les migrants entre 1983 et 2013. La première et la plus fréquente est d’ordre familial : mariage, divorce, décès d’un des époux, adoption d’un enfant ou vacances. La seconde est d’ordre professionnel : certains membres du ménage partent à la recherche d’un emploi (Lalou et Delaunay, 2015) ; il s’agit généralement de jeunes adultes qui rejoignent de plus grandes villes pendant la saison sèche, en quête d’un revenu d’appoint ou pour soulager financièrement leur famille, voire les deux. La mobilité familiale prend plus souvent la forme de migrations de longue durée, tandis que le travail est davantage associé à des migrations de courte durée.

12Les tableaux 1 et 2 présentent les caractéristiques des individus et des ménages de la région de Niakhar concernés par l’émigration entre 1998 et 2013. Durant cette période, 10 681 personnes ont émigré pour une longue durée et 17 114 sont parties pour une courte durée. Le migrant moyen était jeune et sans instruction de base, sans doute en raison du manque de perspectives économiques offertes dans la région aux personnes sans instruction. Les trois quarts (74,2 %) des migrants de longue durée et 60,4 % des migrants de courte durée n’avaient reçu aucun enseignement élémentaire. Les migrants de courte durée étaient plus âgés que les migrants de longue durée et les non-migrants [4] (25,9 ans, contre 17,4 ans). Les femmes représentaient 61,8 % des migrations de longue durée, et 40,8 % de celles de courte durée. On a recensé en moyenne trois migrations de courte durée (une pour les femmes, deux pour les hommes) par ménage, et les migrations de longue durée étaient rares (0,4 en moyenne tableau 2).

Tableau 1. Caractéristiques individuelles des migrants de Niakhar, 1998-2013

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Tableau 1. Caractéristiques individuelles des migrants de Niakhar, 1998-2013

Tableau 2. Caractéristiques des ménages de Niakhar ayant émigré, 1998-2013

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Tableau 2. Caractéristiques des ménages de Niakhar ayant émigré, 1998-2013

III. Stratégie empirique

1. Spécification générale : un modèle à effets fixes avec variables décalées

13Les modèles économétriques se heurtent à un problème majeur, l’endogénéité, qui peut nuire au processus d’inférence statistique. Outre les erreurs de mesure, les deux principales causes d’endogénéité sont les variables inobservées (omises) et la causalité inverse. Ici, on établit la manière dont les migrations influent sur la mortalité des enfants de moins de cinq ans dans la région de Niakhar à l’aide de l’équation générale suivante :

14\(\begin{equation} \text { Mortalité } 0-5 a n s_{u v t}=\beta_{0}+\beta_{1} \operatorname{Mig}_{u v(t-1)}+\mathbf{X}_{l v t}+\pi_{u}+v_{t}+\varphi_{v t}+\varepsilon_{u v t} \end{equation}\) [1]

15Les indices u, v et t correspondent respectivement aux différentes unités (concession, ménage, individu), au village et à l’année. Les variables binaires \(\begin{equation} \pi_{u} \end{equation}\) sont des effets spécifiques des unités qui sont constants dans le temps ; elles sont incluses dans l’équation pour traiter le problème des variables omises. Elles neutralisent l’effet de toute hétérogénéité inobservée qui pourrait possiblement exister dans les unités observées (concessions ou ménages) liées aux deux principaux événements étudiés, c’est-à-dire l’émigration et la mortalité des enfants de moins de cinq ans. Grâce à ce modèle à effets fixes, on peut contrôler toute l’hétérogénéité (constante dans le temps) entre les unités et se concentrer uniquement sur les variations imputables à chacun des schémas de migration familial passé. De manière générale, les modèles à effets fixes aident à résoudre le problème de l’hétérogénéité inobservée (Hsiao, 2014). Dans le même ordre d’idées, \(\begin{equation} v_{t} \end{equation}\) représente les effets spécifiques liés au temps et communs à toutes les unités pour tout choc inobservé à un point donné dans le temps. Ils peuvent rendre compte de facteurs inobservables susceptibles d’affecter la tendance au recul de la mortalité des enfants de moins de cinq ans observée en Afrique subsaharienne. Enfin, \(\begin{equation} \varphi_{v t} \end{equation}\) représente des effets variables dans le temps et spécifiques aux villages qui englobent des facteurs inobservables au niveau du village. Ces effets peuvent varier au fil des années (comme le climat) et sont les principaux déterminants de la richesse des ménages dans la région (Lalou et Delaunay, 2015), un aspect ici non observé.

