Notes
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[1]
Je remercie Jeanne Favret-Saada pour sa relecture attentive et ses conseils, et Marcela Iacub pour ses remarques.
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[2]
Iacub (M.), Par le trou de la serrure. Une histoire de la pudeur publique XIXe-XXIe siècle, Paris, Fayard, 2008.
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[3]
Thomas (Y.), « Corpus aut ossus aut cineres. La chose religieuse et le commerce », Micrologus, 7, 1999.
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[4]
La sacralité de la tombe en droit romain ne résulte pas d’une supposée « sacralité du cadavre », contrairement à ce que soutient Jean-Pierre Baud. D’après ce dernier, le cadavre serait, non pas seulement en droit romain mais en général, « une chose sacrée », au sens où le « sacré » aurait pour caractéristique de mettre « en contact un surnaturel qui va jusqu’au sublime et un réel qui possède un tréfonds répugnant ». Mais le « sacré », comme le « cadavre », ne sont pas des notions universellement partagées de la même manière, et sans doute le « sacré » comporte-t-il encore bien plus d’incertitudes et suscite-t-il de controverses plus vives qu’un « cadavre ». Cf. Baud (J.-P.), L’affaire de la main volée. Une histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993, p. 33-40.
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[5]
« Après la polymérisation, c’est-à-dire la solidification du plastique, le corps peut être conservé dans un état “plastifié” », peut-on lire dans le catalogue de l’exposition (p. 5).
-
[6]
Il ne peut pas être saisi par un citoyen ordinaire, mais seulement par le Président de la République, les Présidents des Assemblées parlementaires, les membres du gouvernement, un établissement d’enseignement supérieur, un établissement public (comme c’est le cas de la Cité des sciences et de l’industrie) ou une fondation reconnue d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche, le développement technologique ou la promotion et la protection de la santé.
-
[7]
Deux membres du Comité sont en désaccord avec la réponse de la majorité, et considèrent que « cette exposition n’est pas répréhensible d’un point de vue éthique, qu’elle a un véritable intérêt pédagogique, scientifique et culturel, et qu’elle a par conséquent sa place dans une Cité des sciences (à Paris comme ailleurs), à condition de confirmer et d’indiquer clairement que les corps exposés ont fait l’objet d’un don pour une exposition et d’en interdire l’accès aux enfants (de moins de 13 ans ?) non accompagnés ».
-
[8]
Les Cahiers du CCNE, 54, 2008, p. 52.
-
[9]
Ibid., p. 53.
-
[10]
Ibid.
-
[11]
Cet argument est invalidé si l’on se réfère, entre autres, aux usages en Mongolie, où la pratique consiste à déposer les morts à même le sol sans les enterrer, donc en les gardant visibles, et à les laisser dévorer par les animaux. Cf. Delaplace (G.), L’invention des morts. Sépultures, fantômes et photographie en Mongolie contemporaine, Paris, CEMS/EPHE, 2008.
-
[12]
Les Cahiers du CCNE, op. cit., p. 53.
-
[13]
Disponible sur : http://www.hermeneute.com/ourbody/ ; consulté le 1er septembre 2009.
-
[14]
Certains indiquent plusieurs professions.
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[15]
Le site met en ligne au total 1303 signataires.
-
[16]
Arrêté le 11 septembre 2009.
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[17]
Le site était disponible sur : http://www.ourbodyacorpsouvert.com/accueil.php ; consulté le 1er septembre 2009.
-
[18]
Cf. Bourdieu (P.), dir., Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965, p. 134-137.
-
[19]
Cf. Latour (B.), L’espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l’activité scientifique, Paris, La Découverte, 2001 (1re éd. 1999).
-
[20]
Sur le musée Dupuytren, cf. Dias (D.), « Le corps en vitrine. Éléments pour une recherche sur les collections médicales », Terrain, 18, 1992.
-
[21]
Lauwers (M.), La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen Âge, Paris, Beauchesne, 1996.
-
[22]
Ibid., p. 205.
-
[23]
Bondaz (J.), « Mort de l’objet et vif du sujet. Des fétiches au Musée national du Mali », in Bonhomme (J.), Cros (M.), dir., Déjouer la mort en Afrique. Or, orphelins, fantômes, trophées et fétiches, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 143.
-
[24]
Cambry (J.), Rapport sur les sépultures, présenté à l’administration centrale du département de la Seine, Paris, imprimerie Pierre Didot l’aîné, an VII, p. 13 et p. 22.
-
[25]
Sueur (J.-P.), « Crémation et statut des cendres : pourquoi une loi est nécessaire ? », Études sur la mort, 132, 2007, p. 19-22.
-
[26]
Au sens de Gell (A.), L’art et ses agents, une théorie anthropologique, Dijon, Les Presses du Réel, 2009 (1re éd. 1998), p. 8.
-
[27]
Gorer avait soutenu, avant Ariès, que la reconnaissance du deuil au Royaume-Uni dans les années 1950 avait pratiquement disparu et que la réaction de la majorité des Britanniques serait un « déni de la douleur ». Cf. Gorer (G.), Ni pleurs ni couronnes, Paris, EPEL, 1995 (1re éd. 1965).
-
[28]
Les citations résumant cette thèse, développée dans plusieurs publications d’Ariès, sont tirées de la synthèse qu’il en donne dans « La mort interdite », in Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 1975, p. 65-66.
-
[29]
Cf. Iacub (M.), De la pornographie en Amérique. La liberté d’expression à l’âge de la démocratie délibérative, Paris, Fayard, 2010.
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[30]
Favret-Saada (J.), « On y croit toujours plus qu’on ne croit. Sur le manuel vaudou d’un président », L’Homme, 190, 2009.
-
[31]
Cf. Heinich (N.), La fabrique du patrimoine. « De la cathédrale à la petite cuillère », Paris, Éd. de la MSH, 2009, p. 257-259.
-
[32]
L’article 222-32 du Code pénal dispose que : « L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
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[33]
Comme dans l’affaire de la « Vénus Hottentote », restituée à l’Afrique du Sud, et dans celle des têtes maories, qu’une loi votée en 2010 oblige à restituer à la Nouvelle-Zélande.
1Les restes humains peuvent être exposés en France dans des musées au milieu d’œuvres d’art ou de panneaux explicatifs scientifiques [1]. Un visiteur curieux de ces choses-là peut, à Paris, contempler une momie au musée du Louvre ou encore des morceaux de corps enfermés dans des bocaux et noyés dans un liquide conservateur au musée Dupuytren et au muséum national d’histoire naturelle. Pourtant, montrer et voir un cadavre humain ne sont pas des actes comparables au fait de présenter et de contempler La Joconde de Léonard de Vinci, un urinoir signé « R. Mutt » par Marcel Duchamp ou une chaise dessinée par Charles Eames, mais ce sont des actes soumis à des contraintes juridiques aussi fortes que montrer et voir des actes sexuels. La loi française permet qu’en certaines circonstances précises, telles que des spectacles érotiques et des boîtes échangistes, un sujet puisse jouir du regard porté sur sa sexualité par un public, mais elle interdit hors de ces modalités d’imposer à autrui une exhibition sexuelle publique [2]. Les exhibitions de restes humains ne sont pas davantage autorisées, sauf en certaines circonstances. Pourquoi les restes humains ne peuvent-ils pas être exposés au même titre que d’autres objets comme un chef-d’œuvre de la Renaissance italienne, un urinoir transformé en ready-made ou une chaise qui pourraient être exposés tant dans des espaces publics que privés ? Pourquoi sont-ils soumis à des interdits d’exhibition comme les actes sexuels ?
