Notes
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[1]
En marge de cette question, dans l’entre-deux-guerres en Hongrie, la diffusion supposée de egyke (famille avec enfant unique) a été une préoccupation continue d’un groupe d’intellectuels progressistes qui y voyaient le signe d’une nation en déclin et la cause d’une diminution de la population (voir par exemple Fülep, 1929).
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[2]
Il existe de longue date d’autres enquêtes suivies, comme la British Household Panel Survey (Berrington, 2004 ; Iacovou et Tavares, 2011) ou l’enquête française Intentions de fécondité (Toulemon et Testa, 2005), qui incluent des questions sur les intentions de fécondité, mais leur cadre temporel est différent et nous n’avons pas pu les prendre en compte dans cette comparaison. Les données des enquêtes Generations and Gender Survey (GGS), quand elles seront disponibles pour de nombreux pays, permettront de surmonter ces difficultés.
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[3]
Suite aux contraintes dues aux enquêtes utilisées, le cadre temporel des intentions diffère de celui des réalisations.
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[4]
Notre catégorisation diffère quelque peu de celle de Heaton et al. (1999).
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[5]
L’« ajournement involontaire » de Testa et Toulemon correspond exactement à notre catégorie « ajournement ».
-
[6]
Le rôle des facteurs biologiques est illustré par Leridon (2008).
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[7]
Comme les limites biologiques liées à l’âge diffèrent entre hommes et femmes, il se pourrait que la prise de conscience soit également différenciée en fonction du sexe. Nous en avons tenu compte en construisant la variable de l’âge.
-
[8]
L’intention ne se référait pas à un intervalle de temps donné.
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[9]
Par exemple, cette norme est supérieure à 4 enfants aux Pays-Bas.
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[10]
Nous ne développons pas ici l’examen des relations mutuelles entre formation de l’union et fécondité.
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[11]
Il serait également intéressant de connaître les normes relatives à la fécondité dans les unions sans cohabitation, ou la fécondité sans vie de couple. Mais dans nos données comparatives nous ne pouvons malheureusement pas séparer ces deux groupes l’un de l’autre. Nos données sont en outre biaisées par le fait que la rareté et le coût élevé des logements empêche de nombreux couples de cohabiter dans les pays postcommunistes, alors que c’est très rare en Suisse et aux Pays-Bas (résultats descriptifs en tableau annexe A.3).
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[12]
Les motivations d’emploi diffèrent également. Par exemple, les préoccupations de carrière dominent chez les plus instruits, alors que les considérations économiques sont plus imporantes chez les moins diplômés.
-
[13]
Initialement, il était prévu d’inclure autant de pays européens que possible, mais nous n’avons retenu que les pays disposant de données longitudinales incluant des questions sur les intentions de fécondité dans un intervalle de temps donné. Nous voulions aussi avoir des données relatives à des périodes semblables. Il était enfin nécessaire que les questions puissent être harmonisées.
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[14]
L’enquête fait partie du projet The Impact of Social Capital and Coping Strategies on Reproductive and Marital Behavior (Impact du capital social et des stratégies d’adaptation sur les comportements de fécondité et de nuptialité) organisé par l’Institut de recherche démographique Max Planck de Rostock et l’Académie des sciences bulgare (Bühler et Philipov, 2005).
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[15]
L’intitulé exact des questions figure dans le tableau annexe A.2.
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[16]
De nombreuses personnes vivant seules sont en couple depuis longtemps, mais sans cohabitation permanente.
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[17]
Les quatre pays sont multiconfessionnels, mais la place de chaque groupe religieux diffère. En Hongrie, les catholiques sont la majorité, les protestants (calvinistes et luthériens) la minorité. En Suisse, protestants et catholiques sont en proportions égales. Les Pays-Bas peuvent être considérés comme un pays laïc, bien qu’il y ait aussi des catholiques et des protestants. En Bulgarie, la majorité de la population appartient à l’église grecque orthodoxe.
1Dans le contexte européen où la fécondité est largement maîtrisée et les naissances plus tardives, les couples ajournent-ils leurs projets de fécondité ou, lorsqu’ils souhaitent avoir un enfant, réalisent-ils rapidement leur intention ? Arnaud Régnier-Loilier et Daniele Vignoli ont récemment analysé dans Population (n° 2, 2011) les intentions de fécondité en France et en Italie, à partir des enquêtes GGS (Generations and Gender Surveys). Utilisant les deux premières vagues de ces mêmes enquêtes GGS complétées par deux autres enquêtes longitudinales pour comparer quatre pays d’Europe, Balázs Kapitány et Zsolt Spéder concentrent leur analyse sur les personnes ayant déclaré vouloir un enfant, afin de voir dans quelle mesure leurs intentions ont été réalisées ou ont évolué au bout de trois ans. Grâce à des modèles identiques appliqués à des données comparables dans des pays qui connaissent des situations économiques et démographiques contrastées (Pays-Bas, Suisse, Hongrie et Bulgarie), ils confirment l’importance des contextes nationaux : au-delà des effets massifs de l’âge et de la situation de couple, les déterminants sont variables d’un pays à l’autre, sans qu’une théorie ou hypothèse puisse s’appliquer de façon uniforme.
2Les recherches sur les intentions de fécondité existent depuis plusieurs décennies (Westoff et Ryder, 1977 ; Monnier, 1989). L’intérêt pour ces travaux s’est maintenu aux États-Unis (Morgan et Rackin, 2010) et dans d’autres pays (Gray et al., 2012), et il a été relancé en Europe récemment (Goldstein et al., 2003 ; Berrington, 2004 ; Testa et Toulemon, 2006 ; Philipov et al., 2006 ; Liefbroer, 2009 ; Philipov, 2009 ; Billari et al., 2009 ; Spéder et Kapitány, 2009 ; Régnier-Loilier et Vignoli, 2011). Les profondes transformations des niveaux de fécondité en Europe, un déplacement des orientations de la recherche et le développement de nouvelles méthodes de collecte des données peuvent être à l’origine de ce renouveau.
3Les modifications des conditions de fécondité, le recul de l’âge à la maternité et la prolongation des périodes de très basse fécondité (Kohler et al., 2002) ont stimulé les recherches visant à en comprendre les mécanismes, et particulièrement les travaux sur les intentions de fécondité. Après avoir analysé les processus macrosociaux, l’intérêt s’est déplacé vers la description et la compréhension des comportements individuels et des prises de décision concernant la fécondité. Les résultats de ces approches nous aident à comprendre dans quelle mesure les niveaux de la fécondité reflètent ceux des intentions, et si ces dernières permettent des anticipations fiables sur les évolutions à venir.
4L’importance des politiques sociales en Europe a également contribué à la multiplication des analyses sur les intentions de fécondité, en même temps que la reconnaissance de l’importance de la faible fécondité dans le vieillissement des populations soulevait des interrogations sur le rôle de ces politiques. Cette question s’est trouvée légitimée par la suite lorsqu’il est apparu que le nombre d’enfants prévu était supérieur à celui des enfants effectivement nés dans la plupart des pays européens (Goldstein et al., 2003) et que le maintien durable d’une fécondité basse pouvait conduire à son tour à une réduction des intentions, avec constitution d’une « trappe de fécondité basse » (Lutz et al., 2006).
5Dans les pays aujourd’hui post-communistes, les démographes s’étaient montrés sensibles depuis longtemps à la question de la fécondité basse (Andorka, 1978 ; Frejka, 1980) [1]. L’intérêt s’est accru après la transition économique, car la fécondité a diminué à un rythme exceptionnel, la période de fécondité basse s’est prolongée au-delà de ce qui était attendu, et on n’observe de signe de reprise durable dans aucun de ces pays. Ces processus soulèvent une interrogation récurrente : peut-on parler d’un retour à une fécondité de type occidental ou de l’apparition de nouveaux régimes de fécondité ?
6Ces questions restant sans réponse, les chercheurs sont passés des analyses au niveau des populations (macro) à des approches individuelles (micro). Le recours aux facteurs sociaux (participation au marché du travail, revenu, valeurs, etc.) pour analyser les comportements de fécondité est désormais au premier plan, et l’intérêt s’accroît pour des approches visant à comprendre et à expliquer les décisions de fécondité au niveau de l’individu ou du groupe. Dans ce contexte, on peut envisager un retour à des théories de l’action sociale qui puissent être testées empiriquement. La « théorie de l’action raisonnée » de Fishbein et Ajzen (1975), son développement en « théorie du comportement planifié » d’Ajzen (1988) ainsi que le « modèle de prise de décision séquentielle » de Miller et Pasta (1994) mettent les intentions au centre des théories de l’action sociale. Pour Ajzen (2002, p. 179), « il est […] supposé que l’intention précède immédiatement le comportement ». Aussi l’extension de la recherche au niveau micro s’accompagne-t-elle d’un accent nouveau mis sur les intentions.
