Notes
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[*]
Université Paris 1, CRIDUP (EA 134), Ined.
Correspondance : Armelle Andro, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre PMF, 90 rue de Tolbiac, 75013 Paris, courriel : armelle.andro@univ-paris1.fr -
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Université Nice Côte d’Azur, CNRD, IRD, URMIS, Ined.
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[1]
Il est généralement considéré comme plus neutre que le terme de mutilation et peut aussi correspondre à une meilleure traduction littérale des termes utilisés dans les langues vernaculaires où la pratique existe. L’expression « coupure génitale féminine » qui serait la traduction de female genital cutting (FGC) n’est pas utilisée dans la littérature francophone.
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[2]
En référence aux rites de passage à l’âge adulte qui comprenaient, dans de nombreuses sociétés africaines, les pratiques de circoncision masculine et féminine (Sindzingre, 1977).
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[3]
Les mutilations sexuelles féminines seraient apparues après la pratique de la circoncision masculine attestée en Égypte dès le iiie millénaire avant J.-C. (Erlich, 1986).
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[4]
Excision de la totalité ou d’une partie de l’appareil génital externe et suture/rétrécissement de l’ouverture vaginale (tableau 1).
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[5]
Selon Awa Thiam (1978), cette association généralement faite entre l’islam et la pratique de l’excision pourrait trouver ses origines dans des croyances populaires liées à l’histoire du prophète Ibrahima et de ses deux co-épouses Sarata et Haidara dont les relations conflictuelles auraient conduit la première à exciser la seconde. Ces trois personnages sont également présents dans la Bible sous les noms d’Abraham, de Sara et de la servante Agar.
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[6]
Excision du prépuce avec ou sans excision de la totalité ou d’une partie du gland du clitoris (tableau 1).
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[7]
Ces ceintures de chasteté sont décrites par Elisabeth Gould-Davis dans son ouvrage The First Sex paru en 1972. L’une des méthodes (qui est une forme mécanique d’infibulation) consistait à faire passer des anneaux dans les lèvres de la vulve et à les attacher ensuite avec du fil de fer ou par un cadenas (Hosken, 1982).
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[8]
L’hystérie féminine était supposée être la conséquence de désirs sexuels démesurés.
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[9]
La première approche médico-chirurgicale décrite dans la littérature scientifique a été publiée par Hamburger et al. en 1953.
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[10]
Celui de l’androgynie originelle du mythe Dogon décrit par Griaule (1948) est particulièrement connu.
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[11]
La durée totale de la cérémonie est plus courte, la structure cérémoniale est plus pauvre et les éléments symboliques autour de l’excision sont moins fréquents que pour la circoncision (Sindzingre, 1977).
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[12]
Le prépuce masculin représentant la partie féminine du sexe masculin.
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[13]
D’un point de vue anatomique, les études récentes ont montré que le clitoris est l’équivalent de la verge (Foldès et Buisson, 2009).
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[14]
En France, le premier livre publié sur cette question par Awa Thiam en 1978 (La parole aux négresses) et préfacé par Benoîte Groult, a suscité de nombreux débats et a été assez mal accueilli par les féministes africaines qui considéraient certains discours comme des tentatives d’ingérences à caractère raciste (Boni, 2009).
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[15]
En Irak et au Yémen, des données d’enquêtes nationales ont été collectées (tableau annexe A.1). Des études mentionnent l’existence de la pratique dans d’autres régions du Moyen-Orient (Oman, Jordanie, Syrie, Émirats arabes unis, Arabie saoudite) au sein de communautés minoritaires, mais aucune ne permet d’en évaluer l’ampleur (Alsibiani et Rouzi, 2010 ; Unicef, 2013, 2016 ; Wadi, 2010).
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[16]
Des rapports d’enquêtes récemment publiés mentionnent l’existence de la pratique en Indonésie (Budiharsana et al., 2003 ; Unicef, 2015), en Malaisie (Isa et al, 1999 ; Rashid et al., 2009).
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[18]
À l’exception de deux pays, la Guinée et la République centrafricaine, où les lois datent du milieu des années soixante (tableau annexe A.2).
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[19]
En Mauritanie, la pratique n’est interdite que dans les établissements de santé publique et ne concerne que les mineures (de même qu’en Tanzanie). En revanche, au Kenya, une révision de la loi de 2001 a adopté la clause d’extra-territorialité, c’est-à-dire que des poursuites peuvent être entamées même si l’acte a été commis hors du territoire kenyan (Unicef, 2010).
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[20]
En 2012, 42 procès ont été recensés dans 6 pays de l’UE dont 29 en France, le 1er procès en France date de 1979 (Leye et al., 2007).
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[21]
Dans la majorité des enquêtes réalisées dans les années 1990, on proposait à la femme les trois principaux types de mutilation. À la fin des années 1990, deux enquêtes (celle de la Côte d’Ivoire en 1998-1999 et celle du Niger en 1998) ont modifié leur approche en demandant aux femmes enquêtées de décrire leur forme de mutilation pour ensuite la reclasser dans l’un des trois types identifiés par l’OMS (Yoder et al., 2004).
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[22]
La question introduite dans le questionnaire des EDS-MICS est la suivante : « Vous a-t-on fermé la zone génitale par une couture ? » (document annexe A).
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[23]
Dans certaines formes d’infibulation, le clitoris est resté intact contrairement aux types I ou II pour lesquels l’altération de la sensibilité sexuelle sera plus grande (Nour et al., 2006).
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[24]
Yémen et Irak.
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[25]
Ce serait notamment le cas de l’Arabie saoudite, où la pratique est observée au sein de la population originaire du Yémen et de pays limitrophes de la Corne de l’Afrique (Alsibiani et Rouzi, 2010).
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[26]
Le programme des enquêtes démographiques et de santé a été mis en place en 1984 http://dhsprogram.com/What-We-Do/Survey-Types/DHS.cfm.
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[27]
Le programme des enquêtes par grappes à indicateurs multiples a été mis en place au milieu des années 1990 avec pour objectif d’aider les pays à suivre la situation des femmes et des enfants. http://www.unicef.org/french/statistics/index_24302.html.
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[28]
Djibouti, 2006 ; Gambie, 2005-2006 ; Guinée-Bissau, 2006 ; Sierra Leone, 2005-2006 ; Somalie, 2006 ; Tchad, 2000 ; Togo, 2006.
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[29]
Jusqu’en 1999, les questions relatives aux filles de l’enquêtée concernaient uniquement la fille aînée. De 2000 à 2010, si la femme déclarait qu’au moins une de ses filles était mutilée, les questions concernaient alors la fille la plus récemment mutilée. Depuis 2010, elles concernent toutes les filles.
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[30]
6 pays disposent d’enquêtes permettant de suivre l’évolution du phénomène sur une période d’au moins 15 ans : la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Mali, la République centrafricaine, le Soudan et le Yémen.
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[31]
Les 5 régions faisaient partie des 9 régions identifiées comme les plus concernées par la présence de femmes originaires de pays où les MGF étaient pratiquées : Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Haute-Normandie (Andro et al., 2009).
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[32]
Time location sampling, TLS. Dans un premier temps, il s’agit d’identifier, de manière exhaustive, les lieux fréquentés par les personnes et les moments où ils y sont, dont la liste constituera une base de sondage. Dans un second temps, un échantillon constitué de plages horaires dans chaque lieu (lieux x moments) est tiré de façon aléatoire puis, dans un troisième temps, un échantillon de personnes sur les lieux et aux moments sélectionnés (Marpsat et Razafindratsima, 2013).
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[33]
Technique « boule de neige » (Respondent driven sampling, RDS).
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[34]
Ce module était composée de deux parties : la première s’adressait à toutes les femmes qui avaient déclaré être mutilées et s’intéressait à la connaissance de cette chirurgie et à l’éventuel intérêt d’y recourir ; la seconde partie ne s’adressait qu’aux femmes y ayant déjà eu recours (ou en cours de démarche) (Andro et al., 2009).
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[35]
Les autres sont des études de cas individuels proposant l’analyse détaillée d’une pathologie spécifique.
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[36]
Recensements des pathologies ou des dysfonctions diagnostiquées dans un échantillon de femmes excisées généralement accueillies au fil de consultations médicales, mais sans comparaison avec des femmes témoins (Akotionga et al., 2001 ; Al-Hussaini, 2003).
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[37]
Des premières condamnations d’exciseuses en 1996 ont, d’après les auteurs de l’étude, eu des effets sur une meilleure connaissance de la loi de 1994.
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[38]
Les intervalles entre deux enquêtes EDS étant souvent d’environ 5 années, on doit s’attendre à ce que la prévalence observée par exemple à une date t au sein du groupe d’âges des 20-24 ans soit proche de celle observée à la date t+5 parmi les 25-29 ans.
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[39]
Entrée en vigueur en 2005 du protocole de Maputo (protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique) qui appelle les États africains à prendre des mesures pour éliminer les MGF et autres pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes (section I.2).
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[40]
Les données mobilisées dans les 26 pays pris en compte n’étaient pas issues d’enquêtes représentatives et étaient très disparates d’un pays à l’autre (Hosken, 1982).
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[41]
Les effectifs de femmes n’étaient pas issus de données de recensements mais correspondaient, pour tous les pays, à la moitié de l’effectif de la population totale, avec l’hypothèse que dans chaque pays les femmes constituaient environ la moitié de la population.
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[42]
Appelé taux de prévalence de la pratique.
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[43]
L’enquête Virage sur les violences de genre, en cours de réalisation en France, pose pour la première fois la question du statut vis-à-vis de l’excision dans le cadre d’une enquête menée en population générale.
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[44]
Ces estimations sont disponibles dans 13 pays de l’Union européenne (Leye et al., 2014) et aux États-Unis (Jones et al., 1997 ; PRB, 2013). À notre connaissance, il n’existe pas d’estimation indirecte dans d’autres pays susceptibles d’être concernés comme le Canada ou l’Australie.
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[45]
Cependant, l’origine ethnique seule ne suffit pas à expliquer les différences de prévalence. En effet, les résultats tirés des enquêtes EDS et Mics montrent également que la prévalence peut être variable à l’intérieur d’un même groupe ethnique en fonction de la nationalité des individus (Unicef, 2013).
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[46]
Ce motif est invoqué de plus en plus fréquemment dans les déterminations du statut de réfugié, les États ayant reconnu les femmes, les familles, les tribus, les groupes professionnels et les homosexuels comme constituant un certain groupe social au sens de la Convention de 1951. Le groupe social peut être défini dans un sens large « groupe de femmes ou de filles » ou dans un sens plus étroit « femmes appartenant à une ethnie pratiquant les MGF » (UNHCR, 2009).
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[47]
En France par exemple, l’UNHCR estime qu’en 2011, parmi les 2 735 demandes d’asile de femmes originaires des pays où la pratique des MGF existe, 670 étaient motivées par une demande directement liée à un risque de mutilation (UNHCR, 2013).
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[48]
Populations dont le poids démographique est faible et ne pèse guère dans la prévalence nationale. En Gambie, par exemple, où la prévalence nationale s’élève à 76 %, certains groupes ethniques (comme les Mandyak ou les Wolofs qui représentent au total moins de 20 % de la population totale) ont une prévalence inférieure à 15 % (MICS-Gambia, 2012).
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[49]
Dans 5 pays (Irak, Liberia, Ouganda, Soudan, Yémen), cette question n’a pas été introduite.
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[50]
Érythrée, Mali, Mauritanie, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone.
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[51]
L’examen des différents types de mutilations selon les groupes de femmes enquêtées en comparant les formes de mutilations déclarées par les femmes les plus âgées (45-49 ans) et celles déclarées par les femmes les plus jeunes (15-19 ans) donne le même résultat (Unicef, 2013).
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[52]
À l’exception du Nigeria où les femmes instruites sont plus fréquemment excisées que celles qui ne le sont pas. Ce résultat a priori étonnant vient de ce que seuls les Yoruba et les Igbo pratiquent l’excision dans ce pays. Or ces deux groupes ethniques sont localisés dans le sud du pays, région beaucoup plus urbanisée que le Nord, et où l’instruction est plus développée (Andro et Lesclingand, 2007).
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[53]
À l’exception du Nigeria (cf. note précédente).
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[54]
Égypte, Sierra Leone, Mauritanie et Liberia.
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[55]
Cela atteste sans doute d’une corrélation assez forte dans ces pays entre le niveau d’éducation et le milieu de résidence.
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[56]
Notamment durant l’adolescence (Temin et al., 2013) et donc à des périodes de vie postérieures au moment où le risque de mutilation est le plus élevé, c’est-à-dire avant 10 ans (section III.2).
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[57]
Le lieu de résidence des filles est plus stable que celui de leurs mères, même si la mobilité dans l’enfance est relativement répandue en Afrique, notamment celle des petites filles à travers la pratique du confiage.
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[58]
Entre 30 % et 60 %. Dans ces pays, les femmes qui considèrent les MGF comme une pratique imposée par la religion sont relativement plus nombreuses que les hommes, à l’exception de la Mauritanie et de l’Égypte où les hommes sont plus nombreux à le penser (Unicef, 2013).
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[59]
Au Burkina Faso, la corrélation entre les groupes ethniques et une appartenance religieuse spécifique est assez faible. La diversité religieuse se retrouve dans la plupart des groupes ethniques présents au Burkina Faso à l’exception des peuples nomades Peuls et Touaregs qui comptent une majorité de personnes de confession musulmane (Hayford et Trinitapoli, 2011).
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[60]
Les données recueillies souffrent d’un biais de mémoire puisque les événements relatés par les femmes sont pour les plus âgées très anciens. Par ailleurs, certaines femmes excisées très jeunes n’ont pas de souvenir précis des circonstances de l’événement.
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[61]
D’après les données de l’EDS de 2008-2009.
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[62]
Les dix pays concernés sont le Nigeria, le Mali, l’Érythrée, le Ghana, la Mauritanie, le Sénégal, l’Éthiopie, le Niger, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire (Unicef, 2013).
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[63]
En 1994, le ministère de la Santé égyptien a publié un décret encadrant strictement la pratique des MGF et l’autorisant seulement dans quelques hôpitaux publics. Ce décret sera abrogé sous la pression des associations de défense des droits des femmes (qui y voyaient une manière de légitimer la pratique) un an après.Un nouveau décret est publié en 1997 avec une interdiction de la pratique étendue à l’ensemble du système de soins.
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[64]
Que l’on définit par un recours privilégié à un personnel de santé pour pratiquer l’excision plutôt que par un.e praticien.ne traditionnel.le (section VI.1).
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[65]
Les approches postcoloniales, dont la paternité est attribuée à Edward Saïd avec la parution de son ouvrage Orientalism, publié en 1978, visent à mettre en évidence la manière dont le discours occidental et impérialiste (suite à l’histoire coloniale) « a construit et continue de construire une vision de l’Autre colonisé.e ou racisé.e » (Benelli et al., 2006).
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[66]
Selon Wade, à partir des années 1990, les études postcoloniales ont remis en question la perception manichéenne des MGF comme symptôme d’une infériorité culturelle. De leur point de vue, l’engagement féministe occidental contre les MGF s’inscrit dans une démarche « impérialiste ».
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[67]
Dans la culture malinké, terme à connotation péjorative pour désigner une personne « incirconcise » ou « non excisée » (Bellas Cabane, 2008).
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[68]
La théorie des conventions sociales s’intéresse aux comportements des individus confrontés à une situation d’incertitude. Dans le cas des MGF, les familles font exciser leurs filles afin d’ajuster leur comportement à la norme sociale dominante. Inversement, si un certain nombre de familles décident de ne plus exciser leurs filles, leurs comportements individuels peuvent faire évoluer la convention ou norme sociale.
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[69]
Le lien entre la pratique des MGF et l’entrée sur le marché matrimonial est au cœur du modèle de Mackie et LeJeune. Mackie (1996) établit un parallèle entre la cessation de la pratique très ancienne des pieds bandés (qui était liée à des impératifs matrimoniaux) qui a perduré jusqu’au début du xxe siècle en Chine et ce que pourrait être l’abandon de la pratique des mutilations génitales féminines.
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[70]
Ces limites ne sont pas spécifiquement liées à la question de la mesure des MGF mais concernent les éventuels changements dans l’échantillonnage d’une enquête à l’autre : inclusion/exclusion de certaines régions, critères de sélection de la population enquêtée (femmes mariées ou toutes les femmes, etc.).
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[72]
À l’exception du Burkina Faso (section IV.2).
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[73]
Bénin (2001 et 2006), Burkina Faso (1998-1999, 2003 et 2010), Guinée (1999, 2005), Mali (2001, 2006 et 2010), Niger (1988, 2006) (Unicef, 2013).
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[74]
Ce modèle, initialement élaboré dans le cadre d’aides à l’arrêt du tabagisme a été ensuite appliqué à d’autres comportements de dépendance (toxicomanie, changement d’alimentation, promotion de l’exercice physique, sexualité à moindre risque) (Prochaska et al., 1994).
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[75]
En Égypte et en Sierra Leone, les deux catégories de femmes partisanes de l’abandon de la pratique (convaincues ou réticentes) représentent respectivement 25 % et 9 % de l’ensemble des femmes contre 4 % au Mali et en Guinée (figure 12).
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[76]
Dans l’enquête italienne, seule une question relative aux intentions de la mère quant à une éventuelle excision de ses filles était posée. Dans l’enquête française, des questions supplémentaires relatives aux éventuelles intentions du père mais aussi de la famille résidant dans le pays d’origine ont été introduites.
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[77]
En France, « toutes choses égales par ailleurs » (âge de la fille, année de naissance, niveau d’instruction et pays de socialisation dans l’enfance de la mère), une fille née en France a trois fois plus de chances de ne pas être mutilée qu’une fille née à l’étranger (Andro et Lesclingand, 2008).
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[78]
En France, si les premiers procès pour des affaires d’excision datent du début des années 1980, c’est dans les années 1990 que la pénalisation de la pratique s’est durcie avec notamment, au début des années 1990, le procès très médiatisé d’Hawa Gréou, exciseuse malienne condamnée à plusieurs années de prison. On observe une césure très nette, en termes de prévalence de l’excision, entre les filles nées en France dans les années 1980 et celle nées dans les années 1990 (Andro et al., 2009).
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[79]
La mortalité infantile ou juvénile liée aux MGF est mal mesurée et invisible dans les statistiques de mortalité des pays concernés.
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[80]
Il s’agit d’un excès de tissu cicatriciel qui peut se développer à l’endroit de l’excision et créer des gênes chroniques.
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[81]
C’est-à-dire des enquêtes représentatives menées sur des échantillons importants, comme les quelques enquêtes EDS qui ont intégré un module sur cette question (Centrafrique en 1995, Tchad en 2004).
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[82]
Burkina Faso, Ghana, Kenya, Nigeria, Sénégal et Soudan.
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[83]
La notion de fonction sexuelle englobe le fonctionnement somatique des organes génitaux dans leurs dimensions bio-physiologiques dans le cadre de l’accomplissement du « cycle de la réponse sexuelle humaine » (Giami, 2007).
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[84]
Le ministère égyptien de la Santé en 1994 a reconnu la légalité de telles pratiques pour les professionnels de santé, l’association Médecins sans frontières a aussi tenu une position ambivalente pendant une courte période et enfin, l’American Association for Pediatricians a pris une position très controversée au même moment en promouvant la mise en œuvre d’excisions médicales sur le territoire américain afin de réduire les risques de santé pour les filles excisées lors du retour au pays.
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[85]
Après une tentative infructueuse d’interdiction de la pratique en milieu médical en 2006, le ministère de la Santé indonésien a publié un décret en 2010 autorisant les professionnels de santé (médecins, sages-femmes et infirmières formées) à pratiquer des MGF dans les services médicaux (publics et privés). Suite à une campagne contre ce décret menée par la commission des femmes et le comité de défense des droits des enfants, le décret a été abrogé en février 2014. Cependant, la pratique perdure du fait de l’absence de sanctions (Unicef, 2015).
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[86]
L’étude, menée par Nawal Nour et ses collègues dans deux hôpitaux de Boston auprès de 40 femmes dé-infibulées et suivies par enquêtes téléphoniques à 6 mois et 2 ans, montre que ces dernières n’ont connu aucune complication post-opératoire, qu’elles recommanderaient l’opération aux autres femmes concernées, qu’elles sont satisfaites des résultats de l’opération et qu’elles-mêmes et leurs conjoints ont une activité sexuelle satisfaisante (Nour et al., 2006).
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[87]
Physiologiquement, 99 % des femmes voient une transformation sensible de leur clitoris ; 4 % ont dû passer par une deuxième opération.
1Alors que l’assemblée plénière des Nations unies s’est prononcée solennellement pour l’éradication des mutilations génitales féminines en décembre 2012, la lutte contre cette forme de discrimination sexuelle est encore loin d’être généralisée et le nombre de filles et de femmes concernées ne cesse d’augmenter. En 2016, l’Unicef estimait qu’au moins 200 millions de femmes et de filles étaient mutilées dans le monde (Unicef, 2016). Elles résident principalement sur le continent africain – 27 pays formant une large bande centrale de l’ouest à l’est du continent et incluant l’Égypte (tableau annexe A.1) –, dans quelques régions du Proche-Orient et de l’Asie du Sud-Est (Irak, Yémen, Indonésie et Malaisie), mais aussi dans les pays du Nord d’immigration africaine, notamment en Europe, en Amérique du Nord et en Australie (Unicef, 2013).
2Les mutilations génitales, appelées aussi mutilations sexuelles féminines, désignent « toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquée à des fins non thérapeutiques » (OMS, 1997). Elles ont des conséquences délétères sur la santé sexuelle et reproductive. En français, on parle historiquement et plus communément d’« excision » alors qu’en anglais, c’est le terme female genital cutting (FGC) qui est utilisé [1]. L’adoption de la terminologie « mutilations génitales, ou sexuelles, féminines » (MGF ou MSF en français) est récente : c’est au cours des années 1990 que le vocabulaire s’est peu à peu stabilisé dans les instances internationales et dans les institutions nationales des pays concernés par ces questions. L’évolution des termes mobilisés pour nommer ces pratiques et les débats qui les ont souvent entourées sont significatifs des changements de paradigmes dans la perception de ces pratiques. Le changement de vocabulaire s’est fait parallèlement au développement, au niveau international, d’une mobilisation visant à les éradiquer. Les premières approches, qui s’inscrivaient dans une perspective anthropologique, avaient mis l’accent sur les aspects rituels des pratiques désignées alors sous le terme de circoncision féminine [2]. En 1958, alors que l’ONU se saisit pour la première fois de ce sujet, ces pratiques vont être décrites comme « des opérations rituelles fondées sur la coutume », terminologie reprise par l’OMS un an plus tard (OMS, 1959). Ce n’est qu’à partir du milieu des années soixante-dix, sous l’influence des mouvements féministes, que le prisme par lequel ces pratiques vont être appréhendées va changer, rejetant complètement le parallélisme avec la circoncision masculine et mettant en exergue les conséquences néfastes sur la santé des femmes et des fillettes (Hosken, 1979). Ces pratiques sont désormais appréhendées comme une forme de violation des droits humains et une atteinte grave à la santé, et sont qualifiées de « mutilations » (Shell-Duncan et Hernlund, 2001). Depuis 2013, l’Unicef a adopté la terminologie de female genital mutilation/cutting (FGM/C dans sa version anglophone) et de « mutilations génitales féminines/excision » (MGF/E) dans sa version francophone.