2Le cas d’une exposition de restes humains, Our Body, qui s’est tenue en France en 2008 et 2009 permettra de présenter, en partant de la controverse dont elle a fait l’objet, les justifications de ceux qui, dans l’espace public, en réclament l’interdiction et de ceux qui, au contraire, la défendent. Mais de la même manière que des accouplements sexuels peuvent se produire et être regardés dans des saunas gays ou des clubs échangistes, il existe des restes humains qu’il est possible de contempler dans des musées, ce qui nous conduira ensuite à nous interroger sur les conditions permettant une telle exception. Enfin seront examinés les arguments déployés par les juges qui ont finalement interdit cette exposition alors qu’elle se déroulait à Paris. Nous ferons alors apparaître comment s’établit une catégorie exceptionnelle d’objets, les restes humains, auxquels on prête des qualités d’une part relevant de comportements humains, faisant appel au consentement, et d’autre part propres aux non-humains, comme une chaise ou La Joconde.
3Il convient de préciser, au préalable, que ce que l’on désigne comme un cadavre et des restes humains résulte d’un système d’actions, notamment linguistiques. En droit romain, ainsi que l’a montré Yan Thomas [3], ce qui est humain et mort se trouve séparé en deux : d’un côté le cadavre (cadaver), de l’autre le corps (corpus), qu’il ait été réduit ou non à des ossements ou à des cendres (voir l’inscription portée sur les tombeaux : Corpus aut ossa aut cineres). Ce sont les circonstances rituelles et juridiques qui déterminent si l’on est en présence d’un cadavre ou d’un corps, et non l’état physique. On appelle « cadavre » ce qui est privé de sépulture et à l’écart de tout soin rituel et de toute organisation juridique [4]. Le « cadavre » n’est donc affecté d’aucune sacralité de principe.
L’enquête menée, qui s’inscrit dans un travail en cours portant plus largement sur le droit à disposer des cendres et des restes humains, s’appuiera sur trois types de matériaux. Le premier ensemble de matériaux est constitué d’un corpus de justifications déployées d’un côté par des personnes réclamant par une pétition ouverte l’interdiction de l’exposition, de l’autre par ceux qui en défendent l’ouverture. Le deuxième ensemble est formé d’observations ethnographiques d’expositions et de comportements des visiteurs à l’intérieur de celles-ci (et non pas d’entretiens avec des visiteurs, qui auraient alors présenté des justifications après-coup, ce qui aurait reconduit les problématiques exposées à partir du premier ensemble de matériaux). Le dernier ensemble comprend la législation funéraire et la jurisprudence concernant l’exposition Our Body.
La controverse concernant Our Body
4En février 2009 à Paris, dans l’Espace 12 Madeleine, une « exposition anatomique de vrais corps humains » (elle est ainsi présentée par ses organisateurs) s’ouvre aux visiteurs, sous le titre Our Body. À corps ouvert. C’est déjà sa troisième étape en France, après Lyon et Marseille. Selon les organisateurs, plus de trente millions de visiteurs l’auraient déjà vue dans le monde, notamment aux États-Unis où elle a été exposée, entre autres, au Science Center d’Orlando (2006-2007), à celui de Detroit (2007) et au Science Museum d’Oklahoma (2007).
5Our Body présente plusieurs « véritables corps plastifiés », entiers ou en morceaux, selon l’expression utilisée par les organisateurs de l’exposition [5]. Après que les corps morts ont été stabilisés dans une solution empêchant la dégradation des cellules, puis déshydratés, ils ont été injectés de plastique liquéfié, technique dite de « l’imprégnation polymérique ». Tant dans le catalogue, dans les plaquettes, dans la présentation du site internet que dans l’exposition elle-même, il n’est jamais question de « cadavres » : l’on nous parle de « corps », d’« organes » ainsi que, dans une moindre proportion, de « spécimens » et de « modèles anatomiques ». À l’entrée de l’exposition, un panneau répète que « le procédé original de conservation des spécimens est appelé imprégnation polymérique ou plastination ». Le site internet nous vante Our Body, « une exposition fascinante, à la fois artistique et éducative », qui « dévoile les mystères de l’anatomie de l’homme », et montre ce qui se trouve « sous la peau ».
6Pour la venue de l’exposition à Paris, les organisateurs avaient envisagé dans un premier temps de présenter celle-ci à la Cité des sciences et de l’industrie. Le directeur général de cet établissement avait alors consulté, le 29 juin 2007, le Comité consultatif national d’éthique qui, depuis 1983, rend des avis sur les sujets de société liés à l’évolution des connaissances dans le domaine des sciences de la vie et de la santé [6].
7Dans sa réponse rendue le 23 novembre 2007, une majorité des membres du Comité exprime, sans avoir vu l’exposition qui débute sa tournée en France l’année suivante, un avis négatif [7]. Le Comité émet quatre grandes critiques précédées d’un avertissement en deux points : la mise en scène de l’exposition comporterait un aspect commercial en contradiction avec l’interdiction de commercialisation du corps humain ; et « le consentement antérieur des sujets ne paraît pas établi de façon irréfutable ». Les arguments avancés par le Comité étant repris par la suite, il est nécessaire de les exposer et, dans le même temps, d’éprouver leur cohérence. Cette méthode d’analyse ne place pas le sociologue en surplomb, en ce que celui-ci ne dévoile pas aux acteurs concernés des principes cachés qui sous-tendraient les actions ayant amené ceux-là à émettre leur avis, mais elle engage le sociologue sur le même plan que les rédacteurs de l’avis.
8Le premier ensemble de critiques porte sur la marchandisation du corps humain. L’exposition ferait davantage appel au « voyeurisme » qu’à la pédagogie et à la science. Le terme de « voyeurisme » renvoie directement aux actes sexuels, même si par extension il peut être compris comme l’observation d’une intimité plus large que celle attribuée à la sexualité. La disqualification du caractère scientifique proviendrait de l’authenticité même des restes humains. Or, explique le Comité, « s’il s’agit notamment d’une éducation anatomique du public, on sait qu’un dessin est toujours plus explicite qu’une photo, et il est probable que des figures de plastique illustreraient mieux ce qu’on souhaite enseigner » [8]. En bref, si le plastique est pédagogique, les corps injectés de plastique ne le seraient pas. Cependant, pour un public déjà « instruit », comme les étudiants en médecine, « une telle exposition est vraiment instructive », tandis que le public « non instruit » serait incapable de déchiffrer les détails des corps exposés.