16Souhaitant éviter le problème de causalité inverse, on a utilisé pour les migrations des variables décalées dans le temps et non pas contemporaines. L’émigration l’année t − 1 peut impacter le risque de mortalité des enfants l’année t, mais l’inverse n’est pas possible ici. Le recours à des variables temporellement décalées permet également de neutraliser l’effet de toute multi-colinéarité potentielle qui existerait entre la variable indépendante principale et les variables de contrôle mesurées en année t.

2. Les détails du modèle

17Pour répondre aux questions que pose cet article, nous avons mis en œuvre les équations suivantes avec un modèle de probabilité linéaire (Caudill, 1988). Les indices i, m, h, c-h , v, t correspondent respectivement à l’enfant, à la mère, au ménage, à la concession dont dépend le ménage h, au village et à l’année.

18L’équation 2 explore le lien entre la mortalité des enfants de moins de cinq ans et les migrations au niveau de la concession.

19\(\begin{equation} \text { Mortalité0-5ans }_{c v t}=\beta_{0}+\beta_{1} \operatorname{Mig}_{c v(t-1)}+X_{c v t}+\pi_{c}+v_{t}+\varphi_{v t}+\varepsilon_{c v t} \end{equation}\) [2]

20L’équation 3 analyse le lien entre la mortalité des enfants de moins de cinq ans et les migrations au niveau du ménage.

21\(\begin{equation} \text { Mortalité0-5ans }_{h v t}=\beta_{0}+\beta_{1} M i g_{h v(t-1)}+Z_{h v t}+\pi_{h}+v_{t}+\varphi_{v t}+\varepsilon_{h v t} \end{equation}\) [3]

22Dans l’équation 4, on ajoute un terme d’interaction aux migrations concernant les concessions et les ménages pour indiquer tous les effets croisés possibles entre ces deux niveaux.

23\(\begin{equation} \begin{aligned} &\text { Mortalité0-5ans }_{h v t}=\beta_{0}+\beta_{1} \operatorname{Mig}_{h v(t-1)}+\beta_{1} \operatorname{Mig}_{c_{-h} v(t-1)}+\beta_{3} \operatorname{Mig}_{h v(t-1)} \times \\ &\operatorname{Mig}_{c_{-h} v^{v(t-1)}}+Z_{h v t}+\pi_{h}+v_{t}+\varphi_{v t}+\varepsilon_{h v t} \end{aligned} \end{equation}\) [4]

24Enfin, l’équation 5 porte sur les décisions d’émigration des mères à l’échelle individuelle, en cherchant en particulier à déterminer de quelle manière une migration maternelle de courte durée affecte la survie de son enfant. L’équation permet d’estimer dans quelle mesure cet effet est dépendant de l’âge de l’enfant. On se concentre ici sur les migrations de courte durée, puisqu’on observe que les mères quittent rarement leurs enfants pour de longues périodes.

25\(\begin{equation} \begin{aligned} &\text { Décès0-5ans }_{\text {imhvt }}=\beta_{0}+\beta_{1} \text { MigCourte }_{\text {mhv }(t-1)}+\beta_{3} \text { Age }_{\text {imhvt }} \times \text { MigCourte }_{\text {mhv }(t-1)} \\ &+Z_{\text {hvt }}+\pi_{m}+v_{t}+\varphi_{v t}+\varepsilon_{\text {imhvt }} \end{aligned} \end{equation}\) [5]

26Comme les variables dépendantes sont des variables discrètes (décrites à la section suivante), le modèle aurait pu être estimé avec une régression logistique ou probit. Toutefois, un modèle de probabilité linéaire permet de regrouper les termes d’erreur dans les équations [2], [3], [4] et [5] sous la forme \(\begin{equation} \varepsilon_{cvt} \end{equation}\), \(\begin{equation} \varepsilon_{hvt} \end{equation}\) et \(\begin{equation} \varepsilon_{imhvt} \end{equation}\) par concession ou par ménage. On peut donc prendre en compte le fait que les observations peuvent être liées entre elles dans une même concession ou un même ménage. Nous proposons quelques variantes du modèle dans lesquelles diverses méthodes (régression logistique, régression de Poisson, analyse des données de survie) sont substituées à notre approche [5] (voir les tableaux annexes C.1 et D.1).

3. Les variables

Variables dépendantes

27Dans l’équation [2], la variable dépendante Mortalité0–5anscvt représente une variable binaire codée 1 si au moins un enfant de 0 à 5 ans décède dans la concession c du village v l’année t ; sinon, la variable est codée 0. Il en va de même dans l’équation [3] pour Mortalité0–5anshvt, cette fois au niveau du ménage.

