Notes
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[1]
Voir sur ce sujet l’ouvrage de Dominique Reynié, La Fracture occidentale. Naissance d’une opinion européenne, Paris, La Table Ronde, 2004.
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[2]
Enquête Eurobaromètre standard réalisée en octobre-novembre 2004 auprès de 24 791 habitants de l’Union européenne par EOS Gallup.
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[3]
Nous reprenons ici le travail présenté par R. Mohedano-Brèthes dans son article « L’Union est-elle “europérenne” ? », in D. Reynié (dir.), L’Opinion européenne en 2005, Paris, La Table Ronde – Fondation Robert Schuman, 2005.
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[4]
La plus récente d’entre elles date de novembre 2004.
1Il aura fallu seize mois de Convention (du 28 février 2002 au 18 juillet 2003), une conférence intergouvernementale et deux Conseils européens pour aboutir à un traité instituant une Constitution pour l’Europe. Comme souvent depuis les origines de la construction européenne, l’élaboration du projet constitutionnel s’est faite « par le haut », comme nous le rappelle le mode de composition de la Convention. Rassemblant des représentants des gouvernements et des délégués des parlements nationaux, celle-ci s’est déroulée dans une relative indifférence, et n’a pas suscité de débat dans le grand public pendant sa tenue. Mais à l’heure où les pays européens s’engagent dans un processus de ratification du traité, il semble utile de faire le point sur la perception qu’ont les Européens de ce texte.
2On relèvera en préambule que s’interroger sur le rapport qu’entretiennent les Européens avec le projet de Constitution européenne, c’est poser la question de l’existence d’une opinion publique européenne. À cette dernière question, il n’existe pas de réponse univoque. Certes, on a pu déceler, au cours des dernières années, une convergence des opinions publiques nationales des différents États de l’Union sur de nombreux enjeux. Rappelons, par exemple, l’attitude des opinions publiques en Europe à l’égard de l’intervention américaine de 2003 en Irak : quelle que soit la position de leurs gouvernements respectifs, la quasi-totalité des opinions nationales s’est révélée opposée au conflit. Pour autant, les enquêtes effectuées sur l’ensemble du continent soulignent la persistance de clivages nationaux extrêmement puissants dans la perception qu’ont les citoyens de l’Union européenne de celle-ci [1].
3Dans ce contexte, et pour faire le point sur l’opinion des Européens à l’égard du débat sur le projet de Constitution européenne et du traité lui-même, il apparaît d’abord utile de rappeler les modes de ratification du projet.
L’inexistence d’une règle de ratification commune est un handicap pour l’émergence d’un débat européen
4Pour mieux comprendre le contenu du débat, il convient de s’arrêter un instant sur sa forme. Le traité européen précise lui-même, au terme de l’article IV-447, que celui-ci doit être ratifié « par les Hautes Parties contractantes, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ». Le choix du mode de ratification relève ainsi du seul pouvoir souverain des États signataires. Cette précision exclut donc la possibilité de recourir à une ratification sous la forme d’un référendum paneuropéen, que certains membres de la Convention avaient proposée. Elle a exclu également une harmonisation des procédures de ratification à l’échelle continentale. En effet, seuls 17 États de l’Union sur ses 25 membres autorisent la tenue de référendums sur les questions européennes. Et parmi ceux-ci, il convient de distinguer les États qui rendent une telle consultation obligatoire (comme l’Irlande), ceux dans lesquels cette consultation n’a qu’un caractère consultatif (comme l’Espagne) et ceux qui peuvent recourir au référendum mais peuvent également faire le choix d’un autre mode de ratification.
5À ce jour, une dizaine d’États devraient ratifier le projet de Constitution européenne par référendum. Ces dix États regroupent plus de 50 % de la population de l’Union, ce qui constituera une première dans l’histoire de la construction européenne : jamais un traité n’avait donné lieu à un exercice de démocratie directe aussi important. Dans un contexte où le déficit démocratique de l’Europe est souvent pointé du doigt, ce recours massif au référendum mérite d’être souligné. Le choix de cette procédure concerne par ailleurs certains pays parmi les plus importants de l’Union : la France évidemment, membre fondateur et longtemps moteur de la construction européenne avec l’Allemagne, mais également le Royaume-Uni, dont on connaît la relation particulière qu’il entretient avec l’Union, ou encore l’Espagne, pays dont l’influence n’a cessé de grandir au sein de l’Union. Il est clair que dans les pays qui ont fait, ou pu faire, ce choix de la consultation populaire, le débat sur le traité dans l’opinion sera d’une nature et d’une intensité particulières.
