Notes
-
[1]
Ministère de l’Administration territoriale, Procès-verbal de la conférence des gouverneurs de provinces, organisée à Yaoundé le 31 juillet 1990, p. 11. Archives du MINAT.
-
[2]
Je remercie tous mes informateurs de Yaoundé, et notamment les habitants d’Olembé et des quartiers environnants qui m’ont généreusement ouvert leurs portes et confié des informations utiles pour ma recherche. En plus des évaluateurs anonymes, dont les commentaires ont contribué à affiner mon analyse, je voudrais aussi remercier les coordinatrices du numéro, Lucie Revilla et Romane Da Cunha Dupuy, dont les relectures ont été bénéfiques pour moi. Je tiens enfin à remercier Béatrice Hibou et Didier Péclard qui, lors de nos nombreux échanges, m’ont suggéré des pistes théoriques et des réflexions qui m’ont aidé à « assainir » mes données de terrain.
-
[3]
Instituées depuis les années 1970, les conférences sont des rencontres qui regroupent l’ensemble des échelons administratifs relevant du ministère de l’Administration territoriale (gouverneurs et préfets). Elles se tiennent en général deux fois par an. Lors de ces conférences, les autorités administratives passent en revue la situation économique, politique et sociale de leurs régions respectives dans le but d’exposer les difficultés, les échecs et les réussites dans ces différents domaines et de partager d’éventuelles « recettes ».
-
[4]
A. Kom, « Aux armes citoyens ? Violences du pouvoir et pouvoir de la violence au Cameroun » [en ligne], AOC, 21 février 2020, <https://aoc.media/opinion/2020/02/20/aux-armes-citoyens-violences-du-pouvoir-et-pouvoir-de-la-violence-au-cameroun/>, consulté le 15 juin 2023.
-
[5]
G. M. Eyenga, « Les nouveaux yeux de l’État ? L’introduction de la télésurveillance dans l’espace public à Yaoundé », Cahiers d’études africaines, n° 244, 2021, p. 753-776.
-
[6]
P. Ela, Dossiers noirs sur le Cameroun. Politique, services secrets et sécurité nationale, Paris, Éditions Pyramide papyrus presse, 2002.
-
[7]
M. Göpfert, « Bureaucratic Aesthetics: Report Writing in the Nigérien Gendarmerie », American Ethnologist, vol. 40, n° 2, 2013, p. 324-344 ; J. Beek et M. Göpfert, « Travelling Police: The Potential for Change in the Wake of Police Reform in West Africa », Social Anthropology, vol. 23, n° 4, 2015, p. 465-479.
-
[8]
T. Lindenberger, « Secret et public : société et polices dans l’historiographie de la RDA », Genèses, n° 52, 2003, p. 38.
-
[9]
Voir J. Beek et M. Göpfert, « State Violence Specialists in West Africa », Sociologus, vol. 63, n° 1-2, 2013, p. 103-124 ; M. Morelle, « La prison, la police et le quartier. Gouvernement urbain et illégalismes populaires à Yaoundé », Annales de géographie, n° 702-703, 2015, p. 300-322. Voir aussi, dans la lignée de la Plural policing, M. O’Neill et N. R. Fyfe, « Introduction. Plural Policing in Europe: Relationships and Governance in Contemporary Security Systems », Policing and Society, vol. 27, n° 1, 2017, p. 1-5.
-
[10]
J. Beek, « Friend of the Police: Polizei in Nord-Ghana (Upper West Region) », Working Paper, n° 93, Mayence, Johannes-Gutenberg Universität, 2008 ; M. Göpfert, « Security in Niamey: An Anthropological Perspective on Policing and an Act of Terrorism in Niger », The Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, 2012, p. 53-74 ; M. Göpfert, « Surveillance in Niger: Gendarmes and the Problem of “Seeing Things” », African Studies Review, vol. 59, n° 2, 2016, p. 39-57 ; L. Fourchard, « État de littérature. Le vigilantisme contemporain. Violence et légitimité d’une activité policière bon marché », Critique internationale, n° 78, 2018, p. 169-186 ; L. Revilla, Le travail de l’ordre : hiérarchies sociales et ancrages policiers dans les quartiers populaires de Khartoum et Lagos, Thèse de doctorat en science politique, Bordeaux, IEP de Bordeaux/Université de Bordeaux, 2021.
-
[11]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa: Perpetrators’s and Ethnographers’ Dilemmas », Ethnography, vol. 14, n° 4, p. 486-487.
-
[12]
Les collectifs de famille n’ont pas de substrat juridique à proprement parler, mais constituent des regroupements qui surgissent généralement à l’occasion de déguerpissements et d’expropriations « injustes ». Ils sont souvent encadrés par des acteurs associatifs reconnus par l’État.
-
[13]
M.-E. Pommerolle, « La démobilisation collective au Cameroun : entre régime postautoritaire et militantisme extraverti », Critique internationale, n° 40, 2008, p. 73-94 ; J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations à la faim de manifester : revendications publiques, rémanence autoritaire et procès de la démocratie au Cameroun », Politique africaine, n° 146, 2017, p. 73-97 ; A. Mbassi, Se mobiliser dans la rue en régime « post-autoritaire ». Une analyse des manifestations publiques au Cameroun, Thèse de doctorat en sciences politiques, Douala, Université de Douala, 2019.
-
[14]
J. N. Atemengue, « Le pouvoir de police administrative du président de la République au Cameroun : réflexion sur les fondements de l’ordre juridique », Verfassung und Recht in Übersee, vol. 35, n° 1, 2002, p. 83.
