Notes
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[1]
Ce nombre est à rapporter à celui des quelque 8 millions de Français mobilisés entre 1914 et 1918, dont 1,8 million de jeunes gens nés entre 1894 à 1899 (Boulanger, 2003).
-
[2]
Cette note était probablement méconnue de Galton.
-
[3]
La documentation mise en œuvre contraint à se limiter aux disparitions de noms liées aux décès de soldats ou de civils ayant effectivement obtenu la mention « Mort pour la France ». Les pertes qui seraient imputables aux décès de civils ou de soldats non récipiendaires nous échappent. Elles sont assurément limitées au regard des précédentes. On sait par exemple que les civils ne représentent pas plus de 12 % des décès (Héran, 2014), incluant les débuts de la grippe espagnole.
-
[4]
Pour une synthèse récente sur la question du bilan démographique de la Grande Guerre, cf. Rohrbasser (2014). Sur la question spécifique de la mortalité, la référence reste Vallin (1973, 1984).
-
[5]
Cette affirmation ne résiste pas à une analyse approfondie des données. Le nombre de naissances (vivantes) en France métropolitaine pour la période P1 est de près de 20 000 000 (Daguet, 1995) et les tables de mortalité par génération (Vallin et Meslé, 2001) permettent d’estimer le nombre des survivants en 1971 pour les générations nées entre 1891 et 1915 à environ 8 700 000. Or le nombre des naissances recensées dans le fichier pour cette période est de 10 500 000. Le fichier de l’Insee intègre donc à coup sûr des personnes qui n’étaient plus vivantes en 1972 (donc parmi elles, certainement des Morts pour la France).
-
[6]
Ces chiffres sont assurément des sous-estimations des valeurs réelles en raison du caractère non exhaustif du fichier Insee.
-
[7]
Ce fichier est toujours « vivant » : les familles peuvent aujourd’hui encore demander l’attribution de la mention pour des ascendants qu’elles estimeraient injustement oubliés et dont le décès peut être directement imputable au conflit.
-
[8]
État de la base MPF au moment de sa mise à disposition au 19/04/2013.
-
[9]
Ont été considérés comme « doublons » les enregistrements correspondant à des MPF présentant le même nom (de famille), les mêmes prénoms, la même date et le même lieu de naissance qu’un autre MPF.
-
[10]
Le mot « classe » est ici employé dans son acception militaire : une classe (de recrutement) correspond à tous les hommes ayant atteint l’âge de 20 ans révolus et inscrits sur les tableaux de recensement. Pour les MPF, il conviendrait de distinguer classe de recrutement et classe de mobilisation, qui peuvent ne pas être identiques. L’information relative à cette (ou ces) classe(s) a été consignée sur les fiches individuelles des soldats ayant obtenu la mention, mais elle n’a pas été informatisée.
-
[11]
Le calcul a été effectué en rapportant le nombre de MPF de la classe considérée au nombre de mobilisés tel qu’il est indiqué dans Les archives de la Grande Guerre, tome VII, no 19, tableaux B p. 45 et C p. 47.
-
[12]
Un tel choix conduit à une moindre variété des graphies et donc, mécaniquement, à une diminution de la diversité des stocks patronymiques. Les (autres) erreurs de transcription ont un effet sur cette diversité plus difficile à estimer (réduction ou augmentation).
-
[13]
La figure 3B a également été faite sur la base des générations communes aux deux fichiers (1891-1910) sans que cela ne modifie significativement son allure : la corrélation entre les valeurs départementales du potentiel patronymique obtenues à partir du champ retenu et celles obtenues sur la base des générations communes est supérieure à 0,95.
-
[14]
Les documents exploités (cf. infra note 16) indiquent « nombre d’enfants par famille », mais les recensements de population observent des ménages, de sorte qu’il convient de parler de « nombre d’enfants par ménage ».
-
[15]
Idéalement, il faudrait disposer du nombre d’enfants par père (transmettant son patronyme), mais on peut raisonnablement supposer que ce nombre n’est pas suffisamment différent du nombre d’enfants par ménage pour engendrer un biais majeur dans l’estimation du vecteur pk .
-
[16]
Les données exploitées sont accessibles sous forme de fichiers électroniques sur le site du Centre de Recherches Historiques de l’EHESS (enquête « La Statistique générale de la France », présentation Béaur et Marin, 2011).
-
[17]
Le Territoire de Belfort, qui correspond à la seule partie de l’Alsace et du Haut-Rhin restée à la France après la défaite de 1871, n’a été créé qu’en 1922. Il est néanmoins possible, à partir de la commune de naissance des MPF, de réaffecter à ce département les personnes qui y ont vu le jour, ce qui permet de le prendre en compte dans les calculs. Cette réaffectation a posteriori a été faite au moment de l’informatisation des données, puisqu’un certain nombre de MPF sont bien recensés comme nés dans ce département.
-
[18]
18 Seules les données de 1886, telles qu’elles sont consignées dans les relevés originaux, et réutilisées par Chervin (Chervin, 1888), ne semblent pas comporter d’erreurs manifestes. Celles de 1891 et 1896 sont assurément fausses pour plusieurs départements, avec des valeurs aberrantes pour les Landes en 1891, l’Ille-et-Vilaine, la Meuse et l’Yonne en 1896, valeurs qui ont alors été corrigées et remplacées par la moyenne interdépartementale.
-
[19]
Le vecteur p change au fil des générations. Nous n’avons néanmoins pas tenu compte de son évolution faute de données disponibles suffisamment fiables pour pouvoir intégrer cette information. L’estimation retenue repose sur la moyenne des trois recensements (1886, 1891 et 1896). On observe en outre que les corrélations entre les trois séries de valeurs départementales sont très élevées, ce qui suggère une évolution assez lente du vecteur p à la fin du xix e siècle.
-
[20]
On aurait certainement pu imaginer d’autres modèles, prenant en compte l’âge au décès du MPF et leur âge (possible pour les uns, réel pour les autres) à la paternité, mais sauf à reprendre les histoires individuelles de chacun – ce qui était évidemment impossible –, nous avons opté pour des « itérations » plausibles.
-
[21]
La cohorte [1891-1900] a été définie a priori, de façon à être en accord avec les bornes chronologiques de la période P1 du fichier Insee [1891-1915] (figure 2). D’autres discrétisations ont été tentées, qui ne modifient que marginalement les résultats.
-
[22]
Cf. supra et note 5.
-
[23]
Comme les enfants nés pendant la guerre d’un père MPF étaient âgés de 54 à 58 ans en 1972, ils pouvaient être encore vivants à cette date et leur nom peut donc figurer dans le fichier Insee.
-
[24]
La distinction est difficile à faire entre les noms disparus en raison de la guerre de 1914-1918 et ceux disparus, par exemple, à cause des épidémies. Si la grippe espagnole (1918-1920) a pu avoir un impact, son effet sur la disparition des patronymes reste difficile à évaluer pour la France, notamment à l’échelle départementale (sur cette épidémie, voir Darmon, 2000 ; Lahaie, 2011 ; Vagneron, 2015). La difficulté est la même pour la typhoïde en 1914-1915.
-
[25]
Pour une synthèse récente sur la question du bilan démographique de la Grande Guerre, cf. Rohrbasser (2014). Sur la question spécifique de la mortalité, la référence reste Vallin, (1973, 1984).
-
[26]
Dans le fichier MPF dont nous disposons (état de la base au 19/04/2013), on recense (au moins) 35 femmes : il ne s’agit évidemment pas de femmes soldats puisqu’il faut attendre la loi du 11 juillet 1938 pour voir des femmes intégrées dans l’armée française. Ces femmes – certaines d’entre elles étaient infirmières – font partie des victimes civiles à qui la mention a été octroyée, mais leur nombre est dérisoire au regard de celui des hommes.
-
[27]
Sur les débats autour de la question de l’inégale contribution régionale à l’effort de guerre, cf. notamment Loez et Mariot (2014) et Gilles et al. (2014).
-
[28]
Pour la plupart des départements correspondant aux frontières de 1871, nous disposons de données couvrant l’ensemble de la période grâce aux volumes de l’Annuaire statistique de la France (désormais ASF) et/ou aux fichiers mis à disposition sur les sites du CRH et de l’Insee (note 16). Quelques corrections mineures – correspondant à des incohérences repérées ou à des valeurs erronées détectées par comparaison entre fichiers ou avec les volumes de l’ASF – ont été apportées ; et quelques valeurs manquantes ont été estimées par ajustements divers.
