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Article de revue

Les dessins animés, c’est pas la réalité

Les longs-métrages Disney et leur réception par le jeune public au prisme du genre

Pages 93 à 117

Notes

  • [1]
    Il faut ici préciser que cet article s’appuie sur une enquête menée dans le cadre d’un mémoire de master soutenu à l’EHESS en juin 2013 et retraçant l’itinéraire dans l’espace social des longs métrages d’animation Disney, de leurs origines littéraires et politiques à leur réception par des enfants issus de milieux sociaux variés.
  • [2]
    Il s’agit de Blanche-Neige et les sept nains (1937), Cendrillon (1950), La Belle au bois dormant (1959), Aladdin (1992), Pocahontas (1995), Mulan (1998), Atlantide, l’empire perdu (2001), Raiponce (2010) et Rebelle (2012).
  • [3]
    Il est apparu que cette famille contrôlait plus rigoureusement que les autres les consommations culturelles de l’enfant. La mère de Sylvain nous a ainsi demandé de lui donner préalablement le titre de l’opus visionné avec son fils, conditionnant explicitement la détention de cette information à la réalisation de l’enquête. Si ce contrôle familial existait sans doute ailleurs, et notamment dans les autres familles de milieu favorisé, du moins s’exprimait-il plus silencieusement.
  • [4]
    Alors que les enfants français se sont vus proposer Raiponce dans les salles de cinéma en décembre 2010, c’est sous les titres Tangled et Enredados (emmêlés, enchevêtrés) que le film a été présenté aux publics anglophone et hispanophone. Comme l’a révélé le Los Angeles Times quelques mois avant la sortie du film, ce choix s’explique par la volonté des studios Disney d’attirer un public plus masculin suite au relatif échec commercial de La princesse et la grenouille (2009), accusé de n’avoir pas su capter l’attention des garçons.
  • [5]
    Sur les relations amoureuses enfantines, voir la thèse en cours de Kevin Diter, « La construction et l’intériorisation des représentations de l’amour et de l’amitié chez les enfants de 6 à 11 » (dir. Nathalie Bajos et Muriel Darmon).

1 À l’inverse des films et des séries télévisées, les dessins animés et leurs usages intéressent peu la sociologie du genre ou de la culture. Ils sont placés sous la juridiction d’autres disciplines qui les ont abordés selon d’autres aspects et avec d’autres méthodes. C’est singulièrement sous l’angle de la violence que les dessins animés ont été « psychanalysés » (Allard, 2000 ; Djénati, 2004), cette littérature privilégiant l’analyse de corpus et postulant l’existence d’un lien fort et direct entre images et pratiques. Par ailleurs, bien que l’âge et le sexe des spectateurs – compris comme des variables naturelles – soient systématiquement pris en compte dans ces travaux, la différence des sexes s’y trouve naturalisée et le genre, à l’instar des grandes variables sociologiques, paradoxalement évacué. Bien que cette conception d’une enfance « en apesanteur sociale » (Neveu, 1999, p. 179) se retrouve dans une partie de la littérature sociologique spécialisée jusqu’aux années 1990, les travaux les plus récents ont au contraire mobilisé le milieu social, le genre ou le climat familial comme de nouvelles catégories d’analyse (Darmon, 2008 ; Détrez, Mercklé, Octobre, 2010 ; Arléo, Delalande, 2010). L’utilisation par les sociologues des notions d’« enfant-acteur » ou de « reproduction interprétative » (Octobre, 2011, p. 11) témoigne également du renouveau d’une spécialité qui traite désormais des socialisations – familiale, culturelle, genrée – comme d’un processus de négociation permanente entre l’enfant et les valeurs, modèles et discours que sa famille, la cour d’école ou l’image animée soumettent continûment à son jugement. Depuis le tournant opéré par l’école de Birmingham, les cultural studies anglo-saxonnes et françaises ont défendu une acception similaire des liens unissant l’enfant à son environnement culturel, dépeignant un jeune spectateur au fait des « règles de construction narrative » (Pasquier, 1999, p. 14) et entretenant avec la fiction une relation maîtrisée. Partant de ce cadre analytique, l’enjeu de cet article n’est pas de comprendre ce que les dessins animés font aux enfants mais, à l’inverse, ce que les enfants font des dessins animés.

2 Loin d’être absents d’une culture enfantine qui s’organiserait désormais exclusivement autour des séries télévisées et des jeux vidéo, les dessins animés constituent toujours l’un des produits audiovisuels les plus plébiscités par les jeunes spectateurs, 24 % des filles et 28 % des garçons âgés de 8 à 12 ans leur accordant leur préférence sur d’autres programmes (Casman, 2007, pp 32-33). Parmi eux, les productions Disney, à la fois matrice et archétype du dessin animé moderne, occupent une position singulière. Bien que le procédé technique remonte aux années 1890 environ, les cartoons et les premiers longs-métrages de la firme de Burbank ont largement déterminé les standards esthétiques et narratifs du genre. Les opus les plus célèbres sont des adaptations de contes européens modernes ou, plus rarement, de romans, dont ils reproduisent schématiquement la structure narrative. L’initiation féminine – symbolisée par le mariage – et l’accession au statut d’adulte y apparaissent comme des motifs récurrents. Le choix d’étudier exclusivement les longs-métrages Disney tient enfin à l’ancienneté et à la productivité de la firme. La quantité d’œuvres réalisées depuis 1937 permet de compléter l’étude de réception par une analyse de corpus diachronique dont la pertinence aurait été moindre si elle avait porté sur des productions Dreamworks ou Pixar datant des années 1990 [1].

3 Les problématiques retenues regardent simultanément la relation enfant-média dans sa matérialité (posture, degré d’attention, réactions verbales ou émotionnelles) et dans sa dimension à la fois esthétique et morale, si l’on qualifie ainsi la maîtrise par l’enfant des conventions narratives et les jugements éthiques formulés en présence de l’enquêteur. Quel sens social accorder à une écoute distante ou attentive, individuelle ou collective ? Quel(s) usage(s) identitaire(s) les enfants font-ils des modèles masculins et féminins présents dans ces longs-métrages et, enfin, quel rôle leur environnement social, notamment l’environnement scolaire, remplit-il dans ces dynamiques ?

4 Le dispositif d’enquête conçu pour répondre à ces interrogations repose sur la complémentarité d’une observation ethnographique de la réception des dessins animés étudiés, et d’une série d’entretiens menés auprès d’un échantillon mixte de 20 enfants âgés de 6 à 12 ans et issus de milieux sociaux variés. Ont ainsi été enquêtés à leur domicile des enfants de P.D.G de la banlieue nord-parisienne huppée comme des enfants de fonctionnaires territoriaux. Les enfants issus des classes populaires et des catégories immigrées ont été rencontrés durant les vacances scolaires dans une école publique du 20e arrondissement parisien, servant à cette occasion de centre de loisir. Le volet ethnographique de l’enquête consistait à montrer aux enfants un dessin animé de leur choix parmi les suivants : Cendrillon (1950), Aladdin (1992), Mulan (1998), Atlantide (2001), Raiponce (2010) et Rebelle (2012). À l’exception de Rebelle, ces six opus ont pour caractéristique commune de retracer la formation d’un couple hétérosexuel et d’édicter, en filigrane, toute une grammaire des rapports de séduction et des comportements sexués. La visualisation du film était l’occasion d’observer leurs remarques, leurs réactions émotionnelles et leur comportement général. Les notes consignées à cet effet ont par ailleurs servi de support lors des entretiens conduits à la suite. Constituant le second volet du dispositif d’enquête, ces entretiens semi-directifs individuels ou groupés, réalisés consécutivement à la projection du film, visaient à cerner les représentations du masculin et du féminin des enquêté(e)s et à comprendre dans quelle mesure ces représentations agissent sur leur rapport au film. Ce choix méthodologique tient essentiellement au constat préalable de l’inadéquation des techniques d’enquête quantitatives à une étude de réception menée auprès d’un public peu habitué à la mise en mots des affects.