9Deuxièmement, l’exposition introduirait un regard techniciste sur des corps présentés de manière technique et industrielle, « qui n’est pas sans rappeler le traitement des cadavres dans les camps d’extermination » [9] par les nazis, lors de la Seconde Guerre mondiale. Troisièmement, l’exposition « peut heurter des convictions profondes » de ceux qui ne partageraient pas l’image du corps et de l’homme véhiculée par l’exposition. Ce serait donc au nom du respect des « convictions profondes » qu’il faudrait ne pas la montrer. L’hypothèse d’un spectateur qui, ne souhaitant pas voir ce qui le heurte, en détournerait le regard, n’est pas envisagée. Le quatrième ensemble de critiques porte sur la représentation de la mort. « Bien qu’anonymes, les corps représentés », estime le Comité, « n’ont pas moins été des individus ; leur exhibition (et leur réification) constituent une atteinte à leur identité, et donc à leur dignité » [10]. Or la plupart des civilisations (l’avis ne précise pas lesquelles) auraient cherché à éviter de telles formes de manque de respect pour des « dépouilles réelles » [11].
10Intervient alors une argumentation aux allures sophistiquées : « Ou la mort de l’autre est bouleversante et cet autre existe, ou la mort de l’autre est une représentation virtuelle (d’autant plus virtuelle que la posture est celle d’un vivant) et cet autre a la même virtualité. Vouloir relier le réel et le virtuel ne peut que nous rapprocher du mépris de nous-même en tant qu’humain [12]. » En clair, dès lors qu’il y aurait une représentation de la mort d’un être humain, celui-ci deviendrait par contrecoup « virtuel » et non pas « réel ». Cela signifierait que la mort de l’autre, pour que celui-ci soit « réel », devrait ne pas être représentée. Enfin, associer la « représentation » de la mort de quelqu’un et la « réalité » de l’existence de cette personne serait une attitude de mépris, non pas seulement pour la personne, mais pour « l’humain » en général.
11Ce raisonnement soulève plusieurs difficultés. Tout d’abord, on ne voit pas pourquoi une représentation rendrait « virtuelle » la personne qu’elle représente : le portrait, peint, sculpté ou photographié, d’une personne morte ne transforme pas celle-ci de « réelle » en « virtuelle ». Cependant, l’articulation la moins logique du raisonnement est de considérer que les restes humains plastifiés ne sont pas la personne elle-même, mais deviennent une représentation de celle-ci. Comment le corps d’une personne morte, même transformée, peut-il devenir sa représentation ? Des dessins ou des figures de plastique ne sont-ils pas, davantage qu’un cadavre, des représentations ? Enfin, le lien de causalité entre l’association du virtuel et du réel d’une part, et le mépris de l’humain qui en résulterait d’autre part, reste fort énigmatique.
12À la suite de l’avis négatif du Comité consultatif national d’éthique, les responsables de la Cité des sciences et de l’industrie refusent d’accueillir Our Body lors de son étape parisienne.
13Pendant que Our Body est exposée à Lyon du 28 mai jusqu’au 26 octobre 2008, des protestataires créent, au début du mois de juin 2008, un site internet qui réclame par une pétition la suspension de l’exposition. Puis l’exposition est montrée sans encombre à Marseille (de novembre à décembre 2008). Une semaine après le début de l’exposition à Paris le 12 février 2009 dans l’Espace 12 Madeleine, espace appartenant à une société privée, le site internet est rouvert [13]. Il affiche une liste des trente-trois premiers signataires d’une pétition réclamant l’interdiction de l’exposition parisienne, qui est censée durer jusqu’au 10 mai. Les signataires se disent enseignants dans le supérieur (11), psychanalystes (11), chercheurs en sciences sociales (4), retraités (2), psychologue clinicien (1), psychothérapeute (1), médecin (1), infirmière (1) ou encore prêtre (1) [14].
14D’après la pétition, Our Body exhiberait un « zoo humain cadavérique ». Les « cadavres », plastifiés « selon la méthode » d’un Allemand, Gunther von Hagens, seraient ceux de détenus chinois, peut-être d’opposants politiques, comme ceux appartenant au mouvement Falun Gong. Hagens, lui-même professeur invité à la Dalian Medical University, posséderait une entreprise vendant au monde entier les corps plastifiés d’anciens détenus chinois, et il aurait reconnu que « certains des corps qu’il avait exposés en Allemagne avaient une balle dans la tête ». Le père du professeur-industriel Hagens serait un ancien gradé SS et le représentant commercial de l’entreprise en Pologne. Our Body est ainsi connecté d’une part à l’Allemagne hitlérienne, car le traitement des corps serait du même ordre que celui pratiqué par les nazis, et d’autre part à une Chine non démocratique, d’où seraient issus des cadavres pouvant être ceux d’opposants politiques.
15Le site de la pétition a publié les noms des mille premiers signataires, qui avaient la possibilité d’inscrire un bref commentaire [15]. Parmi ceux-ci, 380 l’ont fait, sans indiquer, le plus souvent, leur profession. Ce corpus a été indexé afin de faire ressortir les occurrences des mots et des arguments les plus employés.
16Les pétitionnaires estiment que l’exposition est « ignoble, immonde, monstrueuse, abjecte, intolérable, scandaleuse, horrible, choquante », ces termes étant employés dans 23 % des messages. Ils dénoncent une « marchandisation du corps humain » et le fait que l’on puisse gagner de l’argent à partir de l’exposition de cadavres (dans 21 % des messages). Ils déplorent le manque de respect, tant pour les morts que pour les vivants, et l’atteinte à la dignité humaine (20 % des messages). La référence à l’humain ou à l’humanité (et non pas à l’homme, terme peu usité) est fréquente (21 % des messages). Une telle exposition provoque encore un sentiment de honte, d’écœurement et une envie de vomir (7 % des messages). Certains dénoncent le « voyeurisme » proposé par Our Body (7 % des messages ; par exemple : « Ce voyeurisme macabre est assez vomitif »). Par contre, les messages se réfèrent peu de façon directe à la morale et à l’éthique (3,7 % des messages), et ils évoquent rarement le consentement que n’auraient pas donné ceux dont les corps sont exposés (1,5 % des messages). Un seul message évoque la profanation que constituerait une telle exposition ou à laquelle elle équivaudrait.
17Deux arguments reviennent plus souvent que d’autres : l’exposition ne serait ni artistique (11,6 % des messages), ni scientifique et pédagogique (dans 7,1 % des messages), les deux étant souvent corrélés (37 % des messages niant principalement le caractère scientifique de l’exposition nient aussi son caractère artistique ; et 23 % des messages niant d’abord son caractère artistique dénient aussi son caractère scientifique). L’un et l’autre de ces arguments sont par ailleurs fréquemment attachés à la dénonciation de la marchandisation et du profit (37 % des messages niant le caractère scientifique, et 27 % des messages niant le caractère artistique).
18Vingt-six messages (6,8 % de l’ensemble) estiment que l’exposition est l’expression d’une décadence, d’une régression ou d’un recul (ainsi : « Dans cette supposée exposition “artistique” je vois plutôt une expression de décadence… »). Cet argument est aussi associé à celui de la marchandisation (dans près d’un quart des messages parlant de décadence ; par exemple : « Décadence d’une société : le corps mort est devenu marchandise ! »).
19Enfin, dix-neuf messages (5 % de l’ensemble) comportent une référence au nazisme (par exemples : « Exposition totalement immonde et abjecte, digne des méthodes nazies » ; « “Pornographie néo-nazie” devrait être le titre exact de cette exposition »). Le nazisme est connecté à la dénonciation de la marchandisation (dans près d’un tiers des messages ; par exemple : « La marchandisation de toutes les activités humaines nous conduit directement à des pratiques identiques à celles des nazis : tous les moyens sont bons et les fins ne comptent plus »), mais très peu à la négation du caractère scientifique ou artistique de l’exposition (un cas pour chaque). La référence au nazisme n’est, par contre, jamais associée à celle au voyeurisme.
