Notes
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[1]
Les auteurs font partie de « Chinon Santé ». Il s’agit d’un groupe de travail collectif qui se réunit mensuellement pour traiter de questions relatives à la protection maladie en Europe. Les membres de ce groupe, associés à William Genieys (CEPEL-Montpellier 1), Isabelle Lucas (CRAP-LAPSS/ENSP) et Bruno Palier (CEVIPOF), ont mené collectivement, de janvier 1999 à l’été 2000, une recherche portant sur la diffusion de la concurrence dans la protection maladie en Europe, financée dans le cadre de l’appel d’offres du CNRS “L’identité européenne en questions”.
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[2]
Ce terme renvoie aux systèmes de santé “vus sous l’angle de la protection sociale des citoyens et de la régulation des dépenses publiques de santé, celles de l’assurance maladie pour certains pays, celle des budgets publics nationaux et locaux pour d’autres” (Berthod-Wurmser, 1995 : 585).
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[3]
Dans les travaux anglo-saxons, c’est souvent le terme de competition (Freeman 1998), de managed competition (Wanade 1998) ou encore de Wettbewerb (Stegmüller 1998) qui est privilégié ; en français le terme de concurrence nous est apparu préférable à celui de compétition car il renvoie plus directement à la dimension économique, donc au modèle implicite du marché.
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[4]
A ce niveau, la mise en concurrence peut s’accompagner d’un processus de privatisation, mais la libéralisation ne signifie pas pour autant ipso facto privatisation. On parlera ici de privatisation lorsque des acteurs privés se substituent à des acteurs publics et quand ceux-ci se transforment en acteurs privés ou adoptent les règles de fonctionnement des entreprises privées.
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[5]
En 1999 on comptait 7,4 millions de personnes totalement couvertes par une assurance privée, ce qui correspond à près de 10 % de la population allemande. Cette part est en progression continue depuis 1980, date à laquelle on comptait 4,8 millions d’assurés dans le privé (source : P. K. V).
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[6]
Ils représentaient 9,2 % de la population en 1996/7 contre 5,9 % en 1986/7 (source : A. B. I)
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[7]
Cette proportion est restée stable au cours des années 1990. Toutefois on peut penser qu’elle va augmenter sous l’effet d’une récente mesure favorisant fiscalement les plans d’assurance privée collectifs, contractés par des entreprises.
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[8]
On parle plutôt de « quasi-marché » (Le Grand 1991) dans la mesure où, dans le domaine de la santé, contrairement à l’idéal type du marché, les acteurs en concurrence sont principalement des acteurs publics (on parle de ce fait aussi de marché interne) dont la finalité n’est pas la maximisation du profit. Les fortes asymétries d’information, notamment entre patients et médecins, constituent une autre différence nette avec le type « pur » du marché de la théorie microéconomique.
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[9]
En fin de compte le patient ne reçoit ces évaluations que de façon filtrée, voire biaisée, notamment à travers la presse (comme le montre en particulier la publication en France par Science et Avenir d’un “palmarès des hôpitaux”) ou Internet.
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[10]
Ces limites sont également nettes dans le cas de l’Espagne (Rodriguez, Scheffler, Agnew, 2000).
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[11]
L’introduction du fundholding a multiplié par deux le temps consacré par les médecins à la gestion de leur cabinet (Fischer, Best, 1995).
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[12]
“En fait la concurrence instaurée depuis quelques années dans certains systèmes de santé européens est une concurrence organisée, voire une concurrence fictive. Il s’agit d’une option intermédiaire entre l’économie administrée et le marché.” (Duriez 1998 : 112).
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[13]
La réglementation communautaire en la matière se fonde sur quatre principes : l’unicité de la législation applicable dans chaque pays, l’égalité de traitement entre nationaux et non-nationaux, le maintien des droits acquis, l’agrégation des périodes d’assurance, d’emploi ou de résidence pour les droits en cours d’acquisition.
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[14]
Voir la communication de la Commission européenne concernant le marché unique des produits pharmaceutiques : Com. (1998-588).
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[15]
Sur cette notion, on se reportera à l’article de Bruno Palier dans ce même numéro.
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[16]
On entend par communauté épistémique à la suite de P. Haas (1992), les membres d’une communauté qui partagent une même croyance dans un ensemble de normes et de principes qui permettent de définir une base raisonnée de valeurs, les mêmes croyances causales qui découlent de leur observation des pratiques, les mêmes notions de validité pour mesurer le poids et la validité d’une connaissance dans leur domaine de compétence.
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[17]
Il s’agit d’une notion de type intermédiaire, moins large et plus précise que celles de convergence ou de diffusion, renvoyant à des phénomènes d’import-export transnationaux de mesures spécifiques, dans le cadre d’une politique publique donnée (Dolowitz, Marsh, 2000).
1 Malgré des avancées récentes en matière de politique étrangère et de politique de défense, la construction européenne est largement dominée par une logique de marché comme l’ont notamment symbolisé la mise en place de l’Acte Unique et le traité de Maastricht. Plus précisément, la prédominance de la norme de la concurrence semble caractériser la dynamique d’évolution de l’Union Européenne. Cet aspect est particulièrement visible dans le domaine des services publics en réseaux (pour l’énergie, les transports, les postes, les télécommunications…), auparavant caractérisés par des situations de monopole public, en particulier en France (Stoffaes, 1995). Par contre, les services publics sanitaires et sociaux ne semblent que peu touchés par cette logique de libéralisation. Deux explications sont les plus fréquemment avancées pour étayer ce constat. La première se fonde sur le fait que la protection sociale ne fait que marginalement partie du domaine de compétences de l’Union Européenne. La seconde explication se base sur les fortes spécificités nationales des systèmes de protection sociale européens, qui, contraints par une complexité institutionnelle générant des phénomènes de path dependence (Palier, Bonoli, 1999), resteraient profondément ancrés dans leurs trajectoires nationales spécifiques (Esping Andersen, 1996). Ces deux aspects ne sont pas d’ailleurs sans rapports, puisque la grande diversité des systèmes au sein de l’Union Européenne est l’un des arguments majeurs mis en avant par la D. G. 5 pour justifier la faible intervention des institutions communautaires dans ce domaine.