28Dans l’équation [5], la variable dépendante Décès0–5ansimhvt est une variable binaire qui prend la valeur de 1 si l’enfant i, âgé de 0 à 5 ans, dont la mère m vit au sein du ménage h dans le village v, décède au cours de l’année t ; sinon, la variable est codée 0.

Variables indépendantes principales

29Dans l’analyse, la variable indépendante principale est l’émigration. Les équations [2] et [3] incluent deux variables liées aux migrations : Migcv(t – 1), qui est le nombre total de déplacements de courte et de longue durée des habitants de la concession c l’année t−1 et Mighv(t – 1), qui est l’ensemble des migrations des individus membres du ménage h l’année t−1. L’équation [4] inclut Migc-hv(t – 1), soit le nombre total de déplacements des individus membres des ménages voisins faisant partie de la même concession que le ménage h.

30Dans l’équation [5], la variable indépendante principale MigCourtemhv(t – 1) est le nombre de déplacements de courte durée effectués par la mère de l’enfant i membre du ménage h l’année t−1.

Variables de contrôle

31Dans les équations [2], [3] et [4], on tient compte des effectifs des enfants exposés au risque de décès âgés de 0 à 4 ans révolus, des enfants âgés de 5 à 12 ans, des individus d’âge actif et des individus de 60 ans et plus. Les informations sur les liens de parenté au sein du ménage sont mises à jour chaque année et tout changement concernant les caractéristiques démographiques et les migrations du ménage est également pris en compte. De fait, la structure par âge du ménage est importante, car chaque groupe d’âges a un rôle spécifique à jouer dans la production domestique (les filles et les garçons peuvent par exemple aider les parents à s’occuper du reste de la fratrie, tandis que les adultes contribuent aux tâches quotidiennes). Ces caractéristiques démographiques spécifiques à chaque ménage et concession sont représentées dans l’équation par deux matrices évoluant dans le temps, \(\begin{equation} \mathrm{X}_{cvt} \end{equation}\) et \(\begin{equation} Z_{hvt} \end{equation}\).

32L’équation [5] inclut le nombre de frères et sœurs vivant au sein du ménage avec l’enfant i et sa mère m[6]. De surcroît, en vue de mesurer l’impact éventuel d’une migration de courte durée de la mère sur le risque de mortalité de son enfant pour chaque groupe d’âges, on intègre Ageimhvt afin de neutraliser l’effet de l’âge de l’enfant i au cours de l’année t[7]. Bien que d’autres facteurs inobservables puissent aussi influencer la mortalité infanto-juvénile au niveau du ménage ou au niveau individuel, ce choix d’effets fixes permet à ces modèles d’inclure de nombreuses caractéristiques des ménages constantes dans le temps.

IV. Résultats

1. Effets des migrations sur la survie des enfants au niveau de la concession et du ménage

33Cet article tente d’établir tout d’abord si les migrations de courte et de longue durée influencent la mortalité des enfants de moins de cinq ans dans les zones rurales. Le tableau 3 présente les estimations résultant des équations [2] et [3] et montre une corrélation négative et significative entre la mortalité des enfants et les migrations de courte durée. Les estimations relatives aux migrations de longue durée ne sont pas significatives au niveau du ménage et sont positives au niveau de la concession [8]. L’analyse est par conséquent centrée sur les migrations de courte durée, tout en distinguant les hommes et les femmes pour saisir l’effet sexospécifique.

Tableau 3. Mortalité des enfants et migrations (de courte et de longue durée), par concession et par ménage, 1998-2013

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Tableau 3. Mortalité des enfants et migrations (de courte et de longue durée), par concession et par ménage, 1998-2013

34Le tableau 4 contient les estimations produites avec l’équation [3] et concerne les migrations de courte durée de membres d’âge actif des ménages, en séparant les hommes et les femmes. La colonne 1 indique, pour l’ensemble de l’échantillon au niveau du ménage, une corrélation négative et significative entre mortalité infanto-juvénile et migrations de courte durée des hommes et des femmes d’âge actif. Les mêmes résultats sont observés dans les concessions d’au moins deux ménages (colonne 2). Pour être complets, on examine également les ménages des concessions composées d’un seul ménage (colonne 3) [9], pour lesquels la corrélation entre émigration et mortalité des enfants n’est pas significative. Par conséquent, la corrélation significative observée dans l’ensemble de l’échantillon entre migration de courte durée et mortalité des enfants est sans doute essentiellement imputable aux ménages appartenant aux concessions composées d’au moins deux ménages. Bien que la non-significativité de la corrélation pour les concessions composées d’un seul ménage puisse être due à un problème de puissance statistique [10], les résultats pourraient souligner l’importance du soutien fourni par les familles voisines au sein d’une même concession. Pour vérifier cette hypothèse et identifier les effets externes sur les ménages voisins qui pourraient influencer la mortalité infanto-juvénile, on se concentre sur les ménages des concessions comptant au moins deux ménages et on inclut les migrations au niveau des concessions dans les régressions estimées au niveau des ménages (tableau 5).

