Notes
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[1]
Par mondialisation du marché, il faut entendre ici le mouvement des flux physiques entre les différentes régions grâce aux méthaniers, ce que les gazoducs ne permettent pas.
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[2]
La délimitation ici retenue couvre 13 pays : Arabie Saoudite, Bahreïn, émirats arabes unis, Iran, Irak, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Qatar, Syrie et Yémen.
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[3]
Agence internationale de l’énergie (AIE), World Energy Outlook 2004, Paris, AIE, 2004.
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[4]
Le ratio R/P, rapport des quantités en réserve sur la production pour une année donnée, représente le laps de temps restant avant l’épuisement des ressources, à niveaux constants.
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[5]
Le gaz naturel, combustible fossile, est présent dans le sous-sol, seul ou « associé » à du pétrole.
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[6]
Les émissions de dioxyde de soufre (SO2) sont négligeables et celles d’oxyde d’azote (NOx) et de dioxyde de carbone (CO2) sont inférieures aux autres combustibles fossiles.
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[7]
Le terme d’énergie primaire renvoie aux produits présents dans la nature sous une forme ne nécessitant aucune transformation pour être exploitée directement afin de produire de l’énergie.
-
[8]
AIE, 2004, op. cit. [2].
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[9]
AIE, World Energy Outlook 2005: Middle East and North Africa Insights, Paris, AIE, 2005.
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[10]
Cedigaz, The Natural Gas Year in Review, Paris, Cedigaz, 2006.
-
[11]
AIE, 2004, op. cit. [2].
-
[12]
Ibidem.
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[13]
AIE, 2004, op. cit. [2].
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[14]
AIE, 2005b, op. cit. [7].
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[15]
AIE, 2004, op. cit. [2].
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[16]
La demande primaire est la demande d’énergie primaire.
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[17]
AIE, 2005b, op. cit. [7].
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[18]
La production de l’Arabie Saoudite était de 64 MMm3 en 2004.
1 Le gaz naturel est la source d’énergie fossile qui a connu la plus forte progression depuis les années 1970, en raison de ses avantages économiques et écologiques. En 2004, c’était la plus utilisée après le pétrole : les progrès technologiques améliorent constamment l’efficacité des techniques d’extraction, de transport et de stockage, ainsi que le rendement énergétique des équipements fonctionnant grâce au gaz. Les réserves, abondantes, sont mieux réparties que celles du pétrole, mais contrairement à ce dernier, l’industrie du gaz s’est développée historiquement sur deux bases essentielles : les contrats de longue durée et les marchés régionaux (Amérique du Nord, Europe et Asie). Cet état de fait explique l’absence d’un marché mondial du gaz naturel, à l’instar du marché du pétrole. Une demande croissante, une réduction de la production en Europe et aux États-Unis, l’émergence de nouveaux pays importateurs comme la Chine et l’Inde entraînent pourtant une hausse des échanges internationaux de gaz. Lorsque les gazoducs ne sont pas viables techniquement ou économiquement, le transport du gaz depuis les zones de production jusqu’aux centres de consommation s’impose, depuis la fin des années 1950, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) à bord de méthaniers. Les tankers peuvent être redirigés d’une zone à l’autre pour profiter des prix du marché, ce qui entraîne une certaine mondialisation du commerce du gaz naturel [1]. Autre fait marquant, les pays du Moyen-Orient [2] sont en passe de devenir incontournables parmi les exportateurs de gaz.
Le marché du gaz naturel en 2004 : géographies de l’offre et de la demande
2 Le gaz naturel est considéré comme le combustible fossile du xxi e siècle, comme l’était le pétrole au siècle précédent, ou le charbon voici deux siècles. Il représente près du quart de la consommation énergétique mondiale. Avec un taux de croissance annuel moyen [3] d’environ 2,5 à 3 %, la consommation de gaz naturel est, de toutes les sources d’énergies primaires, celle dont la progression attendue au cours des vingt prochaines années est la plus forte.