5 Cet article analyse dans un premier temps les représentations du genre dans les longs-métrages Disney, leurs origines et leurs évolutions à travers le temps. Il étudie ensuite la réception de ces œuvres sous trois angles successifs. Celui, d’abord, des rapports entre genre, âge et préférences cinématographiques, partant du constat empirique de l’existence d’attentes et de préférence fortement sexuées. Celui, ensuite, des capacités des enfants à se détacher de la fiction et de leur maîtrise des conventions narratives. Celui, enfin, des rapports entre genre, critiques et attentes spectatorielles, soit des liens existant entre l’identité de genre et l’expérience quotidienne des enfants d’une part et les critiques morales que ces derniers adressent d’autre part aux œuvres étudiées.

Les représentations des rapports sociaux de sexes dans les longs-métrages disney

6 L’analyse de neuf longs-métrages Disney produits entre 1937 et 2012 [2] permet d’observer les origines et l’évolution des représentations du masculin et du féminin. À la manière d’un mille-feuille, ces œuvres présentent pour la plupart une structure particulière, agrégeant plusieurs strates de représentations des genres. Elles sont d’abord les héritières des récits anciens et modernes qui les ont inspirées. Bien que les mythes à l’origine des contes que les studios Disney ont adapté à l’écran – Blanche-Neige ou Cendrillon par exemple – ne parlent que très indirectement des rapports hommes/femmes (Lévi-Strauss, 1955), il s’agit là au contraire d’une problématique essentielle dans les contes qu’ils ont engendrés, constituant dès l’époque moderne de véritables instruments de socialisation féminine (Montjaret, 2005). Les contes populaires médiévaux, transmis oralement de mères en filles, doivent également être distingués des transcriptions tardives utilisées par les studios Disney et qui nous sont parvenues par l’intermédiaire d’hommes de lettres cultivés. Passant d’une culture orale féminine à une culture lettrée masculine, les marraines, paysannes actives et lignées maternelles que ces récits donnaient initialement à lire se sont muées sous la plume de leurs transcripteurs masculins en sorcières, en princes valeureux et en lignes paternelles, transformant de fait les contes populaires originels en contes de fées, dénomination bourgeoise par essence puisqu’elle n’apparaît qu’à la fin du xviie siècle, soit au moment de la transcription (Zipes, 1998). Partant de cette analyse, les contes de Grimm et de Perrault apparaissent ainsi comme des contes populaires sur lesquels leurs transcripteurs ont, par ethnocentrisme de classe, projeté leurs propres représentations, destinant d’ailleurs leurs ouvrages aux enfants des classes privilégiées européennes (Piarotas, 1996). Sans surprise, ces contes opposent des princesses dociles, irresponsables et promises à de glorieux mariages, à de vieilles sorcières jalouses, autoritaires et célibataires. Les hommes, quant à eux, y apparaissent systématiquement sous les traits de séduisants guerriers à l’assurance et au courage inébranlables. Autant de représentations des genres historiquement et socialement situées que les studios Disney ont fait le choix de conserver en l’état en conférant a fortiori une « matérialité » aux êtres de papier des récits originaux.

7 Au-delà du constat de la fidélité de la structure narrative, le passage du texte écrit à l’image en mouvement a ainsi fourni l’opportunité aux studios Disney d’attribuer aux personnages une apparence, une hexis et des détails dont les textes originaux ne font pas mention, et qui constituent par conséquent la deuxième couche du mille-feuille. Les princes des années 1930 à 1990, concentrant les atouts de la « bonne » masculinité, jouissent majoritairement d’un visage anguleux, d’une imposante carrure, d’un esprit de conquête et d’une assurance infaillible face à leurs partenaires. Bien que ce modèle souffre quelques entorses à compter des années 2000 du fait de l’arrivée d’« antihéros » moins assurés que leurs prédécesseurs tels Mylo Thatch (Atlantide, 2001) ou Flynn Ryder (Raiponce, 2010), la maturité, le sens de l’initiative et l’esprit guerrier demeurent l’apanage des personnages masculins. Les princesses Disney, de Blanche-Neige à Mérida (Rebelle, 2012), bénéficient similairement de traits harmonieux et d’une anatomie correspondant peu ou prou aux normes esthétiques dominantes. Leur minceur n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle des mannequins de publicité dont elles partagent par moments les poses hyper-ritualisées identifiées par Erving Goffman (Goffman, 1977). Effleurer son corps, cacher son sourire derrière sa main, détourner le regard ou caresser fébrilement sa chevelure pour signifier son anxiété : autant de comportements que les princesses adoptent depuis les années 1930, quand elles ne sont pas occupées à chanter au rythme des coups de balais passés sur le sol crasseux d’une tour ou d’une chaumière. Symboliquement assignées à résidence par les contes puis par les dessins animés comme en témoigne leur penchant pour les tâches domestiques jusque dans les opus les plus récents, les princesses Disney sont par ailleurs associées à l’instinctif, au superstitieux, à l’émotionnel et au magique. Le rapport privilégié qu’elles entretiennent avec la nature, leur émotivité et les pouvoirs latents dont elles disposent de manière innée les éloignent d’autant de la culture, de la technique et des savoirs masculins acquis dont leurs partenaires ont le monopole.

8 Il serait toutefois malhonnête de ne relever que les marques d’immobilisme. Les représentations du masculin et du féminin connaissent au fil des décennies des métamorphoses notables. À compter des années 1990, les comportements les plus stéréotypés se trouvent ainsi tournés en dérision et mis à distance. La posture conquérante qu’adoptent Aladdin (1992) et John Smith (Pocahontas, 1995) leur vaut les moqueries ou les reproches de leurs partenaires respectives, plus émancipées et moins tolérantes vis-à-vis de ce type d’attitudes que leurs prédécesseurs. Aucun opus ne permet mieux que Mulan (1998) de mesurer l’obsolescence de la masculinité macho-conquérante à compter de cette période, le film livrant à travers l’expérience de son héroïne une critique simultanée du patriarcat, de l’androcentrisme et de l’injonction à la virilité. L’émotivité et la faiblesse semblent en outre de moins en moins réservées aux personnages féminins, Mylo Thatch (Atlantide, 2001) et Flynn Ryder (Raiponce, 2010) ne retenant ni leurs larmes ni leur tristesse dans les situations désespérées.