20Les messages réclamant l’interdiction de l’exposition peuvent donc être répartis en un nombre limité de justifications : le manque de respect, l’atteinte à la dignité, la marchandisation des corps, la négation du caractère artistique ou scientifique, le voyeurisme, et le rapprochement avec le nazisme. Ces arguments ont déjà tous été exprimés par le Comité consultatif national d’éthique. Mais à la différence des membres du Comité, les pétitionnaires peuvent dire en plus leur dégoût, et parfois affirmer leur sentiment de vivre dans une société décadente.
Les responsables de Our Body avaient, de leur côté, organisé eux-mêmes un site [16]. Celui-ci publiait une présentation de l’exposition, et il offrait la possibilité de publier des commentaires. Une semaine avant que le site ne ferme [17], celui-ci comportait 108 commentaires qui ont été, eux aussi, indexés, afin d’analyser les justifications en faveur de l’exposition.
Environ les deux tiers (67 %) des commentaires sont favorables à l’exposition, un peu plus d’un quart la condamne (27 %), le reste ne se prononçant ni pour ni contre. Au total, trente et un messages seulement témoignent d’une visite à l’exposition, dont vingt-neuf en faveur de celle-ci, et seulement deux la condamnant. Les signatures se réduisent souvent à un prénom, et il n’est pas possible d’authentifier, de la même manière que pour la pétition réclamant l’interdiction, les signataires, c’est-à-dire de savoir si les commentaires ont été postés par les organisateurs, et si une même personne en a posté plusieurs sous des identités différentes. Ces limites ne retirent pas l’intérêt présenté par ces messages qui exposent les différents arguments en faveur de Our Body. Une partie des messages a été publiée après l’interdiction de l’exposition et commente celle-ci.
Les partisans de Our Body (soixante-treize messages) mettent souvent en avant son caractère médical (vingt et un messages), et plus largement scientifique (quatorze messages), ainsi que son aspect éducatif et pédagogique (vingt messages). Un message relève une erreur dans l’un des panneaux de l’exposition (« Vous écrivez dans une petite vitrine à côté du squelette d’une main, que la main comprend 23 os. En réalité, elle en comporte 27 (8 os du carpe, 5 métacarpiens et 14 phalanges. »). Le dégoût et l’horreur des opposants cèdent la place à l’admiration (quinze messages, qualifiant notamment l’exposition d’« époustouflante », « incroyable », « prodigieuse », « impressionnante », et faisant part d’un sentiment de « stupéfaction » et d’« ébahissement »), et à l’affirmation de la beauté de l’exposition (6 messages). Les cadavres exposés sont toutefois rarement considérés comme artistiques (quatre messages).
Visiter Our Body suffirait à modifier le point de vue des visiteurs (sept messages). Certains témoignent de leur appréhension avant la visite et de leur admiration après coup (« Je pensais être choqué, et j’en suis ressorti émerveillé »), ce qui ne les empêche pas de se plaindre parfois du prix d’entrée « trop élevé ». Les critiques et l’interdiction sont condamnées en faisant appel, outre le progrès scientifique, au principe de la démocratie elle-même, qui est de garantir la liberté d’expression et le libre choix de pouvoir se rendre ou non à cette exposition (dix-huit messages tels que : « Si cette exposition dérange certaines personnes, qu’elles n’y aillent pas. On ne leur demande rien. Mais qu’elles laissent les autres faire leur choix » ; « Bientôt on n’aura plus le droit de respirer en France sans prendre une amende et il faut laisser la liberté aux gens de voir ça si ça les intéresse »). Les partisans de l’exposition, soulignant la matérialité du corps humain réduit aux matières qui le composent (trois messages) peuvent parfois se revendiquer de l’athéisme contre des critiques qu’ils accusent d’être religieuses (trois messages).
Cependant, un des arguments les plus utilisés pour légitimer l’exposition est la comparaison avec d’autres cas, qu’ils soient présentés comme fictionnels ou réels : les représentations d’écorchés par de grands artistes tels que Léonard de Vinci (deux messages) et Fragonard (deux messages), les cadavres montrés à la télévision aux informations (trois messages : « Bizarrement voir des cadavres tous les soirs au 20 h ne vous semble pas “immoral”. Alors que ces personnes n’ont elles rien demandé »), et les films d’horreur (un message). Un des points d’appui les plus solides pour s’indigner d’une injustice concernant Our Body est que l’exhibition de cadavres est autorisée dans des musées, que ces cadavres soient ceux d’animaux empaillés (au muséum d’histoire naturelle, un message), des restes humains plongés dans un liquide conservateur (quatre messages) comme ceux du musée Dupuytren (un message), ou des momies (quatre messages). Ce sont les conditions d’exposition des restes humains dans ces musées qu’il convient maintenant d’examiner.
Du monopole muséal de l’exposition des cadavres
21Dans les messages relevés, des pétitionnaires estiment que l’exposition Our Body ne relevait ni de l’art, ni de la science. Cependant, des objets ne deviennent artistiques ou scientifiques qu’au terme d’opérations effectuées par certains acteurs. Une photographie n’est une œuvre d’art et non pas un souvenir familial que si une instance de légitimation l’instaure comme telle [18]. Mais l’instance de légitimation ne suffit pas ; il faut encore que les objets soient pris dans des réseaux et que des agencements créent des correspondances entre ces objets et des énoncés, comme lorsque Pasteur et le ferment lactique échangent et enrichissent mutuellement leurs propriétés [19]. La comparaison entre Our body et plusieurs musées où des restes humains sont présentés montrera que lorsque font défaut tant une instance de légitimation que des opérations de traduction permettant aux activités scientifique et artistique de réussir, des restes humains ne peuvent accéder ni à l’art ni à la science. La question se pose alors de savoir, comme cela a été le cas pour Our Body, si les restes humains ne devraient pas être plutôt au cimetière.
22Au contraire de la société organisatrice de l’exposition Our Body, certains musées publics français exposent des restes humains sans que personne ne songe à en demander l’interdiction : ce sont le musée du Louvre et le muséum d’histoire naturelle (qui appartiennent en propre à l’État) et le musée Dupuytren, qui dépend de l’université Pierre-et-Marie-Curie et qui est installé dans les locaux de la faculté de médecine Paris-Descartes [20]. Comparons les corps montrés dans ces musées avec ceux de l’exposition Our Body en prenant en compte la disposition spatiale, les éléments de présentation, l’aspect commercial, la transformation opérée sur les restes humains exposés, et les réactions des visiteurs.
23Our Body dédiait six espaces aux différents systèmes organiques (musculo-squelettique, nerveux, uro-génital, respiratoire, digestif et cardio-vasculaire). La galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du muséum, le musée Dupuytren et le musée du Louvre sont, eux aussi, organisés en sections. Les vitrines de la galerie d’anatomie sont divisées selon la respiration, la digestion, les viscères, le système nerveux, la circulation, et elles comportent une division de tératologie. Dans ces vitrines, se trouvent principalement des restes d’animaux, ainsi que des restes humains. L’anatomie comparée « permet d’estimer les degrés de parenté et de comprendre les adaptations des espèces animales », comme l’indique un écriteau à l’entrée de la galerie.