Tableau 4. Mortalité des enfants et migrations de courte durée au niveau des ménages, 1998-2013 (modèle de probabilité linéaire)

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Tableau 4. Mortalité des enfants et migrations de courte durée au niveau des ménages, 1998-2013 (modèle de probabilité linéaire)

35Fondé sur l’équation [4], le tableau 5 met en lumière les effets croisés possibles entre les migrations observées respectivement au niveau du ménage et de la concession (effets externes des ménages voisins sur la mortalité des enfants). La colonne 2 est identique à la colonne 1 mais distingue les migrations de courte durée par sexe. La colonne 1 montre une corrélation négative et significative entre la migration de courte durée et la mortalité des enfants au niveau du ménage et de la concession, alors que la colonne 2 montre une corrélation uniquement au niveau du ménage. Le coefficient des migrations de courte durée des femmes d’âge actif est supérieur au coefficient de leurs homologues masculins. De surcroît, la corrélation entre la mortalité infanto-juvénile des ménages et les migrations de courte durée dans les ménages faisant partie de la même concession est également significative (colonne 1) [11]. On parvient aux mêmes conclusions avec un test de sensibilité basé sur des modèles de régression logistique et de Poisson (tableau annexe D.1.)

36Les colonnes 3 et 4 fournissent les estimations résultant d’une répartition de la population entre ménages favorisés et défavorisés sur le plan économique, selon un classement basé sur une liste de biens : radio, combustible pour la cuisine, téléphone, réfrigérateur, téléviseur, bicyclette, moto, voiture, etc. [12]. On observe une corrélation négative et significative entre la mortalité des enfants et les migrations de courte durée des hommes et des femmes dans la population pauvre (colonne 3), et non significative pour les ménages riches (colonne 4). De plus, le coefficient des migrations de courte durée au niveau des concessions est négatif et significatif pour les deux groupes. En résumé, les effets favorables des migrations observés au niveau des ménages semblent concerner principalement les plus pauvres de l’échantillon.

Tableau 5. Mortalité des enfants et migrations de courte durée au niveau des ménages et des concessions, 1998-2013 (modèle de probabilité linéaire)

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Tableau 5. Mortalité des enfants et migrations de courte durée au niveau des ménages et des concessions, 1998-2013 (modèle de probabilité linéaire)

2. Effet des migrations maternelles sur la survie des enfants

37Les migrations des femmes, en particulier aux âges actifs, sont un facteur important de réduction de la mortalité des enfants. Mais qu’en est-il si c’est la mère qui émigre ?

38On sélectionne les mères dans l’échantillon principal de migrants d’âge actif afin de se concentrer sur les effets que leurs déplacements de courte durée peuvent avoir sur la mortalité de leurs enfants. Le tableau 6 contient les estimations calculées à l’aide de l’équation [5], avec et sans interaction entre l’émigration de la mère et l’âge de ses enfants [13]. La colonne 1 donne les résultats complets et fait apparaître une corrélation négative et non significative entre l’émigration d’une mère et la mortalité de ses enfants, tous âges confondus. La corrélation est significative après neutralisation des effets de l’âge des enfants et du nombre de déplacements observés au niveau du ménage et de la concession (colonnes 2 à 4). Toutefois, cette corrélation varie en fonction de l’âge de l’enfant. Pour identifier les différences, l’effet marginal est calculé pour chaque groupe d’âges (tableau 7).