3Les MGF touchent à la fois à des enjeux de discriminations, de droits humains et du droit à la santé, et à des enjeux de santé publique en termes de prévention des risques pour les petites filles et de santé sexuelle, reproductive et maternelle pour les femmes ayant subi une MGF. C’est à ces titres que les institutions internationales se sont fortement impliquées depuis les années 1990. Mais les MGF mettent aussi en jeu des questions de rapports entre les pays du Nord et les pays du Sud dans la définition d’une doctrine internationale, de prise en compte des minorités dans les sociétés multiculturelles, de remise en question de schémas explicatifs hégémoniques. Elles ont fait et font toujours l’objet de débats et de controverses.
4Pour toutes ces raisons, la littérature scientifique sur les MGF est aujourd’hui pléthorique et couvre la plupart des disciplines de sciences humaines – anthropologie, sociologie, démographie, histoire, droit, sciences politiques, psychologie, études du genre, travail social, santé publique – et a fait l’objet de nombreuses publications dans les revues médicales (Shell-Duncan et Hernlund, 2001). Cette abondante littérature ne doit pas masquer le fait que l’on manque encore de données et donc de connaissances précises sur certaines dimensions des MGF, tant dans le domaine médical que dans celui de la dynamique du changement social autour de ces pratiques. Cet article a pour objectif de faire le point sur l’état des connaissances autour de la question des MGF.
5La première partie revient sur les fondements sociaux et culturels de ces pratiques et sur les étapes de la construction des MGF comme problème de droits humains et de droits à la santé. La deuxième partie, plus méthodologique, se penche sur les sources de données disponibles permettant aujourd’hui d’étudier cette violence longtemps restée invisible. La troisième partie présente l’ampleur du phénomène dans le monde et discute les indicateurs utilisés pour le mesurer. La quatrième partie analyse les dynamiques du changement social à l’œuvre dans un contexte de fortes mobilisations pour l’abandon des MGF. La cinquième partie propose un état des connaissances sur les conséquences en matière de santé et de vie sexuelle pour les femmes et les filles concernées. La sixième partie revient sur les multiples enjeux de la prise en charge médicale des MGF. L’article conclut sur quelques pistes de réflexions pour combler les lacunes en termes de connaissances de ces pratiques discriminatoires envers les femmes.
I – De la circoncision féminine aux mutilations génitales féminines
1 – L’approche anthropologique : comprendre les fondements sociaux et culturels
Origines et évolutions des pratiques
6L’origine des mutilations génitales féminines, tant au niveau historique que géographique, n’est pas précisément connue. L’hypothèse partagée par plusieurs spécialistes selon laquelle la pratique serait née au Proche-Orient et dans la péninsule arabique, puis se serait propagée sur le continent africain par la circulation des marchands arabes, est très incertaine (Erlich, 1986 ; Hosken, 1982). Ce qui semble admis à ce jour est l’ancienneté de la pratique, qui pourrait remonter à l’Égypte antique [3], et dont l’origine serait située dans l’actuel Soudan et l’Égypte. Des traces d’excision retrouvées sur des momies égyptiennes ne font cependant pas l’unanimité au sein de la communauté des archéologues (Knight, 2001). La première mention de l’excision, dont témoignent des papyrus, remonte au iie siècle av. J.-C. en Égypte (Couchard, 2003), et on en trouve ensuite des témoignages à travers les récits de voyageurs comme le géographe grec Strabon qui, après son voyage en Égypte (aux alentours de l’an 25 av. J.-C.), décrit cette opération comme une pratique coutumière (Hosken, 1982).
7Selon Mackie (1996), les mutilations génitales féminines se seraient diffusées à partir de la côté ouest de la mer Rouge (dans l’Égypte actuelle) vers les régions limitrophes africaines du sud et de l’ouest. Il établit en outre une association entre la présence de l’infibulation [4], forme la plus invasive de MGF, pratiquée essentiellement dans la zone est du continent africain (Érythrée, Djibouti, Somalie, Égypte et Soudan) et le commerce des esclaves, notamment des femmes durant la période d’expansion de l’islam sur le continent africain. Cette forme extrême, dont le nom dérive du latin fibula (qui signifie agrafe) aurait été également pratiquée dans la Rome antique sur les femmes esclaves afin d’empêcher tout rapport sexuel et éviter des grossesses, la maternité les rendant inaptes au travail (Hosken, 1982). En dépit de cette origine relativement incertaine, il semble avéré que la pratique des mutilations sexuelles féminines est bien antérieure à la naissance et à l’expansion de l’islam en Afrique même si des justifications religieuses ont pu être ensuite avancées pour légitimer la pratique. En atteste également l’existence au sein de communautés chrétiennes (coptes, catholiques et protestantes), juives et animistes. Contrairement à la circoncision masculine qui est, dans les religions hébraïques et islamiques, le signe de l’alliance entre Dieu, Abraham et sa descendance, l’excision n’apparaît pas dans les livres des grandes religions monothéistes comme une prescription religieuse impérative [5] (Couchard, 2003 ; Thiam, 1978).
8Par ailleurs, les mutilations génitales féminines (de la clitoridectomie [6] à l’infibulation) furent également pratiquées dans le monde occidental, mais sans être imposées à des communautés entières. Les ceintures de chasteté [7], qui pouvaient prendre la forme d’une infibulation reposant sur des moyens mécaniques et non sur la scarification utilisée sur les esclaves dans la Rome antique, ont notamment existé au Moyen Âge (Hosken, 1982). En outre, la pathologisation de certaines pratiques sexuelles et tout particulièrement celle de la masturbation féminine (Laqueur, 2005) conduira à mettre en œuvre des opérations de clitoridectomie censées soigner les maux et comportements déviants des femmes manquant de tempérance sexuelle tout au long du xixe siècle. Ces clitoridectomies seront plus particulièrement pratiquées d’abord en Europe dans un contexte de médicalisation répressive de la sexualité sous l’impulsion d’un médecin britannique, Isaac Baker-Brown, qui entendait ainsi lutter efficacement contre l’onanisme féminin et l’hystérie [8] (Sindzingre, 1979). Il sera désavoué par ses pairs en 1867, mais la pratique va perdurer aux États-Unis jusqu’à la fin des années 1960 (Cutner, 1985).
9Plus récemment, les chirurgies de réassignation sexuelle des nouveau-nés intersexués ont aussi été qualifiées de mutilations sexuelles dans le cadre de la lutte pour la reconnaissance des droits des personnes concernées (Löwy, 2003). Elles se sont développées à partir des années 1950 [9] et continuent d’être pratiquées dans certains pays, dont la France (Lee et al., 2006).
Rite de passage ou pratique inscrite dans un système inégalitaire de rapports entre sexes ?
10C’est à travers la littérature anthropologique que l’excision a d’abord été décrite, donnant lieu à des analyses de type fonctionnaliste et culturaliste en lien avec une approche psychanalytique (Sindzingre, 1979). Les mutilations sexuelles féminines ont été surtout analysées comme des rites de passage, selon le modèle interprétatif tripartite (séparation de l’individu et de son groupe, mise en marge puis réintégration) établi par l’ethnologue Van Gennep au début du xxe siècle (Van Gennep, 1909). Dans ce type d’approche que l’on retrouve appliquée à différentes régions africaines, l’excision est considérée comme le pendant de la circoncision masculine et est d’ailleurs souvent dénommée « circoncision féminine » afin de mettre en avant le caractère analogue des deux pratiques considérées comme des marqueurs de genre, de classe d’âges et parfois d’appartenance ethnique (Cartry, 1968 ; Chéron, 1933 ; Colleyn, 1975 ; Droz, 2000 ; Muller, 1993). Ces recherches offrent une documentation précise des cérémonies initiatiques et apportent des éléments de justifications de ces pratiques, en mettant en avant les aspects mythiques des rituels [10].
11À partir des années 1970, alors que les luttes féministes contre l’excision sont particulièrement virulentes, ces approches vont être profondément remises en question, contestant l’équivalence de la circoncision et de l’excision, leur cadre théorique commun, et réinscrivant la question des mutilations sexuelles féminines dans la question plus générale des rapports sociaux entre les hommes et les femmes. C’est notamment Nicole Sindzingre qui est la première, dans les années 1970, à critiquer l’approche de l’excision à travers les rites d’initiation. Elle met en évidence une asymétrie de fait entre les cérémonies de circoncision masculine et d’excision décrites dans la littérature anthropologique. Tout d’abord, en termes d’atteinte à l’intégrité corporelle, les mutilations sexuelles féminines ne sont pas équivalentes à celles pratiquées sur les hommes. En outre, alors que les rituels de circoncision masculine sont présentés comme des rituels collectifs, fortement valorisés socialement, ceux liés à l’excision sont le plus souvent présentés comme un rite « abrégé » [11], familial et centré sur l’individu (Sindzingre, 1977, 1979). Mais c’est surtout à partir des différentes justifications de la pratique – ambivalence sexuelle ou androgynie originelle à supprimer, impératif de « purification », condition nécessaire au mariage puis à la procréation, obligation de maitrise des pulsions sexuelles pour préserver la virginité de la jeune femme puis la fidélité de l’épouse – que l’excision peut être rattachée à la question de la représentation de la féminité et plus largement à celle des rapports sociaux entre les sexes.
12Au-delà de la variété des discours entourant les mutilations sexuelles féminines, il est possible d’en dégager une logique commune qui n’inscrit pas seulement la pratique dans l’impératif de la reproduction biologique (via le mariage et la procréation) mais aussi dans celui de la reproduction sociale, le marquage sexuel traduisant le marquage des rôles sociaux de chaque sexe. Dans de nombreuses sociétés, le clitoris représente la « partie masculine » dont est pourvu le sexe féminin à la naissance, représentation que l’on retrouve d’ailleurs dans les mythes de l’androgynie ou de la bisexualité originelle [12] (Couchard, 2003). L’ablation du clitoris est donc jugée nécessaire pour inscrire le corps des femmes dans leur entière féminité (notamment dans leur capacité exclusive à la reproduction) mais également pour les replacer dans une situation de subordination à l’ordre masculin et rendre possible l’exercice de l’autorité masculine, symbolisée par le clitoris, équivalent de la verge [13] (Fainzang, 1985). En reprenant l’analyse de Pierre Bourdieu (1982) sur les rites d’institution, terme qu’il préfère à celui de rites de passages, l’excision apparaît bien comme une pratique rituelle permettant de légitimer la différence entre les sexes, différence systématiquement inscrite dans des rapports sociaux inégalitaires : l’excision vise en effet à dé-viriliser la femme pour réduire son pouvoir au contraire de la circoncision qui sur-virilise l’homme pour accroître son pouvoir (Fainzang, 1985). Cette perspective, qui dénonce une violence faite aux femmes et réinscrit la pratique des MGF dans la construction des rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, n’est pas parvenue à complètement déculturaliser la pratique [14] (Boni, 2009). Par la suite, elle a été progressivement analysée, non seulement sous l’angle de l’imposition des normes sociales patriarcales, mais aussi en termes d’intégrité du corps et de liberté sexuelle (Mbow, 1999).
2 – La construction d’une doctrine internationale contre les MGF : entre droits humains et droit à la santé
13L’Assemblée générale des Nations unies a adopté le 20 décembre 2012 une série de résolutions sur l’élimination des pratiques et violations dangereuses menaçant gravement la santé des femmes et des filles (A/RES/67/146). Parmi les cinq résolutions relatives à la promotion des droits des femmes, l’une concerne spécifiquement l’intensification des actions déployées au niveau mondial en vue d’éliminer les mutilations génitales féminines (MGF). Elle demande explicitement aux pays concernés de condamner toutes les pratiques dangereuses qui affectent les femmes et les filles, en particulier les mutilations génitales, et de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris par l’application de la législation, la sensibilisation et l’allocation de moyens suffisants, pour protéger les femmes et les filles contre cette forme spécifique de violence. Elle appelle à la fois à accorder protection et appui aux femmes et aux filles victimes de mutilations génitales féminines, et à protéger celles exposées à ces risques. Elle s’adresse aux pays où ces mutilations sont traditionnellement pratiquées mais aussi à ceux qui accueillent des femmes originaires de ces pays.
14La construction de cette politique internationale, finalement ratifiée par les 194 États membres des Nations unies, a été longue et s’est effectuée en plusieurs étapes. Elle s’est construite sur le triptyque des principes des droits humains, du droit à la santé et des droits des femmes qui ont eux aussi été peu à peu formalisés au fil des traités internationaux adoptés tout au long de la deuxième moitié du xxe siècle.
Les étapes de la mobilisation internationale
15Si, en 1952, la commission des Droits de l’homme de l’ONU mentionne pour la première fois la question des mutilations sexuelles féminines, c’est en 1958 que le Conseil économique et social de l’ONU pose explicitement la question de l’excision comme un problème relevant de la communauté internationale et celle du préjudice que les MGF entraînent (Résolution 680-XXVIBII Conseil économique et social des Nations unies, ONU, 1958). À cette époque, c’est essentiellement d’un point de vue culturaliste que la pratique est appréhendée, l’OMS refusera d’ailleurs de se saisir de cette question, la considérant alors plus de nature sociale et culturelle que médicale et ne relevant pas de ses compétences (Nations unies, 1959).
16Il faudra attendre 1977 pour que l’OMS se mobilise en créant un groupe de travail sur les « pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants » qui ouvre une réflexion sur les conséquences de l’excision sur la santé des femmes et des filles. Jusque-là, la grille d’analyse anthropologique de ces pratiques conduisait à rendre invisibles les conséquences néfastes des MGF (Thiam, 1978). En 1979, l’OMS prendra pour la première fois position sur le sujet en mettant en place un travail de recension sur les conséquences médicales de cette pratique. Les travaux de ce groupe, réuni sous l’égide de l’office régional de l’OMS pour la Méditerranée Orientale à Khartoum rassemblant des ONG et des médecins au cours duquel Fran Hosken présentera son rapport, parleront de « pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants » (OMS, 1979).
17En 1980, lors de la conférence mondiale sur les femmes qui se tient à Copenhague, les confrontations entre les délégations européennes et africaines sur cette question sont assez tendues. Les délégations africaines revendiquent encore majoritairement la reconnaissance de ces pratiques comme des rituels inscrits dans le passage à l’âge adulte, au même titre que la circoncision des garçons (Sow, 1997). Les positions évolueront nettement lors de la Conférence mondiale sur les femmes en 1985 à Nairobi, où un consensus plus large commence à émerger sur la reconnaissance du caractère néfaste de ces pratiques. L’engagement des agences internationales va croissant à partir de cette date. Le groupe de travail de l’ONU sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants présentera son premier rapport à la commission des droits de l’homme en 1986 (E/ CN.4/1986/42). C’est au cours de la décennie 1990 que la lutte pour l’abandon des MGF va définitivement se structurer. En 1990, le Comité inter-africain de lutte contre les pratiques traditionnelles, créé par les associations féministes luttant contre ces pratiques, adopte le terme de mutilations, dans la foulée de l’Unicef.
18L’Assemblée générale de l’ONU adopte alors la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes de violences à l’égard des femmes en 1993, avec une référence explicite à la question des mutilations sexuelles. Enfin, en 1994, la sous-commission des Nations unies pour la prévention de la discrimination et la protection des minorités adopte un premier plan d’action pour l’élimination des pratiques traditionnelles néfastes affectant la santé des femmes et des enfants. Les conférences du Caire en 1994 et de Pékin en 1995 seront l’occasion de rappeler la position abolitionniste de l’ONU sur la question.
19Le cadre politique étant posé, l’OMS va piloter dès 1997 l’adoption d’une première déclaration commune avec l’Unicef et le Fnuap officialisant leur soutien aux programmes de prévention et d’abandon de la pratique des MGF et s’engageant à soutenir l’action des gouvernements en la matière (OMS, 1997). Les connaissances et la mobilisation sur le sujet amèneront l’OMS à proposer une première typologie des pratiques en 1997, conçue en collaboration avec l’Unicef et le Fnuap (OMS, 1997) (voir section I.3).
20Le développement et l’adoption d’instruments juridiques internationaux n’ont été rendus possibles que grâce aux mobilisations dans les pays concernés. Dès 1984, le rôle du Comité inter-africain de lutte contre les pratiques traditionnelles a été fondamental. Le Protocole de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 portant sur les droits des femmes en Afrique, désigné sous l’appellation de « Protocole de Maputo », est un document juridique adopté par consensus en 2003 par les chefs d’État de l’Union africaine. L’article 5 de ce protocole interdit et condamne explicitement les MGF et autres pratiques nuisibles. Il demande aux États signataires de prendre des mesures en vue de sensibiliser l’opinion publique à la question, d’introduire une législation qui interdise et sanctionne les MGF, de soutenir les filles et les femmes qui les ont subies et de protéger celles qui sont à risque (zero tolerance to FGM). Enfin, en 2008, une déclaration inter-institutions portée par l’OMS, l’Unicef et le Fnuap précisera définitivement la position internationale pour l’élimination des mutilations sexuelles féminines (OMS, 2008).
De la controverse à la mondialisation de la question
21La lente élaboration d’une politique internationale consensuelle sur les MGF s’est confrontée aux contradictions des discours des différentes instances internationales. Comme l’a montré Elizabeth Boyle (2005), au sein même de l’ONU la reconnaissance des droits universels des femmes et du respect de leur intégrité s’est longtemps heurtée, d’une part, aux principes de respect de la souveraineté des États, et d’autre part, aux principes de respect des traditions et transmissions familiales. Ce sont ces premiers principes qui ont finalement primé dans l’élaboration de la doctrine internationale sur les MGF.
22Cette doctrine s’appuie finalement sur deux régimes de droits : celui du droit à la santé et celui des droits humains. Certains auteurs ont pu parler d’« inconfortable alliance » entre droits humains et droits à la santé dans les discussions sur les MGF (Hernlund et Shell-Duncan, 2007 ; Gruenbaum, 2001). C’est grâce à la mise en évidence des conséquences sur la santé des MGF que celles-ci ont pu être appréhendées non plus comme de simples rituels de socialisation mais bien comme des atteintes graves à l’intégrité physique des femmes qui les subissaient et, ce faisant, appuyer l’analyse en termes de droits humains (Abusharaf, 2006). Cependant, l’approche par la santé s’est souvent avérée être un argumentaire contreproductif auquel on a pu opposer le manque de preuves médicales (Obermeyer, 1999) ou encore le développement de pratiques médicalement encadrées des MGF (partie VI).
23De plus, une forme de suspicion a longtemps pesé sur les fondements de la mobilisation des mouvements féministes internationaux. La mobilisation internationale a trop souvent présenté de manière réductrice les femmes africaines comme subissant sans résister la perpétuation de cette coutume alors même qu’elle met en danger la vie de leurs filles. Cette présentation manichéenne a conduit à reprocher à la mobilisation internationale son inscription dans un schéma post-colonial racialisant, vécu comme une forme de croisade des féministes du Nord occultant les mobilisations émanant des sociétés concernées (Boddy, 2007 ; La Barbera, 2009).
24La perception du phénomène a cependant sensiblement évolué depuis le début du xxie siècle. Les MGF conçues comme un problème exclusivement africain pendant tout le vingtième siècle, deviennent peu à peu un problème mondialisé, essentiellement pour deux raisons. D’une part, des études récentes montrent que les MGF sont traditionnellement pratiquées dans d’autres régions du monde où l’ampleur du phénomène était jusqu’à présent mal connue, dans certains pays du Proche et Moyen-Orient [15] et d’Asie [16], tout particulièrement en Indonésie (Unicef, 2015). D’autre part, la mondialisation des flux migratoires et l’installation de familles originaires des régions où l’excision est traditionnellement pratiquée dans les pays du Nord ont conduit ces derniers à considérer la question comme un problème de santé publique interne (Bell, 2005 ; Johnsdotter et Essen, 2010). Cette nouvelle dimension des MGF soulève un grand nombre de nouvelles questions, à la fois sur le fait que ce phénomène puisse encore être invisible dans certains pays et sur les enjeux de la perpétuation ou de l’abandon de ces pratiques en contexte migratoire.
L’évolution du contexte législatif
25Dans les pays d’origine et dans les pays d’immigration, l’évolution des législations entourant ces pratiques s’est peu à peu mise au diapason de la politique internationale et régionale de la lutte contre les MGF, qui s’est intensifiée à partir des années 1990 (Toubia, 1993). À Dakar, en 2005, l’Union interparlementaire africaine a adopté une résolution appelant à généraliser les lois visant à l’abandon de ces pratiques [17].
26Parmi les 30 pays les plus concernés, 25 ont adopté au cours des dernières décennies des décrets ou des lois relatives aux MGF. Dans la grande majorité des pays, l’adoption des lois est récente [18], à partir de la deuxième moitié des années 1990 ; dans 15 pays, elle date des décennies 2000 et 2010 (tableau annexe A.2). Les champs d’application de ces législations varient parfois selon les pays [19] et la difficulté de leur mise en œuvre vient de l’écart entre les normes internationales et les normes sociales locales en vigueur (Boyle et al., 2002).
