Notes
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[1]
L’auteur tient à remercier Bastien François, Brigitte Gaïti, Antoine Vauchez, Laurent Warlouzet et les deux évaluateurs anonymes pour leur lecture attentive et leurs précieux conseils.
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[2]
Voir Journal of Cold War Studies, 2000, vol. 2, n° 3. Sur les prolongements de ce débat entre historiens et politistes, voir Warlouzet (2014).
-
[3]
Wolfgang Wagner (2002) avance que les États fédéralistes ont tendance à soutenir le Parlement européen, tandis que les États centralisés ne voient d’autre légitimité que celle de leur Parlement national. Cependant, dans le cas du général de Gaulle, interpréter son opposition au Parlement européen comme une défense de la souveraineté exclusive du Parlement français relèverait d’un contresens puisqu’il chercha à les affaiblir l’un comme l’autre.
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[4]
JO, Sénat, séance du 5 septembre 1961, p. 1053, 1055.
-
[5]
Ibid., p. 1055.
-
[6]
JO, Assemblée nationale (AN), séance du 12 septembre 1961, p. 2244.
-
[7]
Ibid., p. 2245-2246.
-
[8]
Ibid., p. 2251.
-
[9]
AHUE, Conseil des 24 et 25 février 1964, CM2 1965, n° 1005, p. 28-31.
-
[10]
AHUE, Conseil du 25 mars 1964, CM2 1965, n° 1006, p. 24.
-
[11]
JO, AN, séance du 12 septembre 1961, p. 2246.
-
[12]
JO, AN, 2e séance du 4 novembre 1969, p. 3303.
-
[13]
AHUE, Parlement européen, séance du 27 juin 1963, CM2 1965, n° 1001, p. 165.
-
[14]
JO, AN, 2e séance du 20 octobre 1965, p. 3905.
-
[15]
JO, AN, 1re séance du 20 octobre 1965, p. 3895.
-
[16]
JO, AN, 2e séance du 20 octobre 1965, p. 3909.
-
[17]
AD, Note du 29 janvier 1970, Coopération économique, n° 806.
-
[18]
JO, AN, 1re séance du 23 juin 1970, p. 2915.
-
[19]
JO, AN, 2e séance du 23 juin 1970, p. 2935.
-
[20]
Ibid., p. 2936.
-
[21]
JO, AN, séance du 7 mai 1985, p. 612-613.
-
[22]
JO, AN, 3e séance du 11 juin 1985, p. 1599.
-
[23]
Ibid., p. 1617.
-
[24]
Ibid., p. 1600.
-
[25]
Ibid., p. 1613.
-
[26]
Citée par Josselin, ibid., p. 1600.
-
[27]
Ibid., p. 1617.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
AN, Rapport d’information, 25 octobre 1985, n° 3010, p. 37-38.
-
[30]
AD, Note, 31 juillet 1985, Coopération économique, n° 2531.
-
[31]
AD, Mémorandum pour un progrès de la construction de l’Europe, 29 juin 1985, Coopération économique, n° 2531.
-
[32]
AD, Télégramme Ouverture de la Conférence intergouvernementale II, 10 septembre 1985, Coopération économique, n° 2532, p. 3.
-
[33]
AD, Télégramme Entretien Dumas - Genscher, 29 novembre 1985, Coopération économique, n° 2533.
-
[34]
AD, Note, 16 octobre 1985, Coopération économique, n° 2532.
-
[35]
AD, Note sur la session du 21 octobre, 18 octobre 1985, Coopération économique, n° 2532.
-
[36]
AD, Note sur la procédure de coopération, 28 novembre 1985, Coopération économique, n° 2533.
-
[37]
Entretien avec Catherine Lalumière, 20 avril 2015.
1 L’explication de la politique européenne de la France est dominée par des grilles de lecture économique et idéologique. Andrew Moravcsik (1999, 2000) a ainsi cherché à démontrer que la politique européenne du général de Gaulle pouvait s’expliquer principalement par le souci de défendre les intérêts des agriculteurs français, en vue de sécuriser leur soutien électoral. Cette thèse prenait le contre-pied d’une historiographie traditionnelle expliquant la politique gaullienne par « une certaine idée de l’Europe », favorable à l’« Europe des patries » contre l’Europe supranationale et à l’« Europe européenne » contre l’Europe atlantiste, vision souvent résumée par le concept de « grandeur » (Cerny, 1980 ; Vaïsse, 2013).
2 Les historiens reprochèrent à A. Moravcsik de proposer une explication monocausale, y compris dans des cas, comme le plan Fouchet ou le refus de la candidature britannique, où les considérations liées à la guerre froide apparaissaient au moins aussi importantes que les enjeux agricoles [2]. Allant plus loin, Craig Parsons (2003) opposa une contre-offensive constructiviste à l’approche libérale d’A. Moravcsik. Il chercha à démontrer qu’à chacune des étapes majeures de l’intégration européenne, les croyances des dirigeants français en une Europe tantôt « traditionnelle », « confédérale » ou « communautaire » avaient joué un rôle décisif. Dans ce cadre, de Gaulle fut classé parmi les partisans de l’option « traditionnelle », cherchant à préserver la souveraineté nationale.
3 Le présent article vise à mettre en lumière un point aveugle de ce débat. Nous avons vu le général de Gaulle présenté en homme d’État soucieux de la place de son pays dans le monde, en politicien cherchant à s’assurer des soutiens électoraux et en idéologue cherchant à promouvoir sa vision de l’Europe. À cette galerie de costumes gaulliens manque un des plus familiers : celui du président de la Cinquième République.
4 Cet article cherche à montrer qu’à côté des intérêts économiques et des prises de position idéologiques, le régime politique de la Cinquième République a aussi été un des facteurs déterminants de la politique de la France à l’égard des institutions européennes, en particulier du Parlement européen. Dès le début des années 1960, et à la suite de crises très conflictuelles, l’exécutif français est parvenu à limiter le contrôle exercé par le Parlement national et à assigner aux parlementaires une position subordonnée. À mesure que cette pratique s’est stabilisée, elle en est venue à structurer les représentations de l’ensemble des acteurs du régime, y compris des parlementaires eux-mêmes. Or, lorsque s’est présentée la question des pouvoirs du Parlement européen, les acteurs politiques français l’ont appréhendée à la lumière de leur expérience du régime de la Cinquième République. En définitive, la position française a été définie par l’exécutif, qui a cherché à transposer au niveau européen sa pratique de subordination du Parlement français, en défendant une option gouvernementaliste, privilégiant le pouvoir du Conseil sur celui du Parlement européen.