-
[29]
En l’absence de tables de mortalité départementales pour les générations de la fin du xix e siècle, il n’est pas possible de rapporter ce nombre des MPF originaires d’un département donné au nombre estimé des hommes encore vivants dans le département au moment du déclenchement du conflit. Les valeurs (%) calculées sont donc très inférieures au poids des pertes véritables dans la population des « survivants » en 1914. François Héran (2014) précise ainsi qu’à l’âge de 20 ans, 72 % de la génération masculine née en 1894 avait survécu à la mortalité infantile et juvénile alors que « 25 ans plus tôt, la génération née en 1869 avait déjà perdu 37 % de ses effectifs [au même âge] ».
-
[30]
Comme d’autres, le choix de cette option n’est pas neutre. Nous le privilégions car il semble le plus cohérent au regard de la question posée sur les pertes patronymiques et des matériaux disponibles pour y répondre (fichier MPF et fichier Insee des patronymes).
-
[31]
La Grande Guerre fut à l’origine de la création des régions : des groupements économiques régionaux, dits « régions Clémentel », furent institués en 1919, largement appuyés sur des regroupements de chambres de commerce.
-
[32]
La comparaison des résultats entre départements montre que l’impact de la correction (application de la formule [3]) est faible, bien que significative (p < 0,001), avec une corrélation entre les mesures départementales avec et sans corrections restant très élevée (r = 0,99).
-
[33]
Cette fréquence correspond au p 0 de la formule [1]. La corrélation linéaire entre les valeurs par département de la proportion de disparitions attendues de patronymes (sous le modèle GW) et les valeurs de p 0 est r =0,93. La corrélation est encore de r =0,56 si l’on considère la fréquence des ménages ayant un enfant seulement.
-
[34]
La surreprésentation des hapax dans le fichier MPF reste difficile à interpréter. Elle pourrait résulter d’un nombre important d’erreurs de transcription dans la saisie informatique initiale des noms. On observe par exemple que la part des noms doubles est beaucoup plus forte dans le fichier MPF que dans le fichier Insee. Le fichier numérique que nous avons exploité mentionne par ailleurs des noms de MPF qui ne sont à l’évidence pas de réels patronymes.
-
[35]
Corrélations linéaires valant respectivement r = 0,92 et r = 0,86. L’effet spécifique du département de la Seine sur ces corrélations est fort puisqu’elles tombent respectivement à r = 0,76 et r = 0,69 quand il est exclu.
-
[36]
Parmi ces noms disparus, on recense une part importante de noms doubles (près de 15 % des disparitions alors que ce type de noms ne représente que 5 % environ du corpus des noms des MPF et 6 % du fichier des patronymes de l’Insee).
-
[37]
Les autres éventuels homonymes contemporains, qu’ils soient ou non apparentés à ces MPF, n’ont en tout cas assurément pas eu de descendance – ou une descendance qui n'a pas survécu au-delà de 1971 –, en cas contraire leur nom serait présent dans le fichier Insee.
-
[38]
Ceux qui ont disparu, bien que portés par 3 MPF, sont au nombre de 20 : Boucaine, Codaccionni, Gamee, Goanach, Gossegin, La Bouere, Le Dicabel, Le Porcq, Leblevec, Legouvello de la Porte, Lesolec, Luzj, Marchetay, Martruc, Pasquau, Prost Toulland, Rohfristch, Roumas Bertranine, Schoonhere et Sourseau. Et encore faut-il compter avec des disparitions incertaines : les graphies “Codaccioni”, “Le Blevec” et “De la Bouere” sont par exemple attestées dans le fichier Insee.
-
[39]
Celles qui ont été décimées partageaient leur patronyme avec d’autres hommes dans la population. Il y en a assurément, même si leur nombre précis reste à déterminer car l’identité patronymique n’est pas un élément de preuve suffisant d’un lien généalogique direct, y compris pour des naissances enregistrées sous un même nom au sein du même département.
-
[40]
Sur le concept de géohapax, cf. Chareille et Darlu (2013).
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[41]
On observe également une forte corrélation entre le nombre de disparitions attendues de patronymes sous GW et le nombre d’hapax par département (r = 0,97) ou de géohapax par département (r = 0,80). Les disparitions estimées par GW sont bien corrélées à ces indicateurs.
1 Chaque commune de France a son monument aux morts déclinant les patronymes des morts de la Grande Guerre. Des centaines de milliers de noms de famille y ont été gravés afin de rester dans l’histoire nationale, bien que certains aient disparu avec leurs porteurs défunts. L’enjeu de cet article est d’estimer l’ampleur de ces disparitions de noms provoquées par les très nombreuses pertes humaines de la Première Guerre mondiale, à partir de la comparaison de deux bases de données, celle des Morts pour la France et le fichier des patronymes de l’Insee. Quelle part des noms de familles a effectivement disparu ? Quelles sont les régions les plus concernées par ces pertes patronymiques ?
2 La guerre de 1914-1918 a été particulièrement meurtrière. Les pertes, bien qu’essentiellement militaires, ont été considérables. Le nombre de morts parmi les seuls incorporés de l’armée française s’élève à environ 1,5 million (Héran, 2014) [1]. En même temps que disparaissaient ces hommes, certains noms de famille s’éteignaient avec eux. L’ampleur de cette extinction, donc celle de la diminution du stock patronymique français imputable au conflit, est une question qui n’a pas attiré l’attention des chercheurs. Il est vrai qu’elle peut paraître dérisoire au regard de la tragédie que représente l’hécatombe de la Grande Guerre.
3 Dès le milieu du xix e siècle, la question de la disparition des noms de famille préoccupait démographes et mathématiciens. À l’époque, c’était la crainte de voir les familles des classes supérieures disparaître peu à peu au profit des familles des classes inférieures démographiquement plus prolifiques qui motivait les recherches sur ce sujet. L’argument fut particulièrement mis en avant par Sir Francis Galton dans sa réflexion eugéniste sur la dégénérescence de la race. En 1875, il jetait avec le mathématicien Henri William Watson (Galton et Watson, 1875) les bases de la solution d’un problème déjà abordé en 1845 par Irénée-Jules Bienaymé [2] :
« On s’est beaucoup occupé de la multiplication possible du nombre des hommes ; et récemment diverses observations très curieuses ont été publiées sur la fatalité qui s’attacherait aux corps de noblesse, de bourgeoisie, aux familles des hommes illustres, etc. ; fatalité qui, dit-on, ferait disparaître inévitablement ce qu’on a nommé des familles fermées » (Bienaymé, 1845).
5 Et répondait au défi lancé en 1873 par Alphonse de Candolle en ces termes :
« Évidemment tous les noms doivent s’éteindre […]. Un mathématicien pourrait calculer comment la réduction des noms ou titres aurait lieu, d’après la probabilité des naissances toutes féminines ou toutes masculines ou mélangées et la probabilité d’absence de naissance d’un couple quelconque » (De Candolle, 1873).
7 Au-delà des formulations mathématiques, le bon sens suffit pour comprendre que les familles ayant un seul enfant ont moins de chances de transmettre leur nom que celles qui sont plus prolifiques.
8 L’objectif de ce travail est de proposer, en tenant compte de possibles disparités départementales, une estimation du nombre de noms disparus du fait de la Grande Guerre [3]. Si la plupart des travaux consacrés aux conséquences démographiques du conflit [4] soulignent la « rupture dans les comportements et les pratiques individuels » (Faron, 2002), nous n’entendons pas explorer ici celle qui a pu affecter les pratiques anthroponymiques, même si l’on sait tout le profit qu’il est possible de tirer des approches socio-anthropologiques pour l’analyse des comportements familiaux, des pratiques sociales ou culturelles. C’est bien l’impact de la guerre sur le stock patronymique français qui est au cœur de ce questionnement.
9 Après une présentation des données exploitées, tirées du fichier Insee des patronymes et du fichier des Morts pour la France (MPF), nous reviendrons sur le modèle de Galton- Watson et les problèmes que pose son application à l’étude de l’extinction des noms de famille. Ce modèle nécessite en effet de prendre en compte différents paramètres : la distribution du nombre de garçons par ménage, le nombre d’hommes susceptibles de transmettre leur nom, la fréquence des noms eux-mêmes (puisqu’un nom rare a une probabilité plus grande de disparaître qu’un nom fréquent). À partir de ce modèle, nous proposons pour chacun des départements français (territoire de 1871 qui correspond au territoire actuel sans la Moselle, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin) et pour la France entière une estimation du nombre de patronymes dont l’extinction peut être considérée comme « naturelle » (résultant du seul hasard de la reproduction, fût-elle socialement ou géographiquement différenciée). Cette estimation sera alors comparée au nombre de patronymes inscrits dans le fichier des Morts pour la France (MPF) mais absents du fichier Insee des patronymes. La discussion portera sur la géographie des pertes patronymiques, sa comparaison avec celle des pertes humaines, la sensibilité du modèle GW aux différents paramètres, et les difficultés que pose l’évaluation des disparitions réellement imputables au conflit.