6Mais force est de constater que les pays qui avaient le choix du recours à la ratification par référendum ne l’ont pas fait uniquement pour répondre à un sentiment de déficit démocratique. Les considérations nationales ne sont pas absentes de cet arbitrage. Ainsi, en République tchèque, la faible majorité dont dispose le gouvernement l’a conduit à privilégier cette hypothèse plutôt que la procédure parlementaire. L’existence d’un clivage politique fort sur les questions européennes, qui traverse les partis traditionnels, explique aussi en partie les choix britannique et français du recours au référendum.
7L’absence de consultation populaire à l’échelle européenne, et l’organisation de référendums dans le cadre des États-Nations, constituent un véritable obstacle à un processus d’européanisation de l’espace public face au projet de Constitution. Or, dans le même temps, les enquêtes qualitatives réalisées dans les différents pays de l’Union soulignent la carence d’information des citoyens sur le contenu du projet. Dès lors, face à la complexité même des sujets européens, la tendance naturelle dans de nombreux pays de l’Union est de nationaliser les enjeux et de ne pas se prononcer uniquement sur le projet lui-même.
La perception de l’Union européenne : entre légitimité et indifférence
8Certes, l’adoption d’une Constitution apparaît comme l’une des étapes les plus cruciales de l’Union européenne. Mais pour comprendre les attitudes des Européens à l’égard de cette nouvelle étape, il est nécessaire de rappeler le regard plus général qu’ils portent sur la construction européenne, à l’issue d’une année 2004 qui aura vu l’Union connaître une révolution quantitative et qualitative : élargissement le plus important de son histoire, désignation d’une nouvelle Commission et élection d’un Parlement européen intégrant les pays nouvellement membres.
9Premier constat, le soutien à l’appartenance de son pays à l’Union européenne est majoritaire (56 %) [2]. Mais on relèvera que ce soutien n’a pas progressé depuis la première enquête sur ce thème réalisée en 1974 : à l’époque, six Européens sur dix (la Communauté comptait alors neuf membres) estimaient que l’appartenance de leur pays à la Communauté européenne était une bonne chose. Précisons également qu’en 2004, le soutien à l’appartenance est minoritaire dans 8 des 25 États de l’Union : au Royaume-Uni, en Lettonie, à Malte, en République tchèque, en Autriche, en Suède, en Finlande et en Hongrie.
10Dans le même temps, une majorité des Européens souhaiterait que la construction européenne progresse plus rapidement, et que l’Union joue un rôle plus important (51 %) : une attente qui concerne notamment la place de l’Union dans le monde. En effet, 78 % des Européens soutiennent la mise en place d’une politique de sécurité et de défense commune, tandis que 69 % se prononcent en faveur d’une politique étrangère commune. L’action de l’Union dans des domaines comme la paix dans le monde (61 %), la lutte contre le terrorisme (59 %), ou la protection de l’environnement (58 %), est perçue comme très positive. Elle l’est notamment au regard de l’action des États-Unis dans les mêmes domaines. Incontestablement, la défiance des opinions européennes à l’égard de l’action de l’administration Bush renforce leurs attentes d’une Europe plus intégrée dans ces domaines.
11Pour autant, parallèlement à cette adhésion et à cette légitimité qu’accordent les Européens à la construction européenne, il faut souligner un autre élément du contexte dans lequel s’inscrit le débat sur la Constitution européenne, plus inquiétant celui-là : un niveau de connaissance sur l’Union européenne qui demeure, tant subjectivement qu’objectivement, invariablement faible. Pour preuve, environ un tiers des citoyens de l’Union pensent que celle-ci compte douze États membres, ou que le président de la Commission est directement élu par les citoyens de l’Union.
