Notes
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[*]
Ceped (Centre population et développement), UMR 196 Paris Descartes, Ined, IRD.
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[**]
Division Sida/IST, Dakar.
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[***]
Évaluer les interventions auprès des homosexuels masculins au Sénégal (ANRS 12139), Division Sida/IST du Sénégal, IRD, CHU Le Dantec, Université Cheikh Anta Diop, Dakar.
Correspondance : Joseph Larmarange, Centre population et développement (CEPED) UMR 196, Université Paris Descartes/Ined/IRD, 221 Bd Davout, 75020 Paris, tél : 33 (0)1 78 94 98 70, courriel : joseph.larmarange@ceped.org -
[1]
Cité par C. I. Niang et al. (2002).
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[2]
Il s’agit de la version française du sigle MSM (Men having Sex with Men), terme utilisé depuis 1994 par l’Organisation mondiale de la santé pour désigner des individus à partir de leurs pratiques et non en fonction de leur identité sociale ou culturelle.
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[3]
Évaluer les interventions auprès des homosexuels masculins au Sénégal (ANRS 12139), Division Sida/IST du Sénégal, IRD, CHU Le Dantec, Université Cheikh Anta Diop, Dakar.
-
[4]
Dont le directeur est A. S. Wade, coauteur de cet article et coinvestigateur avec Emmanuel Lagarde, Inserm, de l’enquête précédente menée en 2004.
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[5]
En 2007, cette prise de conscience s’accompagnait d’une « reconnaissance implicite » de l’existence d’une communauté homosexuelle : c’est ainsi que, lors du colloque international Sahara tenu en septembre 2007 à Dakar, des responsables d’associations HSH ont pris la parole pour la première fois à ce titre dans des forums de discussion, sans être alors inquiétés. En 2009, la situation est très différente, des hommes ayant été arrêtés chez eux fin 2008 puis condamnés pour « rapports contre nature », avant d’être libérés en appel en avril 2009. L’enquête, menée sereinement et sans mise en danger des enquêtés en 2007, ne serait donc pas envisageable en 2009 dans le contexte actuel d’homophobie.
-
[6]
Des consultations informelles, au « cas par cas », existaient depuis 2000.
-
[7]
Porte-parole des HSH auprès des structures de santé spécifiquement orientées vers cette population, ou personnes impliquées dans la mobilisation associative HSH, choisies dans plusieurs types d’associations pour prendre en compte la diversité de cette mobilisation associative.
-
[8]
10 000 francs CFA, soit environ 15 €.
-
[9]
Étant donné le mode de recrutement « boule de neige » par les pairs, il n’est pas possible de renseigner la proportion de refus par rapport à la proposition initiale de participer à l’enquête. Toutes les personnes qui se sont rendues sur le lieu d’enquête avaient de fait accepté l’enquête et aucune n’a refusé de continuer à participer au cours de la phase questionnaire et examen clinique.
-
[10]
Au Sénégal, le traitement antirétroviral est gratuit.
-
[11]
De fait, il s’agit de ceux qui « assument » le mieux leurs pratiques avec d’autres hommes, les individus dans le déni de leur homosexualité ayant une très faible probabilité d’accepter de participer à l’enquête. De plus, les personnes membres d’association HSH et/ou socialisées dans un « milieu homosexuel » ont plus de chance d’accepter de participer.
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[12]
La question exacte était « À quelles classes d’âges appartiennent vos partenaires sexuels masculins d’une manière générale au cours des douze derniers mois ? ». Si l’on compare les 40 ans et plus, ils ne représentent que 2 % de l’échantillon, mais 21 % des enquêtés déclarent des partenaires de ce groupe d’âges.
-
[13]
Il ne s’agit pas obligatoirement de « couples » : les hommes interrogés dans le volet qualitatif ne sont pas systématiquement les partenaires des femmes interrogées.
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[14]
L’information concernant l’âge manque pour deux individus.
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[15]
L’information concernant la profession manque pour deux individus.
-
[16]
Les partenaires réguliers ne sont donc pas définis selon un critère formel d’ancienneté de la relation ou de fréquence des rapports sexuels. Est régulier tout partenaire sexuel considéré comme tel par l’enquêté. Cette définition peut recouvrir différentes formes de relations, sentimentales ou non par exemple.
-
[17]
Qu’il s’agisse de rapports sexuels avec la ou les partenaires régulières, ou avec d’autres partenaires occasionnelles (tableau non reproduit).
-
[18]
La question posée était « Quelle est votre situation matrimoniale ? » sans distinction entre mariage civil, religieux et/ou coutumier.
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[19]
Voir l’article de Enel et al. (2009) pour une description détaillée des termes wolof utilisés pour décrire ces différents types de relations.
-
[20]
Analyse des comportements sexuels en France.
-
[21]
Création de plusieurs associations entre 2004 et 2007.
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[22]
Il s’agit d’une partie de débauche érotique, le plus souvent sans pénétration, à laquelle peuvent participer des femmes, contrairement à ce que les HSH appellent « partouze », qui ne concerne que des personnes de sexe masculin (Enel et al., 2009).
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[23]
68 % des homosexuels exclusifs dans l’année ont au moins le bac, contre 53 % des bisexuels.
-
[24]
Dans cette même enquête, les « gays » et les « bisexuels » ne différaient pas selon l’âge ni la religion. Les « bisexuels » étaient 12 % à être mariés à une femme contre 2 % pour les « gays ».
-
[25]
D’après l’étude de Vittinghoff et al. (1999), la probabilité de transmission par acte du VIH pour les rapports anaux insertifs est de 0,06 % alors que cette probabilité est de 0,82 % pour les pénétrations anales réceptives lorsque le partenaire était connu séropositif pour le VIH, et de 0,24 % lorsque les partenaires de statut sérologique inconnu étaient pris en compte.
-
[26]
Tableau non reproduit. Test du Chi-deux non significatif (p = 0,257).
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[27]
À l’exception de l’ACSF menée en France en 1992 où la part des bisexuels dans l’année parmi les HSH s’élève à 64 % (Messiah et Mouret-Fourme, 1993, p. 1 357). Si l’on se réfère aux effectifs des tableaux suivants (effectifs repris dans Schiltz, 1997), cette proportion descend à 55 %.
-
[28]
L’homosexualité féminine est encore largement ignorée.
- [29]
-
[30]
Une seule association est officiellement reconnue comme association « gay » au Sénégal. Il s’agit de Prudence à Dakar. Les autres associations sont officiellement dans la lutte contre le VIH/ sida.
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[31]
Voir notamment le chapitre 2 « Unions et désunions : les histoires d’amour ne sont jamais simples ! », p. 61-86.
1Peu de travaux ont été consacrés à l’homosexualité et à la bisexualité en Afrique subsaharienne, socialement reprouvées et parfois même légalement condamnées. Le Sénégal est un des pays pionniers en la matière, avec plusieurs enquêtes sociologiques et épidémiologiques effectuées autour des années 2000, dans le cadre de la lutte contre le sida. Les auteurs, Joseph Larmarange, Annabel Desgrées Du Loû, Catherine enelet Abdoulaye Wade, présentent les résultats d’une nouvelle enquête menée en 2007 auprès de 501 hommes de 18 ans et plus, mariés ou non, mais ayant déjà eu des rapports sexuels avec d’autres hommes. S’attachant à la description approfondie de la pluralité des formes que peut recouvrir la bisexualité au Sénégal, ils distinguent six grands « pôles d’activité sexuelle » construits à partir des caractéristiques des partenaires sexuels des enquêtés au cours de l’année précédente et au moment de l’enquête. Cette typologie montre la diversité et la complexité des comportements, en termes d’âge au premier rapport, de sexe du premier partenaire, de nombre de partenaires et de type de pratiques sexuelles. Les relations établies avec la prévalence du VIH et les violences subies ouvrent de nouvelles pistes pour les actions de prévention.
2Dans le domaine du VIH/sida, de nombreuses études épidémiologiques et socio-comportementales ont été menées auprès des homosexuels masculins des pays du Nord. En Afrique subsaharienne, cette question a été longtemps éludée dans la mesure où, très tôt, la transmission du VIH y a été considérée comme principalement hétérosexuelle et, dans une moindre mesure, périnatale (Chin et Mann, 1988). Bien que l’existence de pratiques homosexuelles ait été décrite de longue date sur ce continent (Crowder, 1959) [1], il faut attendre les années 2000 pour que se développent des enquêtes épidémiologiques et comportementales auprès de cette population (Baral et al., 2007).