Tableau 6. Effet des migrations maternelles sur la mortalité des enfants, Niakhar, 1998-2013 (modèle de probabilité linéaire)

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Tableau 6. Effet des migrations maternelles sur la mortalité des enfants, Niakhar, 1998-2013 (modèle de probabilité linéaire)

39Le tableau 7 présente les effets marginaux du lien entre les migrations de courte durée des mères et la mortalité de leurs enfants à différents âges, en suivant les mêmes stratégies empiriques que pour les colonnes 2 à 4 du tableau 6. Les migrations et la mortalité continuent d’être corrélées de manière négative et significative pour les enfants âgés de 0 ou 4 ans ; pour ceux âgés de 1 an ou 2 ans, la corrélation est positive et significative [14]. Les variables utilisées sont décalées dans le temps pour les migrations, donc ce résultat peut être interprété de la manière suivante : en moyenne et toutes choses égales par ailleurs, l’émigration de la mère pendant sa grossesse semble augmenter les chances de survie de son enfant au cours des 12 premiers mois de vie. En revanche, si elle émigre lorsque l’enfant a moins d’un an, son risque de mortalité s’accroît à l’âge de 1 an, et si elle émigre quand l’enfant a 1 an, l’augmentation du risque est observée à 2 ans [15].

Tableau 7. Effets marginaux des migrations maternelles sur la mortalité des enfants selon l'âge des enfants (au niveau du ménage), Niakhar, 1998-2013

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Tableau 7. Effets marginaux des migrations maternelles sur la mortalité des enfants selon l'âge des enfants (au niveau du ménage), Niakhar, 1998-2013

V. Discussion

40Si de nombreuses études comparent la santé des enfants de familles ayant émigré en ville avec celle des enfants de familles non migrantes restées en zone rurale, d’autres explorent la relation entre les migrations et la santé des enfants qui émigrent ou naissent après une émigration familiale (Brockerhoff, 1990, 1994 Kanaiaupuni et Donato, 1999 Hildebrandt et McKenzie, 2005). Mais l’émigration de certains membres du ménage influe-t‑elle sur la mortalité des enfants de moins de cinq ans qui restent au foyer du lieu d’origine ? On s’est intéressé ici aux migrations de courte et de longue durée en milieu rural pour répondre à cette question. Le présent article contribue à la littérature sur le sujet en évaluant les bénéfices potentiels des migrations pour ces enfants. L’un des autres avantages de l’étude est d’ordre structurel : elle se sert de données longitudinales. Du fait que ce modèle statistique a systématiquement utilisé des effets fixes, on a pu déduire des variations de la survie des enfants, exclusivement imputables aux schémas de migration familiale.

41Ces résultats illustrent en premier lieu l’importance de la distinction entre les deux types de migrations (de courte et de longue durée) pour l’exploration des liens entre mortalité des enfants et migrations en milieu rural. La corrélation observée entre les migrations de courte durée et la mortalité infanto-juvénile est très significative et robuste quelle que soit l’unité utilisée pour la mesurer (concession ou ménage), contrairement à ce qui a été observé pour les migrations de longue durée, plus rares. On pourrait donc peut-être considérer que les migrations de courte durée sont un mécanisme permettant d’améliorer le bien-être des enfants dans les villages ruraux, ou au moins de réduire la mortalité des enfants de manière significative. Il est intéressant de noter une corrélation négative et significative entre la mortalité des enfants dans un ménage donné et les migrations de courte durée dans d’autres ménages faisant partie de la même concession (même si cet effet potentiel est atténué lorsque les migrations de courte durée augmentent aussi en parallèle dans le ménage). Ce résultat pointe des effets croisés entre réseaux familiaux, et va dans le sens des études sur le partage des risques dans les communautés rurales, où les villageois semblent capables de gérer (en partie) les risques auxquels ils font face dans leur propre famille en partageant les ressources ou les soins aux enfants dans le cadre plus large du voisinage (Platteau, 1997 Baland et Platteau, 1998 Fafchamps et Lund, 2003).

42La question du genre a sans doute aussi son importance. La comparaison entre les niveaux relatifs du coefficient de migration des femmes et des hommes d’âge actif corrobore l’hypothèse selon laquelle l’émigration des femmes contribue davantage à réduire la mortalité des enfants. Cette asymétrie dans les effets observés laisse penser que les avantages d’une émigration pour l’économie du ménage se répartissent différemment selon que les migrants sont des hommes ou des femmes. Quand il s’agit d’une femme, les conséquences bénéfiques sur le bien-être de l’enfant sont plus notables. Ce résultat concorde avec les publications sur l’autonomisation des femmes dans les sociétés rurales, qui contribuerait à améliorer le bien-être des enfants, en particulier sur les plans sanitaire et nutritionnel (Sethuraman et al., 2006 Duflo, 2012 Lépine et Strobl, 2013 Imai et al., 2014). Il y a toutefois des exceptions lorsque les femmes participent davantage au marché du travail, en fonction du type d’emploi occupé et de l’âge des enfants (Brauner-Otto et al., 2019).