7Les enquêtes suivies (ou panels) jouent un rôle clé dans l’intérêt croissant que la recherche porte aux intentions de fécondité et à la relation entre intention et action (Westoff et Ryder, 1977 ; Rindfuss et al., 1988 ; Monnier, 1989 ; Quesnel-Vallée et Morgan, 2003 ; Testa et Toulemon, 2006 ; Vikat et al., 2007 ; Spéder et Kapitány, 2009 ; Liefbroer, 2009 ; Régnier-Loilier et Vignoli, 2011). Elles nous permettent d’analyser et comprendre quels sont les facteurs en jeu lors de la formation et des modifications des intentions (Liefbroer, 2009 ; Iacovou et Tavares, 2011), dans quelle mesure le comportement de fécondité est intentionnel et quels sont les facteurs sociaux qui facilitent ou freinent le développement du comportement de fécondité au niveau de l’individu ou du groupe.
8Nos travaux se situent dans la ligne des recherches portant sur les écarts entre intentions de fécondité et comportements effectifs au niveau micro (Westoff et Ryder, 1977 ; Monnier, 1989 ; Schoen et al., 1999 ; Heaton et al., 1999 ; Quesnel-Vallée et Morgan, 2003 ; Testa et Toulemon, 2006 ; Philipov, 2009 ; Spéder et Kapitány, 2009).
9Cet article est centré sur les facteurs démographiques et sociaux qui favorisent ou empêchent la réalisation des intentions de fécondité des personnes qui pensent avoir un enfant dans les deux années à venir, à travers la comparaison de quatre pays : les Pays-Bas, la Hongrie, la Suisse et la Bulgarie. Cette approche comparative est nouvelle dans la recherche sur les intentions de fécondité, car jusqu’à présent les facteurs déterminants avaient été étudiés dans un seul pays. L’objectif est non seulement d’identifier les facteurs qui expliquent l’écart entre vouloir un (autre) enfant et réaliser ou non cette intention, mais aussi de comprendre les facteurs qui influencent la fécondité observée dans divers groupes sociaux au niveau national. Nous allons chercher à comprendre si les facteurs démographiques (âge, nombre d’enfants déjà nés et statut conjugal) qui influent sur la réalisation des intentions de fécondité ont une portée universelle, et dans quelle mesure certains n’opèrent que dans un pays spécifique. Les quatre pays retenus illustrent la diversité des situations en Europe, puisque deux représentent les régimes postcommunistes et les deux autres des États-providence d’Europe occidentale bénéficiant d’un niveau de vie plus élevé.
10La présente analyse se situe dans la continuité d’une étude précédente (pour la revue de littérature et certaines hypothèses) où étaient posées les mêmes questions de recherche en utilisant deux vagues d’une grande enquête hongroise par panel (Spéder et Kapitány, 2009). Les deux différences fondamentales sont que, d’une part, cette recherche a des ambitions explicatives plus limitées du fait de restrictions imposées par les données (facteurs explicatifs restreints pour cause d’harmonisation, sous-échantillons plus spécifiques et concentration sur les personnes ayant l’intention d’avoir un enfant dans un intervalle de temps donné), mais d’autre part, l’adoption d’une approche comparative contrebalance ces limitations.
11La première partie décrit brièvement les tendances de la fécondité dans les pays retenus, avant de construire les hypothèses de l’analyse empirique (IIe partie), à partir de la revue de littérature et de notre recherche précédente. La section méthodologique (IIIe partie) comprend une description des données (harmonisées) et des outils utilisés. La discussion des résultats (IVe partie) se concentre sur les effets des variables sociodémographiques (âge, nombre d’enfants déjà nés et statut conjugal). Les effets de variables de contrôle sont prises en compte, et nous suggérons qu’une recherche ultérieure dans ce domaine pourrait se révéler fructueuse. La conclusion insiste sur le rôle des différences socioéconomiques et des attitudes dans la compréhension des prises de décision en matière de fécondité.
I – Tendances de la fécondité aux Pays-Bas, en Suisse, en Hongrie et en Bulgarie, 2000-2007
12Choisir des pays européens qui diffèrent par leur environnement institutionnel et culturel et par l’évolution de leur régime de fécondité permet d’identifier les facteurs universels ou spécifiques des intentions de fécondité, puisque ce sont des éléments-clés du contexte de prise de décision en matière de fécondité (Thévenon, 2011). Mais comparer d’un pays à l’autre la réalisation des intentions exige le recours à des indicateurs identiques ou cohérents de la variable d’intérêt (ici la variable indiquant le comportement effectif découlant de l’intention). Pour que des pays soient retenus, il faut à la fois que leurs données disponibles soient longitudinales et que la formulation des questions sur les intentions de fécondité soient à peu près identiques [2]. Nous avons ainsi été amenés à choisir quatre pays représentant à la fois l’Europe occidentale et postcommuniste et des histoires de fécondité différentes. La description détaillée de leurs institutions et de leurs orientations culturelles dépasse le cadre de cet article, et nous présentons brièvement ici les traits essentiels de leurs régimes de fécondité (figures 1 et 2, tableau 1).
Figure 1
Figure 1
Âge moyen à la maternité aux Pays-Bas, en Suisse, Hongrie et Bulgarie, 1989-2008Figure 2
Figure 2
Indicateur conjoncturel de fécondité aux Pays-Bas, en Suisse, Hongrie et Bulgarie, 1989-2008Répartition de la population âgée de 15-49 ans par statut conjugal et proportion de naissances hors mariage aux Pays-Bas, en Suisse, Hongrie et Bulgarie
Répartition de la population âgée de 15-49 ans par statut conjugal et proportion de naissances hors mariage aux Pays-Bas, en Suisse, Hongrie et Bulgarie
Pays-Bas
13Dans le contexte européen, la fécondité y apparaît relativement élevée et stable, mais les mères donnent naissance à leur premier enfant à un âge avancé (Fokkema et al., 2008). La remontée de la fécondité a eu lieu plus tôt que dans la plupart des pays d’Europe occidentale (Lesthaeghe, 2001), offrant l’exemple d’une reprise après une longue période de déclin. Dans l’intervalle entre les deux vagues du panel (2004-2007), l’âge moyen à la première maternité a augmenté de 0,2 an. L’indicateur conjoncturel de fécondité est supérieur à la moyenne européenne, au-dessus de 1,7 enfant par femme. On peut parler d’un régime de fécondité stable.
Suisse
14La fécondité y est basse et très tardive. L’âge moyen à la maternité est en hausse constante. Il était plus bas qu’aux Pays-Bas dans les années 1990, mais plus élevé dans la période 2004-2007, au cours de laquelle il a augmenté de 0,5 an. Dans le même intervalle, l’indicateur conjoncturel de fécondité est de 1,45. Bien que la cohabitation hors mariage soit plus courante en Suisse que dans les trois autres pays, la proportion d’enfants nés de parents non mariés est faible (11,7 %, tableau 1). La différence est remarquable avec les Pays-Bas où près d’un tiers des naissances (29,1 %) ont lieu hors mariage, alors que la proportion de couples cohabitants est bien moindre. En Suisse, la cohabitation hors mariage n’apparaît pas comme un cadre approprié pour la naissance des enfants.
Hongrie
15La transition de la fécondité y a débuté dans les années 1990. L’indicateur conjoncturel de fécondité est passé de 1,84 en 1991 à 1,29 en 1999 et s’est stabilisé ensuite autour de 1,3. L’âge moyen à la première maternité a augmenté continuellement depuis la seconde moitié des années 1990. Le retard de la fécondité est plus prononcé au centre-est qu’à l’ouest de l’Europe. Dans l’intervalle entre les deux vagues du panel (2001-2004), l’âge moyen des mères à la première naissance est passé de 25,3 à 26,3 ans. Si l’indicateur conjoncturel était corrigé de la distorsion causée par le retard de la fécondité, il serait largement révisé à la hausse (Bongaarts et Feeney, 1998).
Bulgarie
16La fécondité y a suivi le même schéma de transition que dans d’autres pays anciennement communistes. Dans la période étudiée, le processus s’est poursuivi, l’âge moyen à la première maternité augmentant de 0,8 an entre 2002 et 2005. Dans le même temps, la fécondité a très légèrement augmenté, après être passée par un minimum de 1,1 à la fin des années 1990. Entre 2002 et 2005 l’indice conjoncturel a augmenté de 0,1 enfant par femme. La proportion de naissances hors mariage et l’indicateur conjoncturel de nuptialité sont tous deux plus élevés que dans les trois autres pays étudiés, la Suisse étant dans la position opposée. La transition de la société bulgare a été plus tardive qu’ailleurs en Europe centrale et la crise économique et sociale y a été plus sévère (Koytcheva et Philipov, 2008).
17Cette brève description ne rend compte que très partiellement des différences entre les fécondités des quatre pays, mais elle montre que les comportements des individus et des groupes prennent place au sein de régimes de fécondité très différents.