9 Par analogie, les héroïnes des années 1990 et suivantes apparaissent plus affranchies des canons esthétiques et comportementaux féminins que leurs prédécesseurs. Bien que les critères de minceur et de beauté continuent de s’imposer à toute prétendante au titre de princesse Disney, leur émancipation des rôles traditionnels, leur combativité et l’usage intensif qu’elles font de leur corps interdisent de les assimiler aux Blanche-Neige et autres Cendrillon. Les œuvres de cette période donnent à voir des héroïnes plus mobiles et plus hardies qui courent, sautent à la perche, grimpent aux arbres ou combattent au corps à corps. Enfin, Kida (Atlantide, 2001) et Mérida (Rebelle, 2012) se révèlent presque totalement affranchies du carcan des années 1930-1950, escaladant d’abruptes falaises à mains nues et affrontant des bêtes sauvages. La désethnicisation de la féminité observable à compter des années 1990 constitue un autre indicateur d’évolution des représentations du genre. Tandis que de Blanche Neige et les sept nains (1937) à La belle et la bête (1991) les princesses sont systématiquement caucasiennes, les productions des années 1990-2000 mettent au contraire en scène des héroïnes amérindienne, orientale ou asiatique. Cette désethnicisation progressive s’achève en 2009 avec Tiana (La princesse et la grenouille), première princesse noire de la firme de Burbank. Si la féminité cesse dans les années 1990 d’être une norme ethnicisée, elle reste toutefois une norme géographiquement et socialement située, répondant aux canons esthétiques des classes dominantes occidentales contemporaines comme en témoigne la propension des studios Disney à représenter toutes les femmes du monde sous des traits occidentaux, pour ne pas dire américains.

10 À ces modèles de masculinité et de féminité s’opposent des contre-modèles qu’incarnent, chacune à sa manière, les méchants et méchantes des opus étudiés. Il semble, pour être plus précis, que la position qu’occupent ces personnages dans le schéma narratif détermine leur degré de virilité, de féminité ou, plus généralement, d’hétéronormativité. Côté garçons, à l’hyper-virilité du commandant Rourke (Atlantide, 2001) et des frères Stabbington (Raiponce, 2010) – associée à une musculature imposante et une absence totale de sensibilité – s’oppose la masculinité « défaillante » de Jafar (Aladdin, 1992) et de Chi-fu (Mulan, 1998) dont la minceur et la coquetterie signalent la malfaisance au spectateur. Il ne paraît pas non plus anodin que tous ces « moindres mâles » occupent des positions dominées, socialement frustrantes et symboliquement émasculatrices. La même dualité s’observe du côté des sorcières et des marâtres qui, comme les méchants, se répartissent en deux catégories. Le premier groupe réunit des femmes à la féminité défaillante telles Maléfique (La Belle au bois dormant, 1959) ou la belle-mère de Blanche-Neige (1937), dissimulant leurs corps sous de longues robes, capes et autres coiffes à l’abri des regards masculins. À l’opposé, Mère Gothel (Raiponce, 2010) incarne une féminité excessive – donc dangereuse – repérable à son décolleté plongeant et aux poses aguicheuses qu’elle adopte de manière récurrente. À l’instar des contres-modèles de masculinité précédemment décrits, ces femmes excessives ou défaillantes semblent « borner » la bonne féminité en en représentant respectivement la limite « haute » (excentricité de Mère Gothel) et la limite « basse » (pudibonderie de Maléfique).

11 Au-delà de l’apparence physique et de l’attitude des personnages, l’analyse des dialogues et des procédés cinématographiques livre enfin de précieuses informations sur la manière dont le genre s’exprime dans ces œuvres. Les modalités de communication verbale et corporelle entre personnages masculins et féminins s’avèrent ainsi révélatrices des rapports de pouvoir entre partenaires. Alors que la voix de tête – signifiant la fragilité –, les onomatopées et les phrasés montants (ou uptalk en anglais) sont l’apanage des princesses, la voix de poitrine – signifiant la force –, les interruptions de parole et l’usage de la forme impérative sont au contraire majoritairement le fait de personnages masculins. L’analyse du point de vue exprimé par la « caméra » livre également d’intéressants résultats. Seules les héroïnes voient ainsi leur corps « morcelé » et filmé en gros plan, procédé qui vise essentiellement à souligner leur beauté et la finesse de leurs traits. Les plongées et contre-plongées – ayant respectivement pour effet d’« écraser » et de « grandir » les sujets – semblent également faire l’objet d’un usage différencié selon le sexe des personnages. Sans surprise, les contre-plongées sont majoritairement utilisées pour souligner la carrure ou le dynamisme des personnages masculins – ce type d’angle de vue faisant ressortir les pectoraux, les épaules et la forme de la mâchoire – , tandis que les plongées, souvent éloignées, servent au contraire à « objectifier » les personnages féminins (Mulvey, 1975), ou à en souligner la vulnérabilité physique ou émotionnelle.

12 Bien que l’analyse diachronique de contenu au prisme du genre apporte un premier éclairage sur les modèles masculins et féminins présents dans les longs-métrages considérés, étudier leur réception reste « un indispensable moyen de contrôle pour éviter de tomber dans le travers des interprétations totalement subjectives » (Mercier, 2010, p. 171).

Les longs-métrages disney et leur reception au prisme du genre

Enquêtés

Film
(par groupe ethno.)
PrénomAgeProfession de la mèreProfession du pèreLieu de vie au moment de l’enquête
Atlantide (2001)Sébastien6 ansChef de projet marketingCadre de la haute fonction publiqueAppartement, Paris 14e
Sophie11 ans
Raiponce (2010)Héléna11 ansAttachée de presse, fonction publique territorialeAdjoint technique, centre communal d’action socialeMaison, proche banlieue montpelliéraine
Cherine9 ans
Nacim5 ans
Nadia9 ansAssistante maternelleDirecteur adjoint, chaîne locale de restaurantsMaison, proche banlieue montpelliéraine
Sonia11 ans
Ilham6 ans
Atlantide (2001)Gautier9 ansTravailleuse indépendante, vente de vêtementsCadre d’entreprise, vente d’imprimantesMaison, lointaine banlieue parisienne bourgeoise
Félix6 ans
Romain9 ansInactive (aide son conjoint)Travailleur indépendant, commerce de viandeMaison, lointaine banlieue parisienne bourgeoise
Atlantide (2001)Sylvain10 ansAvocateProcureurAppartement, Paris 15e
Aladdin (1992)Jérémy10 ansInactive (mère au foyer)Chef d’entreprise, nouvelles technologiesAppartement, proche banlieue parisienne bourgeoise
Rebelle (2012)Lola9 ansMaîtresse de conférencesProfesseur des universitésAppartement, Paris 10e
Rebelle (2012)Hayat10 ansInactive (mère au foyer)Agent d’entretien des espaces vertsAppartement, Paris 20e
Isabel8 ansInactive (mère au foyer)Inactif (chômage)Appartement, Paris 20e
Nawel8 ansFamille monoparentale, mère secrétaire de cabinet médicalAppartement, Paris 20e
Aladdin (1992)Kevin10 ansServices municipaux (non précisé)Actif mais non connuAppartement, Paris 20e
Babacar7 ansInactive (mère au foyer)BrancardierAppartement, Paris 20e
Pierre8 ansSecrétaire administrativeConseiller financier, agence bancaireAppartement, Paris 20e