-
[15]
A. Gramsci, Cahiers de prison. Anthologie, Paris, Gallimard, 2021.
-
[16]
Voir par exemple le dossier « Gramsci, les médias et la culture » de la revue Quaderni, n° 57, 2005.
-
[17]
Voir J.-F. Bayart, « Hégémonie et coercition en Afrique subsaharienne. La “politique de la chicotte” », Politique africaine, n° 110, 2008, p. 123-152 ; B. Hibou, Anatomie politique de la domination, Paris, La Découverte, 2011, p. 24 ; J.-F. Bayart, L’énergie de l’État. Pour une sociologie historique et comparée du politique, Paris, La Découverte, 2022, p. 566-680.
-
[18]
Décret d’expropriation n° 79/087 du 14 mars 1979. Archives privées.
-
[19]
Le Directeur général de la MAGZI à monsieur le Directeur des domaines, ministère de l’Urbanisme et de l’habitat, « zone industrielle d’Olembé », Yaoundé, 22 juin 1984. Archives privées ; Le Directeur général de la MAGZI à monsieur le chef de service provincial de l’urbanisme et de l’habitat du Centre, « zone industrielle d’Olembé », Yaoundé, 26 septembre 1984. Archives privées.
-
[20]
Voir l’article 13 du décret n°87/1872 du 18 décembre 1987 portant application de la loi 85/9 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation.
-
[21]
Arrêté n°028/Y.2.5/MINUH/D211 du 29 juillet 1993.
-
[22]
Entretien avec la famille Atangana, Yaoundé, 7 juillet 2021.
-
[23]
Le Directeur de la MAETUR à monsieur le ministre des Domaines et des affaires foncières, « Demande de rectification de l’arrêté d’attribution pour mise en conformité avec le titre foncier MAETUR n°23105/M sis à OLEMBE », Yaoundé, 7 octobre 2009. Archives privées.
-
[24]
Le ministre des Domaines et des affaires foncières à monsieur le Préfet du département du Mfoundi, « rectification du titre foncier n°23105/Mfoundi », Yaoundé, 24 novembre 2009. Archives privées.
-
[25]
Démarré le 23 décembre 2009, le programme avait pour objectif la résorption du déficit en logements qui est évalué à 2 millions d’unités d’habitat.
-
[26]
Entretien avec les familles Mbella et Essama, Yaoundé, 2020 et 2021.
-
[27]
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine, Troisième rapport périodique du Cameroun au titre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Banjul, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine, 2013, p. 110.
-
[28]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[29]
Entretien avec un cadre de la Maetur, Yaoundé, 18 mars 2021.
-
[30]
F. Eboko, « Cameroun : acteurs et logiques des émeutes de 2008 », Alternatives Sud, vol. 15, 2008, p. 53-57.
-
[31]
Pour une discussion de ce paradigme, voir A. Biehler, A. Choplin et M. Morelle, « Le logement social en Afrique : un modèle à (ré)inventer ? » [en ligne], Métropolitiques, 18 mai 2015, <https://metropolitiques.eu/Le-logement-social-en-Afrique-un.html#:~:text=À%20compter%20des%20Indépendances%20en,de%20l%27ancienne%20puissance%20française.>, consulté le 16 juin 2023.
-
[32]
D. Péclard, A. Kernen et G. Khan-Mohammad, « États d’émergence. Le gouvernement de la croissance et du développement en Afrique », Critique internationale, n° 89, 2020, p. 9-27.
-
[33]
Entretien avec la directrice d’une PME, Yaoundé, 13 avril 2021.
-
[34]
P. Konings, The Politics of Neoliberal Reforms in Africa: State and Civil Society in Cameroon, Bamenda, Langaa RPCIG, 2011, p. 114 et suivantes.
-
[35]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[36]
Ibid.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Entretien avec un chef de bloc d’Olembé, Yaoundé, 5 juin 2020.
-
[40]
Terrain, observation directe, 2020 et 2021.
-
[41]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[42]
Voir C. F. Fisiy et P. Geschiere, « Sorcellerie et accumulation. Variations régionales », in P. Geschiere et P. Konings (dir.), Itinéraires d’accumulation au Cameroun, Paris/Leiden, Karthala/Afrika-Studiecentrum, 1993, p. 99 ; P. Geschiere, Sorcellerie et politique en Afrique. La viande des autres, Paris, Karthala, 2005, p. 130 et suivantes.
-
[43]
Articles 1 et 3 de l’arrêté préfectoral n°00001024AP/JOg/SP du 12 juillet 2022.
-
[44]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 488.
-
[45]
T. Lindenberger, « Secret et public… », art. cité, p. 56.
-
[46]
B. Hibou, Anatomie politique de la domination, op. cit., p. 95-97.
-
[47]
Voir V. Codaccioni, « La construction d’une façade légaliste en contexte répressif. L’action anticoloniale communiste pendant le conflit algérien », Sociétés contemporaines, n° 88, 2012, p. 45-72.
-
[48]
Sur l’usage du complot et la suspicion par le gouvernement camerounais, voir M.-E. Pommerrolle, « Les violences dans l’Extrême-Nord du Cameroun : le complot comme outil d’interprétation et de luttes politiques », Politique africaine, n° 138, 2015, p. 163-177 ; P. D. Belinga Ondoua, « Politique de la suspicion et développement urbain au Cameroun. Le Programme participatif d’amélioration des bidonvilles (PPAB) dans la ville de Yaoundé », Politique africaine, n° 150, 2018, p. 53-74 ; R. Orock, « Rumours in War: Boko Haram and the Politics of Suspicion in French–Cameroon Relations », The Journal of Modern African Studies, vol. 57, n° 4, 2019, p. 563-587.