27La constitution d’un cadre législatif dans les pays d’origine a été concomitante de celui qui s’est développé dans les pays d’immigration : les premiers à avoir pénalisé la pratique des MGF sont la France (1979), la Suède (1982) et le Royaume-Uni (1985) au début des années 1980. Les pays d’Amérique du Nord, l’Australie et la Norvège ont légiféré dans les années 1990 et les autres pays européens au cours de la décennie 2000 (Boyle, 2005). En Europe, quelques pays ont adopté des lois spécifiques aux MGF tandis que d’autres (dont la France) ont inclus les MGF dans le dispositif général des maltraitances et actes de mutilations pratiqués sur des enfants (European Institute for Gender Equality, 2013). Ces lois ont pratiquement toutes intégré le principe d’extra-territorialité qui permet de protéger les filles résidant habituellement dans le pays migratoire en dehors de leur pays de résidence. Cette disposition permet de tenir compte du risque souvent accru lors des retours temporaires dans le pays d’origine des parents. L’application de ces dispositions législatives a été effective dans six pays européens, la France ayant été pendant longtemps le seul pays à avoir porté des affaires d’excision en justice [20] (Boyle, 2005 ; Leye et al., 2007). En France, les MGF sont punies par la loi depuis 1979 (articles 222.08, 222.09, 222.10 du Code pénal) ; en 2006, l’allongement du délai de prescription permet aux victimes de porter plainte jusqu’à 20 ans après leur majorité.
3 – Classifier les différentes formes de mutilations
28En 1995, notamment avec les premières enquêtes démographiques et de santé incluant un module spécifique sur la question des MGF, l’OMS élabore une première classification des mutilations génitales féminines (OMS, 1996) ; reprise un an plus tard lors de la première déclaration inter-institutions (OMS, 1997), elle servira de cadre commun pour différencier et classer les différentes formes de mutilations (tableau 1). Le but de cette typologie internationale est (1) de proposer un outil pour l’étude des conséquences de ces mutilations, (2) d’assurer une mesure plus fine de l’évolution de la prévalence et des pratiques, (3) de faciliter le diagnostic par les professionnels de santé lors des examens médicaux, (4) de fournir un cadre de référence dans le traitement juridique de la question.
La classification actuelle de l’OMS
29Dès 1997, l’OMS a proposé une première classification fondée sur quatre types de pratiques selon les atteintes physiques subies au moment de la mutilation (tableau 1) (OMS, 1996, 2008). Suite à sa diffusion en 1997, des experts ont mis en lumière certaines de ses limites, les catégories proposées simplifiant trop la diversité des pratiques effectives. Elle a été révisée en 2007 en s’appuyant sur les conclusions d’un groupe d’experts réunis par l’OMS : les libellés de la classification de 1997 ont été légèrement modifiés et des subdivisions créées, pour cerner plus précisément la variété des interventions pratiquées. La déclaration inter-institutions, publiée conjointement par huit organisations de l’ONU en 2008, rappelle que les MGF regroupent un ensemble de pratiques qui, si elles touchent toutes à l’intégrité physique de l’appareil génital féminin, n’en restent pas moins très diverses (OMS, 2008).
30Depuis 2008, l’OMS préconise donc de catégoriser les mutilations génitales féminines en 4 types principaux définis en fonction du type d’acte pratiqué au moment de la mutilation : le type I souvent qualifié de clitoridectomie (ablation partielle ou totale du prépuce et du gland du clitoris) ; le type II souvent qualifié d’excision (ablation des petites lèvres et du gland) ; le type III souvent qualifié d’infibulation (rétrécissement de l’orifice vaginal avec accolement par suture des grandes lèvres, avec ou sans ablation du clitoris) ; et le type IV qui regroupe les autres formes moins fréquentes (incisions, cautérisations, scarifications). Les mutilations de type I, II et III peuvent être subdivisées en sous-catégories (tableau 1). Les mutilations les plus fréquemment pratiquées sont celles de type I et II. En Afrique de l’Ouest, il s’agit de mutilations plutôt de type II tandis que les mutilations de type III, plus rares, sont essentiellement localisées à l’est du continent africain (Unicef, 2013) (section III.2).
Classification des MGF proposées par l’OMS (1re classification de 1997 et révision de 2007)
Classification des MGF proposées par l’OMS (1re classification de 1997 et révision de 2007)
Les limites de la classification
31Jusqu’aux années 2000, les modules spécifiques sur les MGF dans les enquêtes sociodémographiques (section II.1) posaient explicitement aux femmes la question du type de mutilation qu’elles avaient subi en leur demandant de choisir parmi l’un des trois grands types définis par l’OMS (excision, clitoridectomie et infibulation) [21]. La qualité des informations recueillies s’est avérée très discutable. Plusieurs études comparant les renseignements collectés auprès des femmes à ceux issus d’un examen clinique ont mis en évidence des discordances très importantes notamment dans les régions où les mutilations de type III (infibulation) étaient traditionnellement pratiquées alors que les femmes déclaraient souvent avoir subi des mutilations de type I ou II (Elmusharaf et al., 2006b). De fait, les femmes ne savent pas toujours ce qu’elles ont subi et peuvent difficilement le catégoriser. Par ailleurs, les termes utilisés par les enquêtées pour dénommer les formes de mutilations qu’elles ont subies varient d’un contexte à l’autre et ne correspondent pas forcément à une description physiologique telle que l’a définie l’OMS (Yoder et al., 2004). À partir des années 2000, la question sur le type de mutilation a été reformulée dans les enquêtes démographiques et de santé (EDS) et les enquêtes à indicateurs multiples (multiple indicator cluster surveys, Mics) afin de distinguer plus particulièrement les formes les plus invasives, à savoir celles de type III [22]. Les premières études cliniques menées dans les années 1990 avaient en effet montré que les mutilations de type III étaient associées à des risques plus graves pour la santé, notamment en termes de complications obstétricales (Obermeyer, 1999, 2003 ; OMS Study group on female genital mutilation and obstetric outcome, 2006). Si la classification proposée par l’OMS apparaît aujourd’hui peu utilisable dans les enquêtes basées sur les déclarations des femmes (section II.3), elle est en revanche pertinente pour les enquêtes cliniques (Yoder et al., 2004).
32La classification proposée par l’OMS en 1997 a été révisée en 2007 en raison du caractère trop réducteur des catégories proposées initialement qui reflétaient mal la diversité des pratiques effectives (tableau 1). Cette typologie est construite selon une double logique de gravité liée à l’étendue de l’ablation et au type de procédure réalisée au moment de la mutilation (coupure et/ou couture) : il s’agit de décrire l’ampleur des tissus enlevés par l’exciseuse (ou le praticien), celle-ci variant selon les régions, groupes ethniques ou âges auxquels la mutilation a lieu, et de noter l’existence ou non d’une opération de suture de la vulve. L’hypothèse d’un lien de cause à effet entre l’ampleur de l’ablation des tissus et la sévérité des conséquences subies par les femmes est centrale dans la typologie élaborée par l’OMS. Cette hypothèse n’est cependant pas toujours vérifiée [23] et la gravité des conséquences (notamment psychologiques ou sexuelles) peut varier en fonction d’autres caractéristiques sociodémographiques (âge, situation conjugale) ; enfin, cette typologie peine à prendre en compte le contexte sociosanitaire dans lequel évoluent les femmes concernées. En contexte migratoire par exemple, la prise en charge sanitaire au moment des accouchements est telle que les conséquences sont finalement peu importantes, au contraire de ce qui peut se passer dans un pays où la prise en charge périnatale est défaillante (Andro et al., 2014 ; Essén et al., 2005 ; Zenner et al., 2013).
II – Les sources de données
33Les premières données quantitatives et médicales sur les MGF ont été publiées par Fran Hosken dans un rapport présenté en 1979 à la première conférence internationale de l’OMS à Karthoum consacrée aux MGF (Hosken, 1978, 1979). Il s’agit de la première tentative de mesure de l’ampleur du phénomène sur le continent africain. Par la suite, les données quantitatives relatives aux MGF dans les pays d’origine ont été collectées de manière de plus en plus systématique à partir du début des années 1990 et elles sont aujourd’hui conséquentes et fiables. Les premières études d’ampleur, menées au niveau national, ont été mises en place dans les pays historiquement concernés par ces pratiques (27 pays du continent africain et 2 pays du Moyen-Orient [24]) dans le cadre des différents programmes internationaux d’enquêtes démographiques (EDS et Mics) (tableau annexe A.1). En outre, plusieurs études attestent de la présence des MGF au sein de groupes minoritaires dans d’autres parties du monde, comme dans certaines régions de Malaisie (Isa et al., 1999 ; Rashid et al., 2009) et de Colombie (Fnuap, 2011), mais aucune donnée d’enquête représentative ne permet à ce jour d’en évaluer l’ampleur de manière fiable. En Indonésie, une enquête de santé, menée en 2013 auprès d’un échantillon représentatif de ménages, permet, pour la première fois, d’y estimer la prévalence (Unicef, 2015).
34Enfin, la pratique peut également se perpétuer au sein de populations migrantes en provenance des pays concernés : c’est notamment le cas de l’Europe, de l’Amérique du Nord et de l’Australie, ou de certains pays du Moyen-Orient [25]. Dans les pays d’immigration, le recueil de données sur les MGF est beaucoup plus récent (années 2000) et n’est ni standardisé ni généralisé comme dans les pays d’origine : dans deux pays européens (France et Italie), des enquêtes sociodémographiques ont été menées à la fin des années 2000. En l’absence de données d’enquêtes, il est néanmoins possible d’y estimer indirectement l’ampleur du phénomène (section III.1).
35Par ailleurs, des enquêtes cliniques, réalisées à la fois dans les pays d’origine et dans les pays d’immigration, ont permis d’appréhender les conséquences des mutilations sur la santé, en particulier sur la santé reproductive des femmes.
1 – Les enquêtes sociodémographiques
Dans les pays d’origine
36Les données dans les pays d’origine proviennent de deux sources principales : les enquêtes démographiques et de santé (EDS) [26] et les enquêtes par grappes à indicateurs multiples pilotées par l’Unicef (Mics) [27]. Le premier module spécifique aux MGF a été introduit dans le questionnaire individuel auprès des femmes dans l’EDS du Nord Soudan en 1989-1990, puis progressivement étendu aux EDS de tous les pays africains concernés par la pratique (Côte d’Ivoire, 1994 ; Égypte, 1995 ; Érythrée, 1995 ; Mali, 1995-1996 ; République centrafricaine, 1994-1995). Il est aujourd’hui inclus dans les questionnaires EDS de 25 pays (Yoder et Wang, 2013). À partir des années 2000, les enquêtes Mics ont également recueilli des données dans 17 pays, dont 7 pays [28] pour lesquels on ne disposait auparavant d’aucune donnée (Unicef, 2013). L’enquête indonésienne réalisée en 2013 auprès de 30 000 ménages n’est pas une enquête de type EDS ou Mics et les questions relatives aux MGF n’ont porté que sur les filles âgées de moins de 12 ans (Unicef, 2015). Au final, dans les 30 pays où la pratique des MGF est concentrée (tous africains hormis l’Irak, le Yémen et l’Indonésie), 89 enquêtes représentatives au niveau national sont disponibles sur 25 ans (1989-2014). Près de 7 pays sur 10 disposent d’au moins 3 enquêtes sur la période (tableau annexe A.1).
37Le module sur les MGF des questionnaires EDS est standardisé, avec toutefois quelques variantes selon les pays et quelques modifications depuis sa première version dans les années 1990 (Yoder et al., 2004 ; Yoder et Wang, 2013). Le module est introduit par une question filtre sur la connaissance des MGF par la femme enquêtée (de 15 à 49 ans) puis se décompose en trois grandes séries de questions (tableau annexe A.1) :
- Situation personnelle de l’enquêtée par rapport aux MGF : mutilée ou non, type de mutilation, circonstances de la mutilation (âge et personne qui a procédé à la mutilation).
- Situation de la ou des filles (de moins de 15 ans) de la femme enquêtée [29] : mutilée ou non, type de mutilation, circonstances de la mutilation (même questions que pour les mères) et éventuelle intention dans le futur (pour les femmes dont au moins une des filles de moins de 15 ans n’était pas mutilée au moment de l’enquête).
- Perceptions et opinions autour de la pratique : avantages de la mutilation et de la non-mutilation, raisons de la pratique, opinions quant à son maintien ou à son abandon, conséquences sur la santé.
38Au cours de la décennie 2000, ces questions relatives aux perceptions et aux opinions autour de la pratique ont été également introduites dans le questionnaire individuel administré aux hommes interrogés dans ces enquêtes. Enfin, à partir de 2010, un questionnaire similaire est utilisé à la fois par les enquêtes EDS et les enquêtes Mics. Certaines questions ont été supprimées (conséquences de la mutilation, intentions vis-à-vis de leurs filles) et d’autres étendues à l’ensemble des filles de moins de 15 ans vivant avec leur mère enquêtée (mutilées ou non, type et circonstances de la mutilation) (Yoder et Wang, 2013).
39L’analyse de ces données permet dans un premier temps de fournir une mesure du phénomène en calculant les proportions de femmes et de filles mutilées dans chaque pays. Ces indicateurs sont considérés comme des taux de prévalence, au sens épidémiologique. La prévalence d’une affection à un moment t est le nombre de cas (individus) atteints par l’affection (ici le fait d’être mutilée) rapporté à la population totale (ici le nombre total de femmes). Cette mesure tirée d’échantillons représentatifs permet de déduire ensuite une estimation globale du nombre de femmes et de fillettes concernées par la pratique (Yoder et Khan, 2008 ; Yoder et al., 2013). Le croisement des données relatives aux MGF avec les caractéristiques sociodémographiques des femmes permet en outre d’analyser les caractéristiques et déterminants de la pratique, qui sont variables d’un pays à l’autre ou au sein d’un même pays selon l’origine ethnique, le niveau d’instruction, le niveau de vie, etc. Les variations de la prévalence selon les groupes d’âges et l’existence de données collectées à différentes dates [30] permettent d’appréhender l’évolution du phénomène dans le temps. Enfin, les informations relatives aux perceptions et opinions autour de la pratique (collectées auprès des hommes et des femmes) permettent d’approcher les dynamiques d’abandon ou de perpétuation des MGF dans les pays. Depuis la fin des années 1990, les résultats des enquêtes EDS et Mics ont fait l’objet de plusieurs rapports synthétiques qui présentent de manière détaillée le phénomène dans les pays les plus touchés (Carr, 1997 ; Unicef, 2005, 2013 ; Yoder et al., 2004, 2013 ; Yoder et Khan, 2008 ; Yoder et Wang, 2013).
Dans les pays d’immigration
40Dans les pays européens ou d’Amérique du Nord, les MGF ne concernent qu’une partie spécifique de la population : les femmes originaires de pays à risque. Les MGF n’y sont pas une norme sociale mais au contraire une pratique déviante, cachée, interdite et pénalement sanctionnée depuis plusieurs décennies. Dans ces pays, il n’existe aucune enquête représentative au niveau national dans laquelle un module similaire à celui présent dans les enquêtes EDS aurait été introduit. Dans la deuxième moitié des années 2000, deux enquêtes sociodémographiques portant explicitement sur les MGF ont cependant été réalisées dans deux pays européens, l’Italie (Farina et Ortensi, 2014b ; Ortensi et al., 2015) et la France (Andro et al., 2009). Les deux enquêtes avaient pour population cible des femmes migrantes (et filles de migrants pour l’enquête française) et s’inscrivaient dans une problématique plus large de santé sexuelle et reproductive. L’enquête italienne a été menée dans une seule région, la Lombardie, auprès d’un échantillon représentatif de 2 011 femmes migrantes âgées de 15 à 49 ans ; l’enquête française a été réalisée dans 5 régions [31] auprès d’un échantillon de 2 882 femmes migrantes ou filles de migrants âgées de 18 ans et plus. Dans les deux enquêtes, la population ciblée (femmes ayant subi ou à risque de MGF) est une population rare et difficile à joindre. S’appuyant sur des protocoles d’enquêtes définis pour pallier ces difficultés (Marpsat et Razafindratsima, 2013), les femmes ont été interrogées dans des centres de santé (centre de planification familiale, de protection materno-infantile, consultations gynécologiques des hôpitaux, etc.). Elles ont été sélectionnées selon une méthode d’échantillonnage espace-temps [32] et couplée, dans le cas de l’enquête italienne, avec une méthode d’échantillonnage dirigée par les répondants [33]. Dans les deux enquêtes, des questions relatives au statut des femmes enquêtées et de leurs filles par rapport à l’excision ont été posées, en reprenant le module sur l’excision des enquêtes démographiques et de santé. L’enquête française était en outre pensée comme une enquête de type cas-témoins, afin de mesurer les conséquences des MGF sur la santé des femmes concernées (la rapprochant des enquêtes cliniques), elle comportait également un module spécifique sur l’opération de chirurgie réparatrice [34] en raison de la spécificité du contexte français : la chirurgie réparatrice y a en effet été mise en place par un urologue français dans les années 1990 et elle est remboursée par la sécurité sociale depuis 2004 (section VI.3).
2 – Les enquêtes cliniques : mesure des conséquences médicales
41Les enquêtes cliniques sur les conséquences médicales des MGF sont nombreuses mais de qualité variable. Si les plus anciennes études de cas datent des années 1960, leur nombre a particulièrement augmenté au cours de la décennie 2000. Dans une synthèse récente sur ces enquêtes, Rigmor Berg et ses collègues (2014) ont ainsi recensé plus de 180 études portant sur les conséquences des MGF, dont les résultats ont fait l’objet de publications répertoriées dans des bases de données bibliographiques anglophones. Cette synthèse sous-estime vraisemblablement le nombre total d’études, car certaines d’entre elles n’accédent pas à ce type de référencement. On y trouve cependant près de 140 études quantitatives [35] portant sur une dizaine de femmes pour les plus réduites et sur plusieurs milliers pour les plus importantes (Fillo et Leone, 2007). Il s’agit majoritairement d’enquêtes mettant en évidence des différences de risque de santé entre les femmes ayant subi des MGF et les autres vivant dans le même contexte, ou encore des différences de risques de santé selon les types de MGF pratiquées (Almroth, Elmusharaf et al., 2005 ; Brewer et al., 2007 ; Elmusharaf, Elhadi et Almroth, 2006 ; Kaplan et al., 2011 ; Larsen et Okonofua, 2002 ; Morison et al., 2001). Les autres études cliniques sont soit des études de séries de femmes accueillies en consultation [36], soit des enquêtes de santé transversales, décrivant à un moment t l’état de santé d’un échantillon de femmes excisées évalué à partir d’un diagnostic médical ou d’une autodéclaration. Enfin, il existe quelques études de type cas-témoins pour lesquelles l’évaluation des sur-risques pour la santé est plus fiable et précise d’un point de vue statistique (Alsibiani et Rouzi, 2010 ; Andro et al., 2014).
42Globalement, la qualité de ces recherches est variable selon le type de méthodologie mobilisée, la taille de l’échantillon et la précision des questionnaires ou des formulaires utilisés pour diagnostiquer les conséquences médicales des MGF, mais selon une évaluation récente, plus de la moitié de ces enquêtes produisent des résultats fiables ou relativement fiables (Berg et al., 2014 ; Berg et Underland, 2013). La plupart de ces études ont été menées dans les pays d’origine, en particulier dans les pays de la corne de l’Afrique. Depuis la fin des années 2000, quelques enquêtes cliniques ont été menées dans les pays d’immigration (Abdulcadir et al., 2011 ; Andro et al., 2014 ; Vloeberghs et al., 2012 ; Wuest et al., 2009). Enfin, compte tenu de la sur-représentation des pays d’Afrique de l’Est dans les recherches cliniques, ces enquêtes ont plus souvent étudié la situation des femmes ayant subi une infibulation. Ces enquêtes, qui ont permis de définir les positions et les recommandations de l’OMS, portent essentiellement sur les conséquences des MGF sur la santé sexuelle et reproductive : elles s’intéressent à la fois aux conséquences immédiates et de long terme en se focalisant essentiellement sur les conséquences obstétricales, gynécologiques, sexuelles et psychologiques (section V).
3 – Limites et biais des données collectées auprès des femmes
Les incertitudes liées à l’autodéclaration
43Dans les enquêtes sociodémographiques, le statut vis-à-vis des MGF provient d’une autodéclaration des femmes. La validité des réponses suppose d’une part que la femme a connaissance de son état, et d’autre part qu’elle puisse répondre sans crainte aux questions. La première hypothèse selon laquelle les femmes mutilées ont une parfaite connaissance de leur état, n’est pas systématiquement vérifiée. Plusieurs études, disposant à la fois de l’autodéclaration des femmes et d’un examen clinique par un professionnel de santé, ont fait état de plus ou moins grandes discordances entre les déclarations des femmes et celles issues d’un examen gynécologique : une étude menée en Gambie donnait un écart faible de 3 % entre les deux types de déclarations (Morison et al., 2001), tandis que des études menées en Tanzanie et au Nigeria notaient des divergences plus importantes (Klouman et al., 2005 ; Snow et al., 2002). Les deux principales raisons évoquées par les chercheurs pour expliquer ces discordances étaient d’une part le fait qu’un certain nombre de femmes, mutilées très jeunes, n’avaient pas réellement connaissance de leur état, et d’autre part le fait que certaines formes de mutilations, relativement superficielles, n’entraînaient pas nécessairement d’altération visible des organes génitaux externes et n’étaient pas diagnostiquées lors de l’examen clinique.
44Les mêmes constats ont été faits en contexte migratoire, notamment dans l’enquête française où, outre l’autodéclaration de la femme enquêtée, un diagnostic était établi par un membre du personnel de santé (avec le consentement préalable de la femme) : pour les enquêtées dont on dispose de la double déclaration (60 % de l’échantillon), la concordance entre les deux déclarations est de l’ordre de 90 %, sachant que plus de la moitié des divergences sont liées à un diagnostic non établi par la personne ayant effectué l’examen (qui a répondu « ne sait pas »). Dans les pays d’immigration, cette absence de diagnostic est lié à un manque de formation du personnel pour le repérage des actes mutilants (Andro et al., 2009). Des entretiens menés avec des femmes ont également révélé l’expérience assez courante d’une découverte très tardive de leur mutilation, au moment de l’entrée en vie sexuelle, voire même au moment de l’accouchement (Andro et al., 2010).
La sous-déclaration liée au contexte législatif
45Par ailleurs, un autre biais de sous-déclaration peut être lié à l’évolution de la législation dans les différents pays (section I.2). Une étude longitudinale menée dans le Nord du Ghana en 1995 et 2000 a permis d’évaluer la cohérence des déclarations des femmes enquêtées au fil du temps : 15 % des femmes enquêtées aux deux dates ont donné des réponses divergentes, et parmi elles, la majorité ont répondu être mutilées à la première enquête en 1995 et ne pas l’être à la seconde en 2000. Les chercheurs expliquent cette différence par un effet de la législation, puisque la première loi interdisant la pratique des mutilations sexuelles féminines au Ghana date de 1994, suivie de campagnes de sensibilisation sur la question [37] (Jackson et al., 2003). Cette difficulté, pour les femmes enquêtées, à déclarer leur mutilation dans un contexte où la pratique devient interdite a été également observée dans d’autres pays africains disposant de données à plusieurs dates [38]. Durant la deuxième moitié des années 2000, dans un contexte où la lutte contre les MGF était mise en avant sur la scène internationale et africaine [39], plusieurs enquêtes EDS ont enregistré pour certains groupes d’âges des diminutions inexpliquées de la prévalence de la pratique qui ne semblaient pas traduire des baisses réelles mais pourraient être la conséquence d’une sous-déclaration par les femmes enquêtées (Unicef, 2013).