Enquêtés

Âge, genre et préférences cinématographiques

13 Les déclarations et le comportement des enquêté(e)s les plus âgé(e)s de l’échantillon laissent comprendre que les longs-métrages Disney s’adressent à un public âgé au maximum d’une dizaine d’années. Alors que Sébastien, 6 ans, fils d’une chef de projet marketing et d’un cadre de la haute fonction publique résidant dans un vaste appartement du 14e arrondissement de Paris, est rapidement absorbé par le scénario d’Atlantide, sa sœur, Sophie, 11 ans, peine à rentrer dans l’histoire comme elle l’expliquera en entretien. Elle s’absente à plusieurs reprises durant la première demi-heure du film pour boire ou grignoter, et passe un temps significatif sur son smartphone. À l’issue de l’entretien, elle concédera, un peu gênée, ne plus regarder de dessins animés depuis ses 8 ans, sauf « le soir quand Sébastien en regarde et [qu’elle] ne sait pas trop quoi faire ». Les nombreux films « réalistes » qu’elle regarde seule, « dans la chambre avec l’ordi », l’intéressent davantage. Kevin, 10 ans, fils d’une fonctionnaire municipale (profession du père non connue), rencontré dans le 20e arrondissement de Paris, révèle lui aussi préférer « les trucs d’action, les trucs de guerre » aux Disney « pour les petits ». Enfin, le ton désabusé sur lequel Romain, 9 ans, fils d’un travailleur indépendant dans le commerce de viande, commente Atlantide dans les premières minutes laisse entendre que les rebondissements lui paraissent trop simples, trop attendus, et qu’il avait placé plus d’espoirs dans ce film en le sélectionnant dans la liste proposée. Il semble en outre que l’expérience cinématographique revête un caractère plus collectif chez les filles que chez les garçons. Sitôt que débute Raiponce, Cherine (9 ans) et Héléna (11 ans), deux sœurs rencontrées en proche banlieue montpelliéraine au domicile de leurs parents – attachée de presse et adjoint technique –, se rapprochent de l’écran tout en se collant à leurs cousines Nadia et Sonia. Ces dernières résident dans une maison voisine avec leurs parents, assistante maternelle et directeur adjoint d’une chaîne de restaurants. Les éclats de rire synchrones des cousines face aux mimiques de Flynn Ryder (Raiponce) et le silence déférent qu’elles observent pendant les scènes les plus tristes indiquent que le film concentre à ces occasions toute leur attention. Les scènes de tendresse ou de baiser suscitent quant à elles quelques messes basses loin des oreilles de l’enquêteur. Deux nouveaux spectateurs, Nacim (5 ans, frère et Cherin et d’Héléna) et Ilham (6 ans, sœur de Nadia et Sonia), rejoignent brièvement le groupe initial avant de s’éloigner. Interrogée sur les raisons de leur départ, Nadia explique qu’« ils ne font pas partie de ceux qui regardent », laissant une nouvelle fois entendre que le partage d’une expérience cinématographique crée une communauté de fait. Au contraire, Gautier (9 ans), Félix (6 ans) et Romain (9 ans), n’interagissent que très peu durant la visualisation d’Atlantide et se sont espacés de plusieurs mètres pour se ménager la possibilité de s’allonger confortablement dans le vaste salon de la maison des parents de Romain, dans une petite commune bourgeoise de la lointaine banlieue parisienne. Ses cousins Félix et Gautier résident dans une commune voisine avec leurs parents, cadre d’entreprise dans la vente d’imprimantes et travailleuse indépendante dans la vente de vêtements. Romain et Gautier réagissent peu aux rebondissements qui se succèdent si ce n’est pour porter sur le film un regard technique, dissimulant par là même leur implication émotionnelle (Pasquier, 2002).

14 Les préférences cinématographiques s’avèrent par ailleurs fortement sexuées. Avant l’entretien, Sylvain, gardé par une baby-sitter dans l’appartement parisien de ses parents, procureur et avocate, prend soin de disposer un DVD de la série Clone Wars – basée sur l’univers de Star Wars – en évidence sur la table du salon [3]. Son engouement pour cet univers se ressent jusque dans son vocabulaire : les vaisseaux d’Atlantide – qu’il vient de voir pour les besoins de l’enquête – deviennent des « modules », terme propre à la saga de George Lucas. Sébastien semble également fasciné par Star Wars contrairement à sa grande sœur, Sophie, que le fantastique et la science-fiction indiffèrent. Comme plusieurs enquêté(e)s, Cherine et Nadia affectionnent les jeux vidéo. Pourtant, point de fusils d’assaut ou de manœuvres militaires dans leur écran : ici, la Nintendo DS est rose et permet de prendre les commandes d’une clinique vétérinaire. Un univers qui n’est pas du goût de Lola (10 ans), rencontrée au domicile parisien de ses parents universitaires, qui se revendique garçon manqué, n’« aime pas trop le rose » et préfère « les films qui sont déconseillés aux moins de dix ans » ainsi que Desperate housewives, une série dont elle apprécie les personnages parce qu’« il y a beaucoup de problèmes mais ils arrivent toujours à se réconcilier ». Aussi insignifiantes qu’elles puissent paraître, ces informations éclairent les préférences cinématographiques des enfants. En dépit des récents efforts des producteurs et des communicants de la firme de Burbank pour attirer un public mixte [4], l’enquête révèle que les choix des garçons et des filles portent sur des opus différents. Après avoir hésité avec Raiponce, Romain et Gautier ont ainsi choisi Atlantide, dont le titre évoque, nous semble-t-il, l’aventure et le mystère. Bien qu’ils n’arrivent pas à justifier leur choix, l’un de leurs échanges au cours du film apporte un début de réponse :

15

« Romain : – Raiponce c’est l’histoire d’une princesse, t’es au courant Gautier ?
Gautier : – Non, y’a un chevalier aussi ».

16 Voyant sa virilité mise en doute, Gautier réagit fermement, et l’antihéros que nous dépeignions précédemment devient un « chevalier ». Mais Romain n’en démord pas : « Raiponce j’ai entendu dire que c’était plus un truc de filles » réaffirme-t-il lors de l’entretien. Sébastien a également choisi Atlantide, qu’il avait apprécié la première fois qu’il l’a vu. Sophie n’a pas souhaité contrarier son petit frère mais aurait préféré une héroïne plus active : « si j’avais eu à choisir toute seule, j’aurais peut être choisi Mulan parce que je me souviens que j’aimais beaucoup ce film avant ». Lola, qui révélera n’aimer ni le rose ni « les contes de fées et tout et tout », a d’ailleurs opté pour Rebelle, un choix qui semble cohérent avec le reste de ses propos. Tout au contraire, Sonia, Héléna, Cherine et Nadia semblent très attachées à l’ambiance girly qu’elles entretiennent par leurs discussions et leurs pratiques vidéoludiques. Leur choix s’est assez logiquement porté sur Raiponce, une héroïne relativement classique qu’elles apprécient parce « qu’elle a de longs cheveux » et que « déjà le prénom ça donne envie ».

Se détacher de la fiction

17 Au-delà des liens entre genre et préférences cinématographiques, l’enquête révèle que les enfants connaissent les conventions narratives et sont capables de mettre à distance les modèles esthétiques et comportementaux contenus dans les longs-métrages étudiés.

18 Quel que soit leur âge, leur sexe ou leur milieu d’origine, les enfants n’ignorent pas que les intrigues amoureuses dans les dessins animés respectent certains codes et comportent un certain nombre d’étapes obligatoires. Chacun sait que les futurs conjoints ne s’embrasseront pas dès la première scène, que leur amour réciproque grandira au fil des aventures qu’ils partageront, et que la scène finale symbolisera vraisemblablement leur union par un long baiser.