Cadrage théorique
5 Par régime politique, nous entendons non seulement les règles formelles, mais aussi les règles informelles qui se dégagent des rapports de force et des conflits de légitimité auxquels se livrent les acteurs institutionnels (François, 2008). Les régimes sont matérialisés par des pratiques. Or, les pratiques sont des schèmes d’action porteurs de sens et de représentations qui tendent à socialiser les acteurs, structurant leurs attentes et leurs dispositions (Adler et Pouliot, 2011). Partant, les acteurs politiques nationaux peuvent appréhender les institutions européennes avec des dispositions formées dans la pratique de leur régime politique national. Ces acteurs peuvent ainsi chercher à transposer au niveau européen des logiques institutionnelles et des pratiques issues de leur régime national. Ce mécanisme de transposition peut être comparé à celui de l’habitus, transposable d’une activité à l’autre (Bourdieu, 1980). Le caractère transposable de l’habitus est générateur d’homologies, dans la mesure où un même habitus peut structurer des comportements et des représentations dans plusieurs domaines à la fois (par exemple, politique et esthétique). De même, les acteurs politiques nationaux peuvent promouvoir au niveau européen des logiques homologues à celles qui structurent leurs pratiques nationales. Par ailleurs, dans la mesure où ils déterminent le pouvoir des acteurs institutionnels, les régimes déterminent aussi la capacité de ces acteurs à peser sur la position de leur État dans les négociations européennes. Par conséquent, les acteurs dominants au niveau des régimes nationaux sont aussi plus à même que les acteurs dominés de promouvoir la transposition de leurs pratiques nationales au niveau européen. Ce qui tend à entretenir les homologies entre répartition des pouvoirs au niveau national et logiques institutionnelles promues par l’État au niveau européen.
6 La question du rapport entre Cinquième République et intégration européenne a souvent été abordée sous l’angle de la hiérarchie des normes entre constitution nationale et droit de l’Union européenne, les juges nationaux pouvant invoquer en la matière l’« identité constitutionnelle de la France » (Guillaume, 2008). Au-delà de cette approche juridique, la question du parlementarisme fournit un cas d’étude idéal du mécanisme de transposition au niveau européen de logiques issues du régime national, dans la mesure où elle constitue l’un des principaux facteurs d’évolution des institutions européennes depuis leur origine, tout en étant au cœur des débats sur la Cinquième République.
7 L’hostilité traditionnelle de la France à l’égard du Parlement européen a jusqu’à présent été expliquée par l’idéologie. Andrew Moravcsik considère les transferts de pouvoirs au Parlement européen comme un enjeu « symbolique », dont les implications économiques sont incertaines, et où les « facteurs idéologiques » jouent un rôle important (1998, 236, 311, 376, 488). De même, Olivier Costa et Paul Magnette (2003, 69) renvoient les débats sur le renforcement du Parlement européen à l’idéologie des États membres et classent la France parmi les pays traditionnellement réticents à l’égard de l’intégration fédérale. Plus précisément, pour Berthold Rittberger (2005), les gouvernements se positionnent sur la question des pouvoirs du Parlement européen en fonction de leurs croyances en matière de légitimité. B. Rittberger en distingue trois types : les croyances en l’État fédéral, en la coopération intergouvernementale et en la communauté économique. Nous entendons ici explorer plus avant les sources de ce débat à partir du cas français [3]. Il s’agira de montrer que la position française ne découlait pas uniquement des croyances des partis au pouvoir concernant la construction européenne, mais transposait largement la logique du parlementarisme de la Cinquième République.
8 La plupart des études portant sur le rapport entre le parlementarisme français et l’intégration européenne se sont focalisées sur les pouvoirs (limités) des parlementaires en matière de contrôle des décisions européennes, en particulier à travers les délégations spécialisées au sein des chambres (Frears, 1975 ; Rizzuto, 1996 ; Szukala et Rozenberg, 2001 ; Fuchs-Cessot, 2004 ; Rozenberg, 2009). La place du Parlement sous la Cinquième République est moins étudiée comme source des positions européennes de la France. Néanmoins, John Frears (1975) observait déjà que le Parlement français était le seul à accepter avec indifférence le transfert de ses pouvoirs au niveau européen, notamment du fait de son abaissement sous la Cinquième République. De même, Andrea Szukala et Olivier Rozenberg (2001) remarquent que les premières années de la Communauté économique européenne correspondaient aux premières années de la Cinquième République, expliquant la prégnance des « routines » gaulliennes chez les élites françaises. Allant plus loin, Marta Latek a expliqué l’intérêt singulièrement marqué des parlementaires français pour la coopération entre parlements nationaux dans les années 1990 comme une stratégie visant à légitimer le renforcement du contrôle parlementaire au niveau national et à relancer, par une logique de « nivellement par le haut » au niveau européen, un « débat habituellement verrouillé par les références à l’esprit de la Cinquième République » (Latek, 2003, 160).
9 Concernant le Parlement européen, des études récentes ont mis en lumière les connexions entre parlementarismes nationaux et européen à travers la notion de « champ parlementaire multiniveaux » (Crum et Fossum, 2009). En particulier, Thomas Winzen et al. (2015) formulent l’hypothèse d’une « co-évolution » entre parlementarismes nationaux et européen. Les auteurs montrent ainsi l’impact de l’extension des pouvoirs du Parlement européen sur le renforcement du contrôle exercé par les parlements nationaux. La présente contribution aborde l’interdépendance entre parlementarismes nationaux et européen dans l’autre sens, c’est-à-dire l’impact du niveau national sur le niveau européen.
10 La dynamique du parlementarisme sous la Cinquième République peut être appréhendée à travers le rétrécissement des pouvoirs formels du Parlement. La Constitution de 1958 renforça le contrôle du gouvernement sur la procédure législative, les articles 34 et 37 délimitant strictement le domaine de la loi et l’article 41 autorisant le gouvernement à opposer l’irrecevabilité à tout texte qui sortirait de ce cadre. Et d’un point de vue budgétaire, l’article 40 interdit aux parlementaires de chercher à augmenter les dépenses. Plus généralement, l’article 49.3, permettant au gouvernement de faire passer un texte sans vote constituait une arme nouvelle visant à faire plier le Parlement. L’affaiblissement du Parlement français vint également de la limitation du contrôle exercé sur le gouvernement. En 1959, les règlements des chambres mirent fin, sous la pression du Conseil constitutionnel, à la pratique des résolutions adressées au gouvernement (François, 1996, 171-173).
11 Surtout, la pratique des institutions conduisit à instituer la règle informelle de la primauté de la légitimité présidentielle sur la légitimité parlementaire. À cet égard, les présidences de Gaulle et Mitterrand se révèlent particulièrement intéressantes. D’un côté, de Gaulle fut le premier à chercher à imposer sa pratique présidentialiste des institutions aux parlementaires ; de l’autre Mitterrand vint confirmer la pérennité de cette pratique malgré l’alternance politique. En 1962, à la suite de la série de batailles engagées contre les parlementaires qui se solda par sa double victoire au référendum et aux législatives, le général de Gaulle triompha : « Le gouvernement procède du président de la République, et non pas du Parlement. Le régime parlementaire, c’est fini » (Peyrefitte, 2002, 284).