II – Facteurs susceptibles d’affecter la réalisation des intentions
Revue de littérature
18La recherche sur les intentions de fécondité et leur réalisation a été abondante durant les dernières années, en particulier sur l’écart entre les deux (Schoen et al., 1999 ; Heaton et al., 1999 ; Noack et Østby, 2002 ; Quesnel-Vallée et Morgan, 2003 ; Berrington, 2004 ; Testa et Toulemon, 2006). Cette analyse prolonge celle conduite sur les facteurs influençant les intentions de fécondité en Hongrie (Spéder et Kapitány, 2009), où était présentée en détail la littérature existante et sur laquelle nous ne reviendrons que brièvement. Il y était montré que les différences dans les résultats tenaient au fait que les intentions et les préférences en matière de fécondité peuvent être comprises, conceptualisées et mesurées de façon très disparate, et que la classification des intentions de fécondité varie (Miller et Pasta, 1995). Afin d’évaluer la validité des intentions de fécondité, le concept d’intention est certes crucial, mais il s’agit aussi de voir comment sont mesurés les comportements (la fécondité) et comment ce mode de mesure s’accorde avec celui des intentions. Trois types de mesure des intentions de fécondité sont identifiés : les intentions concernant la taille de la famille, les intentions de fécondité proprement dites et les intentions de fécondité dans un intervalle de temps donné.
19• Les intentions concernant la taille de la famille sont mesurées parfois comme une fécondité désirée, ou comme un nombre d’enfants attendu ou idéal dans sa propre famille. Le recouvrement et l’interdépendance sont grands entre ces concepts, mais ceux-ci ne sont pas identiques. En outre, ces intentions sont comparées à une fécondité moyenne effective, qui a toutes chances de différer de l’indicateur conjoncturel de fécondité, car elle correspond, au mieux, à une fécondité qui sera réalisée à l’avenir au niveau macro. Dans les cohortes, Quesnel-Vallée et Morgan (2003) et Morgan et Rackin (2010) ont montré que la fécondité finalement réalisée est une combinaison entre des individus qui dépassent la taille de famille initialement désirée et d’autres qui ne l’atteignent pas.
20• Évaluer le succès ou l’échec des intentions de fécondité proprement dites, généralement exprimées par la réponse à « Aimeriez-vous avoir un (autre) enfant ? » nécessiterait de se situer à l’issue de la période féconde. Il n’est pas surprenant qu’il y ait un écart entre intention (ou désir) et comportement (Westoff et Ryder, 1977).
21• La référence à une période plus courte rend attrayantes les intentions pour un intervalle de temps donné. Lorsqu’on mesure l’intention dans un cadre temporel précis, ou à travers la question « Quand aimeriez-vous avoir votre (prochain) enfant ? », on peut aisément établir s’il y a succès ou échec dans la période donnée. C’est le principal argument de cette recherche qui vise à comprendre les décisions de fécondité et leurs conséquences. Nous ne contestons pas pour autant que les intentions connaissent des changements au cours de la vie, comme l’a clairement montré Liefbroer (2009).
22Nous avons montré en outre que le calendrier et la solidité des intentions – ainsi que la prise en compte des intentions du partenaire – jouent un rôle important dans la réalisation des intentions. Mais ces informations manquent dans les enquêtes Generations and Gender Survey (GGS) et nous n’y recourrons pas ici.
23La réalisation des intentions étant fortement corrélée avec le cadre temporel (Schoen et al., 1999), et les intentions à court terme pouvant être considérées comme « fortes » ou « engagées », il semble que cette approche puisse jouer un rôle crucial dans la compréhension de la relation entre intentions et comportements. Des analyses antérieures ont en outre montré que des facteurs démographiques et sociaux contribuent à la réalisation des intentions ou à leur éventuel ajournement.
24Située dans un cadre temporel donné, cette recherche prend aussi en compte le maintien ou l’abandon des intentions non réalisées. Ceux qui avaient annoncé leur intention d’avoir un enfant dans les deux ans à venir et qui en ont effectivement eu un dans les trois ans [3] sont dits « parents intentionnels ». Comme nous sommes intéressés par la réversibilité des intentions, deux groupes sont formés parmi ceux n’ayant pas réalisé leurs intentions : ceux qui les maintiennent pour plus tard et se contentent donc de les « ajourner » et ceux qui, plus radicalement, les « abandonnent ». La typologie et le mode de construction de la variable dépendante figurent dans le tableau 2.
Définitions des intentions d’avoir un enfant et évolution du projet
Définitions des intentions d’avoir un enfant et évolution du projet
25Certains cadres théoriques nous permettent de prendre en compte les facteurs les plus importants susceptibles d’affecter les prises de décision en matière de fécondité, dans le cas présent la réalisation des intentions. Dans le même temps, le type de questions de recherche que nous pouvons étudier est contraint par les possibilités qu’offrent les données disponibles et leurs limitations. Nous utilisons des données harmonisées a posteriori, qui permettent de construire un nombre limité de variables explicatives de façon identique dans les quatre pays étudiés. Sont retenus trois facteurs démographiques importants : l’âge, le nombre d’enfants déjà nés et le statut conjugal. Nous avons construit aussi plusieurs variables sociales et comportementales, mais le souci d’utiliser des variables très simples conduit à s’en servir uniquement comme facteurs de contrôle. L’élaboration des hypothèses se concentre donc sur les variables démographiques.
Les effets de l’âge
26Des travaux antérieurs ont fait apparaître très nettement une relation négative entre l’âge du répondant et la réalisation de ses intentions. Dans une étude de Noack et Østby (2002) sur la fécondité attendue et réalisée, les jeunes (18-24 ans) ont des intentions plus réalistes que les autres enquêtés. Selon Schoen et al. (1999), après élimination des effets de toutes les caractéristiques des intentions et des autres facteurs de base, l’âge reste le déterminant le plus significatif de la fécondité : les jeunes ont une probabilité plus forte d’avoir un enfant. Plus récemment, Philipov (2009) a montré que les jeunes de moins de 30 ans en Bulgarie ont une probabilité significativement plus élevée d’avoir un enfant, une fois gommées les différences dans les intentions. Berrington (2004) s’est attachée à un groupe plus spécifique – les femmes sans enfant à 30-39 ans – et a également conclu que l’avancement en âge amenuise les chances de mener à bien les intentions de fécondité.
27Heaton et al. (1999) ainsi que Testa et Toulemon (2006) ont appelé à davantage d’efforts pour saisir les effets de l’âge sur les différentes formes d’échec de la réalisation des intentions de fécondité. S’attachant aux personnes sans enfant, Heaton et al. (1999) ont montré que les plus âgées sont davantage enclines à « renoncer à avoir des enfants », mais aussi à passer de « ne pas vouloir d’enfant » à « en vouloir ». Par ailleurs, ils n’ont pas trouvé de différences liées à l’âge entre les parents intentionnels et ceux qui remettent leur projet à plus tard [4]. Testa et Toulemon (2006) ont montré que la probabilité d’ajourner involontairement [5] s’accroissait avec l’âge jusqu’à 32 ans, et qu’elle se stabilisait ensuite avant de décroître. Ils en ont déduit que « ceux qui n’ont pas eu l’enfant qu’ils désiraient et qui continuent à vouloir constituer une famille cinq ans plus tard sont probablement ceux qui ont été empêchés d’avoir cet enfant par leur avance en âge et la baisse de leur fertilité qui en est résultée » (p. 65). En fait, la plupart des travaux qui font apparaître une liaison significative entre échec dans la réalisation des intentions et avance en âge attribuent l’échec à l’action de facteurs biologiques [6]. Certains travaux supposent aussi que des facteurs de « style de vie » peuvent entrer en conflit avec des décisions de fécondité aux âges avancés (Philipov, 2009). Nous parlons pour ces recherches d’ « approche par l’horloge biologique » : du fait que la fertilité diminue avec l’âge, la réalisation des intentions devient de plus en plus difficile. Par conséquent, plus les personnes sont âgées plus elles risquent de devoir abandonner leurs intentions de fécondité.
28Aucun des résultats connus à ce jour ne peut donner lieu à une hypothèse alternative, mais certaines approches théoriques suggèrent la prise en compte d’autres cadres théoriques. Des recherches révèlent une instabilité des intentions plus forte aux jeunes âges (Rindfuss et al., 1988), indiquant des échecs dans la réalisation des intentions plus fréquents dans les premières phases du cycle de vie. Dans une étude sur la relation entre intentions et comportements, Miller et Pasta ont supposé aussi que la probabilité de réaliser ses intentions de fécondité pouvait être plus forte aux âges plus avancés : « à mesure qu’augmentent l’âge, la durée du mariage et l’âge du dernier né, le temps exerce une pression » (Miller et Pasta, 1995, p. 535) qui peut conduire à une probabilité de réalisation des intentions plus élevée aux âges avancés. Mais les résultats concernant des jeunes couples mariés ne confirment pas cette hypothèse. La prévalence de normes liées à l’âge dans les sociétés modernes (Settersten et Hagestad, 1996 ; Heckhausen et al., 2001 ; Billari et al., 2010) suggère aussi que la probabilité de réalisation pourrait être plus élevée aux âges avancés. Selon le modèle de prise en compte individuelle du cycle de vie élaboré par Heckhausen et al. (2001), les personnes approchant de la fin de leur vie féconde accentuent leurs efforts afin de réaliser leurs intensions de fécondité. Conscientes de l’échéance – une échéance sociale existe aussi (Mynarska, 2010) – il est possible que ces personnes s’efforcent de réaliser leurs intentions à l’approche de la limite d’âge, quelle qu’en soit la nature. En conséquence, l’approche par la « norme sociale de l’âge » conduit à supposer que l’ajournement des intentions recule lorsque l’âge s’accroît [7].