46Cette sous-déclaration est d’autant plus à craindre en contexte migratoire, notamment de la part des enquêtées originaires de pays à risque et nées dans les pays d’immigration. Par exemple, dans le contexte français où la pratique des MGF est à la fois sans fondement social pour la majorité de la population et où l’arsenal juridique est particulièrement répressif (section I.2), il est difficile pour les femmes nées ou ayant grandi en France de déclarer leur mutilation, et encore plus celle de leurs filles. Il est donc important de prendre en compte les contextes dans lesquels les questions sur les MGF sont posées, afin d’adapter au mieux les protocoles d’enquêtes et de multiplier les sources d’informations (Askew, 2005).
III – L’ampleur des mutilations génitales dans le monde
1 – La mesure du phénomène
47Le rapport Hosken de 1979 proposait une première mesure du nombre total de femmes et de fillettes mutilées sur le continent africain. Mais, en l’absence de données d’enquêtes nationales, les taux de prévalence par pays avaient été estimés à partir d’études de cas [40] et ensuite appliqués directement aux effectifs de femmes [41] des pays concernés. Cette première tentative d’estimation était certes relativement grossière et méthodologiquement critiquable, mais elle s’inscrivait dans un mouvement de dénonciation des MGF et d’une prise de conscience au niveau international de l’ampleur du phénomène et de ses répercussions sanitaires. Lors de la parution du rapport en 1979, Fran Hosken estimait qu’environ 80 millions de femmes étaient mutilées sur le continent africain (Hosken, 1979). En 1995, une nouvelle estimation, actualisant les données avec le taux de croissance de la population, évaluait alors le nombre de femmes et de filles mutilées à 150 millions (Hosken, 1995 ; tableau 2). Jusqu’en 2015, toutes les publications des organisations internationales (Fnuap, OMS, Unicef) et des recherches sur les MGF font état d’un nombre global variant entre 100 et 140 millions de femmes et filles mutilées dans le monde, sans bien préciser la méthodologie employée pour parvenir à ces chiffres (Yoder et al., 2013). La toute récente publication de l’Unicef début 2016, intégrant l’Indonésie, l’évalue à 200 millions.
48Le développement des enquêtes EDS et Mics dans les pays d’origine et la connaissance des prévalences de la pratique pour les femmes âgées de 15 à 49 ans et pour leurs filles âgées de moins de 15 ans, vont permettre de réaliser des estimations de plus en plus fiables et documentées. Dans les pays d’immigration, des estimations ont également été effectuées, mais de manière indirecte, en l’absence de taux de prévalence.
Estimations directes à partir d’enquêtes sociodémographiques
49En 1997, une première estimation (tableau 2), effectuée à partir des enquêtes démographiques et de santé, évaluait à 30 millions le nombre de femmes et de filles mutilées dans sept pays (Carr, 1997). Dix ans plus tard, les données agrégées de 27 pays africains permettaient d’estimer leur nombre à 92 millions (Yoder et Khan, 2008). En 2013, on l’évaluait à 125 millions sur le continent africain et au Moyen-Orient (Unicef, 2013 ; tableau 2). En février 2016, l’Unicef rend publique une nouvelle estimation de la population féminine concernée à travers le monde, en actualisant les estimations réalisées en 2013 (à partir des taux de croissance des populations) et en y intégrant la population féminine mutilée en Indonésie à partir des données collectées en 2013 auprès des filles de moins de 12 ans. L’estimation fournie par l’Unicef est passée de 125 millions à 200 millions. L’importance du différentiel est notamment liée au poids démographique de l’Indonésie (255 millions d’habitants en 2015) où une femme ou fille sur deux serait concernée (Unicef, 2016).
Estimations du nombre de femmes mutilées dans les pays où des enquêtes sont disponibles(a)
Estimations du nombre de femmes mutilées dans les pays où des enquêtes sont disponibles(a)
(a) Cette estimation qui figure dans le rapport Unicef de 2013 (p. 22) reprend la méthodologie développée par Yoder et ses collègues (publiée également en 2013) en y intégrant les données de l’Irak et en mobilisant les données d’enquêtes les plus récentes, notamment les EDS réalisées au début des années 2010 (l’estimation de Yoder et de ses collègues intégrait uniquement les données d’enquêtes de la décennie 2000).50Dans les estimations les plus récentes et précisément documentées (2008 et 2013), la méthode de calcul utilise d’une part les proportions de femmes mutilées [42] calculées à partir des enquêtes EDS et Mics et d’autre part les effectifs de femmes fournies par l’US Census Bureau pour les pays concernés.
51Les échantillons des enquêtes EDS et Mics ne concernent que des femmes âgées de 15 à 49 ans. Une première estimation directe consiste à appliquer aux effectifs totaux de femmes âgées de 15 à 49 ans les prévalences fournies par les enquêtes démographiques, en les ventilant par classes d’âges quinquennales, puisque les prévalences peuvent varier d’un groupe d’âges à l’autre (section IV.2). Pour les femmes de 50 ans ou plus et pour les jeunes filles de 10 à 14 ans (pour lesquelles on ne dispose pas de la proportion de mutilées), on applique les taux de la classe d’âges connue la plus proche (45-49 ans et 15-19 ans) aux effectifs respectifs de ces groupes d’âges (figure annexe A.1).
Estimations indirectes en l’absence de données d’enquêtes
52Dans les pays d’immigration, les estimations directes ne peuvent pas être mises en œuvre pour deux raisons : la première est qu’il n’existe pas d’enquêtes représentatives au niveau national, comparables aux enquêtes démographiques et de santé (EDS) qui intègrent un module sur les MGF auprès de l’ensemble de la population féminine résidant dans ces pays [43] (section II.1). La seconde tient à la difficulté d’identifier la population concernée, notamment dans les pays ne disposant pas de registre de population. Cette dernière est composée de femmes migrantes (nées à l’étranger) originaires de pays où l’excision est traditionnellement pratiquée et de femmes nées dans les pays d’immigration et originaires de ces pays (par au moins l’un des parents). Concernant les premières, selon les pays, l’accès à des données de la statistique publique par pays d’origine n’est pas toujours possible (du fait notamment de la faiblesse des effectifs) et une partie d’entre elles peuvent également avoir des statuts de résidence rendant leur identification très difficile (sans-papiers, réfugiées, demandeuses d’asiles) ; quant aux secondes, on ne peut les identifier que par la connaissance du pays de naissance de leurs parents, une donnée rarement demandée dans les grandes enquêtes nationales (Simon, 2012).
53Dès lors, les estimations produites pour l’ensemble des pays d’immigration concernés n’ont pas de méthodologie clairement définie et homogène. En 2009, la résolution du 24 mars du Parlement européen consacrée aux MGF estimait qu’environ 500 000 femmes vivant dans les pays de l’Union européenne étaient mutilées et que 180 000 fillettes risquaient de l’être chaque année (Parlement européen, 2009) sans que la méthodologie employée pour parvenir à ces chiffres ne soit explicitée (Leye et al., 2014). Si une estimation globale (comme celle réalisée dans les pays d’origine) s’avère en l’état impossible, en revanche, pour plusieurs pays [44], nous disposons d’estimations calculées à partir d’une méthode indirecte d’extrapolation des taux de prévalence observés dans les pays d’origine (tableau 3).
Estimations du nombre total de femmes mutilées dans les pays d’immigration(a)
Estimations du nombre total de femmes mutilées dans les pays d’immigration(a)
(a) L’estimation portait uniquement sur les femmes adultes.Note : Pour une documentation complète sur les pays européens, pays par pays, se référer au site de l’European Institute for Gender Equality (EIGE) : http://eige.europa.eu/gender-based-violence/literature-and-legislation.
54Cette méthode dite « d’estimation indirecte » consiste à appliquer les prévalences observées dans les pays d’origine aux effectifs des populations féminines originaires des pays à risques (figure annexe A.2). Elle varie selon la disponibilité des données issues de la statistique publique de chaque pays (Leye et al., 2014). En Europe, les premières estimations ont été réalisées à partir de 2005, notamment dans les pays d’Europe de l’Ouest (Allemagne, Belgique, France, Italie, Royaume-Uni), les plus concernés, compte tenu du nombre de familles et de femmes migrantes ou originaires de pays à risque. À la fin des années 2000, à l’initiative de l’Institut européen pour l’égalité entre les sexes (European Institute for Gender Equality, EIGE), un groupe d’experts européens a réalisé un important travail de recension des travaux existants sur les MGF en Europe et notamment sur les estimations produites dans différents pays (European Institute for Gender Equality, 2013). Globalement, la première étape consiste à identifier, à partir de différentes sources (recensements de la population, registres de population, enquêtes en population générale, registres des réfugiés ou demandeurs d’asiles, etc.), la population de référence définie comme l’ensemble des femmes et des filles originaires des 29 pays où la pratique des MGF existe et est documentée (section II.1). À cette population de référence sont ensuite appliqués les taux de prévalence fournis par les enquêtes DHS/Mics (figure annexe A.2). Ces taux peuvent être, selon les variables disponibles dans les pays d’immigration, ventilés selon l’âge, le niveau d’éducation, l’âge à l’arrivée dans le pays d’immigration (Leye et al., 2014).
55Ces estimations indirectes présentent un certain nombre de limites et de biais. L’identification de la population concernée dépend des données disponibles dans les recensements, de l’existence de registres de population, de la possibilité d’accéder facilement aux registres de demandeurs d’asiles ou aux registres de naissances. L’hétérogénéité des sources rend difficile la mise en œuvre d’une méthodologie commune aux différents pays concernés. Par ailleurs, selon l’ancienneté des flux migratoires dans les pays, la présence d’une seconde, voire d’une troisième génération, implique également de définir « la population à risque » de manière spécifique. Pour les migrantes, la définition est largement partagée puisqu’il s’agit de « l’ensemble des femmes nées dans l’un des 29 pays où la pratique est identifiée et la prévalence mesurée à partir d’enquêtes EDS et Mics ». Concernant les générations suivantes, la définition des femmes « originaires » des pays à risque (c’est-à-dire nées dans les pays d’immigration mais avec une ascendance dans un des pays à risque) peut être plus ou moins restrictive : avoir au moins l’un des parents ou les deux nés dans un pays à risque. Or on l’a dit, on dispose rarement de l’information sur le pays de naissance des parents (Simon, 2012).
56Les autres limites ou biais de ces estimations indirectes sont liées à la méthode d’extrapolation utilisée, c’est-à-dire à l’application des prévalences mesurées dans les pays d’origine sur la population à risque identifiée préalablement dans les pays d’immigration. La pratique des MGF, on le verra (section III.2), varie entre autres selon l’appartenance ethnique (ou l’origine géographique), le niveau d’instruction, le milieu de résidence (urbain/rural), le niveau de revenus et l’âge (dans les pays où on observe une diminution de la pratique au fil des générations). Si la plupart des estimations réalisées dans les pays d’immigration peuvent appliquer les prévalences observées dans les pays d’origine, selon l’âge et le niveau d’instruction (variables dont on dispose également dans les enquêtes des pays d’immigration), pouvoir attribuer une origine ethnique à partir des données de la statistique publique des pays du Nord est extrêmement rare. Pourtant, les prévalences peuvent être fortement contrastées selon les groupes ethniques dans les pays d’origine : au Sénégal, la prévalence nationale des MGF est de 26 %, mais elle est pratiquement inexistante chez les femmes d’ethnie Wolof (1 %) et Serer (2 %), alors qu’elle concerne une majorité des femmes Poular (55 %), Diola (52 %), Soninke (65 %) et Mandingue (82 %) (EDS-Mics Sénégal, 2010-2011). L’application d’un taux de prévalence national moyen selon le pays d’origine peut donc, selon l’origine ethnique des migrantes, conduire à des sous ou sur-estimations importantes avec cette méthode [45].
57Par ailleurs, ces estimations indirectes peinent à prendre en compte les effets de la migration. On sait par d’autres études que la population migrante n’est pas représentative, en termes sociodémographiques, de la population restée dans le pays d’origine (Massey, 1998) ; et que la migration peut avoir un effet sur la pratique même des MGF, notamment pour les fillettes ayant migré durant la prime enfance et qui n’étaient pas mutilées au départ du pays. La protection contre les pratiques de MGF est d’ailleurs devenue un motif recevable de demande d’asile dans plusieurs pays européens. Depuis 2009, le Hautcommissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) reconnaît que la crainte d’une fille ou d’une femme d’être soumise à une MGF est l’un des cinq motifs permettant d’accéder au statut de réfugié : le motif de « l’appartenance à un certain groupe social » [46]. Selon une étude récente de l’UNCHR, le nombre de demandes d’asiles de femmes motivées par un risque de mutilation demeure toutefois assez faible [47] (UNHCR, 2013).
58D’autres estimations récentes du nombre de femmes excisées affinent la méthodologie en prenant en compte le maximum de variables sociodémographiques afin de caractériser au mieux la population migrante (Ortensi et al., 2015). Elles posent également différentes hypothèses selon l’âge à l’arrivée dans le pays d’immigration, en supposant par exemple que les filles arrivées avant l’âge de 15 ans ne peuvent être soumises aux mêmes risques que celles arrivées après l’âge de 15 ans, plus exposées aux risques dans les pays d’origine (Andro et Lesclingand, 2007 ; Exterkate, 2013).
59Enfin, la méthode d’extrapolation devient particulièrement difficile à mettre en œuvre pour les secondes (voire les troisièmes) générations issues de l’immigration. En effet, outre l’effet de sélection, on peut penser que l’immersion et la socialisation dans le pays de destination conduisent à abandonner progressivement les MGF (section IV.1). Mais les données quantitatives sur l’abandon ou la perpétuation de la pratique en contexte migratoire sont rares, en dehors des enquêtes sociodémographiques italiennes et françaises (Andro et Lesclingand, 2008 ; Farina et Ortensi, 2014b). En leur absence, l’application des prévalences observées dans les pays d’origine sur les filles de migrants apparaît comme une solution sans doute approximative.
2 – La situation actuelle dans les pays d’origine
Niveaux de prévalences selon les pays et les régions
60Dans les 30 pays les plus touchés par les MGF (essentiellement en Afrique et au Moyen-Orient), les prévalences sont fortement contrastées d’un pays à l’autre (figure 1). Il est possible de les classer en quatre grandes catégories selon le niveau de prévalence : (1) les pays où la pratique est quasi généralisée, avec une prévalence supérieure ou égale à 80 % ; (2) les pays où la pratique reste majoritaire mais à des niveaux plus modérés, entre 50 % et 79 % ; (3) les pays où la pratique ne touche qu’une partie de la population, entre 25 % et 49 % ; et (4) les pays où la pratique est minoritaire, inférieure à 25 %. Sur le continent africain, la pratique s’étend sur une large bande centrale de l’ouest à l’est du continent, avec des régions particulièrement concernées comme une grande partie de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée, Sierra Leone, Burkina Faso et Mauritanie) et l’extrémité de l’Afrique de l’Est (Somalie, Djibouti, Érythrée, Égypte et Soudan). Dans l’ensemble du Maghreb, de l’Afrique australe et d’une grande partie de l’Afrique centrale, la pratique n’est pas observée (figure 1).
Les niveaux de prévalence des MGF en Afrique
Les niveaux de prévalence des MGF en Afrique
61Ces taux de prévalence, au niveau national, ne sont pas cependant des plus pertinents pour approcher au mieux cette pratique, très ancienne et touchant historiquement certaines sociétés plus que d’autres. Même dans les pays où la prévalence nationale est très élevée, certaines populations [48] ne sont pas ou peu concernées. Les contrastes intra-nationaux sont particulièrement nets selon la région de résidence et selon l’appartenance ethnique, ces deux variables étant souvent corrélées. Les différences territoriales sont partout importantes, y compris dans les pays à très forte prévalence nationale (figure 2).
Prévalences régionales des MGF au Mali, au Sénégal et en Tanzanie*
Prévalences régionales des MGF au Mali, au Sénégal et en Tanzanie*
* Prévalence nationale.Note : Le Mali dispose d’une EDS plus récente (réalisée en 2012-2013) mais dont l’échantillon n’a pas couvert tous les territoires du Nord-Mali (Tombouctou, Kidal et Gao) en raison des événements politiques survenus en 2012 (EDSM-V, 2012-2013).
62C’est le cas du Mali : la pratique est quasi inexistante dans toute la partie Nord du pays (peu peuplée) et où habitent notamment des populations d’ethnie Songhaï et Tamashek qui ne pratiquent pas ou peu les MGF (EDSM-IV, 2006). De même au Sénégal, c’est essentiellement dans les parties Est et Sud du pays que les niveaux sont les plus élevés, régions limitrophes et proches (en termes d’origines ethniques) du Mali et de la Guinée, pays dans lesquels neuf femmes sur dix sont mutilées. En Tanzanie, la prévalence nationale (15 %) est relativement basse, mais quelques régions sont particulièrement touchées au Nord-Est (figure 2).
63Comme nous l’avons vu précédemment (section II.3), les femmes ne sachant pas réellement ce qu’on leur a fait subir, les questions posées dans les enquêtes EDS et Mics les plus récentes se limitent à essayer de distinguer deux types de mutilation : les excisions avec ou sans ablation des tissus et les ablations occlusives (ou infibulations) (figure 3).
Géographie des différentes formes de mutilations en Afrique vers 2010(a),(b)
Géographie des différentes formes de mutilations en Afrique vers 2010(a),(b)
(a) Avec ou sans ablation des tissus (types I et II)(b) Mutilation de type III.
64Les données sur le type de mutilation subie déclaré par les femmes sont disponibles dans les enquêtes de 22 pays [49]. Dans 6 pays [50], le pourcentage de femmes ayant déclaré ne pas connaître leur type de mutilation est supérieur à 5 %, allant jusqu’à 19 % en Mauritanie et 26 % au Mali.
65Dans la plupart des pays, la forme de mutilation la plus souvent déclarée est une excision avec ou sans ablation des tissus : dans 15 pays, elle concerne plus des deux tiers des femmes enquêtées (figure 3A). La forme la plus invasive (infibulation) est localisée en Afrique de l’Est : en Somalie, à Djibouti et en Érythrée, respectivement 77 %, 62 % et 35 % des femmes ont déclaré avoir subi ce type de mutilation. Cette forme est beaucoup plus rare dans les autres régions où elle représente le plus souvent moins de 10 % des mutilations subies (figure 3B). L’observation de ces différentes formes de mutilations auprès des filles excisées des femmes enquêtées fait apparaître, globalement, une stabilité des types de mutilations pratiquées entre les générations [51]. Dans certains pays où la forme la plus invasive est prédominante, comme à Djibouti, il semblerait que la pratique de l’infibulation diminue chez les filles, sachant que cette proportion n’est pas définitive et que certaines filles peuvent la subir à un âge plus tardif (Carillon et Petit, 2009). Enfin, plusieurs études montrent que dans des régions où les mutilations sont plus fréquemment réalisées par des professionnels de santé, comme au Nigeria et au Kenya par exemple, les formes les moins invasives semblent privilégiées (Orubuloye et al., 2001 ; Njue et Askew, 2004).
Les facteurs associés : éducation, milieu de résidence, niveau économique et religion
66Les enquêtes EDS et Mics permettent de croiser un certain nombre de variables sociodémographiques individuelles avec le fait d’être ou non mutilée, et de mettre ainsi en évidence d’éventuelles relations avec le niveau d’instruction, le milieu de résidence, le niveau économique et l’appartenance religieuse.
67Dans tous les pays, mais à des degrés variables, la scolarisation des femmes a un effet favorable [52] sur le recul des mutilations : les femmes les plus instruites présentent un risque plus faible que les femmes sans instruction. Dans plusieurs pays, les femmes les moins instruites ont entre 3 et 5 fois plus de risques d’avoir été mutilées que les femmes ayant un niveau d’instruction plus élevé, notamment en Égypte, en Sierra Leone, en Mauritanie et au Liberia (figure 4).
Rapports de risque de la pratique des MGF selon le niveau d’instruction (primaire versus secondaire)
Rapports de risque de la pratique des MGF selon le niveau d’instruction (primaire versus secondaire)
Note : Risque de mutilation, selon le niveau de prévalence du pays, des femmes de niveau d’instruction primaire ou moins par rapport aux femmes de niveau secondaire ou plus. Le rapport de risque est le rapport entre le risque pour une femme ayant un niveau d’instruction primaire ou moins d’être mutilée et celui pour une femme ayant un niveau d’instruction secondaire ou plus. Un rapport de risque égal à 1 indique que le niveau de la pratique est identique. Une valeur supérieure à 1 indique un sur-risque de mutilation pour les femmes les moins instruites par rapport aux femmes les plus instruites.68Le niveau d’instruction ne peut pas être interprété comme un facteur explicatif directement causal puisque l’excision n’est pas du ressort de la femme (elle intervient, on le verra, en amont de la scolarisation), mais il peut servir de proxy pour mesurer l’influence du milieu familial d’origine, investissant dans la scolarité (notamment des filles) et qui, de ce fait, pourrait être plus réceptif aux discours interdisant la pratique et mettant en avant ses conséquences néfastes. L’influence de l’éducation se confirme quand on examine les proportions de filles excisées selon le niveau d’instruction des mères : dans les pays à forte, moyenne ou faible prévalence, la proportion de filles excisées décroît avec l’augmentation du niveau d’instruction des mères (Unicef, 2013).
69Si l’éducation semble être un facteur important dans l’évolution de la pratique, d’autres facteurs tels que le lieu de résidence et le statut économique apparaissent également. Les risques de mutilations apparaissent pratiquement partout plus élevés dans les zones rurales que dans les zones urbaines [53] (figure 5).
