Notes
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[1]
Nous remercions vivement, pour leurs observations et leurs conseils, Brigitte Gaïti, Julie Gervais et les membres du comité de rédaction de la revue qui ont relu et commenté cet article.
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[2]
Selon l’expression de Topalov (C.), dir., Laboratoires du nouveau siècle : la nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France (1880-1914), Paris, Éditions de l’EHESS, 1999, p. 38-40.
-
[3]
Vauchez (A.), Willemez (L.), La justice et ses réformateurs (1880-2006) : entreprises de modernisation et logiques de résistances, Paris, Presses universitaires de France, 2007, p. 5-6.
-
[4]
Bezes (P.), Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, Presses universitaires de France, 2009 ; Bezes (P.), « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Ve République : la construction du “souci de soi de l’État” », Revue française d’administration publique, 102 (2), 2002.
-
[5]
Cf. Bezes (P.), « Le tournant néo-managérial de l’administration française », in Borraz (O.), Guiraudon (V.), dir., Politiques publiques 1, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.
-
[6]
« Enquêter sur l’Administration ou l’énigme du travail administratif », in Bouckaert (G.), Eymeri-Douzans (J.-M.), dir., La France et ses administrations. Un état des savoirs, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 212. Voir aussi Weller (J.-M.), Fabriquer des actes d’État. Une ethnographie du travail bureaucratique, Paris, Economica, 2018, ainsi que Borzeix (A.), Demazière (D.), Rot (G.), « Ce que les écrits font au travail », Sociologie du travail, 56 (1), 2014, sur le pouvoir performatif des écrits comme liant des organisations.
-
[7]
Bezes (P.), Demazière (D.), Le Bianic (T.), Paradeise (C.), Normand (R.), Benamouzig (D.), Pierru (F.), Evetts (J.), « New Public Management et professions dans l’État : au-delà des oppositions, quelles recompositions ? », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 320.
-
[8]
Les politiques constitutives s’opposent aux politiques substantives, qui définissent ce qui doit être accompli (Lowi (T.), « American Business, Public Policy, Case Studies and Political Theory », World Politics, 16 (4), 1964).
-
[9]
Bezes (P.), « Le modèle de “l’État-stratège” : genèse d’une forme organisationnelle dans l’administration française », Sociologie du travail, 47 (4), 2005. Le modèle de l’« État-stratège » rejoint ce que Patrick Dunleavy avait déjà identifié dès les années 1980 comme la stratégie du « bureau-shaping », consistant à « alléger » le travail des cadres supérieur·e·s de l’État des tâches « pénibles » relatives au management en face en face avec leurs services (Dunleavy (P.), Democracy, bureaucracy and public choice, Brighton, Harvester Wheatsheaf, 1991).
-
[10]
Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Politiques de l’organisation. Les nouvelles divisions du travail étatique », Revue française de science politique, 66 (3), 2016, p. 422, qui renvoient aux travaux d’Oliver James sur le processus d’agencification dans le cadre de la réforme Next Steps menée au Royaume-Uni à la fin des années 1980 (The Executive Agency Revolution in Whitehall, Basingstoke, Palgrave, 2003).
-
[11]
Serre (D.), « “Gouverner le travail des assistantes sociales par le chiffre ?” Les effets contrastés d’un indicateur informel », Informations sociales, 167, 2011.
-
[12]
Belorgey (N.), « Pourquoi attend-on aux urgences ? », Travail et emploi, 133, 2013.
-
[13]
Merrien (F.-X.), « La nouvelle gestion publique : un concept mythique », Lien social et politiques, 41, 1999 ; Hood (C.), « A Public Management for All Seasons ? », Public Administration, 69, 1991.
-
[14]
Cf. Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Politiques de l’organisation. Les nouvelles divisions du travail étatique », art. cit., ainsi que le numéro de International Review of Administrative Sciences, 76 (3), 2010, consacré au « State Restructuring » (A. Cole et J.-M. Eymeri-Douzans, eds).
-
[15]
Benamouzig (D.), Besançon (J.), « Les agences de nouvelles administrations publiques ? », in Borraz (O.), Guiraudon (V.), dir., Politiques publiques 1. La France dans la gouvernance européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2008 ; Christensen (T.), Laegreid (P.), Roness (P. G.), Rovik (K. A.), Organization Theory for the Public Sector: Instrument, Culture and Myth, London, Routledge, 2007.
-
[16]
Par exemple, Gervais (J.), « Merging to Survive? Institutional Legitimacy and Material Considerations in the Light of the Reorganisation of Corps within the French Civil Service », International Review of Administrative Sciences, 76 (3), 2010 ; Musselin (C.), Dif-Pradalier (M.), « Quand la fusion s’impose : la (re)naissance de l’Université de Strasbourg », Revue française de sociologie, 55 (2), 2014.
-
[17]
Epstein (R.), « La gouvernance territoriale : une affaire d’État. La dimension verticale de la construction de l’action collective dans les territoires », L’Année sociologique, 65, 2015 ; Bezes (P.), Le Lidec (P.), « L’hybridation du modèle territorial français : RGPP et réorganisations de l’État territorial », Revue française d’administration publique, 136, 2010 ; Le Lidec (P.), « La seconde étape de la décentralisation en France : une mise en perspective critique », Mouvements, 26, 2003.
-
[18]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », in Borraz (O.), Guiraudon (V.), dir., Politiques publiques 2, Paris, Presses de Sciences Po, 2010 ; Marrel (G.), Nonjon (M.), « Gouverner par les architectures informatiques. Logiciels et progiciels de gestion intégrée dans le secteur social », Gouvernement & action publique, 2 (2), 2015.
-
[19]
Hanique (F.), Le sens du travail. Chronique de la modernisation au guichet, Toulouse, Erès, 2004 ; Linhart (D.), Les différents visages de la modernisation du service public, Paris, La Documentation française, 2007 ; Dujarier (M.-A.), Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail, Paris, La Découverte, 2015 ; Weller (J.-M.), « Le travail administratif, le droit et le principe de proximité », L’Année sociologique, 53, 2003 ; Guillemot (D.), Jeannot (G.), « Modernisation et bureaucratie, l’administration d’État à l’aune du privé », Revue française de sociologie, 54 (1), 2013 ; Boussard (V.), Loriol (M.), « Les cadres du ministère des Affaires étrangères et européennes face à la LOLF », Revue française d’administration publique, 128, 2008.
-
[20]
Le Bianic (T.), Vion (A.), dir., Action publique et légitimités professionnelles, Paris, LGDJ, 2008 ; Demazière (D.), Gadéa (C.), dir., Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents et nouveaux défis, Paris, La Découverte, 2009 ; Hénaut (L.), Poulard (F.), « Réformes publiques et autonomie des groupes professionnels : le jeu des segments », Revue française de sociologie, 59 (2), 2018.
-
[21]
Cf. Jeannot (G.), « Les fonctionnaires travaillent-ils de plus en plus ? Un double inventaire des recherches sur l’activité des publics », Revue française de science politique, 58 (1), 2008 ; Bezes (P.), Join-Lambert (O.), « Comment se font les administrations. Analyser des activités administratives constituantes », Sociologie du travail, 52 (2), 2010 ; ou encore Dubois (V.), « Ethnographier l’action publique. Les transformations de l’État social au prisme de l’enquête de terrain », Gouvernement & action publique, 1 (1), 2012.
-
[22]
Elle pourrait permettre également de désenclaver l’analyse des politiques publiques, dont certains ont pu dire qu’elle était en proie à un certain « essoufflement » (Hassenteufel (P.), Smith (A.), « Essoufflement ou second souffle ? L’analyse des politiques publiques “à la française” », Revue française de science politique, 52 (1), 2002) et à une « dangereuse » autonomisation dans le champ de la science politique (Bezes (P.) Pierru (F.), « État, administration et politiques publiques : les dé-liaisons dangereuses », Gouvernement & action publique, 1 (2), 2012).
-
[23]
Cf. Breton (E.), « Répondre à l’appel (à projets). Récits d’un apprentissage silencieux des normes de l’action publique patrimoniale », Politix, 105, 2014.
-
[24]
Sur l’intérêt de ces approches, cf. par exemple, Dubois (V.), La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 3e éd. 2010, ou Spire (A.), Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005.
-
[25]
Les cadres intermédiaires sont encore peu étudiés en comparaison avec des street level bureaucrats ou des élites de l’État. L’analyse des tensions spécifiques qui traversent leur travail et leur place dans les bureaucraties dans le cadre de l’intensification des réformes de modernisation de l’État depuis les années 2000, constitue une perspective de recherche convergente à celle proposée dans ce numéro. Cf. Barrier (J.), Pillon (J.-M.), Quéré (O.), « Les cadres intermédiaires de la fonction publique. Travail administratif et recompositions managériales de l’État », Gouvernement & action publique, 4 (4), 2015.
-
[26]
Les différents dispositifs et mots d’ordre réformateurs étudiés dans les contributions de ce dossier relèvent pour une large part du répertoire du Nouveau management public (NMP), que l’on qualifie souvent de « puzzle doctrinal » du fait de son caractère composite, renvoyant à des conceptions de réforme parfois contradictoires, applicables à tous les services administratifs : séparation des fonctions de pilotage et de mise en œuvre, recours aux mécanismes de marché (concurrence, externalisation, individualisation des incitations), gestion par les résultats, mesure des performances, contrôle par voie contractuelle (pour une description exhaustive, cf. notamment Bezes (P.), « État, experts et savoirs néo-managériaux. Les producteurs et diffuseurs du New Public Management en France depuis les années 1970 », Actes de la recherche en sciences sociales, 193, 2012). Pour autant, si les mots d’ordre de la rationalisation des administrations, du ciblage et de la territorialisation de l’action publique ou encore de la « proximité » peuvent se traduire en dispositifs empruntant au NMP, ce n’est pas toujours le cas, le mouvement de modernisation de l’État et de son intervention ne se réduisant pas au NMP.
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[27]
Ainsi, par exemple, l’« Appel des appels », lancé en décembre 2008, appelait à la création d’une coordination nationale regroupant des professionnel·les de différents secteurs publics et dénonçait une gestionnarisation désincarnée et une « maladie évaluatrice » de l’action publique, détachée de ses enjeux concrets, la mise à mal des services publics, ainsi que l’altération du travail des professionnel·le·s concerné·e·s par ces réformes. Des travaux de sociologie du travail ont aussi mis en évidence les « méfaits » du NMP et les attaques contre les professions que ses déploiements occasionnent, mettant l’accent sur le renforcement du contrôle sur les professionnel·le·s de première ligne, dans des secteurs variés (éducation, santé, etc.), la pression à la productivité induite par l’introduction d’indicateurs de suivi de l’activité, ou les effets pervers portant atteinte à la qualité du travail (cf. par exemple Clarke (J.), Newman (J.), The Managerial State, London, Sage, 1997 ; Radin (B. A.), Challenging the Performance Movement: Accountability, Complexity and Democratic Values, Washington, DC, Georgetown University Press, 2006 ; Cf. aussi Serre (D.), « Gouverner le travail… », art. cit. ; Berlorgey (N.), « “Réduire le temps d’attente et de passage aux urgences”. Une entreprise de “réforme” d’un service public et ses effets sociaux », Actes de la recherche en sciences sociales, 189 (4), 2011.
-
[28]
Sur les liens entre le nouveau management public et les critiques néolibérales des États providence, cf. par exemple Merrien (F.-X.), « La nouvelle gestion publique… », art. cit.
-
[29]
Cf. par exemple Szarlej-Ligner (M.), « Les résistances des agents de l’inspection du Travail à la reddition de comptes (1980-2013) », Revue française d’administration publique, 160 (4), 2016 ; ou, pour des références à des études de cas : Bezes (P.), Join-Lambert (O.), « Comment se font les administrations… », art. cit.