-
[49]
Pour plus de détails sur le pouvoir de l’insinuation dans les disputes publiques, voir L. Boltanski et L. Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991, p. 411-412.
-
[50]
T. Lindenberger, « Secret et public… », art. cité, p. 46.
-
[51]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[52]
Ibid.
-
[53]
Ibid.
-
[54]
Ibid.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Ibid. Toute cette histoire est également relatée, mais avec moins de détails que dans les entretiens, dans la lettre de Monsieur Mbella adressée « à la Très haute attention de son Excellence Monsieur Paul Biya, Président de la République du Cameroun » intitulée « Indemnisation des populations autochtones du site du stade d’Olembé ; abus de pouvoir et incarcération arbitraire de la part du gouvernement du centre », Yaoundé, 18 avril 2018.
-
[58]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[59]
M. Beti, La France contre l’Afrique. Retour au Cameroun, Paris, La Découverte, 2006, p. 105 et suivantes.
-
[60]
Voir M. Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 42-45 ; J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 485-486.
-
[61]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[62]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[63]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[64]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[65]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 487.
-
[66]
N. Fischer et A. Spire, « L’État face aux illégalismes », Politix, n° 87, 2009, p. 7-20 ; A. Amicelle « “Deux attitudes face au monde”. La criminologie à l’épreuve des illégalismes financiers », Cultures & Conflits, n° 94-95-96, 2014, p. 65-98 ; A. Amicelle et C. Nagels, « Les arbitres de l’illégalisme : nouveau regard sur les manières de faire du contrôle social » [en ligne], Champ pénal/Penal Field, vol. 15, 2018, <https://journals.openedition.org/champpenal/9774#:~:text=Dans%20ce%20cadre%2C%20des%20illégalismes,%27ont%20cessé%20d%27augmenter.>, consulté le 3 avril 2023.
-
[67]
Terrain, observation directe et entretiens, Yaoundé, 2020 et 2021.
-
[68]
J.-F. Bayart, L’État au Cameroun, Paris, Presse de la FNSP, 1979.
-
[69]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[70]
A. Lüdtke, « La domination comme pratique sociale », Sociétés contemporaines, n° 99-100, 2015, p. 30.
-
[71]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[72]
Entretien avec un chef traditionnel, Yaoundé, 23 août 2021.
-
[73]
M. Beti, Perpétue et l’habitude du malheur, Paris, Buchet Chastel, 1989 [1974], p. 13. Ce roman porte sur les années post-indépendance au Cameroun et décrit l’ambiance autoritaire et de terreur de l’époque.
-
[74]
Les membres de la famille Atangana, à Son Excellence Madame la ministre des Domaines et Affaires foncières, « rétrocession de 57 ha de terres sur le site d’Olembé à Yaoundé », Yaoundé, 4 janvier 2012. Les mentions en gras sont des auteurs de la lettre. Archives privées.
-
[75]
Collectif des membres de la famille Atangana à Monsieur le Ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières, « requête en vue du rétablissement de notre droit de propriété spolié à Nkol Mbong, arrondissement de Yaoundé 1er », Yaoundé, le 27 mai 2020. Archives privées.
-
[76]
Entretiens avec les familles Essama, Mbella et Atangana, Yaoundé, 2020 et 2021.
-
[77]
J.-F. Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006 [1989], p. 268.
-
[78]
Voir P. Geschiere, Witchcraft, Intimacy, and Trust: Africa in Comparison, Chicago, University of Chicago Press, 2013 ; J.-P. Dozon, La vérité est ailleurs. Complots et sorcellerie, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2017 ; P. Geschiere et R. Orock, « Anusocratie? Freemasonry, Sexual Transgression and Illicit Enrichment in Postcolonial Africa », Africa, vol. 90, n° 5, 2020, p. 831-851.
-
[79]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[80]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 487.
-
[81]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[82]
M. Essama, « Observations sur le rapport final de l’étude d’impact environnemental et social », Yaoundé, 21 janvier 2017. Archives privées.
-
[83]
Monsieur Mbella à la très haute attention de son Excellence Monsieur Paul Biya, président de la République du Cameroun, « Indemnisation des populations autochtones du site du stade d’Olembé ; abus de pouvoir et incarcération arbitraire de la part du gouvernement du Centre », Yaoundé, 18 avril 2018.
-
[84]
Voir B. Hibou, Anatomie politique de la domination, op. cit., p. 58 et suivantes, qui montre que cette coordination est un mécanisme banal de domination.
-
[85]
M. de Certeau, La prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Seuil, 1994.
-
[86]
Entretien avec un cadre de la Maetur, Yaoundé, 18 mars 2021.
-
[87]
Entretien avec un chef de bloc d’Olembé, Yaoundé, 5 juin 2020.