2 Pourtant, et quelque peu à l’encontre de ces travaux qui mettent en avant la prépondérance des trajectoires nationales, un certain nombre d’auteurs se sont posé la question de la convergence des États Providence contemporains. Cette interrogation ne se limite pas au cas européen, comme le montre l’important travail de Paul Pierson (1994) sur la question du retrait de l’État Providence (Welfare State retrenchment). Ces travaux sont souvent centrés sur la question de l’émergence d’un schumpeterian workfare State (Jessop 1994) et renvoient à des dynamiques plus larges que l’intégration européenne, en particulier les effets de la globalisation (ou mondialisation) économique (Mishra 1999). Toutefois, on peut se demander, comme on le fera dans cet article, si une dynamique de convergence plus précise, prenant la forme de l’imposition croissante de mécanismes de concurrence, n’est pas à l’œuvre, à l’initiative notamment d’acteurs communautaires. L’analyse présentée ici, qui s’appuie sur une enquête de terrain menée dans quatre pays de l’Union Européenne (Allemagne, Angleterre, Espagne, France) et au niveau des institutions européennes, ne porte que sur un seul domaine de la protection sociale, à savoir celui de la protection maladie [2]. Ce choix peut se justifier de deux façons. Tout d’abord la protection maladie occupe une place centrale dans les systèmes de protection sociale, tant en termes financiers qu’en termes d’identification à l’État Providence. Ensuite, les travaux portant sur ce secteur de la protection sociale sont moins souvent guidés par l’hypothèse de convergence que ceux menés sur d’autres secteurs, notamment sur les retraites (Palier, Bonoli, 2000).
3 L’hypothèse qui oriente ce travail est donc celle de l’émergence d’une tendance convergente à la mise en concurrence [3] au sein des systèmes de protection maladie européens. Tester cette hypothèse suppose de remplir deux conditions majeures. La première est d’ordre conceptuel : elle consiste à préciser ce que l’on entend par mise en concurrence dans le domaine de la protection maladie. On considérera ici qu’elle recouvre quatre dimensions principales :
- L’ouverture du choix pour le patient (choix du mode de couverture du risque maladie, choix du médecin, choix de l’hôpital) supposé devenir ainsi un consommateur de soins.
- La concurrence entre les offreurs de soins (de type public et/ou de type privé [4]) pour les ressources financières et pour les patients, ce qui correspond à la mise en place de mécanismes de marché remettant en cause des monopoles et/ou des marchés captifs.
- La diffusion d’une évaluation de l’offre de soins en termes de performance, qui est une condition indispensable au fonctionnement effectif de la concurrence en permettant aux acteurs du système de soins (patients, financeurs, médecins…) d’effectuer des choix informés prenant en compte de la dimension économique.
- La transformation des acteurs chargés des soins en “entrepreneurs de soins”, ce qui renvoie à la fois à une dimension objective (la diffusion d’outils de gestion inspirés par le management privé) et subjective (la perception de soi comme un acteur en situation de concurrence sur un marché).
5 La seconde condition est d’ordre méthodologique. La mise à l’épreuve empirique de cette hypothèse de convergence suppose en effet de mener une enquête comparative systématique prenant en compte des systèmes de protection maladie contrastés (Hassenteufel 2000). En effet, les systèmes de protection maladie européens présentent des différences marquées. En général on oppose systèmes à assurance maladie et systèmes nationaux de santé. Dans le premier type, le risque maladie est financé par des cotisations versées par les actifs et leurs employeurs. Le système est régulé par des caisses, gérées par les représentants des financeurs (syndicats et patronat), qui négocient les tarifs des prestations avec les médecins (exerçant essentiellement en cabinets libéraux) et les hôpitaux (à majorité publique). La couverture du risque maladie d’un assuré dépend du montant de ses cotisations, sur la base de son activité socioprofessionnelle. C’est donc le lien étroit avec le travail qui caractérise les systèmes à assurance maladie. Les cas les plus significatifs sont, au sein de l’U. E., ceux de la France et de l’Allemagne. Au contraire, les systèmes nationaux de santé sont financés par l’impôt et sont régulés directement par des administrations spécialisées. Ils se caractérisent par leur caractère universel (le citoyen, et non seulement le travailleur, est couvert), leur uniformité (alors que pour l’assurance maladie le type de couverture dépend de l’activité professionnelle) et par l’accès gratuit aux soins. Le cas type est celui du National Health Service britannique ; on peut également mentionner les pays scandinaves et les pays de l’Europe.
6 Au-delà de cette distinction, on peut aussi différencier les systèmes de protection maladie en fonction de leur degré de centralisation, souvent lié au degré d’étatisation. C’est pour cela que nous comparons ici un système d’assurance maladie centralisé et étatisé (France) avec un système d’assurance maladie décentralisé auto-administré (Allemagne), un système national de santé centralisé et étatisé (Angleterre) et un système national de santé décentralisé (Espagne).
7 L’analyse de cette tendance convergente à la mise en concurrence conduit à se poser deux questions auxquelles nous apporterons des éléments de réponse. La première est celle du lien entre cette dynamique de libéralisation et la construction européenne, ce qui nous amènera à prendre en compte d’autres facteurs transnationaux de convergence (rôle d’institutions comme l’OCDE, phénomènes de transfert de mesures etc.). La seconde question est relative aux formes et aux modalités nationalement contrastées de la mise en concurrence : comment les expliquer ?
Une dynamique de libéralisation convergente ?
8 La mise au jour de processus de convergence au niveau européen en matière de protection maladie n’est pas un phénomène radicalement nouveau. En effet, historiquement, les systèmes de protection maladie ont poursuivi une même logique après la seconde guerre mondiale : offrir la couverture du risque maladie la plus large possible à la plus grande partie de la population. Cette dynamique d’universalisation est au fondement même du N. H. S. britannique, créé en 1946. Elle inspire à la fois l’évolution des systèmes à assurance maladie, comme ceux de la France ou de l’Allemagne qui ont progressivement couvert la quasi-totalité de la population, et la mise en place d’autres systèmes de santé nationaux : dans les pays scandinaves dans les années 1950 et 1960, puis dans les pays d’Europe du Sud à partir des années 1970. Mais les processus de convergence sont encore plus marqués depuis la fin des années 1970 (Freeman, Moran 2000). L’élément clé est le poids de plus en plus hégémonique de la logique économique. La préoccupation centrale devient celle du financement de la protection maladie du fait du décalage croissant entre les recettes (dont le rythme d’évolution décroît dans un contexte de récession économique) et les dépenses (qui elles continuent à augmenter de façon importante, du fait notamment du vieillissement de la population et du progrès médical). Cette évolution a conduit, d’une part, à l’adoption de mesures de maîtrise des dépenses de protection maladie contraignantes (sous la forme de l’encadrement budgétaire des dépenses principalement) et, d’autre part, à une recherche de plus en plus marquée d’efficience. Cette préoccupation peut être traduite de la façon suivante : soigner mieux (ou, tout au moins, aussi bien) à moindre coût. Elle a entraîné des mesures interprétables en termes de mise en concurrence : l’amélioration de l’efficience des systèmes de protection maladie passe désormais par l’introduction de mécanismes s’apparentant à ceux du marché. Placés dans un cadre concurrentiel, les acteurs du système de soins sont responsabilisés économiquement, afin de les inciter à s’inscrire dans le cadre d’une nouvelle rationalité : la recherche de l’efficience.