3Le Sénégal est un des pays africains pionnier en la matière : plusieurs enquêtes sociologiques (Teunis, 2001 ; Sappe, 2003 ; Niang et al., 2002) révèlent à la fin des années 1990 la grande vulnérabilité des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) [2] dans ce pays. Les pratiques homosexuelles sont socialement vivement réprouvées et légalement condamnées. Aucun texte de loi ne parle explicitement d’homosexualité, mais les « rapports sexuels contre nature » sont passibles de cinq ans d’emprisonnement (article 319 : 3, loi de base n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal). Ces hommes vivent fréquemment des situations de grande précarité et subissent des violences domestiques, communautaires et institutionnelles. Ils sont l’objet d’une stigmatisation de la part de la société sénégalaise dans son ensemble et en particulier de la part des personnels de santé qu’ils hésitent à consulter en cas de symptômes.
4Dans ce contexte, une enquête épidémiologique est menée en 2004, avec l’accord du ministère de la Santé du Sénégal, auprès de 462 hommes recrutés par méthode « boule de neige » dans les réseaux homosexuels de cinq villes, dont Dakar. Elle montre une prévalence du VIH de 21,5 %, soit 30 fois plus que dans la population générale (Wade et al., 2005). Les autorités de santé du Sénégal, en collaboration avec des ONG, engagent alors des programmes spécifiquement orientés vers les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes : un programme spécifique de prise en charge des infections sexuellement transmissibles (IST) et du VIH, avec des professionnels de santé formés à l’accueil et la prise en charge de cette population méfiante car stigmatisée ; une action de sensibilisation aux risques sexuels dans les réseaux HSH ; un plaidoyer auprès de l’ensemble des acteurs de la vie publique sur la nécessité de prendre en compte les risques spécifiques des HSH. Un des arguments politiques majeurs pour justifier la mise en place de ces programmes, dans une société où l’homosexualité est fortement réprouvée, est la protection de l’ensemble de la population : ne pas prendre en compte ce foyer épidémique dans la population homosexuelle pourrait ruiner les efforts du Sénégal en matière de lutte contre le sida, l’épidémie pouvant se transmettre à l’ensemble de la population par les pratiques hétérosexuelles de ces hommes. Cette hypothèse selon laquelle les bisexuels pourraient constituer une « passerelle » des HSH vers la population générale a été souvent formulée dans des contextes divers.
5Elle est, à titre d’exemple, évoquée dans plusieurs chapitres de l’ouvrage collectif dirigé par Peter Aggleton sur la bisexualité et le sida (Aggleton, 1996). Elle constitue, dans le contexte sénégalais, un argument de santé publique permettant aux politiques de prendre en charge des groupes socialement stigmatisés en minimisant les réactions sociales négatives. Cette hypothèse doit néanmoins être relativisée : elle n’a été ni formellement documentée, ni empiriquement prouvée ; le poids relatif des bisexuels dans la population générale reste difficilement mesurable ; plusieurs dynamiques épidémiques parallèles peuvent se développer (Kahn et al., 1997 ; O’Leary et Jones, 2006). Néanmoins, le risque pour les partenaires féminines de ces hommes est plus élevé, du fait des pratiques hétérosexuelles non protégées de certains bisexuels (Crawford et al., 1996, p. 56).
6Peu de travaux au Sénégal ont cependant abordé en détail les pratiques hétérosexuelles des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, bien que celles-ci soient évoquées. N. Teunis (2001, p. 177) révèle que certains HSH sont mariés ou ont des « petites amies ». R. Sappe mentionne également des comportements bisexuels, mais les réduit à une union hétérosexuelle qui serait une « couverture sociale » (Sappe, 2003, p. 17). L’enquête de Teunis menée en 2000-2001 à Dakar révèle que 88 % des 250 hommes interrogés ont déclaré avoir déjà eu au moins un rapport vaginal avec une femme au cours de leur vie (Niang et al., 2003, p. 505). L’étude épidémiologique menée en 2004 confirme cette fréquence élevée de pratiques bisexuelles : 94 % des enquêtés ont déjà eu un rapport sexuel avec une femme au cours de leur vie et 74 % au cours des douze derniers mois (Wade et al., 2005).
Ces indicateurs restent insuffisants. En effet, la notion de bisexualité renvoie à tout un éventail de réalités fort différentes, tant dans les pratiques que dans les relations qu’elles sous-tendent. Des travaux menés dans d’autres contextes ont montré l’importance de prendre en compte les biographies sexuelles, l’évolution des orientations et des « pôles d’activité sexuelle » (Messiah, 1993). Le terme d’orientation sexuelle peut désigner tout à la fois la manière dont l’individu se définit (identité), son attirance sexuelle (désir) ou bien le sexe de ses partenaires sexuels (pratiques). Celui de pôle d’activité sexuelle, employé notamment par Messiah et Mouret-Fourme (1993), renvoie à une définition plus factuelle, à savoir le sexe des partenaires sexuels sur une période considérée, indépendamment des identités ou des désirs des personnes.
En 2007, lorsque nous avons réalisé une seconde enquête épidémiologique et comportementale faisant suite à celle de 2004, nous y avons abordé de façon approfondie la question des pratiques sexuelles, à la fois avec les hommes et avec les femmes, par une double approche quantitative et qualitative. Nous présentons dans cet article, à partir de cette enquête, la pluralité de formes que peut recouvrir la bisexualité au Sénégal. Nous élaborons un indicateur du pôle d’activité sexuelle actuel. Nous explorons comment plusieurs aspects de la sociobiographie sexuelle des hommes enquêtés varient selon le pôle d’activité sexuelle actuel, afin de déterminer si les prises de risque sexuel, l’infection par le VIH et l’exposition à la violence se déclinent différemment selon le type d’homo-bisexualité.
I – Population et méthode d’enquête
7L’enquête ELIHoS [3] réalisée en 2007 avait pour objectifs principaux de mesurer les prévalences du VIH et des IST et les comportements sexuels parmi les HSH, afin d’observer les évolutions depuis 2004 (enquête précédente) et d’évaluer les effets des programmes d’intervention en cours auprès de cette population. Cette enquête a été réalisée sur l’initiative de la division Sida/IST de l’Institut d’hygiène sociale à Dakar [4], avec le plein accord du ministère de la Santé du Sénégal, à un moment où les autorités de santé de ce pays prenaient conscience de l’importance de tenir compte de toutes les populations vulnérables dans la lutte contre le sida, en particulier les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes [5]. Elle a fait l’objet d’un partenariat entre deux équipes sénégalaises (la division Sida/IST de l’Institut d’hygiène sociale à Dakar dirigée par le Dr A. S. Wade et le laboratoire de virologie de l’Hôpital Le Dantec à Dakar dirigé par le Pr S. Mboup) et une équipe française de chercheurs en sciences sociales conduite par A. Desgrées du Loû (Ceped). Dans le cadre de la division Sida/IST, dirigée par le Dr A. S. Wade, une consultation spécifique pour les HSH a été mise en place à Dakar dès 2003 [6], puis dans d’autres grandes villes du pays, avec des médecins et assistantes sociales spécialement formés pour l’accueil et la prise en charge de cette population.
8Comme pour la première enquête menée en 2004, le mode de recrutement adopté en 2007 a été la méthode dite « boule de neige ». Celle-ci ne permet bien évidemment pas d’obtenir un échantillon représentatif de la population des HSH sur l’ensemble du Sénégal. Cependant, c’est le seul mode de recrutement possible pour une enquête menée auprès d’une population très stigmatisée et pour laquelle aucune base de sondage n’existe. L’analyse des évolutions entre 2004 et 2007 en matière de prévalence du VIH et des IST et de pratiques sexuelles a fait l’objet d’une autre publication (Wade et al., 2010).
9Le recrutement était effectué par des leaders [7] du milieu HSH, sur trois sites (Dakar, la capitale, Mbour / Thiès, deux villes proches de la côte touristique, et Saint-Louis, ville moyenne au nord du Sénégal). Ce recrutement a été effectué dans différents types de lieux (bars de rencontre HSH, associations HSH) et par bouche à oreille dans divers réseaux de socialisation. Aucune incitation financière n’était proposée aux enquêtés hormis le remboursement de leurs frais de transport [8]. Par contre, les leaders HSH étaient rémunérés au titre de leur participation à la recherche.