Rapports de risque de la pratique des MGF en Afrique selon le lieu de résidence (rural versus urbain)
Rapports de risque de la pratique des MGF en Afrique selon le lieu de résidence (rural versus urbain)
Note : Risque de mutilation, selon le niveau de prévalence du pays, des femmes résidant en milieu rural par rapport aux femmes résidant en milieu urbain. Le rapport de risque est le rapport entre le risque pour une femme résidant en milieu rural d’être mutilée (plutôt que de ne pas l’être) et celui pour une femme de milieu urbain. Un rapport de risque égal à 1 indique que le niveau de la pratique est identique. Une valeur supérieure à 1 indique un sur-risque de mutilation pour les femmes du milieu rural par rapport aux femmes du milieu urbain.70Si les rapports de risque sont globalement moins élevés que pour le niveau d’instruction, c’est néanmoins dans les pays où les différentiels en matière d’éducation sont les plus importants [54] que l’on observe également des risques de mutilation plus marqués pour les femmes du milieu rural [55] (figure 5). Le milieu de résidence des femmes saisi au moment de l’enquête n’approche cependant pas de manière complètement satisfaisante le milieu d’origine des femmes enquêtées : en effet, en raison des migrations féminines internes rural-urbain importantes dans les pays africains (Temin et al., 2013) [56], une partie non négligeable des femmes résidant en milieu urbain au moment des enquêtes sont originaires de milieux ruraux. En dépit de cette limite inhérente à la variable utilisée, il est aussi possible que la plus grande diversité ethnique et sociale que l’on observe dans les villes et donc la possibilité de contacts avec des communautés ne pratiquant pas l’excision, puissent affecter, à plus ou moins long terme, les attentes et les pratiques des individus. Cette hypothèse est confirmée dans certains pays quand on compare le risque de mutilation parmi les filles des femmes enquêtées selon leur lieu de résidence [57] : au Kenya par exemple, les filles des femmes enquêtées en milieu rural ont quatre fois plus de risques d’avoir subi une mutilation que les filles des femmes vivant en milieu urbain. Au Burkina Faso, en Mauritanie et au Sénégal, le rapport de risque est de deux, ailleurs il est proche de un (Unicef, 2013).
71Quant aux variations de la pratique selon le niveau socio-économique (figure 6), le risque est le plus souvent plus élevé dans les ménages très pauvres que dans les ménages riches, sauf dans le cas du Nigéria, du Mali et de la Gambie où les inégalités sont faibles et les différences selon la région (et l’ethnie) plus importantes. Il est en revanche particulièrement élevé en Mauritanie, en Guinée et en Egypte.
Rapports de risque de la pratique des MGF selon le niveau économique des ménages (pauvres versus riches)
Rapports de risque de la pratique des MGF selon le niveau économique des ménages (pauvres versus riches)
Note : Risque de mutilation, selon le niveau de prévalence du pays, des femmes vivant dans les ménages les plus pauvres par rapport aux femmes vivant dans les ménages les plus riches. Le rapport de risque est le rapport entre le risque pour une femme vivant dans un ménage très pauvre (1er quintile de richesse) d’être mutilée et celui pour une femme vivant dans un ménage très aisé (5e quintile de richesse). Un rapport de risque égal à 1 indique que le niveau de la pratique est identique. Une valeur supérieure à 1 indique un sur-risque de mutilation pour les femmes les plus pauvres par rapport aux femmes économiquement les plus aisées.72Même si le niveau d’aisance économique est lié à d’autres caractéristiques sociales (en particulier le lieu de résidence et/ou le niveau d’éducation du ménage), il reste un facteur clairement associé à la réduction des risques de MGF dans plusieurs pays.
73Concernant le facteur religieux, les enquêtes EDS et Mics montrent que les MGF existent aussi bien parmi des populations se déclarant animistes que parmi les populations des trois grandes religions musulmane, chrétienne et juive (Unicef, 2013). Du fait de la présence majoritaire de populations se déclarant de religion musulmane dans la plupart des pays concernés par les MGF, on a longtemps évoqué un lien entre les MGF et l’islam (Boddy, 1991). En 2007, l’Académie des recherches islamiques d’Al-Ashar a publié un édit religieux (fatwa) condamnant les MGF et rappelant que la pratique n’était pas mentionnée dans le Coran. Cette position sera d’ailleurs reprise par de nombreux chefs religieux au niveau national et local dans plusieurs pays (Fnuap et Unicef, 2009). Cela dit, dans certains pays (Érythrée, Guinée, Égypte, Mali, Mauritanie, Sierra Leone et Tchad), des proportions importantes d’hommes et de femmes [58] considèrent la pratique comme une obligation religieuse (Unicef, 2013). Plusieurs études récentes montrent que la relation entre la religion musulmane et la pratique des MGF n’est pas systématique et varie beaucoup selon les contextes. Ces études ethnographiques montrent que les convictions religieuses coexistent avec d’autres normes sociales relatives aux MGF (Boddy, 1991 ; Johnson, 2001). Une étude menée au Burkina Faso (Hayford et Trinitapoli, 2011), pays comptant à la fois des populations animistes (10 %), musulmanes (60%) et chrétiennes (30%) [59], montre que l’impact de la religion sur la pratique (à la fois au niveau individuel et au niveau collectif) diffère selon le niveau de prévalence : dans les communautés où la prévalence est forte, l’appartenance religieuse musulmane n’est pas liée à la pratique des MGF contrairement à ce que l’on observe dans celles où la prévalence est plus faible. Les auteures l’expliquent par le rôle plus fort des normes sociales dominantes du groupe qui vont s’imposer à tout le monde dans le premier cas, indépendamment de l’appartenance religieuse, tandis que dans le second, les croyances religieuses l’emporteront. Au final, le lien avec la religion est complexe et multiforme et nécessite des approches de type ethnographique pour l’appréhender plus finement (Boyle, 2005 ; Johnsdotter, 2007 ; Johnson, 2007).
Les circonstances de la pratique des MGF
74Les MGF ont longtemps été décrites à travers la littérature anthropologique comme des pratiques réalisées à l’occasion de rites de passage, notamment pour l’entrée dans le monde des adultes (section I.1). Les informations collectées sur les circonstances de la pratique [60] dans les enquêtes EDS et Mics de vingt-deux pays révèlent qu’elle est désormais le plus souvent déconnectée de cette dimension rituelle. Partout, la quasi-totalité des femmes interrogées déclarent avoir été mutilées avant l’âge de 15 ans ; dans dix-huit pays sur vingt-deux, la majorité des femmes l’ont été avant l’âge de 10 ans (figure 7).
Proportion de femmes mutilées âgées de 15 à 49 ans ayant déclaré l’avoir été avant l’âge de 15 ans ou de 10 ans selon le niveau de prévalence nationale
Proportion de femmes mutilées âgées de 15 à 49 ans ayant déclaré l’avoir été avant l’âge de 15 ans ou de 10 ans selon le niveau de prévalence nationale
75En Égypte et en République centrafricaine, plus de la moitié des femmes (respectivement 58 % et 60 %) ont été mutilées entre 10 et 14 ans, tandis que dans deux pays seulement, la Sierra Leone et le Kenya, elles l’ont été parfois à des âges plus avancés : respectivement 23 % et 29 % après l’âge de 15 ans (figure 7). Dans la plupart des pays, on observe aussi des variations de l’âge à l’excision selon les groupes ethniques. C’est par exemple le cas du Kenya [61] où l’âge moyen à l’excision parmi les femmes âgées de 15 à 49 ans va de 9 ans pour les Somaliennes à 16 ans pour les Kambas et les Kalenjines (Unicef, 2013).
76Si les MGF restent, dans certains groupes ethniques – au Kenya et au Tchad par exemple – encore associées à des rites initiatiques collectifs (Ahmadu, 2001 ; Droz, 2000 ; Leonard, 1996), dans d’autres régions comme la Gambie elles ne le sont plus : pratiquées individuellement et non en groupe, elles sont déconnectées de toute festivité et pourraient alors perdre progressivement de leur signification sociale (Hernlund, 2001). En outre, dans la moitié des pays disposant de données sur l’âge à l’excision des filles [62], selon les déclarations des mères, la majorité de leurs filles l’ont subie avant 5 ans, laissant penser à un rajeunissement de la pratique (Unicef, 2013). Cet âge à l’excision des filles des enquêtées doit néanmoins être interprété avec prudence : en effet, le rajeunissement observé peut être dû au moins en partie à un effet de césure, sachant que parmi les filles non encore mutilées certaines le seront plus tard.
77Dans tous les pays étudiés, les mutilations sont essentiellement exécutées par des praticiennes « traditionnelles » (femmes exciseuses de métier, matrones de village). On observe cependant des exceptions comme en Égypte [63] ou au Soudan où un tiers des femmes déclarent avoir été excisées par un professionnel de santé, par des médecins en Égypte ou par des infirmières ou sages-femmes au Soudan (Unicef, 2013). En Égypte, les proportions de filles excisées par un professionnel de santé ont considérablement augmenté dans le temps, passant de 55 % en 1995 à 77 % en 2008. Cette tendance à la médicalisation [64] de la pratique s’observe également au Kenya où environ 40 % des excisions ont été effectuées par du personnel de santé à la fin des années 2000 contre un tiers à la fin des années 1990 (Shell-Duncan et al., 2001 ; Unicef, 2013). Cette tendance récente qui s’observe parfois parallèlement à un recul de la pratique, comme au Kenya (section IV.2), s’expliquerait par un effet contre-productif des premières campagnes de lutte contre les mutilations menées dans les années 1990 (section VI.1). Ces premières campagnes étaient en effet axées sur les risques sanitaires entraînés par les MGF, notamment les risques à court terme tels que les hémorragies ou les infections, laissant penser qu’ils seraient réduits si les mutilations étaient pratiquées par des professionnels de santé et dans des conditions sanitaires plus correctes (Shell-Duncan, 2001).
IV – Les dynamiques sociales de l’abandon ou de la perpétuation de la pratique
78La lutte contre les MGF est liée à l’évolution du débat entourant cette pratique, elle s’est tout particulièrement intensifiée à partir des années 1990 sous l’impulsion des grandes organisations internationales (Boyle, 2005 ; Toubia et Sharief, 2003). Les premières mobilisations étaient portées par des chercheuses féministes du Nord comme du Sud, la pratique étant alors essentiellement perçue comme une manifestation de l’oppression des femmes dans un système patriarcal. Mais cette perspective en partie instrumentalisée par les discours hégémoniques émanant des pays du Nord a été vivement critiquée, notamment par les études postcoloniales [65] dénonçant le caractère « impérialiste », « néocolonial » voire même « raciste » de certaines approches féministes (Wade, 2012) [66]. Cette double approche reprend en partie le débat plus ancien entre relativisme et universalisme mais en le réinscrivant dans un monde globalisé et transnational où l’imbrication des questions sexuelles et raciales est particulièrement prégnante dans les pays d’immigration (Dorlin, 2009 ; Hernlund et Shell-Duncan, 2007, Watson, 2005)
1 – La dynamique du changement social
79Indépendamment des circonstances et des justifications, les MGF s’imposent aux individus comme une règle ou norme intériorisée par l’ensemble du groupe et dont la transgression entraîne des sanctions sociales : les femmes qui ne sont pas excisées sont réputées « sales » ou « obscènes ». Mais au-delà de l’impureté, c’est au premier chef la non-reconnaissance du statut de femme et par là du statut à venir d’épouse et de mère, ce que désigne par exemple le terme de « bilakoro » [67] chez les Malinké du Mali. C’est donc principalement sous l’angle de la norme sociale que les différentes approches théoriques ont appréhendé la question de l’abandon (ou de la perpétuation) de la pratique, dans les pays d’origine comme dans les contextes migratoires.
80Prenant en considération les déterminants de la pratique, tels qu’ils avaient pu être documentés à travers les enquêtes sociodémographiques, une première approche, inspirée de la théorie de la modernisation, considère que des facteurs macro-sociaux comme le développement économique, l’urbanisation, l’augmentation de la scolarisation, le travail salarié – qui se traduisent par une moindre intervention des familles, une privatisation et une individualisation des comportements – vont entraîner une diminution des pratiques « traditionnelles » telles que les MGF (Boyle et al., 2002 ; Farina et Ortensi, 2014a). D’autres approches vont privilégier les facteurs liés aux inégalités de genre et vont considérer que la pratique ne pourra décroître qu’avec une augmentation de l’autonomie et de l’indépendance des femmes, qui se traduiront notamment par une plus grande marge de manœuvre dans les décisions au sein des sphères conjugales et familiales (Yount, 2002). Les approches les plus récentes, qui servent de cadrage dans les programmes des organisations internationales ces dernières années (Lewnes et al., 2005 ; Fnuap et Unicef, 2014 ; Unicef et Innocenti Research Centre, 2010), appréhendent toujours les MGF en termes d’inégalités de genre mais considèrent que l’abandon de la pratique ne pourra se faire au niveau individuel qu’à partir du moment où l’on dispose d’une masse critique de femmes non excisées à l’intérieur des groupes d’appartenance. Appliquant la théorie des conventions sociales [68] à la pratique des MGF, Mackie et LeJeune (2009) ont ainsi proposé un cadre analytique prenant en considération les normes sociales, morales et juridiques. Pour les auteurs, en dépit des sanctions morales (culpabilité à faire subir une telle violence à leurs filles) ou juridiques (crainte d’une amende ou d’un emprisonnement), les sanctions liées au non-respect de la norme sociale peuvent l’emporter car, outre la stigmatisation sociale, elles conduisent souvent à l’exclusion des filles du marché matrimonial [69] (Lewnes et al., 2005 ; Mackie, 1996 ; Mackie et LeJeune, 2009). L’abandon de la pratique ne pourra se faire qu’à partir du moment où, après discussion collective (et déclaration publique), une masse « critique » d’hommes et de femmes auront décidé d’y renoncer et auront convaincu une large partie de la communauté de la nécessité de son abandon. Les programmes mis en place par des ONG dans les pays concernés avec l’aide des organisations internationales développent cette approche, centrée sur le dialogue avec les communautés. Les effets de ces campagnes, souvent localisées, sont contrastés d’un contexte à l’autre (Unicef et Innocenti Research Centre, 2010), et l’évaluation même de ces programmes présente des limites d’ordre méthodologique (Askew, 2005). Plus globalement, si les données disponibles, notamment à partir des enquêtes EDS et Mics, permettent de suivre en partie les tendances du phénomène, ces dernières doivent être interprétées avec prudence sur le plan explicatif.
2 – L’effet des politiques de lutte contre les MGF
Que mesure-t-on ?
81Une première approche pour mesurer l’évolution de la pratique est bien sûr de suivre son évolution dans le temps. Cependant, les données des enquêtes EDS et Mics concernent des femmes âgées de 15 à 49 ans et la pratique étant, dans la plus grande partie des pays, réalisée à des âges jeunes (avant 15 ans), il est nécessaire de disposer d’un certain recul dans le temps pour mesurer l’impact des campagnes menées depuis deux décennies. Parmi les 29 pays où des enquêtes ont été menées, seuls cinq disposent de données couvrant une période de plus de 15 ans : la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Mali, la République centrafricaine et le Soudan (tableau annexe A.1). Outre les limites inhérentes à toute comparabilité dans le temps faite à partir d’enquêtes transversales réalisées à plusieurs dates sur des échantillons différents [70], le biais principal est celui de l’éventuelle sous-estimation du phénomène, sachant que tout s’appuie sur les autodéclarations des femmes. Dans des contextes législatifs de pénalisation croissante (section I.2), une éventuelle baisse de la pratique peut être simplement le résultat d’une sous-déclaration de la pratique et non de sa réelle diminution. Ainsi, au Burkina Faso, la prévalence de la pratique avait augmenté de 4 points (76 %) dans l’enquête de 2010 par rapport à celle de 1998-1999 (72 %). La première loi érigeant les MGF en infraction pénale y a été adoptée en 1996 et appliquée avec près d’une centaine de condamnations entre 1997 et 2005. Cette forte pénalisation aurait conduit, dans l’enquête de 1998-1999, à une sous-déclaration de la pratique par les femmes enquêtées (Diop et al., 2008).
82Pour les pays ne disposant pas de ce recul temporel, il est toujours possible de réaliser une analyse générationnelle en comparant les prévalences observées parmi les groupes d’âges les plus jeunes et les plus âgés, ou en comparant la prévalence observée parmi les femmes enquêtées (les mères) et leurs filles. Néanmoins, la prévalence observée parmi les filles est non seulement soumise au risque de sous-déclaration par leurs mères (dans un contexte de judiciarisation croissante de la pratique), au même titre que celles des mères, mais elle ne permet pas non plus d’avoir une mesure finale du niveau de la pratique. En effet, selon l’âge auquel les MGF sont pratiquées, un certain nombre de filles des femmes enquêtées (âgées de 0 à 14 ans) ne sont pas encore excisées au moment de l’enquête mais restent soumises au risque.
83Enfin, des questions introduites plus récemment dans les enquêtes EDS et Mics permettent d’approcher les attitudes des femmes et des hommes face aux MGF, marquant d’éventuels changements en cours ou prévisibles.
Des évolutions mitigées et contrastées d’un pays à l’autre
84Étant donné le caractère récent d’un cadre législatif dans la plupart des pays (section I.2), il est difficile de conclure à un impact des lois sur l’évolution de la pratique. Si le dispositif législatif apparaît nécessaire, il n’est pas suffisant et les programmes mis en place dans la lutte contre les MGF s’accompagnent également de mesures de sensibilisation (Rahman et al., 2000 ; Shell-Duncan et al., 2013). Ces programmes concernent souvent des populations locales, de tailles relativement restreintes : dans certains contextes, à un niveau local, des diminutions ont pu être observées suite à la mise en place de programmes basés sur l’adhésion des communautés. La première ONG à avoir mis en œuvre, dans ses programmes de lutte contre les MGF, le cadre théorique développé par Gerry Mackie, est l’association Tostan [71] qui intervient au Sénégal depuis 1991 et déploie depuis 2007 son programme de « renforcement des capacités communautaires » dans plusieurs autres pays africains. Les actions menées dans des villages du Sénégal depuis la fin des années 1990 ont donné des résultats positifs selon les nombreuses évaluations menées sur le terrain (Unicef et Innocenti Research Centre, 2010). Cependant, à une échelle plus globale, les évolutions sont incertaines.
85Dans les onze pays où plusieurs enquêtes ont été réalisées, la période totale couverte est de plus de 10 ans. Dans tous ces pays [72], la tendance générale est le recul mais à des rythmes différents (figure 8). Dans sept d’entre eux, les diminutions sont faibles (inférieures à 5 points). C’est en particulier le cas des pays où la prévalence est quasi généralisée et où peu de changements ont été observés : en Égypte, en l’espace de 19 ans (1995-2014), la prévalence est passée de 97 % à 92 % ; au Mali, en 17 ans (1995-2012), elle passe de 94 % à 89 %. Deux pays en revanche se démarquent avec des baisses relativement fortes : la République centrafricaine et le Kenya. En République centrafricaine, la proportion de femmes âgées de 15 à 49 ans mutilées est passée de 43 % en 1994 à 36 % en 2000, puis à 26 % en 2006 et 24 % en 2010. Au Kenya, elle est passée de 38 % en 1998 à 27 % dix ans plus tard (figure 8).
Évolution des proportions de femmes mutilées de 15 à 49 ans selon le niveau national de prévalence dans onze pays africains
Évolution des proportions de femmes mutilées de 15 à 49 ans selon le niveau national de prévalence dans onze pays africains
86Ces tendances sont confirmées par la comparaison des prévalences entre différentes générations de femmes : dans tous les pays, on observe une tendance générale à la baisse au fil des générations (figure 9). Dans les pays où la pratique est quasi généralisée, les différences restent cependant relativement faibles, à l’exception de la Sierra Leone et de l’Égypte où les prévalences observées chez les plus jeunes (15-19 et 20-24 ans) sont plus faibles que celles des groupes plus âgés (environ 10 points de moins). Dans les pays où la prévalence est comprise entre 50 % et 79 %, le Burkina Faso et le Liberia se distinguent par une baisse relativement linéaire selon l’âge, signe d’une réelle évolution de la pratique dans le temps. Enfin, dans les pays où les MGF ne touchent qu’une minorité de la population, c’est au Kenya, en République centrafricaine et au Nigeria que les progrès en termes générationnels sont les plus importants (figure 9).
Proportion de femmes mutilées par classe d’âges (%) selon le niveau national de prévalence
Proportion de femmes mutilées par classe d’âges (%) selon le niveau national de prévalence
87La dynamique sociale autour de l’abandon de la pratique peut aussi être appréhendée par l’examen des opinions des femmes (et des hommes) se déclarant favorables à la perpétuation de la pratique. Les questions introduites dans les modules MGF des enquêtes EDS et Mics permettent, pour toutes les enquêtées ayant déclaré connaître la pratique – indépendamment donc de leur statut vis-à-vis des MGF – d’évaluer le degré global de soutien dont bénéficient les MGF (figure 10).
Proportions de femmes de 15 à 49 ans qui se déclarent favorables au maintien des MGF selon qu’elles sont ou non mutilées
Proportions de femmes de 15 à 49 ans qui se déclarent favorables au maintien des MGF selon qu’elles sont ou non mutilées
88Dans tous les pays, les femmes mutilées sont beaucoup plus favorables à la poursuite de la pratique que les autres : les écarts sont souvent considérables, notamment au Mali ou en Gambie où plus de 8 femmes mutilées sur 10 y sont favorables contre une très faible proportion (respectivement 7 % et 3 %) des femmes non mutilées. Dans deux pays, Guinée et Sierra Leone, les écarts entre les opinions des femmes mutilées et non mutilées sont un peu moindres (70 % vs 49 % en Guinée, 69 % vs 25 % en Sierra Leone), attestant sans doute d’une tolérance des femmes non mutilées à l’égard des pratiques traditionnelles. Enfin, dans les pays où la prévalence nationale, modérée, concerne des populations spécifiques, les écarts d’opinions sont également importants, avec des proportions de femmes mutilées favorables à la pratique bien supérieures à la prévalence moyenne de ces pays (figure 10). Ces données reflètent l’opinion actuelle des femmes adultes ayant pour la grande majorité d’entre elles passé la période de risque de mutilation, donc en décalage avec le moment où l’intervention a eu lieu, intervention que les femmes enquêtées n’ont pas décidé.
89Une autre manière d’aborder la question est de s’intéresser à l’évolution des opinions au cours du temps (figure 11). Globalement, au fil du temps, la proportion de femmes favorables au maintien de la pratique diminue, y compris dans des pays où la pratique est encore quasi universelle, comme en Égypte ou en Sierra Leone où elle passe respectivement de 82 % à 62 % en 13 ans (Égypte) et de 86 % à 66 % en moins de 5 ans (Sierra Leone) (figure 11).
