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Article de revue

Genre et application du concept de gender mainstreaming

Etude de cas dans la mise en œuvre du fonds social européen en Ile-de-France et a Berlin depuis 2000

Pages 55 à 74

English version

1En 1996, la Commission européenne a publié une communication sur le gender mainstreaming annoncée comme sa nouvelle politique « d’égalité entre les femmes et les hommes ». Il vise à « promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des actions et des politiques, et ce à tous les niveaux » (…) « Il s’agit, ce faisant, de ne pas limiter les efforts de promotion de l’égalité à la mise en œuvre de mesures spécifiques en faveur des femmes, mais de mobiliser explicitement en vue de l’égalité l’ensemble des actions et politiques générales, en introduisant dans leur conception (…) l’attention à leurs effets possibles sur les situations respectives des femmes et des hommes (« gender perspective »)… » (COM, 1996). La référence à la définition du Conseil de l’Europe permet de bien éclairer les spécificités du concept : il est question de la réorganisation des processus de décision, afin que tous les acteurs participant à l’élaboration et la mise en œuvre des politiques tiennent compte de la perspective de genre dans tous les domaines et à tous les niveaux (Conseil de l’Europe, 1998,9).

2Il s’agit donc d’une nouvelle méthode d’action publique visant un changement de culture des organisations. On peut dégager à partir de ces définitions trois caractéristiques essentielles qui la distinguent des autres politiques publiques d’égalité entre les sexes (pour plus de précisions sur ses caractéristiques, voir Jacquot, début du paragraphe 2. « La construction d’un instrument de politique publique polysémique ») :

  1. Elle implique une extension sectorielle de la politique d’égalité : la perspective de genre doit être prise en compte dans toutes les politiques publiques.
  2. Elle induit aussi une extension séquentielle de la politique d’égalité : le critère du genre doit être pris en compte dans toutes les phases des politiques publiques.
  3. La conséquence de cette double extension est qu’une plus large palette d’acteurs est impliquée dans la politique d’égalité entre les sexes.

3Si le gender mainstreaming nourrit beaucoup d’attentes, pour son approche intégrée et préventive, plusieurs études font état de sa faible transposition concrète (Bothfeld, Gronbach, Riedmüller, 2002,231 ; Silvera, 2000,16). Se pose en effet le paradoxe suivant : incluant tous les acteurs de politique publique, qu’importent leurs motivations, leurs compétences et leurs ressources en matière d’égalité entre les sexes, le changement d’optique et de pratiques que cette politique est censé introduire n’est-il pas illusoire (Hafner-Burton, Pollack, 2000,434) ? Avec quels acteurs introduire du changement en faveur de l’égalité entre les genres en politique publique ? Comment promouvoir l’égalité quand les acteurs qui mettent en œuvre le gender mainstreaming ne se revendiquent pas du féminisme ? (Krell, 2001,115) L’intégration des questions de genre dans l’action de tous les acteurs de politique publique ne porte-t-elle pas en elle le risque d’une dilution des questionnements et des actions en faveur de l’égalité entre les sexes ?

4On cherchera ici à analyser l’effectivité de l’intégration des questions de genre dans le programme objectif 3 du Fonds Social Européen (FSE) à Berlin et en Ile-de-France (IdF) depuis 2000. Le fonctionnement de l’objectif 3 du Fonds Social Européen, outil financier communautaire cofinançant des programmes nationaux et régionaux pour l’emploi et la formation, repose en effet sur une conditionnalité de l’aide financière liée au respect de certains critères définis au niveau communautaire, dont le critère d’égalité des chances entre les sexes.

5En toile de fond, c’est donc le problème de la portée d’un outil communautaire en matière d’action publique en faveur de l’égalité qui sera posé, avec un centrage sur sa portée en aval des instances décisionnelles européennes. L’article vise à mettre en lumière le cheminement de l’impulsion communautaire en matière de gender mainstreaming, en centrant son propos sur le niveau local. Il mettra l’accent sur l’interdépendance de celles-ci avec les espaces politiques locaux et leur réappropriation par les acteurs infra-communautaires (pour la réflexion sur les apports d’une étude de l’intégration communautaire par le bas, voir Pasquier, Weisbein, 2004). Les recherches ont été menées à Berlin en 2003 et en Ile-de-France depuis 2004. L’analyse est centrée sur les acteurs et actrices de la mise en œuvre, à travers l’étude des documents directeurs du programme objectif 3 et l’analyse des stratégies des acteurs et des résistances à l’intégration du genre dans la mise en œuvre du FSE. L’article exclut donc de son champ d’analyse l’impact de cette méthode d’action sur l’évolution des inégalités relatives au genre sur le marché de l’emploi. Il cherchera à montrer comment jusqu’alors, en Ile-de-France et à Berlin, l’opérationnalisation du gender mainstreaming de façon non contraignante n’a pas permis d’inclure de façon substantielle et systématique les questions de genre dans la gestion des programmes FSE. Pour cela, on analysera son opérationnalisation dans les différents documents juridiques directeurs des programmes, avant de s’intéresser aux dynamiques qui visent à rendre visibles des questions de genre mises en place au niveau local. Pour terminer, on mettra en lumière les obstacles à une réelle approche intégrée de l’égalité.