« L’usage et l’administration des libertés publiques garanties par la législation en vigueur doivent être le cadre de l’expression de la maturité ainsi que du patrimoine de chacun. Mais en tout état de cause, l’ordre et la paix auxquels les Camerounais aspirent avant toute chose, doivent être maintenus [1]. »
1 Il n’est pas certain que tous les Camerounais et Camerounaises aspirent, « avant toute chose », à l’ordre et à la paix [2]. Mais ce propos introductif d’une des nombreuses conférences des gouverneurs, présidées en 1990 par le ministre de l’Administration territoriale, montre que le maintien de l’ordre fait partie des attributs essentiels du pouvoir au Cameroun. En témoignent les procès-verbaux de ces conférences, dans lesquels les exposés des gouverneurs sont généralement structurés autour de plusieurs rubriques avec en tête la rubrique relative au « maintien de l’ordre », encore appelée rubrique des « problèmes de sécurité » (subversion, banditisme, criminalité et rébellion) [3].
2 Les organisations de défense des droits de l’homme et certains médias se sont empressés de présenter les processus de maintien de l’ordre au Cameroun sous l’angle de la barbarie, de l’atrocité et de l’autoritarisme. En effet, selon certains observateurs, « la violence des forces de l’ordre n’est d’ailleurs que l’aspect visible, spectaculaire, des atrocités qui caractérisent le pouvoir en place à Yaoundé [4] ». Le défaut majeur de cette perspective est d’appréhender les mécanismes de maintien de l’ordre comme des processus totalisants et mortifères. D’une part, elle participe à mystifier l’exercice de la coercition, en exagérant et en surestimant le volontarisme et l’organisation de la police d’État. En effet, même si l’État dispose de technologies de vidéosurveillance qui lui permettent de contrôler, de prévenir et de contenir à l’avance les troubles à la sécurité publique [5], le travail de police au Cameroun rencontre d’énormes difficultés sur le terrain en termes de disponibilité des ressources matérielles et humaines, et est également confronté à des querelles internes exacerbées par les interférences des services de renseignements étrangers [6]. D’autre part, les processus de maintien de l’ordre ne sont pas uniquement caractérisés par des pratiques répressives atroces et une violence sanglante. Ce faisant, la répression ne dit pas tout de l’exercice de la coercition. D’où la nécessité d’un changement de regard visant notamment à étudier le maintien de l’ordre à partir d’une approche ethnographique plus sensible aux activités et aux dispositifs de police au quotidien.
3 Les études ethnographiques du policing en Afrique sont nombreuses. Elles ont souligné l’intérêt de saisir au plus près les perceptions, les logiques et les improvisations quotidiennes du travail de police [7]. Elles ont également montré qu’en plus de la police « normale », « c’est-à-dire celle qui porte uniforme et agit dans la sphère publique [8] », les processus de maintien de l’ordre impliquent une pluralité d’acteurs étatiques [9] qui entretiennent des jeux permanents de négociation et de composition avec les populations locales, aussi bien dans le cadre du vigilantisme que pour le renseignement [10]. Elles ont surtout permis de voir que la violence policière ne s’exerce efficacement que si elle obéit à des « constructions culturelles », c’est-à-dire si elle s’appuie sur des dispositifs réglementaires (lois) et des conventions morales sans lesquels elle n’a aucune chance de s’affirmer comme une activité sociale légitime [11].
4 En m’inspirant de cette tradition ethnographique, j’entends étudier la quotidienneté des pratiques coercitives à Yaoundé en me basant notamment sur un terrain de 13 mois (mars-août 2020 et février-septembre 2021). Ce terrain porte sur l’analyse d’une opération d’expropriation qui a eu lieu en 2008-2009 à Olembé, une zone périphérique située au nord-ouest de la ville de Yaoundé. Ces expropriations ont été réalisées en vue de la construction de près de 1 700 logements sociaux, ainsi que du nouveau stade à Yaoundé qui a abrité les cérémonies d’ouverture et de clôture de l’édition 2021 de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Les familles expropriées étaient plus de 60, dont 52 sur le site du stade et une dizaine sur le site des logements sociaux. Celles qui seront évoquées ici sont au nombre de 4 et seront anonymisées ainsi : famille Oyono, famille Mbella, famille Atangana et famille Essama. Du fait du classement de l’affaire Olembé comme « confidentielle » par les autorités locales, mon terrain a essentiellement porté sur les populations riveraines, et notamment sur les familles violentées avec lesquelles je me suis directement entretenu et grâce auxquelles j’ai eu accès à des archives administratives et judiciaires, à des procès-verbaux de réunions familiales, aux documents de la presse locale et à des lettres restées sans effet adressées à la haute administration (présidence, ministères, etc.). Ce matériau m’a permis d’entrer dans la boîte noire du dossier Olembé et, surtout, de saisir concrètement la manière dont les acteurs qui subissent la violence se représentent les mécanismes répressifs et de pouvoir. Je m’attarderai en particulier sur le cas de M. Mbella, ancien employé de la présidence de la République, pour comprendre en quoi le fait d’avoir officié dans les hautes sphères du pouvoir influence ces mécanismes. Malgré un contexte caractérisé par l’autocensure, ce dernier a souhaité que son vrai nom apparaisse dans mes publications relatives à cette affaire d’expropriation afin que sa cause soit relayée dans différents espaces éditoriaux. Une telle demande suggère que M. Mbella a un sentiment d’immunité du fait de son profil social. Et pourtant, comme on va le voir, même s’il n’a pas fait l’objet de violences directes comme certains habitants locaux, M. Mbella a fait l’expérience de surveillances, de menaces et d’intimidations malgré son statut d’ancien cadre à la présidence du Cameroun.