10Le critère de recrutement était d’avoir 18 ans ou plus et d’avoir déjà eu des rapports avec d’autres hommes. L’enquête était présentée comme une enquête sur les besoins de santé spécifiques des HSH (y compris VIH et IST). Elle était abritée dans les services de santé dévolus à la prise en charge médicale des HSH, où ceux-ci savaient qu’ils trouveraient un accueil favorable et bénéficieraient d’une confidentialité totale. Les hommes qui acceptaient de participer à l’enquête se rendaient dans ces services de santé [9]. Ils étaient reçus par un médecin et une assistante sociale qui leur expliquaient l’objectif et les procédures de l’enquête. Après avoir signé une feuille de consentement, ils répondaient à un questionnaire socio-comportemental administré par l’assistante sociale ou par le médecin, puis le médecin réalisait un examen clinique et un prélèvement de sang et d’urine pour les tests biologiques. En cas d’infection sexuellement transmissible, un traitement syndromique était délivré. L’enquêté était invité à revenir quinze jours plus tard pour recevoir les résultats biologiques. Lors de son retour, les infections détectées étaient traitées. Tous les traitements étaient délivrés gratuitement. Si l’enquêté avait une sérologie positive pour le VIH, l’annonce lui était faite par une assistante sociale formée à ce type d’annonce. Il était ensuite confié aux services de prise en charge VIH où un bilan biologique complet était réalisé pour décider de sa mise sous traitement antirétroviral le cas échéant [10]. Toute l’enquête a été réalisée en garantissant l’anonymat le plus strict pour les enquêtés. Les questionnaires et les fiches cliniques et biologiques étaient reliés entre eux par des numéros (numéros que recevaient les enquêtés pour venir rechercher leurs résultats biologiques). Les enquêteurs étaient formés au respect absolu de la confidentialité.
11Le questionnaire socio-comportemental a été administré à 501 hommes (306 hommes à Dakar, 100 à Mbour/Thiès et 95 à Saint-Louis). Il s’agit d’un échantillon jeune (80 % ont moins de 30 ans, âge moyen : 24,7 ans) et plutôt instruit (47 % ont atteint le niveau secondaire ou supérieur), 90 % habitent avec leur famille et 41 % se déclarent membre d’une association d’HSH (tableau 4). Notre échantillon, comme tout échantillon obtenu par « boule de neige », est biaisé, les individus les plus « visibles » / « accessibles » ayant répondu plus favorablement à la proposition d’enquête [11]. Ainsi, seuls 20 % des hommes enquêtés ont 30 ans ou plus alors qu’ils sont 51 % à déclarer avoir en général des partenaires sexuels de 30 ans ou plus [12]. Cette jeunesse de l’échantillon n’est pas spécifique à l’enquête et se retrouve dans d’autres études : âge moyen de 25,6 ans au Malawi, 24,4 ans en Namibie et 25,8 ans au Botswana dans une étude multisite réalisée en 2008 (Baral et al., 2009).
12La saisie des questionnaires a été réalisée sous Microsoft Access et les analyses statistiques menées sous SPSS 16.0. Une première analyse des données épidémiologiques a montré que la prévalence du VIH est restée stable entre 2004 et 2007, mais que la prévention des risques sexuels, par utilisation systématique des préservatifs, a augmenté sans doute sous l’effet des campagnes de prévention ciblées HSH développées depuis 2004 (Wade et al., 2010).
13Cette enquête quantitative a été complétée par un volet qualitatif consacré aux comportements bisexuels. Douze entretiens ont été menés auprès d’hommes déclarant une ou plusieurs partenaires féminines et douze autres auprès de femmes déclarées partenaires féminines par des HSH. Les personnes enquêtées ont été recrutées à partir de l’enquête quantitative : lorsque, dans le questionnaire quantitatif, les hommes déclaraient des rapports sexuels avec des hommes et des femmes, l’enquêteur leur demandait leur accord pour prendre rendez-vous pour un entretien approfondi ultérieur et pour que l’équipe prenne contact pour un entretien avec une des partenaires féminines qu’ils avaient déclarées [13]. L’entretien a été présenté aux partenaires féminines comme s’inscrivant dans le cadre d’une étude concernant la santé de la reproduction. À aucun moment, il n’a été fait allusion aux pratiques homosexuelles de l’homme référent. Les entretiens ont été menés par Catherine Enel, anthropologue française, coauteur de l’article, dans le lieu choisi par l’enquêté : onze entretiens d’hommes ont été effectués dans la structure de santé, dans une pièce garantissant la confidentialité de l’entretien, et un entretien à domicile. Pour les entretiens auprès des femmes, quatre ont été réalisés dans la structure de santé, un dans un bar, désert à l’heure de l’entretien, et sept au domicile de leaders HSH (qui n’ont pas assisté à l’entretien).
Les femmes interrogées avaient entre 18 et 30 ans. Une était mariée, deux étaient divorcées et les neuf autres célibataires. Leur niveau scolaire variait de « aucun » à « bac + 2 ». Quatre étaient encore élève (1), étudiante (1) ou en formation (2). Trois avaient une activité professionnelle (coiffeuse, bonne, commerçante) et les cinq autres n’en avaient aucune. Les hommes interrogés étaient âgés de 18 à 45 ans [14], dont neuf étaient célibataires, deux divorcés et le dernier marié. Deux étaient étudiants, six exerçaient une activité rémunérée régulière (médiateur santé, petit commerce, bagagiste, photographe, apprenti qualifié) et un faisait occasionnellement du mannequinat [15].
Nous présenterons dans la suite de cet article l’analyse des indicateurs de bisexualité disponibles à partir de l’enquête ELIHoS, ce qui nous amènera à la construction d’un indicateur composite mis en regard avec différents éléments de la sociobiographie sexuelle des hommes enquêtés. Nous rapprocherons nos résultats, quand cela sera possible, de données provenant d’autres études menées en France ou en Afrique subsaharienne.
II – Quelles mesures pour la bisexualité ?
14L’homo-bisexualité ne constitue pas un phénomène uniforme dont la définition serait évidente. Le fait d’avoir eu des rapports sexuels avec une personne de même sexe au cours d’une période donnée (pratiques) n’implique pas nécessairement que ces individus déclarent être sexuellement attirés par des personnes de même sexe et inversement. De même, attirances et pratiques se distinguent de l’identité, c’est-à-dire du fait de se définir comme homosexuel, bisexuel ou hétérosexuel (Bajos et Beltzer, 2008).
15Dans un contexte africain, les termes « homosexuels » ou « bisexuels » ne sont pas forcément adéquats pour rendre compte des identités. Dans la littérature sur l’homosexualité au Sénégal, on trouve une catégorisation en deux grands types identitaires sexuels : l’homosexuel passif qui s’identifie par le terme ubbi, (on trouve aussi ibbi) et qui se reconnaît comme homosexuel, et le partenaire actif qui s’identifie par le terme yoos, tout en ne se reconnaissant pas comme homosexuel, et pour lequel des hommes interrogés nous ont donné comme sens : « femme de mauvaise vie ». Dans le cadre des entretiens anthropologiques, les hommes ont utilisé spontanément différents termes d’identité sociale pour se désigner en tant qu’hommes ayant des pratiques homosexuelles : certains se disent « gay » ou « branché », d’autres utilisent le terme « MSM », les termes de ubbi et yoos n’étant apparus qu’en réponse à une question sur leur rôle dans la relation homosexuelle (Enel et al., 2009). Les entretiens mettent en évidence cette absence de liens systématiques entre pratiques et identités déjà montrée dans d’autres contextes, notamment en Afrique. Dans une étude menée à Kampala en Ouganda (Kajubi et al., 2008), 64 % des 224 hommes enquêtés se déclarent « gay » et 36 % « bisexuel » alors que 54 % ont eu uniquement des partenaires hommes sur les cinq dernières années, 13 % surtout des hommes mais aussi des femmes, 6 % autant d’hommes que de femmes et 23 % surtout des femmes mais aussi des hommes. Ils sont donc 46 % à avoir eu au moins une partenaire femme sur les cinq dernières années. L’étude de Lane et al. (2008) menée en Afrique du Sud entre 2004 et 2005 auprès de 199 HSH révèle que 12 % des hommes interrogés s’identifient comme « bisexuels » alors qu’ils sont 25 % à déclarer avoir eu des rapports sexuels avec une femme, et seulement 4 % à avoir une partenaire féminine au moment de l’enquête.
Dans le cadre du projet ELIHoS, le questionnaire quantitatif était axé sur les pratiques sexuelles à risque. De fait, aucune question n’a été posée sur l’attirance ni sur les identités. Les indicateurs disponibles portent essentiellement sur les partenaires sexuels, mais également sur les partenaires déclarés comme « réguliers » [16] par l’enquêté au moment de l’enquête, et sur la notion de couple. Le tableau 1 présente ces différents indicateurs.
Les différentes mesures des pratiques bisexuelles en 2007
Les différentes mesures des pratiques bisexuelles en 2007
16Les chiffres varient fortement selon la période sur laquelle on mesure la bisexualité. Sur l’ensemble de leur vie, 88 % des hommes interrogés ont déjà eu un rapport sexuel avec un homme et avec une femme. Sur l’année précédant l’enquête, cette proportion reste élevée (72 %). Une toute petite partie (1 %) déclare des partenaires sexuelles femmes uniquement. Sur le mois précédant l’enquête, la part des pratiques bisexuelles est toute autre : seuls 22 % des hommes ont eu des rapports sexuels avec des partenaires des deux sexes. Comme 22 % n’ont pas eu de rapports sexuels sur cette période, seuls 39 % des hommes ayant eu des rapports sexuels ont déclaré au moins une partenaire féminine tandis que 88 % ont déclaré au moins un partenaire masculin.