6Il ne s’agit donc pas dans cet article d’offrir un panorama exhaustif de la façon dont le gender mainstreaming est transposé, mais de proposer une réflexion analytique sur ses mécanismes de fonctionnement, ses apports et ses limites (sur l’importance du niveau infra-communautaire, voir Mazey, 2000,342). Les apports, mais aussi les incohérences de cette nouvelle méthode d’action publique prônée par l’UE, ainsi que les modalités de sa mise en œuvre seront discutés.

Le gender mainstreaming dans les documents directeurs : l’opérationnalisation par l’ancrage juridique ?

7L’opérationnalisation du gender mainstreaming est indissociable de son ancrage juridique, qui introduit une dimension coercitive à la norme d’égalité entre les sexes (Chazel, Favereau, Friedberg, 1994,90). Ainsi, si son application contient un caractère obligatoire, son non respect peut faire l’objet de recours en justice. Cet ancrage juridique permet aussi tout simplement aux services des droits des femmes de s’appuyer sur la légitimité juridique de leur action. Sa mise en œuvre requiert, en tant que procédé top-down, un degré poussé de « finalisation de la régulation » (Chazel, Favereau, Friedberg, 1994,88), pour encadrer les actions des acteurs et actrices novices dans les questions de genre.

L’opérationnalisation au niveau communautaire

8Le principe général de gender mainstreaming est inscrit dans le Traité d’Amsterdam. Plus particulièrement, il trouve une déclinaison dans deux actes communautaires relatifs aux fonds structurels. Dans le règlement du 21 juin 1999, on trouve de nombreux articles (sur les buts poursuivis par l’utilisation des fonds, mais aussi la technique et la méthode des fonds structurels) contenant des obligations à caractère généraliste sur le respect de l’égalité entre hommes et femmes dans l’utilisation des fonds. L’article le plus précis concerne les statistiques réalisées dans les études d’utilisation des fonds, qui doivent être sexuées. Enfin, l’analyse des situations respectives des hommes et des femmes doit être menée dans l’évaluation ex-ante. Le règlement sur le FSE contient globalement les mêmes dispositions. C’est donc davantage le principe de l’égalité hommes-femmes que le gender mainstreaming qui trouve un ancrage juridique. Son opérationnalisation est quasi inexistante dans les règlements. En outre, aucun contrôle n’est prévu eu égard au respect concret du principe.

9Toutefois, si la Commission n’a pas opérationnalisé de façon contraignante la mise en œuvre du gender mainstreaming dans le secteur des fonds structurels, l’impulsion qu’elle donne ne se limite pas à ses actes juridiques. Ainsi, dans un ouvrage portant sur l’intégration de l’égalité des chances dans les programmes de ces fonds (Europäische Kommission, 2000), l’UE souligne qu’elle est consciente du besoin d’instructions sur ce sujet. Dans cette optique, elle promeut des études de projets et des échanges de bonnes pratiques sur le gender mainstreaming. Un rapport de Mary Braitwaite présente les résultats d’un séminaire sur la promotion de l’égalité des chances entre les sexes dans le cadre des programmes des fonds structurels en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. On y trouve des consignes pratiques, allant du rassemblement de données pertinentes à la présentation d’indicateurs pour l’accompagnement et l’évaluation des politiques publiques pour la prise en compte de l’égalité hommes-femmes. En 1998, un guide a été mis en place, « Mécanismes et indicateurs du suivi du Mainstreaming » (Sensi, 1999) qui vise à aider les acteurs à mettre en œuvre la nouvelle politique d’égalité. Le guide est très détaillé et fourni, constituant ainsi une aide précieuse pour les acteurs locaux. Cependant, toutes les actions sur la démarche à suivre visant à concrétiser cette politique (audit, plan d’action, évaluation de l’action genrée) n’ont pas de valeur coercitive.

10Les guides édités par la Commission européenne n’ont donc aucune valeur juridique. On est bien en présence de « soft law ». Ces documents sont d’ailleurs inégalement connus et pris en compte par les actrices de terrain. A Berlin, les personnes interviewées actives dans le gender mainstreaming ont déclaré travailler avec ces documents produits par la Commission. La Frauenbeauftragte d’une des mairies d’arrondissement de Berlin (chargée de mission pour les droits des femmes) s’est ainsi directement inspirée du guide pratique édité par la Commission pour en produire un pour sa mairie d’arrondissement. En revanche, en IledeFrance, la chargée de mission responsable du FSE à la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité déclare ne pas y avoir recours et juste parfois regarder le site internet de la Commission européenne.