5 En effet, lors des processus de viabilisation des superficies urbaines ayant fait l’objet des expropriations qui intéressent le présent article, les populations riveraines d’Olembé se sont organisées en différents collectifs de familles [12] et mobilisées sur le terrain pour décrier le caractère « injuste » du processus d’indemnisation. Ayant eu lieu entre 2008 et 2018, ces mobilisations ont souvent bloqué l’avancement des travaux liés aux projets de construction du stade et des logements sociaux annoncés lors de la campagne électorale de M. Biya pour les élections présidentielles de 2011. Dans une société où les manifestations de rue et la critique publique sont largement contrôlées par les autorités administratives [13], et pour éviter que les chantiers présidentiels ne soient freinés, le pouvoir a déployé un arsenal policier afin d’assurer le maintien de l’ordre public défini comme l’ensemble des valeurs « que la collectivité étatique estime, à un moment donné de son histoire, nécessaire à la sauvegarde de son être, en toutes ses dimensions [14] ». En l’occurrence, le maintien de l’ordre à Olembé s’imposait à l’aune d’une double nécessité : permettre l’avancement des travaux du projet gouvernemental de construction du stade et des logements sociaux, et contenir le mouvement de déflagration sociale dans un contexte où l’on assistait à une intensification des revendications sociales et identitaires qui secouent le pays depuis 2008.
6 Ce que j’essaie de montrer est que le travail de maintien de l’ordre est intimement lié à la construction de l’hégémonie. En effet, le concept gramscien d’« hégémonie culturelle [15] » est généralement défini comme un mécanisme d’idéologisation de la société par la propagande et la diffusion de la culture de la classe dominante. Il s’agirait alors d’un mode spécifique de renforcement du pouvoir qui opère par un endoctrinement politique au travers de supports idéologiques (télévision, presse, école, affiches, Église, etc.) [16]. Cette acception omet très souvent de mettre en avant l’idée toute aussi gramscienne de l’association des pratiques coercitives aux processus hégémoniques [17]. À ce titre, je voudrais décrire les pratiques et les logiques concrètes à travers lesquelles se tissent les projets hégémoniques. En contrepoint de l’idée de propagande, ma recherche entend souligner l’importance des imaginaires collectifs et des formes d’interprétation de la réalité socio-politique dans la disqualification des revendications sociales, et dans les modalités d’incorporation et de représentation de la violence de l’État. De même, à l’encontre d’une approche qui ne se concentrerait que sur la violence répressive, je tente de montrer que l’hégémonie repose sur des formes de coercition plurielles et différenciées.
7 Dans le cas spécifique d’Olembé, la construction de l’hégémonie s’est articulée autour de formes « dosées » de coercition et de modes d’interprétation de la réalité que l’on peut qualifier de « complotisme ». En effet, en plus des mobilisations et des critiques du pouvoir, les populations locales ont émis des menaces sorcellaires contre les autorités administratives pour les dissuader de procéder à des indemnisations « justes ». Ces critiques et ces menaces ont été retournées contre elles et requalifiées par le pouvoir en actes visant implicitement à porter atteinte à l’ordre public et à saboter les valeurs patriotiques. D’après les autorités publiques, lesdites critiques et menaces cachaient des intentions antipatriotiques qui consistaient à « provoquer » ou à « se réjouir » des difficultés rencontrées par l’État sur ses chantiers. Cette réinterprétation des mobilisations selon une perspective pour laquelle elles relèveraient d’un complot a permis de les disqualifier et de justifier le passage à la répression. Mais le recours à la violence s’est opéré de façon asymétrique en fonction du statut socio-politique des acteurs et de l’ampleur du « désordre ». En effet, en raison de leurs connexions avec le régime, certains acteurs ont fait l’objet d’une expérience plus « douce » de la violence policière, différente de celle, brutale et physique, qu’ont expérimentée des personnes « ordinaires ». Ces manières asymétriques de perpétrer la violence ont eu pour conséquence la diffusion de la peur au sein du quartier et la modulation de la contestation des habitants. Ces derniers dénoncent néanmoins au quotidien l’existence d’un plan dissimulé visant à accaparer « leurs » terres et d’attaques mystiques perpétrées par des acteurs publics et privés agissant en connivence et « tapis dans l’ombre ».
8 Après avoir historicisé et précisé les mobilisations qui ont eu lieu et les critiques qui ont été émises à Olembé, je montrerai comment le passage à la répression policière a été légitimé par une réinterprétation des menaces sorcellaires lancées par des habitants visant à les présenter comme un complot ourdi par les populations. Je montrerai ensuite comment cette répression a opéré de façon différenciée sans reposer essentiellement sur l’infliction de la douleur. Pour finir, je soulignerai l’effet que cette violence policière a eu sur les populations, aussi bien victimes que témoins, et notamment la façon dont elle pénètre au quotidien les consciences à travers la peur, les discours manifestant un soutien à l’État et la dénonciation d’un complot orchestré par les pouvoirs publics.