43Ces résultats montrent également l’effet d’une émigration maternelle de courte durée sur le risque de mortalité de l’enfant demeuré au village. En émigrant, la mère semble améliorer les chances de survie de son enfant, mais pas à tous les âges. L’émigration de la mère pendant sa grossesse réduit le risque de mortalité de son enfant durant ses 12 premiers mois de vie au village. En revanche, si la mère émigre en laissant derrière elle un enfant très jeune (âgé de 0 à 1 an l’année de la migration, c’est-à-dire t−1), le risque de mortalité de ce dernier n’est pas réduit les années suivantes (jusqu’à ses 3 ans) mais tend au contraire à augmenter, comme Yabiku et al. (2012) l’ont montré, sans faire cependant la part des effets respectifs des migrations de courte durée et de longue durée.

44On peut en tirer plusieurs explications. Tout d’abord, la littérature consacrée à l’économie du développement montre que les envois de fonds des émigrés sont le premier facteur de développement (Stark et Lucas, 1988 Lucas, 1997). Les membres du ménage qui émigrent, en particulier pour travailler, envoient de l’argent susceptible d’accroître le bien-être de l’ensemble de la famille, notamment en améliorant les apports nutritionnels des jeunes enfants ou leur accès aux soins, voire les deux. Il est tout à fait concevable que cela puisse se traduire par une diminution de la mortalité des enfants à l’échelle du ménage. Le fait que ces envois aient aussi des effets positifs sur les ménages entretenant des relations étroites avec le ménage concerné n’est pas surprenant non plus. De nombreux auteurs comme Fafchamps (1992), Harrower et Hoddinott (2005) et Park (2006) estiment que les chocs liés, par exemple, à des problèmes de santé sont assurés par des réseaux de partage des risques, et que l’argent envoyé grâce aux revenus du travail fait office de mécanisme d’indemnisation quand un choc négatif se produit (Lucas et Stark, 1985 Stark et Lucas, 1988 Stark, 1999 ; Gertler et Gruber, 2002). Un autre mécanisme pourrait être en jeu, à savoir l’amélioration des pratiques en matière de soins maternels (Elo, 1992 Lindstrom et Muñoz-Franco, 2006), en particulier chez les femmes en âge de procréer et de travailler. Pendant leur émigration, ces femmes peuvent bénéficier d’un meilleur suivi obstétrical et adopter de meilleures pratiques périnatales, qui sont plus facilement accessibles en ville et seront potentiellement bénéfiques pour leurs enfants restés au village. En revanche, l’effet de l’émigration sur les jeunes enfants ne l’est pas. L’absence de la mère peut réduire le temps passé à prodiguer des soins à son enfant, et ainsi accentuer les difficultés psychologiques et la modification des pratiques alimentaires chez l’enfant concerné (Nguyen, 2016). Tels sont les mécanismes qui expliquent le plus vraisemblablement la relation complexe que ces régressions ont établie.

45Bien que cette étude permette de formuler des conclusions pertinentes, certaines de ses limites pointent de nouvelles pistes de recherche. Premièrement, elle n’analyse pas explicitement les mécanismes par lesquels les effets des migrations jouent sur la probabilité de survie, comme dans le cas des envois de fonds et des pratiques de soins. Une telle analyse exigerait de disposer d’enregistrements fiables sur les flux d’envois de fonds reçus par les ménages, éléments que la base de données de Niakhar ne couvrait pas jusqu’à maintenant. En outre, la variable relative à l’état de santé des enfants pourrait être plus spécifique. En effet, le continuum entre bonne santé et décès doit être analysé. Bien qu’ayant utilisé la mortalité infanto-juvénile, qui est une conséquence importante et un événement pour lequel on dispose de données abondantes, les publications sur l’économie du développement montrent que la qualité de la santé des enfants est un facteur de progrès important dans les domaines de l’éducation et de l’économie. Une deuxième limite de l’étude réside peut-être dans la nature de la relation économétrique entre migrations et mortalité des enfants : la corrélation pourrait ne pas impliquer de lien de causalité. Bien que l’utilisation d’un modèle à effets fixes et variables décalées permette de neutraliser l’endogénéité et de traiter les problèmes de sélection, il serait tout de même possible de considérer que la mortalité des 0-5 ans pendant l’année t est liée aux migrations de l’année t−1 en raison d’un problème de santé (biais) préexistant chez l’enfant concerné durant l’année t−1. En d’autres termes, les familles à court de ressources financières pourraient avoir décidé d’émigrer l’année t−1 parce que leur enfant était malade à ce moment-là (causalité inverse). Toutefois, étant donné que les principales causes de mortalité des enfants dans la région sont les maladies infectieuses (Delaunay et al., 2001), le risque d’un effet de causalité inverse sur les variables relatives à l’émigration est réduit [16]. De plus, quand un enfant est malade, la personne qui émigre est généralement le père ou un proche afin d’aider financièrement la mère. Par conséquent, les résultats concernant les migrations maternelles devraient tenir compte de ce problème de sélection de manière appropriée.