L’offre de gaz naturel
3 Les réserves de gaz, bien que non renouvelables, sont abondantes, et les estimations continuent de progresser, à mesure que de nouvelles techniques d’exploration ou d’extraction sont découvertes. Elles sont très largement distribuées à travers le monde, bien mieux que celles du pétrole.
Répartition des réserves prouvées de gaz naturel dans le monde, en 2004
Répartition des réserves prouvées de gaz naturel dans le monde, en 2004
1. Note : Les réserves « prouvées » sont celles qui pourraient être mises en production avec la technologie actuelle. Les réserves « possibles », bien supérieures, seraient situées pour plus de la moitié dans l’ex-Union soviétique et au Moyen-Orient.4 Les évaluations de la quantité de gaz dans le monde ont plus que doublé au cours des vingt dernières années et s’élevaient à 179 trillions de mètres cubes (Tm3) fin 2004. La Russie et le Moyen-Orient se partagent environ les deux tiers des réserves prouvées (27 % et 40 %). En 2004, le ratio réserves/production de gaz naturel dans le monde (R/P) était de plus de 65 ans [4]. Le même ratio pour le Moyen-Orient est en revanche beaucoup plus important : plus de 200 ans. La part de cette région dans les réserves de gaz ne cesse d’augmenter grâce aux découvertes de nouveaux champs gaziers et à la réévaluation des champs existants en Iran, en Arabie Saoudite ou au Qatar. En 2004, la région comptait 72,8 Tm3 de réserves prouvées. Deux pays représentent plus de 70 % de ces réserves : l’Iran et le Qatar. Si on leur ajoute l’Arabie Saoudite et les émirats arabes unis (EAU), ils disposent de plus de 90 % des réserves prouvées de la région.
5 Dans les quinze dernières années, la production a augmenté partout, mais encore plus rapidement au Moyen-Orient et en Afrique. Une hausse continue de la production est anticipée sur les deux ou trois décennies à venir, du fait des projets d’exploration et d’expansion déjà planifiés pour faire face à l’augmentation estimée de la demande.
Répartition de la production mondiale de gaz naturel, 1994-2004 (en milliards de mètres cubes, MMm3 )
Répartition de la production mondiale de gaz naturel, 1994-2004 (en milliards de mètres cubes, MMm3 )
6 En 2004, les principaux pays producteurs étaient les États-Unis et la Russie avec respectivement 20,2 % et 21,9 % de la production mondiale. D’autres pays, également importants – le Canada, le Royaume-Uni, l’Iran, l’Algérie, l’Indonésie, la Norvège, les Pays-Bas et l’Arabie Saoudite –, s’y adjoignent pour fournir 69 % de la production totale. Le Moyen-Orient est une région essentiellement productrice, avec, en 2004, 10 % de la production mondiale. En 1994, la région exportait seulement 4,3 milliards de mètres cubes (MMm3) (0,9 % des exportations dans le monde) mais dix ans plus tard, ses exportations étaient de 44,3 MMm3, soit 5,62 % des exportations mondiales.
Production de gaz naturel dans les pays du Moyen-Orient, 1994-2004 (en milliards de mètres cubes, MMm3)
Production de gaz naturel dans les pays du Moyen-Orient, 1994-2004 (en milliards de mètres cubes, MMm3)
7 L’Iran produit 29 % du gaz naturel de la région, l’Arabie Saoudite 23 %, les EAU 16 % et le Qatar 15 %. Ce dernier pays est le plus actif dans le développement de ses réserves. Si les taux d’épuisement et les coûts de production augmentent dans les régions d’Amérique du Nord et d’Europe, arrivées à maturation de leur production, les coûts de développement de nouveaux champs gaziers en Russie sont aussi plus élevés que par le passé. Au Moyen-Orient (et en Afrique), le gaz associé [5] est actuellement gaspillé, brûlé sur place, alors que sa commercialisation pourrait augmenter facilement la capacité de production de la région pour un coût relativement limité. Les coûts de production du gaz non associé y sont aussi plus bas que dans la majorité des autres régions productrices.