Aux origines du mécontentement à Olembé : un rapide aperçu historique du processus d’expropriation
9 En mars 1979, l’État du Cameroun décide de créer une zone industrielle à Olembé, une localité périphérique située au nord-ouest de la ville de Yaoundé [18]. Une superficie de 331 ha est alors visée par le gouvernement de l’époque et confiée, pour sa mise en valeur, à la Mission d’aménagement et de gestion des zones industrielles (Magzi), créée en 1971. Un recensement est effectué en vue de l’expropriation et de l’indemnisation des populations occupant le site en question, et celles-ci sont indemnisées au début des années 1980. Cependant, les industriels se désintéressent du site d’Olembé du fait de son caractère inexploitable. En 1984, la Magzi se désiste :
« Nous avons l’honneur de vous informer que la MAGZI a eu à étudier avec la Cellule d’Urbanisme le problème de l’ensemble des Zone Industrielles de Yaoundé. Pour ce qui concerne notamment les terrains de 331 ha expropriés à OLEMBE Yaoundé Nord, il a été constaté que l’accès à ce site est trop difficile et que les industriels ne s’y intéressent pas. La MAGZI ne trouve donc aucun inconvénient sur la reconversion de ces terrains en totalité ou en partie pour d’autres utilisations [19]. »
11 Les 331 ha à Olembé ne sont alors pas exploités et ne font pas l’objet d’une expropriation de la part de l’État jusqu’en 2008-2009. Cette non-exploitation a des conséquences juridiques importantes. En effet, deux années après l’annonce d’un projet d’expropriation, et quand bien même il aurait fait l’objet d’indemnisations, le terrain visé par celui-ci revient de droit aux populations qui l’occupaient avant qu’il soit annoncé s’il n’est pas suivi d’opérations de viabilisation, de lotissement ou de construction [20].
12 Cependant, plusieurs années après l’annonce du projet d’expropriation sans matérialisation quelconque, le gouvernement continue de prétendre à une propriété exclusive sur ce terrain. En l’occurrence, en 1993, un arrêté ministériel attribue la surface de 231 ha d’Olembé à la Mission d’aménagement et d’équipement des terrains urbains et ruraux (Maetur) sur le même site pour bornage et titrisation au nom de l’État. Dans ses articles 1 et 3, ledit arrêté stipule notamment : « est attribué à titre définitif à la MAETUR, un terrain de 231 ha environ sis à OLEMBE – Arrondissement Yaoundé 1er, département du Mfoundi » ; « la MAETUR aura droit à l’établissement gratuit de Titres Fonciers à son nom sur le terrain indiqué dans l’article 1er ci-dessus [21] ». Les raisons qui ont motivé la soustraction de 100 ha ne sont précisées dans aucun document officiel parmi ceux qui ont été consultés. Mais, pour les populations locales, cela constitue une « sorte de rétrocession […] aux autochtones qui avaient continué à occuper et exploiter paisiblement leurs terres [22] ». En juillet 1994, les responsables de la Maetur parviennent à sécuriser ce terrain en obtenant le titre foncier n°23105/M. Mais les dirigeants de la Maetur ont commis une erreur. Au lieu des 231 ha prévus au départ, ils bornent 288 ha, c’est-à-dire qu’il existe désormais un surplus de 57 ha. La Maetur reconnaît d’ailleurs cette faute en 2009 et propose au ministère chargé des domaines de l’époque de rectifier le titre foncier, soit en augmentant sa contenance à la valeur de 288 ha (et donc en indemnisant les populations de cette parcelle), soit en rétrocédant le surplus de 57 ha aux familles qui y ont droit [23]. Un an plus tard, le ministre prend la décision de rectifier la superficie dudit titre en cédant l’excédent de 57 ha aux familles riveraines. Cette rectification donne lieu à un morcellement portant le numéro 45132/M devant revenir aux familles riveraines pour les 57 ha en surplus. En l’occurrence, c’est la famille Oyono qui est retenue pour être bénéficiaire de ce surplus [24]. Dès lors, pour le compte de l’État, la Maetur est parvenue à s’approprier l’espace des 231 ha près de 30 ans après l’annonce du projet d’expropriation qui n’a pas été suivi de constructions.
13 Cette posture contraste avec une autre qui a notamment consisté à donner l’impression aux populations riveraines qu’elles étaient, elles, les véritables propriétaires de ce site. On le voit dans la façon dont le gouvernement y a engagé les travaux de viabilisation et de lotissement en vue de la construction du stade et des logements sociaux. En 2008, les autorités publiques effectuent plusieurs visites en vue d’établir des listes pour indemniser les populations riveraines dont les cultures seront détruites par les terrassements nécessaires à la réalisation du projet de logements sociaux à Olembé, qui était dès lors considéré comme le site de lancement du Programme gouvernemental de construction de 10 000 logements sociaux et d’aménagement de 50 000 parcelles dans l’ensemble du Cameroun [25]. En 2008, plus de 60 familles sont recensées comme bénéficiaires des indemnisations prévues pour les 231 ha de surface accordées à la Maetur [26]. Le gouvernement assure que toutes les familles ont bel et bien obtenu leurs dédommagements, pour un montant total prévu de 197 millions de francs CFA [27]. En envisageant ainsi d’indemniser les populations du site d’Olembé, l’État a entretenu l’idée qu’elles étaient les propriétaires du site et qu’elles seraient toutes indemnisées pour leurs cultures et leurs propriétés respectives.
14 C’est pour cette raison que quelques riverains, qui s’étaient sentis « exclus » du protocole d’indemnisation, ont adressé au moins deux griefs au préfet de Yaoundé en tant que président de la commission consultative chargée d’établir la liste des bénéficiaires. Les revendications portent, à la fois, sur la distribution des indemnisations pour les 231 ha et sur la rétrocession de 57 ha à la famille Oyono. D’une part, au nom de l’intention de l’État d’indemniser une deuxième fois tous les riverains, elles récusent le discours officiel qui argue qu’une procédure d’indemnisation a bénéficié à tout le monde pour les 231 ha ayant fait l’objet de l’expropriation. Elles se sont alors ouvertement indignées face à l’« injustice » perpétrée par les pouvoirs publics puisque, d’après elles, tout le monde n’a pas été indemnisé parmi les populations recensées en 2009. Seulement une poignée de familles (dont la famille Oyono) l’ont été et ce, moyennant 20 millions de francs CFA, 10 porcs et du vin rouge [28].