17Au moment de l’enquête, 53 % déclarent au moins une partenaire femme régulière et, parmi eux, les quatre cinquièmes ont également au moins un partenaire régulier homme. Mais seuls 53 % des hommes ayant déclaré avoir une partenaire régulière femme ont déclaré avoir eu des relations sexuelles avec une femme au cours du mois [17].
18À la question « Êtes-vous en couple ? », 18 % des individus se déclarent en couple avec un homme. Cette proportion est relativement stable avec l’âge (18 % pour les moins de 25 ans, 19 % à 25-29 ans et 15 % pour les 30 ans et plus). Seuls 33 hommes (7 %) se disent en couple avec une femme. Il s’agit essentiellement d’hommes mariés [18] (31 sur 33). Cependant, 36 hommes sont mariés dans l’échantillon : ils ne se déclarent donc pas tous en couple avec une femme puisque 3 préfèrent se déclarer en couple avec un homme et 2 disent ne pas être en couple. La proportion d’hommes en couple avec une femme croît fortement avec l’âge (1 % avant 25 ans, 6 % à 25-29 ans et 22 % à 30 ans et plus), en particulier après 30 ans, âge à partir duquel la pression sociale et familiale au mariage devient plus forte.
19Cette première mise en parallèle de divers types d’indicateurs montre que la bisexualité est un phénomène multiforme et difficile à appréhender en une seule mesure. L’analyse des entretiens individuels approfondis confirme et augmente cette complexité, en révélant de surcroît que les femmes déclarées « partenaires féminines » dans le questionnaire quantitatif ne sont pas forcément des partenaires sexuelles (Enel et al., 2009). Ainsi, les hommes enquêtés peuvent présenter comme partenaires féminines des femmes avec qui ils entretiennent une relation amicale ou fraternelle sans qu’il y ait de rapport sexuel [19] : amie considérée comme jigéen (sœur), femme plus âgée ayant un rôle de « protectrice », amie « lesbienne »… Par contre, les épouses ne sont pas obligatoirement considérées comme partenaires féminines du fait de leur statut de mère empreint de respect. Les prostituées constituent également des partenaires sexuelles qui ne sont pas déclarées comme partenaires féminines dans le cadre de rapports transactionnels. Cependant, certains hommes entretiennent également avec des prostituées des relations non transactionnelles, amicales ou sexuelles, dans lesquelles elles peuvent, le cas échéant, être déclarées comme partenaires féminines.
20Les taux de pratiques bisexuelles mesurés dans l’enquête quantitative peuvent ainsi être surestimés en raison de certaines partenaires féminines déclarées qui ne sont pas des partenaires sexuelles. Ce biais a pu être néanmoins minimisé, d’une part en attirant l’attention des enquêteurs sur cette question, d’autre part en recoupant la déclaration des partenaires sexuelles avec les questions détaillées sur les pratiques sexuelles, ce qui a permis de corriger certaines discordances.
Malgré ces limites, les taux observés restent particulièrement élevés, notamment pour une enquête avec un recrutement de convenance qui a tendance, au moins dans les pays occidentaux, à recruter de manière privilégiée des homosexuels exclusifs (tableau 2). En Europe et aux États-Unis, les enquêtes menées sur des échantillons représentatifs de la population générale montrent que la bisexualité dans la vie est largement majoritaire parmi les hommes ayant eu au moins un rapport sexuel avec un autre homme. Cependant, cette proportion devient minoritaire sur les douze derniers mois (excepté dans l’enquête ACSF [20] réalisée en France en 1992). Des travaux plus fins sur l’évolution du pôle d’activité sexuelle au cours de la vie (Messiah et Mouret-Fourme, 1993) mettent en évidence un double phénomène. D’une part, une meilleure acceptation sociale de l’homosexualité permet de vivre plus facilement une homosexualité exclusive. D’autre part, une bisexualité « temporaire » serait fréquente en début de vie sexuelle avant que les individus ne s’orientent vers une homosexualité ou une hétérosexualité exclusive (Messiah et Mouret-Fourme, 1993 ; Pollak et Schiltz, 1987 et 1994).
Dans le contexte africain, la pression au mariage et à la paternité ainsi que la forte désapprobation sociale de l’homosexualité peuvent expliquer en partie les forts taux de bisexualité dans l’année parmi les HSH. Dans le tableau 2, les taux de bisexualité mesurés au Sénégal s’avèrent plus élevés que ceux observés dans d’autres pays. Cet écart peut tout autant être l’effet de différences dans le recrutement des enquêtés que d’une spécificité du Sénégal. Si la proportion de bisexuels dans l’année est restée stable entre 2004 et 2007, la part des homosexuels exclusifs dans la vie a augmenté de 6 % à 13 %. Cet élément, ainsi que la progression [21] de la part des membres d’une association identitaire de 11 % à 41 % (p < 0,01) entre les deux enquêtes, peuvent suggérer le « développement » d’un milieu homosexuel au Sénégal.
Proportions de bisexuels parmi les HSH dans différentes enquêtes
21Du fait de sa fréquence (plus des deux tiers des hommes), la question de la bisexualité s’avère centrale parmi les HSH sénégalais. Plusieurs auteurs ont déjà évoqué les limites d’une catégorisation binaire « homosexuels » / « bisexuels » (Godelier, 2008). Dès lors, il importe de construire un indicateur plus fin pour traduire le pôle d’activité sexuelle actuel des enquêtés.
III – Traduire la diversité des homo-bisexualités
22Le sexe des partenaires sexuels sur toute la vie n’est pas adapté pour traduire la situation actuelle des individus. Le fait d’avoir déjà eu un rapport sexuel avec une femme n’implique pas nécessairement que l’individu ait toujours des pratiques bisexuelles au moment de l’enquête. Nous ne disposons pas dans cette enquête de données biographiques fines permettant de retracer les différentes trajectoires sexuelles et sentimentales des personnes interrogées. La sexualité au cours du dernier mois n’est pas apte non plus à traduire la « situation actuelle » des personnes interrogées. Cette période est en effet trop courte pour capter l’ensemble des partenaires sexuel(le)s, ce qui se traduit notamment par le fait que 22 % des personnes interrogées n’ont eu aucun rapport sexuel pendant cet intervalle. Il semble donc plus pertinent, pour essayer de catégoriser le pôle d’activité sexuelle actuel, de prendre en compte le sexe des partenaires déclarés dans l’année.
23Lors de l’analyse des entretiens qualitatifs (Enel et al., 2009), la question du sentiment amoureux envisagé avec un homme ou avec une femme est apparue comme le principal élément différenciateur pour comprendre les schémas relationnels des enquêtés. Lorsque le sentiment amoureux porte sur un autre homme, la relation entre les deux hommes est quasi exclusive et implique peu de partenaires masculins. Les relations avec les femmes sont limitées à l’épouse, la fiancée ou la promise, même s’il peut y avoir des relations sexuelles occasionnelles avec d’autres types de partenaires féminines, notamment lorsque l’individu pense qu’on attend de lui une démonstration de sa « normalité » hétérosexuelle, de sa « masculinité », ou encore au cours de « folies » [22]. Ces hommes, qui se désignent surtout par les termes de « gay » ou « branché », envisagent le mariage plutôt comme un mariage « de raison », soit pour couvrir leur homosexualité, souvent facteur de forte culpabilité visà-vis de la religion ou de la famille, soit pour mettre fin à une pression familiale en faveur d’un mariage hétérosexuel.
24Par contre, lorsque le sentiment amoureux est orienté vers les femmes, la relation avec d’autres hommes est plus marquée par le multi-partenariat où se conjuguent différentes pratiques visant à la recherche d’un plaisir sexuel maximal et/ou à des relations transactionnelles. Ces hommes envisagent un mariage hétérosexuel, même un mariage d’amour, comme solution pour échapper à leurs pratiques homosexuelles dont ils ne sont ni fiers ni satisfaits. Cette forme de bisexualité est le plus souvent accompagnée d’un multi-partenariat important, impliquant des partenaires des deux sexes, souvent dans des relations simultanées.