9 La notion de concurrence renvoie tout d’abord à celle de choix. La mise en place, ou l’élargissement, du choix du patient se traduit en premier lieu par la possibilité du choix du type de couverture maladie (Bocognano et all., 1998). Le cas le plus net parmi les pays que nous comparons est celui de la réforme allemande de 1992 qui a introduit le libre choix en matière de caisse d’assurance maladie (alors qu’auparavant l’affiliation à un type de caisse dépendait de l’appartenance socio-professionnelle), possibilités de choix renforcées par la réforme de 1997. Cette forme de concurrence n’est pas seulement interne au secteur public : la libéralisation peut aussi être synonyme de privatisation lorsqu’il existe une possibilité de choix d’une compagnie d’assurance privée pour la couverture du risque maladie. En Allemagne, la concurrence entre caisses publiques et assureurs privés joue pour les personnes dont le revenu est supérieur à l’obligation légale, ainsi que pour les fonctionnaires : seules ces deux catégories ont le libre choix de s’assurer dans le public ou dans le privé [5]. En France, cette concurrence ne s’exerce que pour la couverture complémentaire (mais selon des formes beaucoup plus encadrées qu’en Allemagne). Dans le cas des systèmes nationaux de santé (Angleterre, Espagne) la concurrence fonctionne différemment puisque tout citoyen est obligatoirement couvert publiquement, mais il peut également souscrire librement à une police d’assurance privée qui lui permet de bénéficier de soins privés. C’est en Angleterre que la couverture privée des soins a été le plus nettement encouragée, principalement sous la forme d’allégements d’impôts. Ces assurés [6] ont notamment accès aux lits privés dans les hôpitaux publics, à des consultations de spécialistes privées dans certains cabinets de médecine générale (outreach clinics) et à des cliniques privées. De même, en Espagne, ces assurés (environ 12 % de la population [7]) ont recours au secteur privé pour les consultations de spécialistes et au secteur public pour les soins hospitaliers nécessitant un appareillage technique important (Murillo et all., 1997). On voit par là que la concurrence pour la couverture maladie s’accompagne d’une concurrence au niveau de l’offre de soins, dans ces deux pays entre une offre privée et une offre publique. Cette articulation est également sensible dans le cas allemand où le développement d’une nouvelle offre de soins ambulatoire est liée directement à la concurrence entre caisses, puisque celle-ci la impulsé la mise en place de réseaux ou de filières. En France leur développement est plus limité du fait de la mise en place, par le plan Juppé, d’une procédure d’agrément par l’État.
10 Toutefois, c’est dans le cas des systèmes nationaux de santé, caractérisés par de fortes restrictions en matière de choix du médecin et de l’établissement de soins (contrairement aux systèmes d’assurance maladie), que l’introduction de la concurrence au niveau de l’offre de soins est la plus notable. Le cas pionnier de transformation, en termes de mise en place d’un marché de soins [8], est celui de la Grande-Bretagne. La réforme de 1990 sépare le rôle d’acheteur de celui de prestataire de soins. Ce sont désormais deux types d’acteurs qui achètent, pour leurs patients, des soins hospitaliers, psychiatriques ou paramédicaux : les agences sanitaires de district et les cabinets de médecins généralistes (devenus des gestionnaires de budget : GP fundholders). Ils font jouer la concurrence entre établissements de soins, pour le compte de leurs patients, selon le principe : l’argent suit le patient. La réforme de 1999 confie ce rôle d’acheteur de soins à des groupements locaux de généralistes et de professions paramédicales (Primary Care Groups), nouvellement crées. La mise en de place de GP fundholders, ainsi que la suppression d’obstacles au changement de médecin généraliste, ont entraîné une concurrence accrue entre médecins (principalement entre fundholders et non fundholders) pour augmenter leur nombre de patients, puisque le montant du budget qui leur est alloué en dépend.
11 Ces mécanismes de quasi-marché mis en place en Angleterre ont servi de modèle de référence en Espagne (Cabiedes, Guillen, 1999). Le rapport Abril de 1991 recommandait de la même façon que le rapport Griffiths en Grande-Bretagne la séparation entre acheteurs et prestataires de soins. C’est en Catalogne que ces principes ont été le plus nettement mis en œuvre puisque le service de santé catalan fait désormais jouer la concurrence, en tant qu’acheteur de soins, entre établissements publics et établissements privés (à la différence du cas anglais où la concurrence entre prestataires de soins ne s’exerce qu’au sein du secteur public). La libéralisation s’accompagne dans ce cas d’une forme de privatisation, au contraire de l’Angleterre.
12 Le fonctionnement de cette concurrence suppose que le consommateur ait, non seulement, le droit d’effectuer des choix, mais aussi qu’il soit en mesure effectivement de le faire. Ici, la question de l’information est tout à fait cruciale. C’est pour cela que l’une des orientations fondamentales des réformes récentes des systèmes de protection maladie porte sur la mise en place d’outils d’évaluation permettant d’orienter les choix des patients et des financeurs. La diffusion d’une évaluation de la performance hospitalière, fondée sur la comparaison des coûts de prise en charge de groupes de pathologies, sur le modèle des Diagnosis Related Groups américains, est la traduction la plus nette de cette tendance. Le cas français est très significatif à cet égard comme le montre la mise en place progressive du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information et la création d’une Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (en 1996), chargée d’élaborer les guides d’accréditation pour les services hospitaliers et les références médicales opposables dans le cadre de la médecine ambulatoire. Il traduit le passage progressif d’une évaluation de type budgétaire à une évaluation médicale intégrant la dimension économique, définie en termes de qualité et de performance (Robelet, 1999). Une évolution comparable est à l’œuvre en Angleterre où les indicateurs de performance ont été développés depuis le début des années 1980. En 1999 ont été créés le National Institute for Clinical Excellence chargé de fixer des normes fondées sur des indicateurs de performance et le Council for Health Improvement chargé de les mettre en œuvre (Le Grand , 1999). De façon plus générale, on assiste à un très important développement de l’évaluation à la suite de la réforme de 1991 (Le Grand 1998). En Allemagne, l’évaluation de la performance hospitalière se diffuse avec la mise en place progressive d’un paiement forfaitaire des hôpitaux, fondé sur les pathologies prises en charge. Une évolution similaire est repérable en Espagne, avec le recours aux groupes de maladies homogènes comme indicateurs de performance.