12 Le « fait majoritaire » apparu lors des législatives de novembre 1962 devait permettre à l’exécutif de s’appuyer sur une majorité parlementaire stable et dévouée (François, 2007, 449). De même, après son élection, François Mitterrand décida de dissoudre l’Assemblée afin de se « donner vite les moyens de gouverner » (Attali, 1993, 22). Ayant obtenu une majorité socialiste, il adressa ce message aux parlementaires : « J’ai dit à plusieurs reprises que mes engagements constituaient la charte de l’action gouvernementale. J’ajouterai... qu’ils sont devenus la charte de votre action législative. »
13 Dans les années 1960 comme dans les années 1980, cette pratique de subordination du Parlement au président explique que le contrôle du Parlement sur la politique européenne de la France soit resté limité, l’exécutif considérant qu’en la matière, « il ne saurait être lié à l’avis du Parlement » (Lequesne, 1993, 230). De leur côté, les parlementaires français se sont résignés à n’avoir quasiment aucun poids sur la politique européenne de la France, souvent assimilée au « domaine réservé » du président (Frears, 1975). Le président a profité de cette marge de manœuvre pour se positionner comme « le grand responsable des options européennes de la France » (Kessler, 1999, 192).
Les cas empiriques
14 Nous avons choisi d’éclairer le rôle du régime la Cinquième République dans la politique européenne de la France à travers deux cas traditionnellement interprétés à travers des grilles de lecture économique ou idéologique : la crise de la chaise vide de 1965 (Moravcsik, 1999 ; Vaïsse, 2001 ; Ludlow, 2006 ; Bajon, 2009 ; Warlouzet, 2011) et l’Acte unique européen de 1986 (Moravcsik, 1991 ; Garrett, 1992 ; Parsons, 2003). Ce choix se justifie dans la mesure où ces deux épisodes correspondent respectivement aux premiers pouvoirs budgétaires et législatifs du Parlement européen. Ces deux épisodes peuvent ainsi être lus comme des moments « originaires », « où se constitue un certain nombre de choses qui, une fois constituées, passent inaperçues » ou encore « le lieu où se voient les luttes » (Bourdieu, 2012, 146-147). En effet, ces épisodes virent les acteurs tant gouvernementaux que parlementaires exprimer des positions plus explicites, et donc empiriquement plus repérables, que les débats ultérieurs, qui se révélèrent routinisés (Goetze et Rittberger, 2010).
15 Dans le cas de la crise de la chaise vide, la question des pouvoirs du Parlement européen était liée à la Politique agricole commune (PAC). Celle-ci devait être financée dans un premier temps par des contributions nationales, puis par des ressources propres, prélevées sur les importations. Le problème était que les fonds qui ne transiteraient plus par les budgets nationaux ne feraient plus l’objet d’un contrôle des parlements nationaux. Dès 1964, la France mise à part, les cinq autres gouvernements proposèrent, en compensation, de conférer des pouvoirs budgétaires au Parlement européen. Des motions furent votées en ce sens par les Parlements néerlandais et allemand (Niblock, 1971). La Commission européenne répondit à ces demandes dans sa proposition de mars 1965, qui prévoyait le passage aux ressources propres dès 1967 et le transfert de pouvoirs budgétaires au Parlement européen. Mais le 30 juin 1965, eut lieu la fameuse réunion du Conseil qui conduisit à la crise de la chaise vide. La délégation française repoussa le renforcement du Parlement européen, défendu notamment par les Pays-Bas et l’Allemagne, et proposa de mettre au point un règlement financier transitoire. La négociation aboutissant à une impasse, le général de Gaulle décida que la France ne siègerait plus au Conseil. La crise dura jusqu’en janvier 1966 et le plan de la Commission fut enterré. L’affaire trouva son dénouement en 1970 sous le président Pompidou. Placés au pied du mur par le passage aux ressources propres qui ne pouvait plus être retardé, les Six trouvèrent un compromis conférant des pouvoirs budgétaires aux députés européens sur certaines dépenses. Mais à la demande de la France, les dépenses agricoles en furent exclues et la capacité du Parlement européen à augmenter les dépenses fut limitée.
16 Dans le cas de l’Acte unique de 1986, la question du renforcement du Parlement européen émergea comme corolaire du parachèvement du marché intérieur. Cet objectif impliquait l’adoption d’un grand nombre de mesures d’harmonisation des législations nationales. Et une majorité de gouvernements estimait que ce programme ne pourrait être mis en œuvre qu’en généralisant la pratique du vote à la majorité au Conseil. Cette évolution signifiait que le contrôle indirect des politiques communautaires, exercé jusque-là par les parlements nationaux à travers le contrôle de leur gouvernement, allait être de plus en plus difficile, dans la mesure où les gouvernements risquaient d’être mis en minorité à Bruxelles. Comme dans les années 1960, le renforcement du Parlement européen représentait pour beaucoup une solution afin de préserver un contrôle parlementaire sur les politiques européennes. Le 14 février 1984, le Parlement européen avait voté un projet de traité, prévoyant une procédure de codécision législative entre le Conseil et le Parlement. En 1984-1985, ce projet reçut le soutien des parlements italien, belge, néerlandais et allemand (Corbett, 1998). En décembre 1985, la Conférence intergouvernementale aboutit à un compromis. Dans certains domaines où le Conseil statuerait à la majorité, une seconde lecture fut mise en place dont les règles incitaient le Conseil à prendre en compte l’avis du Parlement (De Ruyt, 1987, 128-133). Parmi les gouvernements, les positions extrêmes étaient tenues par l’Italie, qui trouvait ce compromis insuffisant, et le Danemark, qui trouvait qu’il allait trop loin. La position française consista à s’assurer que le Conseil continue à disposer du « dernier mot ».