25Nous ne disposons pas, dans l’enquête quantitative, de données sur les identités sexuelles, sur l’attirance, ni sur la conception de la vie amoureuse. Le questionnaire était en effet centré sur les comportements sexuels. Cependant, nous pouvons utiliser deux variables indirectes plus ou moins corrélées avec ces notions. D’une part, nous savons si les individus se considèrent en couple avec un homme, en couple avec une femme ou pas en couple. D’autre part, nous savons s’ils déclarent des partenaires hommes et/ou femmes considérés comme « réguliers ». Le fait de déclarer des partenaires réguliers n’implique pas l’absence d’autres partenaires sexuels.
Nous avons dès lors retenu cinq variables :
- En couple (non / oui avec un homme / oui avec une femme)
- Au moins un rapport sexuel avec un homme sur l’année (oui / non)
- Au moins un rapport sexuel avec une femme sur l’année (oui / non)
- A déclaré au moins un partenaire régulier homme au moment de l’enquête (oui / non)
- A déclaré au moins une partenaire régulière femme au moment de l’enquête (oui / non)
Les pôles d’activité sexuelle actuels
Les pôles d’activité sexuelle actuels
27Les points de la figure 1 représentent ces quatorze combinaisons dans le plan factoriel constitué par les deux premiers axes d’une analyse factorielle de correspondances multiples (ACM) réalisées à partir de ces cinq variables à des fins de visualisation. L’axe horizontal du plan factoriel traduit la sexualité avec les femmes tandis que l’axe vertical traduit celle avec les hommes.
Représentation des pôles d’activité sexuelle actuels dans le plan factoriel (deux premiers axes)
Représentation des pôles d’activité sexuelle actuels dans le plan factoriel (deux premiers axes)
28La variable « couple » s’avère peu discriminante, notamment parce que les trois quarts de l’échantillon ne se sont pas déclarés en couple. Dès lors, il nous a semblé pertinent de regrouper les individus en six catégories à partir du sexe de leurs partenaires sexuels dans l’année et de leurs partenaires réguliers. Par commodité de langage, nous avons nommé ces six catégories en utilisant les termes « Homo » et « Bi » pour désigner les homosexuels et les bisexuels dans l’année et les expressions « reg H », « reg F », « reg HF » et « sans reg » pour spécifier le sexe des partenaires réguliers déclarés par les enquêtés.
29Six individus n’ont pas eu de rapport sexuel au cours des douze derniers mois et six autres n’ont eu que des partenaires sexuelles féminines. Du fait de leur faible effectif, ces douze personnes seront exclues des analyses dans la suite de cet article.
IV – Partenaires, pratiques, risques, VIH/IST et violences subies par pôle d’activité sexuelle
30Cette typologie des pôles d’activité sexuelle actuels est-elle pertinente pour appréhender la sexualité des HSH au Sénégal ? Les différents pôles présentent-ils un profil sociodémographique distinct ? Bien que cette typologie porte sur la situation actuelle des individus, cette dernière est-elle marquée par une entrée en vie sexuelle spécifique ? Dans une optique de santé publique, il importe de déterminer si le pôle d’activité sexuelle actuel a une influence sur la vulnérabilité au VIH et aux IST, que ce soit en termes de comportements, de pratiques et/ou d’exposition. Enfin, dans un contexte de stigmatisation sociale importante, il importe de déterminer les personnes les plus susceptibles d’être victimes de violences afin de mieux les prévenir.
Caractéristiques sociodémographiques
31Les profils sociodémographiques des différents groupes sont similaires (tableau 4). Aucune différence n’est statistiquement significative, à l’exception du statut matrimonial et du fait d’avoir un ou plusieurs enfants. En effet, les hommes mariés et les pères sont majoritairement des « Bi, reg HF » ou des « Bi, reg F », c’est-à-dire des hommes ayant déclaré au moins une partenaire régulière féminine. Les « Bi, reg F » sont légèrement plus nombreux à vivre avec leur famille.
Caractéristiques sociodémographiques des HSH selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Caractéristiques sociodémographiques des HSH selon le pôle d’activité sexuelle actuel
32Les « Bi, reg H » et les « Homo, reg H » s’avèrent légèrement plus jeunes et plus fréquemment membres d’une association HSH. Ce plus jeune âge se traduit par une part un peu plus importante d’étudiants dans ces deux catégories. Par contre, il n’y a pas de différence particulière concernant le niveau d’étude, contrairement à ce qui a pu être observé en France, où les homosexuels exclusifs dans l’année ont un niveau d’étude plus élevé que les bisexuels [23] (Messiah et Mouret-Fourme, 1993), ou en Ouganda, où les hommes se définissant comme « gay » sont 34 % à avoir un niveau supérieur contre 11 % de ceux se définissant comme « bisexuel » (Kajubi et al., 2008) [24].
Entrée en vie sexuelle
33À partir des données françaises datant de 1992 (enquête ACSF), Messiah et Mouret-Fourme (1993) ont montré que les individus bisexuels sur la vie mais exclusivement homosexuels depuis plus d’un an avaient commencé leur vie sexuelle majoritairement avec un homme (62 %), alors que les individus bisexuels dans l’année avaient eu majoritairement (77 %) leur premier rapport sexuel avec une femme. Bien que statistiquement non significatif, nous retrouvons, dans le contexte sénégalais, un résultat proche concernant la nature du premier rapport sexuel (tableau 5). En effet, si seule une moitié des « Homo, reg H » a déjà eu un rapport sexuel avec une femme, le premier rapport sexuel de ces derniers a majoritairement eu lieu avec un homme, tandis que l’inverse est observé pour les « Bi, reg F », les autres pôles d’activité sexuelle actuels se situant dans des positions intermédiaires.
Nature du premier rapport sexuel selon le pôle d’activité sexuelle actuel (parmi les bisexuels sur la vie)
Nature du premier rapport sexuel selon le pôle d’activité sexuelle actuel (parmi les bisexuels sur la vie)
34L’étude menée en Ouganda (Kajubi et al., 2008) trouve des résultats équivalents en ce qui concerne la nature du premier rapport sexuel : 49 % des hommes se définissant « gay » ont eu leur premier rapport avec un homme, pour seulement 9 % des « bisexuels ».
35Globalement les âges moyens des premiers rapports sexuels avec un homme et avec une femme sont équivalents (17 ans, tableau 6). L’âge au premier rapport sexuel avec une femme ne diffère pas selon le pôle d’activité sexuelle actuel, comme cela avait été observé en France. Par contre, l’âge au premier rapport avec un homme varie significativement entre les bisexuels et les homosexuels, ces derniers ayant entamé leur vie homosexuelle plus tôt. En France, en 1992, on observait la tendance inverse (Messiah et Mouret-Fourme, 1993).
Âge au premier rapport sexuel selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Âge au premier rapport sexuel selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Partenaires sexuels
36De manière attendue, le nombre de partenaires sexuels masculins au cours de la vie diffère selon le pôle d’activité sexuelle actuel (tableau 7), les « Homo, reg H », « Bi, reg H » et « Homo, sans reg » ayant en moyenne plus du double de partenaires au cours de leur vie que les « Bi, reg F ».
Partenaires sexuels au cours de la vie selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Partenaires sexuels au cours de la vie selon le pôle d’activité sexuelle actuel
37Seule la moitié des homosexuels exclusifs dans l’année ont déjà eu un rapport sexuel avec une femme au cours de leur vie. Ils ont eu en moyenne, comme les « Bi, reg F », deux fois moins de partenaires féminines.
Assez logiquement, la fréquence des rapports sexuels, que ce soit avec les femmes ou les hommes, est corrélée au fait d’avoir un ou plusieurs partenaires réguliers de ce sexe (tableau 8). Ainsi, les « Bi, reg HF », les « Bi, reg H » et les « Homo, reg H » sont plus nombreux à avoir eu au moins un partenaire sexuel masculin sur le mois et ont eu en moyenne, de fait, plus de rapports sexuels.
Partenaires sexuels au cours du dernier mois et fréquence des rapports sexuels selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Partenaires sexuels au cours du dernier mois et fréquence des rapports sexuels selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Pratiques sexuelles au cours du dernier mois et utilisation du préservatif
38La quasi-totalité des enquêtés ayant eu un rapport homosexuel au cours du dernier mois a déclaré avoir pratiqué la sodomie (tableau 9). Ce résultat ne signifie pas pour autant que la pénétration anale est systématique lors des rapports homosexuels mais résulte, entre autres, du fait que les rapports sexuels non pénétratifs ne sont généralement pas comptabilisés comme rapport sexuel par les individus enquêtés. Ce fait ressort d’ailleurs des entretiens qualitatifs menés (Enel et al., 2009) et n’est pas spécifique au Sénégal (Andro et Bajos, 2008).