-
[30]
Cf. par exemple Perrier (G.), « L’objectif d’égalité des sexes dans la mise en œuvre des politiques d’emploi à Berlin. De la diffusion professionnelle aux difficiles réappropriations profanes de l’égalité », Politix, 109, 2015 ; Philippe (S.), « La mise en œuvre de l’action publique : un moment problématique de la politique de santé mentale », Revue française de science politique, 54 (2), 2004.
-
[31]
Sur l’importance des représentations des agent·e·s chargé·e·s de la mise en œuvre d’un nouvel objectif d’action publique, cf. Perrier (G.), « L’objectif d’égalité des sexes… », art. cit. ; cf. aussi Philippe (S.), « La mise en œuvre de l’action publique… », art. cit.
-
[32]
Sur ce point, cf. par exemple Lascoumes (P.), « Les arbitrages des intérêts légitimes en matière d’environnement », Revue française de science politique, 45 (3), 1995.
-
[33]
Cf. par exemple Belorgey (N.), « Réduire le temps d’attente… », art. cit.
-
[34]
Bezes (P.), « Le renouveau du contrôle des bureaucraties. L’impact du New Public Management », Informations sociales, 126, 2005, p. 28.
-
[35]
Brunsson (N.), Olsen (J. P.), The Reforming Organization, London, Routledge, 1993.
-
[36]
Bezes (P.), « Le renouveau du contrôle … », art. cit., p. 30.
-
[37]
On se souvient peut-être de l’importance accordée, en 2009, à la création du nouveau logo de Pôle emploi et de la controverse liée au coût exorbitant (500 000 euros) de sa conception.
-
[38]
Voir par exemple, au sujet de la mise en place de l’indicateur relatif au temps d’attente et de passage dans les services d’urgence, Belorgey (N.), « Pourquoi attend-on… », art. cit.
-
[39]
Voir par exemple : Mazur (A. G.), « La France est-elle toujours le pays des réformes symboliques ? », Travail, genre et sociétés, 12 (2), 2004.
-
[40]
Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Politiques de l’organisation », art. cit.
-
[41]
Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Ce que les réformes font aux institutions », art. cit., p. 89. Sur la dimension discursive et symbolique de l’activité réformatrice, cf. notamment Brunsson (N.), Olsen (J. P.), The Reforming Organization, op. cit.
-
[42]
Mucchielli (L.), Violences et insécurité : fantasmes et réalités dans le débat français, Paris, La Découverte, 2001.
-
[43]
Comme si la seule évocation de ces dispositifs suffisait à « faire tenir » un récit réformateur – ce que N. Fligstein appelle « stories » (Fligstein (N.), « Social Skills and the Theory of Fields », Sociological Theory, 19 (2), 2001) – dans lequel « se stabilisent à la fois une critique des règles et des manières de faire héritées et associées à l’institution existante, et des préconisations pour sa transformation sous la forme de nouveaux instruments, règles, procédures, distribution de pouvoir, etc. » (Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Ce que les réformes font aux institutions », in Lagroye (J.), Offerlé (M.), dir., Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2010, p. 77).
-
[44]
Bezes (P.), « Les hauts fonctionnaires croient-ils à leurs mythes ? L’apport des approches cognitives à l’analyse des engagements dans les politiques de réformes de l’État. Quelques exemples français (1988-1997) », Revue française de science politique, 50 (2), 2000.
-
[45]
Affirmer cela ne revient pas à dire que l’État n’agit plus, mais que son action sur le monde social n’est pas aussi visible que dans le cadre des politiques de grands projets. Sur le caractère discret de certaines politiques publiques qui ont pourtant des effets sociaux avérés, cf. notamment Howard (C.), The Hidden Welfare State: Tax Expenditures and Social Policy in the United States, Princeton, Princeton University Press, 1997 ; Hacker (J. S.), The Divided Welfare State: The Battle over Public and Private Social Benefits in the United States, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.
-
[46]
Sur les ressorts de cet interventionnisme d’État, cf. par exemple, pour le secteur industriel, Cohen (É.), Le colbertisme high-tech. Économie du grand projet, Paris, Hachette Pluriel, 1992.
-
[47]
Epstein (R.), « Gouverner à distance. Quand l’État se retire des territoires », Esprit, novembre 2005.
-
[48]
Daniel (C.), « Les politiques de l’emploi : une révolution silencieuse », Droit social, 1, 1998.
-
[49]
Lallement (M.), « Work and the challenge of autonomy », Social Science Information, 54 (2), 2016.
-
[50]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », art. cit. ; Spire (A.), Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l’immigration, Paris, Raisons d’agir, 2008.
-
[51]
Des travaux ont bien montré comment par exemple la mise en place d’indicateurs dans les administrations a modifié les conduites des agent·e·s, tout en les amenant à investir des stratégies d’adaptation et d’ajustement afin de desserrer la contrainte exercée par ces dispositifs. Cf. notamment Espeland (W. N.), Sauder (M.), « Rankings and Reactivity: How Public Measures Recreate Social Worlds », American Journal of Sociology, 113 (1), 2007 ; Brodkin (E. Z.), « Policy Work: Street-Level Organizations Under New Managerialism », Journal of Public Administration Research and Theory, 21 (2), 2011.
-
[52]
Spire (A.), « L’asile au guichet. La dépolitisation du droit des étrangers par le travail bureaucratique », Actes de la recherche en sciences sociales, 169, 2007.
-
[53]
Purenne (A.), Aust (J.), « Piloter la police par les indicateurs ? Effets et limites des instruments de mesure des performances », Déviance et Société, 34 (1), 2010.
-
[54]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », art. cit.
-
[55]
Watkins-Hayes (C.), The New Welfare Bureaucrats: Entanglements of Race, Class, and Policy Reform, Chicago, University of Chicago Press, 2009.
-
[56]
Dubois (V.), La vie au guichet, op. cit.
-
[57]
Abbott (A.), The System of Professions. An Essay on the Division of Expert Labor, Chicago, Chicago University Press, 1988.
-
[58]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », art. cit.
-
[59]
Comme l’écrivent J. Lagroye, B. François et F. Sawicki, « les contraintes habilitent à faire tout autant qu’elles imposent des manières d’agir » et « définissent des configurations de jeux [tout autant qu’elles fournissent] des ressources pour jouer » (Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po & Dalloz, 6e éd., 2012, p. 159 : les auteurs renvoient à Giddens (A.), La constitution de la société, Paris, Presses universitaires de France, 1987).
-
[60]
Une série de travaux s’inspirant de la théorie de la gouvernementalité et de la disciplinarisation des conduites développée par Michel Foucault a souligné l’ampleur de la « colonisation » des professions et la remise en cause de leur autonomie par les outils du Nouveau management public. Sur ces analyses en termes de « déprofessionnalisation », voir Bezes (P.) et al., « New Public Management et professions dans l’État », art. cit.
-
[61]
Alam (T.), Godard (J.), « Réformes managériales ou monstration du changement ? Les usages des savoirs managériaux dans les politiques de l’emploi et de l’alimentation », Politix, 79, 2007.
-
[62]
Guénot (M.), « De “l’économie souterraine” au “patrimoine criminel”. La construction d’un nouveau champ d’activité pénale et fiscale à travers les Groupes d’intervention régionaux », Déviance et Société, 42 (1), 2018.
-
[63]
Bonnaud (L.), Martinais (E.), « Le New Public Management au concret : nouvelles recettes pour vieux problèmes ? Le cas de l’inspection des installations classées », Pôle Sud, 48, 2018.
-
[64]
Comme l’illustre par exemple la fusion des corps techniques supérieurs de l’État. Voir Gervais (J.), L’État managérialisé, Lille, Presses universitaires du Septentrion, à paraître.
-
[65]
Ce qui n’est pas sans rappeler les positions des ministères transversaux (Intérieur, Budget, Fonction publique) qui, se trouvant dans un contexte défavorable causé par le renforcement des expertises autonomes des autres ministères, se saisissent du thème de la réforme de l’État pour tenter de consolider leur place (cf. Bezes (P.), « Le tournant néo-managérial de l’administration française », art. cit., p. 217).
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[66]
Si les interrelations entre haut·e·s fonctionnaires et gouvernant·e·s « politiques » – et la labilité de ces deux sphères – ne sont évidemment pas spécifiques à l’État managérial (cf. Eymeri-Douzans (J.-M.), « Frontière ou marches ? De la contribution de la haute administration à la production du politique », in Lagroye (J.), dir., La politisation, Paris, Belin, 2003), les contributions de ce dossier indiquent une interdépendance croissante entre pouvoir gouvernemental et corps d’inspection de l’État, du fait de la nouvelle centralité politique de leurs missions. Plus généralement, sur les transformations des relations entre le personnel politique et les haut·e·s fonctionnaires dans le cadre des réformes de l’action publique, cf. notamment Page (E.-C.), Wright (V.), eds, From the Active to the Enabling State. The Changing Roles of Top Officials in European Nations, Basingstoke, Macmillan, 2007 ; Eymeri-Douzans (J.-M.), Bioy (X.), Mouton (S.), dir., Le règne des entourages. Cabinets et conseillers de l’exécutif, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
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[67]
Cf. notamment Lépinay (T.), « Devenir “les sages de la rue Cambon”. La construction d’une position d’indépendance à la Cour des comptes », communication au colloque Politique de l’indépendance, Université Paris-I, CESPP, 12-13 janvier 2017.
1« Évaluer les politiques publiques », « rendre la dépense publique plus efficace et plus transparente », « mettre les usagers au cœur du dispositif », « simplifier les démarches administratives », « mieux cibler l’action publique sur le territoire », « renforcer les partenariats locaux »... Tous ces mots d’ordre constituent les composantes d’un « sens commun réformateur [2] », qui, largement partagé aujourd’hui au sein de la classe politique et des élites administratives, fonctionne comme une sorte de « fonds commun de diagnostic (de crise) et de solutions (de réforme) où chacun vient puiser son inspiration [3] ». Visant à transformer l’action publique du point de vue de ses « procédures », certaines de ces injonctions sont déjà anciennes. Elles s’inscrivent dans le mouvement général de « modernisation » de l’État, entamé dans les années 1960, par lequel l’administration devient un objet de réforme et d’intervention publique – ce que Philippe Bezes a nommé le « souci de soi de l’État [4] ». Ces interrogations sur la rationalité de l’action administrative s’accélèrent dans les années 1990, avec le « tournant néo-managérial » des administrations [5], qui confère une nouvelle centralité politique à ces réformes. Celles-ci visent à réguler, recomposer et contrôler le travail des agent·e·s des administrations dans de très nombreux secteurs des politiques publiques, par la mise en chiffre de leur activité, par leur « contrôle à distance », par la refonte de certains métiers, ou par la standardisation des relations aux usagers·ères. Elles se déclinent sous la forme de dispositifs et d’instruments (rapports d’évaluation, « indicateurs de performance », « guichets uniques », etc.) qui, aussi variés soient-ils, ont en commun d’encadrer l’action de l’État, et semblent dire sa capacité à réorganiser celle-ci pour mieux agir sur le monde social.