I. Les données exploitées
10 Cette étude s’appuie sur l’exploitation statistique de deux fichiers informatiques : le fichier des patronymes, fourni par l’Insee, et le fichier des « Morts pour la France », fourni par la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense.
1. Le fichier Insee des patronymes
11 Le fichier Insee des patronymes (Insee, 1985) est une référence classique pour le traitement des questions liées aux noms de famille. Il fournit en effet, pour chaque commune de France métropolitaine, le nombre de naissances enregistrées par patronyme pour différentes périodes, notamment les périodes P1 [1891-1915] et P2 [1916-1940] utilisées pour ce travail.
12 Si ce fichier constitue actuellement la source la plus complète sur le sujet, il n’est toutefois pas exhaustif. Il est en effet supposé ne concerner que les personnes encore vivantes en 1972. C’est en tout cas ce qu’annonce l’Insee, producteur du fichier, dans sa présentation [5]. Quoi qu’il en soit, ce fichier permet de fournir des estimations du nombre de noms différents recensés par département et du nombre de naissances enregistrées [6].
2. Le fichier des « Morts pour la France »
13 La mention « Mort pour la France », instituée par la loi du 2 juillet 1915 (modifiée en 1922), est une mention officielle portée à l’état civil (en marge des actes) ; elle fait l’objet des articles L.488 à L.492bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Elle ne concerne à l’origine que des militaires tués au combat ou morts suite à des blessures de guerre. Le fichier des récipiendaires [7] (fichier MPF) utilisé pour ce travail comporte à la fois le nom et le prénom des morts, leur date et leur département de naissance. Les informations relatives à la commune de naissance, à la date et la cause du décès, pourtant disponibles dans les fiches individuelles des soldats ayant obtenu la mention, n’ont pas fait l’objet d’une informatisation systématique et ne sont donc pas exploitées ici.
14 Le fichier originel fourni par la DMPA comptait 1 343 377 enregistrements [8]. Mais n’ont été retenus pour ce travail que les morts pour la France nés en métropole (dans les frontières de 1871). Le fichier a également été expurgé des doublons [9]. Après « nettoyage », ce sont quelque 1 211 523 MPF correspondant à un stock patronymique de 179 037 noms qui constituent le fichier « utile ».
Distribution des Morts Pour la France selon l’année de naissance
Distribution des Morts Pour la France selon l’année de naissance
15 Alors que près de 20 % des soldats mobilisés pendant le conflit ont perdu la vie, la distribution chronologique des naissances des MPF (figure 1) montre que toutes les générations n’ont pas payé le même tribut.
16 Les « classes » [10] les plus touchées correspondent aux générations nées entre 1870 et 1900, et particulièrement les MPF nés entre 1892 et 1895. Pour ces quatre classes, les « Morts pour la France » représentent près de 30 % des soldats mobilisés [11].
3. Les problèmes inhérents à la constitution des fichiers
17 Des erreurs de transcription des noms sont inévitables au moment de la constitution des bases de données informatiques. Certains patronymes consignés dans les fichiers ont subi des déformations – formes de variations plus ou moins aléatoires – par rapport à leur graphie originelle. Des noms ont presque sûrement été artificiellement créés, souvent présents en un petit nombre d’exemplaires, d’autres ont disparu des corpus par effet de standardisation abusive. Sauf à reprendre l’ensemble des documents originaux – ce qui est évidemment hors de portée –, il n’est pas possible d’évaluer le poids exact de ces transcriptions fautives. Pour autant, et bien que cette question soit majeure lorsqu’il s’agit d’évaluer le stock patronymique d’un département, aucune standardisation des noms n’a été entreprise autre que celle imposée par les producteurs des deux fichiers, qui ont opté pour des patronymes écrits en lettres majuscules non accentuées [12]. L’identité de deux transcriptions n’est jamais l’assurance d’une identité patronymique réelle, mais sauf à considérer que les erreurs de transcription ou les effets de la standardisation liée à l’absence d’accentuation sont géographiquement inégalement distribuées, on peut considérer que l’évaluation des stocks patronymiques départementaux, quoique fautive en valeur absolue, reste correcte en valeur relative.
18 Le recouvrement chronologique des deux fichiers exploités, Insee et MPF, dont les origines et les constitutions sont différentes, est imparfait, comme le montre le schéma ci-dessous (figure 2).
19 Ce schéma intègre, outre la chronologie des deux fichiers, les trois recensements utilisés pour déterminer la distribution du nombre d’enfants par ménage (nécessaire pour estimer, au niveau départemental, le nombre de patronymes disparus selon le modèle d’extinction de Galton- Watson).
Chronologie des corpus exploités
Chronologie des corpus exploités
4. La question du potentiel patronymique
20 Pour évaluer la représentativité des données patronymiques du fichier des MPF par rapport au fichier de référence que constitue le fichier Insee des patronymes, les potentiels patronymiques, mesurés comme le nombre de patronymes différents pour 100 personnes (Darlu et al., 1997), ont été calculés par département pour les deux fichiers (figure 3).
21 Que le calcul soit effectué à partir du fichier de l’Insee pour la période P1 [1891-1915] (figure 3A) ou qu’il le soit à partir du fichier des MPF (figure 3B) [13], on observe une même répartition départementale de ces deux estimations (corrélation linéaire r = 0,94). On peut donc considérer que la représentativité du fichier MPF est satisfaisante, du moins du point de vue de cette répartition spatiale. Dans les deux cas, on observe une pauvreté patronymique dans le Nord-Ouest de la France et une richesse plus importante dans le Nord-Est, le Sud-Ouest et les départements maritimes du Sud-Est. On sait que cette distribution spatiale renseigne en creux sur les flux migratoires (par exemple, Darlu et Ruffié, 1992), les régions à fort potentiel patronymique correspondant à celles où les flux d’immigration, qui contribuent à l’apport de nouveaux patronymes, ont été importants à la fin du xix e siècle.
II. Méthodes
22 Lorsque la transmission des noms se fait par voie patrilinéaire, ce qui est le cas en France aux époques qui nous intéressent, la survie d’un patronyme d’une génération à l’autre au sein d’une famille ne peut se faire que si le père a au moins un fils susceptible lui-même de transmettre son nom à la génération suivante. Mais un père ayant deux fils ou plus voit nécessairement augmenter les chances de survie de son patronyme. La modélisation de la disparition d’un nom doit donc nécessairement prendre en compte le nombre de fils par père. C’est le cadre général de la démarche proposée par Galton et Watson pour décrire la disparition des noms de façon itérative au fil des générations. Un tel modèle, classiquement utilisé en dynamique des populations, relève de la théorie des processus de branchement en temps discret. Il est caractérisé par le fait que chaque individu dans la population naît, meurt et se reproduit, ses descendants (en nombre aléatoire) étant à leur tour et de manière indépendante soumis aux mêmes événements.
Potentiel patronymique par département (nombre de patronymes différents pour 100 naissances) (France, frontières de 1871)
Potentiel patronymique par département (nombre de patronymes différents pour 100 naissances) (France, frontières de 1871)
23 La disparition d’un nom dépend également de sa fréquence dans la population de référence. Si le nom est rare, la probabilité de sa disparition sera plus élevée que s’il est fréquent. Il est donc également nécessaire de prendre en compte ces fréquences afin de modéliser la disparition au niveau de la population : c’est ce que nous avons fait en appliquant le modèle aux données des Morts pour la France.
1. Probabilité de disparition d’un nom sous le modèle de Galton- Watson (GW)
Cadre général
24 Soit p0, p1, p2,..., ps,... pp le vecteur p des probabilités pour qu’une personne (généralement un père) transmette son nom à 0, 1, 2, …, s, …, q fils, avec , q étant le nombre maximum de fils par qui le nom peut être transmis.
25 Pour simplifier, nous parlons de transmission de père en fils, situation la plus fréquente, sinon quasiment exclusive en France à la fin du xix e siècle et au début du xx e siècle, de sorte que la probabilité p s correspond à celle d’avoir s fils.
26 Soit x 1 la probabilité de disparition d’un nom de la 1re génération, celle des pères, à la 2e génération, celle des fils.
27 Considérons le cas d’un nom porté par un père. Lorsque le père n’a aucun fils, avec une probabilité égale à p 0, la probabilité de disparition de son nom est égale à x 1 0 = 1. La probabilité de disparition du nom est dans ce cas égale à p0 x10 = p 0.