17 Outre leur caractère « originaire », ces deux épisodes ont été sélectionnés car ils se situent sous deux présidents a priori très différents du point de vue de leurs idéologies européennes. D’un côté de Gaulle, défenseur de la souveraineté nationale et pourfendeur précoce de la supranationalité, notamment lors du débat sur la Communauté européenne de défense ; de l’autre Mitterrand, qui se présenta souvent comme un fédéraliste européen (Haywood, 1993, 275). Ainsi, C. Parsons classe de Gaulle parmi les partisans d’une Europe « traditionnelle » (2003, 125-143), et Mitterrand parmi les artisans d’une Europe « communautaire » (2003, 185-195). De même, B. Rittberger classe les gaullistes parmi les partisans de la coopération intergouvernementale (2005, 126) et les socialistes parmi ceux de l’État fédéral (2005, 156). Or, malgré cette opposition idéologique, les deux présidents adoptèrent à l’égard des pouvoirs du Parlement européen une position gouvernementaliste, privilégiant la défense des pouvoirs du Conseil. Alors même que les socialistes avaient été parmi les principaux défenseurs du renforcement du Parlement européen lors des débats des années 1960, et que, dans les années 1980, la majorité socialiste à l’Assemblée défendait à nouveau cette position, l’exécutif socialiste marqua quant à lui sa nette préférence pour un Parlement européen subordonné au Conseil. Cette relative continuité dans les préférences de l’exécutif français, malgré la variation idéologique et partisane, peut être expliquée par la continuité d’une logique et d’une pratique de la Cinquième République marquées par la subordination du pouvoir parlementaire à l’égard de l’exécutif.
18 Cependant, il convient de noter également les différences entre les deux contextes. Dans les années 1960, la pratique présidentialiste était loin d’aller de soi et ne s’imposa qu’à la suite d’un « apprentissage du déclin » de la part des parlementaires, émaillé de rebellions (François, 2007, 440). En revanche, dans les années 1980, la pratique de la Cinquième République était largement stabilisée, ce qui explique que Mitterrand ait pu présenter en 1981 la subordination du Parlement comme allant de soi. Nous verrons que cette différence se retrouve dans le rapport de l’exécutif français au Parlement européen. D’un côté, la confrontation théâtralisée que constitua la crise de la chaise vide transposa au niveau européen la brutalité du combat contre le « régime d’assemblée » engagé au niveau national ; de l’autre, le scepticisme du président Mitterrand à l’égard du Parlement européen s’exprima de façon plus modérée et feutrée, dans le prolongement de relations interinstitutionnelles apaisées au niveau national.
19 Dans ces deux études de cas, nous mobiliserons les débats parlementaires et les témoignages sur la parole privée des présidents, éclairant leurs dispositions personnelles (Peyrefitte, 2002 ; Attali, 1993). L’analyse de ces discours publics et privés nous permettra d’identifier les positions des acteurs et de mettre en évidence le fait que ces positions s’appuyaient sur des dispositions issues de la pratique de la Cinquième République. Cependant, les discours, notamment publics, peuvent présenter une image partielle des motivations des acteurs. C’est pourquoi, nous avons également consulté les archives diplomatiques françaises et les archives de l’Union européenne, offrant un éclairage plus direct sur la position de la France.
La crise de la chaise vide : écarter le spectre du « gouvernement d’assemblée »
20 Dès le début des années 1960, de Gaulle considérait la crise agricole comme le principal problème de la France après la guerre d’Algérie (Moravcsik, 1999, 521) et la réforme de la politique agricole française avait constitué un « test » du bouleversement des rapports entre pouvoirs sous la Cinquième République (Gaïti, 1998, 333-334). L’abaissement du Parlement français lors des crises agricoles de 1959-1961 est donc particulièrement révélateur de la pratique de la Cinquième République. Et c’est à nouveau à l’occasion d’un débat agricole que de Gaulle chercha en 1965 à transposer sa pratique antiparlementaire niveau européen.
L’antiparlementarisme national transposé au niveau européen
21 La politique agricole de la Quatrième République, fondée sur le soutien des prix, avait été principalement définie au Parlement, au sein de l’Amicale parlementaire agricole, proche du principal syndicat du secteur, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Or, dès le début de la Cinquième République, le gouvernement rompit avec l’indexation des prix et s’orienta vers une politique encourageant la modernisation des exploitations (Muller, 2014). Cette politique rejoignait les aspirations du Cercle national des jeunes agriculteurs (CNJA), qui cherchait à promouvoir une conception entrepreneuriale de la profession, légitimant la compétence technique de l’administration plutôt que la représentativité des élus (Dulong, 1997, 118-125). Cela se traduisit par un affrontement entre gouvernement et parlementaires.
22 Fin 1959, les manifestations d’agriculteurs se multiplièrent, ce qui donna lieu à la « première crise importante » du régime (François, 2007, 444). L’Assemblée nationale était alors dominée par une majorité formée autour des gaullistes et des indépendants et paysans. Répondant à l’appel des manifestants, une majorité de députés demanda la convocation d’une session extraordinaire du Parlement. Le 18 mars 1960, de Gaulle refusa, estimant que les propositions de lois qui auraient été déposées à cette occasion auraient été irrecevables aux termes de l’article 40 de la Constitution. Cet épisode manifestait le fait que le gouvernement, et non plus le Parlement, était le « seul lieu de définition de la nouvelle politique agricole » (Gaïti, 1998, 336).
23 La tendance fut confirmée en septembre 1961, alors qu’avaient repris les manifestations d’agriculteurs. Au Sénat, où la gauche et le centre étaient restés plus forts qu’à l’Assemblée, une proposition de loi portant sur les prix agricoles fut présentée. Le gouvernement lui opposa les articles 40 et 41 de la Constitution [4]. Le président du groupe socialiste Antoine Courrière commenta : « On nous veut chambre d’enregistrement et uniquement cela [5]. » Le même scénario se reproduisit à l’Assemblée. Plusieurs propositions de loi visant à soutenir les prix agricoles furent présentées. Le gouvernement invoqua l’article 40 et les fit retirer de l’ordre du jour [6]. Francis Leenhardt (socialiste) dénonça un Premier Ministre « obsédé par le régime d’assemblée », et Henry Bergasse (Indépendants et paysans) accusa le gouvernement de vouloir réduire l’Assemblée au rang d’« organe consultatif » [7]. En revanche, les députés gaullistes manifestèrent leur acceptation des limites imposées à leur rôle [8]. Cette position fut également celle du CNJA qui, à l’encontre de la contestation de la FNSEA, s’estima satisfait des mesures gouvernementales (Gaïti, 1998, 340).
24 Lorsque se posa la question des pouvoirs du Parlement européen, l’exécutif français transposa largement la position antiparlementariste qu’il avait affichée au cours des crises de 1959-1961. Dès les premiers débats au Conseil des Communautés en 1964, Maurice Couve de Murville marqua l’opposition de la France aux propositions formulées par ses partenaires visant à renforcer le Parlement européen [9]. Il rappela que l’Assemblée de Strasbourg avait été conçue comme « consultative » et questionna sa représentativité. Et à l’argument selon lequel il convenait alors de faire élire les députés européens au suffrage universel direct, le ministre répondit :
26 Ainsi, le gouvernement français voyait explicitement une homologie entre régime national et régime européen. Et comme dans sa pratique de la Cinquième République, l’enjeu n’était pas tant d’écarter toute idée de démocratie européenne que de veiller à ce que le pouvoir parlementaire soit subordonné à un pouvoir gouvernemental fort. Ainsi, M. Couve de Murville poursuivit :
« Une représentation des peuples européens deviendra ultérieurement indispensable, mais elle devrait être accompagnée de la création d’une autorité véritablement exécutive, c’est-à-dire d’une autorité de caractère gouvernemental et politique. »
28 Dans l’immédiat, le ministre proposait que soit organisé au sein de l’Assemblée de Strasbourg un simple « débat » sur la PAC [10]. Cette position était dans le droit fil de la pratique du gouvernement Debré en 1961 : empêcher tout vote et ne tolérer qu’un « débat de caractère académique », suivant le mot de M. Faure [11].