46Il serait par ailleurs intéressant d’élargir le champ de cette étude en y intégrant le rôle des migrations paternelles et en examinant les conséquences à long terme des migrations sur d’autres aspects de la santé des enfants, à la fois au sein de la famille et dans un périmètre plus étendu. Cela apporterait un complément utile aux travaux déjà publiés sur les migrations et la santé des enfants dans les zones rurales d’Afrique subsaharienne.


Annexes

A. Tendances de la migration à Niakhar, 1984-2013

Figure A.1. Taux de migrations de courte durée (%)

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Figure A.1. Taux de migrations de courte durée (%)

Figure A.2. Nombre de déplacements de longue durée

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Figure A.2. Nombre de déplacements de longue durée

Figure A.3. Décès d’enfants de moins de 5 ans pour 1 000 naissances par sexe, Niakhar 1998-2013

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Figure A.3. Décès d’enfants de moins de 5 ans pour 1 000 naissances par sexe, Niakhar 1998-2013

B. Migrations de longue durée et mortalité des enfants

47Le tableau B.1 présente les estimations issues de l’équation [4] qui utilise les migrations de longue durée comme principale variable indépendante. Les coefficients observés ne sont pas significatifs ; il n’y a pas assez d’éléments pour établir une corrélation, au niveau du ménage, entre migrations de longue durée en année t−1 et mortalité infanto-juvénile en année t.

Tableau B.1. Migrations de longue durée au niveau des ménages et des concessions, mortalité des enfants au niveau du ménage, Niakhar, 1998-2013

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Tableau B.1. Migrations de longue durée au niveau des ménages et des concessions, mortalité des enfants au niveau du ménage, Niakhar, 1998-2013

C. Analyse de sensibilité : modèles logistiques et régressions de Poisson

48Dans le tableau C.1, la variable dépendante de la régression logistique est une variable binaire pour la mortalité des enfants (égale à 1 quand au moins un enfant de moins de cinq ans est décédé dans le ménage ; égale à 0 sinon). Dans la régression de Poisson, la variable dépendante est le nombre d’enfants de moins de cinq ans décédés dans le ménage au cours d’une année donnée. En outre, du fait de problèmes de convergence, l’effet fixe « village x année » n’a pas été inclus dans le modèle logistique. Les conclusions sont identiques et confirment les résultats obtenus avec les modèles de probabilité linéaire (tableau 5).

Tableau C.1. Migrations de courte durée au niveau du ménage et mortalité infantile

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Tableau C.1. Migrations de courte durée au niveau du ménage et mortalité infantile

D. Analyse de survie

49Le tableau D.1 présente les estimations de l’effet des migrations maternelles sur la mortalité infantile obtenues à partir d’une analyse de survie. En l’espèce, l’équation utilisée était la suivante :

50\(\begin{equation} \log \left(h_{\text {imt }}\right)=\mu_{\text {imt }}+\beta \text { MigCourte }_{m}+\theta \mathrm{X}_{m v} \end{equation}\)

51où log(himt) est le taux d’échec conditionnel, c’est-à-dire le taux instantané de mortalité où un enfant i sélectionné de manière aléatoire, né d’une mère m, est survivant l’année t–1 et décède l’année t. La variable indépendante principale est MigCourtem, qui représente tous les déplacements de courte durée de la mère un an avant l’entrée de l’enfant dans l’étude et juste avant sa date de sortie. \(\begin{equation} X_{m v} \end{equation}\) est le vecteur des autres variables de contrôle.

52Il ressort des résultats que, pour les enfants de moins d’un an, il existe une association négative et significative entre les migrations de courte durée de la mère et la probabilité instantanée d’un décès infanto-juvenile, indiquant que ce type de migration tend à réduire la mortalité des enfants. Quand l’enfant a entre 1 an et 4 ans, on observe des relations variables mais aucune n’est statistiquement significative.