28 Si ce père n’a qu’un seul fils à qui transmettre son nom, le nom disparaîtra avec une probabilité égale à p1 x11, produit de la probabilité d’avoir un seul fils, p 1, et de celle de le voir ne pas transmettre son nom, x 1 1. S’il a deux fils, cette probabilité de disparition sera égale p2 x21, probabilité d’avoir deux fils, p 2, et que chacun d’eux, indépendamment, ne transmette pas le nom, x 1 . x 1 = x 1 2. Si le père à s fils, la probabilité que le nom disparaisse sera ps xs1 , probabilité d’avoir s fils, p s, et qu’aucun d’entre eux ne transmette son nom, x 1 s. On peut ainsi calculer la probabilité x 2 de voir le nom disparaître à la 2e génération (en fait de la 2e génération, celle des fils, à la suivante) :
30 D’où la formule de récurrence suivante, qui donne la probabilité de disparition à la génération n :
31 La probabilité xn d’extinction d’un nom augmente donc d’une génération à la suivante. Mais la disparition totale ne survient que dans des conditions démographiques particulières. On peut montrer que si l’on en reste à la situation évoquée par Galton et Watson (1875), c’est-à-dire le cas des familles avec un maximum de deux garçons, l’extinction n’est totale qu’à la condition que le rapport . Dans le cas contraire, la probabilité d’extinction converge vers ce rapport (Bacaër, 2011). La situation est beaucoup plus complexe quand on considère un nombre plus élevé d’enfants par famille, car cette convergence dépend de la distribution des p s.
32 Pour calculer une probabilité d’extinction, il faut donc préciser le nombre de « générations familiales » (de pères en fils) pendant lesquelles se poursuit le processus GW. Il faut également disposer d’une estimation du vecteur p.
33 Comme on souhaite, dans le cadre de cette étude, calculer la probabilité d’extinction par département, il faut estimer les valeurs de xn par département (xkn ) à partir d’une estimation du vecteur p par département : pk .
Du nombre d’enfants par famille au nombre de fils par père
34 Les recensements de la fin du xix e siècle fournissent des relevés démographiques donnant, par département et pour la France entière, le nombre d’enfants par ménage [14]. Ils permettent donc d’obtenir une estimation du vecteur pk nécessaire pour calculer les probabilités d’extinction [15]. Malheureusement, les statistiques disponibles pour le vecteur pk ne distinguent pas, dans le nombre d’enfants, le nombre de filles et de garçons. C’est pourquoi, pour connaître le nombre de garçons par ménage, les seuls qui sont susceptibles de transmettre leur nom, les valeurs du vecteur pk tirées des relevés démographiques, ont été corrigées (Brouard, 1989) de façon à obtenir les valeurs du vecteur p qui sont celles de l’équation [1c]. La correction a été faite en supposant que la distribution du nombre s de garçons par fratrie de taille n suit une loi binomiale de paramètres n et g, où g est la proportion habituelle de garçons, soit g = 105/205, supposé le même quelle que soit la taille de la fratrie. La probabilité p s du nombre s de garçons dans une famille de n enfants est ainsi :
35 Les recensements retenus pour cette étude sont ceux de 1886, 1891 et 1896 [16]. Ils précisent, pour les 87 départements métropolitains correspondant aux frontières de 1871 [17], le nombre de ménages n’ayant aucun enfant, 1, 2, 3, … jusqu’à 7 enfants ou plus (les ménages comptant plus de 7 enfants, dont la fréquence est faible, sont ici agrégés avec ceux comptant 7 enfants exactement). Des incertitudes ou erreurs dans les relevés [18], déjà signalées par Bonneuil (Bonneuil, 1989, 1997), nous ont amenés à préférer effectuer les calculs à partir de la moyenne par département des résultats de 1886, 1891 et 1896 (figure 4).
Distribution des départements selon la proportion de ménages comptant 0, 1, 2, …, 7 enfants et plus
Distribution des départements selon la proportion de ménages comptant 0, 1, 2, …, 7 enfants et plus
36 Avec ces données démographiques moyennes et en appliquant le modèle d’extinction de Galton-Watson (équations [1]), il est possible d’estimer les probabilités d’extinction d’un nom pour chaque département k, et de les calculer sur une ou plusieurs générations. Le même travail peut être effectué au niveau de la France entière, en utilisant les données relatives au nombre d’enfants par ménage fournies pour ce niveau d’observation.
2. Application du modèle de Galton-Watson aux données des Morts pour la France
37 L’estimation de la probabilité d’extinction, telle qu’elle est décrite précédemment, considère que, au début de la procédure d’itération, la probabilité qu’un père ait entre 0 et q fils est celle du vecteur p [19]. Mais, dans le cas des MPF, il n’en est rien. De fait, les MPF nés en 1850 avaient certainement achevé leur vie reproductive en 1914 et ont donc pu avoir de nombreux fils, auquel cas l’utilisation du vecteur p est justifiée. En revanche, ceux nés en 1898 n’avaient au plus que 20 ans à la fin de la guerre et n’ont donc très certainement pas eu le temps d’avoir plus de 2 fils. La probabilité que les MPF aient eu entre 0 et s fils dépend donc à la fois de leur année de naissance et de leur année de décès (entre 1914 et 1918). Il faut donc appliquer la formule [1a] conditionnée par l’espérance du nombre maximal de fils, v, qu’ils ont pu avoir durant leur vie. Pour cela, il suffit de remplacer x 2 (probabilité de voir disparaître le nom à la génération 2) par :
38 Ensuite, les descendants de ces pères ont eu la possibilité d’avoir entre 0 et q fils, si bien que la mise en œuvre de la formule [1] permettant de calculer les probabilités pour les générations familiales suivantes peut se faire sans cette troncature.
39 Reste à savoir sur combien de « générations » le processus Galton- Watson (GW) doit être poursuivi, donc combien d’itérations il faut prendre en compte. Comme le fichier utilisé pour identifier les noms des MPF qui ont disparu est le fichier Insee des patronymes, qui ne devrait concerner que des personnes encore vivantes en 1972, il paraît raisonnable de poursuivre ces itérations jusqu’à cette date [20].
40 Les estimations de la probabilité d’extinction ont donc été calculées pour chacune des cohortes de naissance h du tableau 1 ci-dessous, qui propose une correspondance entre l’année de naissance (discrétisée en 4 classes) et le nombre (possible) de « générations familiales » (3 à 5) jusqu’à 1972 [21].
Tableau 1. Correspondance (pour les Morts pour la France) entre les années de naissance, leur découpage en cohortes et le nombre de générations familiales les séparant de 1972
Tableau 1. Correspondance (pour les Morts pour la France) entre les années de naissance, leur découpage en cohortes et le nombre de générations familiales les séparant de 1972
3. Estimation des nombres de noms disparus selon le modèle Galton- Watson
41 La probabilité d’extinction décrite précédemment s’applique à chaque MPF. Elle tient compte de sa cohorte de naissance et du nombre d’itérations. Mais la disparition d’un nom suivant le modèle GW dépend également de la fréquence de ce nom. Elle sera d’autant moins probable qu’il est originellement porté par un grand nombre de personnes. Il faut donc pouvoir connaître le vecteur rk de la proportion des noms représentés une fois, deux fois, …, u fois dans le département k :
42 Plusieurs approches sont possibles pour estimer ce vecteur. La première consiste à calculer le vecteur rk à partir de l’ensemble des noms du fichier Insee sur la première période P1 [1891-1915]. On peut supposer en effet que ces proportions représentent, sans biais majeurs, celles des noms du fichier MPF. La seconde revient à ne considérer que les noms du fichier MPF et à retenir, dans le fichier Insee, le nombre d’occurrences de ces noms pour en déduire le vecteur rk . Cette méthode, qui « colle » le mieux aux noms du fichier des MPF, est celle retenue pour la suite des calculs. Elle ne montre une différence sensible et significative avec la précédente que pour la part des hapax (noms attestés une seule fois dans un corpus), dont la proportion moyenne par département est de 42 % dans le fichier Insee, mais de 57 % dans le fichier MPF (figure 5).
43 Le nombre de noms susceptibles de disparaître selon le processus GW se calcule ensuite par département k de la façon suivante :
44 Soit S k le nombre de patronymes des MPF dans le département k. Seule une partie de ce nombre est susceptible d’avoir disparu sous l’effet du processus GW. Soit D k,h ce nombre par département k et pour la cohorte h :
45Avec la probabilité d’extinction par département k et cohorte h pour les noms du fichier MPF calculée selon la procédure détaillée précédemment. Le premier terme est donc la probabilité de disparition lorsque le patronyme n’est porté que par une personne dans le département k, le deuxième terme quand il est porté par deux personnes, etc.