29 En 1965, lorsque la Commission européenne proposa le renforcement des pouvoirs budgétaires du Parlement européen, le blocage vint du président de la République (Bajon, 2009, 215-217). Dans un contexte marqué par l’approche de la première élection présidentielle au suffrage universel direct en décembre 1965, les propos tenus par de Gaulle durant la crise de la chaise vide montrent qu’il assimilait son combat en cours et son combat contre les pratiques de la Quatrième République. Le 1er juillet 1965, il déclara :
« Le problème c’est toute cette maffia de supranationalistes, qu’ils soient commissaires, parlementaires ou fonctionnaires.. Ils ont été mis là par nos ennemis. Le copinage socialiste, avec quelques otages MRP, quelques copains à Félix Gaillard et à Maurice Faure... C’est la même catégorie, non seulement apatride, mais anti-patrie, qui est la sécrétion ignoble des partis. C’était la clientèle des partis. » (Peyrefitte, 2002, 887).
31 L’amalgame opéré par de Gaulle entre « supranationalistes » et personnel de la Quatrième République n’était pas sans fondement. Ainsi, le député Roland Boscary-Monsservin (Républicains indépendants) qui avait été ministre de l’Agriculture sous Félix Gaillard (1956-1957), siégea aussi à Strasbourg où il présida la commission de l’Agriculture à partir de 1960, et relaya les revendications budgétaires du Parlement européen à l’Assemblée nationale [12]. Pour de Gaulle, le risque était que les pratiques de la Quatrième République, discréditée au niveau national, ne resurgissent par le biais européen. Ainsi, le général assimila la stratégie de la Commission européenne à « des histoires de la Quatrième » (Peyrefitte, 2002, 893). Et en septembre 1965, il fit ce commentaire sur les principaux protagonistes du Conseil du 30 juin :
« Les Luns, ou Hallstein, ou Schröder, ou Fanfani, enfin les “européens”, comme ils disent, piquaient une lèche à l’assemblée de Strasbourg. Ils voulaient augmenter les pouvoirs de cette assemblée, en même temps qu’elle serait élue au suffrage universel direct. C’est dans cet esprit qu’ils avaient fait le traité de Rome... Tout ça a été fait par des parlementaires professionnels. » (Peyrefitte, 2002, 896).
33 Par ailleurs, de Gaulle pouvait s’appuyer lors de la crise de la chaise vide sur les mêmes soutiens que lors de la crise de 1961. Pendant la campagne présidentielle de 1965, alors que la FNSEA appela à sanctionner dans les urnes la politique européenne du président, le CNJA en revanche déclara refuser de se « laisser entraîner sur une voie politique qui, sous couvert de défense de l’Europe, conduirait le CNJA à... s’allier avec ceux qui ont toujours combattu les réformes que nous avons proposées » (Bruneteau, 1994, 122). Ce soutien implicite fut relayé par la presse gaulliste. Le débat de 1965 était, transposé aux enjeux européens, exactement homologues à celui de 1961.
34 Le passage aux ressources propres et les pouvoirs budgétaires du Parlement européen furent finalement actés par le traité de 1970. Cependant, la position du nouveau président Pompidou était la même que celle du général de Gaulle. Il déclara le 21 janvier 1971 :
« Il me paraît évident que le jour où il y aura un véritable gouvernement européen il faudra qu’il y ait un véritable Parlement européen. Cela posera d’ailleurs de nombreuses questions. Ne serait-ce qu’à cause des opinions et des habitudes différentes qui existent dans les différents pays de la Communauté quant aux rapports entre gouvernement et parlement. Mais en attendant, les spéculations sur l’Assemblée parlementaire européenne paraissent complètement inutiles. »
36 Ainsi, pour Pompidou, le clivage entre la France et ses partenaires sur ce débat reflétait des divergences non pas tant idéologiques ou d’intérêts, que liées aux différentes pratiques institutionnalisées au niveau des régimes nationaux.
L’homologie entre parlementarismes français et européen
37 Lorsque se posa la question des pouvoirs budgétaires du Parlement européen, les parlementaires français l’appréhendèrent dans la continuité du débat sur leurs propres pouvoirs dans le cadre de la Cinquième République. Et ils démontrèrent qu’ils avaient pour beaucoup intériorisé la logique promue par l’exécutif d’un pouvoir parlementaire subordonné au pouvoir gouvernemental.
38 Ainsi à Strasbourg, lors de la séance du 27 juin 1963 consacrée à l’étude du rapport Furler sur le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, le député libéral français André Rossi exprima son soutien mais tint à prévenir ses collègues :
« Je voudrais me faire un peu l’avocat du diable en essayant de savoir quels vont être les arguments que nos adversaires pourront nous opposer. Ce risque, je le dis franchement, c’est celui d’une argumentation nous faisant le reproche de créer une sorte de “gouvernement d’assemblée”. Peut-être suis-je plus sensibilisé à cette question parce que j’appartiens à un pays où ce problème a donné lieu à de longs débats et même à diverses modifications constitutionnelles successives, mais je crains que, si une telle accusation était portée contre nous, elle ne freine à jamais la construction européenne [13]. »
40 Transposant explicitement son expérience de la Cinquième République, A. Rossi anticipait non seulement la réaction négative du gouvernement français aux revendications du Parlement européen, mais aussi l’issue d’un éventuel affrontement, qu’il craignait, comme au niveau national, défavorable aux parlementaires.