Tableau D.1. Effets des migrations maternelles sur la mortalité des enfants, selon l’âge de l’enfant, Niakhar, 1998-2013

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Tableau D.1. Effets des migrations maternelles sur la mortalité des enfants, selon l’âge de l’enfant, Niakhar, 1998-2013

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Mots-clés éditeurs : migrations de longue durée, mortalité infanto-juvénile, Sénégal, Niakhar, migrations de courte durée

Date de mise en ligne : 12/11/2021

https://doi.org/10.3917/popu.2102.0359

Notes

  • [1]
    Les taux d’attrition sont uniquement liées aux décès ou émigrations définitives de la région. Les migrants de longue durée et leur statut sont clairement identifiés dans cette base de données.
  • [2]
    Comme les migrations de courte et de longue durée ont commencé à s’intensifier dans la région de Niakhar en 1998 (figures annexes A.1 et A.2), c’est l’année retenue comme point de départ. L’étude s’arrête en 2014, car les données pour 2015 et au-delà n’étaient pas disponibles au moment de la rédaction de cet article.
  • [3]
    Pour être considéré comme résidant à Niakhar, il faut vivre dans la région pendant au moins un an. Il existe des exceptions pour les travailleurs saisonniers qui étaient résidents auparavant et continuent de passer au moins un mois par an dans la région ; pour les travailleurs ayant un conjoint et des enfants dans la zone et se rendant dans leur famille au moins deux fois par an ; et pour les étudiants dont les parents résident dans la région.
  • [4]
    Le terme « non-migrant » ne renvoie pas forcément aux personnes n’ayant jamais émigré mais aux membres d’un ménage n’ayant pas émigré pendant une année donnée.
  • [5]
    Contrairement au modèle d’analyse des données de survie, le modèle de probabilité linéaire est transposable à tous les niveaux d’analyse (individu, ménage, concession).
  • [6]
    Le nombre d’enfants âgés de 0 à 5 ans dans le ménage est déduit de l’effectif de la fratrie de l’enfant i. La fratrie se compose des enfants nés de la même mère mais comprend également les enfants qui ont été confiés à la garde d’un parent membre du ménage (mère, autre femme, chef du ménage, etc.).
  • [7]
    L’âge en année t est l’âge de l’enfant à la fin de l’année t.
  • [8]
    Ces valeurs positives semblent montrer que les absences prolongées ont des effets défavorables sur le bien-être de l’enfant, au moins au niveau de la concession. Bien qu’il s’agisse d’événements (exceptionnellement) rares, ils pourraient être juste révélateurs de l’extrême fragilité de l’unité. En outre, avec d’autres spécifications examinées dans la section III.2, les résultats de régressions du tableau annexe B.1 n’indiquent aucune association significative entre migrations de longue durée et mortalité des enfants.
  • [9]
    Les ménages individuels comptant un grand nombre de membres équivalent à une concession et représentent 41 % de l’échantillon.
  • [10]
    Se concentrer sur les concessions composées d’un ménage unique réduit considérablement la taille de l’échantillon, ce qui peut avoir des incidences sur les estimations. Néanmoins, ces concessions présentent des caractéristiques qui pourraient expliquer la non-significativité. Par exemple, les ménages uniques qui les constituent n’ont pas la possibilité de confier leurs enfants à la garde de ménages voisins, de sorte que les migrations pourraient avoir des effets hétérogènes sur la survie des enfants.
  • [11]
    Toutefois, quand des déplacements de courte durée ont lieu simultanément au niveau des ménages et des concessions, le coefficient positif et significatif du terme d’interaction entre eux indique un effet global moins important que la somme de leurs deux effets séparés.
  • [12]
    L’indice de pauvreté fondé sur les biens de consommation a été construit suivant la méthodologie décrite par Andersson (2014).
  • [13]
    On a inclus des informations sur les migrations de courte durée de membres du cercle familial (tableau 6, colonne 4) et des variables de contrôle pour les variables inobservables (maternités, par exemple) en utilisant des effets fixes croisés avec le village.
  • [14]
    Les enfants sont considérés comme âgés de 1 an quand ils sont observés en année t et que leur mère est partie l’année t–1, alors qu’ils avaient entre 0 et 11 mois.
  • [15]
    Si on prend en compte le nombre total de jours passés par la mère hors du village plutôt que le nombre total de déplacements, les conclusions sont identiques : une augmentation du nombre de jours est associée à une augmentation des chances de survie pendant les 12 premiers mois de la vie de l’enfant. En revanche, si ce nombre de jours augmente quand l’enfant a moins d’un an, la mère réduit les chances de survie de son enfant à 1 an et 2 ans.
  • [16]
    Le paludisme et le choléra sont des maladies soudaines et aiguës, ce qui limite le lien entre l’état de santé de l’enfant durant l’année t–1 et son risque de mortalité pendant l’année t.

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