Évolution des proportions de femmes de 15 à 49 ans qui se déclarent favorables au maintien des MGF
Évolution des proportions de femmes de 15 à 49 ans qui se déclarent favorables au maintien des MGF
90Ces résultats confirment en partie les évolutions de la prévalence de la pratique entre générations (figure 9). Dans les pays [73] où ces données (non présentées ici) sont également disponibles à plusieurs dates pour les hommes, on observe des évolutions assez proches des changements d’opinions du côté masculin et du côté féminin. Par exemple, en Guinée et au Mali les opinions tant féminines que masculines ont peu évolué, restant toutes deux favorables à la pratique. Cela atteste de normes sociales favorables aux MGF encore très fortes au sein de ces sociétés (Unicef, 2013).
91Le décalage entre le niveau de prévalence et le pourcentage d’opinions favorables au maintien de la pratique ne présage pas complètement des évolutions futures. En effet, dans des contextes où la pratique est maintenant condamnée, il devient plus difficile de se dire favorable aux MGF. Afin de mieux prendre en compte ces décalages entre intentions et comportements réels, il a été appliqué à la pratique des MGF le modèle des « étapes du changement » développé dans le secteur de la psychologie de la santé pour appréhender les changements de comportements [74] (Shell-Duncan et Hernlund, 2006). Partant de l’hypothèse que le comportement réel ou souhaité d’une personne est influencé par autrui, les auteures identifient cinq catégories de réceptivité au changement de la pratique des MGF, en comparant les opinions des femmes (mutilées ou non) sur la poursuite ou l’abandon de la pratique et leurs intentions vis-à-vis de leurs filles : les femmes qui se déclarent favorables au maintien de la pratique et qui ont déclaré avoir fait ou vouloir faire exciser leurs filles seront classées dans la catégorie des « partisanes convaincues de la poursuite de la pratique » ; à l’autre extrême, les femmes se déclarant favorables à l’abandon de la pratique et qui déclarent qu’elles ne feront pas exciser leurs filles seront considérées comme des « partisanes convaincues de l’abandon de la pratique » (tableau annexe A.3). Appliquant ce modèle dans une recherche qualitative dans trois régions de Gambie et du Sénégal, Shell-Duncan et Hernlund (2006) montrent que cette catégorisation peut s’avérer pertinente, même si cette pratique ne relève pas d’une décision purement individuelle. Le dernier rapport de l’Unicef présente, pour plusieurs pays, la répartition des femmes selon ces cinq catégories (figure 12).
Répartition des femmes de 15 à 49 ans selon les cinq catégories de réceptivité au changement, dans 9 pays
Répartition des femmes de 15 à 49 ans selon les cinq catégories de réceptivité au changement, dans 9 pays
92Sans grande surprise, la proportion de femmes identifiées comme des « partisanes convaincues de la pratique » est la plus élevée dans les pays où la prévalence est supérieure à 80 % ; inversement, dans les pays où elle est faible, les femmes sont majoritairement des « partisanes convaincues de l’abandon de la pratique ». Cet indicateur va dans le même sens que l’évolution de la prévalence et des opinions : dans les pays à prévalence élevée, quand les opinions en faveur de l’abandon de la pratique augmentent, la prévalence baisse significativement chez les plus jeunes (figures 9), avec de plus en plus de femmes « partisanes convaincues ou réticentes de l’abandon de la pratique » (figure 12). C’est le cas en Égypte et en Sierra Leone par exemple, alors qu’en Guinée ou au Mali [75], les changements sont peu perceptibles. De même, au Kenya où le niveau de la pratique et les opinions favorables à son maintien ont sensiblement reculé en l’espace de 10 ans (figures 9 et 11), près de 6 femmes sur 10 (figure 12) sont désormais des partisanes convaincues de l’abandon de la pratique.
93Cette catégorisation pourrait être affinée en prenant par exemple en compte les opinions des conjoints, mais elle permet néanmoins d’avoir une image relativement bonne des dynamiques de changement en cours. L’analyse mériterait d’être étendue à tous les pays qui disposent de ces variables et aux différentes enquêtes afin de mesurer un éventuel continuum dans les étapes du changement.
3 – L’effet de la migration
94La question de l’abandon de la pratique se pose également dans les pays d’immigration, mais en des termes bien différents puisque la pratique se situe dans un univers social où elle n’a pas de fondement historique. Elle est considérée comme une violation des droits des enfants fortement condamnée par la loi et est un facteur de stigmatisation des familles des « minorités visibles » potentiellement concernées. Cette question de l’abandon ou de la perpétuation de la pratique en contexte migratoire a surtout été abordée en Europe à travers des études qualitatives dans les années 2000 (Behrendt, 2011 ; Berg et Denison, 2013 ; Dieleman, 2010 ; Johnsdotter, 2007 ; Johnsdotter et al., 2009 ; Johnson, 2007), et plus récemment à travers les deux enquêtes quantitatives de l’Italie (2010) et de la France (2007-2009).
95Le premier effet directement lié à la migration – l’effet de sélection – a été mis en évidence dans les deux enquêtes française et italienne, notamment en termes de niveau d’éducation et d’origine géographique (Andro et Lesclingand, 2008 ; Farina et Ortensi, 2014b). Un autre effet est attendu à plus long terme, se traduisant par une baisse de la pratique des secondes générations, sous l’hypothèse de l’influence d’autres groupes de référence qui réduirait celle des groupes « communautaires » et entraînerait une modification progressive des normes et des comportements (Farina et Ortensi, 2014b). Par ailleurs, certains chercheurs ont fait l’hypothèse d’une corrélation entre précarité, discrimination et perpétuation des pratiques traditionnelles du pays d’origine (Barth, 1969). Selon cette hypothèse, l’excision devrait par exemple reculer en France avec l’ascension sociale des groupes exposés. De même, on peut faire l’hypothèse que la pratique de l’excision déclinera dans les familles où les femmes utilisent les ressources du pays d’accueil (éducation, emploi salarié, etc.) pour améliorer leur statut social et familial ; par contre, elle pourrait perdurer dans les familles où la situation de migration a renforcé les inégalités de genre, quel que soit leur niveau social. Toutefois, la discrimination et la position défavorisée des minorités pourraient induire un « culturalisme réactif », se traduisant par une réinvention de traditions permettant d’affirmer l’identité du groupe d’origine (Coene, 2007). De manière générale, les populations migrantes sont confrontées à deux systèmes de représentations concurrentes : dans les pays d’immigration, les MGF sont considérées comme une atteinte grave aux droits humains, alors que dans les pays d’origine où la pratique est répandue, l’excision des filles répond à une norme sociale. Les migrants doivent concilier ces deux injonctions contradictoires. Cette situation peut conduire à la mise en œuvre, par les parents, de stratégies qui conduisent à ne faire exciser qu’une ou une partie de leurs filles, le plus souvent l’aînée (Andro et Lesclingand, 2008).
96Enfin, au-delà de sa stigmatisation sociale, la pratique est, comme on l’a vu (section I.2), pénalement sanctionnée, avec notamment le principe d’extra-territorialité, rendant d’autant plus réticentes les femmes à déclarer la mutilation éventuelle de leur(s) fille(s). Dans les enquêtes française et italienne, pour réduire ce biais, la mesure de la prévalence de la pratique parmi les filles a été approchée à la fois via leur statut vis-à-vis des MGF (mutilée ou non au moment de l’enquête) déclaré par les mères et à partir de questions relatives aux intentions de la mère et/ou du père [76]. Dans les deux pays, les filles nées en France ou en Italie ont un risque bien moindre d’avoir subi ou d’avoir à subir une MGF que celles nées à l’étranger, confirmant l’effet direct de la migration sur les pratiques [77]. En outre, « toutes choses égales par ailleurs », le risque de mutilation est moindre parmi les plus jeunes générations, traduisant sans doute un effet des campagnes de lutte contre les MGF et du système pénal dans les pays d’immigration [78] et dans les pays d’origine (Andro et Lesclingand, 2008 ; Farina et Ortensi, 2014b). Enfin, l’examen des intentions des parents et de la famille restée au pays d’origine permet de proposer différents niveaux de risques pour les filles qui n’étaient pas mutilées au moment de l’enquête : si dans 7 cas sur 10, le risque estimé est quasi nul (ni les parents, ni la famille restée au pays n’ont l’intention de faire exciser la fille), il persiste dans un tiers des cas, soit du fait d’intentions incertaines des parents, soit du fait de la famille dans le pays d’origine s’il y avait un éventuel retour au pays, risque dont les mères sont conscientes. Dans ce dernier cas de figure, elles utilisent deux types de recours pour empêcher l’excision de leur fille : le rappel de la loi (et notamment le principe d’extra-territorialité) et le refus d’envoyer leurs filles séjourner temporairement (à l’occasion des vacances) dans le pays d’origine (Andro, Lesclingand et Pourette, 2009).
V – Les conséquences des MGF sur la santé et la sexualité des femmes
97L’existence de conséquences systématiques et durables des mutilations sexuelles a fait l’objet de nombreux débats dans les premières décennies de mobilisation contre ces pratiques (Obermeyer, 1999, 2003, 2005). Au-delà de la reconnaissance de leur caractère néfaste et de la violation des droits humains qu’elles représentent, le manque d’études cliniques spécifiques a longtemps conduit à méconnaître les conséquences concrètes des mutilations sexuelles sur la santé des femmes et donc à questionner leur existence même.
98Si le premier enjeu de la lutte contre les mutilations sexuelles féminines est de montrer le caractère massif et répandu de ces pratiques en produisant des mesures de prévalence régulières, le second est d’apporter les preuves médicales de leur caractère néfaste. L’enjeu est bien de fournir des éléments de connaissances objectives permettant de nourrir les débats qui ont historiquement opposé les discours relativistes et les discours abolitionnistes.
99Les premiers, inspirés des approches culturalistes, ont conduit à minimiser la violence faite aux femmes ayant subi une mutilation sexuelle en la décrivant uniquement comme une pratique « culturelle », tandis que les seconds ont eu tendance à généraliser les cas cliniques les plus dramatiques à des fins de plaidoyer. Un article, publié en 1999 dans la revue Medical Anthropology Quarterly, pointait, à partir d’une synthèse de la littérature disponible à l’époque, le manque de connaissances empiriques et statistiquement valides permettant de mesurer la nature et l’ampleur des conséquences de ces pratiques (Obermeyer, 1999). Il reprochait à l’agenda international des politiques de lutte contre ces pratiques de privilégier une dénonciation de principe plutôt qu’une description documentée de la situation des femmes. Il reconnaissait cependant que les conséquences des MGF restaient mal connues et pouvaient donc tout à la fois être minimisées et/ou exagérées. Gerry Mackie (2003) a remis en question les conclusions de cet article, insistant sur le caractère très réducteur du matériau mobilisé (les rares enquêtes cliniques existantes datent des années 1990) pour disqualifier le plaidoyer contre ces pratiques largement soutenu par les opinions publiques, les connaissances profanes des acteurs de terrain et les observations des professionnels de santé mobilisés sur ces questions. Selon lui, le manque de connaissances sur les conséquences des MGF était plus à mettre sur le compte des tabous entourant cette question que de leur bénignité supposée.
100Les premières études sur les conséquences médicales de l’excision ont été menées dans le cadre d’études cliniques dans les années 1980, mais c’est seulement au début des années 2000 que le corpus de travaux est devenu suffisamment important pour permettre d’étudier plus précisément les risques de santé liés aux MGF. Ces études se sont intéressées aux conséquences à la fois physiques et psychologiques. Menées essentiellement dans les pays où la pratique est historiquement répandue, qui sont par ailleurs des pays dans lesquels les systèmes de soins sont souvent défaillants, elles ont à la fois mis en évidence des conséquences directement liées aux séquelles des MGF et des conséquences liées à une offre de soins déficiente, notamment en termes de santé maternoinfantile. Dans ce contexte, il a longtemps été difficile de faire la part entre les risques de santé directement imputables aux MGF et ceux consécutifs aux carences des systèmes de soins. Dans les dernières années, plusieurs publications ont proposé des synthèses sur ces études mettant en évidence le caractère parfois équivoque des résultats, et notamment la difficulté à quantifier précisément la prévalence des différentes pathologies (Obermeyer, 2005), mais confirmant cependant l’association systématique entre la pratique des MGF et l’augmentation d’un certain nombre de risques de santé (Berg et al., 2014 ; Berg et Denison, 2012). L’OMS a synthétisé les résultats de ces recherches cliniques en élaborant une typologie des différentes conséquences (OMS, 2000, 2008), qui sert aujourd’hui de référentiel aux politiques de santé publique dans la prise en charge des femmes.
101L’OMS distingue trois types de complications sanitaires liées aux MGF : les risques immédiats qui sont encourus au moment même de l’acte, les risques de long terme qui peuvent survenir à n’importe quel moment de la vie et les risques spécifiques aux mutilations de type III, c’est-à-dire aux MGF conduisant à une suture des grandes lèvres (tableau 1).
102Les risques immédiats sont ceux directement consécutifs au traumatisme induit par la mutilation. Il s’agit des douleurs sévères (au moment de la coupure et lors de la cicatrisation), des saignements (pouvant aller jusqu’à des hémorragies sévères), de l’état de choc (lié à la violence de l’acte et au traumatisme), des infections (liées aux conditions sanitaires dans lesquelles la mutilation s’effectue et aux risques liés à la cicatrisation) et enfin de la potentielle transmission du VIH (liée là encore aux conditions dans lesquelles l’acte est pratiqué). Ces risques immédiats peuvent conduire au décès dans un certain nombre de cas [79].
103Les risques de long terme sont nombreux, et s’ils ne sont pas systématiques, ils restent extrêmement fréquents. Les filles et les femmes peuvent souffrir de douleurs chroniques et de chéloïde [80]. Les infections génitales, pelviennes et urinaires, ainsi que les pathologies urinaires peuvent survenir dès l’enfance. Les infections de l’appareil reproducteur, les herpès génitaux, les infections sexuellement transmissibles et les risques de transmission du VIH s’ajoutent quand les femmes commencent leur vie sexuelle. Globalement, les risques de dysfonctions sexuelles sont élevés, allant du manque de désir sexuel à des douleurs systématiques lors des rapports. Enfin, les complications obstétricales (césariennes, hémorragies post-partum, déchirures, voire des fistules obstétricales) sont nombreuses. Les risques de séquelles psychologiques tout au long de la vie sont aussi répertoriés.
104Enfin, les risques spécifiques aux pratiques d’infibulation regroupent les problèmes urinaires et menstruels majeurs, les dé-infibulations forcées lors des rapports sexuels et des accouchements, les douleurs et dysfonctions sexuelles systématiques.
105L’élaboration de ce tableau clinique global par l’OMS s’est basée sur la synthèse des multiples études menées au cours des deux dernières décennies. Il a largement contribué à soutenir le plaidoyer pour l’abandon des MGF, dans les régions où l’argumentaire des droits des femmes et des enfants était peu entendu. S’il a été possible de dresser un panorama détaillé des conséquences néfastes des MGF, elles ne sont pas toutes encore assez documentées et étudiées pour mesurer le poids des différents risques de santé. Certaines études récentes permettent cependant d’aller au-delà de la présentation de cas cliniques parce qu’elles ont été menées sur des échantillons importants de femmes ou de filles.
1 – Les complications immédiates
106Les risques et les complications immédiates sont difficiles à analyser à grande échelle compte tenu des conditions dans lesquelles les MGF sont généralement pratiquées. Les quelques études disponibles témoignent d’une sous-déclaration des faits (El Dareer, 1983). Dans tous les cas, ces conséquences ne peuvent être étudiées qu’un certain temps après l’événement et le type d’information collectée est largement biaisé par les effets de mémoire, que l’on interroge des filles sur leur propre expérience ou des parents sur l’expérience de leurs filles. Dans une synthèse récente, Rigmor Berg et ses collègues (2014) estiment d’après les enquêtes fiables disponibles [81], que les conséquences les plus souvent rapportées sont les saignements excessifs et les rétentions d’urine (5 % à 62 % des femmes en souffrent selon les études), suivies par les inflammations et les problèmes de cicatrisation (2 % à 27 % des femmes).
2 – Les autres complications physiques et psychologiques
107Plusieurs études confirment l’existence de relations statistiquement significatives entre les MGF et la prévalence des infections et des problèmes urogénitaux tout au long de la vie (Almroth, Bedri et al., 2005 ; Andro et al., 2014). Les infections urinaires et les douleurs ou difficultés de miction sont particulièrement fréquentes. Dans leur méta-analyse de 2014, Berg et ses collègues estiment que ces problèmes urinaires sont trois fois plus fréquents chez les femmes ayant subi des MGF que chez les autres femmes (Elmusharaf, 2006a ; Okonofua et al., 2002). De même, les mycoses et les symptômes associés (pertes vaginales, démangeaisons) sont plus fréquents chez les femmes ayant subi une mutilation, en particulier chez celles qui ont subi une infibulation. Elles sont aussi présentes chez celles ayant subi une MGF médicalisée (Almroth, Bedri et al., 2005). Les autres séquelles physiques sont plus rares et les études ne permettent pas de conclure à une relation statistiquement significative entre les MGF et les kystes, les abcès, les fistules ou les obstructions vaginales (Berg et al., 2014).
108Le lien entre les MGF et la transmission des IST et du VIH n’est pas clairement établi en l’état des recherches disponibles. L’étude cas-témoin menée par Elmusharaf et ses collègues (2006a) au Soudan conclut que les différences entre les cas (femmes infectées) et les témoins (femmes non infectées) sont faibles et que le statut vis-à-vis des MGF est sans effet négatif ou positif sur les risques d’infection. Les autres études menées sur le sujet vont dans le même sens (Berg et al., 2014).
109En ce qui concerne les conséquences psychologiques, les études sont nombreuses mais ne fournissent pas de résultats robustes. En effet, elles sont essentiellement basées sur des études de cas et ne permettent pas d’évaluer la prévalence des troubles psychologiques chez les femmes excisées, ni d’associer ces troubles au fait d’avoir subi une excision. Une exception cependant pour ce qui concerne la situation des femmes ayant migré en Europe : Vloeberghs et ses collègues (2012) ont montré, à travers une étude quantitative des troubles psychologiques menée sur 66 femmes migrantes ayant subi une MGF, qu’une femme sur six souffre de syndrome post-traumatique et qu’un tiers d’entre elles ont des symptômes associés à des états dépressifs et anxieux. L’enquête menée en France auprès des femmes migrantes montrait aussi un risque plus élevé de symptômes de mal-être, notamment de fatigue et d’anxiété chez plus d’un quart des femmes excisées (Andro et al., 2014).
3 – Les complications obstétricales
110Les complications obstétricales liées aux MGF sont les plus étudiées, à l’initiative de l’OMS qui s’appuie fortement depuis le début des années 2000 sur ce dramatique constat pour plaider pour l’abandon de ces pratiques. L’enquête menée entre 2001 et 2003 par Emily Banks et ses collègues dans 28 maternités de 6 pays africains [82], auprès de 28 393 femmes ayant accouché, a produit des résultats solides sur les conséquences obstétricales des MGF dans les pays historiquement concernés (OMS study group on female genital mutilation and obstetric outcome, 2006). Les femmes ont été examinées avant l’accouchement et suivies jusqu’à leur retour au domicile. Cette étude d’envergure montre que les femmes excisées connaissent des risques obstétricaux plus importants que les autres en termes de césarienne, d’hémorragies post-partum, de détresse respiratoire des nourrissons, de mortalité néonatale (qui double pour les femmes mutilées), de faible poids de naissance et d’allongement du séjour à l’hôpital. Ils sont les plus élevés pour les femmes qui ont subi une mutilation de type III.
111Ces résultats rendent à la fois compte du risque plus élevé pour la santé lors de l’accouchement pour les femmes excisées mais aussi plus généralement des conditions sanitaires souvent mauvaises dans lesquelles ces femmes ont accouché (Ndiaye et al., 2010). Cependant, dans une étude menée en Suisse auprès de femmes excisées ayant accouché dans un environnement sanitaire de qualité, certains risques pour la santé perdurent, notamment de césariennes en urgence et de déchirures profondes (Wuest et al., 2009). En France aussi, les risques à l’accouchement restent significatifs pour les déchirures (Andro et al., 2014). Une étude toute récente menée à nouveau en Suisse dans une clinique spécialisée dans la prise en charge des femmes ayant subi des MGF montre néanmoins que l’ensemble de ces risques peut être réduit quand l’équipe médicale est spécialisée (Abdulcadir et al., 2015).
4 – Les conséquences sur la vie sexuelle
112L’étude des conséquences des MGF sur la sexualité des femmes est récente et il existe encore peu de résultats solides, les recherches sur la fonction sexuelle [83] des femmes en général et des femmes excisées en particulier étant très hétérogènes (Berg et Denison, 2012). Les cadres d’analyse scientifique de la sexualité des femmes sont imprégnés du poids des normes sociales et des représentations (Gagnon et al., 2008). Dans ce contexte, les outils permettant de mesurer la qualité de la fonction et de la vie sexuelle restent soumis à débat. Cette situation rend complexe les recherches sur les conséquences sexuelles des MGF. Les premières études menées par Catania et ses collègues (Catania et al., 2007) montraient à travers la comparaison de plusieurs groupes de femmes que la mesure des différences de degré de satisfaction sexuelle était un exercice complexe.
113Quelques résultats sont aujourd’hui validés et le lien entre certaines dysfonctions sexuelles et les MGF mis en évidence dans plusieurs études (Berg et Denison, 2012). Le désir comme la satisfaction sexuels sont amoindris chez les femmes mutilées et les rapports sexuels douloureux sont significativement plus fréquents. Une étude cas-témoin réalisée en Arabie saoudite (auprès de femmes migrantes) met en évidence des troubles de l’orgasme, de la lubrification et de la satisfaction sexuelle chez les femmes excisées (Alsibiani et Rouzi, 2010). L’étude cas-témoin réalisée en France met aussi en évidence une qualité de vie sexuelle nettement plus détériorée pour les femmes excisées que pour les autres à caractéristiques sociales proches (migrantes ou filles de migrants) : elles déclarent plus souvent des douleurs et des brûlures lors des rapports, un manque de désir sexuel chronique et plus généralement un manque de satisfaction dans leur vie sexuelle (Andro et al., 2014).