24De moindre proportion que la galerie d’anatomie, le musée Dupuytren, consacré aux pathologies anatomiques, est composé d’une grande et unique salle, dans laquelle sont disposées des étagères vitrées. Quatre catégories d’objets sont exposées de manière permanente. Premièrement, des morceaux de corps humains sont plongés dans des bocaux, avec des étiquettes indiquant ce dont il s’agit. Ils sont caractérisés par une pathologie, telle que « la main droite d’une femme de 63 ans ayant une arthrite chronique tuberculeuse » dans un bocal avec du liquide conservateur. Ensuite, l’on peut voir de réalistes moulages en cire de morceaux de corps humains. Troisièmement, des ossements sont exposés. Ainsi un squelette est posé sur un tissu, dans un coffret aux parois en verre et porte l’indication : « Ramollissement général des os avec déformation complète des membres et du tronc observé chez Anne Elisabeth Querian, femme Supiot, membre de l’acad. des Sciences, années 1752 et 1753 ». Quatrièmement, des bustes de médecins (tels Antoine Petit, etc.) sont posés sur les étagères le long du mur, et surplombent les visiteurs. En dehors des cartons accolés aux morceaux humains (et qui ne sont pas systématiques), il n’existe aucun panneau explicatif plus général. Le caractère pédagogique des restes humains exhibés n’est donc nullement facilement compréhensible pour les visiteurs qui ne sont pas des professionnels de la médecine.
25La galerie d’anatomie est dotée de davantage de supports pédagogiques (pancartes, écrans) que le musée Dupuytren. Elle partage avec ce dernier la présence de bustes de scientifiques (tels Geoffroy Saint-Hilaire, Blainville, etc.), d’ossements, de moulages et de bocaux dans lesquels sont immergés des morceaux de corps, la différence étant que la plupart de ceux-ci sont animaliers.
26Au musée du Louvre, dans le département de l’Égypte antique, plusieurs salles sont consacrées aux morts. Dans l’une d’entre elles repose une momie recouverte de ses « cartonnages », de l’époque ptolémaïque (IIIe-IIe siècles avant J.-C.). Dans la même vitrine que la momie, sont placés un lit funéraire, quatre vases canopes, un godet à huile d’embaumement, ainsi que des instruments pour introduire des produits d’embaumement dans les narines. Une pancarte explique la technique de l’embaumement. Dans les salles attenantes, les visiteurs peuvent contempler des sarcophages, des troupes de serviteurs funéraires et des papyrus du Livre des morts.
27Dans l’exposition Our Body, les corps et morceaux corporels plastifiés sont accompagnés toujours de cartons indiquant de quelle partie il s’agit. Des panneaux expliquent plus généralement le sens de la section dans laquelle ceux-là sont montrés. Si l’on mesure la pédagogie d’une exposition en fonction de la division en sections reprenant des catégories « scientifiques », des indications portées à la connaissance des visiteurs par des cartons, des pancartes et des vidéos, Our Body est plus pédagogique que le musée Dupuytren, et autant que le musée du Louvre et le muséum d’histoire naturelle.
28L’une des critiques adressées à Our Body est celui de l’exploitation commerciale. Si cette exposition a le prix d’entrée le plus élevé (12,5 euros plein tarif), tous les autres musées sont aussi payants (le prix du ticket plein tarif de la galerie anatomique du muséum s’élève à 7 euros). L’argument selon lequel les cadavres, pour être respectés, seraient à tenir éloignés de tout rapport économique profitable est, par ailleurs, récent. Les morts ont permis l’enrichissement de l’Église catholique, notamment au Moyen Âge. D’après Michel Lauwers [21], l’institution ecclésiale s’est efforcée aux XIe et XIIe siècles d’exercer un contrôle plus strict sur le culte des défunts. La manipulation rituelle des cadavres, sous la forme de transferts d’ossements, est alors une pratique courante. « Les morts étaient, écrit Lauwers, sources de richesses, d’autorité et de pouvoir [22]. » Les sépultures et les reliques étaient à l’origine de dons qui garantissaient la fortune de la communauté qui les possédait.
En outre, une critique adressée par les juges qui ont statué sur la demande d’interdiction de Our Body concerne la transformation des corps, dont les colorations seraient « arbitraires ». Toutefois, ces colorations ne sont pas moins « arbitraires » que celles des moulages en cire exposés dans le musée Dupuytren et au muséum, tandis que les morceaux de corps plongés dans des liquides fixateurs n’ont pas gardé la couleur qu’ils possédaient lorsqu’ils étaient des parties de corps vivants.
29Les visiteurs de l’exposition Our Body sont plongés dans l’obscurité, les murs sont couverts de tissu noir, et des projecteurs sont braqués sur les restes humains qui, placés ou non dans des vitrines, sont les seuls à être dans la lumière. Il ne fait aucun doute, pour les visiteurs, que les corps exposés sont morts, puisqu’ils sont désignés comme tels. Mais cet état, qui semble une évidence, résulte de l’agencement dans lequel les corps sont placés. Car, en d’autres circonstances, comme pour certains visiteurs ou agents du Musée national du Mali, les objets rituels exposés ou conservés sont « vivants ». Ainsi un agent du musée peut « communiquer » avec des objets conservés dans la réserve, tandis qu’un visiteur peut féliciter un objet dans une salle [23].
À l’exposition Our Body, les visiteurs ne communiquent ni ne félicitent les cadavres mais ils pointent avec leur doigt des parties à l’intérieur des corps exhibés pour montrer ce qu’ils identifient et, souvent, ils cherchent à les repérer ensuite sur eux-mêmes, comme en témoignent les observations suivantes, notées lors de visites à l’Espace 12 Madeleine en avril 2009 :
- Devant un corps bandant un arc, deux femmes d’environ soixante ans, montrent du doigt des muscles et elles cherchent à comprendre comment ceux-ci fonctionnent.
- Un corps en position debout présente le système uro-génital d’une femme. Côté dos, une pancarte reproduit ce corps, avec des flèches indiquant les parties suivantes : cerveau, deltoïde, trapèze, triceps, grand fessier. Trois femmes, d’environ soixante ans, commentent en pointant du doigt le corps : « C’est tout petit. » « Là, c’est le foie. » « Là, c’est le cœur. » « On voit le cœur qui est au milieu. » « Ah non ! Je dis des bêtises ! Le poumon, il est là. » « Le rein je pensais que c’était plus gros, c’est tout petit. »
- Dans la section consacrée au système nerveux, une mère, d’environ quarante ans, montre à son fils, d’environ dix ans, en lui touchant le corps, où sont situés sur lui les morceaux de corps exposés.
- Deux filles, d’environ dix-huit ans, regardent une vitrine qui contient les os formant une cage thoracique. L’une lit l’étiquette « Cage thoracique ». Elle se met alors à respirer bruyamment pour signifier le rapport entre ce qu’elle voit et sa propre cage thoracique.