12Tout se passe comme si la construction européenne, en dépit de son importance et de l’impact qu’elle a sur le quotidien des Européens, se poursuivait dans une relative indifférence. D’ailleurs, si l’Union européenne était abandonnée, seuls 39 % des Européens éprouveraient des regrets, contre 43 % qui seraient indifférents à cette situation. Cette indifférence serait particulièrement forte dans les pays qui viennent d’adhérer à l’Union : 61 % en Pologne, 59 % en Lettonie, 52 % en République tchèque. Mais elle se constate également dans les pays qui appartiennent depuis de longues années à l’Union. Elle atteint d’ailleurs aujourd’hui des niveaux records, depuis plus de 30 ans que cette mesure est effectuée auprès des Européens.
Les citoyens de l’Union et la constitution européenne
Les citoyens de l’Union et la constitution européenne
13L’ensemble de ces données permet d’établir une typologie du rapport des habitants de l’Union à la construction européenne, qui peut être résumée dans le tableau supra [3].
14Cette typologie souligne que près de la moitié des Européens peuvent être considérés comme des soutiens solides à la construction européenne. Pour 27 % d’entre eux, il s’agit de « militants », qui souhaitent que l’Europe aille plus loin, ou de « sympathisants » (20 %), qui estiment que l’Europe constitue pour eux-mêmes une chance. Au sein de ces deux catégories, les hommes, les jeunes et les diplômés du supérieur sont surreprésentés. Ils se caractérisent également par une forte satisfaction à l’égard de leur vie et une attitude plus optimiste que la moyenne. Les « euro-militants » sont plus nombreux dans certains pays de l’ancienne Europe de l’Est (Slovaquie, Lettonie, Pologne, Hongrie), ainsi qu’en Grèce ou aux Pays-Bas. Les « euro-sympathisants » se retrouvent plus particulièrement en Irlande, en Espagne, au Luxembourg ou à Malte.
15À l’inverse, 22 % peuvent être classés dans la catégorie des eurosceptiques, soit parce qu’ils peuvent être qualifiés de critiques (13 %) sur la construction européenne, regrettant non pas son principe même mais la forme qu’elle a prise, soit parce qu’ils se révèlent clairement anti-Européens (9 %), considérant que l’Europe constitue en soi une menace. Ces deux catégories rassemblent en moyenne plus de personnes âgées, inactives, à faible niveau d’éducation, habitant dans les villes de petite taille ou de taille moyenne, plutôt insatisfaites de leur vie. Elles se distinguent en revanche par leur positionnement politique. Si les critiques votent en général pour les partis de gauche dans leurs pays respectifs, les anti-Européens font preuve d’une attitude protestataire, en privilégiant les mouvements situés aux deux extrémités du spectre politique : partis d’extrême gauche, partis d’extrême droite ou populistes de droite. Géographiquement, c’est en Italie que les euro-critiques sont les plus représentés, tandis que les anti-Européens sont plus nombreux en moyenne au Royaume-Uni ou au Portugal.
16Reste une dernière catégorie, les fragiles (31 %), qui constituent, dans ce panorama du rapport des Européens à l’Union, une sorte de marais. Essentiellement composé de femmes, de personnes en âge d’activité et d’habitants des zones rurales, ledit marais fait preuve d’une grande indifférence à l’égard de la construction européenne ; et il semble particulièrement important en Autriche, en Allemagne, en Suède ou en France. En raison de ce détachement qu’il manifeste à l’égard de l’Union, il constitue une catégorie cible pour les partisans de la construction européenne, étant susceptible de rallier temporairement ou sur des enjeux spécifiques les anti-Européens.
La méconnaissance du projet de Constitution domine
17De nombreux éléments concourent ainsi à brouiller le débat d’opinion dans les pays de l’Union : inscription du débat dans le cadre des États nationaux, indifférence à l’égard de l’Europe… Pour autant, les enquêtes réalisées dans le cadre de l’Eurobaromètre [4], et les études qualitatives, permettent de livrer quelques éclairages sur la perception du projet de Constitution européenne.