114Ces études montrent que les mutilations sexuelles entraînent des risques pour la santé des femmes qui perdurent tout au long de leur vie, tant durant l’enfance au moment de l’excision qu’ensuite dans la vie sexuelle et reproductive. La plupart d’entre elles portent sur les femmes adultes et on connaît mal (et seulement rétrospectivement) les troubles que les filles vivent au cours de leur enfance et de leur puberté à cause des MGF (Aboyeji et Ijaiya, 2003 ; Ekenze et al., 2007). Les recherches se sont jusqu’alors concentrées sur les pathologies liées à la vie sexuelle et reproductive, laissant de côté les risques pour la santé dans l’enfance.
VI – Les enjeux de la prise en charge médicale
115La prise en charge médicale des MGF présente des formes diamétralement opposées selon les régions au cours des deux dernières décennies. D’un côté, les professionnels de santé ont été de plus en plus impliqués dans des interventions sur le sexe des enfants visant à perpétuer des traditions familiales afin de minimiser les risques de santé associés. Aussi bien pour les garçons (circoncision) que pour les filles (excision), les médecins et les autres professionnels de santé sont de plus en plus sollicités. Dans tous les cas, les transformations sociales les ont mis aux premières loges dans les questionnements sur la perpétuation des pratiques de MGF, dans les pays d’origine où ils sont amenés à remplacer peu à peu les exciseuses traditionnelles, mais aussi dans les pays d’immigration où ils ont découvert la réalité du phénomène. Par ailleurs, la sphère médicale a commencé à prendre en charge les séquelles des MGF pour les filles et les femmes qui en souffrent (Momoh et al., 2001). Cette offre de service médical généralement qualifiée de réhabilitation ou de reconstruction vise à traiter les conséquences de ces pratiques là où l’atteinte à la qualité de vie des femmes concernées a été reconnue et dénoncée (Abdulcadir et al., 2011).
1 – La médicalisation de la pratique et la mobilisation contre sa diffusion
116Suite à la consultation technique (Technical consultation on the medicalisation of female genital mutilation/cutting) organisée par le Fnuap en 2009 à Nairobi sur les questions de médicalisation des MGF, l’ensemble des organisations internationales ont condamné l’implication des professionnels de santé dans la pratique des MGF, quel que soit le cadre dans lequel elles se réalisent, que ce soit en milieu hospitalier, dans un autre type d’établissement de santé ou ailleurs (Fnuap et al., 2010). Cette nouvelle prise de position internationale a été rendue nécessaire pour faire face au développement des nouvelles conditions d’exercice des MGF (Serour, 2013).
117La médicalisation des MGF a nettement augmenté au cours des dernières années, tout particulièrement en Égypte, au Kenya, en Guinée, au Nigeria et au Sud-Soudan pour ce qui concerne le continent africain. Elle est aussi avérée au Yémen et en Indonésie. Dans ces pays, entre 30 % et 80 % des femmes excisées l’ont été par des professionnels de santé (Unicef, 2013, 2015). C’est particulièrement prégnant parmi les plus jeunes générations, et il s’agit bien d’une évolution récente et préoccupante puisqu’elle sape potentiellement les fondements du discours de lutte contre ces pratiques néfastes. Ces nouvelles formes de MGF, impliquant les professionnels de santé, se sont développées depuis le début des années 2000 (Shell-Duncan, 2001), fragilisant l’argumentaire pour l’éradication de ces pratiques (Shell-Duncan, 2008).
118Dans certains pays, les professionnels de santé se sont mis à pratiquer des excisions, voire même des infibulations censées réduire l’incidence des complications. Ces actes médicalisés sont souvent aussi devenus des sources de revenus non négligeables pour les praticiens, aux dépens des exciseuses traditionnelles. Dans certains pays, comme l’Égypte ou la Malaisie, ce nouveau cadre a malheureusement été considéré par certaines associations et les gouvernements comme une solution acceptable. Comme le rappelle Serour (2013), à la fin des années 1990 des acteurs du champ de la santé ont été amenés à reconnaître et accepter de manière plus ou moins explicite la médicalisation des MGF [84]. Il aura fallu la mobilisation de la fédération internationale des gynécologues obstétriciens (Figo) pour que peu à peu la médicalisation soit interdite officiellement dans la plupart des pays, à l’exception notable de l’Indonésie [85].
119Cette nouvelle situation a fait l’objet de débats importants au sein des mouvements mobilisés dans la lutte contre les MGF, la question principale étant de savoir si cette médicalisation pouvait ou non être reconnue comme une stratégie acceptable, notamment dans les régions où la résistance sociale face à l’abandon est forte (Shell-Duncan, 2001). Elle peut alors apparaître comme une voie intermédiaire limitant les conséquences en termes de risques de santé pour les femmes. Cependant, la majorité des mouvements de lutte contre ces pratiques ont opposé à cette proposition le fait que la reconnaissance de la médicalisation risquait de légitimer et donc de faire perdurer des pratiques portant atteinte à l’intégrité physique des filles et des femmes, et donc à leurs droits.
120Au-delà de ces positions de principe aujourd’hui clairement posées, il reste que les études sur le rôle des professionnels de santé dans la dynamique d’abandon ou de perpétuation de l’excision restent, à l’heure actuelle, peu nombreuses. Quelques études menées en Égypte (Abdelshahid et Campbell, 2015 ; Modrek et Liu, 2013 ; Modrek et Sieverding, 2015 ; Rasheed et al., 2011) montrent que si les familles ont de plus en plus tendance à s’en remettre à l’avis des médecins pour décider d’une excision médicalisée, ces derniers ne se mettent pas en situation de refuser ce qu’ils considèrent comme une demande parentale légitime. Elles soulignent aussi la dimension économique de cette pratique qui est une source complémentaire de revenu pour le monde médical. Ces recherches concluent que dans les pays où la médicalisation est très avancée, la formation des professionnels sera un élément central dans la dynamique d’abandon de ces pratiques.
2 – Le cas particulier des pratiques de ré-infibulation
121On appelle ré-infibulation le fait de suturer à nouveau les femmes ayant subi une MGF de type III après l’ouverture de la cicatrice lors d’un accouchement. Cette pratique coutumière est encore fréquente dans plusieurs des pays concernés : bien que les données soient peu fiables, on estime qu’entre 6,5 et 10,4 millions de femmes ont été ré-infibulées post-accouchement (Serour, 2010). Dans les pays où elles sont les plus pratiquées, ces interventions sont devenues elles aussi de plus en plus médicalisées, souvent présentées comme des demandes émanant des femmes elles-mêmes au moment de l’accouchement. Là encore, on a vu se développer un discours visant à justifier la médicalisation des réinfibulations par la réduction des risques, notamment de court terme (infections, hémorragies, etc.). Mais les rares études sur le sujet sont venues confirmer que cette pratique n’apporte aucun bénéfice et qu’elle est associée à des complications médicales importantes pour les femmes (Serour, 2010). Comme pour la médicalisation des MGF, elles sont difficiles à remettre en question compte tenu du poids des normes sociales mais aussi des intérêts financiers qu’elles représentent.
122La question des ré-infibulations se pose d’un point de vue éthique, aussi bien dans les pays d’origine que dans les pays d’immigration, et des discussions importantes ont animé le champ médical, notamment en gynécologie obstétrique, dans les dernières années. Ces opérations mettent en jeu des questions éthiques complexes où les professionnels de santé se trouvent soumis à des injonctions contradictoires entre d’une part ce qui relève des politiques de santé et de la responsabilité professionnelle, et d’autre part des questions de consentement et de libre arbitre : la demande formulée par une femme adulte qui peut avoir un consentement éclairé ne peut être considérée de la même manière que le cas d’une petite fille subissant une MGF. Cependant, les praticiens doivent tenir compte de la pression sociale qui s’exerce indubitablement sur ces femmes dont la liberté de consentement peut paraître limitée (Cook et Dickens, 2010). Cook et Dickens considèrent que le refus d’un médecin de pratiquer des ré-infibulations ne peut en aucun cas s’apparenter à une forme de clause de conscience, comme elle peut exister dans certains pays pour les stérilisations ou les IVG, puisque les analyses cliniques montrent qu’il existe bien des conséquences néfastes liées à la ré-infibulation (Serour, 2010).
3 – Les chirurgies de réhabilitation et leur lente reconnaissance
123Les interventions chirurgicales visant à améliorer la situation des femmes souffrant de séquelles des MGF ont été développées à partir des années 1990 sous différentes formes. Certaines ont été évaluées dans le cadre de recherches cliniques et font maintenant l’objet de recommandations médicales validées par l’OMS. C’est le cas des opérations de dé-infibulation et de reconstruction vulvaire pour le traitement des séquelles liées aux MGF de type III, c’est-à-dire incluant la couture des grandes lèvres. Développées en parallèle, les prises en charge des séquelles liées aux clitoridectomies sont quant à elles encore en cours d’évaluation par les autorités de santé internationales et nationales, et les études cliniques restent encore peu nombreuses. La France joue là un rôle moteur puisqu’elle est le seul pays à avoir développé une prise en charge chirurgicale reconnue, remboursée par l’assurance maladie, et disponible dans de nombreux services hospitaliers publics.
La reconstruction vulvaire et la dé-infibulation
124La dé-infibulation est une chirurgie reconstructive du tissu cicatriciel causé par la suture des grandes lèvres subie lors de l’infibulation. Grâce à l’ouverture du tissu cicatriciel, le vagin, le mea urinaire et le gland clitoridien (souvent intact) sont libérés, ce qui permet à la patiente d’améliorer sensiblement sa santé urogénitale et sexuelle [86] (Nour et al., 2006). L’acte chirurgical en lui-même et les suites opératoires sont généralement simples. Ces opérations peuvent se dérouler à des moments différents dans la vie des femmes. Dans certains cas, la demande émane de femmes qui ne sont pas encore entrées dans une sexualité adulte et qui veulent anticiper et limiter les complications éventuelles. Dans d’autres cas, c’est au cours de la grossesse ou au moment de l’accouchement que la dé-infibulation aura lieu. Dans les deux cas, la prise en charge pluridisciplinaire des femmes qui souhaitent avoir recours à la dé-infibulation est fondamentale, cette démarche s’inscrivant généralement dans la mise à distance voire la remise en question des pratiques familiales et des normes sociales communautaires (Abdulcadir et al., 2011).
La réhabilitation clitoridienne
125Si les opérations de dé-infibulation ont été présentées par l’OMS comme des recommandations pour les femmes ayant subi des mutilations de type III, la situation est à l’heure actuelle différente pour les chirurgies de réhabilitation du clitoris qui restent une offre de soin peu répandue et en cours d’évaluation (Abdulcadir et al., 2015). Elle est pratiquée dans quelques pays comme le Sénégal, le Burkina Faso, notamment la Côte d’Ivoire (Ouedraogo et al., 2013 ; Thabet et Thabet, 2003) et en France où elle est disponible dans une vingtaine de services hospitaliers et prise en charge par l’assurance maladie depuis 2004 (Andro et al., 2010 ; Antonetti Ndiaye et al., 2015 ; Foldès et al., 2012 ; Foldès et Louis-Sylvestre, 2006 ; Villani, 2009 ; Villani et Andro, 2010).
126La chirurgie clitoridienne suite à une MGF a été développée à la fin des années 1990 par Pierre Foldès, urologue français, dans le cadre d’une médecine humanitaire visant à offrir des solutions aux femmes mutilées présentant des complications douloureuses. L’opération consiste à libérer le moignon clitoridien et à lui faire retrouver une position physiologique (Foldès et Louis-Sylvestre, 2006). Cette chirurgie est pratiquée pour répondre à un éventail de demandes plus large : séquelles douloureuses mais aussi demandes d’amélioration de la qualité de la vie sexuelle et/ou des attentes, demandes relatives à l’intégrité physique (« être des femmes à part entière »). La technique chirurgicale et les premiers résultats ont été décrits dans plusieurs publications portant majoritairement sur le contexte français (Antonetti Ndiaye et al., 2015 ; Foldès et al., 2012 ; Foldès et Louis-Sylvestre, 2006). Elles montrent que la chirurgie clitoridienne améliore de manière significative la qualité de vie des patientes opérées mais elle ne constitue sans doute pas une solution adéquate pour toutes les femmes.
127Les 2 938 patientes opérées par Pierre Foldès entre 1998 et 2009 constituent la série la plus importante de « réparations » analysée et publiée (Foldès et al., 2012). Les demandes des patientes s’inscrivent généralement dans une démarche plurifactorielle qui se formule parfois difficilement. Les trois principales attentes sont liées à la prise en charge de la douleur, à l’amélioration de la fonction sexuelle et à une dimension plus complexe de « devenir une femme à part entière ». Dans la cohorte étudiée, ces attentes sont satisfaites pour la très grande majorité des patientes suivies en post-opératoire (821 patientes sur 840) [87].
128Les autres études portent sur des séries moins importantes. Deux d’entre elles adoptent une perspective plus large en analysant non seulement les résultats de la prise en charge chirurgicale mais, plus globalement, le dispositif pluridisciplinaire qui encadre la demande de chirurgie clitoridienne (Antonetti Ndiaye et al., 2015 ; Merckelbagh et al., 2015). Elles portent respectivement sur 270 femmes prises en charge entre 2007 et 2012 et 169 autres entre 2006 et 2011 dans deux services hospitaliers de la région parisienne. Les patientes reçues ont finalement recours à cette chirurgie dans moins de la moitié des cas. Ces deux études montrent qu’une part importante des femmes en demande de chirurgie présente des traumatismes sexuels autres que l’excision (agressions et violences sexuelles). Elles confirment que la « réparation » de l’excision ne relève pas de la seule chirurgie mais que cette dernière améliore la qualité de la vie sexuelle.
129En France, l’enquête Excision et handicap, menée en population générale en 2007-2009, avait aussi montré qu’un tiers des femmes mutilées interrogées s’étaient déclarées intéressées par la reconstruction chirurgicale et que celles, certes peu nombreuses, qui y avaient recouru (21 femmes sur 685) étaient satisfaites du résultat (Andro et al., 2009, 2010).
VII – Conclusion : les enjeux de la recherche
130Les MGF ont suscité un nombre croissant de travaux depuis le début des années 1990. Ces recherches ont permis de lever le voile sur l’ampleur du phénomène et ses conséquences sur la santé sexuelle et génésique des femmes. C’est essentiellement la reconnaissance des conséquences délétères sur la santé obstétricale qui a permis de généraliser les politiques de lutte contre ces mutilations et d’inscrire leur éradication à l’agenda international des droits des enfants et des droits des femmes (Fnuap, 2014). Les recherches les plus récentes portent plus précisément sur les conséquences de ces pratiques sur la santé des femmes et sur les dynamiques sociales à l’œuvre permettant de mieux comprendre leur maintien ou leur abandon. Il s’agit notamment d’étudier l’évolution des pratiques sociales et familiales face au renforcement continu des politiques de lutte contre les MGF. Parmi les enjeux actuels de la recherche, quatre thématiques se dégagent. Deux d’entre elles concernent l’analyse et la production des données sur le sujet : d’une part, approfondir l’étude des déterminants de la pratique et des résistances à son abandon, et d’autre part, mieux appréhender la mondialisation du phénomène en le mesurant plus précisément dans les pays où il est peu reconnu et dans les pays où il y a eu l’installation de populations migrantes. La troisième, plus médicale, relève de l’approfondissement des recherches sur les conséquences sanitaires de ces pratiques. La dernière relève de l’action publique et de la double dynamique d’appropriation et de définition des politiques internationales par les femmes concernées.
1 – Mieux analyser les données disponibles
131Les deux dernières décennies ont vu la production de nombreuses données statistiques factuelles sur les mutilations génitales féminines sous la houlette des organisations internationales. Elles ont conduit à une bonne connaissance dans 30 pays à la fois des prévalences et caractéristiques de ces pratiques, des déterminants et conséquences, et de l’évolution des perceptions. Cependant, la plupart des analyses menées pour comprendre les mécanismes de reproduction de la pratique sont encore largement descriptives. Il devient nécessaire de passer à des approches statistiques plus élaborées, notamment dans les pays où on dispose de données comparables, en s’appuyant sur des analyses multivariées et multi-niveaux qui permettraient de mieux comprendre le poids et le rôle des différents déterminants, qui peuvent varier selon les contextes. Les normes sociales s’exerçant à travers l’environnement familial mais aussi le quartier ou le village, de la région ou du pays (d’origine ou d’installation), c’est l’intrication de ces différents niveaux qu’il convient d’étudier. Ces analyses contextuelles menées, il deviendra possible d’explorer les facteurs de transformation sociale comme ceux utilisés classiquement pour approcher le degré d’autonomie des femmes (polygamie, pratique contraceptive moderne, etc.). Une meilleure prise en compte des comportements et des opinions des hommes dans les modèles et les analyses permettrait de mettre en évidence leur implication encore trop souvent invisible. L’impact spécifique des migrations, du milieu rural vers le milieu urbain ou dans un cadre transnational, doit aussi être étudié de manière plus précise.
2 – Généraliser la collecte de données
132La situation reste mal connue dans les pays d’immigration où les populations concernées se sont installées récemment et où l’excision reste un phénomène marginal, concernant des populations particulièrement vulnérables et peu visibles socialement. Par exemple, la prévalence des mutilations sexuelles féminines reste mal connue en Europe. Il n’existe pas encore de méthode standardisée permettant d’estimer l’ampleur du phénomène dans les différents États membres et de produire des données comparables. Le développement de définitions et d’une méthodologie communes pour estimer le nombre de femmes concernées dans chaque pays sont des recommandations formulées dans le rapport final du projet mené par l’European Institute for Gender Equality, « Female genital mutilation in the European Union and Croatia » (EIGE, 2013). La situation dans les pays d’immigration semble finalement relativement proche de celle de pays africains à faible pratique des MGF (prévalences inférieures à 5 %, comme au Cameroun, en Ouganda, au Niger, au Ghana ou au Togo). La création d’une méthodologie commune permettant de produire des données comparables et régulières dans tous les pays du monde est un élément fondamental de la lutte pour l’élimination de ces pratiques et pour la mise en place de politiques de prise en charge des femmes excisées. Ces données ont vocation à être mobilisées par les pouvoirs publics (santé, éducation, justice) et par les acteurs de la société civile. Améliorer ainsi le pilotage des politiques publiques favoriserait l’amélioration de la situation des femmes et des jeunes filles ayant subi cette pratique traditionnelle néfaste.
3 – Développer les études sur les conséquences sur la santé
133La typologie élaborée par l’OMS a permis de recenser et d’objectiver les conséquences médicales des MGF. Malgré des avancées notables depuis deux décennies, comme l’ont montré Berg et ses collègues, de nombreuses pathologies restent mal étudiées. Si leur existence est documentée à travers des études de cas, on connaît encore mal leur incidence et l’ampleur du lien à l’excision. Cette typologie est issue à la fois des résultats des recherches cliniques menées depuis plusieurs décennies sous l’égide de l’OMS et sur les débats, souvent polémiques, menés au sein d’une communauté scientifique pluridisciplinaire mêlant les approches anthropologiques, médicales, politiques et morales. La construction de l’excision comme « pratique néfaste » par les organisations internationales (OMS, Unicef, ONU, Fnuap, UNHCR, Onusida) a été historiquement conflictuelle et a fait l’objet de nombreux débats dans les arènes internationales. Actuellement, les discours politiques de lutte contre ces pratiques portent essentiellement sur les conséquences dans le domaine de la périnatalité. Celles-ci sont effectivement dramatiques dans les pays d’origine, beaucoup moins dans les pays d’immigration où la médicalisation de l’accouchement réduit considérablement les risques. Dans ce contexte, c’est plutôt la détérioration de la qualité de la vie sexuelle qui pèse le plus sur la santé des femmes excisées. Les résultats des recherches médicales menées sur la physio-pathologie de l’excision invitent à proposer une nouvelle catégorisation des « types de mutilations sexuelles ». Mais dans les pays traditionnellement concernés par le phénomène, les discours relatifs à l’amélioration de la santé sexuelle des femmes peinent à devenir explicites et vraiment portés par les professionnels de santé. Les études médicales montrent que les mutilations sexuelles entraînent des risques pour la santé qui perdurent tout au long de la vie, avec des conséquences à plus ou moins long terme. La plupart des enquêtes cliniques sont menées sur les femmes adultes avec une concentration des recherches sur les pathologies liées à leur vie sexuelle et reproductive, et négligent ainsi les risques dans l’enfance. On connaît encore mal les troubles que les petites filles vivent au cours de leur enfance et de leur puberté suite à une excision.
134Le rôle des professionnels de santé dans l’éradication des MGF va être fondamental dans les prochaines décennies. À la fois comme acteurs centraux de la prévention mais aussi comme experts de la prise en charge des femmes concernées. Leur formation va être centrale dans la lutte contre ces mutilations.
4 – Enjeux pour les droits de femmes
135La lutte contre les MGF s’est construite autour des théories des conventions et du changement social. Après 30 ans de mobilisation, il est encore difficile de savoir si ce postulat est finalement pertinent. Le changement social s’exerce sur une temporalité lente et il faudra du temps pour mesurer les évolutions. La mondialisation du phénomène est à l’œuvre, liée à la circulation des personnes et des idées mais aussi à la révélation de ces pratiques dans certaines régions où elles restaient largement sous-évaluées. La lutte contre les MGF ne prendra pas une seule forme, elle doit être adaptée à la diversité des situations, tant dans les pays d’origine que dans les pays d’immigration. Il est nécessaire d’être attentif au fait que l’ampleur de la lutte peut avoir son revers quand elle conduit à l’imposition de normes sociales hégémoniques (Vissandjée et al., 2014). À ce titre, les deux positions de disqualification des pratiques culturelles considérées comme « barbares » et de l’engagement pour les droits des femmes considéré comme « impérialistes », sont finalement contre-productives ; l’une effaçant l’opposition à l’excision qui existe au sein des populations concernées et l’autre effaçant la prise de conscience de l’asymétrie de pouvoir entre le Nord et le Sud au sein de la mobilisation internationale. Alors que l’éradication de ces pratiques est une priorité sans cesse rappelée par les organisations internationales et que la globalisation des flux migratoires a transformé cette pratique en question de santé publique mondialisée, l’élaboration d’un discours international commun reste une gageure. Si la défense des droits des enfants et la protection des mères font consensus, le droit à une sexualité épanouie reste plus soumis à discussion. Le manque de connaissance sur la sexualité des femmes relativise souvent la portée des discours qui affirment que l’excision a un effet délétère sur la qualité de la vie sexuelle. Il en ressort qu’une analyse critique de la construction de l’argumentaire international de la lutte historique contre les MGF est nécessaire. C’est sans doute une étape incontournable pour adopter une nouvelle perspective sur ces violences de genre en s’appuyant sur les perceptions et ressentis des femmes concernées, et notamment leur capacité de résilience, et non plus seulement sur les discours médicaux ou anthropologiques qui leur dénient encore trop systématiquement la possibilité d’un point de vue sur leur situation. Il s’agit donc de continuer, à la lumière des recherches menées ces dernières années, à déconstruire la figure stéréotypée de « la femme excisée » conçue comme catégorie homogène et objectivée, pour appréhender la diversité des situations et des conséquences néfastes que cet acte peut avoir sur les trajectoires de vie de ces femmes, et avancer vers leur éradication.