Proportion moyenne et par département du nombre de noms présents en r exemplaires dans le fichier des MPF et dans le fichier Insee des patronymes
Proportion moyenne et par département du nombre de noms présents en r exemplaires dans le fichier des MPF et dans le fichier Insee des patronymes
46 Si on souhaite une comparaison de bonne qualité entre le fichier Insee et le fichier MPF, il ne faut retenir que la cohorte h = d, celle qui correspond aux MPF nés après 1891. Étant Morts pour la France, donc non vivants en 1972, leur naissance ne devrait a priori pas être consignée dans le fichier Insee.
47 La somme étendue sur les différentes cohortes fournit une estimation du nombre total de noms qui ont pu disparaître sous l’effet GW :
III. Résultats
48 Une procédure informatique a été mise en place pour rechercher les patronymes du fichier des MPF qui manquent dans le fichier Insee. Les 12 489 noms extraits de cette comparaison sont donc des noms qui ont disparu. Ils représentent un peu plus de 7 % des 179 037 patronymes portés par les MPF nés en métropole (frontières de 1871). Mais les causes de ces disparitions sont multiples, car si aucun MPF ne devrait être recensé en tant qu’individu dans le fichier Insee [22], son patronyme peut fort bien s’y trouver. C’est le cas si ce patronyme est porté par de possibles descendants [23] et/ou par un ou plusieurs apparentés collatéraux encore vivants en 1972, ou bien encore s’il est porté par de simples homonymes. Si un nom attesté dans le fichier MPF est manquant dans le fichier Insee, c’est qu’il a disparu :
a. soit par le processus de Galton- Watson, avec un nombre d’itérations qui est celui séparant l’âge à la possible paternité du MPF et la date de 1972 (soit entre n = 3 et 5 selon la cohorte de naissance du MPF, tableau 1). Le modèle décrit précédemment permet d’estimer le nombre de ce type de disparitions ;
b. soit en raison de la guerre, la disparition du nom porté par le MPF résulte de son propre décès ;
c. soit par disparition avant 1972 de tous les possibles porteurs du même patronyme que le MPF, qu’ils soient ou non apparentés avec lui [24].
50 Il faut souligner que seule la cohorte “d” du fichier MPF (naissances entre 1891 et 1900) recouvre la chronologie du fichier Insee (naissances entre 1891 et 1915). Les estimations effectuées sur les noms disparus pour cette cohorte, par ailleurs très bien représentée (41 % des MPF), sont a priori moins biaisées que celles réalisées pour les cohortes correspondant aux naissances antérieures à 1891. Nous avons néanmoins préféré effectuer les calculs en prenant en compte une estimation établie sur une moyenne des probabilités d’extinction calculées pour chaque cohorte (pondérée par le nombre de patronymes correspondant), et appliquer cette probabilité moyenne au nombre total de patronymes. Cette solution permet de prendre en compte le nombre de patronymes différents observé sur l’ensemble des cohortes d’un département, alors qu’un calcul fondé sur chaque cohorte inclurait des patronymes présents dans plusieurs cohortes.
1. Géographie des pertes humaines
51 La question de l’évaluation des pertes humaines imputables à la Grande Guerre a fait l’objet d’études fouillées. Certaines sont anciennes et témoignent de l’attention précoce portée à cette question (Huber, 1931), d’autres participent d’un regain d’intérêt général suscité par les célébrations du centenaire (Sangoï, 1997 ; Winter, 2004 ; Prost, 2008, 2014 ; Héran, 2014 ; Guillot et Parent, 2018). La plupart de ces travaux se sont intéressés aux conséquences démographiques (directes et indirectes) du conflit [25]. Pour la France, néanmoins, les études qui ont envisagé la question sous l’angle d’une analyse de la mortalité différentielle par département restent relativement peu nombreuses. Et celles qui l’abordent en tentant d’estimer l’ampleur des saignées départementales (Festy, 1984 ; Gilles, 2010 ; Loez et Mariot, 2014 ; Gilles et al., 2014) se heurtent à un problème majeur : le fichier des MPF indique bien le département de naissance des récipiendaires, mais le choix de la base de calcul à utiliser pour estimer le poids relatif de ces décès est délicat. Faut-il en effet rapporter le nombre de MPF originaires d’un département à la population de ce département au moment du recensement de 1911, à la seule population masculine [26], ou à la population des hommes mobilisés dans ce département ? Le choix n’est pas simple et il n’est pas neutre. La question est sensible car à l’origine de vifs débats sur le sacrifice supposé de certaines régions dont la contribution à l’effort de guerre aurait été particulièrement forte : les Bretons et les Corses ont ainsi pu être présentés comme ayant payé un tribut plus lourd que d’autres [27]. Toutes les options de calcul sont évidemment défendables, aucune cependant n’est idéale. Nous en avons ici privilégié deux. La première consiste simplement à considérer le nombre de MPF par département (figure 6A). Ainsi évaluées, les pertes semblent globalement assez bien réparties sur le territoire, avec cependant des décès un peu plus nombreux en Bretagne, sur la côte atlantique, dans le nord et le long d’un axe Gironde-Rhône.
52 La seconde option « corrige » le poids brut de ces décès en le rapportant à l’ensemble des naissances masculines correspondant aux générations les plus touchées par le conflit (figure 1). Pour réaliser ce calcul, nous avons utilisé comme valeur de référence départementale le nombre de naissances masculines enregistrées entre 1867 et 1899, ce qui correspond à la mobilisation des soldats des « classes » 1887 (appelée entre mars et août 1916) à 1919 (appelée en avril 1918) [28]-.
53 Cette seconde option conduit à des contrastes territoriaux plus forts : selon les départements, les pertes représentent entre 9,7 % en Vendée et 4,6 % dans les Bouches-du-Rhône des naissances masculines des générations concernées [29] (figure 6B).
Nombre et proportion de Morts Pour la France (MPF) par département (France, frontières de 1871)
Nombre et proportion de Morts Pour la France (MPF) par département (France, frontières de 1871)
54 Ramenées au nombre de naissances par département [30], les pertes (relatives) sont ainsi maximales le long d’une ligne reliant la Loire-Atlantique à la Meurthe-et-Moselle en suivant le cours de la Loire dans sa partie inférieure et sur une bonne moitié de son cours moyen. À l’est et au nord-est du Loiret, ce sont les départements de l’Yonne, de la Seine-et-Marne, et plus largement ceux correspondant aux zones de combats les plus intenses (notamment la Meuse et les Vosges) qui poursuivent cette ligne. Si l’on considère les « régions Clémentel » [31] de 1919, la région de Nantes et celle de Caen (qui correspondent grosso-modo aux pays de Loire et la Basse-Normandie) sont également les zones qui enregistrent les pertes humaines les plus lourdes. Et l’opposition entre le Nord et le Sud du pays est assez nette avec ce mode de calcul, les départements au nord d’un axe reliant la Rochelle à Mulhouse ayant été plus nettement touchés, même si on observe dans le Sud-Ouest des valeurs fortes pour les Landes et le Gers. En revanche, les départements du Sud-Est de la France, et notamment ceux des rives de la Méditerranée, ont visiblement été plus épargnés que d’autres par rapport à leur natalité.
2. Géographie des pertes patronymiques
Les pertes par département
55 Pour chacun des départements, on dispose d’un certain nombre d’indicateurs qui permettent d’estimer le niveau des pertes patronymiques attendues et celui des pertes réelles (tableau annexe).
Proportions (%), attendues et observées, des patronymes disparus par département (France, frontières de 1871)
Proportions (%), attendues et observées, des patronymes disparus par département (France, frontières de 1871)
56 Comme le nombre de noms portés par les MPF est très différent d’un département à l’autre, le nombre de patronymes disparus a été rapporté au nombre total de patronymes de MPF par département. Cette proportion est beaucoup plus élevée pour les patronymes dont la disparition est attendue sous le modèle GW (figure 7A) que pour les patronymes des MPF qui sont absents du fichier Insee (figure 7B). La comparaison a été effectuée à la fois sur la cohorte des MPF dont la naissance aurait dû être enregistrée dans le fichier Insee (cohorte “d”, naissances à partir de 1891) et sur l’ensemble des cohortes pondérées par leurs effectifs (figure 7A), sans que cela ne change radicalement l’aspect des différences entre départements (corrélation linéaire r = 0,99).