L’opérationnalisation au niveau national

11Les administrations nationales jouent un rôle dans la définition des buts du programme objectif 3 du FSE, puisque la mise en œuvre de celui-ci repose en premier lieu sur l’élaboration d’un Document unique de programmation, ou Docup, programme directeur national définissant des axes d’intervention pour l’attribution des fonds du FSE. Les Docups français et allemand tentent de rendre visible de façon transversale les enjeux relatifs au genre dans l’emploi. En Allemagne, une analyse « genrée » du marché de l’emploi allemand est livrée, avec notamment plusieurs statistiques croisant le sexe avec d’autres critères. Cependant, les mesures contenues dans le Docup proposent rarement une approche genrée. On trouve ainsi peu d’analyses des difficultés spécifiques aux femmes pour accéder à l’emploi et la formation et peu de descriptions des différentes manifestations des inégalités entre les sexes dans l’emploi et la formation (Bundesrepublik Deutschland, 2004). Les femmes sont certes parfois citées comme un des publics cibles, mais parmi d’autres. En France, l’objectif de promotion de l’accès et de la participation des femmes au marché du travail est mentionné parmi les objectifs généraux du Docup (Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, 2001). On trouve aussi des références à la problématique de la promotion de l’égalité entre les sexes dans la stratégie générale. Au gré des axes spécifiques (éducation et formation tout au long de la vie, esprit d’entreprise, etc.), le public féminin est là aussi parfois spécifiquement l’un des publics cibles.

12Ce sont les autorités régionales qui sont parties prenantes dans la mise en œuvre concrète du gender mainstreaming dans les programmes régionaux FSE, plus particulièrement les services administratifs. A Berlin comme en Ile-de-France, deux sortes d’acteurs sont centraux : les services chargés de la mise en œuvre du FSE (Direction Régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle / DRTEFP et l’administration du Land équivalente à la DRTEFP, la Senatsverwaltung für Wirtschaft, Arbeit und Frauen), et les services des droits des femmes (Direction Régionale des Droits des Femmes et de l’Egalité / DRDFE et les personnes chargées de l’égalité au sein de l’administration en charge des questions d’économie, du travail et des femmes à Berlin). Les services régionaux sont accompagnés techniquement par des prestataires de services (notamment la société de conseil SPI à Berlin, et l’association Racine, qui fournit aux administrations une aide technique pour la mise en œuvre du FSE).

Le gender mainstreaming au niveau local : des dynamiques pour rendre visible le genre

13Le questionnement principal que l’on trouve dans la littérature sur l’action publique en faveur de l’égalité hommes-femmes ne porte pas tant sur la possibilité d’une telle action au sein des institutions, que sur les modalités de son application, au-delà des déclarations de principe (Kulawik, Sauer, 1996; Mazey, 2000,335; Hafner-Burton, Pollack, 2000, 434).

14Le choix d’une analyse micro-politique est fécond pour l’étude de la mise en œuvre du gender mainstreaming. D’une part, il implique de dépasser l’idée d’une stratégie condamnée à échouer en raison de la structure sexuée des organisations et de leur hiérarchie, idée qui n’est pas absente de certains travaux sur le genre (Kreisky, 1994). D’autre part, il permet d’identifier d’autres obstacles à sa mise en œuvre que le genre (Henninger, 2000,35). Toute une gamme de concepts pertinents centrés sur la micro-politique (Henninger, 2000,32 et suivantes) sont en effet à engager pour comprendre quels peuvent être les mécanismes en jeu et les fenêtres d’opportunité (Kulawik, Sauer, 1996, mais aussi Nohr, Veth, 2002,32, qui parlent aussi d’espaces de négociations), dans la mise en œuvre du gender mainstreaming. Les stratégies des acteurs impliqués dans celle-ci, leurs ressources, leurs intérêts au sein du réseau dans lequel ils évoluent et les différentes coalitions d’intérêt (Chazel, Favereau, Friedberg, 1994,92), mais aussi les configurations de pouvoir en jeu (Chazel, Favereau, Friedberg, 1994,88) sont autant de facteurs qui peuvent influencer le déroulement des politiques publiques et devenir des variables explicatives pour comprendre leur mise en œuvre. Autant de concepts pertinents pour analyser la question de l’introduction du changement dans les organisations. Dans leurs logiques de fonctionnement résident des marges de manœuvre, des espaces pour la promotion de l’égalité. La variable sexe devient, en quelque sorte, « une variable parmi d’autres », dont il ne s’agit pas de sous-estimer le poids, mais qui ne peut être le seul élément de réflexion pour l’analyse théorique et pratique de la mise en œuvre du gender mainstreaming. Le fait de se référer à la sociologie micro-politique des organisations n’implique cependant nullement que soient niés les rapports de sexe qui sont souvent présents dans les organisations.

15Dans cette étude micro politique, deux questions fondamentales paraissent devoir cristalliser les modalités de la réussite de ce changement : celle de la volonté et de la capacité des acteurs à mettre en place une politique en faveur de l’égalité des sexes, d’une part, celle de son instrumentation d’autre part.