18Il convient de rappeler d’entrée le sentiment dominant de faible connaissance du contenu du projet, même si ce sentiment est disparate dans son intensité selon les pays de l’Union. Seuls 11 % des Européens déclaraient connaître globalement le contenu de la Constitution en novembre 2004. Ce niveau de connaissance subjective atteint son maximum au Luxembourg (22 %) et son minimum à Chypre (3 %). Et 33 % des Européens déclarent même à cette date n’avoir pas entendu parler de ce projet de Constitution. Ce pourcentage atteint 50 % au Royaume-Uni, 49 % en Grèce et 45 % en Irlande. On peut penser que dans les pays qui organisent un référendum de ratification, la connaissance du texte aura progressé au moment du scrutin. Cependant, même dans un pays comme la France où le débat est particulièrement virulent dans la sphère politique et très présent dans les médias, les études soulignent que le niveau d’indifférence à l’égard du scrutin et la méconnaissance du texte demeurent des éléments prégnants dans l’opinion.
19Cette perception se confirme lorsque l’on teste la connaissance des Européens sur certains points, contenus ou non dans le traité. Seuls 52 % savent que celui-ci prévoit la création d’un poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union, 48 % qu’il est prévu qu’un État membre puisse sortir de l’Union, ou encore 38 % que le traité définit un droit d’initiative populaire au sein de l’Union. Seule l’idée que le nouveau traité ne fera pas disparaître la citoyenneté nationale semble largement connue (63 %). Sur l’ensemble de ces propositions, le niveau de connaissance apparaît particulièrement faible en Irlande, au Royaume-Uni ou en Lettonie. Il est d’ailleurs particulièrement important de souligner ici que dans les pays qui se sont prononcés, ou vont se prononcer sur le projet par référendum, la connaissance moyenne est particulièrement faible. Enfin, sociologiquement, le déficit d’information se révèle particulièrement élevé chez les femmes, les moins de 25 ans, les personnes les moins diplômées, les ouvriers ou les chômeurs.
20Compte tenu de cette méconnaissance, la participation à un référendum de ratification dans les pays qui utiliseront cette procédure s’annonce incertaine. Ce fut le cas en Espagne, où seuls 42 % des électeurs se sont rendus aux urnes, mais il faut dire que le caractère consultatif du scrutin et le ralliement des deux grands partis de gouvernement (PSOE et Parti populaire) au oui n’étaient pas de nature à inciter à la participation. Il n’est pas sûr pourtant qu’au final l’Espagne fasse figure d’exception. En effet, les indicateurs dont nous disposons en avril 2005 pour les pays dans lesquels la consultation n’a pas encore eu lieu soulignent la faible motivation des électeurs à ce jour. En France, huit semaines avant le scrutin, seul un peu plus d’un électeur sur deux semblait certain de voter à cette occasion. La mobilisation des Irlandais ou des Luxembourgeois était à ce moment du même ordre, et celle des Britanniques, pays où pourtant la controverse sur les questions européennes est forte, était inférieure à 50 %. Seuls les Danois semblaient déroger à cette règle, plus des deux tiers d’entre eux déclaraient être certains de participer à leur référendum de ratification.
Une utilité reconnue
21En dépit de cette méconnaissance, près d’un citoyen européen sur deux se déclare en novembre 2004 favorable au traité constitutionnel (49 %). Toutefois, l’intensité de l’adhésion mesurée à cette date se révèle toute relative, dans la mesure où seuls 10 % des Européens sont « tout à fait favorables » au traité. Les pays dans lesquels le soutien est le plus élevé sont l’Italie (72 % de personnes favorables), la Belgique (70 %) ou les Pays-Bas (63 %). L’adhésion au traité apparaît très faible en Grèce (34 %), en Irlande (28 %) ou à Chypre (23 %), mais plus en raison d’une incapacité à se prononcer sur le texte que d’une forte opposition. Dans deux pays, l’opinion des citoyens se révèle très contrastée : en Suède, où 25 % des habitants s’opposent au projet, contre 27 % qui l’approuvent ; au Royaume-Uni surtout, où 30 % des habitants s’opposent au projet, tandis que seuls 20 % l’approuvent.
D’après ce que vous en savez, diriez-vous que vous êtes favorable ou opposé au projet de constitution européenne ?
D’après ce que vous en savez, diriez-vous que vous êtes favorable ou opposé au projet de constitution européenne ?