La disjonction entre les dispositifs et mots d’ordre réformateurs et le travail des agent·e·s
2Ces réformes, largement affichées par les dirigeant·e·s politiques, se traduisent par la mise en place de dispositifs d’action publique présentés comme « modernes » ; on montrera qu’elles ignorent très largement ce qu’elles prétendent réformer, à savoir le travail des agent·e·s chargé·e·s de leur mise en œuvre dans ce que ce travail a de plus concret. Plus encore, les recherches ont tendance à reproduire cette éviction : « ... une énigme demeure » écrit par exemple Jean-Marc Weller, et cette énigme touche à la place et au contenu du « travail accompli par les fonctionnaires », à « leurs activités concrètes, leurs raisonnements et leurs techniques faites de dossiers à fabriquer, de papiers à traiter, d’informations à saisir ». La conclusion s’impose : « ce labeur n’est pas toujours regardé avec toute l’attention qu’il mérite [6] ».
3Les dispositifs de réforme évacuent en réalité la « matérialité » de ce travail, alors même que c’est sur lui que repose leur déploiement opérationnel. Certes, l’occultation du travail de mise en œuvre de l’action publique par les « réformateur·trice·s » n’est pas une particularité des réformes de modernisation de l’État ; elle renvoie à une division classique du travail entre les « sommets de l’État » et les « petit·e·s fonctionnaires » ; elle renvoie également au caractère nécessairement général des normes d’action publique, ayant vocation à régir des situations variées, voire contrastées – les petit·e·s fonctionnaires étant précisément en charge du travail d’adaptation des normes aux singularités du « terrain ». Les analyses de la Street level bureaucracy ont largement étayé ce point. Pour autant, dans le cas des politiques de modernisation de l’État, l’éviction du terrain concret des activités administratives semble singulière, parce que l’État cherche à agir sur la société par une action sur lui-même. Le travail concret de l’administration est à la fois le levier et la cible implicite principale de l’action étatique. Comment expliquer alors qu’au-delà d’injonctions réformatrices spectaculaires sur la modernisation, la simplification ou l’efficacité de l’État, le silence ou l’ignorance des pratiques réelles des agente·s qu’on prétend changer, restent de mise ? C’est là l’énigme qui constitue le point de départ de ce dossier : quand l’« intendance » devient la cible principale de l’action publique, les réformateur·trice·s peuvent-ils et elles se dispenser de s’intéresser à son travail ? Dans quelle mesure, par exemple, un projet de fusion administrative peut-il faire abstraction de la variété des formations professionnelles des agent·e·s réuni·e·s au sein d’une même entité ? Et surtout, comment peut tenir durablement cet impératif de réforme de l’État, alors même que nombre de recherches sociologiques, de rapports d’évaluation ou de rapports d’inspection soulignent sans relâche l’inertie des pratiques, le contournement des injonctions, et pour finir la « ruse » de la mise en œuvre ?
4Pour qualifier l’angle mort que constitue le travail de mise en œuvre des réformes de modernisation de l’État et de l’action publique, nous parlerons de disjonction entre les dispositifs et mots d’ordre réformateurs d’un côté, et le travail concret qu’ils sont censés recomposer, de l’autre. Cette disjonction est d’abord favorisée par la place croissante qu’occupent aujourd’hui les « politiques constitutives » dans l’action publique [7]. Ces dernières édictent « des règles sur des règles » ou des procédures organisationnelles, qui affectent les cadres et le fonctionnement de la vie publique, mais sans définir précisément les problèmes à traiter ni les conditions opérationnelles de la mise en œuvre des décisions [8]. La disjonction est aussi un des résultats de la division du travail propre à l’« État-stratège », dans lequel les tâches d’exécution sont autonomisées et séparées des fonctions de conception et de pilotage de l’action publique, jugées plus nobles et réservées aux strates supérieures de l’appareil d’État [9]. Dans ce mouvement de nouvelle hiérarchisation sociale des tâches au sein de l’administration, qui étire la chaîne de commandement, le travail concret de mise en œuvre paraît donc d’autant plus occulté qu’il est relégué par les réformateur·trice·s au rang de « sale boulot [10] ». Enfin, cette disjonction est plus spécifiquement un effet de la standardisation des outils et procédures mobilisés dans le cadre du nouveau management public (NMP), qui sont autant de recettes (one-size-fits-all solutions), duplicables dans toutes les organisations et pour tous les secteurs d’action publique. Les guichets uniques, de l’emploi au handicap, simplifieraient ainsi les démarches des usagers et usagères ; les indicateurs chiffrés (relatifs au suivi des demandeurs et demandeuses d’emploi comme à celui des patient·e·s hospitalier·ère·s) permettraient de rationaliser le fonctionnement des administrations ; les fusions administratives favoriseraient des économies d’échelles. Dans ce mouvement réformateur, remplir les tableaux de bord et les plannings, reporter les activités, chiffrer les opérations, deviennent les fétiches de la réussite ; apporter la preuve de leur pertinence, retracer les conditions de l’activité semblent superflus. Une fois encore, la mise en œuvre est censée aller de soi et se nicher tout entière dans les instruments qui prolifèrent dans le monde de la bureaucratie managériale, alors qu’elle est justement ce qui était à transformer.
5Bref, quand les instruments font office de politique, la pertinence et la possibilité même du travail de mise en œuvre peuvent être oubliées, et les objectifs de l’action publique peuvent rester flous, car l’architecture des dispositifs l’emporte sur la question des moyens (humains et financiers) nécessaires à leur réalisation. Or les recettes du NMP semblent parfois poser plus de problèmes dans les situations de travail qu’elles n’en résolvent. L’impensé du travail que les procédures sont censées encadrer, voire rationaliser, se déploie sous la forme de nuisances imprévues, à la fois pour les professionnel·le·s (burn-out, désinvestissement, ennui, etc.) et pour les usagers et usagères (non-accès, discriminations, ineffectivité, mécontentements, etc.). Certains travaux ont déjà pointé les effets de ces disjonctions en montrant que les dispositifs standardisés du NMP sont parfois difficilement adaptables aux spécificités des secteurs auxquels ils sont appliqués : comment, par exemple, mettre en chiffres l’activité des assistantes sociales, largement faite « de conseils donnés à l’oral dans le huis clos avec les usagers et usagères, [de] multiples démarches téléphoniques ou [de] moments de réflexion avec les pairs ou la hiérarchie [11] » ? Dans quelle mesure l’introduction d’un indicateur relatif au temps d’attente et de passage dans les services d’urgence, et l’objectif de réduction de ce temps, joue-t-il vraiment en faveur des patient·e·s [12] ?
6Enfin, cette disjonction nous paraît d’autant plus intéressante à étudier que les réformes de modernisation de l’État sont très largement publicisées. La loi organique relative aux lois de finance (LOLF), la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la modernisation de l’action publique (MAP), ont fait l’objet d’un traitement médiatique important, tout comme les « guichets uniques », le « partenariat » ou « l’évaluation des politiques publiques » donnent régulièrement lieu à des annonces politiques.
7La disjonction entre mots d’ordre réformateurs et le travail concret qu’ils sont censés recomposer tend à être invisibilisée par la division du travail au sein du champ académique en France, entre science politique et sociologie du travail. D’un côté, la science politique et la sociologie des organisations ont abondamment analysé les principes qui guident les réformes de « modernisation » de l’État, leurs filiations idéologiques [13], ainsi que les dispositifs constituant le nouveau visage de l’État modernisé. Les réorganisations administratives que ces réformes impliquent [14] ont donné lieu à de nombreux travaux, portant sur les spécialisations institutionnelles, comme la création d’agences [15], les fusions de services [16], mais aussi sur les réorganisations entre les échelles d’action publique (marquées par des politiques successives de décentralisation et de recomposition de l’État déconcentré [17]), et sur les procédures et instruments concernant les agent·e·s des administrations mais aussi les usagers et usagères [18]. Parallèlement, la sociologie du travail et la sociologie de la gestion, ont analysé les effets de ces réformes sur le travail au sein des administrations. De nombreux travaux nous renseignent ainsi sur la transformation des normes d’emploi, des mobilités et trajectoires professionnelles, sur la remise en question de l’autonomie des agent·e·s et du sens de leur travail, mais aussi des métiers et des identités professionnelles [19], ainsi que sur les dynamiques de segmentation et de recomposition au sein des groupes professionnels [20] ».
8Dans ce dossier, nous faisons l’hypothèse que c’est cette disjonction qui doit être l’objet de l’étude, qu’il faut penser ensemble ces injonctions réformatrices triomphantes, ces instruments proliférants qui attestent de leur réussite, et les activités des agent·e·s confronté.e.s à des tâches impossibles (« faire mieux avec moins », etc.) et à des impératifs gestionnaires, à distance des conditions effectives de travail ou des identités professionnelles. Il est fructueux de dépasser la répartition disciplinaire évoquée plus haut – dont les effets de cécité sont d’ailleurs soulignés dans de nombreux travaux, au-delà même du champ de recherche sur la modernisation de l’État [21] – et d’adopter une approche « intégrée [22] » qui utilise la question du travail comme « entrée » pour analyser les transformations de l’action publique [23] et en interroger les dimensions politiques. Dans les contributions de ce numéro, l’entrée par le travail est plurielle, ciblant tour à tour les pratiques professionnelles et les productions de travail mais aussi les identités et les hiérarchies professionnelles, ainsi que l’autonomie au travail ; les dimensions politiques renvoient quant à elles aux conflits politico-administratifs au sein de l’appareil d’État, aux recompositions des enjeux des politiques sectorielles, ainsi qu’aux évolutions plus générales des modes d’intervention de l’État.
9Ce dossier réunit quatre contributions. Celle de Jean-Marie Pillon et de Claire Vivès s’intéresse aux tribulations du « conseiller unique » dans le cadre de la création de Pôle emploi, dont le projet avait été lancé pendant la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007. Mathilde Darley et Jérémie Gauthier étudient la mise en œuvre des zones de sécurité prioritaire – mesure qui figurait dans les soixante engagements pour la France du président Hollande. Ce dispositif prévoit, par la mise en place de partenariat entre la police et d’autres professionnel·le·s de terrain, le rapprochement entre la police et les populations des « quartiers sensibles ». Deux contributions s’intéressent à la montée en puissance du paradigme évaluateur dans le contexte général d’avènement de l’« État-stratège ». Jeanne Lazarus et Yohann Morival analysent la fabrique d’un rapport d’évaluation par une inspectrice de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et un inspecteur du Contrôle économique et de gestion financière (CGEFI) sur une expérimentation sociale visant la prévention du surendettement, censée visibiliser l’action du gouvernement Ayrault en matière de lutte contre la pauvreté. Thomas Lépinay, enfin, étudie la transformation des modalités et des finalités des missions de contrôle par les magistrat·e·s à la Cour des comptes des années 1960 aux années 1990-2000, et la valorisation du travail d’évaluation des politiques publiques qui les caractérise.
10Ce dossier regroupe ainsi des contributions qui arpentent des terrains contrastés, à partir de méthodes empiriques variées : analyse des pratiques et des productions des acteurs – rapports, contrôles policiers –, observations du travail et entretiens. Elles donnent à voir différents volets des réformes de modernisation de l’État, allant des fusions organisationnelles à la montée en puissance de l’impératif évaluateur, en passant par la déclinaison de mots d’ordre réformateurs comme la territorialisation, le partenariat et les expérimentations sociales. Qu’il s’agisse des champs d’action publique (la politique du maintien de l’ordre, celle de l’emploi, la lutte contre la pauvreté, l’évaluation des politiques publiques, le contrôle des comptes), des agent·e·s étudié·e·s (des haut·e·s fonctionnaires des corps d’inspection, aux agent·e·s de première ligne dans la police ou à Pôle emploi en passant par les cadres intermédiaires de la police), la variété des objets permet autant de coups de sonde au cœur des administrations au travail. L’attention portée à divers types d’acteur·trice·s de ces politiques permet également de réintroduire la question de leur position sociale dans la hiérarchie du champ bureaucratique [24], les rapports à la réforme d’un·e magistrat·e de la Cour des comptes et d’un·e conseiller·ère de Pôle emploi étant par définition contrastés.