16En ce qui concerne la capacité (Bock-Rosenthal, 1990,8) des gestionnaires du FSE et des porteurs de projet à mener une telle politique, dans la mesure où la plupart d’entre eux ne sont pas sensibilisés aux questions de genre, la question de la finalisation des buts du gender mainstreaming dans les programmes pour l’emploi et celle de la formation s’avèrent centrales.

17En ce qui concerne la volonté des acteurs, (sur la question de l’acceptation de la politique d’égalité entre les genres, voir Krell, 2001, 109, et Biester, Holland-Cunz, Maleck-Lewy, Sauer, 1994,58. Voir aussi Bothfeld, Gronbach, Riedmüller, 2002,199-228), dans la plupart des institutions et organisations actuelles, les questions de genre ont peu de visibilité et peu de légitimité (Voir Biester, Holland-Cunz, Sauer, 1994, 58), de sorte que l’acceptation de la mise en place du gender mainstreaming est un enjeu fort : de nombreuses personnes sont loin d’avoir connaissance des inégalités relatives au genre. Elles ont globalement faiblement conscience de ces problèmes (Voir par exemple Bothfeld, Gronbach, Riedmüller, 2002,225-226). Pour le gender mainstreaming, l’acceptation par le personnel des organisations des questions d’égalité revêt une dimension particulière, puisqu’elle doit être portée par tous les acteurs de politique publique (Bretherton, 2001,62). La motivation de quelques actrices travaillant spécifiquement sur le genre ne suffit donc pas pour la réussite de cette politique.

18En conséquence, les questions de genre semblent difficilement pouvoir gagner en légitimité sans l’introduction d’un changement d’acceptation de celles-ci dans les organisations. L’absence d’acceptation et de légitimité de la thématique du genre renverrait en effet à une contradiction indépassable du gender mainstreaming, qui suppose la participation d’acteurs qui ne sont pas nécessairement désireux et / ou capables de mettre en œuvre une politique d’égalité. Le « degré de conscience » (Chazel, Favereau, Friedberg, 1994,88) des participant-e-s est d’autant plus important que, comme on l’a vu, peu de contraintes juridiques encadrent la mise en œuvre du gender mainstreaming. Par quels processus les questions de genre trouvent une légitimité auprès des gestionnaires du FSE et des porteurs de projet ?

19L’autre question centrale dans l’analyse de l’application de cette politique est celle des modalités de son « instrumentation », définie comme « l’ensemble des problèmes posés par le choix et l’usage des outils qui permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action gouvernementale » (Lascoumes, 2003,388) L’opérationnalisation du gender mainstreaming suppose en effet des indicateurs, des statistiques, des données, afin de rendre visibles les inégalités et permettre une prise de conscience pour les acteurs de la nécessité d’agir, qui produisent, selon Pierre Lascoumes, des effets spécifiques qu’il convient d’analyser (Beveridge, Nott, Stephen, 2000,390).

Une impulsion et un accompagnement nécessaires de la part des services des droits des femmes et actrices spécialistes

20La conscientisation des acteurs et la formation aux questions de genre reposent, en dépit du caractère transversal et transectoriel du gender mainstreaming, sur des acteurs et actrices qui puissent jouer un rôle d’impulsion et d’encadrement dans son application. Sans acteurs ou actrices « spécialistes », cette politique intégrée risque de n’être portée par personne (Heinrich-Böll-Stiftung, 2003,196). Il s’agit pour ces actrices de rendre la question visible et intelligible. Leur rôle est un rôle de collaboration avec d’autres services, d’apport de connaissances sur les problématiques du genre, d’apport de matériel technique.

21A Berlin, au niveau de l’arrondissement, une des Frauenbeauftragte /chargée de mission aux droits des femmes, Mme R., contribue, par son action en direction de l’administration de la mairie d’arrondissement, à former les différents services administratifs à l’égalité entre les sexes. (Son travail ne concerne d’ailleurs pas uniquement les gestionnaires du FSE). Elle conseille ainsi la mise en place d’« ateliers genre » dans les différents services et l’élaboration de « rapports genrés » (rapports d’activité tenant compte de la dimension du genre pour la politique publique concernée), elle décrit les multiples étapes de l’action publique où l’analyse genrée a sa place, fournit une liste d’exemples de la politique de gender mainstreaming par secteur de politique publique. Cependant, selon Mme R., d’autres collègues considèrent qu’il n’est pas de leur ressort de mettre en œuvre cette politique, mais de celui des acteurs et actrices des politiques sectorielles. Au niveau de l’administration régionale, le service aux droits des femmes du Sénat de Berlin avait commandité à la fin de l’ancienne période de programmation du FSE une étude bilan sur la prise en compte du genre dans les projets FSE, pour mieux cerner les enjeux pour l’égalité hommes-femmes au niveau du Land.