13 Malgré le développement de ces outils d’évaluation visant à rendre comparables les performances des acteurs du système de soins deux limites peuvent êtres soulignés. La première est le fait que cette évaluation ne s’adresse pas directement aux patients [9] dans la mesure où elle est destinée prioritairement aux financeurs : administrations publiques et/ou caisses. Elle est également diffusée auprès des médecins, notamment en Angleterre où ils jouent pour le patient un rôle de consommateur par procuration. En deuxième lieu, cette évaluation n’a pas forcément d’effets concrets comme le montre le cas des hôpitaux : même lorsqu’ils sont évalués négativement les conséquences (sous la forme de fermeture de service par exemple) sont rares, comme on peut le voir en France avec les faibles retombées de l’accréditation à ce jour. Quant aux indicateurs de performance, mesurée par le PMSI, ils ne sont qu’un des éléments d’information utilisé pour fixer les dotations budgétaires des établissements (Engel et all., 2000). On ne peut donc pas à proprement parler de fonctionnement sur le modèle du marché, en l’absence de sanction pour cause de performance insuffisante. Y compris en Angleterre, la concurrence ne semble fonctionner que de façon limitée [10] puisque les autorités sanitaires privilégient un seul établissement, souvent placé en situation de monopole local (Klein 1995), et dans la mesure où les contraintes géographiques pèsent fortement sur le choix du généraliste. L’intrication des enjeux sociaux, politiques, médicaux et économiques encadre fortement l’utilisation des outils d’évaluation de la performance hospitalière.
14 Ces évolutions s’accompagnent toutefois de la transformation des producteurs de soins en acteurs concurrentiels, de plus en plus souvent qualifiés “d’entrepreneurs de soins”. Cette dimension est étroitement liée à l’introduction d’un choix pour le patient : les prestataires de soins sont ainsi conduits progressivement à intégrer la dimension de la concurrence en cherchant à optimiser leurs coûts dans un souci de performance. Cet aspect est le plus nettement perceptible dans le domaine hospitalier, avec le développement de la thématique de “l’hôpital entreprise”, qui se traduit par des réformes managériales internes aux établissements hospitaliers (projets de services et d’établissement, cercles de qualité, management participatif, responsabilisation financière…). Il s’accompagne d’une évolution du profil sociologique des directeurs d’établissements, en particulier en Angleterre avec l’arrivée de gestionnaires issus du secteur privé. La référence au modèle de l’entreprise privée est largement diffusée dans le secteur hospitalier de l’ensemble des pays européens et alimentée par une profusion de publications sur ce thème, même si la mise en œuvre des principes managériaux en matière de gestion hospitalière se heurte à d’importants problèmes, liés notamment à leur appropriation limitée par les directeurs d’établissements (Pierru, 1999). On peut identifier des tendances comparables dans le domaine de la médecine ambulatoire lorsque, comme c’est le cas en Angleterre et sous une forme différente en Allemagne, le médecin doit aussi gérer un budget et donc par là intégrer directement dans sa pratique des critères de gestion entrepreneuriaux [11]. De façon plus générale, les principaux responsables de la régulation des systèmes de protection maladie (administrateurs d’unités sanitaires en Angleterre, personnel des caisses en Allemagne, hauts-fonctionnaires en France, administrateurs régionaux en Espagne) ont, de façon croissante, suivi un cursus à dominante économique et gestionnaire.
15 Ce tableau général des éléments de libéralisation des systèmes de protection maladie européens conduit à souligner que les différentes mesures analysées n’ont pas débouché sur une « marchéisation », au sens strict du terme, de la protection maladie, pour trois raisons. Rappelons tout d’abord les limites du raisonnement microéconomique pour la santé : l’absence de rationalité économique du patient qui ne fait pas ses choix à partir du prix , du fait du caractère contraignant d’un grand nombre de maladies ; les spécificités du bien santé qui présente plusieurs des caractéristiques des biens publics (en particulier l’existence d’externalités) ; l’absence de transparence et les asymétries d’information ; les fortes interdépendances entre l’offre et la demande. Ensuite, on peut faire remarquer que les professionnels de la santé ne se comportent que très partiellement comme des “entrepreneurs de soins” : la dimension des soins prime sur la dimension gestionnaire. Enfin, les mesures analysées ici en termes de libéralisation sont prises parallèlement à d’autres, directement orientées vers la maîtrise des dépenses et allant à l’encontre d’une logique de marché : c’est en particulier le cas du contrôle des prix (médicaments, consultations médicales, séjour à l’hôpital etc.) et des mesures d’encadrement budgétaires (Wessen 1999 : 379). La libéralisation n’exclut pas une tendance concomitante à l’étatisation des systèmes de protection maladie (Hassenteufel 1998). La concurrence est en fin de compte orientée vers des finalités définies par les autorités publiques, qui en délimitent strictement les contours : parler de concurrence encadrée semble donc plus adéquat [12].
16 On peut également souligner que la mise en concurrence ne s’accompagne que de façon limitée d’une privatisation de la protection maladie : libéralisation n’est pas synonyme de privatisation. Les réformes des années 1990 n’ont que marginalement favorisé les acteurs privés (assureurs et cliniques) et très peu d’acteurs prônent une privatisation de la protection maladie. Son financement reste, de façon nette, à dominante publique (Drache et Sullivan 1999). La forme la plus identifiable de privatisation du risque maladie est la diminution de la prise en charge publique (tickets modérateurs, limitation des actes et des prescriptions pris en charge publiquement…). Dans l’ensemble des pays étudiés, la part des soins pris en charge par la collectivité par rapport à l’ensemble des dépenses de santé a clairement reculé.