La demande de gaz
8 Le gaz a longtemps été gaspillé. Le manque d’infrastructures rendait difficile son acheminement en grandes quantités sur de longues distances (plus d’une centaine de kilomètres). Son transport s’est généralisé au cours des années 1920, grâce aux progrès technologiques des gazoducs. La consommation s’est développée plus rapidement après la Seconde Guerre mondiale grâce à l’essor des réseaux de canalisation et des systèmes de stockage. Elle a encore considérablement augmenté au cours des trente dernières années, passant de 1 241,5 MMm3 en 1974 à 2 790,3 MMm3 en 2004, soit une hausse de 29,5 % (contre 18,4 % pour le pétrole sur la même période). En 2004, le gaz naturel satisfaisait déjà le quart de la demande mondiale d’énergie, qui est relativement concentrée. La même année, dix pays représentaient plus de 60 % de la demande mondiale, les principaux pays consommateurs étant les États-Unis (22 %) et la Russie (15 %), puis les 25 pays de l’Union européenne avec près de 510 MMm3 en 2004 (17 % de la demande totale).
9 Le marché du gaz naturel s’est développé autour de trois zones principales. La plus ancienne et la plus organisée est le marché américain (Canada, États-Unis, Mexique), qui a consommé 784 MMm3 de gaz en 2004, principalement autoproduits. La deuxième zone est celle de l’Europe de l’Ouest (Union européenne, Suisse, Norvège). En 2004, celle-ci était alimentée en majorité par les producteurs régionaux comme la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, mais aussi par la Russie et l’Afrique (Algérie). Enfin, dans la zone asiatique, le Japon et la Corée du Sud sont complètement dépendants des importations en provenance du Sud-Est asiatique (Indonésie, Brunei, Malaisie, ou bien Australie) et du Moyen-Orient. Outre ces zones historiques, on trouve des marchés nationaux d’importance comme la Russie, le Brésil, la Chine ou l’Inde qui devraient s’étendre dans les années à venir.
10 La demande augmente dans tous les secteurs mais le gaz naturel, considéré comme plus propre et plus respectueux de l’environnement que la plupart des autres combustibles fossiles [6], est de plus en plus utilisé pour la production d’électricité. Le volume de sa consommation augmentera plus vite que celui de n’importe quelle autre source d’énergie primaire [7] : il devrait presque doubler d’ici à 2030, pour atteindre 4 900 MMm3 (+ 2,2 % par an). Sa part dans la demande mondiale d’énergie primaire devrait donc passer de 23 % en 2000 à 28 % en 2030, au détriment du pétrole et du charbon et être majoritairement utilisée pour la production d’électricité et de chaleur, dans toutes les régions du monde : le gaz naturel devrait voir sa part [8] dans la production d’électricité – son premier débouché – passer de 36 % en 2002 à 47 % en 2030.
Demande mondiale d’énergie primaire entre 2002 et 2030 (en millions de tonnes équivalent pétrole, Mtep)
Demande mondiale d’énergie primaire entre 2002 et 2030 (en millions de tonnes équivalent pétrole, Mtep)
11 La croissance sera modérée en Amérique du Nord, en Europe et en Asie (Japon/Corée du Sud), du fait des investissements réalisés pour améliorer l’efficacité des usages de l’énergie, mais ces pays resteront néanmoins les principaux marchés gaziers. L’augmentation sera plus importante en Afrique, Amérique latine et dans les pays en développement d’Asie, en raison de la croissance de la population et de l’implantation d’activités consommatrices d’énergie, aujourd’hui localisées dans les pays développés. La Chine et l’Inde sont deux grands consommateurs potentiels pour l’avenir, avec une croissance de la demande estimée à 5 % par an. L’accroissement de la consommation, en volume, sera malgré tout plus important dans les marchés d’Amérique du Nord et d’Europe, ainsi que dans les pays en transition [9].