22En Ile-de-France, les crédits consacrés aux mesures spécifiques de promotion de l’égalité hommes-femmes sont sous-consommés, de sorte qu’au niveau régional, les efforts des actrices de la DRDFE et de la DDDFE se sont largement concentrés sur les mesures spécifiques pour l’égalité des projets FSE, en matière de communication notamment. Toutefois, au niveau national, un important travail d’opérationnalisation a été réalisé par les services des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) pour l’intégration du genre par les acteurs de la mise en œuvre locale. Ainsi, en collaboration avec l’association Racine, le SDFE a adapté les dossiers de demande de cofinancement en insérant à toutes les étapes du dossier des questions relatives au genre (les dossiers initiaux se contentaient d’une phrase à caractère très général). En outre, Racine et le SDFE ont réalisé des fascicules spécifiques pour les différents acteurs impliqués dans la gestion du FSE :

  1. une grille de l’instructeur pour tester la méthodologie des projets dans leur prise en compte la problématique de l’égalité entre hommes et femmes,
  2. un fascicule destiné aux porteurs de projet avec beaucoup d’exemples très concrets qui montrent comment favoriser l’égalité dans l’emploi,
  3. et un guide pour les porteurs de projet contenant des objectifs, étape par étape, pour intégrer l’égalité (diagnostic, objectifs, activités, moyens, recherche de partenaires, indicateurs suivi, communication, évaluation, etc.), qui met en lumière les freins à l’insertion dans l’emploi des femmes (problématique du transport, de la garde d’enfants, etc.).
  4. Enfin, sur le forum des projets, certains projets ayant intégré l’égalité des chances au titre de l’objectif 3 ont été mis en ligne sur le site internet du FSE.

23En outre, à Berlin, ce travail d’opérationnalisation du gender mainstreaming a également été fourni sous l’impulsion de la chef de groupe au service FSE, Mme L., qui ne travaille pas spécifiquement sur les questions d’égalité entre les genres, mais qui est désireuse de porter cette thématique. Une « checklist » a été élaborée dans son service, à destination des services instructeurs de projets, afin d’aider ceux-ci à faire des recommandations aux porteurs de projets pour mieux intégrer l’égalité entre hommes et femmes et d’aider les porteurs de projets à évaluer la prise en compte de la dimension du genre dans les projets présentés. Cette « checklist » contient des indicateurs et des critères d’évaluation relatifs au genre : ils portent sur la déségrégation horizontale des emplois (aussi bien pour les femmes que pour les hommes) et la déségrégation verticale, une participation paritaire au projet, contiennent des questions sur les domaines en lien avec l’emploi (garde d’enfants, par exemple). Mme L. organise trois fois par an des réunions avec les porteurs de projets, pour répondre à leurs questions, notamment sur la mise en œuvre du gender mainstreaming, et pour contrôler la prise en compte du critère de l’égalité hommes-femmes. Enfin, elle réalise un travail d’information : une newsletter a été publiée sur le gender mainstreaming, où sont explicités les buts de cette méthode ; une des séances FSE, qui ont lieu trois fois par an, y a été consacrée. Sans être une « actrice spécialiste », c’est donc une actrice conscientisée qui fait avancer ici la thématique de l’égalité. En revanche, à la DRTEFP en IledeFrance, aucun acteur ne semble jusqu’alors avoir porté particulièrement la thématique. Le chef de groupe du service FSE n’a manifestement pas de sensibilité particulière pour les questions de genre. Une personne est certes chargée de promouvoir l’égalité des chances, mais ses missions sont plus nombreuses que celle de la promotion de l’égalité entre les sexes.

24Les expériences berlinoises et franciliennes mettent donc en évidence l’importance de l’impulsion donnée par les actrices chargées des droits des femmes pour concrétiser les consignes communautaires de GM et diffuser cette nouvelle norme d’action auprès des différents services. Elles seules disposent des compétences et de la légitimité nécessaires pour rendre intelligible cette méthode d’action et matérialiser les enjeux de la prise en compte du genre. En outre, l’analyse comparée de ces deux expériences tend à montrer que la configuration du réseau s’activant pour opérationnaliser le gender mainstreaming peut varier selon les sensibilités des personnes des différentes administrations.

Les formations ou « Gender Trainings » : gender mainstreaming et sensibilisation aux questions de genre

25Les gender trainings sont des stages de formation à la question de l’égalité entre les sexes (Sur cette question, d’intéressants témoignages édités par une fondation militant notamment en faveur de l’égalité hommes/femmes : Heinrich-Böll-Stiftung, 2003,158-166 et 144-157). Ils sont nés à la fin des années 1990 de la réflexion sur la mise en œuvre du gender mainstreaming et ont pour but d’apporter des connaissances théoriques et pratiques sur le genre, ainsi que sur l’opérationnalisation de cette méthode. Ils ont été initiés par des organisations sensibles à cette thématique. Des questions concrètes comme celle de la répartition du budget sont abordées. Mais des discussions sur les représentations sociales relatives au genre peuvent aussi être traitées. Le but est que les personnes qui participent au gender training en repartent avec des compétences pour pouvoir appliquer cette politique dans leur secteur d’action publique. Cette étape est incontournable car dans de nombreuses organisations et institutions, les connaissances sur le genre font largement défaut.