29Certains travaux sur l’infécondité peuvent aider à rendre plus visible la relation entre ajournement et abandon. Plusieurs études montrent que les personnes restées sans enfant sont nombreuses à ne pas en avoir eu initialement l’intention. Mais à force de réviser leurs intentions et de repousser leur décision d’avoir un enfant, elles ont fini par abandonner leur projet originel et ont renoncé à avoir un enfant (Berrington, 2004). D’après ce mécanisme, les abandons sont le fait de personnes plus âgées que les ajournements.
30Nos hypothèses sur le rôle de l’âge dans la réalisation ou l’échec des intentions d’avoir un enfant dans un intervalle donné s’appuient sur les considérations précédentes et suivent les deux approches fondamentales de l’horloge biologique et de la norme sociale de l’âge :
- H1a) Selon l’approche de l’horloge biologique, les couples qui ajournent leur projet d’enfant seront plus âgés que les parents intentionnels, alors que la norme sociale d’âge implique que les jeunes seront plus enclins à ajourner que les plus âgés.
- H1b) Dans la comparaison entre réalisation des intentions et abandon, les deux approches conduisent au même résultat : le risque d’abandon s’accroît avec l’âge.
Le nombre d’enfants déjà nés
31Les études longitudinales incluent généralement le nombre d’enfants déjà nés comme variable de contrôle, si bien que des résultats dans ce domaine sont souvent des « sous-produits » des analyses portant sur les intentions de fécondité. Les travaux de Schoen et al. (1999) ont montré que les mères d’un enfant à un moment donné ont habituellement une probabilité plus forte que les autres femmes d’en avoir un autre dans la période suivante (jusqu’à l’entretien suivant). Mais parmi les femmes non mariées (vivant seules ou en cohabitation), les mères de trois enfants ont aussi une probabilité plus élevée d’avoir un autre enfant. Dans son analyse du British Household Panel Survey, Berrington (2004) a montré qu’en six ans, les personnes sans enfant ou avec un seul enfant avaient la plus forte probabilité de réaliser leurs intentions d’avoir un (autre) enfant. La force de l’effet du nombre d’enfants dépend aussi de la durée écoulée depuis la dernière naissance : plus cette période est courte, plus est forte la probabilité d’avoir un autre enfant de façon intentionnelle.
32Les études sur les personnes sans enfant soulignent l’instabilité de leurs intentions aux jeunes âges (Rindfuss et al., 1988) et montrent que la non- réalisation ou l’ajournement des intentions sont fréquents (Heaton et al., 1999). Aux États-Unis, parmi les personnes d’âge fécond, 45 % de celles qui avaient l’intention [8] d’avoir un enfant ne l’ont pas eu en cinq ans. En France, selon Testa et Toulemon (2006), 54 % des personnes sans enfant déclarant « Je veux un enfant dans les cinq prochaines années » l’ont effectivement eu pendant cette période (p. 57). Nous pouvons donc supposer que le niveau de réalisation des intentions est bas et celui d’ajournement élevé parmi les personnes sans enfant. Cette hypothèse s’accorde avec les études qui concluent à l’existence d’objectifs personnels en concurrence (Rindfuss et al., 1988 ; Barber, 2001 ; Philipov, 2009), puisque les personnes sans enfant affichent un large éventail d’objectifs personnels qui entrent souvent en conflit avec leurs intentions de fécondité (Barber, 2001).
33Parallèlement à la « norme de l’âge », nous pouvons supposer qu’il existe une « norme d’intensité » liée au comportement de fécondité. La littérature sur le sujet est plutôt sporadique, mais les résultats empiriques pour les Pays-Bas et la Hongrie donnent à penser que les hommes et les femmes toléreraient d’avoir un nombre limite d’enfants bien supérieur à la moyenne du nombre effectif (Liefbroer et Billari, 2010 ; Molnár, 2010) [9]. C’est pourquoi une telle norme n’est guère susceptible d’influer sur nos résultats.
34Une autre sorte de norme d’intensité est davantage débattue : la norme contre l’infécondité. Des données empiriques montrent son existence en Bulgarie et en Hongrie, mais pas en Suisse et aux Pays-Bas (Liefbroer et Merz, 2010). Cette norme peut pousser les personnes sans enfant, en particulier en Hongrie et en Bulgarie, à ajourner plutôt qu’à abandonner leur projet d’enfant. L’infécondité étant mieux tolérée en Suisse et aux Pays-Bas, on peut s’attendre à ce que les abandons en cas d’échec y soient plus fréquents.
35Dans les études longitudinales sur la réalisation des intentions concernant la taille de la famille, ceux qui prévoient d’avoir deux enfants ont les plus fortes chances de réaliser leur projet initial (Quesnel-Vallée et Morgan, 2003). En outre, ceux qui ont l’intention de rester sans enfant ou d’en avoir un seul finiront souvent par en avoir davantage, et ceux qui en prévoient trois ou plus finiront souvent par en avoir moins. Nous pouvons en déduire que les personnes avec deux enfants ou plus ont moins de chances de réaliser leurs intentions que celles sans enfant ou avec un seul :
- H2a) Les personnes sans enfant ont une probabilité plus élevée que les autres d’ajourner, et moins élevée d’abandonner leurs plans, par rapport à la probabilité de les réaliser pleinement (parents intentionnels).
- H2b) Du fait de l’existence d’une norme très hostile à l’infécondité, nous supposons que seuls les répondants ayant déjà des enfants sont susceptibles d’abandonner leurs intentions dans les deux pays postcommunistes.
- H2c) Les personnes ayant un enfant sont celles qui ont la plus forte probabilité de réaliser leurs intentions de fécondité dans les trois ans qui suivent.
- H2d) Les personnes avec deux enfants ou plus sont plus enclines à abandonner leurs plans qu’à les réaliser ou les ajourner.
Le statut conjugal
36Dans de nombreux travaux, la vie commune en couple (et en particulier le mariage) apparaît comme un préalable à la réalisation des intentions de fécondité (Heaton et al., 1999 ; Schoen et al., 1999 ; Berrington, 2004 ; Testa et Toulemon, 2006 ; Spéder et Kapitány, 2009). Il devrait en être de même ici, même si la forme de la vie en couple (mariage, cohabitation ou vie séparée) est aussi l’un des déterminants les plus forts de la formulation des intentions de fécondité à court terme (Philipov et al., 2006 ; Billari et al., 2009). En conséquence, la forme de la vie en couple domine l’ensemble du processus de prise de décision, de l’émergence des intentions à la conception éventuelle d’un enfant.
37La question est davantage ouverte pour savoir si la forme de la vie commune (mariage ou cohabitation) a un effet sur la réalisation des intentions. Dans certains pays comme la France où la cohabitation est très répandue, la forme de la vie commune n’a qu’un effet modeste sur la probabilité d’avoir un enfant (Toulemon et Testa, 2005). En revanche, aux États-Unis, les couples cohabitants ont une moindre probabilité de mener à bien leurs intentions. Heaton et al. (1999) concluent que « malgré l’accroissement de la fécondité hors mariage, il subsiste une étroite relation entre le fait d’être marié et d’avoir des enfants » (p. 536). Dans une analyse plus détaillée, nous avons aussi montré qu’en Hongrie les femmes cohabitantes avaient moins de chances de réaliser leurs intentions d’avoir des enfants que les mariées (Spéder et Kapitány, 2009). Nous rejoignons les auteurs qui notent que la signification de la cohabitation varie selon le pays (Heuveline et Timberlake, 2004), en lien avec sa prévalence dans la population. Les quatre pays retenus sont intéressants de ce point de vue, puisque la cohabitation y est très inégalement répandue.
38Il est également clair que la stabilité de la vie de couple affecte les probabilités de réalisation (Heaton et al., 1999 ; Testa et Toulemon, 2006). Nous pouvons formuler des associations de bon sens : d’une part, la séparation ou le divorce augmentent la probabilité d’ajourner ou d’abandonner une intention ; d’autre part, débuter une cohabitation ou se marier doit accroître la probabilité de mener à bien ses intentions et de devenir parent intentionnel [10]. Cette hypothèse s’accorde avec l’approche sociopsychologique, la théorie suggérant que la survenue d’événements (inattendus) au cours du cycle de vie dissuade les acteurs de réaliser leurs intentions (antérieures) (Ajzen, 1988 ; Miller et Pasta, 1995).