57 Évaluées sur la seule base des noms des MPF effectivement absents du fichier Insee (figure 7B), les disparitions de patronymes ne représentent, selon les départements, que 1 % à 8 % du stock. La comparaison des figures 6B et 7B montre par ailleurs que la géographie des pertes humaines est très différente de celle des disparitions effectives de patronymes. Alors que les pertes humaines sont maximales le long du cours moyen et inférieur de la Loire, les pertes patronymiques (observées en comparant les deux fichiers) sont très faibles dans cette région centrale du pays. La Bretagne et la Corse, au « potentiel patronymique » modeste et aux pertes humaines dans la moyenne, enregistrent des pertes patronymiques effectives importantes. Et dans le Pays basque, région de forte immigration à la fin du xix e siècle donc au « potentiel patronymique » élevé, les pertes humaines se situent dans la moyenne nationale alors que les pertes patronymiques sont lourdes au regard de ce qui est observé ailleurs.
58 L’application du modèle GW montre (tableau annexe) que les disparitions patronymiques attendues sont plus élevées pour les cohortes les plus récentes (naissances après 1881) que pour les plus anciennes (naissances avant cette date). C’est un résultat logique puisque les générations les plus anciennes qui ont vécu plus longtemps et ont donc eu davantage l’opportunité de transmettre leurs noms. La cohorte “d” aurait pu perdre, selon le processus GW et en moyenne départementale, 618 patronymes contre seulement 124 pour la plus ancienne (“a”). Ces différences se retrouvent pour les noms MPF effectivement disparus du fichier Insee, mais avec des valeurs plus faibles, les disparitions moyennes étant pour ces deux cohortes respectivement de 59 et 13 patronymes.
59 La formule [3] permet d’exprimer les probabilités d’extinction des patronymes en intégrant le fait que la mort des MPF a mis fin à leur possibilité de transmettre leur nom (leur mort étant survenue avant qu’ils n’aient pu achever leur vie féconde). L’effet de cette correction est plus marqué pour la cohorte “d” (qui correspond aux plus jeunes des MPF, ceux nés après 1890 et dont la descendance a été probablement tronquée) [32]. Selon les départements, l’estimation du nombre de disparitions patronymiques attendues se situe entre 1,1 et 1,3 fois ce qu’elle aurait été si les MPF n’étaient pas morts et donc s’ils avaient conservé toutes les opportunités de transmettre leur nom. Ainsi estime-t-on par exemple le nombre attendu de disparitions de noms pour le département de l’Eure à 1 347 quand la correction (formule [3]) est appliquée (1 257 sans la correction) ; ce nombre est de 344 pour la Corse (273 sans la correction) ; il est de 10 178 pour la France entière (8 929 sans la correction).
60 La figure 7A montre aussi que les disparitions attendues de patronymes (sous le modèle GW) sont très variables d’un département à l’autre (tableau annexe) : les valeurs les plus fortes se situent dans les régions du nord de la France et particulièrement autour de la Normandie, mais également dans le Sud-Est. Cette variabilité n’est pas imputable au modèle lui-même mais bien aux réalités démographiques contrastées : le nombre total de patronymes différents, la distribution du nombre d’enfants par ménage (en particulier la proportion de ménages sans fils ou avec un seul fils), l’espérance du nombre de fils possibles pour un père selon ses dates de naissance et de mort, sont très différents d’un département à l’autre.
61 Ces disparitions attendues sont directement liées à la façon dont est construite leur évaluation : leur nombre est en effet fortement corrélé à la fréquence des ménages n’ayant aucun enfant [33] (figure 8). Dans la mesure où ce sont les ménages sans enfant (ou avec un petit nombre d’enfants) qui ont les probabilités les plus élevées de voir disparaître leur nom, ce résultat est logique.
Relation entre la proportion de patronymes des Morts pour la France dont la disparition est attendue selon le modèle GW et la proportion de ménages sans enfant (%), par département
Relation entre la proportion de patronymes des Morts pour la France dont la disparition est attendue selon le modèle GW et la proportion de ménages sans enfant (%), par département
62 Mais si l’on compare les disparitions patronymiques attendues sous GW avec le nombre de patronymes du fichier MPF réellement absents du fichier Insee, on est surpris de constater que le nombre de disparitions effectives (patronymes manquants dans le fichier Insee) est très inférieur pour presque tous les départements à ce que prédit le modèle GW (tableau annexe). Plusieurs explications peuvent être avancées :
63 a. Il y a – nous l’avons signalé – plus de naissances inscrites dans le fichier Insee pour la période 1881-1915 qu’attendu. Il n’est donc pas impossible d’imaginer que des Morts pour la France, et donc leurs patronymes, figurent parmi cet excédent.
64 b. L’estimation du vecteur rk (équation [4]) des fréquences des noms représentés 1, 2, …, u fois (équation [5]) dans la population des MPF est possiblement biaisée par la surestimation r k,1 des noms présents en un seul exemplaire parmi les MPF (figure 5) [34]. Or le poids des noms portés par un petit nombre d’individus – et donc notamment celui des hapax – est important dans l’estimation du nombre des disparitions attendues sous GW.
65 c. Les évaluations du nombre des disparitions attendues sous GW et du nombre des patronymes du fichier MPF absents du fichier Insee sont faites par département. Or un nom peut disparaître d’un département sans nécessairement disparaître de l’ensemble du corpus national. On peut ainsi imaginer que certains des patronymes dont la disparition est attendue sous GW dans un département restent présents dans d’autres, que les porteurs du nom soient apparentés (frères, cousins, oncles ou neveux par exemple) ou pas. Les migrations, qui ont concerné une part significative de la population au début du xx e siècle, ont alors pu conduire à la réintégration de certains noms dans des départements où leur disparition était pourtant attendue selon GW.
66 Quoi qu’il en soit, la distribution départementale des noms des MPF absents du fichier Insee (figure 7B) est instructive. Bien que reposant sur un nombre faible de patronymes, elle révèle une étroite relation avec le nombre de patronymes différents Sk et avec le nombre Nk de MPF par département [35]. Les disparitions semblent donc avoir été largement proportionnelles au stock patronymique et/ou au nombre total de MPF. Seuls les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées (et dans une moindre mesure l’Ariège et la Corse) montrent un niveau de disparition hors du commun, sans doute à mettre sur le compte des particularismes anthroponymiques de régions qui présentent une grande richesse de patronymes, associant noms d’origine basque et d’origine occitane (Darlu et Oyharçabal, 2006).
67 L’examen des noms réellement disparus (présents dans le fichier MPF mais absents du fichier Insee) montre par ailleurs que plus de 93 % d’entre eux étaient des hapax (du corpus des MPF) [36]. Du point de vue anthroponymique, la guerre n’a donc fait que précipiter l’extinction de noms qui étaient très peu fréquents, dont les MPF étaient probablement souvent les seuls porteurs en âge de procréer [37]. Aucun des noms disparus n’est d’ailleurs attesté plus de 3 fois dans le corpus des MPF [38], ce qui confirme que les pertes patronymiques ne sont pas consécutives à la disparition de grandes fratries qui auraient été seules détentrices d’un patrimoine anthroponymique rare [39]. Et si l’on classe les patronymes disparus en deux groupes, selon qu’ils aient ou non été portés par des MPF nés dans le même département, la presque totalité des disparitions (99 %) concernent des noms qui étaient des géohapax, c’est-à-dire des noms présents exclusivement dans un département [40]. De fait, on observe une corrélation importante (r = 0,95) entre le nombre de patronymes MPF absents du fichier Insee et le nombre de géohapax par département [41]. L’enracinement local des noms fragilise donc leur pérennité.
68 La figure 9 montre enfin l’importance du contraste entre la proportion de noms dont on peut attendre la disparition sous le modèle GW et la proportion de ceux qui ont effectivement disparu du fichier Insee. Si la moyenne de ce rapport se situe autour de 10 % à 15 % – ce qui signifie qu’on observe 10 à 15 fois moins de patronymes absents du fichier Insee qu’attendu –, le rapport est compris entre 30 % et 47 % pour quelques départements localisés dans le Sud-Ouest, la Bretagne et la Corse.
Nombre de départements selon le rapport (en %) entre le nombre de patronymes MPF absents du fichier Insee et le nombre de patronymes MPF dont la disparition est attendue selon le processus GW-
Nombre de départements selon le rapport (en %) entre le nombre de patronymes MPF absents du fichier Insee et le nombre de patronymes MPF dont la disparition est attendue selon le processus GW-
Les pertes pour l’ensemble de la France
69 Le modèle de Galton- Watson peut être appliqué à la France métropolitaine prise dans son ensemble. Renoncer à l’approche départementale, même si une telle option conduit à gommer les disparités dont on a souligné l’importance (dans l’estimation du vecteur pk du nombre d’enfants par ménage ou dans celle du vecteur rk du nombre de noms présents en n exemplaires dans le département k) permet d’évaluer les disparitions patronymiques (attendues sous GW ou observées par comparaisons des fichiers MPF et Insee) complètes et définitives à l’échelle du territoire. On s’affranchit ainsi du problème que pose l’éventuelle réintégration (suite à une migration) d’un patronyme dans un département où sa disparition pouvait être attendue sous GW.