- Une femme, d’environ cinquante ans, et un garçon, d’environ quinze ans, sont devant une vitrine. La femme lit le carton à voix haute : « Os du membre supérieur. C’est un bras, ça ! »
31Le rapprochement avec des restes morts exposés dans des musées, qui était présent dans les témoignages des soutiens à l’exposition sur internet, peut surgir parmi les visiteurs :
- Une femme d’environ cinquante ans et une adolescente d’environ dix-huit ans sont devant une vitrine. L’adolescente s’étonne de l’aspect des morceaux de corps. La plus âgée répond : « Ils ont parlé que c’était révolutionnaire comme technique de conservation. » Puis regardant un corps figé comme s’il courait, l’adolescente réitère son étonnement devant l’aspect conservé des muscles ; l’autre répond : « C’est un procédé révolutionnaire de conservation ! Et regarde les momies ! » [sous-entendu : les momies égyptiennes aussi sont très bien conservées].
32Dans la galerie d’anatomie du muséum, le mode de réaction des visiteurs n’est pas différent de celui observé à l’exposition Our Body. Ceux-ci peuvent s’étonner, s’exclamer et comparer avec leur propre corps les morceaux de restes d’animaux et d’humains dans des bocaux, les moulages et les ossements exposés (observations d’août 2009) :
- Devant un petit squelette humain, et sans avoir lu l’étiquette correspondante, un homme, d’environ trente ans, dit à une femme du même âge : « Comment ça se fait qu’il soit aussi petit ?! » La femme se penche vers l’étiquette, la lit et répond : « C’est un fœtus. Troisième mois de gestation ! »
- Dans la partie « Tératologie », un garçon et une fille, environ vingt ans, regardent un bocal contenant un animal plongé dans un liquide fixateur, et lisent l’étiquette qui lui est associée. Le garçon s’exclame : « Ahhh ! Dégueulasse ! Un chat cyclope ! » Puis ils regardent le bocal posé à côté, son contenu et son étiquette, et le garçon continue : « Oh ! Le cochon cyclope ! » et il le prend en photographie avec son téléphone portable.
La frontière la plus fragile est celle entre l’exposition Our Body et le musée Dupuytren, peu connu, qui n’est pas même un musée national, et dans lequel les informations sont lacunaires, les restes humains étant alignés sur des étagères les uns à côté des autres, souvent enfermés dans des bocaux. Pourtant, le fait d’être intitulé « musée », d’avoir été reconnu comme tel depuis 1835, d’être blotti dans les murs d’une faculté de médecine, placent les restes humains de Dupuytren incontestablement du côté de la science, à mille lieues des restes humains d’Our Body. C’est cette distance que n’ont pas réussi à franchir les organisateurs de cette dernière exposition, arrêtés dans leur élan par l’avis du Comité consultatif national d’éthique qui leur a fermé les portes de la Cité des sciences et de l’industrie.
Des objets qui peuvent avoir donné un consentement
33En mars 2009, deux associations, Solidarité Chine et Ensemble contre la peine de mort, assignent la société organisatrice, Encore Events, au Tribunal de Grande Instance de Paris afin de suspendre Our Body. Solidarité Chine a pour objet d’informer la communauté internationale sur la situation politique et sociale en Chine ; Ensemble contre la peine de mort se bat pour le progrès de la démocratie, des libertés et de la justice dans le monde. Le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans son jugement rendu le 21 avril (n° 09/53100), interdit à la société Encore Events de poursuivre « l’exposition de cadavres et de pièces anatomiques d’origine chinoise » dans un délai de vingt-quatre heures.
34Pour justifier sa décision, le tribunal avance que les « cadavres » et leurs démembrements auraient d’abord vocation à être inhumés ou incinérés ou placés dans des collections scientifiques de personnes morales de droit public. Le juge affirme clairement que « l’espace assigné par la loi au cadavre est celui du cimetière ».
35L’interdiction d’Our Body est une conséquence d’une loi votée quelques semaines plus tôt, dans le consensus des partis politiques, promulguée le 19 décembre 2008, et qui réorganise la législation funéraire. Cette loi a introduit dans le Code civil les deux dispositions sur lesquelles le tribunal s’appuie. Désormais, l’article 16-1-1 indique que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. » Or la commercialisation des corps par leur exposition porterait, d’après le juge, une atteinte manifeste au respect qui leur est dû. En outre, l’article 16-2 précise que « le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci, y compris après la mort » (cette dernière partie, soulignée, ayant été ajoutée par la loi du 19 décembre 2008).
36Il faut, pour comprendre cette évolution, rappeler tout d’abord qu’un décret autorisa en 1976 les proches à emporter les cendres d’un défunt chez eux. L’idée qui sous-tend cette autorisation est que le corps, vivant ou mort, appartient à l’individu, et non pas à une entité supérieure, que celle-ci soit une divinité, « la Nature », « l’Humanité », « la Nation » ou « l’État ». Un être humain libre, soutenait Jacques Cambry dans son Rapport sur les sépultures en l’an VII [24], dispose de ses actions comme il le veut quand il est vivant. Il doit donc disposer tout aussi librement de ses ossements après sa mort. Au nom de cette liberté, les partisans de la « combustion des corps » pendant la Révolution française défendaient non pas que tous les corps morts soient brûlés, mais que chaque être humain décide de leur destination. Depuis les années 1980, la crémation s’est considérablement développée jusqu’à constituer presque 30 % des obsèques, et dans les trois quarts des cas, l’urne était remise aux proches. Or la loi du 19 décembre 2008 revient sur cette liberté revendiquée depuis la Révolution française et qui n’aura duré que trente ans : les proches ne peuvent plus conserver les cendres du défunt parmi eux. Les cendres doivent être soit conservées dans un cimetière, soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet dans un cimetière, soit encore dispersées en pleine nature à un emplacement qui doit être déclaré à la mairie de naissance du défunt.
37Le sénateur Jean-Pierre Sueur, artisan de la loi du 19 décembre 2008, avait justifié celle-ci en dénonçant « l’appropriation privée des cendres » : la multiplication des urnes cinéraires conservées dans des propriétés privées, résultante du décret de 1976, aurait conduit à une multitude de « cimetières privés », et serait « totalement contraire à la conception du cimetière républicain » [25]. De la loi du 19 décembre 2008 et de l’interprétation qu’en donnent les juges, émerge une nouvelle politique générale organisant les vivants et les morts : ce ne sont pas seulement les cendres qui ne peuvent plus être en dehors d’un cimetière (sauf à être dispersées dans la nature, où elles sont « enracinées » dans la terre par une déclaration obligatoire inscrite dans un registre), mais tous les morts, y compris ceux transformés par des injections de plastiques aux couleurs chatoyantes.
Par ailleurs, le tribunal de grande instance récuse l’idée que les « cadavres » présentés puissent être des œuvres d’art ou des supports scientifiques. L’argument avancé pour détacher Our Body du « courant artistique ancien et constant » illustré par « l’écorché » et « la leçon d’anatomie » est que « l’exposition épuise le mouvement artistique dans lequel elle prétend se situer en substituant à la représentation de la chose, la chose même ». Il ne pourrait s’agir d’art car nous n’aurions pas affaire à des représentations de cadavres, mais à de « véritables » cadavres. Le juge trace là une limite claire à ce qui serait de l’art et n’en serait pas. Toutefois cet argument n’est guère cohérent avec la manière dont l’art est conçu en Europe et aux États-Unis depuis le XXe siècle. Un urinoir signé par Duchamp comme une chaise de Eames peuvent être des œuvres d’art et exposées comme telles dans des musées, parce qu’ils s’inscrivent dans un système d’actions [26] qui les produisent comme œuvres d’art. L’argument est d’autant plus fragile que les dépouilles ont subi des transformations en étant plastifiées et colorisées. C’est d’ailleurs ces modifications qui servent au tribunal de point d’appui pour écarter la visée pédagogique, revendiquée par les organisateurs, car « la présentation des cadavres et organes met en œuvre des découpages qui ne sont pas scientifiquement légitimes, des colorations arbitraires, des mises en scène déréalisantes ».