39Cette question peut également être abordée du point de vue normatif. Y a-t-il des normes qui prescrivent l’ordre séquentiel des comportements démographiques (des « normes de séquençage » selon Liefbroer et Billari, 2010), et qui réprouvent la fécondité avant le mariage [11] ? Selon les résultats de l’enquête European Social Survey (ESS) en 2006, le taux de réprobation n’est supérieur à 50 % qu’en Ukraine (Liefbroer et Merz, 2010). En Hongrie, en Suisse et aux Pays-Bas cette norme n’existe pas, le taux de réprobation étant inférieur à 20 % ; il est plus élevé en Bulgarie où il atteint 36 %.
40Sur ces bases, nous supposons que :
- H3a) Les personnes vivant conjointement (couples mariés ou non) auront une probabilité plus élevée de réaliser leurs intentions que les personnes vivant seules. Cette hypothèse est hautement plausible, mais on doit avoir présent à l’esprit que les enquêtés non cohabitants inclus dans nos analyses sont uniquement ceux qui ont l’intention d’avoir un enfant dans les deux prochaines années.
- H3b) Les personnes vivant en cohabitation pourraient être moins engagées mutuellement que les mariés (Waite et Galagher, 2000) ; c’est pourquoi le taux de réalisation de leurs intentions pourrait être moins élevé que celui des mariés. Compte tenu des différentes acceptions du terme cohabitation, nous nous attendons à des écarts plus importants là où la cohabitation est la moins courante (par exemple en Bulgarie).
- H3c) Les personnes qui se séparent (ou divorcent) après avoir exprimé leur intention d’avoir un enfant (vague 1) auront une probabilité beaucoup plus forte d’ajourner ou d’abandonner leur projet que les personnes qui poursuivent leur vie de couple, quelle qu’en soit la forme institutionnelle. Nous supposons aussi que ces personnes auront une moindre probabilité de réalisation que celles restant seules tout au long de l’intervalle.
Les autres variables de contrôle
41Les décisions en matière de fécondité sont prises dans un contexte social spécifique, elles sont le fait de personnes dotées de ressources et porteuses de valeurs et d’attitudes diverses (Westoff et Ryder, 1977 ; Rindfuss et al., 1988 ; Heaton et al., 1999 ; Schoen et al., 1999 ; Noack et Østby, 2002 ; Berrington, 2004 ; Testa et Toulemon, 2006 ; Philipov, 2009 ; Spéder et Kapitány, 2009). En analysant les décisions de fécondité et la réalisation des intentions, on devrait donc tenir compte des positions structurelles (statut social et économique) et des attitudes. Toutefois, le recours à des données harmonisées a posteriori présente des limites, en particulier lors de la construction d’indicateurs comparables de conditions de vie et d’attitudes. Nous n’avons pu harmoniser que trois variables de cette nature – le niveau d’instruction, l’activité économique et l’appartenance religieuse – et de façon très simplifiée. Nous les utilisons dans ce modèle car elles peuvent s’insérer dans notre analyse comme variables de contrôle et nous aider ainsi à révéler les effets des facteurs démographiques spécifiques discutés précédemment. La revue très sélective de la littérature dans les trois domaines mentionnés n’a pas pour ambition de nous permettre l’élaboration d’hypothèses et l’estimation de résultats. Si nous disposions de variables pertinentes et définies de manière adéquate, nous pourrions améliorer notre compréhension de la réalisation des intentions.
42Les travaux concernant « l’instruction » concluent de façon ambiguë. Dans les analyses des données américaines, la prise en compte du niveau d’instruction améliore généralement la compréhension des relations entre intentions et comportement. Par exemple, selon Heaton et al. (1999), les personnes plus instruites sont davantage disposées à ajourner leurs intentions. Dans l’étude des deux vagues du National Survey of Households and Families, l’instruction ne joue un rôle significatif et de même sens que chez les femmes non mariées, qu’elles vivent seules ou en cohabitation (Schoen et al., 1999). L’explication de ces résultats s’appuie sur la rationalité économique : les femmes plus instruites investissent davantage de ressources dans la constitution du capital humain, et il leur est donc beaucoup plus coûteux d’avoir un enfant. Plusieurs études en Europe montrent des résultats différents. En France, les femmes les plus instruites ont une plus forte probabilité de réaliser leurs intentions de fécondité (Testa et Toulemon, 2006) ; en Norvège, le niveau d’instruction est sans effet (Noack et Østby, 2002).
43L’instruction peut aussi servir d’intermédiaire pour des effets liés aux ressources économiques (effet revenu) ou à des orientations de valeur, s’il n’y a pas de variables décrivant les systèmes de normes et de valeurs appropriés dans le modèle. Des styles de vie et des ressources culturelles variés sont liés au niveau d’instruction [12]. Il peut être important de souligner que les personnes plus instruites sont souvent mieux informées et plus cultivées, et on peut supposer que les comportements de parenté intentionnelle y sont plus répandus. Enfin, ne négligeons pas la dimension de capital humain déjà évoquée (effet du coût d’opportunité).
44De nombreux travaux traitent des effets de « l’activité économique » et des statuts d’emploi. Sur ce dernier point, soulignons l’impact des situations de chômage sur la réalisation des intentions de fécondité. Aux États-Unis, le chômage des hommes empêche la réalisation des intentions de fécondité (Rindfuss et al., 1988). Le constat est équivalent en Hongrie, où les hommes en emploi sont mieux à même de réaliser leurs projets de fécondité que les chômeurs (Spéder et Kapitány, 2009). En Espagne (Adsera, 2006) et en France (Testa et Toulemon, 2006), le chômage fait obstacle à la réalisation des intentions. Ceci correspond à l’effet de revenu connu pour influer sur la fécondité des hommes (Ermisch, 2002). On peut aussi supposer que la position économique de la femme affecte la réalisation des intentions de fécondité de différentes manières (Kreyenfeld, 2001), mais nous n’avons pas trouvé de résultats convaincants sur ce point.
45Il peut également être intéressant d’inclure des variables subjectives, telles que les opinions ou des indications relatives à la satisfaction, dont différentes études ont souligné les effets (Heaton et al., 1999 ; Berrington, 2004 ; Philipov, 2009 ; Spéder et Kapitány, 2009). Heaton et al. ont intégré plusieurs variables sur les normes et orientations générales de valeur dans leurs analyses. Certains de leurs résultats vont dans le sens prévu : une forte valeur attachée aux loisirs pousse à l’ajournement des intentions de fécondité et l’approbation d’une assertion du type « l’emploi des mères est néfaste aux enfants » s’accompagne de réalisations plus fréquentes. On est en revanche surpris que le désir de carrière professionnelle soit sans effet significatif. Selon Berrington (2004), les attitudes liées au genre, en particulier les plus égalitaristes, accroissent la probabilité de conception parmi les femmes trentenaires sans enfant. En Hongrie, les femmes ayant des convictions laïques ont davantage de chances d’abandonner leurs projets de fécondité, et les brillantes « perspectives d’avenir » (forte satisfaction générale) des hommes contribuent à la réalisation des intentions plutôt qu’à leur abandon (Spéder et Kapitány, 2009).
46Malheureusement, nos données harmonisées a posteriori ne consacrent qu’un espace très restreint à la comparaison des variables de normes ; aussi ne pouvons-nous utiliser que « l’appartenance religieuse ». En Europe, la littérature sur ce point est pauvre en analyses comparatives. Les résultats de Philipov et Berghammer (2007) varient selon les intentions de fécondité et les préférences. Dans les pays multiconfessionnels, où plusieurs groupes religieux sont de taille importante, les résultats sont contradictoires concernant les préférences en matière de fécondité. Mais notre variable dépendante est ici d’une autre nature, puisque nous nous attachons à la fécondité intentionnelle.
III – Données et Méthodes
Données
47Nous utilisons quatre enquêtes très différentes, mais qui ont en commun d’être de larges panels représentatifs à l’échelle nationale [13]. Les enquêtes hongroise et néerlandaise se ressemblent : elles portent sur l’évolution des comportements démographiques et elles seront incluses dans le programme GGS après harmonisation. Nous utilisons les deux premières vagues de l’enquête néerlandaise du Netherlands Kinship Panel Study (NKPS, Panel des liens de parenté) (Dykstra et al., 2007) et du programme hongrois Életünk Fordulópontjai (Points de repère du cycle de vie) (Kapitány, 2003). L’enquête bulgare [14] porte aussi sur l’évolution des comportements démographiques, mais elle ne fait pas partie du programme GGS. Le suivi s’est fait sur trois ans dans les trois cas. Le Panel suisse des ménages (PSM) est une enquête de suivi annuelle, dont nous avons utilisé les 6e et 9e vagues (Voorpostel et al., 2009). Dans les quatre pays, la première des deux vagues s’est déroulée entre 2002 et 2004, la seconde entre 2005 et 2007.
48Les échantillons de ces enquêtes sont de taille importante (N = 5 168 en Suisse, N = 6 326 aux Pays-Bas, N = 7 481 en Bulgarie et N = 13 540 en Hongrie), mais nous n’en utilisons que des sous-échantillons spécifiques constitués des seuls répondants ayant l’intention d’avoir un (autre) enfant dans les deux ans. Les nombres de cas utiles dans les sous-échantillons sont donc beaucoup plus limités. Les taux d’attrition entre les deux vagues du panel sont du même ordre dans les quatre pays (entre 17 % et 25 %). Les principales caractéristiques des enquêtes (taille de l’échantillon et du sous-échantillon, pondération utilisée) et quelques informations importantes sur la qualité des bases de données figurent dans le tableau annexe A.1.