19 Jérémy, 10 ans, fils d’un P.D.G travaillant dans les nouvelles technologies et d’une mère au foyer attachée de presse de formation, rencontré dans un vaste appartement haussmannien d’une commune huppée du nord de Paris, connaît très bien la trame narrative que suivent traditionnellement tous ces dessins animés : « y’a un moment d’amour, ensuite y’a un moment où le héros a un problème, ensuite à la fin ça se termine toujours bien ». Le baiser qu’échangent furtivement Jasmine et Aladdin en milieu de film le fait sourire : « toujours ! », glisse-t-il un peu gêné. Sonia semble plus attentive au rapprochement progressif des deux protagonistes. Elle évoque des rapports initialement conflictuels (« en général dans les films, au départ les garçons et les filles s’aiment pas trop ») évoluant au gré des épreuves que traversent les deux complices vers une situation plus stable (« puis à la fin ils font une aventure ensemble et puis ils se marient et ils ont beaucoup d’enfants) ». Lola tient quant à elle l’inclination des princesses pour l’enfermement responsable de l’asymétrie des rapports de séduction entre partenaires, les princes allant systématiquement au-devant de leurs promises :

20

« Enquêteur : – Pourquoi selon toi c’est toujours comme ça dans les dessins animés ?
Lola : – Parce que souvent dans les Disney la fille est coincée, elle est emprisonnée dans quelque chose parce que sa sœur ou sa tante la retient. Et parfois le prince veut savoir qui c’est, il veut savoir pourquoi, il veut la délivrer, la sauver, être amoureux d’elle ».

21 Babacar, fils d’un brancardier et d’une mère au foyer, rencontré dans un centre de loisir du 20e arrondissement de Paris, a également remarqué la répétition de ce schéma, qui semble d’ailleurs le lasser : « à chaque fois dans les Disney, ça parle d’une princesse, elle est bloquée dans un château, y’a un prince qui vient la sauver et patati ». Il n’a pas non plus échappé aux enfants que le happy ending fait partie des conventions narratives les plus respectées par les studios Disney. Jérémy sait pertinemment que dans l’univers Disney, bonheur rime avec mariage :

22

« Jérémy : – On va dire que c’est comme tous les Disney ou presque. Y’a pas tous les films qui se terminent bien mais généralement les Disney ça se termine bien.
Enquêteur : – Ça se termine bien ? C’est-à-dire ?
Jérémy : – Ben généralement ils s’épousent ».

23 Sonia n’est pas non plus surprise de voir Raiponce se marier à la fin du film. Sa rencontre avec Flynn au début de l’histoire augurait selon elle ce dénouement typique des films et des contes :

24

« Sonia : – Moi comme je les ai vus plein de fois c’était obligé qu’ils soient ensemble parce que moi dans les contes, enfin dans les films, deux personnes qui se voient, qui se rencontrent, à la fin c’est obligé qu’elles soient ensemble. Mais au départ ça m’a surpris quand je l’ai vu la première fois parce qu’ils étaient différents l’un de l’autre et ils avaient pas le même caractère. »

25 Enfin, les enfants se sont avérés de fins connaisseurs des conventions esthétiques, des rôles de genre et de la grammaire des rapports de séduction que les œuvres étudiées donnent à voir. Isabel (8 ans, parents inactifs), rencontrée dans le même centre de loisir que Babacar, dans le 20e arrondissement de Paris, n’ignore pas qu’un prince se doit d’être attirant (« faut que ce soit beau un prince »). Jérémy, de son côté, sait pertinemment que le rôle campé par Aladdin astreint son personnage à un courage exemplaire et que cette norme entre directement dans la définition du héros :

26

« Enquêteur : – Et Aladdin par contre il n’est pas timide du tout ?
Jérémy : – Ah non, lui c’est un héros… Pas du tout. C’est le principe d’un héros, c’est que c’est courageux pour toutes les choses ou presque ».

27 Par ailleurs, nul n’ignore que le statut du héros impose de prendre les devants face à la gent féminine et de savoir convertir son courage en assurance quand les circonstances l’exigent. Aux yeux de Gautier, dans les dessins animés, « c’est le garçon qui est censé séduire la fille ». Les princesses sont quant à elles tenues à la quiétude et à la retenue comme Sonia l’a bien compris (« les princesses dans Disney elles sont plutôt calmes, elles sont sages »). Leur statut leur impose également de prendre soin de leur personne comme le précise Babacar, selon qui « les filles veulent se faire plus belles que les garçons ». Chacun a enfin remarqué que les rapports de séduction entre les sexes obéissent à des règles relativement rigides. Au prince de faire le premier pas, ne serait-ce que symboliquement. Isabel et ses deux camarades de classe, Hayat (10 ans, mère inactive, père agent d’entretien des espaces verts) et Nawel (8 ans, famille monoparentale, mère secrétaire médicale), peinent néanmoins à s’accorder sur cette question. Isabel, qui préfère les héroïnes indépendantes, estime que le mérite des princes est surévalué et que nombre d’entre eux bénéficient de conditions favorables à leurs exploits guerriers et amoureux. Lola, enfin, livre quant à elle une analyse très fine des critères d’appréciation mutuelle entre conjoints. Elle remarque que les princesses sont essentiellement appréciées pour leur beauté, tandis que leurs princes doivent au contraire accumuler les qualités :

28

« Lola : – Souvent les princesses disent : “oh il est beau, oh il est intelligent, c’est mon prince charmant”. Tu vois, il est charmant quoi. Et les princes ils disent plutôt : “t’es belle”, ils disent pas “t’es belle, t’es intelligente, t’as de l’humour”. »

29 La prévisibilité des dénouements et le recours des scénaristes à des « extrêmes moraux » (Pasquier, 2002, p. 37) facilitent probablement la maîtrise par l’enfant des conventions narratives. Cette maîtrise prouve en outre que les jeunes spectateurs ne sont pas dupes des apparences cinématographiques et que le « plaisir de suspension des certitudes » (Pasquier, 1999, p. 28) que leur procurent ces œuvres de fiction suppose une duplicité maîtrisée à son tour. Dans bien des cas, les modèles esthétiques, relationnels et comportementaux genrés contenus dans ces œuvres sont ainsi mis à distance par l’enfant qui, loin de les tenir pour les reflets de la société, les considère au contraire dans leur non-existence.

30 Les enquêté(e)s ont ainsi repéré de grandes différences de caractère et de comportement entre les personnages de dessins animés et les individus réels. À leurs yeux, l’invariabilité et l’aspect stéréotypé des manières d’être des princes et des princesses contraste fortement avec la variété de tempéraments et de pratiques – notamment de pratiques de séduction – qui s’observent dans la réalité. Les personnages masculins ont été comparés aux garçons réels essentiellement sous l’angle du courage et de l’assurance qu’ils manifestent en toutes circonstances. Sylvain, fils d’une avocate et d’un procureur, selon qui Mylo (Atlantide) est « un peu courageux mais surtout entêté », considère ainsi que les garçons ne sont pas tenus à correspondre à ce modèle et que chacun est libre d’agir comme il l’entend (« ça dépend s’il a envie »). Jérémy, qui a reconnu à Aladdin une assurance infaillible face à Jasmine, estime également que les choses sont différentes dans la réalité et que la timidité que s’interdisent les héros de dessins animés avec les princesses caractérise au contraire ses amis d’école dans leurs entreprises de séduction :

31

« Enquêteur : – Ces amis, est-ce que tu as l’impression qu’ils se comportent avec les filles comme Aladdin se comporte avec Jasmine ? Est-ce qu’ils sont différents ?
Jérémy : – Ben ils sont assez différents parce qu’ils sont assez timides ».