Pratiques sexuelles avec un homme au cours du dernier mois selon le pôle d’activité sexuelle actuel (pour 100 hommes ayant au moins un partenaire sexuel homme sur le mois)
Pratiques sexuelles avec un homme au cours du dernier mois selon le pôle d’activité sexuelle actuel (pour 100 hommes ayant au moins un partenaire sexuel homme sur le mois)
39Le type de pénétration anale (insertive ou réceptive) diffère significativement selon le pôle d’activité sexuelle actuel. La pénétration réceptive domine chez les « Homo, sans reg », « Homo, reg H » et « Bi, reg H » tandis que chez les « Bi, reg F » et les « Bi, reg HF » c’est la pénétration insertive, le contraste étant plus marqué chez les « Bi, reg F ».
40Bien que la pratique de la fellation ne diffère pas significativement d’un point de vue statistique, nous observons la même tendance : la fellation est plus souvent donnée pour les « Homo, sans reg », les « Homo, reg H » et les « Bi, reg H » et plus souvent reçue pour les « Bi, reg HF » et surtout pour les « Bi, reg F ».
41Il apparaît ainsi que les « Homo, sans reg », « Homo, reg H » et « Bi, reg H » sont plus enclins à avoir des pratiques sexuelles socialement associées à un rôle « féminin et homosexuel » tandis qu’à l’opposé les « Bi, reg F » auront plutôt des pratiques associées à un rôle « masculin et hétérosexuel ». Les « Bi, reg HF » et les « Bi, sans reg » se situent pour leur part dans une position intermédiaire. Il ne s’agit que d’une tendance, les différentes pratiques étant observées dans chaque catégorie.
42Les effectifs sont trop faibles pour mettre au jour d’éventuelles différences dans les pratiques hétérosexuelles sur le mois (tableau 10). La pénétration vaginale est quasi systématiquement déclarée.
Pratiques sexuelles avec une femme au cours du dernier mois selon le pôle d’activité sexuelle actuel (pour 100 hommes ayant au moins une partenaire sexuelle femme sur le mois)
Pratiques sexuelles avec une femme au cours du dernier mois selon le pôle d’activité sexuelle actuel (pour 100 hommes ayant au moins une partenaire sexuelle femme sur le mois)
43Les rapports monétarisés sont moins fréquents avec les femmes qu’avec les hommes. Seuls quatre hommes ont déclaré avoir reçu de l’argent dans le cadre d’un rapport hétérosexuel alors que ce fait correspond à près de 40 % des rapports homosexuels. Ces échanges monétaires dans le cadre d’un rapport sexuel renvoient à différentes réalités. Cela peut correspondre à un rapport de type prostitutionnel, mais l’échange de « cadeaux », qui peut prendre la forme de dons monétaires, se rencontre également dans des relations amoureuses stables (Antoine et Nanitelamio, 1990 ; Thiriat, 1999).
44Pour chaque pratique sexuelle déclarée au cours du dernier mois, il était demandé aux enquêtés s’ils avaient utilisé « systématiquement », « souvent », « occasionnellement » ou « jamais » un préservatif. Les résultats détaillés par pôle d’activité sexuelle actuel sont présentés dans les tableaux annexes A.1 et A.2. L’utilisation systématique d’un préservatif, à pratique égale, ne diffère pas significativement selon le pôle d’activité sexuelle actuel.
45Par contre, dans la mesure où la fréquence des rapports sexuels avec un homme diffère d’un pôle d’activité sexuelle actuel à un autre (tableau 8), la proportion d’hommes ayant eu un rapport anal à risque au cours du mois (tableau 11) est significativement plus élevée parmi ceux ayant un partenaire régulier masculin (18 % à 23 % contre 7 % à 11 %). Ainsi, les « Homo, reg H », les « Bi, reg H » et les « Bi, reg HF » ont plus de rapports à risque avec un homme que les autres.
Rapport anal à risque avec un homme au cours du dernier mois selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Rapport anal à risque avec un homme au cours du dernier mois selon le pôle d’activité sexuelle actuel
46Globalement, l’utilisation systématique d’un préservatif est plus fréquente pour les pénétrations anales avec un homme que les pénétrations vaginales avec une femme (75 % contre 62 %) et la fellation avec un homme n’est que rarement protégée (13 %). Dans une étude menée en France auprès d’hommes ayant des pratiques bisexuelles, R. Mendès-Leite et C. Deschamps (1997) avaient montré une gestion et une perception des risques différenciées selon le sexe des partenaires, les disparités étant renforcées selon que les partenaires étaient réguliers ou occasionnels. Dans l’enquête menée en Ouganda (Kajubi et al., 2008), les hommes se définissant comme « gay » sont 26 % à avoir eu un rapport anal non protégé au cours des six derniers mois contre 14 % de ceux se définissant comme « bisexuel ».
Prévalence du VIH et de diverses infections sexuellement transmissibles
47Les effectifs sont trop faibles pour mettre en évidence d’éventuelles différences pour les infections à gonocoque, à chlamydia ou la syphilis (tableau 12). La prévalence de l’herpès (HSV-2) est équivalente (environ 20 %) dans les différents pôles d’activité sexuelle actuels.
Prévalence du VIH et de différentes IST selon le pôle d’activité sexuelle actuel
Prévalence du VIH et de différentes IST selon le pôle d’activité sexuelle actuel
48La prévalence du VIH, en revanche, est significativement moindre parmi les « Bi, reg F » (10 %). Ces derniers ont moins fréquemment des rapports sexuels avec des hommes, que ce soit au cours du dernier mois (tableau 8) ou au cours de leur vie (tableau 7). Par ailleurs, ils pratiquent essentiellement la pénétration anale insertive plutôt que réceptive (tableau 9). Or, la probabilité de transmission par acte du VIH pour la pénétration anale insertive est 4 à 25 fois moins importante que celle pour la pénétration anale réceptive [25]. Dans une étude menée au Malawi, en Namibie et au Botswana, Baral et al. (2009) montrent que le fait de se définir comme « homosexuel » ou « bisexuel » est associé à un risque accru d’être séropositif au VIH (p = 0,06) par rapport aux hommes se définissant « hétérosexuel ».
49En contrôlant par groupes d’âges, par sites et par le nombre de partenaires sexuels masculins sur la vie (annexe A.3), les « Bi, reg F » ont toujours un risque moindre d’être infecté par le VIH. Les « Homo, sans reg », quant à eux, présentent un risque accru. Si ces derniers ont, au moment de l’enquête, moins fréquemment des rapports sexuels avec un homme (tableau 8), ils ont eu, en moyenne au cours de leur vie, autant de partenaires sexuels que les « Homo, reg H » ou les « Bi, reg HF » (tableau 7) et ils pratiquent autant la pénétration anale réceptive que ces derniers (tableau 9). Des études supplémentaires prenant en compte toute la biographie sexuelle seraient nécessaires pour mettre en évidence les facteurs de cette prévalence du VIH plus élevée.
Violences subies
50Dans un contexte de stigmatisation et de criminalisation de l’homosexualité comme celui du Sénégal, les pôles d’activité sexuelle que nous avons définis n’apparaissent pas associés à des niveaux différents d’exposition à la violence homophobe (tableau 13).
Violences selon le pôle d’activité sexuelle actuel (%)
Violences selon le pôle d’activité sexuelle actuel (%)
51Les violences déclarées au cours de la vie, que ce soient les rapports sexuels contraints ou les agressions physiques à caractère homophobe, ne diffèrent pas significativement, peut-être en raison des faibles effectifs. Néanmoins, les « Bi, reg F » et les « Bi, sans reg » ont été plutôt moins victimes de rapports sexuels contraints au cours de la vie. Dans l’étude menée en Ouganda (Kajubi et al., 2008), les expériences de violence ou de rapports sexuels forcés ne différaient pas selon l’identité des enquêtés (« gay » ou « bisexuels »).
52Les différences observées au Sénégal en matière d’agression à caractère homophobe sont plutôt liées à l’appartenance à une association d’HSH. En effet, 25,4 % des membres d’associations ont été victimes d’agression contre 10,1 % pour les non membres (p < 0,001, test exact de Fisher). Parmi les membres d’associations, ce sont les « Homo, reg H » et les « Homo, sans reg » les plus exposés, et plus particulièrement les homosexuels exclusifs sur la vie (45,0 % versus 23,2 %, p = 0,036 ; tableau non reproduit). Parmi les non membres, ce sont les « Homo, sans reg » les plus exposés [26] (22,7 %), les « Bi, reg F » déclarant peu d’agressions (3,0 %), les agressions variant de 8 % à 14 % parmi les quatre autres catégories.
Bien que nous n’ayons pas d’éléments pour répondre à cette question, il est probable que les hommes les plus exposés aux violences soient ceux qui ont le plus de risques d’être « identifiés » comme homosexuels, que ce soit par leurs tenues vestimentaires ou leurs gestuelles et/ou par leur engagement militant.