70 Appliqué à la France entière, la mise en œuvre du modèle d’extinction des noms s’appuie sur des estimations des vecteurs p et r faites à cette échelle. Alors que dans le fichier MPF la proportion moyenne d’hapax par département était de 57 %, les hapax ne représentent plus, pour la France métropolitaine prise dans son ensemble, que 16 % du corpus des noms des MPF (certains noms, hapax dans un département, peuvent être présents dans un autre département et ne sont donc plus des hapax au niveau de la France entière). La différence est importante et elle pèse dans l’estimation des disparitions attendues sous GW en la diminuant.
71 À l’échelle de la France, le nombre de patronymes des MPF dont la disparition est attendue sous le modèle GW est de 10 178, alors que le nombre de patronymes du fichier MPF absents du fichier Insee est de 12 837. La différence entre ces deux valeurs nous permet d’estimer à environ 2 600 le nombre des noms de famille dont la disparition peut être imputée à la guerre de 1914-1918. Cela représente 1,4 % de l’ensemble des patronymes portés par les MPF. À l’échelle globale du pays, l’impact du conflit se révèle donc modeste, alors qu’au niveau départemental il est plus net avec, comme on l’a vu, de forts contrastes. On se heurte ici aux difficultés que pose l’application du modèle d’extinction de Galton- Watson à des échelles territoriales différentes.
Conclusion
72 Les pertes humaines dues à la Grande Guerre présentent une répartition géographique contrastée. Si la Bretagne et le Nord ont donné une contribution importante à l’effort de guerre, cette géographie change une fois pris en compte le niveau de natalité dans les décennies qui ont précédé 1914-1918. Le « sacrifice humain » s’avère avoir été plus important au nord de l’axe La Rochelle-Strasbourg, et plus modeste dans le Sud-Est.
73 Pour autant, les pertes patronymiques réellement imputables à la Grande Guerre restent difficiles à évaluer. Si l’on s’en tient à celles mises en évidence par la simple comparaison des deux fichiers, MPF et Insee, les patronymes des Morts pour la France qui ne figurent plus dans le fichier Insee (1891-1940) ne représentent qu’entre 1,3 % (département de l’Eure-et-Loir) et 8,4 % (département des Pyrénées atlantiques) du nombre total de patronymes différents des MPF. Si l’on considère le modèle d’extinction des noms de famille proposé par Galton et Watson, les disparitions attendues de patronymes auraient dû être beaucoup plus nombreuses et se faire selon une géographie assez nettement différente de celle obtenue par la comparaison des données MPF et Insee.
74 Les écarts observés entre ces deux approches tiennent d’une part au recouvrement chronologique imparfait des deux fichiers exploités, qui rend leur comparaison difficile, d’autre part au choix de la mise en œuvre à l’échelle départementale du modèle d’extinction des noms de Galton- Watson. Cette approche, quoique nécessaire dans la perspective géopatronymique qui est la nôtre, conduit à une forme de surestimation du nombre des hapax dans le fichier des MPF. Ces hapax ont une forte probabilité de disparaître et leur poids dans la mise en œuvre du modèle de GW est essentiel. Or certains noms, hapax dans un département, sont attestés ailleurs. Leur disparition dans un département peut donc être attendue sous le modèle GW alors qu’elle n’est pas effective (réintroduction possible dans le département suite à une migration).
75 Une chose est sûre néanmoins, le patrimoine patronymique français a bien résisté au choc d’un conflit qui a profondément et durablement marqué la France. Après la Première Guerre mondiale, la mobilité des personnes, et donc celle des noms, s’est considérablement accrue entre départements, et l’immigration a permis d’intégrer de nouveaux patronymes. L’enrichissement du stock patronymique, par département et dans la France entière, n’a donc cessé de croître, éloignant définitivement tout risque d’appauvrissement d’un patrimoine en perpétuel mouvement.
Ils remercient également le comité de rédaction de la revue Population et les évaluateurs anonymes pour leurs remarques et suggestions précieuses qui ont permis d’améliorer la version initiale de cet article.
Ce travail a par ailleurs bénéficié d'une subvention de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR-18-CE02-0011, MathKinD).
Annexe : Données détaillées par département -
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Mots-clés éditeurs : Guerre 1914-1918, patronymes, Morts pour la France, Galton-Watson, France
Mise en ligne 25/05/2020
https://doi.org/10.3917/popu.2001.0101Notes
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[1]
Ce nombre est à rapporter à celui des quelque 8 millions de Français mobilisés entre 1914 et 1918, dont 1,8 million de jeunes gens nés entre 1894 à 1899 (Boulanger, 2003).
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[2]
Cette note était probablement méconnue de Galton.
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[3]
La documentation mise en œuvre contraint à se limiter aux disparitions de noms liées aux décès de soldats ou de civils ayant effectivement obtenu la mention « Mort pour la France ». Les pertes qui seraient imputables aux décès de civils ou de soldats non récipiendaires nous échappent. Elles sont assurément limitées au regard des précédentes. On sait par exemple que les civils ne représentent pas plus de 12 % des décès (Héran, 2014), incluant les débuts de la grippe espagnole.
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[4]
Pour une synthèse récente sur la question du bilan démographique de la Grande Guerre, cf. Rohrbasser (2014). Sur la question spécifique de la mortalité, la référence reste Vallin (1973, 1984).
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[5]
Cette affirmation ne résiste pas à une analyse approfondie des données. Le nombre de naissances (vivantes) en France métropolitaine pour la période P1 est de près de 20 000 000 (Daguet, 1995) et les tables de mortalité par génération (Vallin et Meslé, 2001) permettent d’estimer le nombre des survivants en 1971 pour les générations nées entre 1891 et 1915 à environ 8 700 000. Or le nombre des naissances recensées dans le fichier pour cette période est de 10 500 000. Le fichier de l’Insee intègre donc à coup sûr des personnes qui n’étaient plus vivantes en 1972 (donc parmi elles, certainement des Morts pour la France).
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[6]
Ces chiffres sont assurément des sous-estimations des valeurs réelles en raison du caractère non exhaustif du fichier Insee.
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[7]
Ce fichier est toujours « vivant » : les familles peuvent aujourd’hui encore demander l’attribution de la mention pour des ascendants qu’elles estimeraient injustement oubliés et dont le décès peut être directement imputable au conflit.
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[8]
État de la base MPF au moment de sa mise à disposition au 19/04/2013.
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[9]
Ont été considérés comme « doublons » les enregistrements correspondant à des MPF présentant le même nom (de famille), les mêmes prénoms, la même date et le même lieu de naissance qu’un autre MPF.
-
[10]
Le mot « classe » est ici employé dans son acception militaire : une classe (de recrutement) correspond à tous les hommes ayant atteint l’âge de 20 ans révolus et inscrits sur les tableaux de recensement. Pour les MPF, il conviendrait de distinguer classe de recrutement et classe de mobilisation, qui peuvent ne pas être identiques. L’information relative à cette (ou ces) classe(s) a été consignée sur les fiches individuelles des soldats ayant obtenu la mention, mais elle n’a pas été informatisée.
-
[11]
Le calcul a été effectué en rapportant le nombre de MPF de la classe considérée au nombre de mobilisés tel qu’il est indiqué dans Les archives de la Grande Guerre, tome VII, no 19, tableaux B p. 45 et C p. 47.
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[12]
Un tel choix conduit à une moindre variété des graphies et donc, mécaniquement, à une diminution de la diversité des stocks patronymiques. Les (autres) erreurs de transcription ont un effet sur cette diversité plus difficile à estimer (réduction ou augmentation).
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[13]
La figure 3B a également été faite sur la base des générations communes aux deux fichiers (1891-1910) sans que cela ne modifie significativement son allure : la corrélation entre les valeurs départementales du potentiel patronymique obtenues à partir du champ retenu et celles obtenues sur la base des générations communes est supérieure à 0,95.
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[14]
Les documents exploités (cf. infra note 16) indiquent « nombre d’enfants par famille », mais les recensements de population observent des ménages, de sorte qu’il convient de parler de « nombre d’enfants par ménage ».
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[15]
Idéalement, il faudrait disposer du nombre d’enfants par père (transmettant son patronyme), mais on peut raisonnablement supposer que ce nombre n’est pas suffisamment différent du nombre d’enfants par ménage pour engendrer un biais majeur dans l’estimation du vecteur pk .