41 Au sein du Parlement français, la question des pouvoirs du Parlement européen réactiva des débats typiques des crises de la Cinquième République. Alors que les parlementaires néerlandais et allemands adressaient des résolutions à leurs gouvernements, les parlementaires français ne disposaient plus de ce droit. Comme en 1960-1961, le parlementarisme rationalisé de la Cinquième République les empêchait de prendre position par un vote. De plus, la confrontation de 1962 avait entre-temps vu triompher l’interprétation présidentialiste du régime et accentué la domination des gaullistes à l’Assemblée. Comme lors de la crise de 1961, les parlementaires ne jouèrent quasiment aucun rôle et les élus non gaullistes ne purent qu’exprimer leur frustration. Les protestations virent surtout des socialistes, qui avaient été, sous la Quatrième République et le gouvernement Guy Mollet, les artisans du traité de Rome. Mais leurs arguments renvoyaient largement à des dispositions liées à la pratique du parlementarisme. Ainsi, le député socialiste Kléber Loustau, qui avait été sous-secrétaire d’État à l’Agriculture de G. Mollet, interpella M. Couve de Murville :
« Qu’y a-t-il de scandaleux à faire assurer par l’Assemblée parlementaire européenne le contrôle que doit exercer naturellement tout parlement... Allez-vous, Monsieur le ministre, reprocher à la [Commission européenne] de trouver tout naturel de rendre aux représentants du peuple les pouvoirs qui leur reviennent depuis l’aube de la démocratie [14] ? »
43 Il s’agissait de défendre au niveau européen la pratique traditionnelle du parlementarisme, telle que la gauche l’avait défendue au niveau national. Un raisonnement similaire fut présenté par M. Faure (Rassemblement démocratique, secrétaire d’État aux Affaires étrangères sous G. Mollet) [15]. Mais les députés constataient aussi que l’exécutif cherchait à transposer au Parlement européen sa propre pratique nationale, visant à réduire les parlementaires au silence. Ainsi, le socialiste André Raust ajouta :
« Mais on comprend très bien que le régime actuel de la France ne veuille pas d’un système parlementaire européen, puisque, sur le plan intérieur, il ne donne au Parlement français qu’un rôle consultatif [16]. »
45 Pour les députés, le débat n’opposait donc pas seulement des visions de l’Europe, mais aussi des pratiques du parlementarisme.
46 Enfin, comme en 1961, les députés de la majorité gaulliste se montrèrent disciplinés à l’égard de leur gouvernement, ayant intégré l’idée d’un contrôle parlementaire limité. Un entretien entre diplomates français et parlementaires européens gaullistes quelques années après la crise de la chaise vide permet de mesurer l’attitude de ces derniers. Comme leurs collègues des autres États membres, ces députés souhaitaient que le Parlement européen puisse voter des amendements sur la totalité du budget. En revanche, ils estimaient « tout à fait normal » que le Parlement européen ne puisse augmenter les dépenses, ce qui revenait à transposer au niveau européen l’article 40 de la Constitution française [17]. Les débats de ratification du traité budgétaire de 1970 fournissent également un bon indicateur. Alors que le renforcement du Parlement européen était, communistes mis à part, assez consensuel au Sénat, il divisa les gaullistes à l’Assemblée. Au sein du groupe gaulliste, les deux camps invoquèrent des principes liés à la pratique du parlementarisme national. D’une part, le rapporteur de la commission des Affaires étrangères, Christian de La Malène (député européen) estima qu’il serait « contraire aux principes traditionnels de la démocratie parlementaire que les gouvernements décident seuls » de l’utilisation des ressources propres et que le contrôle du Parlement européen était « indispensable » [18].
47 De l’autre, Jacques Vendroux s’opposa au renforcement du Parlement européen, invoquant non seulement sa position idéologique hostile à la « supranationalité », mais aussi sa crainte que cette évolution n’aboutisse « à ce pouvoir d’assemblée dont certains rêvent avec ivresse et que, pour notre part, nous considérons comme totalement incompatible avec les principes qui ont inspiré la Cinquième République » [19]. De même, Michel Habib-Deloncle (député européen) vota la ratification mais évoqua la « hantise » du « régime d’assemblée », fondée sur « une bien longue et triste expérience ». Il expliqua que les parlementaires des autres États membres ne tenaient pas tant à la « supranationalité » qu’à des « réflexes de méfiance à l’égard de tous les gouvernements », qu’ils « n’avaient pas les mêmes habitudes ni les mêmes opinions » que les Français, et étaient « particulièrement exigeants sur le contrôle des gouvernements » [20]. Ces réactions montrent que les parlementaires gaullistes avaient largement intégré la logique antiparlementaire de la Cinquième République au point de trouver naturel que le gouvernement cherche à transposer cette logique au niveau européen, mais aussi qu’ils interprétaient les positions de leurs collègues européens comme la transposition de leurs propres logiques nationales.
L’Acte unique européen : ne pas « affaiblir le Conseil des ministres »
48 L’intérêt particulier du cas de l’Acte unique est que, contrairement aux gaullistes des années 1960, les socialistes des années 1980 au pouvoir au moment de la négociation, adhéraient à une idéologie fédéraliste européenne (Rittberger, 2005, 156). La tension qui se manifesta alors entre un exécutif privilégiant la défense des pouvoirs du Conseil, et des parlementaires socialistes réclamant le renforcement du Parlement européen, ne peut donc pas s’expliquer par un clivage idéologique en matière européenne. En revanche, cette tension s’inscrivait dans la continuité des pratiques qui s’étaient établies depuis 1981, entre une majorité parlementaire cherchant à s’affirmer, et un gouvernement cherchant à donner la priorité à sa propre action.
La priorité à l’action gouvernementale en France
49 L’arrivée au pouvoir d’un président et d’une large majorité de députés socialistes en 1981 avait pu laisser présager une politique favorable au parlementarisme. Parmi les 110 propositions du candidat Mitterrand, la 46e annonçait que le Parlement retrouverait « ses droits constitutionnels » et la 11e soutenait la « poursuite de la démocratisation » des institutions européennes.
50 Pourtant, dans les faits, les lois adoptées durant la législature 1981-1986, furent plus que jamais d’origine gouvernementale. Face aux surenchères issues de sa propre majorité, le gouvernement fit passer d’importantes réformes par la voie d’ordonnances et il utilisa la question de confiance et l’article 49.3 en vue de faire plier sa majorité sur des orientations contestées (François, 2007, 472-474). En 1982, Michel Debré, l’ancien Premier Ministre de de Gaulle et l’un des rédacteurs de la Constitution de 1958, apostropha Pierre Mauroy en ces termes :
« Quelles bonnes ressources, Monsieur le Premier Ministre, ne vous apporte-t-elle pas, cette Constitution ! Il me semble que j’entends déjà une nouvelle génération de professeurs qui apprendront à leurs élèves que j’ai fabriqué une Constitution à l’intention d’un gouvernement et d’une majorité socialistes. » (François, 2007, 474).