L’intégration européenne comme facteur de convergence ?
17 Du fait de la prédominance de la norme de concurrence au niveau de l’Union Européenne on peut se poser la question de savoir dans quelle mesure la mise en place de formes de concurrence encadrée est liée à l’intégration européenne. Cette interrogation paraît d’autant plus importante que la dimension européenne est souvent négligée dans les travaux portant sur la protection maladie du fait de l’absence de compétences directes des institutions de l’U. E. en la matière. La seule exception est la coordination des régimes légaux d’assurance maladie, opérée dans l’optique de permettre la libre circulation des travailleurs [13]. Le niveau communautaire est cependant un facteur à prendre en compte pour trois raisons. La première est l’impact des politiques macro-économiques au niveau européen. La mise en place de la monnaie unique européenne, en entraînant la définition de critères de convergence en matière de déficit budgétaire, d’abord dans le cadre du traité de Maastricht puis du pacte de stabilité, a des effets importants sur les politiques de protection sociale. En effet, le poids de la contrainte financière en a été accru et de ce fait la pression à l’efficience dans le cadre des systèmes de protection maladie. Les “contraintes financières de l’unification monétaire” sont un argument fréquemment mobilisé, par les acteurs publics tout particulièrement, afin de légitimer les choix faits en matière de protection maladie.
18 De façon plus directe, il faut souligner le rôle de la Commission en matière de diffusion des normes de concurrence. Avec la mise en place du marché unique la concurrence a été renforcée comme axe majeur de l’intégration européenne, comme le montre en particulier la libéralisation des services publics en réseaux. Plusieurs domaines d’intervention de la Commission concernent la protection maladie. Mentionnons tout d’abord celui des assurances qui a fait l’objet de plusieurs directives concernant les systèmes de couverture maladie privés se substituant à un régime de base légal ou complétant celui-ci (cas des mutuelles en France). De même la suppression des monopoles industriels touche directement le secteur de la santé puisque l’industrie pharmaceutique est aujourd’hui directement concernée, ce qui là aussi introduit une dynamique de libéralisation [14]. On peut donc penser qu’est à l’œuvre un effet de diffusion transectoriel, dans une dynamique de spillover bien connue des analyses néo-fonctionnalistes de l’intégration européenne, des normes de concurrence sous l’effet de la prédominance du référentiel de marché, au niveau de la Commission en particulier. Cette dynamique commence à toucher la protection maladie.
19 Toutefois, du point de vue institutionnel c’est le rôle de la Cour de Justice des Communautés qui apparaît comme le plus important à l’heure actuelle. La Cour est, en effet, de plus en plus fréquemment amenée à se prononcer sur des questions relevant du domaine de la protection maladie. La raison majeure découle de la construction du marché unique : la protection sociale ne doit pas, dans ce cadre, être un obstacle à la mobilité du travail et du capital. On peut ici donner l’exemple des arrêts Kohll et Decker d’avril 1998 à travers lesquels la Cour a estimé que le refus de la prise en charge de prestations prescrites dans un pays et accomplies dans un autre constituait une entrave à libre circulation des marchandises et à la libre prestation de services. Ces décisions ont provoqué un large débat, car elles posent la question de l’autonomie des États dans la définition de l’accès aux soins pris en charge publiquement et du contrôle de la qualité de ces soins ; ceci d’autant plus que de nouvelles affaires portant sur l’hospitalisation ont été portées devant elle (Mavridis, 1999).
20 Ces éléments sont toutefois insuffisants pour que l’on puisse parler d’une harmonisation, au niveau réglementaire, des systèmes de protection maladie européens. Preuve en est notamment le fait qu’aucune des réformes mentionnées n’est liée directement à des textes européens faisant l’objet d’une transposition au niveau national. On peut aussi faire remarquer que la C. J. C. E. reconnaît l’exclusion du domaine de la Sécurité sociale de la concurrence (Brocas, Hadolph, 1995). Par contre notre enquête permet de repérer des éléments d’harmonisation cognitive [15], autour d’une conception libérale de la protection maladie. Quatre composantes principales peuvent être dégagées :
- un diagnostic (le coût de la protection maladie pour l’économie) ;
- des principes d’action (la mise en concurrence) ;
- une argumentation (par rapport à la globalisation et à l’efficience) ;
- des recettes d’action (en termes de promotion de tel ou tel modèle national et en termes de mesures précises de libéralisation).
22 Cependant cette harmonisation cognitive est beaucoup plus marquée pour d’autres institutions internationales, notamment l’OCDE et la Banque Mondiale. Ces organisations, à l’origine peu portées sur le social, investissent la question de la protection maladie de manière renforcée depuis la fin des années 1980 (Koivusalo, 1999). Les rapports de l’OCDE tendent tous à démontrer la convergence des pays membres vers un système de « concurrence organisée », associant régulation publique et mécanismes de marché. La « concurrence organisée » permet, selon l’OCDE, de concilier les objectifs d’efficience avec les objectifs d’équité et de qualité des soins et suppose une redéfinition des rapports entre régulation publique et régulation par le marché. Ce modèle de concurrence organisée dans un cadre public, qui repose sur le double postulat de l’inefficacité de la régulation publique et d’orientation naturelle du marché vers l’efficience, se réfère plus au système anglais qu’au système américain. Les réformes du NHS des années 1990 sont présentées sous un jour extrêmement favorable, tandis que le système américain, s’il fait l’objet d’une attention particulière, est présenté avec plus de distance.