La nouvelle donne mondiale des marchés du gaz
12 Une hausse de la production est attendue en Russie et au Moyen-Orient, là où se trouvent les plus importantes réserves. La majeure partie de cette augmentation devrait pourvoir aux besoins de l’Amérique du Nord et de l’Europe, où la production est en stagnation ou en déclin. Le Japon et la Corée du Sud sont deux marchés historiquement dépendants des importations de GNL et leur demande continuera aussi à augmenter. De fait, le commerce international du gaz va se développer de plus en plus pour faire face à ces différences. Le développement du marché du GNL est un outil de cette mondialisation, jetant des passerelles entre des marchés très distants les uns des autres.
Une augmentation des échanges internationaux
13 En 2005, seuls 30 % de la production mondiale de gaz ont fait l’objet d’échanges internationaux [10], contre plus de la moitié du pétrole consommé. La proportion très faible de ces échanges s’explique notamment par l’éloignement des sites de production par rapport aux lieux de consommation, par les coûts élevés du transport, et la suffisance provisoire de la production « régionale ». Mais le commerce international du gaz se développe désormais deux fois plus vite que celui du pétrole. Les échanges entre régions devraient tripler dans les deux prochaines décennies [11], passant de 417 MMm3 en 2002 à 1 265 MMm3 en 2030. Les régions importatrices nettes vont voir leurs importations augmenter, en volume et aussi en part de leur consommation. Les États-Unis, premiers consommateurs d’énergie de la planète, ne sont plus autosuffisants. Le GNL jouera demain un rôle important pour l’approvisionnement du pays, passant de moins de 1 % en 2002 à plus de 15 % en 2025. L’Europe verra quant à elle sa dépendance énergétique passer de 50 à 80 % à brève échéance et la Russie, l’Afrique du Nord et de l’Ouest, le Moyen-Orient et la région de la mer Caspienne seront ses principaux fournisseurs.
14 Le GNL devrait représenter 60 % de l’accroissement des échanges dans le monde [12]. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance : une forte diminution des coûts tout au long de la chaîne GNL ; un contexte économique favorable ; une demande de gaz accrue ; des prix du gaz élevés notamment, depuis 2003 dans le bassin Atlantique ; le passage des États-Unis et du Royaume-Uni d’un statut de marchés en surplus aux prix bas à un statut d’importateurs avec des prix élevés ; les problèmes d’accès aux réseaux de gazoducs en Europe, qui font du GNL une option intéressante ; l’importance croissante accordée à la diversification des sources d’approvisionnement pour les sécuriser ; la volonté des pays de valoriser leurs réserves de gaz, etc. Le commerce par gazoducs a augmenté de 2,6 % entre 2004 et 2005, représentant environ les trois quarts des échanges. Le marché du GNL est plus restreint, mais il connaît une croissance beaucoup plus importante : + 8,6 % sur la même période. En 2030, il devrait représenter la moitié des échanges inter-régionaux (contre 25 % actuellement) [13]. La région du Nord-Est asiatique et de l’Asie-Pacifique, qui a traditionnellement dominé les marchés du GNL, perdra de son importance relative dans un futur proche : les importations de l’Amérique du Nord et du marché européen déplaceront la balance des transactions de GNL vers le bassin Atlantique.
Le Moyen-Orient au cœur des exportations de GNL
15 En progression constante, les exportations du Moyen-Orient devraient continuer à augmenter [14], et la plupart d’entre elles se feront sous forme de GNL, même si des projets de gazoducs vers l’Europe ou l’Asie du Sud sont susceptibles de voir le jour après 2010.
Production de gaz naturel au Moyen-Orient (en milliards de mètres cubes, MMm3)
Production de gaz naturel au Moyen-Orient (en milliards de mètres cubes, MMm3)
16 Le Moyen-Orient a fourni 23 % des exportations de GNL en 2004 (à partir du sultanat d’Oman, du Qatar, et des Émirats), et celles-ci augmenteront de plus de 250 MMm3 : de 44 MMm3 en 2004, elles devraient passer à 300 MMm3 en 2030 [15]. Le Qatar, l’Iran et l’Irak en seront alors les principaux acteurs.