52 Cette pratique qui, sans aller jusqu’à reproduire les affrontements des années 1960, visait à protéger au maximum l’action gouvernementale des turbulences parlementaires, se retrouva en matière de politique européenne. Le 7 mai 1985, à l’approche du sommet de Milan qui devait lancer les négociations intergouvernementales, le député Maurice Ligot (UDF) constata que le Parlement français était avec son homologue grec le seul à ne pas avoir été appelé à débattre des projets du Parlement européen et il reprocha au gouvernement son inaction [21]. De même, le député socialiste Charles Josselin, président de la Délégation pour les Communautés européennes et ancien député européen regretta que l’Assemblée nationale ne soit pas appelée à prendre position sur la réforme des institutions européennes [22]. Contrairement aux députés gaullistes des années 1960, les députés socialistes, dans la continuité de leur pratique depuis 1981, n’hésitaient pas à manifester leur impatience face à l’exécutif. Cependant, dans sa réponse, la secrétaire d’État aux affaires européennes Catherine Lalumière insista sur le rôle limité du Parlement français dans le débat européen :
« Tant le règlement de l’Assemblée nationale – notamment l’article 82 – que la Constitution lui interdisent aussi bien le vote d’une résolution que le dépôt d’une proposition de loi en la matière [23]. »
54 Cette réponse illustre la pratique entretenue par l’exécutif au niveau national, consistant à privilégier sa propre marge de manœuvre au détriment de l’intervention du Parlement. Et au niveau européen, cette marge de manœuvre permit à l’exécutif de transposer librement sa vision d’un parlementarisme subordonné à l’efficacité de l’action des gouvernements.
La priorité à l’action du Conseil au niveau européen
55 Sur la question de l’opportunité du renforcement des pouvoirs législatifs du Parlement européen, le gouvernement adopta une position reflétant sa pratique de la Cinquième République.
56 Lors du débat de juin 1985 à l’Assemblée nationale, Charles Josselin développa une argumentation favorable au renforcement du Parlement européen, proche de celle développée par les résolutions des parlements allemand ou italien :
« Nous parlements nationaux, nous aurions pu nous consoler de notre abaissement en pensant que la relève était prise à Strasbourg, et en nous redisant la parole du Baptiste : “Il faut qu’il croisse et que je diminue”. Mais tout le monde sait que nous sommes très loin du compte [24]. »
58 Comme les députés socialistes de 1965, Josselin considérait tout naturel de transposer au Parlement européen le contrôle parlementaire pratiqué au niveau national. Sachant que le gouvernement entendait donner la priorité au Conseil, il ajouta : « N’est-il pas souhaitable de ne pas séparer la promotion du Conseil de celle du Parlement européen ? »
59 Une position similaire fut défendue à droite par l’UDF Adrien Zeller [25].
60 Face à cette demande, la réponse du gouvernement consista en premier lieu à relativiser la représentativité du Parlement européen, faisant écho à l’argumentaire de M. Couve de Murville dans les années 1960. Une note du gouvernement destinée aux parlementaires européens français soulignait que le renforcement du Parlement européen devait être conditionné à l’uniformisation de son mode d’élection [26]. La secrétaire d’État aux Affaires européennes souligna également le manque de représentativité des députés de Strasbourg, du fait de la faible participation aux élections [27].
61 Mais surtout, le principal argument du gouvernement pour limiter le renforcement du Parlement européen était fondé, dans la continuité de sa pratique de la Cinquième République depuis 1981, sur la défense de l’efficacité de l’application du programme fixé par les gouvernements. Catherine Lalumière souligna :
« Nous sommes déjà victimes de procédures très longues, trop longues ; l’intervention du Parlement européen, certes, à bien des points de vue, souhaitable, ne devrait pas les ralentir [28]. »
63 Face à des députés qui défendaient à la fois leur propre capacité à prendre part au débat et un renforcement du Parlement européen, la secrétaire d’État rappelait à la fois le rôle limité du Parlement national et le scepticisme de l’exécutif à l’égard du Parlement européen. Au vu de ces déclarations, la Délégation de l’Assemblée pour les Communautés européennes estima dans son rapport d’octobre 1985 qu’il ne fallait pas « présager que la France s’engagera beaucoup sur ce point » [29]. Le rapport rappelait même que Régis Debray, chargé de mission pour les relations internationales auprès du président Mitterrand, avait qualifié le Parlement européen de « Parlement pour rire ».
64 La priorité accordée à l’efficacité de l’action du Conseil se retrouva également dans les propos du président Mitterrand. Lors d’une rencontre avec le Chancelier Kohl le 28 mai 1985, il affirma :
« Concernant le Parlement, il ne faut pas affaiblir à l’heure actuelle le Conseil des ministres pour accroître les pouvoirs des parlementaires. » (Attali, 1993, 817).
66 Durant la négociation de l’Acte Unique, la position du gouvernement français consista à admettre un rôle accru du Parlement européen tout « en laissant la réalité du pouvoir – le dernier mot – au Conseil » [30]. Un mémorandum de la présidence de la République proposa ainsi une formule modérée : en cas de désaccord entre Conseil et Parlement, un Comité de conciliation disposait d’un mois pour trouver un accord, mais s’il échouait, le Conseil statuait seul [31]. Devant ses homologues, la secrétaire d’État Lalumière souligna qu’il convenait d’être « prudent » en matière de renforcement du Parlement, afin de ne pas créer de « déséquilibre » entre institutions [32]. De même le ministre des Affaires étrangères Roland Dumas souligna au cours d’un entretien avec son homologue allemand que « la France n’acceptera pas que le Parlement puisse avoir le dernier mot » [33]. Les Français estimaient d’ailleurs que les propositions allemandes qui impliquaient une procédure de conciliation plus complexe et des délais plus longs, risquaient de bouleverser « l’équilibre interinstitutionnel au profit du Parlement ». Roland Dumas s’opposa aussi au projet allemand de soumettre la révision des traités à l’avis conforme du Parlement, projet que les diplomates français qualifiaient de « dangereux » [34]. Le ministre français trouvait également « dangereuses » les propositions de la Commission risquant de confier au Parlement européen « des pouvoirs exorbitants » (Haywood, 1989, 144). De même, les propositions italiennes visant à conférer au Parlement un plein pouvoir de codécision étaient jugées « démagogiques » par la diplomatie française [35]. Le compromis final selon lequel des amendements du Parlement soutenus par la Commission pouvaient être adoptés par le Conseil à la majorité qualifiée, mais ne pouvaient être rejetés qu’à l’unanimité, fut jugé satisfaisant parce qu’il associait le Parlement tout en laissant le « dernier mot » au Conseil [36]. Comme au niveau national, les parlementaires étaient vus comme des acteurs subordonnés, dont l’intervention ne devait pas faire obstacle à la mise en œuvre de l’agenda des gouvernements.