15 L’autre point de discorde concerne les 57 ha en surplus attribués à la famille Oyono. D’après certaines populations locales, le gouvernement a commis une « injustice » en rétrocédant cette superficie à la famille Oyono alors même que les 57 ha en question auraient dû revenir aux familles Mbella, Essama et Atangana. Ces contestations avaient le plus souvent lieu sur les lieux de l’expropriation ou lors de réunions convoquées par les pouvoirs publics. De fait, organisées en collectifs, les familles contestataires ont manifesté leur indignation de trois manières : soit frontalement et publiquement au cours d’assises avec les autorités administratives pour exprimer leurs désaccords avec la manière dont se sont déroulées les expropriations, soit en se mobilisant effectivement sur le site d’Olembé pour protester dans la rue, soit en faisant barrage à travers la mise en culture de champs de manioc, d’arachides et de maïs sur les parcelles déjà expropriées et loties par la Maetur. Ces oppositions ont pendant longtemps entraîné des blocages et des retards dans l’avancement des travaux sur le site d’Olembé :
« À un moment donné, lorsque le projet venait de commencer, les populations riveraines estimaient que l’indemnisation n’était pas bien faite. Lorsque l’on était en train de faire la voie d’accès qui mène au stade, plusieurs fois, les travaux se sont arrêtés ; les populations riveraines se soulevaient [29]… »
17 Or ces blocages et oppositions étaient politiquement problématiques compte tenu du contexte de contestation et de pression sociales d’alors. En effet, après avoir changé la constitution en 2008, malgré la forte opposition des jeunes réprimée à cette occasion [30], le Président Biya s’était engagé dans une vaste campagne électorale promettant la réalisation de projets « structurants » pour l’économie et la société camerounaises. Il promettait en somme un septennat des « Grandes réalisations » consistant en des projets sociaux de développement. Parmi ces projets, figurait le Programme gouvernemental de construction de 10 000 logements sociaux et d’aménagement de 50 000 parcelles, et Olembé avait été choisi pour être le site de lancement dudit programme. Ainsi, si ce programme entendait concrétiser le paradigme de « ville inclusive » impulsé par ONU-Habitat au début des années 2000, qui vise l’implication des secteurs publics et privés dans les processus d’édification urbaine [31], il préfigurait également un « retour » de l’État développementaliste [32] sur le plan de l’habitat, dans le sens où c’était la première fois depuis les années 1990 que le gouvernement envisageait un programme de logements sociaux. En d’autres termes, « c’était un projet qui avait pour but de relancer la campagne présidentielle. C’était très émouvant. Il fallait quelque chose qui booste la campagne présidentielle. Il n’y avait pas de logements sociaux depuis là. Biya n’avait jamais fait de logements sociaux. Il ne fallait donc pas perdre le temps. Il fallait faire vite [33] », se souvient la directrice d’une des entreprises engagées dans le marché pour la construction des logements sociaux à Olembé.
18 On le voit, les blocages engendrés par les mouvements de contestation organisés par les familles mécontentes d’Olembé mettaient en péril la campagne présidentielle, ainsi que la stabilité et l’ordre, compte tenu du contexte général de protestation et aussi de revendications identitaires dans l’ensemble du pays et, surtout, dans les régions anglophones acquises, dès 2008, à l’idée d’une sécession pacifique [34]. C’est dans cet esprit que les autorités administratives, judiciaires, policières, pénitentiaires et de la gendarmerie ont été déployées dans le cadre d’un ensemble répressif instillé contre les familles en question afin de faire respecter « l’ordre public » qui avait été « menacé » par leurs mobilisations publiques. Dans le cas d’Olembé, l’ordre public qui avait été menacé par ces formes de contestations était essentiellement la « paix sociale » incarnée par des travaux de construction d’infrastructures structurantes.
Travail de disqualification des revendications : la menace sorcellaire comme délit de « réjouissance » face aux difficultés rencontrées par les projets de l’État
19 Si ce n’est pas la critique du processus d’indemnisation qui a déclenché la violence policière contre certaines populations d’Olembé, c’est bien ce qu’impliquaient leurs critiques pour les projets d’infrastructures annoncés et portés par l’État et son chef qui ont conduit à l’instillation de la répression contre ces familles. En effet, les populations se sont organisées en plusieurs collectifs d’habitants, c’est-à-dire en petits groupes de personnes formant une famille. Chaque collectif de famille a désigné un porte-parole pour organiser les mobilisations ou pour présenter leurs doléances lors des réunions avec les autorités administratives locales. Le porte-parole de l’un de ces collectifs n’était nul autre que M. Mbella. Il était alors la voix des siens qui « parlent seulement dans les coulisses [35] ».
20 En février 2018, à l’occasion d’une des nombreuses rencontres avec le gouverneur de la région Centre, Monsieur Mbella a frontalement fait part au gouverneur du désarroi des populations qu’il représentait en lui signifiant notamment que : « La population dit qu’eux, ils ont faim, ils n’ont rien, et les gens sont là-bas, ils jubilent [sur la progression de la construction du stade]. La population dit : “Est-ce que vous pensez que ça va marcher ?” » Cette question le mit dans tous ses états : « Après ça, le gouverneur se lève, il claque la porte et me met en cellule [36]. » En clair, M. Mbella avait été immédiatement accusé, selon ses propres mots, d’« outrage à fonctionnaires et incitation à la rébellion pour avoir dit que la population attend des indemnisations [37] ».