32 « Y’en a qui sont courageux et y’en a qui sont timides » résume Gautier, selon qui la timidité de Mylo face à Kida (Atlantide) n’est en rien révélatrice du tempérament des garçons dans la réalité. Son cousin, Romain, porte sur les personnages féminins un avis similaire. Kida, qu’il a jugée « courageuse » et « agile » au point de s’interroger sur sa féminité (« c’est pas trop une fille en fait, c’est plus un garçon »), ne lui a semblé ni totalement similaire ni particulièrement différente des filles qu’il connaît (« ça dépend, en fait y’a des filles comme Kida et des filles qui ne sont pas comme Kida »). Interrogée sur les comportements féminins, Hayat, selon qui les princesses Disney sont d’un naturel timide, a quant à elle souligné l’indiscipline dont les filles pouvaient au contraire faire preuve dans la réalité, contrairement à ce qui s’observe traditionnellement dans les dessins animés (« des fois elles font des bêtises les filles, elles se bagarrent »).

33 C’est néanmoins sur les rapports entre les sexes que les enquêté(e)s ont été les plus loquaces. Nombre d’entre eux ont mentionné la tendance des garçons à aller vers les filles – dans la réalité comme dans les dessins animés –, tout en précisant que ce modèle n’avait rien d’impératif et qu’une variété de scénarios se rencontrait par ailleurs. Pour sa part, Romain explique qu’un long métrage Disney, du fait même de sa nature, ne saurait montrer les rapports de séduction sous leur vrai jour [5] « parce que c’est un dessin animé, et que les dessins animés c’est pas la réalité ». Dans la cour d’école, la teneur des relations amoureuses « dépend des caractères des garçons et des filles » ainsi que « de la personnalité de la personne » précise Sylvain, selon qui les deux partis doivent s’impliquer équitablement pour que perdure leur liaison : « de toute façon c’est bien quand c’est les deux qui font des efforts et que ce soit pas que l’un ou l’autre. Après ça peut dépendre des circonstances ».

34 C’est enfin au prisme de leur vraisemblance (ou de leur conformité à leur expérience personnelle) que les enfants ont apprécié les relations qu’entretiennent princes et princesses. Du point de vue de Sonia (11 ans), les rapports entre les sexes sont plus conflictuels que les dessins animés ne le laissent entendre (« ça dépend mais la plupart des garçons ils aiment pas trop les filles, les filles elles aiment pas trop les garçons »). Les nombreux détails que les enfants livrent sur leur expérience quotidienne permettent de comprendre la réponse de Sonia. L’adversité rituelle qu’entretiennent filles et garçons dans la cour d’école les incite bien souvent à mimer la répulsion pour manifester leur attirance et à inaugurer leurs tentatives de séduction par des jeux de mains mutins. Par sa réponse, Sonia signifie donc que l’amour passionné que se déclarent Flynn et Raiponce ne ressemble guère aux inter­actions auxquelles elle est accoutumée. La rapidité avec laquelle les couples se forment dans les dessins animés surprend également Lola pour qui « c’est pas en un coup d’œil qu’on aime quelqu’un souvent. Par exemple je vois quelqu’un et je dis : “oh je t’aime” ? Non. C’est plutôt tu lies une amitié et après peu à peu… ». La critique que livrent les enfants dans leurs réponses n’est donc pas une simple appréciation formelle et technique des longs-métrages préalablement visionnés. Les modèles moraux et comportementaux proposés dans ces dessins animés sont au contraire explicitement remis en cause en tant qu’ils ne correspondent pas à la réalité des rapports entre les sexes. Le sexe, l’expérience quotidienne et les représentations personnelles des enfants semblent jouer un rôle déterminant dans leur appréciation morale de ces œuvres.

Genre, critiques et attentes spectatorielles

35 Au-delà du lien que les jeunes spectateurs sont susceptibles d’entretenir avec un type de personnage particulier en fonction de leur identité de genre, l’enquête révèle l’existence de postures spectatorielles fortement différenciées, les enfants plaçant des attentes différentes dans les œuvres de fiction en fonction de leur identité genrée et de leur milieu d’appartenance. En témoignent les résumés qu’ils en ont proposés, les genres cinématographiques dans lesquels ils les ont situées et leur comportement durant la projection. Ainsi Jérémy (10 ans, fils d’un chef d’entreprise et d’une mère au foyer) fait-il preuve d’une certaine lassitude pendant les scènes les moins dynamiques d’Aladdin, s’agitant sur sa chaise et jouant avec ce qui lui passe sous la main. Il apparaît au contraire très impliqué pendant les scènes d’action, notamment lors des séquences réalisées en image de synthèse qui lui rappellent les épisodes de Star Wars qu’il affectionne. Cette attention portée aux techniques d’images tient sans doute en partie à la technophilie de son père – à la tête d’une entreprise spécialisée dans les nouvelles technologies – mais ce goût pour les scènes d’action se retrouve chez nombre d’enquêtés. Sylvain (10 ans, fils d’une mère avocate et d’un père procureur) présente un profil sociologique et spectatoriel analogue. D’Atlantide, il retient essentiellement la scène finale de combat aérien, qu’il décrit dans les moindres détails. Au contraire, les rapports entre les deux protagonistes n’ont suscité chez lui que peu d’intérêt, au point que le nom de l’héroïne lui échappe pendant l’entretien. L’aventure anthropologique du héros, parti à la recherche de l’Atlantide, a donc monopolisé l’attention des deux garçons au détriment de son aventure amoureuse, pourtant mise en premier plan dans la seconde moitié du film. Sébastien, peut-être du fait de son jeune âge ou de son penchant pour la science-fiction futuriste, révèle également en fin d’entretien avoir particulièrement apprécié la scène finale d’Atlantide, « quand ils partaient avec les vaisseaux spatials ». Contrairement à sa grande sœur, Sophie, qui préférait alors pianoter sur son portable. Ce n’est pas non plus l’aventure et les scènes d’action qu’Héléna (11 ans), Sonia (11 ans) et Nadia (9 ans), ont retenu du film qu’elles ont sélectionné. Contrairement aux garçons, Sonia, fille d’une assistante maternelle et d’un directeur adjoint de chaîne de restauration, mentionne immédiatement dans le résumé qu’elle donne de Raiponce l’histoire d’amour que lie les deux protagonistes (« au fil du temps elle rencontre un voleur mais peu après ils s’aiment bien, ils commencent à s’aimer »). Pour sa cousine, Héléna, fille d’une attachée de presse et d’un adjoint technique territorial, Raiponce est d’ailleurs un film d’amour avant d’être un film d’aventure. À leurs yeux, les sensations que déclenchent l’image animée ne se restreignent pas au rire et à la joie. Sonia évoque une palette d’émotions plus large, décrivant la peur que lui inspire la dangereuse vie de Flynn Rider (« moi je pourrais pas être Flynn parce qu’il se fait tout le temps attaquer et rechercher ») et l’inquiétude empathique qu’elle éprouve à l’égard des parents de Raiponce, accablés par la perte de leur fille (« si je devais être un personnage, déjà je serais plutôt les parents, parce que j’aime bien l’inquiétude »). Cette large palette ne se retrouve pas dans les propos des enquêtés masculins, plus enclins à décrire le film sélectionné sur un registre technique.