26L’UE constitue bien un tremplin dans ce domaine, car des journées de formation sont lancées sous impulsion européenne : les ministères du travail français et allemand ont ainsi chargé des entreprises de conseil d’organiser des journées de formation pour les gestionnaires du FSE. En Ile-de-France, des séminaires de formation de deux jours ont été proposés par une société de conseil, à destination des agents du Service Public de l’Emploi, aux niveaux national et régional. Si les contenus sont ambitieux (formation théorique et pratique, discussions et exercices pratiques, etc.), la question du contrôle et de l’évaluation de la portée de ces journées reste ouverte. En outre, le caractère non obligatoire de ces formations a parfois conduit à une faible participation limitant nécessairement leur impact. A Berlin, la société SPI a organisé des gender trainings pour le personnel de l’administration de Berlin en charge des projets FSE, ainsi que pour des porteurs de projet, axés aussi sur une double approche théorique et pratique.

27Si l’on se place dans une perspective de sociologie des organisations, l’enjeu de ces stages de formation est que les questions de genre fassent partie de la culture, des valeurs et des cadres cognitifs des acteurs de politique publique. Selon plusieurs actrices « spécialistes » interviewées (agent-e-s des services des droits des femmes, formatrices, etc.), ces formations sont incontournables pour les acteurs non formés. Toutefois, les contraintes budgétaires et donc temporelles font courir le risque d’une médiocre qualité de ces sessions de formation (Voir Krell, 2001,106). Que peuvent atteindre les Gender Trainers en deux journées de formation ? L‘actrice berlinoise interviewée était sceptique par rapport à la portée de son travail. L’acteur francilien interviewé indiquait quant à lui que les évaluations des stages montraient ceci : si beaucoup de stagiaires étaient satisfaits, ils souhaitaient avoir des méthodes pour pouvoir concrétiser dans les projets pour l’emploi les connaissances acquises pendant la formation, afin de participer réellement à la lutte contre les inégalités dans l’emploi.

Les obstacles à une approche intégrée de l’égalité

Action en réseaux et soutien de la hiérarchie

28Si les actrices spécialistes jouent un rôle moteur indéniable dans l’opérationnalisation du gender mainstreaming, les actions qu’elles mènent s’inscrivent dans des réseaux d’acteurs pluriels, indispensables pour une diffusion de la dimension du genre auprès des gestionnaires du FSE. Ainsi, à Berlin, la chargée de mission aux droits des femmes Mme R. a notamment collaboré avec la responsable du gender mainstreaming de la société SPI pour organiser un séminaire intitulé « Gender mainstreaming dans la stratégie locale pour l’emploi et les programmes FSE ». Des exemples concrets de projets intégrant la promotion de l’égalité y ont été présentés. La checklist diffusée par les services du Sénat a été élaborée en collaboration avec le service des droits des femmes de l’administration du Sénat, qui a notamment mis à disposition des données chiffrées. D’autres outils, tels que le « scoring-model », ont été établis en partenariat avec ce service. C’est un instrument technique mis en place par une société prestataire de services pour la mairie de Berlin. Il s’agit d’un QCM à remplir par les services instructeurs, pour pouvoir évaluer statistiquement la prise en compte du genre dans les projets.

29En France, tout le travail d’opérationnalisation réalisé par le SDFE a été effectué en étroite collaboration avec deux salariées sensibilisées aux questions de genre de l’association Racine, chargée de l’assistance technique au FSE. En outre, le réseau AVEC (Acteurs et Actrices Volontaristes pour l’Egalité des Chances entre les femmes et les hommes en Ile-de-France), initié notamment par la directrice de la DRDFE, prend contact avec les structures intervenant dans le champ de l’insertion et de l’emploi. Il regroupe des personnes de différentes administrations pour des réunions de sensibilisation et de formation au genre, et pour des initiatives de communication autour des questions de genre. Mais au niveau local, on trouve peu de réels partenariats « institutionnalisés » autour de cette question.