11Comment peut tenir la généralisation des mots d’ordre réformateurs alors même qu’elle opère dans l’ignorance des conditions concrètes d’effectuation du travail quotidien des agent·e·s ? L’entrée par le travail permet de montrer que si des situations de travail où les pratiques professionnelles visées par les réformes ne changent apparemment que de façon parcellaire, l’entreprise réformatrice induit parallèlement des recompositions de l’activité liée à la mise en visibilité des réformes, qui devient un travail en soi. Elle a pu par exemple contribuer à émanciper un échelon intermédiaire [25] spécialisé dans la gestion de ses dispositifs introduits par le nouveau management public. C’est là que prennent consistance ces réformes qui ne descendent que rarement au cœur du labeur quotidien des hommes et femmes de l’État. Il ne s’agit donc pas de conclure à l’inertie des pratiques professionnelles mais de saisir les ressorts de leurs transformations. En ce sens, au-delà de leur dimension symbolique, les injonctions à la réforme produisent, indirectement et par des médiations complexes, bien des effets, sans doute puissants, sur l’ensemble des processus de l’action publique et sur la redéfinition des positions professionnelles des agent·e·s concerné·e·s.
Quand les pratiques de travail (implicitement) visées par la réforme changent peu
12Le discours réformateur, dans les diverses facettes de l’État modernisé [26] qu’il concerne, repose sur des promesses de changements multiples : les réformes seraient vectrices tantôt d’une rationalisation de l’action de l’État (plus d’efficacité, plus d’efficience), tantôt d’économies budgétaires, ou encore d’une réorientation démocratique des politiques publiques au bénéfice des usagers et usagères. Certaines des transformations des bureaucraties et de l’action publique ont été critiquées dans le champ professionnel et des recherches sociologiques ont mis en lumière certains des enjeux au cœur de ces réformes [27].
13Sans vouloir invalider ou prendre le contre-pied des critiques formulées par les professionnel·le·s des services publics concernés, sans nier le projet politique porté par certain·e·s réformateur·trice·s [28], nous voudrions, le temps de ce dossier, déplacer le questionnement et rappeler que ces réformes ont suivi des trajectoires plus complexes qu’il n’y paraît. Dans ce dossier, l’analyse de ces réformes par le travail – et dans un premier temps par l’observation des pratiques professionnelles – montre une certaine inertie (certaines recherches parlent de « résistance ») des pratiques de travail des agent·e·s, corroborant ainsi les résultats de précédentes enquêtes sur la mise en œuvre des réformes managériales dans différents secteurs professionnels [29]. Les objectifs de politique publique restent alors lettre morte, pour les destinataires de l’action publique mais aussi pour ses opérateurs. Une illustration en est sans doute fournie par l’enquête sur la fusion ANPE-UNEDIC et la (non-)création du « conseiller unique » à Pôle emploi, pourtant donnée comme le cœur de la nouvelle structure. Le travail d’accompagnement et celui d’indemnisation des chômeurs et chômeuses continuent, chez le nouvel opérateur public, à être effectués par des agent·e·s différent·e·s. Les demandeurs et demandeuses d’emploi continuent de faire face à plusieurs interlocuteur·trice·s, ce qui remet en cause l’objectif, affiché par les pouvoirs publics, de leur « activation » par un suivi couplant contrôle de la recherche d’emploi et indemnisation.
14Même lorsque les dispositifs réformateurs sont formellement opérationnalisés, le travail ne change pas nécessairement, on le sait, dans le sens voulu par la réforme. La mise en place de la zone de sécurité prioritaire (ZSP) se traduit par exemple par une absence de modification en profondeur des routines professionnelles policières de contrôle. Dans ce contexte, l’objectif de rapprochement entre la police et la population des « quartiers sensibles », censé être au cœur de la réforme, apparaît compromis. Les réformes de modernisation de l’État peuvent donc connaître le même sort que toute une série de réformes sectorielles, dont les objectifs se diluent au moment de leur mise en œuvre [30]. Dans le cas de la mission d’inspection étudiée par J. Lazarus et Y. Morival, en dépit du contexte de « normalisation » des méthodes d’évaluation, les acteurs et actrices étudié·e·s choisissent de se soustraire à la standardisation des tâches d’évaluation de leurs corps d’inspection promues par le Secrétariat général pour la modernisation de l’État (SGMAP), pour privilégier une approche qualitative (« de terrain ») de leur mission. Cette résistance pourrait s’expliquer ici par la relative indépendance que leur confère l’appartenance à un grand corps d’État.
15Néanmoins, les acteurs et actrices étudié·e·s dans les contributions à ce dossier appartiennent à différentes strates de l’appareil étatique, et ne disposent pas tou·te·s des mêmes ressources que celles dont disposent les grands corps de l’État pour contourner les injonctions. Comment dès lors expliquer le fait que ces réformes affectent peu le travail des agent·e·s dans les cas étudiés ici, alors même qu’il est directement visé par ces ambitions réformatrices : le « conseiller unique », la police de proximité, l’évaluation normalisée ? Certaines explications résident dans les caractéristiques des organisations du travail et de leurs professionnel·le·s. Les dispositifs de réforme du travail peuvent notamment buter sur les croyances et les ethos des street-level bureaucrats. Si les approches cognitives de l’analyse de l’action publique se sont surtout intéressées, en France, aux représentations et valeurs des acteurs et actrices de la décision, l’attention grandissante portée aux « petit·e·s fonctionnaires » dans toute une série de travaux plus récents ont permis de mettre en avant l’importance de celles d’agent·e·s censé·e·s opérationnaliser les réformes, mais pas nécessairement familier·ère·s ou acquis·e·s à leurs enjeux [31]. Dans le cas des zones de sécurité prioritaire (ZSP), si le répertoire d’action policier des brigadier·ère·s est largement maintenu, c’est notamment parce que le renforcement de la proximité avec la population qu’affiche la réforme des ZSP se heurte à la culture du métier policier et à la hiérarchie de ses valeurs. Les brigadier·ère·s de terrain sont par exemple réticent·e·s à répondre à la demande d’intervention dans les caves des immeubles formulée par les partenaires locaux (comme les offices HLM), car ces interventions sont nettement moins valorisées dans les représentations policières que ne le sont celles dans l’espace public, plus visibles.
16L’approche intégrée adoptée dans les contributions à ce dossier invite toutefois à s’intéresser également à des éléments plus classiques de l’analyse de l’action publique. La faiblesse des changements observés dans les pratiques de travail est aussi largement liée à la façon dont les pouvoirs publics ont en fait peu investi, au-delà des enjeux liés à l’affichage politique des réformes, leur suivi et leur mise en œuvre.
17Dans plusieurs articles de ce dossier, les objectifs d’action publique énoncés dans le cadre des réformes revêtent souvent un caractère flou, ou contradictoire, comme si la focalisation sur les mots d’ordre ou dispositifs réformateurs conduisait à gommer la question du contenu précis de la réforme. Certes, les normes d’action publique, notamment certaines normes réglementaires, peuvent requérir un certain degré de généralité, afin que leur mise en œuvre puisse s’adapter à la diversité des situations locales concernées [32]. Dans le cadre des réformes de modernisation de l’État, cependant, le flou apparaît non pas comme un moyen d’ajuster les injonctions réformatrices à la diversité des situations locales, mais bien plutôt comme un révélateur de l’indétermination des objectifs visés (et peut-être une manière d’éviter le blâme et de rejeter la responsabilité d’éventuelles déficiences sur les agent·e·s chargé·e·s de la mise en œuvre). S’agissant des zones de sécurité prioritaire (ZSP), par exemple, le ministère entend « approfondir les relations quotidiennes entre la police et la population », en centrant l’action des forces de l’ordre sur la petite et la moyenne délinquance, mais c’est aux commissaires que revient la charge de donner un contenu précis à cet ensemble de principes généraux. L’analyse des séquences successives qui ont marqué la création de Pôle emploi met quant à elle en lumière l’imprécision des différentes prises de position publiques à son sujet. Ainsi, la nouvelle configuration du travail a été présentée tour à tour comme une mesure de simplification des démarches pour les personnes en recherche d’emploi, puis comme un vecteur d’amélioration des performances du service public de l’emploi et de bonne gestion de l’argent public.
18La faiblesse des moyens financiers mis à disposition de la réforme soulève de façon plus aiguë encore la question de l’importance toute relative des effets substantiels censés être attendus des réformes. Dans un contexte budgétaire contraint, les changements entrepris dans le cadre des réformes de modernisation de l’État et de l’action publique adviennent la plupart du temps à moyens constants [33]. Cette faiblesse des moyens n’est cependant pas uniquement le fait d’un contexte budgétaire tendu ; elle correspond aussi à l’un des traits saillants de la critique néo-managériale de l’État, selon laquelle améliorer son action ne suppose pas davantage de moyens – bien au contraire, l’enjeu est plutôt d’« amincir » l’État [34] –, mais une meilleure organisation du travail. Plusieurs contributions du dossier montrent comment la question budgétaire constitue souvent une dimension majeure du devenir des réformes. Les faibles moyens mis à disposition de la formation à la polyvalence des agent·e·s de Pôle emploi contribuent largement à l’échec de la réforme des conseiller·ère·s uniques. Dans un contexte de crise économique, l’absence de moyens supplémentaires conséquents (pour recevoir le surplus de chômeurs et chômeuses, et pour dégager du temps de formation pour les conseiller·ère·s) conduit à ce que les impératifs gestionnaires prennent finalement le dessus sur les objectifs initialement affichés. Autre cas : en matière de politique de maintien de l’ordre, si des zones de sécurité prioritaires ont été créées en 2012, leur mise en œuvre ne s’est pas accompagnée de l’allocation de moyens humains supplémentaires. Les brigadier·ère·s affecté·e·s dans ces zones sont pour partie « récupéré·e·s » sur les effectifs d’autres territoires. Quant au cas de l’inspection menée par l’IGAS sur la labellisation d’un dispositif expérimental visant la prévention du surendettement, il est presque caricatural. Le cabinet ministériel commanditaire du rapport est en effet d’autant plus désireux d’obtenir une évaluation positive du dispositif que l’État ne prévoit pas d’y consacrer de moyens financiers.
19Enfin, le faible suivi, tantôt bureaucratique, tantôt politique de la mise en œuvre des réformes de la part des acteurs et actrices décisionnaires contribue aussi à limiter les effets substantiels des réformes. L’analyse du travail révèle notamment que l’existence d’instruments formels de contrôle de l’activité s’accommode fort bien d’une absence de suivi des réformes. Ainsi, si la mise en œuvre des ZSP requiert la remontée régulière d’indicateurs d’activité, ni la définition des objectifs précis du dispositif, ni l’implication des partenaires locaux ne donnent lieu à des discussions particulières avec l’autorité hiérarchique en dehors du commissariat. Dans la réforme du service public de l’emploi, alors que le métier unique est censé constituer le vecteur principal de simplification de l’accompagnement des usagers et usagères, le secrétaire d’État en charge de l’emploi (Laurent Wauquiez) y renonce finalement, sur demande du directeur général de Pôle emploi. Dans le cas de l’évaluation menée par l’IGAS, c’est d’abord l’affichage d’une telle démarche qui importe, comme le montre le peu d’attention accordée à la teneur concrète du rapport d’évaluation. D’ailleurs, la lettre de mission cadrant celui-ci précise la conclusion à laquelle doivent arriver les inspecteur·trice·s, comme si le rendu du rapport devait primer sur ce qu’il est susceptible d’apprendre sur la mise en œuvre du dispositif encore balbutiant de lutte contre le surendettement.