Les organisateurs protestent, ferment l’exposition et, bien que celle-ci touche à sa fin, ils font appel de la décision du tribunal de grande instance. Mais la cour d’appel de Paris confirme le 30 avril (n° 09/09315) l’interdiction de l’exposition Our Body. Elle utilise toutefois des arguments différents de ceux du tribunal de grande instance. D’après la cour d’appel, « la protection du cadavre et le respect dû à celui-ci commandent tout d’abord de rechercher si les corps ainsi exposés ont une origine licite et s’il existe un consentement donné par les personnes de leur vivant sur l’utilisation de leur cadavre ». Or l’examen des pièces apportées par les organisateurs de Our Body ne permet pas d’établir l’origine licite des cadavres ni davantage que les personnes ont donné leur consentement à ce que leurs dépouilles soient exhibées.
Conclusion
38La mort serait devenue un « tabou », un « interdit », voire même « l’interdit principal » au XXe siècle. Telle est la thèse soutenue par Philippe Ariès [27]. « L’interdit de la mort » succéderait tout à coup à une très longue période de plusieurs siècles, pendant lesquels la mort aurait été un spectacle public. La cause de ce retournement aurait été « la nécessité du bonheur, le devoir moral et l’obligation sociale de contribuer au bonheur collectif en évitant toute cause de tristesse ou d’ennui », car en montrant quelque signe de tristesse, on pécherait contre le bonheur et la société risquerait de perdre sa raison d’être [28].
39La thèse de « l’interdiction de la mort afin de préserver le bonheur » repose sur une confusion que fait Ariès entre trois éléments logiquement distincts : le processus de la mort affectant une personne, la reconnaissance de ce que celle-ci est morte et la présence de son corps mort, tous rassemblés dans le terme de « la mort ». Dans l’enquête menée ici à partir d’Our Body, la question soulevée ne porte que sur des restes humains, et non pas sur « la mort », à propos de laquelle aucune généralisation ne sera avancée.
40Au premier abord, la thèse de la disparition de la mort en « Occident moderne » soutenue par Ariès pourrait sembler s’accorder partiellement avec les résultats trouvés : un « interdit » empêcherait de montrer les corps morts. Toutefois, cet « interdit » ne s’applique pas à « la mort », et il n’est pas même général, puisque des restes humains sont exposés en permanence dans des musées publics. En outre, il ne s’agit pas d’un « interdit » symbolique, d’un « tabou », mais d’un interdit juridique formulé par des juges. Le problème le plus important concerne la raison invoquée par Ariès : « la préservation du bonheur ». Il n’en est question ni dans les justifications des pétitionnaires demandant à ce que les cadavres ne soient pas montrés, ni dans celles des juges. Les messages des pétitionnaires contre Our Body comme l’avis du Comité consultatif national d’éthique, en se référant au « voyeurisme », témoignent que ce qui leur apparaît condamnable est de tirer du plaisir de ce qui devrait être caché : prendre du plaisir à voir des restes humains serait aussi scandaleux que de jouir en regardant des actes sexuels (alors que, pour la sexualité, c’est l’exhibitionniste qui est juridiquement condamné). La dissimulation de certains restes humains aux regards des vivants ne saurait donc pas s’appuyer sur une justification, « la préservation du bonheur », qui est absente dans les énoncés des acteurs, et dont Ariès lui-même se borne à poser la nécessité sans l’étayer. Cette nécessité supposée ne saurait pas non plus constituer une causalité que le chercheur percevrait depuis une position de surplomb et dont il révélerait la présence cachée. Car l’enquête présente, qui suit au plus près les énoncés des acteurs pour en montrer l’articulation, n’autorise pas le recours à une position de surplomb d’où le chercheur régenterait le sens des conduites et des paroles d’autrui.
41Selon la conception naturaliste qui prévaut en Europe, ce qui fonde, au début du XXIe siècle, la différence entre un cadavre (entier ou morcelé) et un objet quelconque est donc une question à laquelle toutes les choses inanimées autres que les restes humains sont supposées ne pas pouvoir répondre : y a-t-il eu un consentement à être exposé ? Certes, cette question semble se poser aussi dans le cas d’une photographie ou d’un film qui met en jeu le droit à l’image. Mais une photographie ou un film ne sont pas ce qui constitue la personne elle-même : on peut les reproduire, tandis qu’on ne peut pas reproduire des restes humains. Quand bien même la technologie permettrait de « cloner » des restes humains morts à l’identique, il n’en reste pas moins que l’original aurait servi de support à l’existence d’une personne juridique qui aurait été en mesure, de son vivant, de donner un consentement, ce qui n’est pas le cas d’une photographie. Une personne ne peut pas avoir vécu sans les restes humains qui de son vivant formaient la matière de son corps, tandis qu’elle peut avoir vécu sans avoir été prise en photographie.
42En somme, le problème est l’instauration d’une continuité entre la personne et la chose du corps. Certes, il arrive qu’une continuité soit établie par le droit entre une personne et sa représentation, comme dans le cas d’images pornographiques [29] ou encore lorsque le jugement d’une cour d’appel confond le corps humain du président Nicolas Sarkozy et son effigie sous forme de poupée vaudou [30]. Mais, dans l’affaire concernant Our Body, la continuité entre la personne et la chose du corps différencie le cadavre, entier ou en morceaux, des autres choses telles que la Joconde, l’urinoir de Duchamp et la chaise de Eames, ainsi que des cadavres d’animaux. Et un consentement est exigé, avant tout, de la personne juridique, dont sont dépourvus tableaux, sculptures et chaises.
43Le critère déterminant du consentement préalable, avancé par la cour d’appel pour autoriser ou interdire l’exhibition des corps morts, n’est pourtant aucunement satisfait dans les musées où sont exposés des restes humains : ni la momie du Louvre, ni les morts de la galerie d’anatomie et du musée Dupuytren n’ont consenti à être là où ils sont. En France, l’État, par sa politique de patrimonialisation [31] détermine ce qui est à montrer et à voir. Cette politique étatique de ce qui est à conserver pour devoir être vu et montré s’étend aux restes humains, qu’un consentement ait été donné au préalable ou non. L’exhibition de restes humains relève, en France, au début du XXIe siècle, du monopole d’État, après avoir principalement relevé de l’Église, qui pouvait exposer les restes humains que sont les reliques de saints, et les faire circuler, dans des processions lors de fêtes, ou d’un lieu catholique à un autre.