Les exportations de GNL par pays, 2002-2030 (en milliards de mètres cubes, MMm3)
Les exportations de GNL par pays, 2002-2030 (en milliards de mètres cubes, MMm3)
17 Toutes les régions importatrices vont devenir plus dépendantes du gaz du Moyen-Orient : ce dernier jouit d’une parfaite position géographique pour approvisionner aussi bien l’Asie-Pacifique, l’Inde que le bassin Atlantique. Il restera le principal fournisseur de l’Asie mais l’Europe et l’Amérique du Nord deviendront ses principaux marchés. Ses exportations augmenteront vers les États-Unis, tout en ne représentant qu’une fraction relativement modeste des importations du pays.
Les exportations du Moyen-Orient correspondront-elles aux prévisions ?
18 Si la sécurité de l’approvisionnement devient un problème de la plus haute importance pour les pays consommateurs, l’accroissement de leur dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient les place face à de nouveaux défis.
La demande de gaz augmente aussi au Moyen-Orient
19 La consommation moyen-orientale de gaz est passée de 136 MMm3 à 241 MMm3 entre 1994 et 2004, les principaux pays consommateurs étant l’Iran (84 MMm3), l’Arabie Saoudite (64 MMm3) et les EAU (38,5 MMm3) et devrait continuer à augmenter fortement dans les années à venir, jusqu’à atteindre 470 MMm3 en 2030. Les principaux secteurs de consommation sont la pétrochimie et les usines d’eau douce, mais la production d’électricité par le gaz devrait croître rapidement et absorber 40 % de la demande en 2030. À cette date, le gaz aura supplanté le pétrole comme principale source d’énergie, et fournira la moitié de la demande primaire [16]. L’Iran et l’Arabie Saoudite, qui ont consommé 60 % du gaz à destination régionale en 2004, resteront les deux principaux marchés, tandis que le Qatar verra sa demande progresser rapidement. Ces trois pays consommeront en 2030 plus de la moitié de la demande régionale. Les EAU connaîtront eux aussi une élévation de leur demande nationale, mais plus modeste.
Consommation de gaz naturel au Moyen-Orient, 2003-2030 (en milliards de mètres cubes, MMm3)
Consommation de gaz naturel au Moyen-Orient, 2003-2030 (en milliards de mètres cubes, MMm3)
20 Plusieurs facteurs expliquent l’importante hausse de cette demande locale. Les pays du Moyen-Orient sont dépendants du pétrole pour leurs propres besoins énergétiques. Du fait de l’envolée des prix, les producteurs souhaitent substituer le gaz au pétrole dans leur économie, afin de pouvoir dégager des ressources pour l’exportation et ainsi profiter des prix de vente élevés. D’autres facteurs jouent, tels l’augmentation des exportations, qui requiert elle-même plus d’énergie pour produire ce surplus de gaz, le développement de l’économie grâce aux revenus des exportations, la poussée démographique, etc. Les exportations à l’intérieur de la région même du Moyen-Orient vont également se multiplier, des gazoducs transfrontaliers – aujourd’hui peu nombreux – étant appelés à voir le jour. Le projet Dolphin, par exemple, prévoit de développer les réserves du Qatar et de les transporter par gazoduc jusqu’aux EAU, fournissant le sultanat d’Oman au passage, si besoin. L’accroissement de la demande interne et ces transferts intra-zone diminueront d’autant les quantités disponibles pour l’exportation extra-régionale.