23 Les rapports des organisations internationales, en particulier ceux de l’OCDE, contribuent donc à favoriser la diffusion de principes d’action et d’instruments allant dans le sens de la concurrence. Ils jouent aussi un rôle de caisse de résonance pour les travaux anglo-saxons d’économie de la santé d’orientation néo-classique. Surtout, les données OCDE sont quasiment l’unique source de données quantitatives des comparaisons internationales, sur les bases desquelles sont établis des diagnostics allant dans le sens de la transformation libérale des systèmes de protection maladie : celle-ci est donc présentée non pas comme un objectif a priori, mais comme une tendance convergente mise en évidence par des travaux comparatifs . Sous l’impulsion de ces institutions s’est constituée une véritable communauté épistémique internationale [16] d’experts (selon les pays, économistes de la santé, hauts fonctionnaires, hommes politiques) de la réforme de la protection maladie. Elle a opéré un important travail d’information et de pédagogie (sous la forme de colloques, de séminaires, de formations spécifiques etc.) qui a conduit à la diffusion d’une culture comparative et à la constitution de ce que l’on pourrait appeler un « sens commun réformateur ». Il se fonde sur la nécessité de maîtriser l’évolution des dépenses de santé afin de la rendre compatible avec la croissance de la richesse nationale, et plus fondamentalement sur une grille de lecture économique et gestionnaire des systèmes et des réformes, qui débouche sur le constat de l’inefficience des modèles de type « contrôle-commande » et sur les avantages d’une « concurrence contrôlée ». La diffusion de ce référentiel passe par la circulation au sein des experts nationaux des rapports officiels de ces organisations, tout comme de leurs travaux plus officieux comme les working papers. Même s’ils ne sont pas toujours cités dans les rapports officiels nationaux, particulièrement en France, les cadres analytiques, les argumentaires et les références académiques proposés par cette littérature se retrouvent peu ou prou dans l’ensemble des publications relatives à la réforme des politiques de protection maladie.
24 Les organisations internationales, et particulièrement l’OCDE, ont donc exercé une fonction socialisatrice forte en permettant aux différents experts nationaux de se rencontrer et de construire une « grammaire » commune des problèmes et des solutions envisageables. Outre la multiplication des colloques internationaux portant sur l’économie de la santé et les processus de réforme des politiques de protection maladie, il est à noter que de nombreux économistes de la santé sont passés par, ou ont collaboré, avec ces organisations et ont donc été « sensibilisés » à leurs représentations et leurs outils (en particulier statistiques). Les organisations internationales ont de ce fait participé de la structuration d’une véritable élite internationale de spécialistes qui, dans leur propre espace national, tentent de « traduire », au sens de Michel Callon et Bruno Latour, ou en d’autres termes d’ « acclimater » les diagnostics, principes d’action et recettes discutés de plus en plus au plan international. Cette activité de traduction est aussi et avant tout une opération de sélection et de mise en forme. En effet, les experts nationaux adoptent une vision de plus en plus systémique et sont de ce fait conduits à mettre l’accent sur les conditions de possibilité sociales et politiques de transfert des solutions (schéma organisationnel, outils, etc.) d’un pays à l’autre.
25 Parmi les exemples les plus nets de ces processus de policy transfer [17], s’inscrivant dans le référentiel de la concurrence encadrée, il faut tout d’abord mentionner le cas des “quasi-marchés” (Freeman, 1999). Concept importé des Etats-Unis au Royaume Uni par l’économiste Alan Enthoven (Enthoven, 1985), ils ont ensuite été diffusé dans d’autres systèmes nationaux de santé, en particulier la Suède et l’Espagne. Un même processus de transfert venu des Etats-Unis est repérable pour la tarification des soins hospitaliers à la pathologie, inspirés par les Diagnosis Related Groups (Kimberly, de Pouvourville et all., 1993), ainsi que pour les réseaux de soins, fortement influencé par les Health Maintenance Organizations.
26 Mais ce processus de transfert d’outils de politique publique ne porte que sur des mesures ciblées parce que les transformations des systèmes de protection maladie restent ancrées dans leurs contextes nationaux : la mise en concurrence fait l’objet d’adaptations nationalement distinctes comme on va la voir pour finir.
Des modalités nationales de mise en concurrence
27 La comparaison des dynamiques de libéralisation permet de mettre en avant des phénomènes de diffusion généralisée d’un certain nombre d’éléments : en particulier la concurrence pour la couverture des soins, la concurrence entre prestataires de soins et la mise en place d’instruments de mesure de la performance de soins. Mais, en même temps, il ne faut pas négliger les différences qui peuvent exister, tant dans le contenu des réformes que dans leurs modalités de décision et de mise en œuvre. Les caractéristiques nationales, institutionnelles et en termes de réseaux d’acteurs, des systèmes de protection maladie ne sont pas à négliger. Si la distinction entre systèmes nationaux de santé et systèmes à assurance maladie permet de comprendre des différences relatives au type de libéralisation (quasi marchés dans les systèmes nationaux de santé, concurrence pour la couverture des soins et réseaux de soins dans les systèmes à assurance maladie) l’intensité de la libéralisation paraît plus directement liée à des stratégies d’acteurs favorables à l’introduction de mécanismes de marché (Moran , 1998). Une attention particulière doit ici être accordée aux économistes de la santé qui, comme on l’a vu, sont les acteurs principaux de la diffusion des principes de la concurrence encadrée. Mais, pour comprendre les variations nationales de la libéralisation des systèmes de protection maladie il est également nécessaire de prendre en compte les processus décisionnels, impliquant les acteurs politiques, ainsi que de façon plus générale les réseaux nationaux de la politique de protection maladie.
28 C’est dans le cas britannique que la libéralisation a été la plus forte : ce constat se comprend avant tout par les modalités de diffusion du référentiel de la concurrence encadrée dans ce pays. L’introduction des quasi-marchés et la tendance marquée à la privatisation (part accrue du privé et managérialisation) s’inscrit dans un contexte dépassant celui du secteur de la santé : à savoir l’arrivée au pouvoir de M. Thatcher, élément déterminant du tournant néo-libéral d’ensemble des politiques publiques britanniques (Hayward, Klein, 1994). Dans ce cadre, la décision politique est fortement alimentée par des think tanks néo-libéraux, très marqués par l’influence américaine (Dolowitz et al., 2000). Dans le cas de la santé, le rôle de l’économiste de la santé américain Alan Enthoven a été important : auteur d’un rapport sur les dysfonctionnements du NHS (Enthoven, 1985) il est en contact étroit avec la Policy Unit du Premier Ministre. Ses conceptions ont ainsi servi de socle conceptuel à la réforme de 1990. Cependant la libéralisation du N. H. S. britannique ne doit pas être réduite à un strict phénomène de transfert de politique. Deux autres éléments sont à prendre en considération. Le premier est le fait que les « quasi-marchés » permettaient de transformer le mode de fonctionnement du système de protection maladie sans pour autant remettre en cause ses fondements politique (l’accès de tous les citoyens à des soins gratuits) et financiers (le financement par l’impôt). Le deuxième élément est le caractère tardif de la réforme par rapport à d’autres secteurs de politique publique. Celle-ci n’a été possible que dans un contexte de crise du système, largement construite par les acteurs politiques et les médias. Enfin, dans le cas britannique, les décisions prises en termes de mise en concurrence correspondent à des changements significatifs dans le réseau national de la politique de santé, en particulier la marginalisation de la profession médicale et le renforcement du politique (en particulier Premier Ministre et de son entourage) par rapport à l’administration de la santé (Hassenteufel, 1997 : 329).