20Les trois éléments susmentionnés, caractéristiques de la mise en œuvre des réformes de « modernisation » de l’État, renvoient à des facteurs (classiquement) identifiés par l’analyse de l’action publique (caractère souvent flou des objectifs poursuivis, faiblesse des moyens financiers mis à la disposition des administrations qui les mettent en œuvre, suivi limité de leur mise en œuvre) pour éclairer les distorsions entre décision et mise en œuvre de l’action publique. Le changement auquel devaient conduire les réformes peut rester en grande partie « un changement de papier [35] ». Ce résultat est une conclusion courante des analyses de l’action publique qui entrent par la mise en œuvre, mais acceptons qu’en l’espèce, le fait soit notable puisque ces réformes sont avant tout des réformes de l’État sur lui-même, sur ses modes de commandement, sur la division de ses tâches internes et sur le travail des agent·e·s concerné·e·s. Ainsi, à rebours de ce qu’entendent promouvoir les réformes du nouveau management public, qui valorisent notamment l’importance du contrôle d’administrations publiques [36], estimées trop dispendieuses, inefficaces et mal gérées, on peut parler d’un inégal souci de soi de l’État. Valorisé sur la scène publique (dans les discours politiques ou dans les annonces aux agent·e·s concerné·e·s), ce contrôle semble bien moins prégnant dans les coulisses de la mise en œuvre. On peut faire l’hypothèse que ce décalage n’est pas sans lien avec le fait que les destinataires des réformes de politiques publiques ici menées sont des populations dotées de peu de ressources (sociales, mais aussi politiques) : personnes sans emploi, habitant·e·s des quartiers défavorisés, populations surendettées. Cette piste mériterait d’être creusée, en s’appuyant sur des enquêtes ciblant d’autres secteurs et d’autres destinataires de l’action publique.
Quand rendre visible la réforme devient un travail en soi
21Le caractère parcellaire des changements de pratiques de travail observés contraste avec les recompositions du travail directement liées à la mise en visibilité des dispositifs et mots d’ordre réformateurs. Si, dans le cas de Pôle emploi, tout se passe comme si le regroupement des deux institutions (ANPE et UNEDIC) dans les mêmes murs suffisait à accréditer la réussite de la fusion des deux institutions [37], la visibilisation des réformes devient bien souvent un travail en soi auquel les agent·e·s sont contraint·e·s, soit par des requêtes du politique, soit par des procédures administratives, soit encore par les jeux dans lesquels ils et elles se trouvent engagé·e·s. Il peut s’agir d’afficher des résultats – de préférence positifs – ou bien des normes devant orienter les pratiques de travail, mais aussi de faire valoir son implication dans la réforme, sa position ou son expertise au sein de l’appareil d’État. Ce travail de présentation de l’activité administrative collectée dans des tableaux de bord, des indicateurs, des statistiques, mais aussi des rapports administratifs peut avoir un lien assez distant avec la réalité des changements de pratiques professionnelles constatés. Reste qu’il remplit une fonction politique majeure : parce que ce travail démontre une conformité (partiellement fictive) aux injonctions réformatrices – aussi tonitruantes que souvent creuses ou faiblement consistantes –, il contribue à faire exister la fiction de la modernisation, aussi bien dans les administrations concernées que dans l’espace public.
22Ce travail s’apparente dans certains cas à des pratiques d’habillage, échéant alors aux « cadres intermédiaires », responsables de la mise en conformité du travail de terrain avec les préconisations des réformes. Dans le cas des zones de sécurité prioritaires (ZSP), les cadres policiers du commissariat doivent par exemple faire remonter mensuellement au directeur de la sécurité publique des indicateurs de l’activité policière, censés informer celui-ci de l’atteinte des objectifs de la réforme. En organisant notamment le recyclage d’outils de mise en chiffres de l’activité policière et d’instances déjà existantes, en définissant les objectifs de la ZSP à partir du travail policier déjà mené, en réaffectant les agent·e·s d’une équipe à une autre, ces cadres contribuent ainsi plus ou moins artificiellement à « faire exister » le dispositif ZSP porté par les pouvoirs publics. Donner à voir des résultats rapides et positifs « à Paris » conduit à des logiques de (re)bureaucratisation de l’activité policière – en contexte « modernisé » néanmoins : pour la réalisation de ce travail, les cadres intermédiaires, policiers ou autres [38] peuvent souvent s’appuyer sur des logiciels, dont le traitement est ensuite formalisé dans des graphiques, des tableaux de bord, dont la seule existence suffit à attester des changements en cours.
23L’effectivité des mots d’ordre réformateurs peut aussi provenir de l’existence de procédures, qui s’imposent aux agent·e·s opérationnel·le·s comme aux haut·e·s fonctionnaires, et de concurrences bureaucratiques. La mission d’évaluation du label en faveur de la lutte contre le désendettement des ménages menée par le personnel d’inspection de l’IGAS et du CGEFI est théoriquement soumise à de nouveaux standards managériaux définis par le SGMAP, et doit suivre un circuit politico-administratif complexe : lettre de mission, note de cadrage, soumission de la note de cadrage au comité des pairs, élaboration d’un cahier des charges, puis validation finale par le comité des pairs du corps d’inspection. Ces différentes étapes qui jalonnent le processus de leur travail font l’objet de jeux entre les différent·e·s acteurs et actrices qui cherchent à faire valoir leur position. Cela contribue à visibiliser la procédure d’évaluation au sein de l’administration et à susciter des attentes quant au rapport final, contrastant avec le faible enjeu du dispositif évalué et de son contenu.
24L’évolution du travail de la Cour des comptes est aussi marquée par sa mise en visibilité avec la politisation des missions de l’État-stratège, qui prennent une importance grandissante dans le cadre du tournant néo-managérial. Si les réformes n’ont pas été imposées « d’en haut » aux magistrat·e·s, ils et elles se sont en revanche saisi·e·s de cette transformation pour réinventer progressivement leur travail de contrôle et n’hésitent plus à publier des recommandations ayant trait à des sujets de plus en plus politiques. Les rapports de la Cour portent désormais sur l’évaluation des politiques publiques et, à ce titre, trouvent des publics élargis. Davantage attendus et médiatisés, ces rapports contribuent ainsi à mettre en jeu et en lumière le rang de la Cour au sein de l’appareil d’État, et en dehors, notamment auprès des cabinets d’audit. Soumis à la responsabilité de « tenir sa réputation » et celle de son expertise, la Cour entreprend de rationaliser et cadrer la fabrique de ses rapports. La sortie des rapports et les suites qui leur sont données sont ainsi constituées en épreuves qui cristallisent la position de toute une institution.
Les politiques de modernisation de l’État : des politiques symboliques ?
25Les décalages qui existent entre, d’un côté, le caractère souvent parcellaire des changements de pratiques professionnelles et de contenu de l’action publique pourtant supposés par les réformes et, d’un autre côté, l’important travail de visibilisation dont font l’objet les dispositifs et mots d’ordre réformateurs amènent à interroger le sens politique de ces réformes. Toute une série de travaux sur le nouveau management public ont pointé la mise à mal des professions et la dégradation de la qualité des services rendus aux usagers et usagères ; reste que la généralisation des mots d’ordre et des dispositifs réformateurs cache cependant des situations contrastées, en fonction des secteurs analysés, qui dépendent en particulier de leur histoire, de leur structuration interne, de leur degré d’autonomie au sein de l’appareil d’État, de leur type d’expertise et de sa légitimité. La faiblesse des changements de pratiques professionnelles, couplée à une forme de sous-investissement dans la substance des réformes pourrait intriguer au regard de l’important travail d’affichage qui accompagne leur mise en œuvre. C’est que ces injonctions réformatrices sont largement des politiques symboliques. La mise en avant de cette dimension symbolique de l’action publique a été établie à propos de nombreuses politiques sectorielles [39] : elle permet de poursuivre les réflexions engagées par Philippe Bezes et Patrick Le Lidec au sujet des politiques de réorganisation [40].
26Ces politiques symboliques proposent des images, souvent simplifiées et idéalisées (« le conseiller unique » ou le « guichet unique », « la proximité », etc.) et des schémas de causalité associés à elles (le retour à l’emploi, la fin de la délinquance). Mobilisées dans les discours, elles fonctionnent comme autant de promesses de changement [41], particulièrement lorsque les enjeux sont saillants, et les problèmes résistants, comme c’est le cas du chômage ou de la sécurité. Par exemple, la labellisation des zones de sécurité prioritaires semble suffire à marquer l’engagement du gouvernement sur l’enjeu de la sécurité, devenu central dans les débats politiques [42]. Les dispositifs et mots d’ordre réformateurs tendent ainsi à se réduire à des « stories [43] », autrement dit à un affichage narratif facilement mobilisable par les acteurs et actrices politiques et les élites administratives. Ce dossier de Politix montre que cette rhétorique, par laquelle le dispositif tend à se confondre avec l’acte de langage réformateur, contient un pouvoir quasi performatif. Il a d’autant plus d’effets que les résistances professionnelles au déploiement des dispositifs réformateurs ne sont ni généralisées ni collectives. Dans les cas étudiés dans ce dossier, on peut repérer (on y reviendra) des groupes spécifiques qui acceptent de faire remonter les indicateurs de performance, d’écrire un rapport d’évaluation, bref des groupes qui, pour des raisons qui leur sont propres (promotion, concurrence, etc.), jouent les jeux de la réforme.
27Le décalage entre, d’un côté, la visibilité des dispositifs et mots d’ordre réformateurs et, de l’autre, l’investissement limité dans la formalisation et le suivi des objectifs recouvre les différentes rationalités et temporalités d’action en jeu : la rationalité propre à la compétition politique repose sur une temporalité resserrée, ainsi que sur la « réduction » de la complexité, caractéristique notamment de la communication politique ; elle va de pair également avec l’importance de la mise en scène et en images de la puissance d’agir du politique. Ainsi, les décideurs et décideuses (y compris les haut·e·s fonctionnaires) doivent montrer qu’ils ou elles agissent, quand bien même ils ou elles seraient sceptiques sur leur capacité à impulser le changement [44]. À l’inverse, les rationalités engagées dans la mise en œuvre des politiques publiques et dans les administrations renvoient à des enjeux bureaucratiques (inscrits dans une histoire institutionnelle longue), à des négociations entre les acteurs et actrices d’un secteur, ainsi qu’à la complexité et à la temporalité étendue de la transformation du monde social. Ces décalages apparaissent nettement dans certaines contributions du dossier. J. Lazarus et Y. Morival soulignent par exemple combien un ministre entend revendiquer sans délai un rapport censé attester la réalité de son action en matière de lutte contre la pauvreté alors même que l’expérimentation du dispositif est encore en cours et que ses effets sont encore très incertains. Autre exemple de ces enchevêtrements de temporalité et de rationalité : la création de Pôle emploi est née du tempo de la compétition politique lors de la campagne présidentielle de 2007 quand la mise en place du « conseiller unique » est prise dans le jeu des identités professionnelles et bureaucratiques forgées dans le temps long.