Problèmes politiques et géopolitiques
21 Les prévisions de production correspondent aux réserves connues à ce jour mais un certain nombre de champs gaziers devront toutefois être développés pour atteindre les niveaux prévus, et les pays exportateurs doivent dès maintenant attirer d’énormes investissements pour mettre en place l’infrastructure de production nécessaire. La mobilisation des ressources financières pourrait être un problème majeur. Malgré tout, plusieurs projets régionaux de GNL ou de gazoducs sont déjà à un stade avancé d’élaboration. S’il n’y a pas eu trop d’obstacles jusqu’ici pour trouver les financements nécessaires, d’autres risquent de surgir sur une période de deux à trois décennies, à l’intérieur du pays producteur ou entre pays exportateurs et pays importateurs.
Les exportations de GNL du Moyen-Orient (en milliards de mètres cubes, MMm3)
Les exportations de GNL du Moyen-Orient (en milliards de mètres cubes, MMm3)
22 En mars 2006, le Qatar est devenu le plus grand exportateur de GNL au monde, fournissant trois continents : l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord. Il pourrait représenter 65 à 75 % des exportations du Moyen-Orient [17] vers 2030. Son influence devrait s’étendre de plus en plus sur le marché Atlantique, en plus du marché Pacifique où il est déjà bien présent (83 % de ses exportations). Si des problèmes politiques, ou géopolitiques, venaient à empêcher ce pays de développer les exportations au niveau escompté, les répercussions sur le marché Pacifique mais aussi sur le marché Atlantique seraient très importantes. Le Qatar est un petit pays, avec relativement peu d’habitants, mais sa position géographique compte. Si sa stabilité politique est bonne actuellement, l’échelle des investissements nécessaires pour développer les exportations à de tels niveaux pourrait provoquer des tensions. Enfin, il faut prendre en compte le moratoire actuel – non officiel – sur les nouveaux projets de GNL, le pays arrivant désormais à son objectif d’exportations.
23 Le sultanat d’Oman, deuxième exportateur de GNL de la région en 2004, devrait continuer sa politique d’exportation dans les années à venir. Mais le pays dispose de réserves beaucoup moins importantes que ses voisins et devra aussi faire face à une augmentation de sa demande nationale, notamment dans le secteur industriel et de la production électrique.
24 Le troisième et dernier exportateur de GNL en 2004 était représenté par les EAU. Ce pays, qui importe déjà une petite quantité de gaz par pipeline, devrait voir sa demande nationale de gaz naturel augmenter plus vite que sa production, et devenir importateur net après 2020. Il est donc inutile de compter sur des exportations de sa part sur le long terme.
25 Les questions sont multiples concernant l’Iran. Avant et même après la révolution de 1980, beaucoup d’observateurs internationaux prévoyaient un rôle de leader pour le gaz iranien, via gazoduc ou GNL. Mais l’Iran n’a pas développé ses ressources gazières au niveau prévu. Pire, ce pays qui possède les deuxièmes réserves de gaz naturel au monde, et qui est le cinquième plus gros producteur, est aujourd’hui importateur net. À ce jour, il n’a pas d’autre possibilité que de poursuivre les importations tant que sa production nationale ne satisfait pas l’ensemble des besoins du pays. De plus, sa situation politique, au niveau national ou international, est extrêmement difficile. Les États-Unis s’opposent à tout projet énergétique avec l’Iran, ce qui présage de difficultés pour son développement en tant qu’exportateur de GNL sur le marché extra-régional. Le pays est aussi connu pour clore unilatéralement des contrats passés sur des terminaux ou des gazoducs. Le dernier exemple en date est le rejet de la clause sur le prix du gaz dans le projet GNL entre l’Iran et l’Inde (dont les exportations n’ont pas commencé).
26 L’Irak, qui possède des réserves relativement plus modestes, pose également question. Il est aujourd’hui difficile de faire un pronostic sur ses exportations de gaz naturel. Il est probable qu’il n’y aura pas d’exportations importantes, sécurisées et stables avant longtemps. La proximité de la Turquie et l’existence d’un commerce gazier antérieur entre ces deux pays auraient pourtant pu faire de lui un partenaire intéressant pour l’Europe.