Questionnaire spécifique aux MGF dans les Enquêtes démographiques et de santé (EDS) les plus récentes
Enquêtes EDS(a) et Mics(b) avec un module sur les MGF(c) et prévalences des MGF mesurée à chaque enquête (%)(d),(e)
Enquêtes EDS(a) et Mics(b) avec un module sur les MGF(c) et prévalences des MGF mesurée à chaque enquête (%)(d),(e)
(a) Enquêtes démographiques et de santé.(b) Enquêtes à indicateurs multiples.
(c) En Indonésie, l’enquête de 2013 n’est pas une enquête de type EDS ou Mics mais une enquête représentative au niveau national, réalisée à l’initiative du ministère de la Santé et portant sur un échantillon de 300 000 ménages (RISKESDAS).
(d) La prévalence ne concerne que les filles de 0 à 11 ans (Unicef, 2015).
(e) Au Soudan, les données relatives aux MGF n’ont été recueillies que dans la partie Nord du pays (Unicef, 2013).
Année d’adoption des lois relatives aux MGF dans les 30 pays les plus concernés par les MGF(a)
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Mots-clés éditeurs : enquête démographique et de santé, mutilations génitales féminines, excision, violences, prévalence, sexualité, santé, genre
Date de mise en ligne : 23/09/2016
https://doi.org/10.3917/popu.1602.0224Notes
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[*]
Université Paris 1, CRIDUP (EA 134), Ined.
Correspondance : Armelle Andro, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre PMF, 90 rue de Tolbiac, 75013 Paris, courriel : armelle.andro@univ-paris1.fr -
[**]
Université Nice Côte d’Azur, CNRD, IRD, URMIS, Ined.
-
[1]
Il est généralement considéré comme plus neutre que le terme de mutilation et peut aussi correspondre à une meilleure traduction littérale des termes utilisés dans les langues vernaculaires où la pratique existe. L’expression « coupure génitale féminine » qui serait la traduction de female genital cutting (FGC) n’est pas utilisée dans la littérature francophone.
-
[2]
En référence aux rites de passage à l’âge adulte qui comprenaient, dans de nombreuses sociétés africaines, les pratiques de circoncision masculine et féminine (Sindzingre, 1977).
-
[3]
Les mutilations sexuelles féminines seraient apparues après la pratique de la circoncision masculine attestée en Égypte dès le iiie millénaire avant J.-C. (Erlich, 1986).
-
[4]
Excision de la totalité ou d’une partie de l’appareil génital externe et suture/rétrécissement de l’ouverture vaginale (tableau 1).
-
[5]
Selon Awa Thiam (1978), cette association généralement faite entre l’islam et la pratique de l’excision pourrait trouver ses origines dans des croyances populaires liées à l’histoire du prophète Ibrahima et de ses deux co-épouses Sarata et Haidara dont les relations conflictuelles auraient conduit la première à exciser la seconde. Ces trois personnages sont également présents dans la Bible sous les noms d’Abraham, de Sara et de la servante Agar.
-
[6]
Excision du prépuce avec ou sans excision de la totalité ou d’une partie du gland du clitoris (tableau 1).
-
[7]
Ces ceintures de chasteté sont décrites par Elisabeth Gould-Davis dans son ouvrage The First Sex paru en 1972. L’une des méthodes (qui est une forme mécanique d’infibulation) consistait à faire passer des anneaux dans les lèvres de la vulve et à les attacher ensuite avec du fil de fer ou par un cadenas (Hosken, 1982).
-
[8]
L’hystérie féminine était supposée être la conséquence de désirs sexuels démesurés.
-
[9]
La première approche médico-chirurgicale décrite dans la littérature scientifique a été publiée par Hamburger et al. en 1953.
-
[10]
Celui de l’androgynie originelle du mythe Dogon décrit par Griaule (1948) est particulièrement connu.
-
[11]
La durée totale de la cérémonie est plus courte, la structure cérémoniale est plus pauvre et les éléments symboliques autour de l’excision sont moins fréquents que pour la circoncision (Sindzingre, 1977).
-
[12]
Le prépuce masculin représentant la partie féminine du sexe masculin.
-
[13]
D’un point de vue anatomique, les études récentes ont montré que le clitoris est l’équivalent de la verge (Foldès et Buisson, 2009).
-
[14]
En France, le premier livre publié sur cette question par Awa Thiam en 1978 (La parole aux négresses) et préfacé par Benoîte Groult, a suscité de nombreux débats et a été assez mal accueilli par les féministes africaines qui considéraient certains discours comme des tentatives d’ingérences à caractère raciste (Boni, 2009).
-
[15]
En Irak et au Yémen, des données d’enquêtes nationales ont été collectées (tableau annexe A.1). Des études mentionnent l’existence de la pratique dans d’autres régions du Moyen-Orient (Oman, Jordanie, Syrie, Émirats arabes unis, Arabie saoudite) au sein de communautés minoritaires, mais aucune ne permet d’en évaluer l’ampleur (Alsibiani et Rouzi, 2010 ; Unicef, 2013, 2016 ; Wadi, 2010).
-
[16]
Des rapports d’enquêtes récemment publiés mentionnent l’existence de la pratique en Indonésie (Budiharsana et al., 2003 ; Unicef, 2015), en Malaisie (Isa et al, 1999 ; Rashid et al., 2009).
- [17]
-
[18]
À l’exception de deux pays, la Guinée et la République centrafricaine, où les lois datent du milieu des années soixante (tableau annexe A.2).
-
[19]
En Mauritanie, la pratique n’est interdite que dans les établissements de santé publique et ne concerne que les mineures (de même qu’en Tanzanie). En revanche, au Kenya, une révision de la loi de 2001 a adopté la clause d’extra-territorialité, c’est-à-dire que des poursuites peuvent être entamées même si l’acte a été commis hors du territoire kenyan (Unicef, 2010).
-
[20]
En 2012, 42 procès ont été recensés dans 6 pays de l’UE dont 29 en France, le 1er procès en France date de 1979 (Leye et al., 2007).
-
[21]
Dans la majorité des enquêtes réalisées dans les années 1990, on proposait à la femme les trois principaux types de mutilation. À la fin des années 1990, deux enquêtes (celle de la Côte d’Ivoire en 1998-1999 et celle du Niger en 1998) ont modifié leur approche en demandant aux femmes enquêtées de décrire leur forme de mutilation pour ensuite la reclasser dans l’un des trois types identifiés par l’OMS (Yoder et al., 2004).
-
[22]
La question introduite dans le questionnaire des EDS-MICS est la suivante : « Vous a-t-on fermé la zone génitale par une couture ? » (document annexe A).
-
[23]
Dans certaines formes d’infibulation, le clitoris est resté intact contrairement aux types I ou II pour lesquels l’altération de la sensibilité sexuelle sera plus grande (Nour et al., 2006).
-
[24]
Yémen et Irak.
-
[25]
Ce serait notamment le cas de l’Arabie saoudite, où la pratique est observée au sein de la population originaire du Yémen et de pays limitrophes de la Corne de l’Afrique (Alsibiani et Rouzi, 2010).
-
[26]
Le programme des enquêtes démographiques et de santé a été mis en place en 1984 http://dhsprogram.com/What-We-Do/Survey-Types/DHS.cfm.
-
[27]
Le programme des enquêtes par grappes à indicateurs multiples a été mis en place au milieu des années 1990 avec pour objectif d’aider les pays à suivre la situation des femmes et des enfants. http://www.unicef.org/french/statistics/index_24302.html.
-
[28]
Djibouti, 2006 ; Gambie, 2005-2006 ; Guinée-Bissau, 2006 ; Sierra Leone, 2005-2006 ; Somalie, 2006 ; Tchad, 2000 ; Togo, 2006.
-
[29]
Jusqu’en 1999, les questions relatives aux filles de l’enquêtée concernaient uniquement la fille aînée. De 2000 à 2010, si la femme déclarait qu’au moins une de ses filles était mutilée, les questions concernaient alors la fille la plus récemment mutilée. Depuis 2010, elles concernent toutes les filles.
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[30]
6 pays disposent d’enquêtes permettant de suivre l’évolution du phénomène sur une période d’au moins 15 ans : la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Mali, la République centrafricaine, le Soudan et le Yémen.
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[31]
Les 5 régions faisaient partie des 9 régions identifiées comme les plus concernées par la présence de femmes originaires de pays où les MGF étaient pratiquées : Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Haute-Normandie (Andro et al., 2009).
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[32]
Time location sampling, TLS. Dans un premier temps, il s’agit d’identifier, de manière exhaustive, les lieux fréquentés par les personnes et les moments où ils y sont, dont la liste constituera une base de sondage. Dans un second temps, un échantillon constitué de plages horaires dans chaque lieu (lieux x moments) est tiré de façon aléatoire puis, dans un troisième temps, un échantillon de personnes sur les lieux et aux moments sélectionnés (Marpsat et Razafindratsima, 2013).
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[33]
Technique « boule de neige » (Respondent driven sampling, RDS).
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[34]
Ce module était composée de deux parties : la première s’adressait à toutes les femmes qui avaient déclaré être mutilées et s’intéressait à la connaissance de cette chirurgie et à l’éventuel intérêt d’y recourir ; la seconde partie ne s’adressait qu’aux femmes y ayant déjà eu recours (ou en cours de démarche) (Andro et al., 2009).
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[35]
Les autres sont des études de cas individuels proposant l’analyse détaillée d’une pathologie spécifique.
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[36]
Recensements des pathologies ou des dysfonctions diagnostiquées dans un échantillon de femmes excisées généralement accueillies au fil de consultations médicales, mais sans comparaison avec des femmes témoins (Akotionga et al., 2001 ; Al-Hussaini, 2003).
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[37]
Des premières condamnations d’exciseuses en 1996 ont, d’après les auteurs de l’étude, eu des effets sur une meilleure connaissance de la loi de 1994.
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[38]
Les intervalles entre deux enquêtes EDS étant souvent d’environ 5 années, on doit s’attendre à ce que la prévalence observée par exemple à une date t au sein du groupe d’âges des 20-24 ans soit proche de celle observée à la date t+5 parmi les 25-29 ans.
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[39]
Entrée en vigueur en 2005 du protocole de Maputo (protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique) qui appelle les États africains à prendre des mesures pour éliminer les MGF et autres pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes (section I.2).
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[40]
Les données mobilisées dans les 26 pays pris en compte n’étaient pas issues d’enquêtes représentatives et étaient très disparates d’un pays à l’autre (Hosken, 1982).
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[41]
Les effectifs de femmes n’étaient pas issus de données de recensements mais correspondaient, pour tous les pays, à la moitié de l’effectif de la population totale, avec l’hypothèse que dans chaque pays les femmes constituaient environ la moitié de la population.
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[42]
Appelé taux de prévalence de la pratique.
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[43]
L’enquête Virage sur les violences de genre, en cours de réalisation en France, pose pour la première fois la question du statut vis-à-vis de l’excision dans le cadre d’une enquête menée en population générale.
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[44]
Ces estimations sont disponibles dans 13 pays de l’Union européenne (Leye et al., 2014) et aux États-Unis (Jones et al., 1997 ; PRB, 2013). À notre connaissance, il n’existe pas d’estimation indirecte dans d’autres pays susceptibles d’être concernés comme le Canada ou l’Australie.
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[45]
Cependant, l’origine ethnique seule ne suffit pas à expliquer les différences de prévalence. En effet, les résultats tirés des enquêtes EDS et Mics montrent également que la prévalence peut être variable à l’intérieur d’un même groupe ethnique en fonction de la nationalité des individus (Unicef, 2013).
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[46]
Ce motif est invoqué de plus en plus fréquemment dans les déterminations du statut de réfugié, les États ayant reconnu les femmes, les familles, les tribus, les groupes professionnels et les homosexuels comme constituant un certain groupe social au sens de la Convention de 1951. Le groupe social peut être défini dans un sens large « groupe de femmes ou de filles » ou dans un sens plus étroit « femmes appartenant à une ethnie pratiquant les MGF » (UNHCR, 2009).
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[47]
En France par exemple, l’UNHCR estime qu’en 2011, parmi les 2 735 demandes d’asile de femmes originaires des pays où la pratique des MGF existe, 670 étaient motivées par une demande directement liée à un risque de mutilation (UNHCR, 2013).
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[48]
Populations dont le poids démographique est faible et ne pèse guère dans la prévalence nationale. En Gambie, par exemple, où la prévalence nationale s’élève à 76 %, certains groupes ethniques (comme les Mandyak ou les Wolofs qui représentent au total moins de 20 % de la population totale) ont une prévalence inférieure à 15 % (MICS-Gambia, 2012).
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[49]
Dans 5 pays (Irak, Liberia, Ouganda, Soudan, Yémen), cette question n’a pas été introduite.
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[50]
Érythrée, Mali, Mauritanie, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone.
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[51]
L’examen des différents types de mutilations selon les groupes de femmes enquêtées en comparant les formes de mutilations déclarées par les femmes les plus âgées (45-49 ans) et celles déclarées par les femmes les plus jeunes (15-19 ans) donne le même résultat (Unicef, 2013).
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[52]
À l’exception du Nigeria où les femmes instruites sont plus fréquemment excisées que celles qui ne le sont pas. Ce résultat a priori étonnant vient de ce que seuls les Yoruba et les Igbo pratiquent l’excision dans ce pays. Or ces deux groupes ethniques sont localisés dans le sud du pays, région beaucoup plus urbanisée que le Nord, et où l’instruction est plus développée (Andro et Lesclingand, 2007).
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[53]
À l’exception du Nigeria (cf. note précédente).
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[54]
Égypte, Sierra Leone, Mauritanie et Liberia.
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[55]
Cela atteste sans doute d’une corrélation assez forte dans ces pays entre le niveau d’éducation et le milieu de résidence.
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[56]
Notamment durant l’adolescence (Temin et al., 2013) et donc à des périodes de vie postérieures au moment où le risque de mutilation est le plus élevé, c’est-à-dire avant 10 ans (section III.2).
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[57]
Le lieu de résidence des filles est plus stable que celui de leurs mères, même si la mobilité dans l’enfance est relativement répandue en Afrique, notamment celle des petites filles à travers la pratique du confiage.
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[58]
Entre 30 % et 60 %. Dans ces pays, les femmes qui considèrent les MGF comme une pratique imposée par la religion sont relativement plus nombreuses que les hommes, à l’exception de la Mauritanie et de l’Égypte où les hommes sont plus nombreux à le penser (Unicef, 2013).
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[59]
Au Burkina Faso, la corrélation entre les groupes ethniques et une appartenance religieuse spécifique est assez faible. La diversité religieuse se retrouve dans la plupart des groupes ethniques présents au Burkina Faso à l’exception des peuples nomades Peuls et Touaregs qui comptent une majorité de personnes de confession musulmane (Hayford et Trinitapoli, 2011).
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[60]
Les données recueillies souffrent d’un biais de mémoire puisque les événements relatés par les femmes sont pour les plus âgées très anciens. Par ailleurs, certaines femmes excisées très jeunes n’ont pas de souvenir précis des circonstances de l’événement.
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[61]
D’après les données de l’EDS de 2008-2009.
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[62]
Les dix pays concernés sont le Nigeria, le Mali, l’Érythrée, le Ghana, la Mauritanie, le Sénégal, l’Éthiopie, le Niger, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire (Unicef, 2013).
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[63]
En 1994, le ministère de la Santé égyptien a publié un décret encadrant strictement la pratique des MGF et l’autorisant seulement dans quelques hôpitaux publics. Ce décret sera abrogé sous la pression des associations de défense des droits des femmes (qui y voyaient une manière de légitimer la pratique) un an après.Un nouveau décret est publié en 1997 avec une interdiction de la pratique étendue à l’ensemble du système de soins.
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[64]
Que l’on définit par un recours privilégié à un personnel de santé pour pratiquer l’excision plutôt que par un.e praticien.ne traditionnel.le (section VI.1).
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[65]
Les approches postcoloniales, dont la paternité est attribuée à Edward Saïd avec la parution de son ouvrage Orientalism, publié en 1978, visent à mettre en évidence la manière dont le discours occidental et impérialiste (suite à l’histoire coloniale) « a construit et continue de construire une vision de l’Autre colonisé.e ou racisé.e » (Benelli et al., 2006).
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[66]
Selon Wade, à partir des années 1990, les études postcoloniales ont remis en question la perception manichéenne des MGF comme symptôme d’une infériorité culturelle. De leur point de vue, l’engagement féministe occidental contre les MGF s’inscrit dans une démarche « impérialiste ».
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[67]
Dans la culture malinké, terme à connotation péjorative pour désigner une personne « incirconcise » ou « non excisée » (Bellas Cabane, 2008).
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[68]
La théorie des conventions sociales s’intéresse aux comportements des individus confrontés à une situation d’incertitude. Dans le cas des MGF, les familles font exciser leurs filles afin d’ajuster leur comportement à la norme sociale dominante. Inversement, si un certain nombre de familles décident de ne plus exciser leurs filles, leurs comportements individuels peuvent faire évoluer la convention ou norme sociale.
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[69]
Le lien entre la pratique des MGF et l’entrée sur le marché matrimonial est au cœur du modèle de Mackie et LeJeune. Mackie (1996) établit un parallèle entre la cessation de la pratique très ancienne des pieds bandés (qui était liée à des impératifs matrimoniaux) qui a perduré jusqu’au début du xxe siècle en Chine et ce que pourrait être l’abandon de la pratique des mutilations génitales féminines.
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[70]
Ces limites ne sont pas spécifiquement liées à la question de la mesure des MGF mais concernent les éventuels changements dans l’échantillonnage d’une enquête à l’autre : inclusion/exclusion de certaines régions, critères de sélection de la population enquêtée (femmes mariées ou toutes les femmes, etc.).
- [71]
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[72]
À l’exception du Burkina Faso (section IV.2).
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[73]
Bénin (2001 et 2006), Burkina Faso (1998-1999, 2003 et 2010), Guinée (1999, 2005), Mali (2001, 2006 et 2010), Niger (1988, 2006) (Unicef, 2013).
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[74]
Ce modèle, initialement élaboré dans le cadre d’aides à l’arrêt du tabagisme a été ensuite appliqué à d’autres comportements de dépendance (toxicomanie, changement d’alimentation, promotion de l’exercice physique, sexualité à moindre risque) (Prochaska et al., 1994).
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[75]
En Égypte et en Sierra Leone, les deux catégories de femmes partisanes de l’abandon de la pratique (convaincues ou réticentes) représentent respectivement 25 % et 9 % de l’ensemble des femmes contre 4 % au Mali et en Guinée (figure 12).
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[76]
Dans l’enquête italienne, seule une question relative aux intentions de la mère quant à une éventuelle excision de ses filles était posée. Dans l’enquête française, des questions supplémentaires relatives aux éventuelles intentions du père mais aussi de la famille résidant dans le pays d’origine ont été introduites.
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[77]
En France, « toutes choses égales par ailleurs » (âge de la fille, année de naissance, niveau d’instruction et pays de socialisation dans l’enfance de la mère), une fille née en France a trois fois plus de chances de ne pas être mutilée qu’une fille née à l’étranger (Andro et Lesclingand, 2008).
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[78]
En France, si les premiers procès pour des affaires d’excision datent du début des années 1980, c’est dans les années 1990 que la pénalisation de la pratique s’est durcie avec notamment, au début des années 1990, le procès très médiatisé d’Hawa Gréou, exciseuse malienne condamnée à plusieurs années de prison. On observe une césure très nette, en termes de prévalence de l’excision, entre les filles nées en France dans les années 1980 et celle nées dans les années 1990 (Andro et al., 2009).
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[79]
La mortalité infantile ou juvénile liée aux MGF est mal mesurée et invisible dans les statistiques de mortalité des pays concernés.
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[80]
Il s’agit d’un excès de tissu cicatriciel qui peut se développer à l’endroit de l’excision et créer des gênes chroniques.
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[81]
C’est-à-dire des enquêtes représentatives menées sur des échantillons importants, comme les quelques enquêtes EDS qui ont intégré un module sur cette question (Centrafrique en 1995, Tchad en 2004).
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[82]
Burkina Faso, Ghana, Kenya, Nigeria, Sénégal et Soudan.
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[83]
La notion de fonction sexuelle englobe le fonctionnement somatique des organes génitaux dans leurs dimensions bio-physiologiques dans le cadre de l’accomplissement du « cycle de la réponse sexuelle humaine » (Giami, 2007).
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[84]
Le ministère égyptien de la Santé en 1994 a reconnu la légalité de telles pratiques pour les professionnels de santé, l’association Médecins sans frontières a aussi tenu une position ambivalente pendant une courte période et enfin, l’American Association for Pediatricians a pris une position très controversée au même moment en promouvant la mise en œuvre d’excisions médicales sur le territoire américain afin de réduire les risques de santé pour les filles excisées lors du retour au pays.
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[85]
Après une tentative infructueuse d’interdiction de la pratique en milieu médical en 2006, le ministère de la Santé indonésien a publié un décret en 2010 autorisant les professionnels de santé (médecins, sages-femmes et infirmières formées) à pratiquer des MGF dans les services médicaux (publics et privés). Suite à une campagne contre ce décret menée par la commission des femmes et le comité de défense des droits des enfants, le décret a été abrogé en février 2014. Cependant, la pratique perdure du fait de l’absence de sanctions (Unicef, 2015).
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[86]
L’étude, menée par Nawal Nour et ses collègues dans deux hôpitaux de Boston auprès de 40 femmes dé-infibulées et suivies par enquêtes téléphoniques à 6 mois et 2 ans, montre que ces dernières n’ont connu aucune complication post-opératoire, qu’elles recommanderaient l’opération aux autres femmes concernées, qu’elles sont satisfaites des résultats de l’opération et qu’elles-mêmes et leurs conjoints ont une activité sexuelle satisfaisante (Nour et al., 2006).
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[87]
Physiologiquement, 99 % des femmes voient une transformation sensible de leur clitoris ; 4 % ont dû passer par une deuxième opération.