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[16]
Les données exploitées sont accessibles sous forme de fichiers électroniques sur le site du Centre de Recherches Historiques de l’EHESS (enquête « La Statistique générale de la France », présentation Béaur et Marin, 2011).
-
[17]
Le Territoire de Belfort, qui correspond à la seule partie de l’Alsace et du Haut-Rhin restée à la France après la défaite de 1871, n’a été créé qu’en 1922. Il est néanmoins possible, à partir de la commune de naissance des MPF, de réaffecter à ce département les personnes qui y ont vu le jour, ce qui permet de le prendre en compte dans les calculs. Cette réaffectation a posteriori a été faite au moment de l’informatisation des données, puisqu’un certain nombre de MPF sont bien recensés comme nés dans ce département.
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[18]
18 Seules les données de 1886, telles qu’elles sont consignées dans les relevés originaux, et réutilisées par Chervin (Chervin, 1888), ne semblent pas comporter d’erreurs manifestes. Celles de 1891 et 1896 sont assurément fausses pour plusieurs départements, avec des valeurs aberrantes pour les Landes en 1891, l’Ille-et-Vilaine, la Meuse et l’Yonne en 1896, valeurs qui ont alors été corrigées et remplacées par la moyenne interdépartementale.
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[19]
Le vecteur p change au fil des générations. Nous n’avons néanmoins pas tenu compte de son évolution faute de données disponibles suffisamment fiables pour pouvoir intégrer cette information. L’estimation retenue repose sur la moyenne des trois recensements (1886, 1891 et 1896). On observe en outre que les corrélations entre les trois séries de valeurs départementales sont très élevées, ce qui suggère une évolution assez lente du vecteur p à la fin du xix e siècle.
-
[20]
On aurait certainement pu imaginer d’autres modèles, prenant en compte l’âge au décès du MPF et leur âge (possible pour les uns, réel pour les autres) à la paternité, mais sauf à reprendre les histoires individuelles de chacun – ce qui était évidemment impossible –, nous avons opté pour des « itérations » plausibles.
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[21]
La cohorte [1891-1900] a été définie a priori, de façon à être en accord avec les bornes chronologiques de la période P1 du fichier Insee [1891-1915] (figure 2). D’autres discrétisations ont été tentées, qui ne modifient que marginalement les résultats.
-
[22]
Cf. supra et note 5.
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[23]
Comme les enfants nés pendant la guerre d’un père MPF étaient âgés de 54 à 58 ans en 1972, ils pouvaient être encore vivants à cette date et leur nom peut donc figurer dans le fichier Insee.
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[24]
La distinction est difficile à faire entre les noms disparus en raison de la guerre de 1914-1918 et ceux disparus, par exemple, à cause des épidémies. Si la grippe espagnole (1918-1920) a pu avoir un impact, son effet sur la disparition des patronymes reste difficile à évaluer pour la France, notamment à l’échelle départementale (sur cette épidémie, voir Darmon, 2000 ; Lahaie, 2011 ; Vagneron, 2015). La difficulté est la même pour la typhoïde en 1914-1915.
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[25]
Pour une synthèse récente sur la question du bilan démographique de la Grande Guerre, cf. Rohrbasser (2014). Sur la question spécifique de la mortalité, la référence reste Vallin, (1973, 1984).
-
[26]
Dans le fichier MPF dont nous disposons (état de la base au 19/04/2013), on recense (au moins) 35 femmes : il ne s’agit évidemment pas de femmes soldats puisqu’il faut attendre la loi du 11 juillet 1938 pour voir des femmes intégrées dans l’armée française. Ces femmes – certaines d’entre elles étaient infirmières – font partie des victimes civiles à qui la mention a été octroyée, mais leur nombre est dérisoire au regard de celui des hommes.
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[27]
Sur les débats autour de la question de l’inégale contribution régionale à l’effort de guerre, cf. notamment Loez et Mariot (2014) et Gilles et al. (2014).
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[28]
Pour la plupart des départements correspondant aux frontières de 1871, nous disposons de données couvrant l’ensemble de la période grâce aux volumes de l’Annuaire statistique de la France (désormais ASF) et/ou aux fichiers mis à disposition sur les sites du CRH et de l’Insee (note 16). Quelques corrections mineures – correspondant à des incohérences repérées ou à des valeurs erronées détectées par comparaison entre fichiers ou avec les volumes de l’ASF – ont été apportées ; et quelques valeurs manquantes ont été estimées par ajustements divers.
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[29]
En l’absence de tables de mortalité départementales pour les générations de la fin du xix e siècle, il n’est pas possible de rapporter ce nombre des MPF originaires d’un département donné au nombre estimé des hommes encore vivants dans le département au moment du déclenchement du conflit. Les valeurs (%) calculées sont donc très inférieures au poids des pertes véritables dans la population des « survivants » en 1914. François Héran (2014) précise ainsi qu’à l’âge de 20 ans, 72 % de la génération masculine née en 1894 avait survécu à la mortalité infantile et juvénile alors que « 25 ans plus tôt, la génération née en 1869 avait déjà perdu 37 % de ses effectifs [au même âge] ».
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[30]
Comme d’autres, le choix de cette option n’est pas neutre. Nous le privilégions car il semble le plus cohérent au regard de la question posée sur les pertes patronymiques et des matériaux disponibles pour y répondre (fichier MPF et fichier Insee des patronymes).
-
[31]
La Grande Guerre fut à l’origine de la création des régions : des groupements économiques régionaux, dits « régions Clémentel », furent institués en 1919, largement appuyés sur des regroupements de chambres de commerce.
-
[32]
La comparaison des résultats entre départements montre que l’impact de la correction (application de la formule [3]) est faible, bien que significative (p < 0,001), avec une corrélation entre les mesures départementales avec et sans corrections restant très élevée (r = 0,99).
-
[33]
Cette fréquence correspond au p 0 de la formule [1]. La corrélation linéaire entre les valeurs par département de la proportion de disparitions attendues de patronymes (sous le modèle GW) et les valeurs de p 0 est r =0,93. La corrélation est encore de r =0,56 si l’on considère la fréquence des ménages ayant un enfant seulement.
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[34]
La surreprésentation des hapax dans le fichier MPF reste difficile à interpréter. Elle pourrait résulter d’un nombre important d’erreurs de transcription dans la saisie informatique initiale des noms. On observe par exemple que la part des noms doubles est beaucoup plus forte dans le fichier MPF que dans le fichier Insee. Le fichier numérique que nous avons exploité mentionne par ailleurs des noms de MPF qui ne sont à l’évidence pas de réels patronymes.
-
[35]
Corrélations linéaires valant respectivement r = 0,92 et r = 0,86. L’effet spécifique du département de la Seine sur ces corrélations est fort puisqu’elles tombent respectivement à r = 0,76 et r = 0,69 quand il est exclu.
-
[36]
Parmi ces noms disparus, on recense une part importante de noms doubles (près de 15 % des disparitions alors que ce type de noms ne représente que 5 % environ du corpus des noms des MPF et 6 % du fichier des patronymes de l’Insee).
-
[37]
Les autres éventuels homonymes contemporains, qu’ils soient ou non apparentés à ces MPF, n’ont en tout cas assurément pas eu de descendance – ou une descendance qui n'a pas survécu au-delà de 1971 –, en cas contraire leur nom serait présent dans le fichier Insee.
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[38]
Ceux qui ont disparu, bien que portés par 3 MPF, sont au nombre de 20 : Boucaine, Codaccionni, Gamee, Goanach, Gossegin, La Bouere, Le Dicabel, Le Porcq, Leblevec, Legouvello de la Porte, Lesolec, Luzj, Marchetay, Martruc, Pasquau, Prost Toulland, Rohfristch, Roumas Bertranine, Schoonhere et Sourseau. Et encore faut-il compter avec des disparitions incertaines : les graphies “Codaccioni”, “Le Blevec” et “De la Bouere” sont par exemple attestées dans le fichier Insee.
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[39]
Celles qui ont été décimées partageaient leur patronyme avec d’autres hommes dans la population. Il y en a assurément, même si leur nombre précis reste à déterminer car l’identité patronymique n’est pas un élément de preuve suffisant d’un lien généalogique direct, y compris pour des naissances enregistrées sous un même nom au sein du même département.
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[40]
Sur le concept de géohapax, cf. Chareille et Darlu (2013).
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[41]
On observe également une forte corrélation entre le nombre de disparitions attendues de patronymes sous GW et le nombre d’hapax par département (r = 0,97) ou de géohapax par département (r = 0,80). Les disparitions estimées par GW sont bien corrélées à ces indicateurs.