49Les questionnaires des quatre enquêtes sont assez différents, mais les questions sur les intentions de fécondité nous semblent adaptées à un exercice comparatif. Les quatre enquêtes contiennent des questions sur les intentions de fécondité dans un intervalle de temps donné (quoique formulées différemment), et elles fournissent un décompte précis des naissances survenues entre les vagues.
50Les quatre enquêtes ayant été conduites de façon indépendante, il n’est pas étonnant que leur harmonisation soit difficile. Nous avons pu construire une variable dépendante (issue des intentions) propice aux comparaisons, et un ensemble de variables indépendantes comparables couvrant les facteurs essentiels susceptibles d’influer sur la réalisation des intentions. Il a fallu trouver des compromis : le cadre de deux ans utilisé dans les enquêtes suisse et bulgare comme référence des intentions s’est imposé aux autres pays [15]. En outre, le cas des femmes enceintes au moment de l’enquête a été traité différemment dans les quatre pays. La solution a consisté à considérer les femmes enceintes lors de la seconde vague comme parents intentionnels.
51Pour notre analyse nous avons constitué un sous-échantillon des enquêtes. N’en font partie que les personnes qui avaient l’intention d’avoir un (autre) enfant dans les deux années suivantes et interviewées lors de la seconde vague. En bref, deux conditions sont nécessaires : exprimer l’intention d’avoir un enfant ; connaître une des trois issues, naissance d’un enfant, intention modifiée ou maintenue.
52Pour les femmes enceintes lors de la première vague et les hommes dont les partenaires étaient enceintes, l’interprétation des intentions ultérieures est difficile. Aussi avons-nous décidé d’exclure ces cas.
Méthodes
53L’analyse s’appuie sur des techniques de régression multinomiale. Cette méthode a déjà été utilisée par Heaton et al. (1999) et Berrington (2004) dans leurs études des relations entre intentions de fécondité et comportement des personnes sans enfant. Nous y avons également eu recours dans nos travaux sur la Hongrie (Spéder et Kapitány, 2009). L’objectif étant d’explorer et comprendre les échecs dans la réalisation des intentions d’avoir un enfant, nous choisissons le groupe des parents intentionnels comme groupe de référence.
54Deux questions se posent sur les méthodes et la modélisation :
- Contrairement à notre analyse précédente sur la Hongrie, cette analyse est restreinte aux enquêtés qui ont l’intention d’avoir un (des) enfant(s). Une réponse positive à la question sur les intentions de fécondité peut apparaître socialement plus ou moins désirable selon les pays et selon les groupes au sein de chaque pays, ce qui est toujours le cas dès lors qu’on inclut des variables de nature subjective. Le choix de restreindre notre analyse aux personnes souhaitant un (autre) enfant dans les 2 ans est justifié par l’intérêt des politiques familiales envers ce groupe. Les travaux récents sur la fécondité se sont beaucoup interrogés sur le faible niveau de la fécondité dans plusieurs pays européens et s’il était dû à l’écart entre intentions et réalisation de fécondité. Si les couples avaient effectivement tous les enfants qu’ils ont l’intention d’avoir, les indices de fécondité seraient probablement à un niveau suffisant pour que la reproduction de la population soit assurée à long terme (Philipov, 2009 ; Sobotka, 2011). Si le gouvernement décide de traiter le problème du bas niveau de fécondité, les politiques publiques doivent s’attacher à éliminer les obstacles à la réalisation des intentions de fécondité. D’où notre choix délibéré de faire porter l’analyse sur le groupe le plus pertinent politiquement, à savoir celui qui a l’intention d’avoir un enfant prochainement.
- L’autre question porte sur le choix entre modélisation multinomiale ou emboîtée. Pourquoi ne pas avoir adopté un modèle emboîté, en considérant d’abord l’alternative « réaliser ou non ses intentions de fécondité », puis en s’attachant seulement à ceux qui ont échoué et en se demandant s’ils abandonnent ou maintiennent leurs intentions initiales ? Notre stratégie relève d’arguments théoriques plutôt que méthodologiques. Il n’est pas sûr que l’alternative « réaliser ou pas » soit la question première, et que la décision d’abandonner ou d’ajourner vienne ensuite. Une autre séquence est possible, qui décrit peut-être mieux le processus réel de prise de décision : peut-être l’abandon est-il la première option, suivi par le dilemme ajourner-réaliser. Aussi avons-nous opté pour un modèle sans emboîtement et choisi d’utiliser un modèle de régression multinomiale.
Variables indépendantes
55Il est inutile de décrire en détail toutes les variables indépendantes après les discussions de la section précédente, les statistiques descriptives figurent dans le tableau annexe A.3. La mise en œuvre de « l’âge » nécessite cependant quelques explications. Quand une femme répond, nous prenons en compte son âge lors de la première vague ; quand c’est un homme, l’âge est celui de sa partenaire à la même date. Ce choix est lié à notre hypothèse d’horloge biologique, ainsi qu’à celle de norme d’âge, qui se réfèrent avant tout à la femme dans les couples ayant l’intention d’avoir un enfant. L’âge de l’homme n’a été pris en compte que dans les rares cas (1 % à 5 % dans chaque sous-échantillon) où celui-ci n’a pas de partenaire féminin. Pour disposer d’effectifs suffisants, nous avons constitué quatre groupes d’âges (moins de 25 ans ; 25-29 ans ; 30-34 ans ; 35 ans et plus), inclus comme variables indicatrices dans les modèles. Ceci permet de faire apparaître des relations non linéaires entre l’âge et la réalisation des intentions, et de tester des interactions entre chaque groupe d’âges et d’autres facteurs comme le sexe, l’activité professionnelle, etc.
56« Le nombre d’enfants déjà nés » conduit à la constitution de trois groupes : sans enfant, un seul enfant, deux enfants ou plus.
57« Le statut conjugal » prend ici en compte la réalité et la forme de la vie commune (pas sa durée). Nous avons groupé tous ceux qui se déclarent en couple, qu’ils vivent seuls [16], cohabitent, ou soient mariés. On peut se demander s’il est pertinent d’interroger des personnes vivant seules sur leurs intentions d’avoir des enfants. Mais les personnes résidant seules sont nombreuses à avoir des relations amoureuses ou des vies de couple chacun chez soi. Ceux qui étaient en couple à la première vague et se sont ensuite séparés font l’objet d’une variable séparée.
58La variable « emploi » distingue ceux qui en occupe un et ceux qui n’en ont pas à la première vague. Pour « l’appartenance religieuse », les catholiques constituent le groupe de référence (sauf en Bulgarie où ce sont les orthodoxes) et nous distinguons également les protestants, les autres appartenances et les personnes sans religion [17]. La taille réduite des échantillons ne permettant pas une analyse séparée par sexe, le sexe du répondant est utilisé uniquement comme une variable de contrôle.
59Nous avons testé plusieurs effets d’interaction dans nos modèles en utilisant des méthodes de sélection pas-à-pas. Trois figurent dans la section des résultats : sexe et statut d’activité ; sexe et instruction supérieure ; sexe et groupe d’âges (35 ans et plus). Mais un seul type d’interaction se révèle significatif, et dans un seul pays. La validité du modèle est estimée par le (pseudo) R2 de Nagelkerke, qui est un des coefficients généralisés de détermination les plus employés (Nagelkerke, 1991).
IV – Résultats
60La répartition de notre variable dépendante, l’issue des intentions de fécondité, montre à quel point la réalisation des projets à deux ans est « imparfaite ». Aux Pays-Bas où le taux est le plus élevé, les trois quarts des personnes réalisent en trois ans leurs intentions d’avoir un enfant dans les deux ans. Le ratio est à peine supérieur à 50 % en Suisse et les échecs dépassent les succès en Hongrie et Bulgarie où les intentions ne sont réalisées que pour deux cinquièmes de l’échantillon (tableau 3). Nous avons discuté ailleurs du type de contexte sociétal et des effets de composition et de structure qui pouvaient être responsables de ces écarts, en particulier entre pays occidentaux et postcommunistes (Spéder et Kapitány, 2012). Nous traitons ici des facteurs et des différences au sein de chaque pays, en nous interrogeant pour savoir si les facteurs conduisant à la réalisation des intentions ou à leur échec (ajournement ou abandon) sont les mêmes dans les quatre pays et si les différences sont importantes.