28On peut formuler l’hypothèse d’une importance croissante des effets d’affichage dans un contexte où les leviers d’action traditionnels de l’État semblent se gripper. Dans les années 1960-1970, la planification et la réalisation de grands projets en matière d’aménagement du territoire, de transports, de télécommunications, ou de politiques sociales, conféraient à l’action de l’État une visibilité forte, dans des secteurs variés. Si cette action pouvait être soumise à critiques, la capacité de l’État à agir sur la société n’était pas mise en cause. La question des capacités régulatrices de l’État, présente dans de nombreux discours politiques actuels, ne se posait sans doute pas avec la même acuité avant le tournant néolibéral. On peut penser que le rétrécissement des marges de manœuvre de l’État dans divers secteurs de politiques publiques (politiques urbaines, industrielles, culturelles, sociales) conduit à un recentrement de l’action et de l’évaluation autour du suivi des dispositifs [45]. En matière de politique de l’emploi, par exemple, la persistance d’un taux élevé de chômage depuis les années 1990 et l’ampleur des phénomènes d’exclusion sociale questionnent largement l’efficacité des politiques sociales. Les domaines traditionnellement investis au cours des années 1960-1970, à grand renfort de « grands projets [46] », font l’objet de nouveaux modes de régulation qui obèrent largement la visibilité du pilotage étatique : en matière de politiques urbaines, par exemple, l’État ne pilote plus désormais qu’« à distance [47] » ces questions. Dans un contexte où la pression sur les moyens alloués aux politiques publiques laisse peu de marge de manœuvre aux acteurs et actrices politiques, l’enjeu de la mise en scène par l’État de ses capacités d’action devient plus prégnant, comme si le fait de brandir mots d’ordre et dispositifs réformateurs permettait de contrer l’idée d’une impuissance de celui-ci. Ainsi, concernant la lutte contre le chômage, les questions de répartition budgétaire entre les moyens consacrés à la politique de l’offre en direction des entreprises et ceux consacrés à l’accompagnement des demandeurs et demandeuses d’emploi et à la création d’emplois publics ne font, depuis le début des années 1990, plus véritablement l’objet de débats politiques [48]. Dans ce contexte, on peut comprendre le déplacement de l’enjeu autour de la refonte de l’architecture du service public de l’emploi comme étant la seule carte à jouer des gouvernants. L’investissement des dispositifs et des mots d’ordre réformateurs permet de faire exister la réforme, et le discours modernisateur, par la puissance des images qu’il offre (« le guichet unique », ou dans d’autres cas, « l’évaluation », ou les « zones de sécurité prioritaires »), tend à reléguer au second plan la question des objectifs de politique publique poursuivis, la teneur concrète des réformes engagées et la réalité des résultats obtenus. La charge pèse désormais principalement sur les professionnel·le·s responsables de la mise en œuvre.
29Cependant, dire que ces réformes sont symboliques ne suffit pas ; certes leur effectivité est entretenue par un travail d’affichage et de visibilisation, de la part des dirigeants politiques, des réformateurs, comme des agent·e·s qui y sont soumis, réduits parfois à mimer la conformité de leurs pratiques aux normes attendues, mais la performativité des réformes tient aussi au fait qu’elles font l’objet d’un intense travail d’appropriation et de traduction de la part des agent·e·s, susceptibles de transformer ces contraintes en capacité d’action, aussi bien pour résoudre les problèmes qui se posent à eux et elles, que pour servir d’appui aux stratégies qu’ils et elles déploient.
Les réformes de modernisation comme contraintes habilitantes
30La disjonction entre mots d’ordre réformateurs et mise en œuvre concrète des réformes découle en partie, comme on l’a vu plus haut, d’un découplage entre les fonctions de pilotage et de contrôle des bureaucraties, et celles de la mise en œuvre opérationnelle. Une des manifestations notables de la recomposition des circuits de décision a été un allongement de la chaîne hiérarchique. Celui-ci s’est traduit par la réorganisation des administrations – avec notamment la création d’agences d’exécution – à qui l’on a octroyé une forte autonomie, compensée par un contrôle accru de leur travail, rendu transparent, évaluable, blâmable ou louable, via une panoplie d’instruments (reporting, tableaux de bord, plannings, etc.) que ces mêmes agent·e·s opérationnel·le·s semblent consentir à utiliser. L’ambivalence de la figure de l’autonomie des travailleurs et travailleuses a été décrite dans de nombreux travaux, bien au-delà du seul contexte des administrations publiques et du nouveau management public, et dessine l’une des tendances de la recomposition contemporaine du travail [49]. Elle se caractérise par le fait de donner davantage d’autonomie aux agent·e·s pour organiser et effectuer leur travail, de les responsabiliser, de les inciter à prendre des initiatives, tout en faisant peser sur elles et sur eux une logique de résultats, en prescrivant et contrôlant à distance leur travail par une série d’outils et de procédures standardisées, en réduisant – souvent – leurs moyens, et en faisant porter le blâme sur elles et eux en cas de dysfonctionnements. Les études sur les street level bureaucrats ont particulièrement mis en exergue cette autonomie contrainte pour en faire un élément structurant de la « ruse de la mise en œuvre [50] ». Cette « ruse » tient en un double mouvement : les décideurs et décideuses s’appuient d’une part sur le pouvoir discrétionnaire accordé aux agent·e·s de première ligne pour leur faire porter la responsabilité de résoudre les contradictions ou le flou des orientations des politiques publiques. Dans le même temps, ils et elles organisent d’autre part les conditions de travail des agent·e·s, de sorte qu’in fine ils et elles agissent en situation dans le sens voulu par les réformateurs et réformatrices.
31Pour autant, s’il ne s’agit nullement de minorer les effets délétères que peuvent avoir ces réformes sur les agent·e·s et les collectifs de travail, l’autonomie contrainte ne suppose pas que la contrainte des instruments de modernisation ou managériaux (du « partenariat », de l’organisation de travail, des outils de contrôle, des procédures à suivre, etc.) pèse de manière univoque sur leur travail. En effet, l’autonomie qui leur est laissée leur permet dans bien des cas d’intégrer la contrainte selon des voies plurielles et de la transformer en appui et en capacité d’agir [51] – une agency ; cela est d’autant plus vrai lorsque les orientations des réformes sont vagues, et le suivi de la mise en œuvre quasi inexistant. Cette autonomie peut conduire à des stratégies collectives de résistance, comme dans le cas de pratiques de freinage, c’est-à-dire de restrictions volontaires de l’activité, conduisant à consolider la cohésion du groupe ou ses normes professionnelles. C’est particulièrement le cas pour des agent·e·s subalternes des services vus comme relégués (comme les guichets de l’immigration [52]), dont l’activité est soumise au respect d’objectifs chiffrés tout en se déroulant à distance des hiérarchies centrales, qui peuvent alors d’autant plus s’appuyer sur la complicité de la hiérarchie locale [53]. Mais parce que l’autonomie contrainte implique aussi un plus grand pouvoir discrétionnaire [54], elle favorise également la constitution de « discretionnary toolkits [55] » qui permettent aux agent·e·s d’endosser des rôles différents et de puiser dans des répertoires de pratiques divers en fonction des situations rencontrées. Le pouvoir discrétionnaire constitue en ce sens une aide à la décision en situation d’incertitude, en particulier dans les relations aux usagers et usagères [56].
32Cette agency devient alors elle aussi un travail en soi, qu’il s’agisse de parvenir « simplement » à suspendre la contrainte d’un outil intrusif dans son travail en détournant son usage afin de conserver ses marges de manœuvre ou, plus fondamentalement de rehausser ou maintenir sa place au sein de l’appareil d’État en développant une nouvelle expertise, susceptible de fonder une nouvelle juridiction professionnelle [57]. Cette capacité d’agir peut prendre différentes modalités et n’est pas également distribuée entre les agent·e·s. Si Vincent Dubois rappelle avec raison que la souplesse dans le travail ne se trouve pas uniquement aux sommets de la hiérarchie, mais aussi au niveau des agent·e·s de première ligne [58], les possibilités de s’appuyer sur les contraintes pour les transformer en ressource d’action varient en fonction de la position hiérarchique des agent·e·s au sein de l’administration, des dispositions héritées ou acquises, de leur trajectoire socioprofessionnelle, mais aussi du secteur d’action publique, du type de métier, etc.
33Ne pas oublier que les contraintes des réformes peuvent être aussi « habilitantes [59] » permet de repérer les espaces de jeux et les nouvelles configurations qu’elles ouvrent aux agent·e·s : ils et elles peuvent investir les interstices des contradictions ou de l’indétermination des réformes en fonction des intérêts qu’ils et elles poursuivent ou des problèmes qui leur sont posés ; les instruments peuvent être détournés de leur usage prévu par les réformateur·trice·s et servir d’autres stratégies ; les réformes peuvent faire naître des intéressements – aux motifs variés, individuels ou collectifs – qui trouvent à se réaliser grâce à elles, et au-delà d’elles. Ces stratégies discrètes d’agency contribuent à donner consistance aux réformes au sens où les pratiques, les investissements, les croyances ou encore les savoirs qui constituent les soubassements de cette agency participent paradoxalement à consolider la « réalité » de la « modernisation » des administrations ainsi que la performativité des mots d’ordre réformateurs. Autrement dit, si la mise en place des réformes permet aux entrepreneur·e·s de réformes de se prévaloir de leur réussite et d’attester du changement ou de la « rupture », cela ne saurait donc être le seul fait des gouvernant·e·s. On peut y voir tout autant les effets des opportunités offertes aux différents agent·e·s de se constituer des capacités d’action.
34Si les réformes néo-managériales de l’action publique ont bien souvent été analysées comme des tentatives de discipliner les professions [60], fragilisant ainsi leur indépendance historique (on peut penser aux professions juridiques, médicales ou universitaires), les recettes du nouveau management public se diffusent pourtant par les possibilités qu’elles offrent à certain·e·s de faire valoir leur savoir professionnel auprès d’autres acteurs et actrices [61], ou de gagner de nouveaux territoires de juridiction en redéfinissant leur champ d’expertise ou en inventant même de nouvelles catégories d’intervention dans les interstices des administrations recomposées [62]. Analyser le travail des agent·e·s montre ainsi en quoi le déploiement des dispositifs managériaux est souvent bien éloigné de l’image d’une application mécanique et subie. Ces dispositifs sont au contraire traduits et bricolés par les acteurs et actrices, qui leur attribuent de nouvelles significations correspondant à leurs intérêts, tout en étant susceptibles de légitimer et d’outiller leur action. Si les usages des réformes et de leurs instruments peuvent conduire à les incorporer à des pratiques professionnelles stabilisées et anciennes [63], ils peuvent aussi modifier des rapports de force avec d’autres métiers en affectant les frontières et les hiérarchies entre champs professionnels. J. Lazarus et Y. Morival montrent ainsi comment le jeu sur les procédures et les objectifs censés encadrer le travail des inspecteur·trice·s de l’IGAS devient un enjeu de marquage des frontières légitimes entre le gouvernement et le corps d’inspection, entre politique et administration, permettant aux inspecteur·trice·s de réaffirmer leur expertise et leur indépendance. De la même façon, M. Darley et J. Gauthier montrent comment la réactivation de la « cellule de veille partenariale » dans le cadre de la ZSP, censée permettre un échange d’informations, constitue plutôt une arène au sein de laquelle les policiers imposent leur cadrage en traduisant les problèmes rencontrés par leurs partenaires dans leur culture professionnelle, caractérisée par le monopole de l’expertise policière et la primauté de la réponse judiciaire.
35Plus encore, les mots d’ordre réformateurs et les dispositifs qui les traduisent s’inscrivent dans des jeux de pouvoir et d’affirmation de légitimités professionnelles distinctives qui ont souvent trait à des enjeux de position – individuelles ou collective – au sein de chaque administration ou au sein de l’appareil d’État dans son ensemble. Les processus d’appropriation des réformes par les agent·e·s peuvent ainsi constituer des occasions de s’engager dans des processus de renégociation de leur identité professionnelle ou institutionnelle, leur permettant de consolider leur place. Ces logiques sont bien sûr différentes en fonction des positions et dispositions socioprofessionnelles des agent·e·s, de sorte que les processus de conversion ou de reconversion sont plus ou moins marqués et affichés comme tels. Si la réforme du « conseiller unique » à Pôle emploi a échoué, la polyvalence des conseillers et conseillères reste néanmoins un enjeu. Les agent·e·s les plus habiles dans le suivi des dossiers des demandeurs et demandeuses d’emploi et les plus intéressé·e·s à la maîtrise des deux compétences qui auraient dû être fusionnées ont ainsi connu une petite mobilité professionnelle en étant sélectionné·e·s par la hiérarchie pour devenir des « super-conseiller·ère·s ». De cette façon, ils et elles ont pu rehausser leur position par la conversion de leurs savoir-faire en ressource rare pour leurs supérieur·e·s, dans un contexte de sous-effectif chronique.