30Ce travail en réseau est cependant en partie conditionné par la présence ou l’absence de soutien de la hiérarchie. Celle-ci peut en effet influer sur l’attribution de moyens financiers, donner l’autorisation nécessaire pour des journées d’information ou pour la diffusion de matériel. Deux exemples, qui n’ont pas vocation à être représentatifs de l’ensemble de leur région : En Ile-de-France, dans les propositions de révision à mi-parcours du programme FSE objectif 3, le SDFE au niveau national et la DRDFE d’Ile-de-France invitent à un renforcement de la prise en compte de l’égalité par les mesures spécifiques et le gender mainstreaming. Le préfet du SGAR (Secrétariat général pour les affaires régionales, qui supervise les programmes communautaires) n’a pourtant retenu que les mesures spécifiques dans les orientations qu’il donne à ses collaborateurs, limitant ainsi la promotion de l’égalité entre les genres à des actions ciblées, et faisant ainsi barrage face à la volonté politique des actrices spécialistes de diffuser une approche également transversale de l’égalité entre les genres. En revanche, la Frauenbeauftragte (chargée de mission aux droits des femmes évoquée qui a réalisé tout un travail d’opérationnalisation du gender mainstreaming) déclare bénéficier du soutien de la maire d’arrondissement pour effectuer ce travail dans les services administratifs de sa mairie. Pointe peut-être à travers ces deux exemples une contradiction dans la mise en œuvre du gender mainstreaming : le changement en faveur de l’égalité doit être porté par la hiérarchie d’institutions elles-mêmes genrées, qui ne sont pas nécessairement acquises à la nécessité d’un tel changement (voir notamment Bretherton, 2001,61). Cependant, on ne peut pas dire que cette résistance masculine soit systématiquement et nécessairement présente. Ainsi, dans la société de conseil SPI, qui accompagne la mise en œuvre de la politique de l’emploi du Land de Berlin, c’est une direction masculine qui a décidé de mettre en place la stratégie de gender mainstreaming. Une des explications possibles est que le travail autour de cette politique est un moyen pour l’entreprise de se profiler sur le marché du conseil, sur un terrain encore peu occupé. La thèse des différentes coalitions d’acteurs en fonction des intérêts en jeu se trouve donc confirmée par les enquêtes de terrain. Mais le réseau d’acteurs militant en faveur de l’intégration transversale des politiques de l’égalité au niveau du Land est essentiellement un réseau d’actrices, de femmes.

Peu de ressources particulières pour intégrer le genre

31Les marges de manœuvre dont disposent les services pour les droits des femmes dépendent de leurs ressources financières et temporelles (Krell, 2001,113, et Bock-Rosenthal, 1990,69). A Berlin, les actrices sont satisfaites de leurs ressources financières. Toutefois, dans la mesure où il n’y a pas d’attribution budgétaire définie par la Commission européenne, l’administration nationale ou le Land pour la mise en œuvre du gender mainstreaming, les moyens utilisés pour son opérationnalisation dépendent de l’importance qu’y attachent les actrices et acteurs locaux (Voir Biester, Holland-Cunz, Maleck-Elwy, Sauer, 1994,54). Ainsi, d’un arrondissement berlinois à l’autre, il est plus ou moins opérationnalisé. La comparaison entre l’Ile-de-France et Berlin va dans le même sens : les ressources à disposition de la DRDFE vont surtout dans l’information et le travail autour des mesures spécifiques, et non autour de la mise en œuvre de l’approche transversale.

32La question des ressources ne se limite pas à celle des ressources financières. Les services des droits des femmes sont chargés d’une vaste palette de missions (mesures spécifiques FSE, plus tout un ensemble de mesures, comme la lutte contre les violences contre les femmes) (Bock-Rosenthal, 1990,55-62). Aussi bien en Ile-de-France qu’à Berlin, les ressources en personnel sont insuffisantes. En effet, le gender mainstreaming provoque un élargissement des champs d’action, mais sa mise en oeuvre n’est pas accompagnée de moyens humains supplémentaires pour les réunions d’information, la réalisation de plaquettes d’information ou autres activités induites par cette politique. Ainsi, la chargée de mission à la DRDFE d’Ile-de-France souligne qu’en Commission Technique Spécialisée (CTS), où une partie des projets FSE sont sélectionnés pour la région Ile-de-France, elle n’intervient que sur les projets concernant les mesures spécifiques, qu’elle a eu le temps de lire avant la réunion. En revanche, elle ne peut se charger de vérifier l’effectivité de la prise en compte des questions de genre dans tous les autres projets. Elle est seule responsable du FSE à la DRFRE et seule responsable des questions d’égalité en CTS. Si, grâce au gender mainstreaming, elle est légitime pour intervenir sur tous les dossiers en CTS, elle ne le fait pas, car elle ne dispose pas du temps nécessaire pour étudier tous les dossiers. En fait, l’effectivité de l’intégration du genre n’est pas contrôlée, car elle ne se consacre qu’aux dossiers mesures spécifiques pour les femmes. Le même problème se retrouve au niveau départemental. En Seine-Saint-Denis, l’unique chargée de mission chargée des droits des femmes ne peut s’intéresser à l’ensemble des projets montés sur son territoire.

33On ne peut donc que souligner la contradiction du gender mainstreaming qui prévoit un élargissement du champ d’action sans donner plus de moyens aux acteurs et actrices de politique publique.