29 Dans le cas espagnol, la politisation de l’expertise est également forte, ce qui facilite l’accès des économistes de la santé au processus décisionnel, mais il faut faire intervenir un autre paramètre : les rapports centre/périphérie, puisque la mise en concurrence est principalement le fait de périphéries dotées de compétences importantes en matière de protection maladie. Le cas de la Catalogne est particulièrement significatif à cet égard. La mise en concurrence est portée par les acteurs politiques régionaux, alimentés par les économistes de la santé, dans une logique de démarcation avec le centre (Madrid). C’est aussi pour cela que la libéralisation y apparaît tout autant comme une figure de rhétorique politique qu’une réalité effective de fonctionnement du système de protection maladie, à la différence de l’Angleterre. La privatisation, quant à elle, est portée par des acteurs directement concernés par celle-ci : médecins, assureurs privés, groupes de cliniques ...
30 Dans les cas de la France et de l’Allemagne, l’inscription des réformes des années 1990 dans les réseaux de la politique de protection maladie est plus nette. En Allemagne, la mise en place de la concurrence ne remet pas en cause les fondements de la régulation auto-administrée, historiquement au cœur du système d’assurance maladie. Ce sont les acteurs pivots de celle-ci, à savoir les caisses, qui sont porteurs de libéralisation et qui ont joué un rôle clef au moment de la réforme Seehofer de 1992. Celle-ci marque le passage à la prédominance de la logique de concurrence en Allemagne (Kania, Blanke, 2000). La “grande coalition politique ponctuelle” (entre la CDU et le SPD) qui a permis son adoption, traduit le fait que la concurrence est acceptée par l’ensemble des acteurs (hauts fonctionnaires, politiques, médecins), dans un contexte où les préoccupations budgétaires (découlant de la réunification) et de compétitivité internationale (du fait du fort degré d’externalisation de l’économie allemande) prédominent (Hassenteufel, 1998). Les principes de la concurrence encadrée, largement diffusés par les économistes de la santé, font l’objet d’un consensus généralisé entre les acteurs de la régulation auto-administrée ; ainsi les conflits ne portent pas sur la question : concurrence ou pas concurrence mais sur les formes de celle-ci et sur son extension.
31 La libéralisation concerne essentiellement les caisses et son objectif central est défini en termes d’équité : la réduction des disparités de taux de cotisations entre assurés. Cette libéralisation est doublement encadrée : les assureurs privés en sont exclus et un fond de péréquation a été introduit pour limiter les risques d’écrémage. On comprend ainsi que les modalités de mise en place de la concurrence s’inscrivent dans une forte continuité de la politique de protection maladie allemande, ce qui se traduit aussi par le fait que ce sont les acteurs clefs de l’auto-administration (principalement les caisses) qui sont chargés de sa mise en place. La libéralisation de l’assurance maladie allemande correspond donc, comme dans le cas britannique, à un changement d’envergure dans le système existant, sans qu’il y ait à proprement parler de changement de système. Mais, à la différence de l’Angleterre, les transferts de politique ont joué un rôle moindre et le réseau de la politique de protection maladie allemand s’est peu modifié.
32 En France, la libéralisation est portée principalement par les hauts fonctionnaires de la protection sociale, qui peuvent être caractérisés comme formant une élite du Welfare (Hassenteufel et al., 1999). Ils exercent un rôle prépondérant dans l’élaboration de la politique de protection maladie car ils concentrent des ressources à la fois en termes d’expertise, de légitimité (ils sont issus de grands corps de l’État) et d’insertion dans le secteur. Ils se trouvent en effet au confluent de plusieurs réseaux (politiques, administratifs, scientifiques, professionnels, journalistiques…). Tous ont occupé des positions très variées, et ont formé entre eux un réseau interpersonnel transversal aux organisations politiques et aux institutions du secteur. Ces hauts fonctionnaires entretiennent des relations privilégiées avec le groupe d’experts dominant : celui des économistes de la santé. Ils constituent un des vecteurs privilégiés de diffusion de l’économie de la santé néo-classique. On retrouve ainsi dans les rapports officiels les modèles de l’agence ou de la demande induite, introduits en France par des économistes lus par les hauts fonctionnaires. Ceux-ci partagent un même référentiel d’action qui peut être résumé ainsi : il faut doter l’Etat de moyens d’action efficaces (notamment par l’introduction d’éléments de concurrence) afin de préserver le système français de protection maladie. La libéralisation est conçue comme un outil d’intervention étatique : elle donc étroitement encadrée. C’est donc là aussi dans le cadre du système existant que la libéralisation est envisagée. Elle signifie pour ces hauts fonctionnaires transparence accrue et évaluation des professionnels (importation des D. R. G. sous la forme du PMSI et des H. MO. pour les réseaux de soins), mais aussi contractualisation et responsabilisation financière (modèle de l’agence financée par enveloppe globale). La libéralisation apparaît donc comme un moyen de faire jouer le marché là où l’Etat échoue face a la résistance des groupes organisés. Par là, de façon certes paradoxale, il s’agit de renforcer l’Etat, tout en le désengageant, par l’affaiblissement d’autres acteurs. Au sein de l’élite du Welfare, la libéralisation est ainsi pensée parallèlement à l’étatisation. On comprend ainsi le caractère plus encadré en France, par rapport aux autres pays, de la mise en concurrence. Celle-ci a également été favorisée par deux éléments de transformation du réseau de la politique de protection maladie : l’alliance entre le patronat et la CFDT à la direction des caisses d’assurance maladie d’une part, la fragmentation du corps médical d’autre part.
33 On voit donc que la libéralisation s’inscrit à l’intérieur de systèmes qui restent différenciés : le changement s’opère sans transformation des institutions clefs, mais il est porté par des acteurs qui renforcent leurs positions au sein des réseaux de la politique de protection maladie. La libéralisation constitue plus une transformation au sein d’un système national de protection maladie qu’un changement convergent de système. C’est ce qui permet de comprendre que la libéralisation n’est pas antinomique de l’étatisation.