Discussion-Conclusion
53La bisexualité en Afrique subsaharienne diffère sensiblement de celle observée dans les pays occidentaux. Si, dans ces derniers, une vaste majorité des individus ayant expérimenté un rapport avec une personne du même sexe ont également, au cours de leur vie, eu un rapport sexuel avec une personne du sexe opposé, il apparaît qu’après une période de « bisexualité temporaire », la plupart se fixent dans une homosexualité exclusive ou une hétérosexualité exclusive. Reste des taux de bisexualité dans l’année de seulement 20 % à 35 % parmi les HSH [27]. Cela ne signifie pas que ces bisexuels dans l’année constituent un groupe homogène. En effet, on y retrouve à la fois des individus dans une période d’expérimentation sexuelle (bisexualité temporaire), des personnes entretenant une « double vie », car ne pouvant ou ne voulant assumer une homosexualité exclusive, ou encore des hommes et des femmes ayant une attirance pour les deux sexes et revendiquant un mode de vie bisexuel. Enfin la mesure de la bisexualité dans l’année peut cacher une forme de « bisexualité séquentielle » correspondant à des individus ayant successivement des relations avec un homme et avec une femme.
54Dans le contexte africain, l’homosexualité exclusive dans l’année est beaucoup plus rare. Au Sénégal, cela concerne à peine un quart des hommes interrogés, alors même qu’il s’agit d’un échantillonnage de convenance qui a tendance à surreprésenter les homosexuels exclusifs. Plusieurs facteurs peuvent expliquer, au moins en partie, cette fréquence élevée d’une « bisexualité permanente » parmi les HSH : contexte juridique condamnant l’homosexualité, discrimination sociale importante envers l’homosexualité, pression sociale et religieuse très forte au mariage et à la parentalité, milieu associatif et identitaire encore « émergent ».
55Il faut noter cependant que le contexte africain dans ce domaine est en pleine évolution. Si des études anthropologiques sur la question de l’homosexualité existent depuis plusieurs décennies, elles sont restées relativement discrètes. La question de l’homosexualité masculine [28] en Afrique s’est inscrite sur les agendas internationaux assez récemment, dans le cadre de la lutte contre le sida. La question des HSH africains avait émergé à la conférence mondiale sur le sida de Bangkok en 2004, et réellement développée à la conférence mondiale de Mexico en août 2008 (Broqua, 2008) et lors de la conférence africaine (Cisma) de Dakar en décembre 2008. Si des associations clairement identifiées HSH ou présentées comme association de défense des droits de l’homme existent depuis plusieurs années, un réseau francophone d’associations africaines nommé Africagay [29] s’est constitué en 2007. Au Sénégal, plusieurs associations se sont créées entre 2004 et 2007 [30]. La part des enquêtés membres d’une association HSH est passée de 11 % en 2004 à 41 % en 2007. Une douzaine d’associations différentes ont été citées. Le gouvernement sénégalais, au travers de la division sida/IST, a mis en place des programmes de prises en charge spécifiques. Plusieurs actions de prévention ciblées sont menées. Notre étude prend donc place dans un contexte en pleine évolution, marqué par une émergence progressive de la visibilité des pratiques et identités homosexuelles en Afrique et au Sénégal, souvent dans le cadre de la lutte contre le sida. On remarque d’ailleurs que la proportion d’hommes qui déclarent exclusivement des pratiques homosexuelles sur la vie est passée de 6 % à 13 % entre 2004 et 2007 : ces hommes constituent une minorité au Sénégal, mais leur proportion a doublé en trois ans.
56Cependant, la majorité des hommes interrogés en 2004 comme en 2007 dans les enquêtes auprès d’HSH déclarent avoir eu des rapports sexuels dans l’année précédant l’enquête avec des hommes et avec des femmes. Dans un souci de santé publique, et en particulier pour la prévention du VIH et des IST, il importe de prendre en considération la diversité des parcours, des pratiques et des relations qu’entretiennent les individus afin de leur proposer des stratégies préventives adaptées. La majorité des travaux épidémiologiques sur les homo-bisexuels, en particulier dans le domaine du VIH/sida, s’est en effet focalisée sur leurs pratiques sexuelles avec d’autres hommes, ignorant de fait les pratiques hétérosexuelles de certains HSH.
57Nos résultats mettent en évidence la diversité des situations de bisexualité chez les HSH au Sénégal et ils montrent que ces situations ne peuvent être simplement caractérisées par le sexe des partenaires. À partir d’indications simples à collecter avec un questionnaire fermé (partenaires sexuels sur l’année et partenaires réguliers au moment de l’enquête), nous avons pu proposer une catégorisation du pôle d’activité sexuelle actuel en six classes, qui s’avère opérationnelle et peut servir de support pour mettre en place des messages de prévention des risques adaptés à chaque situation.
58Les hommes ayant eu dans l’année uniquement des rapports homosexuels et n’ayant pas de partenaires réguliers au moment de l’enquête constituent le groupe le plus touché par le VIH (40 %). Un tiers d’entre eux déclare avoir reçu de l’argent à l’occasion d’un rapport sexuel au cours du dernier mois. Dans la mesure où ils n’ont pas déclaré de partenaire régulier, il est probable que cela signe une proportion importante de rapports prostitutionnels, ce qui peut constituer un facteur de risque par rapport au VIH.
59Parmi les hommes qui déclarent des pratiques bisexuelles sur l’année, la prévalence de l’infection à VIH est très différente selon les sous-groupes définis par les pôles d’activité sexuelle au moment de l’enquête : parmi les bisexuels sur l’année dont les partenaires réguliers au moment de l’enquête sont des femmes, seulement 10 % sont infectés par le VIH, alors que cette proportion monte à près de 20 % ou plus pour les bisexuels qui ont, au moment de l’enquête, des partenaires réguliers hommes ou pas de partenaires réguliers.
60Ces bisexuels sur l’année dont les partenaires réguliers au moment de l’enquête sont des femmes sont, plus souvent que les autres HSH, mariés et pères d’un ou plusieurs enfants. Ils ont commencé leur vie sexuelle majoritairement avec une femme et ont eu leur premier rapport sexuel avec un homme plus tardivement. De fait, ils ont eu moins de partenaires masculins au cours de leur vie et sont moins nombreux à avoir eu un rapport homosexuel au cours du dernier mois. Ils ont plus souvent que les autres catégories des pratiques sexuelles associées à un rôle que l’on pourrait qualifier de « masculin » ou « hétérosexuel » (pénétration anale insertive, fellation reçue…) et peu d’entre eux déclarent des pratiques associées à un rôle plus « féminin » ou « homosexuel » (pénétration anale réceptive, fellation donnée…). Si, à pratiques sexuelles égales, ils n’utilisent ni plus ni moins le préservatif que les autres catégories, ils sont, du fait d’une fréquence de rapports homosexuels moindre, moins exposés à une pénétration anale à risque. Ils sont ainsi moins nombreux à être infectés par le VIH. Cependant, c’est une catégorie à ne pas négliger en matière de prévention dans la mesure où ce sont ces hommes qui ont le plus de rapports hétérosexuels et que, dans 40 % des cas, ils n’utilisent pas systématiquement le préservatif dans leurs rapports avec des femmes.
61En termes de santé publique et de prévention du VIH, nos résultats suggèrent donc l’absolue nécessité que les actions de prévention spécifiquement orientées vers les HSH intègrent la question des pratiques hétérosexuelles, ce qui, en général, n’est pas le cas actuellement. Ils montrent aussi que les différences selon les pôles d’activité sexuelle actuels en matière de prise de risques, d’exposition au VIH et de prévalence du VIH ne découlent pas d’un recours différencié au préservatif d’une catégorie à une autre, mais sont fonction de la fréquence des rapports sexuels et de l’inscription des individus dans des réseaux sexuels, partenariaux et sentimentaux différents, éléments qui nécessitent d’être pris en compte dans les programmes d’action et d’être explorés plus finement lors de futures enquêtes.
Bien sûr, la catégorisation des pôles d’activité sexuelle actuels que nous avons proposée a ses limites : d’une part, elle n’intègre pas les identités ni les attirances sexuelles, données non disponibles dans notre étude. D’autre part, elle ne concerne que le moment de l’enquête. Or la sexualité est évolutive au cours de la vie. Un individu peut connaître plusieurs périodes où ses partenaires sexuels seront d’un sexe, d’un autre ou des deux. Le passage d’une situation à une autre est un processus qui peut être progressif et prendre la forme d’états intermédiaires, de même que les mises en couple traduisent une succession d’états flous et de trajectoires complexes, pour reprendre le titre d’un ouvrage collectif dirigé par P. Antoine et É. Lelièvre (2006) [31]. Il s’agit donc de catégories « poreuses », certains individus se situant à la limite entre deux modalités. L’intérêt de notre typologie, plus que de ranger les individus dans des boîtes bien séparées, est de mettre en évidence plusieurs profils distincts, en fonction des données qui étaient disponibles dans le cadre de l’enquête ELIHoS. Elle pourra être améliorée ou adaptée en fonction de chaque enquête et de chaque contexte. En particulier, une collecte fine d’informations sur l’évolution des pratiques et partenaires sexuels au cours de la vie pourrait enrichir cette typologie d’une dimension biographique, que nous n’avons pu prendre en compte ici.