36Les institutions elles-mêmes peuvent connaître aussi des changements de cette nature, qui se jouent sur des temps beaucoup plus longs. Si ces transformations peuvent être distinctes ou antérieures aux réformes, ces dernières peuvent leur fournir des appuis pour se réorganiser [64], consolider leur rang et distinguer leurs savoir-faire de ceux de leurs concurrent·e·s. À la Cour des comptes, comme on l’a vu, la réforme de l’État ne soumet pas les magistrat·e·s à des injonctions extérieures à l’institution. Mais elle a contribué à recomposer le rôle de la Cour par la redéfinition progressive de ses manières de contrôler – via notamment la rationalisation de son activité – dans un contexte de relative déstabilisation de l’institution [65]. Son activité de vérification de la régularité des comptes publics se meut progressivement en contrôle de gestion, puis en formulation de recommandations de politiques publiques dans le mouvement du tournant néo-managérial de l’État. Les magistrat·e·s s’adossent ainsi aux principes managériaux – et en particulier la centralité politique de l’impératif évaluateur – pour renouveler les fondements de la légitimité de la Cour. En devenant les prescripteur·trice·s du politique, les magistrat·e·s prennent part de manière désormais déterminante à la décision politique, plaçant la Cour dans un rapport d’interdépendance croissant avec un pouvoir gouvernemental [66] désireux de bénéficier de l’onction d’indépendance des corps d’inspection pour légitimer ses propres politiques [67].
Notes
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[1]
Nous remercions vivement, pour leurs observations et leurs conseils, Brigitte Gaïti, Julie Gervais et les membres du comité de rédaction de la revue qui ont relu et commenté cet article.
-
[2]
Selon l’expression de Topalov (C.), dir., Laboratoires du nouveau siècle : la nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France (1880-1914), Paris, Éditions de l’EHESS, 1999, p. 38-40.
-
[3]
Vauchez (A.), Willemez (L.), La justice et ses réformateurs (1880-2006) : entreprises de modernisation et logiques de résistances, Paris, Presses universitaires de France, 2007, p. 5-6.
-
[4]
Bezes (P.), Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, Presses universitaires de France, 2009 ; Bezes (P.), « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Ve République : la construction du “souci de soi de l’État” », Revue française d’administration publique, 102 (2), 2002.
-
[5]
Cf. Bezes (P.), « Le tournant néo-managérial de l’administration française », in Borraz (O.), Guiraudon (V.), dir., Politiques publiques 1, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.
-
[6]
« Enquêter sur l’Administration ou l’énigme du travail administratif », in Bouckaert (G.), Eymeri-Douzans (J.-M.), dir., La France et ses administrations. Un état des savoirs, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 212. Voir aussi Weller (J.-M.), Fabriquer des actes d’État. Une ethnographie du travail bureaucratique, Paris, Economica, 2018, ainsi que Borzeix (A.), Demazière (D.), Rot (G.), « Ce que les écrits font au travail », Sociologie du travail, 56 (1), 2014, sur le pouvoir performatif des écrits comme liant des organisations.
-
[7]
Bezes (P.), Demazière (D.), Le Bianic (T.), Paradeise (C.), Normand (R.), Benamouzig (D.), Pierru (F.), Evetts (J.), « New Public Management et professions dans l’État : au-delà des oppositions, quelles recompositions ? », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 320.
-
[8]
Les politiques constitutives s’opposent aux politiques substantives, qui définissent ce qui doit être accompli (Lowi (T.), « American Business, Public Policy, Case Studies and Political Theory », World Politics, 16 (4), 1964).
-
[9]
Bezes (P.), « Le modèle de “l’État-stratège” : genèse d’une forme organisationnelle dans l’administration française », Sociologie du travail, 47 (4), 2005. Le modèle de l’« État-stratège » rejoint ce que Patrick Dunleavy avait déjà identifié dès les années 1980 comme la stratégie du « bureau-shaping », consistant à « alléger » le travail des cadres supérieur·e·s de l’État des tâches « pénibles » relatives au management en face en face avec leurs services (Dunleavy (P.), Democracy, bureaucracy and public choice, Brighton, Harvester Wheatsheaf, 1991).
-
[10]
Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Politiques de l’organisation. Les nouvelles divisions du travail étatique », Revue française de science politique, 66 (3), 2016, p. 422, qui renvoient aux travaux d’Oliver James sur le processus d’agencification dans le cadre de la réforme Next Steps menée au Royaume-Uni à la fin des années 1980 (The Executive Agency Revolution in Whitehall, Basingstoke, Palgrave, 2003).
-
[11]
Serre (D.), « “Gouverner le travail des assistantes sociales par le chiffre ?” Les effets contrastés d’un indicateur informel », Informations sociales, 167, 2011.
-
[12]
Belorgey (N.), « Pourquoi attend-on aux urgences ? », Travail et emploi, 133, 2013.
-
[13]
Merrien (F.-X.), « La nouvelle gestion publique : un concept mythique », Lien social et politiques, 41, 1999 ; Hood (C.), « A Public Management for All Seasons ? », Public Administration, 69, 1991.
-
[14]
Cf. Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Politiques de l’organisation. Les nouvelles divisions du travail étatique », art. cit., ainsi que le numéro de International Review of Administrative Sciences, 76 (3), 2010, consacré au « State Restructuring » (A. Cole et J.-M. Eymeri-Douzans, eds).
-
[15]
Benamouzig (D.), Besançon (J.), « Les agences de nouvelles administrations publiques ? », in Borraz (O.), Guiraudon (V.), dir., Politiques publiques 1. La France dans la gouvernance européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2008 ; Christensen (T.), Laegreid (P.), Roness (P. G.), Rovik (K. A.), Organization Theory for the Public Sector: Instrument, Culture and Myth, London, Routledge, 2007.
-
[16]
Par exemple, Gervais (J.), « Merging to Survive? Institutional Legitimacy and Material Considerations in the Light of the Reorganisation of Corps within the French Civil Service », International Review of Administrative Sciences, 76 (3), 2010 ; Musselin (C.), Dif-Pradalier (M.), « Quand la fusion s’impose : la (re)naissance de l’Université de Strasbourg », Revue française de sociologie, 55 (2), 2014.
-
[17]
Epstein (R.), « La gouvernance territoriale : une affaire d’État. La dimension verticale de la construction de l’action collective dans les territoires », L’Année sociologique, 65, 2015 ; Bezes (P.), Le Lidec (P.), « L’hybridation du modèle territorial français : RGPP et réorganisations de l’État territorial », Revue française d’administration publique, 136, 2010 ; Le Lidec (P.), « La seconde étape de la décentralisation en France : une mise en perspective critique », Mouvements, 26, 2003.
-
[18]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », in Borraz (O.), Guiraudon (V.), dir., Politiques publiques 2, Paris, Presses de Sciences Po, 2010 ; Marrel (G.), Nonjon (M.), « Gouverner par les architectures informatiques. Logiciels et progiciels de gestion intégrée dans le secteur social », Gouvernement & action publique, 2 (2), 2015.
-
[19]
Hanique (F.), Le sens du travail. Chronique de la modernisation au guichet, Toulouse, Erès, 2004 ; Linhart (D.), Les différents visages de la modernisation du service public, Paris, La Documentation française, 2007 ; Dujarier (M.-A.), Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail, Paris, La Découverte, 2015 ; Weller (J.-M.), « Le travail administratif, le droit et le principe de proximité », L’Année sociologique, 53, 2003 ; Guillemot (D.), Jeannot (G.), « Modernisation et bureaucratie, l’administration d’État à l’aune du privé », Revue française de sociologie, 54 (1), 2013 ; Boussard (V.), Loriol (M.), « Les cadres du ministère des Affaires étrangères et européennes face à la LOLF », Revue française d’administration publique, 128, 2008.
-
[20]
Le Bianic (T.), Vion (A.), dir., Action publique et légitimités professionnelles, Paris, LGDJ, 2008 ; Demazière (D.), Gadéa (C.), dir., Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents et nouveaux défis, Paris, La Découverte, 2009 ; Hénaut (L.), Poulard (F.), « Réformes publiques et autonomie des groupes professionnels : le jeu des segments », Revue française de sociologie, 59 (2), 2018.
-
[21]
Cf. Jeannot (G.), « Les fonctionnaires travaillent-ils de plus en plus ? Un double inventaire des recherches sur l’activité des publics », Revue française de science politique, 58 (1), 2008 ; Bezes (P.), Join-Lambert (O.), « Comment se font les administrations. Analyser des activités administratives constituantes », Sociologie du travail, 52 (2), 2010 ; ou encore Dubois (V.), « Ethnographier l’action publique. Les transformations de l’État social au prisme de l’enquête de terrain », Gouvernement & action publique, 1 (1), 2012.
-
[22]
Elle pourrait permettre également de désenclaver l’analyse des politiques publiques, dont certains ont pu dire qu’elle était en proie à un certain « essoufflement » (Hassenteufel (P.), Smith (A.), « Essoufflement ou second souffle ? L’analyse des politiques publiques “à la française” », Revue française de science politique, 52 (1), 2002) et à une « dangereuse » autonomisation dans le champ de la science politique (Bezes (P.) Pierru (F.), « État, administration et politiques publiques : les dé-liaisons dangereuses », Gouvernement & action publique, 1 (2), 2012).
-
[23]
Cf. Breton (E.), « Répondre à l’appel (à projets). Récits d’un apprentissage silencieux des normes de l’action publique patrimoniale », Politix, 105, 2014.
-
[24]
Sur l’intérêt de ces approches, cf. par exemple, Dubois (V.), La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 3e éd. 2010, ou Spire (A.), Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005.
-
[25]
Les cadres intermédiaires sont encore peu étudiés en comparaison avec des street level bureaucrats ou des élites de l’État. L’analyse des tensions spécifiques qui traversent leur travail et leur place dans les bureaucraties dans le cadre de l’intensification des réformes de modernisation de l’État depuis les années 2000, constitue une perspective de recherche convergente à celle proposée dans ce numéro. Cf. Barrier (J.), Pillon (J.-M.), Quéré (O.), « Les cadres intermédiaires de la fonction publique. Travail administratif et recompositions managériales de l’État », Gouvernement & action publique, 4 (4), 2015.
-
[26]
Les différents dispositifs et mots d’ordre réformateurs étudiés dans les contributions de ce dossier relèvent pour une large part du répertoire du Nouveau management public (NMP), que l’on qualifie souvent de « puzzle doctrinal » du fait de son caractère composite, renvoyant à des conceptions de réforme parfois contradictoires, applicables à tous les services administratifs : séparation des fonctions de pilotage et de mise en œuvre, recours aux mécanismes de marché (concurrence, externalisation, individualisation des incitations), gestion par les résultats, mesure des performances, contrôle par voie contractuelle (pour une description exhaustive, cf. notamment Bezes (P.), « État, experts et savoirs néo-managériaux. Les producteurs et diffuseurs du New Public Management en France depuis les années 1970 », Actes de la recherche en sciences sociales, 193, 2012). Pour autant, si les mots d’ordre de la rationalisation des administrations, du ciblage et de la territorialisation de l’action publique ou encore de la « proximité » peuvent se traduire en dispositifs empruntant au NMP, ce n’est pas toujours le cas, le mouvement de modernisation de l’État et de son intervention ne se réduisant pas au NMP.