Les efforts en faveur de l’opérationnalisation du gender mainstreaming n’empêchent pas la persistance de blocages à différents niveaux

34Les actrices spécialistes et les réseaux d’acteurs décrits dans les paragraphes précédents s’appuient sur les consignes communautaires pour opérationnaliser le gender mainstreaming. L’UE, qui pose une obligation théorique de prise en compte des problématiques de genre, constitue ainsi un facteur de légitimation de leur action, même si elle ne pose pas d’obligation concrète et précise. C’est une sorte de tremplin dont se saisissent les actrices locales pour actionner des mesures d’intégration du genre dans la politique de leur administration. Toutefois, l’absence de sanctions est regrettée par les personnes engagées dans la mise en œuvre du gender mainstreaming. Elle est présentée comme une limite essentielle à leur action. Ainsi, une responsable de l’administration gérant le FSE au Sénat précise que dans les réunions qu’elle a organisées sur cette méthode en faveur de l’égalité des sexes avec les porteurs de projets, elle n’a pu que constater la très inégale prise en compte du critère du genre dans les projets FSE. Autrement dit, l’UE apporte aux actrices locales un soutien certes nécessaire mais insuffisant pour impulser un réel changement dans les politiques publiques. L’absence de dimension coercitive de cette nouvelle norme d’action publique limite donc bien la portée de l’initiative communautaire. Contrairement à d’autres critères de gestion du FSE (comme le contrôle de l’utilisation des fonds), le non respect du critère d’égalité entre les sexes n’occasionne ni sanction, ni même souvent de réel contrôle.

35Les critiques issues de la littérature sur le genre, relatives à la nouvelle méthode de politique d’égalité entre les genres de l’UE et à la faiblesse de sa transposition concrète, sont donc en grande partie confirmées par l’étude du cas de sa mise en œuvre dans les programmes FSE.

36A Berlin comme en Ile-de-France, un réseau d’actrices et d’acteurs actifs a permis de donner une réalité concrète au gender mainstreaming, grâce à un travail d’opérationnalisation axé surtout sur la sensibilisation et la communication. Toutefois, ces actrices soulignent les limites de leur action en pointant du doigt l’impact incertain auprès des gestionnaires du FSE et des porteurs de projet de leur travail de promotion de cette nouvelle norme d’action publique. En outre, le manque de moyens et la faible attention portée au thème de l’égalité entre les sexes, perçu encore souvent comme un sujet d’importance secondaire par les porteurs de projet ou de nombreux gestionnaires du FSE, rendent aussi l’opérationnalisation partielle.

37Les réseaux d’acteurs qui se mobilisent autour de cette politique pour mettre en œuvre ce « droit mou » sont essentiels pour empêcher sa dilution, les consignes au niveau communautaire restant très floues. Toutefois, le caractère non coercitif de cette nouvelle méthode d’action semble induire une instrumentation non contraignante qui rend sa portée hasardeuse. En effet, les instruments mobilisés que sont les outils de communication et les séminaires de formation reposent avant tout sur la diffusion d’information et la sensibilisation aux questions de genre, mais pas sur la contrainte et le contrôle.

38L’hypothèse d’une dilution des consignes communautaires dans leur mise en œuvre nécessite un jugement nuancé, mais dans les deux cas présentés, le gender mainstreaming comme stratégie incluant l’ensemble des acteurs d’une politique publique a pour l’instant échoué. Aussi bien en IledeFrance qu’à Berlin, la sensibilisation et la formation des acteurs est largement inaboutie : la plupart des porteurs de projets et services instructeurs ne mettent pas spontanément le thème à l’ordre du jour, beaucoup ne prennent pas en compte le critère du genre dans leur démarches. Pourtant, le gender mainstreaming a été largement opérationnalisé par les actrices de terrain, que ce soit des personnes des services des droits des femmes ou d’autres gestionnaires du FSE, acquises aux questions d’égalité.

39Ceci s’explique peut-être en partie par le facteur temps : cette politique est une action à long terme, mais aussi par des contradictions inhérentes à la façon dont il est mis en œuvre. Certes, on peut dire qu’un mouvement est mis en marche sous impulsion de l’UE, dans la mesure où, à travers notamment les journées de formation et la diffusion de données sur le genre les questions de genre gagnent un peu en visibilité. Mais sur la portée de cette politique, des questions centrales subsistent : comment, dans les services des droits des femmes, concilier la mise en œuvre du gender mainstreaming avec autres missions, tout aussi prioritaires ? Comment s’assurer que les acteurs, une fois formés, opérationnalisent réellement ce concept dans leur secteur de politique publique ? Dans quelle mesure est-il possible d’introduire une dimension contraignante aux consignes communautaires en matière de gender mainstreaming?

40La mise en application de cette méthode d’action publique sous forme de concept de droit mou et dans un contexte de restrictions des dépenses publiques reste donc très lacunaire. Le gender mainstreaming exige un changement d’optique et de pratiques qui ne se fera pas sans d’autres mesures plus fortes, qui ne se limitent à de la sensibilisation. Il offre donc un tremplin pour les militantes des questions d’égalité, mais sa portée est encore très incertaine.

Bibliographie

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