Répartition de la variable « issue des intentions de fécondité » dans les quatre pays (%)
Répartition de la variable « issue des intentions de fécondité » dans les quatre pays (%)
61L’âge est un puissant facteur prédictif des relations entre les intentions et leur issue, puisque son effet est significatif dans sept des huit relations étudiées (tableau 4). Par rapport au groupe de référence (25-29 ans), les couples dont la femme est âgée de 35 ans ou plus ont une probabilité nettement plus forte d’abandonner leur projet dans les quatre pays, et de l’ajourner en Suisse et en Hongrie. À l’inverse, les couples les plus jeunes (moins de 25 ans) ont une probabilité significativement plus faible d’ajourner ou d’abandonner leur projet dans les deux pays postcommunistes. Ce résultat est pleinement conforme à l’hypothèse d’horloge biologique H1a et partiellement à l’hypothèse H1b. Ce résultat clair, au moins pour la relation entre fécondité intentionnelle et ajournement, conduit à rejeter l’hypothèse de norme sociale de l’âge, selon laquelle les personnes s’approchant d’une échéance (biologique ou sociale) seraient davantage enclines à réaliser leurs intentions qu’à les ajourner. C’est en fait l’inverse : celles qui ajournent sont plus âgées que les parents intentionnels, sauf aux Pays-Bas où il n’y a pas de différence d’âges entre les deux groupes. Le rôle de l’horloge biologique étant différent pour les hommes et les femmes, nous avons testé une interaction entre le groupe d’âges le plus élevé et le sexe, mais le résultat n’est pas significatif, peut-être parce que les partenaires qui ont l’intention d’avoir un enfant appartiennent souvent tous deux au même groupe d’âges.
Réalisation et évolution après trois ans du projet d’avoir un enfant dans les deux ans (régression logistique multinomiale). Odds ratios décrivant le risque d’ajournement ou d’abandon vs la réalisation du projet(a), (b), (c)
Réalisation et évolution après trois ans du projet d’avoir un enfant dans les deux ans (régression logistique multinomiale). Odds ratios décrivant le risque d’ajournement ou d’abandon vs la réalisation du projet(a), (b), (c)
(a) Catégorie de référence : les parents intentionnels qui ont réalisé en trois ans leur projet d’avoir un enfant dans les deux ans.(b) Pour les hommes avec partenaire : groupe d’âges de la partenaire. Pour les hommes sans partenaire : groupe d’âges de l’homme.
(c) En Bulgarie, la catégorie de référence est « Orthodoxe ».
Seuils de significativité : * < 0,1 ; ** < 0,05 ; *** < 0,01.
62L’effet du nombre d’enfants déjà nés (parité) est significatif dans la plupart des cas : 14 coefficients sur 16, les deux derniers jouant dans le même sens que les autres sans être significatifs. Nos hypothèses semblent confirmées dans la plupart des catégories, mais il y a quelques exceptions. Il est clair que les personnes sans enfant ont un risque plus élevé d’ajourner leurs intentions que de les réaliser ; l’hypothèse H2a est donc confirmée. Ceci conforte l’idée selon laquelle les intentions de fécondité peuvent être empêchées par des objectifs personnels entrant en conflit avec elles – et débouchant souvent sur une absence d’enfant (Rindfuss et al., 1988 ; Barber, 2001) – ou, alternativement, que la naissance d’un premier enfant empêche quelquefois la réalisation d’autres objectifs personnels. Il semble néanmoins y avoir une exception, mais uniquement aux parités 0 et 1 : en Bulgarie, la probabilité d’ajourner la naissance du prochain enfant est plus forte pour ceux qui en ont déjà un que pour ceux qui n’en ont pas encore. Mais il n’y a plus d’exception bulgare quand la comparaison est faite entre les couples sans enfant et les parents de deux enfants ou plus : les premiers sont plus enclins que les seconds à ajourner la naissance du prochain enfant. Il faudrait pousser plus avant la recherche concernant la Bulgarie, mais une explication plausible pourrait être la suivante : la plus forte probabilité de réalisation par les couples sans enfant est le signe d’une prévalence accrue des familles avec un enfant unique, à l’exemple de ce qui se passe en Russie et en Ukraine (Avdeev, 2003 ; Perelli-Harris, 2005).
63Dans une comparaison entre abandon et réalisation des intentions de fécondité, il semble que les parents d’un enfant ou plus en Bulgarie, en Hongrie et aux Pays-Bas aient une probabilité significativement plus forte d’abandonner leurs intentions que les personnes sans enfant. Ce qui s’accorde avec notre deuxième hypothèse sur le rôle du nombre d’enfants déjà nés (H2b). La relation est inversée en Suisse, où les couples sans enfant ont une probabilité d’abandon plus élevée que les parents d’un enfant. Ce résultat incite à se pencher sur les différences entre les régimes de fécondité en Europe. Dans deux pays d’Europe de l’Est et un de l’Ouest, les enquêtés abandonnent leur intention d’avoir un autre enfant s’ils en ont déjà un, voire plus. La Suisse fait figure d’exception : le fort risque d’abandon par les couples sans enfant, plus élevé que celui des parents, révèle et indique l’importance de l’infécondité dans ce pays (Dorbritz et Ruckdeschel, 2005). Nos résultats confirment donc le rejet de l’infécondité comme norme dans les pays postcommunistes, en accord avec notre hypothèse H2b. Parmi ceux qui n’ont pas réalisé leurs intentions, l’abandon est très rare et l’ajournement est plus courant en Hongrie et Bulgarie.
64La troisième hypothèse sur l’impact du nombre d’enfants déjà nés (H2c : les parents d’un seul enfant ont-ils la probabilité la plus forte de devenir parents intentionnels ?) donne lieu à des résultats contradictoires. Seule la relation entre réalisation et abandon des intentions semble la confirmer, puisque les parents de deux enfants ou plus sont davantage susceptibles qu’eux d’abandonner leurs projets de fécondité à court terme et de réduire ainsi leurs intentions concernant la taille de leur famille. À l’inverse, dans la relation entre ajournement et réalisation, le coefficient attaché à la non-réalisation des intentions n’est pas significativement plus élevé parmi les parents de deux enfants ou plus que parmi ceux n’ayant qu’un enfant ; l’hypothèse H2c n’est donc pas confirmée. Nos résultats ne soutiennent qu’en partie l’idée selon laquelle la famille de deux enfants représenterait le projet le plus souvent réalisé par les couples.
65Dans les quatre pays, les couples ayant déjà deux enfants ou davantage abandonnent plus souvent leur projet d’enfant supplémentaire que ceux qui n’en ont qu’un, conformément à notre quatrième hypothèse (H2d).
66En résumé, d’une part la réalisation des intentions de fécondité de court terme diffère en fonction du nombre d’enfants déjà nés. D’autre part, nous identifions des éléments de comportement propres à certains pays en plus d’un certain nombre de corrélations communes.
67L’influence du statut conjugal apparaît clairement dans la comparaison des personnes vivant seules avec celles mariées ou cohabitantes. La vie de couple est un préalable à la réalisation des intentions de fécondité dans les quatre pays (Schoen et al., 1999 ; Philipov, 2009). Les différences dans la réalisation des intentions ne sont cependant pas très marquées entre les types de vie en couple.
68Les modifications du statut conjugal affectent manifestement le processus de réalisation des intentions : comme prévu, la séparation empêche la réalisation des intentions de fécondité. Dans les quatre pays, les personnes qui rompent leur relation de couple abandonnent aussi leurs intentions de fécondité à court terme. Les abandons sont particulièrement fréquents en Suisse. Ce résultat confirme aussi l’hypothèse selon laquelle des modifications dans le cours du cycle de vie affectent fortement la relation entre intention et comportement (Ajzen, 1988). Cependant, il s’agit sans doute moins d’un affaiblissement de la relation que d’une modification forcée des intentions, au moins à court terme. Il pourrait en résulter à nouveau des conséquences de long terme : une réduction durable des intentions concernant la taille de la famille (Liefbroer, 2009).
69Les variables de contrôle ont des effets significatifs dans les quatre pays, mais les directions de ces effets sont souvent contradictoires et variables d’un pays à l’autre. Peut-être est-ce dû au fait que les forces sociales jouent des rôles différents dans le contexte culturel ou institutionnel propre à chaque pays, et qu’elles ont donc des impacts variables sur la réalisation des intentions.
70Enfin, nous ne pouvons exclure que la simplicité des trois variables à laquelle nous a contraint l’harmonisation des enquêtes soit à l’origine de ces effets contradictoires. L’instruction joue un rôle dans la réalisation des intentions, leur ajournement ou leur abandon. En particulier, les personnes les plus instruites ont une moindre probabilité d’abandon partout sauf en Suisse. Les coefficients attachés à l’ajournement révèlent des résultats contradictoires. Les plus faibles probabilités d’ajournement sont chez les moins instruits en Bulgarie, chez les plus instruits en Suisse. L’interaction entre le sexe et le fait d’avoir une instruction supérieure, appuyée sur l’hypothèse des coûts d’opportunité plus élevés pour les femmes les plus instruites, n’est pas confirmée.