34 L’un des intérêts de cette recherche est, à notre sens, de permettre de s’interroger sur deux notions de plus en plus utilisées dans le cadre de travaux comparatifs : la convergence et l’européanisation. Sur la première notion, on soulignera que la convergence ne signifie pas, ici, imposition d’un modèle par une institution internationale ou par un pays dominant dans un secteur donné. Il s’agit plutôt de l’existence d’une tendance générale dont on peut repérer des éléments proches dans leur logique (c’est-à-dire dans leur mode de fonctionnement et dans leurs objectifs) dans différents pays. Toutefois convergence ne signifie pas harmonisation puisque, pour la protection maladie, la tendance à la mise en concurrence prend des formes nationalement distinctes (l’accent est mis sur telle ou telle dimension de la concurrence), une intensité différente et selon des modalités propres à chaque pays. L’européanisation ne se limite donc pas ici à la transposition de normes fixées au niveau communautaire (Hassenteufel, Surel, 2000) : elle passe aussi par des phénomènes de transferts venant soit de certains pays, érigés en “modèle”, soit d’institutions internationales (l’OCDE ici), soit d’acteurs transnationaux (experts et consultants notamment). L’analyse d’un secteur faiblement communautarisé comme la protection maladie permet donc de poser un autre regard sur la façon dont se construit l’Europe, c’est-à-dire un regard qui ne se limite pas aux interactions entre acteurs communautaires et acteurs nationaux (voire infra nationaux) mais qui intègre les interactions de ces acteurs nationaux (voire infra nationaux) entre eux et avec des acteurs transnationaux non communautaires.
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Notes
-
[1]
Les auteurs font partie de « Chinon Santé ». Il s’agit d’un groupe de travail collectif qui se réunit mensuellement pour traiter de questions relatives à la protection maladie en Europe. Les membres de ce groupe, associés à William Genieys (CEPEL-Montpellier 1), Isabelle Lucas (CRAP-LAPSS/ENSP) et Bruno Palier (CEVIPOF), ont mené collectivement, de janvier 1999 à l’été 2000, une recherche portant sur la diffusion de la concurrence dans la protection maladie en Europe, financée dans le cadre de l’appel d’offres du CNRS “L’identité européenne en questions”.
-
[2]
Ce terme renvoie aux systèmes de santé “vus sous l’angle de la protection sociale des citoyens et de la régulation des dépenses publiques de santé, celles de l’assurance maladie pour certains pays, celle des budgets publics nationaux et locaux pour d’autres” (Berthod-Wurmser, 1995 : 585).
-
[3]
Dans les travaux anglo-saxons, c’est souvent le terme de competition (Freeman 1998), de managed competition (Wanade 1998) ou encore de Wettbewerb (Stegmüller 1998) qui est privilégié ; en français le terme de concurrence nous est apparu préférable à celui de compétition car il renvoie plus directement à la dimension économique, donc au modèle implicite du marché.
-
[4]
A ce niveau, la mise en concurrence peut s’accompagner d’un processus de privatisation, mais la libéralisation ne signifie pas pour autant ipso facto privatisation. On parlera ici de privatisation lorsque des acteurs privés se substituent à des acteurs publics et quand ceux-ci se transforment en acteurs privés ou adoptent les règles de fonctionnement des entreprises privées.
-
[5]
En 1999 on comptait 7,4 millions de personnes totalement couvertes par une assurance privée, ce qui correspond à près de 10 % de la population allemande. Cette part est en progression continue depuis 1980, date à laquelle on comptait 4,8 millions d’assurés dans le privé (source : P. K. V).
-
[6]
Ils représentaient 9,2 % de la population en 1996/7 contre 5,9 % en 1986/7 (source : A. B. I)
-
[7]
Cette proportion est restée stable au cours des années 1990. Toutefois on peut penser qu’elle va augmenter sous l’effet d’une récente mesure favorisant fiscalement les plans d’assurance privée collectifs, contractés par des entreprises.
-
[8]
On parle plutôt de « quasi-marché » (Le Grand 1991) dans la mesure où, dans le domaine de la santé, contrairement à l’idéal type du marché, les acteurs en concurrence sont principalement des acteurs publics (on parle de ce fait aussi de marché interne) dont la finalité n’est pas la maximisation du profit. Les fortes asymétries d’information, notamment entre patients et médecins, constituent une autre différence nette avec le type « pur » du marché de la théorie microéconomique.
-
[9]
En fin de compte le patient ne reçoit ces évaluations que de façon filtrée, voire biaisée, notamment à travers la presse (comme le montre en particulier la publication en France par Science et Avenir d’un “palmarès des hôpitaux”) ou Internet.
-
[10]
Ces limites sont également nettes dans le cas de l’Espagne (Rodriguez, Scheffler, Agnew, 2000).
-
[11]
L’introduction du fundholding a multiplié par deux le temps consacré par les médecins à la gestion de leur cabinet (Fischer, Best, 1995).
-
[12]
“En fait la concurrence instaurée depuis quelques années dans certains systèmes de santé européens est une concurrence organisée, voire une concurrence fictive. Il s’agit d’une option intermédiaire entre l’économie administrée et le marché.” (Duriez 1998 : 112).
-
[13]
La réglementation communautaire en la matière se fonde sur quatre principes : l’unicité de la législation applicable dans chaque pays, l’égalité de traitement entre nationaux et non-nationaux, le maintien des droits acquis, l’agrégation des périodes d’assurance, d’emploi ou de résidence pour les droits en cours d’acquisition.
-
[14]
Voir la communication de la Commission européenne concernant le marché unique des produits pharmaceutiques : Com. (1998-588).
-
[15]
Sur cette notion, on se reportera à l’article de Bruno Palier dans ce même numéro.
-
[16]
On entend par communauté épistémique à la suite de P. Haas (1992), les membres d’une communauté qui partagent une même croyance dans un ensemble de normes et de principes qui permettent de définir une base raisonnée de valeurs, les mêmes croyances causales qui découlent de leur observation des pratiques, les mêmes notions de validité pour mesurer le poids et la validité d’une connaissance dans leur domaine de compétence.
-
[17]
Il s’agit d’une notion de type intermédiaire, moins large et plus précise que celles de convergence ou de diffusion, renvoyant à des phénomènes d’import-export transnationaux de mesures spécifiques, dans le cadre d’une politique publique donnée (Dolowitz, Marsh, 2000).