Réponse représentée sur la carte : En faveur22Cette mesure d’adhésion au projet de Constitution ne doit pas pour autant laisser penser qu’en cas de référendum, le traité serait approuvé dans la quasi-majorité des pays de l’Union. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, l’organisation de référendums dans un cadre national conduit à nationaliser et à multiplier les enjeux du scrutin. Pour autant, les chiffres soulignent un sentiment partagé par les Européens : la nécessité pour l’Union, sur le plan institutionnel, de se doter d’une Constitution. Toutes les études qualitatives montrent que les citoyens européens ont conscience que l’Europe à 25 a besoin d’institutions adaptées pour pouvoir continuer son chemin. Par ailleurs, le principe même de l’adoption d’une Constitution renvoie à des perceptions positives auprès d’Européens qui critiquent souvent le manque de coordination et d’unité politique du vieux continent. De ce point de vue, l’existence même d’une Constitution de l’Union serait, pour eux, de nature à renforcer le sentiment d’identité des Européens, et à contrebalancer l’unilatéralisme américain.
Des craintes qui ne demandent qu’à être réactivées
23Pour autant, il existe des oppositions sous-jacentes extrêmement vivaces à ce bouleversement. D’une manière générale, les populations qui se révèlent inquiètes face à l’avenir, insécurisées économiquement ou socialement, apparaissent très sensibles au risque de perte de souveraineté de leur pays. Même si certains de ces citoyens reconnaissent l’utilité de l’Union Européenne et sa pertinence dans un monde où la taille constitue en soi un atout, ils redoutent ce basculement d’un cadre national à un cadre européen, notamment parce qu’ils ne se sentent pas en mesure d’influer sur les institutions européennes, et notamment la Commission, alors qu’ils estiment pouvoir le faire sur leurs gouvernements nationaux. Parallèlement, une partie non négligeable des citoyens de l’Europe des Quinze n’a pas encore digéré l’élargissement, considérant que celui-ci n’a pas été suffisamment préparé et que l’écart de développement avec les nouveaux entrants est trop important. Du coup, la crainte d’un nouvel élargissement, voire le débat sur l’adhésion de la Turquie, constituent pour certains Européens des motifs d’opposition au traité. C’est particulièrement le cas en Autriche, en France, ou en Allemagne.
24Sur ces considérations que l’on retrouve sur l’ensemble du continent, se greffent des considérations parfois spécifiquement nationales. Citons-en quelques-unes, pour mémoire. Ainsi, aux Pays-Bas, la question du montant de la contribution versée par ce pays au budget communautaire est régulièrement remise sur l’agenda. En Pologne, l’absence de mention des origines judéo-chrétiennes de l’Europe et la réduction implicite de l’influence de la Pologne au sein du Conseil des ministres, par rapport au traité de Nice, constituent des arguments opposés par certains à l’adoption du projet. En République tchèque, l’indépendance nationale, mise à mal par la période de la guerre froide, contribue à porter un mouvement qui considère que la Constitution européenne restreint la démocratie et la liberté tchèques. En France, la thématique du refus d’une Europe jugée « trop libérale » et du démantèlement du modèle social national domine les débats. Last but not least, la ratification se heurte au Royaume-Uni aux craintes liées à la faiblesse du dynamisme économique de l’Europe continentale et au réflexe de rejet de l’émergence d’un super-État européen.
25***
26Le début du xxie siècle constitue un moment charnière dans la courte histoire de l’Union européenne. Un an après l’élargissement de l’Union qui, en réunifiant le continent, a définitivement clos la période de l’après Seconde Guerre mondiale, les Européens doivent désormais franchir un nouveau pas en se prononçant sur le projet de Constitution européenne. Quel que soit le résultat de ce processus, il marquera une rupture dans le processus d’intégration européenne. Il n’est pas sûr que les Européens en aient conscience.
Notes
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Voir sur ce sujet l’ouvrage de Dominique Reynié, La Fracture occidentale. Naissance d’une opinion européenne, Paris, La Table Ronde, 2004.
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Enquête Eurobaromètre standard réalisée en octobre-novembre 2004 auprès de 24 791 habitants de l’Union européenne par EOS Gallup.
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Nous reprenons ici le travail présenté par R. Mohedano-Brèthes dans son article « L’Union est-elle “europérenne” ? », in D. Reynié (dir.), L’Opinion européenne en 2005, Paris, La Table Ronde – Fondation Robert Schuman, 2005.
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La plus récente d’entre elles date de novembre 2004.