Cet exercice de typologie nous permet néanmoins de montrer que, s’il est fondamental que toute étude sur les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes en Afrique prenne en compte la bisexualité, cette dernière ne peut se résumer à une classification simplificatrice entre « homosexuels » et « bisexuels ». Les types de partenariat avec des hommes comme avec des femmes, la fréquence des rapports sexuels, l’implication affective, sociale et émotionnelle, les pratiques sexuelles sont multiformes et de nombreuses combinaisons existent, dont il importe de pouvoir traduire la complexité.
Proportion d’hommes utilisant systématiquement un préservatif avec un homme, selon le pôle d’activité sexuelle actuel et la pratique sexuelle (pour 100 hommes ayant déclaré cette pratique au cours du dernier mois)
Proportion d’hommes utilisant systématiquement un préservatif avec une femme selon le pôle d’activité sexuelle actuel et la pratique sexuelle (pour 100 hommes ayant déclaré cette pratique au cours du dernier mois)
Proportion d’hommes utilisant systématiquement un préservatif avec une femme selon le pôle d’activité sexuelle actuel et la pratique sexuelle (pour 100 hommes ayant déclaré cette pratique au cours du dernier mois)
Probabilité d’être séropositif au VIH selon l’âge, le site d’enquête, le nombre de partenaires masculins sur la vie et le pôle d’activité sexuelle actuel (régression logistique binaire)
Probabilité d’être séropositif au VIH selon l’âge, le site d’enquête, le nombre de partenaires masculins sur la vie et le pôle d’activité sexuelle actuel (régression logistique binaire)
Bibliographie
Références
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Notes
-
[*]
Ceped (Centre population et développement), UMR 196 Paris Descartes, Ined, IRD.
-
[**]
Division Sida/IST, Dakar.
-
[***]
Évaluer les interventions auprès des homosexuels masculins au Sénégal (ANRS 12139), Division Sida/IST du Sénégal, IRD, CHU Le Dantec, Université Cheikh Anta Diop, Dakar.
Correspondance : Joseph Larmarange, Centre population et développement (CEPED) UMR 196, Université Paris Descartes/Ined/IRD, 221 Bd Davout, 75020 Paris, tél : 33 (0)1 78 94 98 70, courriel : joseph.larmarange@ceped.org -
[1]
Cité par C. I. Niang et al. (2002).
-
[2]
Il s’agit de la version française du sigle MSM (Men having Sex with Men), terme utilisé depuis 1994 par l’Organisation mondiale de la santé pour désigner des individus à partir de leurs pratiques et non en fonction de leur identité sociale ou culturelle.
-
[3]
Évaluer les interventions auprès des homosexuels masculins au Sénégal (ANRS 12139), Division Sida/IST du Sénégal, IRD, CHU Le Dantec, Université Cheikh Anta Diop, Dakar.
-
[4]
Dont le directeur est A. S. Wade, coauteur de cet article et coinvestigateur avec Emmanuel Lagarde, Inserm, de l’enquête précédente menée en 2004.
-
[5]
En 2007, cette prise de conscience s’accompagnait d’une « reconnaissance implicite » de l’existence d’une communauté homosexuelle : c’est ainsi que, lors du colloque international Sahara tenu en septembre 2007 à Dakar, des responsables d’associations HSH ont pris la parole pour la première fois à ce titre dans des forums de discussion, sans être alors inquiétés. En 2009, la situation est très différente, des hommes ayant été arrêtés chez eux fin 2008 puis condamnés pour « rapports contre nature », avant d’être libérés en appel en avril 2009. L’enquête, menée sereinement et sans mise en danger des enquêtés en 2007, ne serait donc pas envisageable en 2009 dans le contexte actuel d’homophobie.
-
[6]
Des consultations informelles, au « cas par cas », existaient depuis 2000.
-
[7]
Porte-parole des HSH auprès des structures de santé spécifiquement orientées vers cette population, ou personnes impliquées dans la mobilisation associative HSH, choisies dans plusieurs types d’associations pour prendre en compte la diversité de cette mobilisation associative.
-
[8]
10 000 francs CFA, soit environ 15 €.
-
[9]
Étant donné le mode de recrutement « boule de neige » par les pairs, il n’est pas possible de renseigner la proportion de refus par rapport à la proposition initiale de participer à l’enquête. Toutes les personnes qui se sont rendues sur le lieu d’enquête avaient de fait accepté l’enquête et aucune n’a refusé de continuer à participer au cours de la phase questionnaire et examen clinique.
-
[10]
Au Sénégal, le traitement antirétroviral est gratuit.
-
[11]
De fait, il s’agit de ceux qui « assument » le mieux leurs pratiques avec d’autres hommes, les individus dans le déni de leur homosexualité ayant une très faible probabilité d’accepter de participer à l’enquête. De plus, les personnes membres d’association HSH et/ou socialisées dans un « milieu homosexuel » ont plus de chance d’accepter de participer.
-
[12]
La question exacte était « À quelles classes d’âges appartiennent vos partenaires sexuels masculins d’une manière générale au cours des douze derniers mois ? ». Si l’on compare les 40 ans et plus, ils ne représentent que 2 % de l’échantillon, mais 21 % des enquêtés déclarent des partenaires de ce groupe d’âges.
-
[13]
Il ne s’agit pas obligatoirement de « couples » : les hommes interrogés dans le volet qualitatif ne sont pas systématiquement les partenaires des femmes interrogées.
-
[14]
L’information concernant l’âge manque pour deux individus.
-
[15]
L’information concernant la profession manque pour deux individus.
-
[16]
Les partenaires réguliers ne sont donc pas définis selon un critère formel d’ancienneté de la relation ou de fréquence des rapports sexuels. Est régulier tout partenaire sexuel considéré comme tel par l’enquêté. Cette définition peut recouvrir différentes formes de relations, sentimentales ou non par exemple.
-
[17]
Qu’il s’agisse de rapports sexuels avec la ou les partenaires régulières, ou avec d’autres partenaires occasionnelles (tableau non reproduit).
-
[18]
La question posée était « Quelle est votre situation matrimoniale ? » sans distinction entre mariage civil, religieux et/ou coutumier.
-
[19]
Voir l’article de Enel et al. (2009) pour une description détaillée des termes wolof utilisés pour décrire ces différents types de relations.
-
[20]
Analyse des comportements sexuels en France.
-
[21]
Création de plusieurs associations entre 2004 et 2007.
-
[22]
Il s’agit d’une partie de débauche érotique, le plus souvent sans pénétration, à laquelle peuvent participer des femmes, contrairement à ce que les HSH appellent « partouze », qui ne concerne que des personnes de sexe masculin (Enel et al., 2009).
-
[23]
68 % des homosexuels exclusifs dans l’année ont au moins le bac, contre 53 % des bisexuels.
-
[24]
Dans cette même enquête, les « gays » et les « bisexuels » ne différaient pas selon l’âge ni la religion. Les « bisexuels » étaient 12 % à être mariés à une femme contre 2 % pour les « gays ».
-
[25]
D’après l’étude de Vittinghoff et al. (1999), la probabilité de transmission par acte du VIH pour les rapports anaux insertifs est de 0,06 % alors que cette probabilité est de 0,82 % pour les pénétrations anales réceptives lorsque le partenaire était connu séropositif pour le VIH, et de 0,24 % lorsque les partenaires de statut sérologique inconnu étaient pris en compte.
-
[26]
Tableau non reproduit. Test du Chi-deux non significatif (p = 0,257).
-
[27]
À l’exception de l’ACSF menée en France en 1992 où la part des bisexuels dans l’année parmi les HSH s’élève à 64 % (Messiah et Mouret-Fourme, 1993, p. 1 357). Si l’on se réfère aux effectifs des tableaux suivants (effectifs repris dans Schiltz, 1997), cette proportion descend à 55 %.
-
[28]
L’homosexualité féminine est encore largement ignorée.
- [29]
-
[30]
Une seule association est officiellement reconnue comme association « gay » au Sénégal. Il s’agit de Prudence à Dakar. Les autres associations sont officiellement dans la lutte contre le VIH/ sida.
-
[31]
Voir notamment le chapitre 2 « Unions et désunions : les histoires d’amour ne sont jamais simples ! », p. 61-86.