-
[27]
Ainsi, par exemple, l’« Appel des appels », lancé en décembre 2008, appelait à la création d’une coordination nationale regroupant des professionnel·les de différents secteurs publics et dénonçait une gestionnarisation désincarnée et une « maladie évaluatrice » de l’action publique, détachée de ses enjeux concrets, la mise à mal des services publics, ainsi que l’altération du travail des professionnel·le·s concerné·e·s par ces réformes. Des travaux de sociologie du travail ont aussi mis en évidence les « méfaits » du NMP et les attaques contre les professions que ses déploiements occasionnent, mettant l’accent sur le renforcement du contrôle sur les professionnel·le·s de première ligne, dans des secteurs variés (éducation, santé, etc.), la pression à la productivité induite par l’introduction d’indicateurs de suivi de l’activité, ou les effets pervers portant atteinte à la qualité du travail (cf. par exemple Clarke (J.), Newman (J.), The Managerial State, London, Sage, 1997 ; Radin (B. A.), Challenging the Performance Movement: Accountability, Complexity and Democratic Values, Washington, DC, Georgetown University Press, 2006 ; Cf. aussi Serre (D.), « Gouverner le travail… », art. cit. ; Berlorgey (N.), « “Réduire le temps d’attente et de passage aux urgences”. Une entreprise de “réforme” d’un service public et ses effets sociaux », Actes de la recherche en sciences sociales, 189 (4), 2011.
-
[28]
Sur les liens entre le nouveau management public et les critiques néolibérales des États providence, cf. par exemple Merrien (F.-X.), « La nouvelle gestion publique… », art. cit.
-
[29]
Cf. par exemple Szarlej-Ligner (M.), « Les résistances des agents de l’inspection du Travail à la reddition de comptes (1980-2013) », Revue française d’administration publique, 160 (4), 2016 ; ou, pour des références à des études de cas : Bezes (P.), Join-Lambert (O.), « Comment se font les administrations… », art. cit.
-
[30]
Cf. par exemple Perrier (G.), « L’objectif d’égalité des sexes dans la mise en œuvre des politiques d’emploi à Berlin. De la diffusion professionnelle aux difficiles réappropriations profanes de l’égalité », Politix, 109, 2015 ; Philippe (S.), « La mise en œuvre de l’action publique : un moment problématique de la politique de santé mentale », Revue française de science politique, 54 (2), 2004.
-
[31]
Sur l’importance des représentations des agent·e·s chargé·e·s de la mise en œuvre d’un nouvel objectif d’action publique, cf. Perrier (G.), « L’objectif d’égalité des sexes… », art. cit. ; cf. aussi Philippe (S.), « La mise en œuvre de l’action publique… », art. cit.
-
[32]
Sur ce point, cf. par exemple Lascoumes (P.), « Les arbitrages des intérêts légitimes en matière d’environnement », Revue française de science politique, 45 (3), 1995.
-
[33]
Cf. par exemple Belorgey (N.), « Réduire le temps d’attente… », art. cit.
-
[34]
Bezes (P.), « Le renouveau du contrôle des bureaucraties. L’impact du New Public Management », Informations sociales, 126, 2005, p. 28.
-
[35]
Brunsson (N.), Olsen (J. P.), The Reforming Organization, London, Routledge, 1993.
-
[36]
Bezes (P.), « Le renouveau du contrôle … », art. cit., p. 30.
-
[37]
On se souvient peut-être de l’importance accordée, en 2009, à la création du nouveau logo de Pôle emploi et de la controverse liée au coût exorbitant (500 000 euros) de sa conception.
-
[38]
Voir par exemple, au sujet de la mise en place de l’indicateur relatif au temps d’attente et de passage dans les services d’urgence, Belorgey (N.), « Pourquoi attend-on… », art. cit.
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[39]
Voir par exemple : Mazur (A. G.), « La France est-elle toujours le pays des réformes symboliques ? », Travail, genre et sociétés, 12 (2), 2004.
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[40]
Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Politiques de l’organisation », art. cit.
-
[41]
Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Ce que les réformes font aux institutions », art. cit., p. 89. Sur la dimension discursive et symbolique de l’activité réformatrice, cf. notamment Brunsson (N.), Olsen (J. P.), The Reforming Organization, op. cit.
-
[42]
Mucchielli (L.), Violences et insécurité : fantasmes et réalités dans le débat français, Paris, La Découverte, 2001.
-
[43]
Comme si la seule évocation de ces dispositifs suffisait à « faire tenir » un récit réformateur – ce que N. Fligstein appelle « stories » (Fligstein (N.), « Social Skills and the Theory of Fields », Sociological Theory, 19 (2), 2001) – dans lequel « se stabilisent à la fois une critique des règles et des manières de faire héritées et associées à l’institution existante, et des préconisations pour sa transformation sous la forme de nouveaux instruments, règles, procédures, distribution de pouvoir, etc. » (Bezes (P.), Le Lidec (P.), « Ce que les réformes font aux institutions », in Lagroye (J.), Offerlé (M.), dir., Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2010, p. 77).
-
[44]
Bezes (P.), « Les hauts fonctionnaires croient-ils à leurs mythes ? L’apport des approches cognitives à l’analyse des engagements dans les politiques de réformes de l’État. Quelques exemples français (1988-1997) », Revue française de science politique, 50 (2), 2000.
-
[45]
Affirmer cela ne revient pas à dire que l’État n’agit plus, mais que son action sur le monde social n’est pas aussi visible que dans le cadre des politiques de grands projets. Sur le caractère discret de certaines politiques publiques qui ont pourtant des effets sociaux avérés, cf. notamment Howard (C.), The Hidden Welfare State: Tax Expenditures and Social Policy in the United States, Princeton, Princeton University Press, 1997 ; Hacker (J. S.), The Divided Welfare State: The Battle over Public and Private Social Benefits in the United States, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.
-
[46]
Sur les ressorts de cet interventionnisme d’État, cf. par exemple, pour le secteur industriel, Cohen (É.), Le colbertisme high-tech. Économie du grand projet, Paris, Hachette Pluriel, 1992.
-
[47]
Epstein (R.), « Gouverner à distance. Quand l’État se retire des territoires », Esprit, novembre 2005.
-
[48]
Daniel (C.), « Les politiques de l’emploi : une révolution silencieuse », Droit social, 1, 1998.
-
[49]
Lallement (M.), « Work and the challenge of autonomy », Social Science Information, 54 (2), 2016.
-
[50]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », art. cit. ; Spire (A.), Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l’immigration, Paris, Raisons d’agir, 2008.
-
[51]
Des travaux ont bien montré comment par exemple la mise en place d’indicateurs dans les administrations a modifié les conduites des agent·e·s, tout en les amenant à investir des stratégies d’adaptation et d’ajustement afin de desserrer la contrainte exercée par ces dispositifs. Cf. notamment Espeland (W. N.), Sauder (M.), « Rankings and Reactivity: How Public Measures Recreate Social Worlds », American Journal of Sociology, 113 (1), 2007 ; Brodkin (E. Z.), « Policy Work: Street-Level Organizations Under New Managerialism », Journal of Public Administration Research and Theory, 21 (2), 2011.
-
[52]
Spire (A.), « L’asile au guichet. La dépolitisation du droit des étrangers par le travail bureaucratique », Actes de la recherche en sciences sociales, 169, 2007.
-
[53]
Purenne (A.), Aust (J.), « Piloter la police par les indicateurs ? Effets et limites des instruments de mesure des performances », Déviance et Société, 34 (1), 2010.
-
[54]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », art. cit.
-
[55]
Watkins-Hayes (C.), The New Welfare Bureaucrats: Entanglements of Race, Class, and Policy Reform, Chicago, University of Chicago Press, 2009.
-
[56]
Dubois (V.), La vie au guichet, op. cit.
-
[57]
Abbott (A.), The System of Professions. An Essay on the Division of Expert Labor, Chicago, Chicago University Press, 1988.
-
[58]
Dubois (V.), « Politiques au guichet, politique du guichet », art. cit.
-
[59]
Comme l’écrivent J. Lagroye, B. François et F. Sawicki, « les contraintes habilitent à faire tout autant qu’elles imposent des manières d’agir » et « définissent des configurations de jeux [tout autant qu’elles fournissent] des ressources pour jouer » (Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po & Dalloz, 6e éd., 2012, p. 159 : les auteurs renvoient à Giddens (A.), La constitution de la société, Paris, Presses universitaires de France, 1987).
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[60]
Une série de travaux s’inspirant de la théorie de la gouvernementalité et de la disciplinarisation des conduites développée par Michel Foucault a souligné l’ampleur de la « colonisation » des professions et la remise en cause de leur autonomie par les outils du Nouveau management public. Sur ces analyses en termes de « déprofessionnalisation », voir Bezes (P.) et al., « New Public Management et professions dans l’État », art. cit.
-
[61]
Alam (T.), Godard (J.), « Réformes managériales ou monstration du changement ? Les usages des savoirs managériaux dans les politiques de l’emploi et de l’alimentation », Politix, 79, 2007.
-
[62]
Guénot (M.), « De “l’économie souterraine” au “patrimoine criminel”. La construction d’un nouveau champ d’activité pénale et fiscale à travers les Groupes d’intervention régionaux », Déviance et Société, 42 (1), 2018.
-
[63]
Bonnaud (L.), Martinais (E.), « Le New Public Management au concret : nouvelles recettes pour vieux problèmes ? Le cas de l’inspection des installations classées », Pôle Sud, 48, 2018.
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[64]
Comme l’illustre par exemple la fusion des corps techniques supérieurs de l’État. Voir Gervais (J.), L’État managérialisé, Lille, Presses universitaires du Septentrion, à paraître.
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[65]
Ce qui n’est pas sans rappeler les positions des ministères transversaux (Intérieur, Budget, Fonction publique) qui, se trouvant dans un contexte défavorable causé par le renforcement des expertises autonomes des autres ministères, se saisissent du thème de la réforme de l’État pour tenter de consolider leur place (cf. Bezes (P.), « Le tournant néo-managérial de l’administration française », art. cit., p. 217).
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[66]
Si les interrelations entre haut·e·s fonctionnaires et gouvernant·e·s « politiques » – et la labilité de ces deux sphères – ne sont évidemment pas spécifiques à l’État managérial (cf. Eymeri-Douzans (J.-M.), « Frontière ou marches ? De la contribution de la haute administration à la production du politique », in Lagroye (J.), dir., La politisation, Paris, Belin, 2003), les contributions de ce dossier indiquent une interdépendance croissante entre pouvoir gouvernemental et corps d’inspection de l’État, du fait de la nouvelle centralité politique de leurs missions. Plus généralement, sur les transformations des relations entre le personnel politique et les haut·e·s fonctionnaires dans le cadre des réformes de l’action publique, cf. notamment Page (E.-C.), Wright (V.), eds, From the Active to the Enabling State. The Changing Roles of Top Officials in European Nations, Basingstoke, Macmillan, 2007 ; Eymeri-Douzans (J.-M.), Bioy (X.), Mouton (S.), dir., Le règne des entourages. Cabinets et conseillers de l’exécutif, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
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[67]
Cf. notamment Lépinay (T.), « Devenir “les sages de la rue Cambon”. La construction d’une position d’indépendance à la Cour des comptes », communication au colloque Politique de l’indépendance, Université Paris-I, CESPP, 12-13 janvier 2017.