36 Pourtant, la prise en compte du milieu social d’origine des enquêté(e)s brouille en partie ces catégories (Détrez, Cotelette, Pluvinet, 2007). Malgré la présence de Kevin et de Babacar pendant l’entretien que nous effectuons dans un centre de loisirs du 20e arrondissement de Paris, Pierre, 8 ans, fils d’une secrétaire administrative et d’un conseiller financier, n’hésite pas à révéler son goût pour les scènes sentimentales : « moi j’aime bien les Disney parce qu’à un moment c’est bien triste et moi j’aime bien quand c’est triste les Disney ». À l’inverse de Sonia et de Nadia, Isabel (8 ans, parents inactifs), rencontrée dans le même centre de loisirs, regrette quant à elle que tous ces films de princesses manquent d’action (« nous dans un fil m on voudrait de l’action aussi »). Paradoxalement, c’est sur le style des héroïnes qu’elle disqualifie les plus vieux opus Disney, selon elle démodés. Les clips vidéo de ses chanteuses préférées (Amel Bent, Niki Minaj) ainsi que les dessins animés sériels féminins qu’elle regarde sur Gulli et Disney Channel – notamment Monster High, une série animée d’ambiance gothique mettant en scène des personnages féminins au style vestimentaire très étudié – ont pu modifier ses catégories de jugement en la rendant plus attentive à l’aspect esthétique des personnages.

37 Le lien – d’affection ou de répulsion – qu’entretiennent les enfants avec les chansons présentes dans les longs-métrages Disney offre une dernière illustration des difficultés existantes à caractériser leurs catégories de jugement. Avant même la visualisation du film, Cherine déclare avec entrain avoir « dansé sur Raiponce au gala [de son école] ». Durant le film, accompagnée de Sonia, Héléna et Nadia, elle reprend en chœur les chansons qui se succèdent et qu’elle connaît sur le bout des doigts pour les avoir écoutées à de nombreuses reprises. Alors que Flynn et Raiponce échangent un long regard silencieux, Nadia s’inquiète de ne pas entendre démarrer de mélodie : « mais pourquoi elle chante pas ? ». Au contraire, Pierre, bien qu’il cherche sans doute à se mettre en scène devant ses amis, semble dans un premier temps agacé par ces chansons :

38

« Pierre : – Moi aussi je trouve que c’est nul avec les princesses parce qu’à un moment y’a des chansons-là qui sont énervantes […] Si Raiponce elle était là, elle aurait chanté, et après quand je serais rentré j’aurais dit : “mais tu m’étonnes que je suis sourd tellement qu’elle crie !” »

39 Pourtant, quelques secondes plus tard, alors que Babacar évoque Mary Poppins, qu’ils ont récemment visionné au centre de loisirs, Pierre entonne l’un des refrains les plus célèbres du film dont les paroles l’amusent, rapidement rejoint par son ami. En définitive, la double polarité action-masculin /émotion-féminin se trouve brouillée dès que l’on considère le milieu d’appartenance des enfants, les filles de milieu populaire s’étant montrées plus exigeantes en termes d’action que les enquêtées issues d’un milieu plus élevé. L’enquête révèle par ailleurs l’existence d’un lien entre l’expérience sociale des enfants, leurs représentations sexuées et les jugements critiques qu’ils émettent sur les dessins animés étudiés.

40 Dès les premières minutes de l’entretien, Jérémy, scolarisé dans le privé, fils d’un père diplômé de Centrale et d’HEC et d’une mère attachée de presse résidant dans une commune huppée de la proche banlieue nord-­parisienne, se révèle très loquace sur sa vie sociale et celle de ses camarades de classe. Bien que sûrement romancées, ces anecdotes – qu’il utilise pour étayer ses réponses – livrent de nombreuses informations sur son identité masculine et sa perception des rapports entre les sexes. Elles clarifient par là même son interprétation d’Aladdin et son appréciation des personnages du film. Jérémy se présente volontiers comme quelqu’un de réservé, une qualité qu’il apprécie aussi chez les filles de son âge (« [les filles] dont je suis amoureux, celles-là elles sont plutôt timides comme moi »). La culture masculine de l’agôn (Baudelot, Establet, 1992), qu’il sait dominante dans la cour d’école, n’est pas de son goût (« ceux qui m’empêchent de jouer deviennent très violents, parfois ils me poussent, ils me rejettent, ils m’insultent »). Il se considère au contraire comme un garçon calme, soigné et solitaire (« bon ben je joue un peu seul quoi »), intellectuel (« [avec mon ami Baptiste] on s’intéresse un peu à l’histoire militaire »), préférant les jeux vidéo et la lecture aux parties de foot dont il est régulièrement exclu. Pour entretenir depuis plusieurs années une relation d’amitié avec Alix, « [sa] première amie », Jérémy sait que les filles « ont du caractère ». Rencontrée en petite section, Alix lui apparaît comme une figure d’autorité capable de se faire respecter parmi les rangs féminins (« Elle est vraiment très bien placée chez les filles […]. On va dire que souvent elle est bien vue et ils lui font confiance. Elle donne un peu des ordres de temps en temps. Donc elle est un peu forte »). Jérémy reconnaît ainsi aux garçons et aux filles une pluralité de tempéraments. Il sait que les rapports de séduction obéissent à certains codes mais considère par ailleurs que ces codes sont souples et malléables. Ses représentations influent directement sur son interprétation du film. À ses yeux, il ne fait aucun doute que Jasmine fait partie de ces filles de caractère et qu’elle surpasse Aladdin sur ce point :

41

« Enquêteur : – Alors c’est quoi les différences entre Jasmine et Aladdin ?
Jérémy : – Ben, une qui a plus de caractère…
Enquêteur : – Tu dirais que Jasmine a plus de caractère qu’Aladdin ?
Jérémy : – Oui, un petit peu plus.
Enquêteur : – Ok. Comment tu le vois ?
Jérémy : – Ben déjà, elle rigole beaucoup en voyant le premier prince, elle laisse faire son tigre. Et puis elle résiste aux deux.
Enquêteur : – Aux deux ?
Jérémy : – Elle résiste à l’ignoble vizir, qui n’est pas Iznogoud mais quand même [rires] À son père aussi. Au prince aussi ».

42 L’analyse que Gautier, fils d’auto-entrepreneurs résidant dans une commune bourgeoise de la forêt de Fontainebleau, livre des rapports qu’entretiennent Mylo et Kida dans Atlantide offre une nouvelle illustration du rôle que l’expérience sociale de l’enfant est susceptible de jouer dans sa réception d’une œuvre de fiction. L’entretien – mené conjointement avec son petit frère Félix et son cousin Romain – s’avère en première lecture rempli de contradictions. Une fois isolés les effets de prestige et de conformisme, les cousins cherchant par moments à fournir la « bonne réponse » à l’enquêteur, les représentations propres de Gautier apparaissent plus distinctement : en règle générale, « c’est le garçon qui essaie de taquiner la fille ». Les garçons peuvent bien manquer d’assurance et les filles en déborder parfois, « mais c’est très rare ». C’est à partir de ce cadre analytique que Gautier interprète la relation qu’entretiennent Mylo et Kida dans Atlantide. L’intrépide princesse dont nous brossions le portrait au début de cet article lui apparaît « un tout petit peu timide et un tout petit peu courageuse, entre les deux ». L’anthropologue émotif et engourdi que nous décrivions tantôt lui semble au contraire entreprenant :

43

« Enquêteur : – Comment tu voyais qu’ils étaient amoureux ?
Gautier : – Ben qu’ils passaient beaucoup de temps ensemble, et que Milo il essayait vraiment de… enfin voilà.
Enquêteur : – De ?
Gautier : – Enfin il la taquinait ».