L’exhibition sexuelle est le seul acte de contrainte sexuelle qui sera licite ou illicite selon que le lieu où celui-ci se produit est public ou privé [32]. Les morts sont organisés d’après une autre logique spatiale, celle d’une stricte séparation entre les vivants et les morts, et en dehors de l’espace privé. C’est-à-dire que les morts sont dans l’espace, du moins tel qu’il est ordonné en France, à l’envers de la sexualité. Cette dernière ne peut se montrer que dans l’espace privé. Les restes humains ne doivent pas être conservés dans le privé, sauf dérogation accordée par l’État. Lorsqu’ils sont dans un espace public, les morts ne sont pas montrables de n’importe quelle manière. Il faut qu’ils aient auparavant donné leur consentement à être exposés. On n’exhibe pas un mort malgré lui.
Cette règle souffre cependant une exception de taille. Les institutions que l’État légitime peuvent exposer des restes humains, qu’un consentement ait été donné ou non, dès lors qu’une série d’opérations a transformé ceux-ci en pièces de musée. Si un mort relève de l’œuvre d’art (comme la momie au musée du Louvre) ou de l’objet scientifique (comme les restes mous dans des bocaux exposés au musée Dupuytren), ou plus largement qu’il appartient au patrimoine national et qu’il n’est pas réclamé par un autre État [33], alors son consentement n’est pas exigé.
Notes
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[1]
Je remercie Jeanne Favret-Saada pour sa relecture attentive et ses conseils, et Marcela Iacub pour ses remarques.
-
[2]
Iacub (M.), Par le trou de la serrure. Une histoire de la pudeur publique XIXe-XXIe siècle, Paris, Fayard, 2008.
-
[3]
Thomas (Y.), « Corpus aut ossus aut cineres. La chose religieuse et le commerce », Micrologus, 7, 1999.
-
[4]
La sacralité de la tombe en droit romain ne résulte pas d’une supposée « sacralité du cadavre », contrairement à ce que soutient Jean-Pierre Baud. D’après ce dernier, le cadavre serait, non pas seulement en droit romain mais en général, « une chose sacrée », au sens où le « sacré » aurait pour caractéristique de mettre « en contact un surnaturel qui va jusqu’au sublime et un réel qui possède un tréfonds répugnant ». Mais le « sacré », comme le « cadavre », ne sont pas des notions universellement partagées de la même manière, et sans doute le « sacré » comporte-t-il encore bien plus d’incertitudes et suscite-t-il de controverses plus vives qu’un « cadavre ». Cf. Baud (J.-P.), L’affaire de la main volée. Une histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993, p. 33-40.
-
[5]
« Après la polymérisation, c’est-à-dire la solidification du plastique, le corps peut être conservé dans un état “plastifié” », peut-on lire dans le catalogue de l’exposition (p. 5).
-
[6]
Il ne peut pas être saisi par un citoyen ordinaire, mais seulement par le Président de la République, les Présidents des Assemblées parlementaires, les membres du gouvernement, un établissement d’enseignement supérieur, un établissement public (comme c’est le cas de la Cité des sciences et de l’industrie) ou une fondation reconnue d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche, le développement technologique ou la promotion et la protection de la santé.
-
[7]
Deux membres du Comité sont en désaccord avec la réponse de la majorité, et considèrent que « cette exposition n’est pas répréhensible d’un point de vue éthique, qu’elle a un véritable intérêt pédagogique, scientifique et culturel, et qu’elle a par conséquent sa place dans une Cité des sciences (à Paris comme ailleurs), à condition de confirmer et d’indiquer clairement que les corps exposés ont fait l’objet d’un don pour une exposition et d’en interdire l’accès aux enfants (de moins de 13 ans ?) non accompagnés ».
-
[8]
Les Cahiers du CCNE, 54, 2008, p. 52.
-
[9]
Ibid., p. 53.
-
[10]
Ibid.
-
[11]
Cet argument est invalidé si l’on se réfère, entre autres, aux usages en Mongolie, où la pratique consiste à déposer les morts à même le sol sans les enterrer, donc en les gardant visibles, et à les laisser dévorer par les animaux. Cf. Delaplace (G.), L’invention des morts. Sépultures, fantômes et photographie en Mongolie contemporaine, Paris, CEMS/EPHE, 2008.
-
[12]
Les Cahiers du CCNE, op. cit., p. 53.
-
[13]
Disponible sur : http://www.hermeneute.com/ourbody/ ; consulté le 1er septembre 2009.
-
[14]
Certains indiquent plusieurs professions.
-
[15]
Le site met en ligne au total 1303 signataires.
-
[16]
Arrêté le 11 septembre 2009.
-
[17]
Le site était disponible sur : http://www.ourbodyacorpsouvert.com/accueil.php ; consulté le 1er septembre 2009.
-
[18]
Cf. Bourdieu (P.), dir., Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965, p. 134-137.
-
[19]
Cf. Latour (B.), L’espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l’activité scientifique, Paris, La Découverte, 2001 (1re éd. 1999).
-
[20]
Sur le musée Dupuytren, cf. Dias (D.), « Le corps en vitrine. Éléments pour une recherche sur les collections médicales », Terrain, 18, 1992.
-
[21]
Lauwers (M.), La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen Âge, Paris, Beauchesne, 1996.
-
[22]
Ibid., p. 205.
-
[23]
Bondaz (J.), « Mort de l’objet et vif du sujet. Des fétiches au Musée national du Mali », in Bonhomme (J.), Cros (M.), dir., Déjouer la mort en Afrique. Or, orphelins, fantômes, trophées et fétiches, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 143.
-
[24]
Cambry (J.), Rapport sur les sépultures, présenté à l’administration centrale du département de la Seine, Paris, imprimerie Pierre Didot l’aîné, an VII, p. 13 et p. 22.
-
[25]
Sueur (J.-P.), « Crémation et statut des cendres : pourquoi une loi est nécessaire ? », Études sur la mort, 132, 2007, p. 19-22.
-
[26]
Au sens de Gell (A.), L’art et ses agents, une théorie anthropologique, Dijon, Les Presses du Réel, 2009 (1re éd. 1998), p. 8.
-
[27]
Gorer avait soutenu, avant Ariès, que la reconnaissance du deuil au Royaume-Uni dans les années 1950 avait pratiquement disparu et que la réaction de la majorité des Britanniques serait un « déni de la douleur ». Cf. Gorer (G.), Ni pleurs ni couronnes, Paris, EPEL, 1995 (1re éd. 1965).
-
[28]
Les citations résumant cette thèse, développée dans plusieurs publications d’Ariès, sont tirées de la synthèse qu’il en donne dans « La mort interdite », in Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 1975, p. 65-66.
-
[29]
Cf. Iacub (M.), De la pornographie en Amérique. La liberté d’expression à l’âge de la démocratie délibérative, Paris, Fayard, 2010.
-
[30]
Favret-Saada (J.), « On y croit toujours plus qu’on ne croit. Sur le manuel vaudou d’un président », L’Homme, 190, 2009.
-
[31]
Cf. Heinich (N.), La fabrique du patrimoine. « De la cathédrale à la petite cuillère », Paris, Éd. de la MSH, 2009, p. 257-259.
-
[32]
L’article 222-32 du Code pénal dispose que : « L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
-
[33]
Comme dans l’affaire de la « Vénus Hottentote », restituée à l’Afrique du Sud, et dans celle des têtes maories, qu’une loi votée en 2010 oblige à restituer à la Nouvelle-Zélande.