67 Le 29 novembre 1985, le président Mitterrand insista lors d’un entretien avec le Premier Ministre irlandais sur le fait qu’il fallait éviter un Parlement « trop puissant » (Attali, 1993, 886). Selon Elizabeth Haywood, cette question constitue un point sur lequel l’engagement pro-européen de Mitterrand trouve ses limites (Haywood, 1993, 277). En fait, la position du président Mitterrand à l’égard du Parlement européen transposait largement sa pratique de la Cinquième République. Ainsi, sa secrétaire d’État aux Affaires européennes se souvient : « Mitterrand avait été député. Mais le pouvoir pour lui, c’était l’exécutif. » Et quant à sa position sur le Parlement européen :
« Mitterrand était pour l’Europe. Je ne l’ai jamais entendu tenir des propos désobligeants à l’égard du Parlement européen. Mais dans les faits, il comptait sur le pouvoir régalien de là où il était, c’est-à-dire le Conseil européen. Il aurait été en Allemagne face au Bundestag, ou encore dans un pays nordique où il faut une autorisation parlementaire pour dire trois mots, il ne l’aurait pas supporté [37]. »
69 Ces citations illustrent la forte homologie entre la vision que Mitterrand avait du parlementarisme national et sa vision du parlementarisme européen.
Conclusion
70 Le régime de la Cinquième République constitue bien, à côté des intérêts économiques et des positions idéologiques, une des sources de la politique européenne de la France. En particulier, le rapport des dirigeants français au Parlement européen fut largement déterminé par leur pratique du parlementarisme national. La crise de la chaise vide de 1965, qui vit la France s’opposer à ses partenaires sur la question des pouvoirs budgétaires du Parlement européen, ne fit que transposer au niveau européen les affrontements entre exécutif et parlementaires qui avaient marqué les crises agricoles de 1959- 1961. L’exécutif chercha à transposer au niveau européen son combat contre le « gouvernement d’assemblée ». Il fut soutenu en cela par des parlementaires gaullistes qui avaient largement intériorisé le principe de l’abaissement du pouvoir parlementaire, au niveau européen comme au niveau national. Le cas de l’Acte unique de 1986 vient confirmer cette homologie. Alors que le président Mitterrand était, contrairement à de Gaulle, un fédéraliste européen et que des positions favorables au Parlement européen émergeaient de la majorité socialiste à l’Assemblée, l’exécutif français privilégia la défense des pouvoirs du Conseil, dans le prolongement de sa pratique au niveau national qui cherchait à protéger par tous les moyens l’action gouvernementale des turbulences parlementaires. La faible influence des parlementaires, y compris ceux de la majorité, sur la politique européenne de la France, laissa la porte ouverte à cette stratégie gouvernementaliste.
71 Selon Emanuel Adler et Vincent Pouliot (2011, 30), les États se distinguent sur la scène internationale non seulement par leur puissance ou leurs intérêts, mais aussi par leurs pratiques institutionnalisées. Ainsi, les pratiques institutionnalisées sous la Cinquième République contribuèrent-elles à dessiner les contours d’une politique française traditionnellement peu favorable au Parlement européen, privilégiant le Conseil européen en tant que projection de la prééminence du président de la République. Dans les années 2000, cette tendance s’est confirmée, puisqu’en matière institutionnelle, alors que l’Allemagne militait pour que le Parlement européen puisse élire le président de la Commission, la France fut le principal promoteur de la création du poste de président du Conseil européen (Haroche, 2010).
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Notes
-
[1]
L’auteur tient à remercier Bastien François, Brigitte Gaïti, Antoine Vauchez, Laurent Warlouzet et les deux évaluateurs anonymes pour leur lecture attentive et leurs précieux conseils.
-
[2]
Voir Journal of Cold War Studies, 2000, vol. 2, n° 3. Sur les prolongements de ce débat entre historiens et politistes, voir Warlouzet (2014).
-
[3]
Wolfgang Wagner (2002) avance que les États fédéralistes ont tendance à soutenir le Parlement européen, tandis que les États centralisés ne voient d’autre légitimité que celle de leur Parlement national. Cependant, dans le cas du général de Gaulle, interpréter son opposition au Parlement européen comme une défense de la souveraineté exclusive du Parlement français relèverait d’un contresens puisqu’il chercha à les affaiblir l’un comme l’autre.
-
[4]
JO, Sénat, séance du 5 septembre 1961, p. 1053, 1055.
-
[5]
Ibid., p. 1055.
-
[6]
JO, Assemblée nationale (AN), séance du 12 septembre 1961, p. 2244.
-
[7]
Ibid., p. 2245-2246.
-
[8]
Ibid., p. 2251.
-
[9]
AHUE, Conseil des 24 et 25 février 1964, CM2 1965, n° 1005, p. 28-31.
-
[10]
AHUE, Conseil du 25 mars 1964, CM2 1965, n° 1006, p. 24.
-
[11]
JO, AN, séance du 12 septembre 1961, p. 2246.
-
[12]
JO, AN, 2e séance du 4 novembre 1969, p. 3303.
-
[13]
AHUE, Parlement européen, séance du 27 juin 1963, CM2 1965, n° 1001, p. 165.
-
[14]
JO, AN, 2e séance du 20 octobre 1965, p. 3905.
-
[15]
JO, AN, 1re séance du 20 octobre 1965, p. 3895.
-
[16]
JO, AN, 2e séance du 20 octobre 1965, p. 3909.
-
[17]
AD, Note du 29 janvier 1970, Coopération économique, n° 806.
-
[18]
JO, AN, 1re séance du 23 juin 1970, p. 2915.
-
[19]
JO, AN, 2e séance du 23 juin 1970, p. 2935.
-
[20]
Ibid., p. 2936.
-
[21]
JO, AN, séance du 7 mai 1985, p. 612-613.
-
[22]
JO, AN, 3e séance du 11 juin 1985, p. 1599.
-
[23]
Ibid., p. 1617.
-
[24]
Ibid., p. 1600.
-
[25]
Ibid., p. 1613.
-
[26]
Citée par Josselin, ibid., p. 1600.
-
[27]
Ibid., p. 1617.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
AN, Rapport d’information, 25 octobre 1985, n° 3010, p. 37-38.
-
[30]
AD, Note, 31 juillet 1985, Coopération économique, n° 2531.
-
[31]
AD, Mémorandum pour un progrès de la construction de l’Europe, 29 juin 1985, Coopération économique, n° 2531.
-
[32]
AD, Télégramme Ouverture de la Conférence intergouvernementale II, 10 septembre 1985, Coopération économique, n° 2532, p. 3.
-
[33]
AD, Télégramme Entretien Dumas - Genscher, 29 novembre 1985, Coopération économique, n° 2533.
-
[34]
AD, Note, 16 octobre 1985, Coopération économique, n° 2532.
-
[35]
AD, Note sur la session du 21 octobre, 18 octobre 1985, Coopération économique, n° 2532.
-
[36]
AD, Note sur la procédure de coopération, 28 novembre 1985, Coopération économique, n° 2533.
-
[37]
Entretien avec Catherine Lalumière, 20 avril 2015.