44 Kevin, de son côté, n’apprécie pas les filles trop agitées qui le tourmentent dans la cour de récréation et sauvent les apparences devant les animateurs :

45

« Kevin : – Moi j’aime pas les filles parce que quand y’a les animateurs elles sont calmes, mais après dans la cour c’est elles qui nous embêtent. Après les animateurs ils disent que c’est nous les garçons qui sont pénibles. Parce que les animateurs ils voient pas que ce sont les filles qui font toujours des bêtises ».

46 Le caractère affirmé de Raiponce – que nous évoquons au cours de l’entretien – lui rappelle vraisemblablement celui des filles de son école du 20e arrondissement de Paris. Ses déclarations révèlent qu’il préfère les filles plus douces, plus calmes, à l’instar de son ami Pierre.

47

« Enquêteur : – Toi dans la vraie vie tu préfères les filles qui ressemblent à Cendrillon où qui ressemblent à Raiponce ? Une fille dans l’action ou une fille plus calme ?
Kevin : – Cendrillon. Parce que si c’est une fille trop sauvage tu vois, moi je sais pas trop mais… »
Pierre : – … Après on a mal à la tête ».

48 Les représentations personnelles semblent tout aussi déterminantes du côté des filles. Aux princesses classiques de la période Blanche-Neige, Lola, fille de deux universitaires familiers des problématiques de genre préfère ainsi les princesses modernes auxquelles elle se compare volontiers (« moi je suis plutôt Rebelle et Raiponce »). Les exigences de bonne tenue et les restrictions que la reine Elinor impose à l’héroïne de Rebelle la font réagir :

49

« Lola : – C’est pas parce que c’est une demoiselle qu’elle peut pas manier des armes. Moi je suis plutôt garçon manqué et bon, voilà. C’est comme à la garde, y’a des filles qui manient des armes, je vois pas pourquoi elle pourrait pas ».

50 En s’intéressant aux modèles masculins et féminins présents dans les longs-métrages Disney et à leur perception par le jeune public, cet article s’est attaché à montrer que les représentations sexuées des enfants prévalent sur leur expérience cinématographique en pré-contraignant leur perception des rapports de genre tels qu’ils sont représentés à l’écran. La mise à distance par les enfants des modèles esthétiques et comportementaux genrés proposés dans ces dessins animés invite également à réfléchir au processus de socialisation. Contrairement à ce que l’on suppose parfois, l’image n’est pas subie, pas même par de jeunes enfants. L’étude de la réception des longs-métrages Disney encourage donc à se détacher d’une approche en termes de prescription morale à laquelle la psychologie et la presse souscrivent trop souvent. Souligner la liberté dont les jeunes spectateurs font preuve dans leur relation à l’image animée ne revient pas à nier la force des déterminismes sociaux mais au contraire à les localiser et à mesurer leur influence. Au-delà du contrôle que les parents sont susceptibles d’exercer directement sur les consommations culturelles de leurs enfants, le genre, le milieu d’appartenance et l’expérience quotidienne agissent ainsi directement sur les attentes et les catégories de jugement des filles et des garçons qui « lisent » ces dessins animés à la lumière des représentations qu’ils ont acquises dans le milieu familial ou au gré des interactions ordinaires.

Bibliographie

Bibliographie

  • Allard C., L’enfant au siècle des images, Albin Michel, 2000.
  • Arléo A., Delalande J., Cultures enfantines : universalité et diversité, PUR, 2010.
  • Baudelot C., Establet R., Allez les filles !, Seuil, 1992.
  • Casman M.-T. (dir.), Dizier C., Nibona M., Willems I., L’intégration par les jeunes des stéréotypes sexistes véhiculés par les médias : rapport final, Université de Liège, 2007.
  • Darmon M., La socialisation, Armand Colin, 2010.
  • Diter K., La construction et l’intériorisation des représentations de l’amour et de l’amitié chez les enfants de 6 à 11 ans, thèse en cours.
  • Djénati G., Psychanalyse des dessins animés, Pocket, 2004.
  • Goffman E., « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales, Minuit, 1977, n° 14.
  • Lévi-Strauss C., “The Structural Study of Myth”, Journal of American Folklore, University of Illinois Press, 1955, n° 270.
  • Mulvey M., “Visual pleasure and narrative cinema”, Screen, Oxford University Press, 1975, n° 3.
  • Mercier A., « Principes d’analyse sociologique de l’image télévisuelle », Les méthodes au concret, PUF, 2010.
  • Neveu E., « Pour en finir avec l’enfantisme. Retours sur enquêtes », Réseaux, La Découverte, 1999, n° 92-93.
  • Octobre S., Détrez C., Mercklé P., L’enfance des loisirs, Paris, DEPS/MCC, 2010.
  • Octobre S., « Présentation. Le genre, la culture et l’enfance », Réseaux, La Découverte, 1999, n° 168-169.
  • Pasquier D., La culture des sentiments. L’expérience télévisuelle des adolescents, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1999.
  • Pasquier D., « Les “savoirs minuscules”. Le rôle des médias dans l’exploration des identités de sexe », Éducation et Sociétés, De Boeck, 2002, n° 10.
  • Piarotas M., Des contes et des femmes, Imago, 1996.
  • Zipes J., “Breaking the Disney Spell”, The Classic Fairy Tales, sous la dir. M. Tatar., Norton, 1998.

Notes

  • [1]
    Il faut ici préciser que cet article s’appuie sur une enquête menée dans le cadre d’un mémoire de master soutenu à l’EHESS en juin 2013 et retraçant l’itinéraire dans l’espace social des longs métrages d’animation Disney, de leurs origines littéraires et politiques à leur réception par des enfants issus de milieux sociaux variés.
  • [2]
    Il s’agit de Blanche-Neige et les sept nains (1937), Cendrillon (1950), La Belle au bois dormant (1959), Aladdin (1992), Pocahontas (1995), Mulan (1998), Atlantide, l’empire perdu (2001), Raiponce (2010) et Rebelle (2012).
  • [3]
    Il est apparu que cette famille contrôlait plus rigoureusement que les autres les consommations culturelles de l’enfant. La mère de Sylvain nous a ainsi demandé de lui donner préalablement le titre de l’opus visionné avec son fils, conditionnant explicitement la détention de cette information à la réalisation de l’enquête. Si ce contrôle familial existait sans doute ailleurs, et notamment dans les autres familles de milieu favorisé, du moins s’exprimait-il plus silencieusement.
  • [4]
    Alors que les enfants français se sont vus proposer Raiponce dans les salles de cinéma en décembre 2010, c’est sous les titres Tangled et Enredados (emmêlés, enchevêtrés) que le film a été présenté aux publics anglophone et hispanophone. Comme l’a révélé le Los Angeles Times quelques mois avant la sortie du film, ce choix s’explique par la volonté des studios Disney d’attirer un public plus masculin suite au relatif échec commercial de La princesse et la grenouille (2009), accusé de n’avoir pas su capter l’attention des garçons.
  • [5]
    Sur les relations amoureuses enfantines, voir la thèse en cours de Kevin Diter, « La construction et l’intériorisation des représentations de l’amour et de l’amitié chez les enfants de 6 à 11 » (dir. Nathalie Bajos et Muriel Darmon).
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