27 Enfin, l’Arabie Saoudite ne prévoit pas, quant à elle, d’exporter de gaz tant que sa production nationale annuelle [18] n’atteint pas les 120 MMm3, ce qui ne devrait pas arriver avant 2020-2025. D’ici là, toute la production sera écoulée nationalement.
28 L’augmentation de la demande régionale au Moyen-Orient, jointe aux problèmes politiques ou géopolitiques de certains pays, ont (et auront encore dans la prochaine décennie, voire plus tard) des conséquences prévisibles sur les exportations de GNL de la région qui seront, en très grande majorité, originaires d’un seul pays : le Qatar.
29 ***
30 Le développement du GNL a permis de dépasser les limites géographiques du commerce par gazoduc. Les échanges entre zones productrices et consommatrices de gaz se multiplient et le Moyen-Orient devrait, demain, jouer un rôle de plus en plus important dans l’équilibre de l’offre et de la demande au niveau mondial. Les pays consommateurs attendent beaucoup de ses exportations futures – notamment de celles en provenance du Qatar mais aussi des autres pays disposant de grandes réserves tels l’Iran ou l’Irak – pour subvenir à leurs besoins. Il est pourtant difficile de faire des pronostics sur les exportations éventuelles de ces deux derniers pays. Le sultanat d’Oman pourrait aussi contribuer aux exportations, mais dans une moindre mesure. Cette situation pose deux problèmes majeurs pour les importateurs : la dépendance vis-à-vis d’un seul pays (le Qatar) est un risque pour la sécurité de l’approvisionnement et il n’est pas sûr que le volume de gaz qatari disponible suffise à couvrir l’ensemble des besoins. Il est donc urgent de s’interroger sur les niveaux d’exportations prévus par les experts des pays importateurs pour les 25 prochaines années : sont-ils réalistes institutionnellement, politiquement et géopolitiquement ?
Mots-clés éditeurs : Qatar, commerce international, gaz naturel liquéfié, Moyen-Orient
Mise en ligne 01/01/2008
https://doi.org/10.3917/pe.062.0269Notes
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[1]
Par mondialisation du marché, il faut entendre ici le mouvement des flux physiques entre les différentes régions grâce aux méthaniers, ce que les gazoducs ne permettent pas.
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[2]
La délimitation ici retenue couvre 13 pays : Arabie Saoudite, Bahreïn, émirats arabes unis, Iran, Irak, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Qatar, Syrie et Yémen.
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[3]
Agence internationale de l’énergie (AIE), World Energy Outlook 2004, Paris, AIE, 2004.
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[4]
Le ratio R/P, rapport des quantités en réserve sur la production pour une année donnée, représente le laps de temps restant avant l’épuisement des ressources, à niveaux constants.
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[5]
Le gaz naturel, combustible fossile, est présent dans le sous-sol, seul ou « associé » à du pétrole.
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[6]
Les émissions de dioxyde de soufre (SO2) sont négligeables et celles d’oxyde d’azote (NOx) et de dioxyde de carbone (CO2) sont inférieures aux autres combustibles fossiles.
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[7]
Le terme d’énergie primaire renvoie aux produits présents dans la nature sous une forme ne nécessitant aucune transformation pour être exploitée directement afin de produire de l’énergie.
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[8]
AIE, 2004, op. cit. [2].
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[9]
AIE, World Energy Outlook 2005: Middle East and North Africa Insights, Paris, AIE, 2005.
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[10]
Cedigaz, The Natural Gas Year in Review, Paris, Cedigaz, 2006.
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[11]
AIE, 2004, op. cit. [2].
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[12]
Ibidem.
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[13]
AIE, 2004, op. cit. [2].
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[14]
AIE, 2005b, op. cit. [7].
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[15]
AIE, 2004, op. cit. [2].
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[16]
La demande primaire est la demande d’énergie primaire.
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[17]
AIE, 2005b, op. cit. [7].
-
[18]
La production de l’Arabie Saoudite était de 64 MMm3 en 2004.