71L’appartenance religieuse offre un exemple de l’effet d’une variable liée au système de valeurs sur la réalisation des intentions. Ses effets sont eux aussi partiels et contradictoires. En Hongrie et aux Pays-Bas, les personnes sans religion semblent avoir une probabilité plus forte d’ajourner que de réaliser leurs intentions. Aux Pays-Bas, les catholiques ont une probabilité de réalisation de leurs intentions plus élevée que tout autre groupe religieux. En Suisse, il n’y pas de différence entre les religions. En Bulgarie, on est surpris de voir que les personnes sans religion ont une probabilité plus faible d’abandonner leurs intentions que de les réaliser. Ces résultats montrent l’intérêt d’inclure dans les modèles des variables décrivant les normes et les valeurs, mais ils indiquent aussi la nécessité de poursuivre les travaux dans ce domaine.
72Le statut d’emploi peut affecter la réalisation des intentions et on sait que les différences sont très fortes entre hommes et femmes dans leur position sur le marché du travail. Mais nous n’avons pas pu construire de modèles séparés selon le sexe, faute d’effectifs suffisants. En outre, notre variable d’emploi est très sommaire. La catégorie « sans emploi » englobe des situations très différentes, en particulier chez les femmes : chômeuses, en congé parental, au foyer, étudiantes, autres. Des catégories plus fines seraient nécessaires.
73Afin d’améliorer ces modèles, nous avons inclus une interaction entre le sexe et le statut d’emploi, en utilisant une méthode de sélection pas-à-pas. Mais le pouvoir explicatif du modèle ne s’en trouve amélioré qu’en Hongrie, confirmant un phénomène connu depuis longtemps dans le pays : un emploi stable des femmes accroît la probabilité d’abandonner l’intention d’avoir un enfant (effet du coût d’opportunité). D’un point de vue comparatif européen, ce phénomène est à rapprocher du très faible taux d’emploi, de la rareté des possibilités d’emploi à temps partiel pour les femmes, ainsi que de la longueur des congés de maternité en Hongrie (Spéder et Kapitány, 2007). Chez les hommes, au contraire, un emploi stable réduit la probabilité d’abandonner son projet de fécondité (effet revenu).
Conclusion
74Nous avons comparé les facteurs qui jouent sur la probabilité de réalisation des intentions de fécondité à court terme, en vérifiant si les mêmes forces conduisaient à la non-réalisation (ajournement ou abandon) des intentions de fécondité. Les données utilisées provenant d’enquêtes dont les objectifs étaient différents, nous n’avons pu nous appuyer que sur un nombre limité de variables comparables, une fois l’harmonisation réalisée. Nous avons néanmoins pu faire apparaître des influences sociodémographiques très fortes et à peu près similaires, telles que l’âge, le nombre d’enfants déjà nés et le statut conjugal, dans les quatre pays étudiés. Nous avons ainsi montré que certaines caractéristiques sociales et démographiques, telles que être jeune, avoir un enfant, vivre en couple stable, sont des conditions favorables à la réalisation des intentions de fécondité. À l’inverse, être âgé, être sans enfant ou en avoir plusieurs, freine la réalisation des projets de fécondité. Comme le statut social en sociologie, la position démographique semble offrir des facteurs clés qui déterminent les comportements de fécondité.
75Nous avons aussi fait émerger des différences importantes propres à chaque pays. Les analyses multivariées ont révélé des relations entre intentions et comportements variables selon le nombre d’enfants déjà nés. Il apparaît des types de famille propres à la Suisse d’une part (infécondité involontaire), à la Bulgarie d’autre part (augmentation des familles d’un seul enfant, conséquence de l’abandon du projet initial de fertilité).
76L’influence nette de la séparation attire notre attention sur le besoin d’analyses plus approfondies et plus systématiques des intentions et de leur réalisation au cours du cycle de vie des individus (Liefbroer, 2009 ; Iacovou et Tavares, 2011). Certains événements du cycle de vie peuvent se révéler être aussi significatifs que la rupture du couple pour la compréhension des échecs ou des succès dans la réalisation des intentions.
77La recherche portant sur des facteurs structurels (socioéconomiques) et d’opinion homogènes n’a pas été fructueuse. L’harmonisation a posteriori des données ne nous a permis d’inclure qu’un petit nombre de variables communes aux quatre pays, et nous avons dû nous contenter de variables plutôt grossières. Il n’est donc pas étonnant de n’avoir pu faire apparaître qu’une influence limitée de ce type de facteurs. Mais nous montrons effectivement que des facteurs structurels et des systèmes de normes jouent sur la réalisation des intentions de fécondité (Spéder et Kapitány, 2009). Des travaux ultérieurs devraient s’attacher à montrer dans quelle mesure les positions sociales (instruction, statut d’emploi, statut professionnel) d’une part, et les opinions générales sur les normes et les valeurs (perception de l’avenir, sentiment d’anomie, qualité de la relation de couple), de l’autre, pourraient contribuer à la réalisation ou non des intentions de fécondité.
78Remerciements
Cette recherche a été conduite au sein du projet « Prise de décision reproductive dans une perspective macro-micro, REPRO », Convention de subvention SSH-2007-3.1.2-217173. Le Fonds de recherche hongrois (OTKA) a soutenu la réalisation de cette étude (n° NN776648). Merci aux évaluateurs anonymes pour leurs intéressantes remarques et suggestions.
Formulation des questions sur les intentions de fécondité dans les questionnaires des quatre pays
Formulation des questions sur les intentions de fécondité dans les questionnaires des quatre pays
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Notes
-
[1]
En marge de cette question, dans l’entre-deux-guerres en Hongrie, la diffusion supposée de egyke (famille avec enfant unique) a été une préoccupation continue d’un groupe d’intellectuels progressistes qui y voyaient le signe d’une nation en déclin et la cause d’une diminution de la population (voir par exemple Fülep, 1929).
-
[2]
Il existe de longue date d’autres enquêtes suivies, comme la British Household Panel Survey (Berrington, 2004 ; Iacovou et Tavares, 2011) ou l’enquête française Intentions de fécondité (Toulemon et Testa, 2005), qui incluent des questions sur les intentions de fécondité, mais leur cadre temporel est différent et nous n’avons pas pu les prendre en compte dans cette comparaison. Les données des enquêtes Generations and Gender Survey (GGS), quand elles seront disponibles pour de nombreux pays, permettront de surmonter ces difficultés.
-
[3]
Suite aux contraintes dues aux enquêtes utilisées, le cadre temporel des intentions diffère de celui des réalisations.
-
[4]
Notre catégorisation diffère quelque peu de celle de Heaton et al. (1999).
-
[5]
L’« ajournement involontaire » de Testa et Toulemon correspond exactement à notre catégorie « ajournement ».
-
[6]
Le rôle des facteurs biologiques est illustré par Leridon (2008).
-
[7]
Comme les limites biologiques liées à l’âge diffèrent entre hommes et femmes, il se pourrait que la prise de conscience soit également différenciée en fonction du sexe. Nous en avons tenu compte en construisant la variable de l’âge.
-
[8]
L’intention ne se référait pas à un intervalle de temps donné.
-
[9]
Par exemple, cette norme est supérieure à 4 enfants aux Pays-Bas.
-
[10]
Nous ne développons pas ici l’examen des relations mutuelles entre formation de l’union et fécondité.
-
[11]
Il serait également intéressant de connaître les normes relatives à la fécondité dans les unions sans cohabitation, ou la fécondité sans vie de couple. Mais dans nos données comparatives nous ne pouvons malheureusement pas séparer ces deux groupes l’un de l’autre. Nos données sont en outre biaisées par le fait que la rareté et le coût élevé des logements empêche de nombreux couples de cohabiter dans les pays postcommunistes, alors que c’est très rare en Suisse et aux Pays-Bas (résultats descriptifs en tableau annexe A.3).
-
[12]
Les motivations d’emploi diffèrent également. Par exemple, les préoccupations de carrière dominent chez les plus instruits, alors que les considérations économiques sont plus imporantes chez les moins diplômés.
-
[13]
Initialement, il était prévu d’inclure autant de pays européens que possible, mais nous n’avons retenu que les pays disposant de données longitudinales incluant des questions sur les intentions de fécondité dans un intervalle de temps donné. Nous voulions aussi avoir des données relatives à des périodes semblables. Il était enfin nécessaire que les questions puissent être harmonisées.
-
[14]
L’enquête fait partie du projet The Impact of Social Capital and Coping Strategies on Reproductive and Marital Behavior (Impact du capital social et des stratégies d’adaptation sur les comportements de fécondité et de nuptialité) organisé par l’Institut de recherche démographique Max Planck de Rostock et l’Académie des sciences bulgare (Bühler et Philipov, 2005).
-
[15]
L’intitulé exact des questions figure dans le tableau annexe A.2.
-
[16]
De nombreuses personnes vivant seules sont en couple depuis longtemps, mais sans cohabitation permanente.
-
[17]
Les quatre pays sont multiconfessionnels, mais la place de chaque groupe religieux diffère. En Hongrie, les catholiques sont la majorité, les protestants (calvinistes et luthériens) la minorité. En Suisse, protestants et catholiques sont en proportions égales. Les Pays-Bas peuvent être considérés comme un pays laïc, bien qu’il y ait aussi des catholiques et des protestants. En Bulgarie, la majorité de la population appartient à l’église grecque orthodoxe.