21 À première vue, la réaction de l’autorité administrative mise en cause ici peut paraître arbitraire, abusive et disproportionnée, d’autant plus que les populations locales soulignent que l’intention de M. Mbella était « seulement » et « simplement » de dénoncer la distribution des indemnisations et la rétrocession des 57 ha à la famille Oyono :
« Lors d’une descente du gouvernement ici, M. Mbella a soulevé la question des indemnisations et, quelques jours plus tard, il a été arrêté pour outrage à l’autorité […]. M. Mbella a simplement dit que si on avait aussi un député qui pouvait défendre nos intérêts, on serait déjà indemnisés [38]. »
23 Mais il faut ajouter que les prises de parole de M. Mbella avaient été plusieurs fois agrémentées de mots qui menaçaient d’échec les projets de construction de l’État en recourant de manière allusive au répertoire de la sorcellerie. Ces discours circulaient dans tout le quartier, comme le fait remarquer un chef de bloc : « Voici les discours qui circul[aient] : “Si rien n’est fait, il n’y aura pas de match qui se jouera. La colère des ancêtres va s’abattre… [39].” » Les populations locales annonçaient alors qu’elles saboteraient les chantiers de construction à travers des sorts mystiques et l’invocation de leurs ancêtres.
24 Difficile de savoir si ces menaces ont véritablement été accompagnées d’attaques mystiques. En revanche, les populations riveraines n’hésitent pas à mettre en avant l’idée que ce sont leurs différents sorts mystiques qui ont contribué aux retards observés lors de l’exécution des marchés relatifs à la construction du stade et des logements sociaux à Olembé. En effet, aussi bien la construction du stade que celle des logements sociaux ont connu plusieurs retards d’exécution et reports. Initialement, la date de livraison des logements sociaux était prévue pour 2013. Aujourd’hui, plus de 10 ans après le lancement officiel, lesdits travaux ne sont toujours pas achevés [40]. Pour expliquer ce qui a pu entraîner le ralentissement des chantiers d’Olembé, et par la même occasion prouver que sa communauté dispose de vrais pouvoirs sorcellaires susceptibles de nuire à l’État, M. Mbella souligne :
« La communauté Y. habitait là où il y a le stade actuellement. Il y a les os de nos ancêtres là-bas. Voilà pourquoi ça n’avance pas [c’est-à-dire la construction du complexe sportif]. Or si l’État vient, nous indemnise, on peut aller demander pardon à nos ancêtres et ils vont nous entendre. Nous avions un patriarche qui était notre émissaire [mystiquement parlant]. On pouvait l’envoyer en mission en France et il disparaissait [c’est-à-dire de façon magique pour se rendre en France]. Il a été enterré là-bas [sous le stade]. Tu crois qu’il est content [de la profanation de sa tombe et des injustices subies par les siens] [41] ? »
26 Ce témoignage confirme le fait qu’en posant la question « est-ce que vous pensez que ça va marcher ? » au gouverneur (pour évoquer la construction du stade et des logements sociaux), M. Mbella faisait allusion à une menace de sorcellerie, et notamment à une intimidation mystique à l’endroit des autorités publiques menaçant d’échec les projets de l’État si les indemnisations n’étaient pas « bien » faites.
27 Le registre de la sorcellerie comme mode d’intimidation des autorités publiques ou de résistance face aux projets de développement est banal au Cameroun et est souvent pris très au sérieux par les gouvernants [42]. Mais ce qui est plus intéressant dans le cas d’Olembé, c’est la façon dont ces menaces sorcellaires ont été réinterprétées par le pouvoir. Tandis que la menace sorcellaire brandie par M. Mbella et par les habitants locaux représentait pour eux un moyen de faire entendre leur voix et de dissuader les pouvoirs publics, pour ces derniers, il s’agissait là de la manifestation d’un complot ourdi contre l’État. En effet, aux yeux de l’administration, les mobilisations, les critiques et, surtout, l’acte de menace sorcellaire des populations riveraines constituaient des actes antipatriotiques et délinquants traduisant une intention de nuire au gouvernement ou du moins de se réjouir des difficultés de mise en œuvre des projets de développement à Olembé. Dès lors, le fait pour M. Mbella d’intimider le gouverneur en faisant allusion à la possibilité de recourir à des forces occultes susceptibles d’influencer le cours des chantiers étatiques avait été perçu par l’autorité administrative comme une participation directe ou indirecte aux différents retards d’exécution des marchés. Ce qui constituait un surcroît d’infraction et de rébellion n’était donc pas tant la demande d’indemnisations en tant que telle, mais l’impression qu’il existait un sentiment de satisfaction lié aux échecs de l’État ou aux prophéties d’échec proférées à l’endroit des œuvres de développement du gouvernement. Cette justification particulière du maintien de l’ordre public n’est pas un phénomène isolé. Elle est plausible dans d’autres segments de la société camerounaise, surtout lorsqu’une menace sécuritaire plane. En 2022 par exemple, dans le cadre de la lutte contre la prolifération des bombes artisanales à Yaoundé, le préfet a publié un arrêté qui autorisait les forces de maintien de l’ordre « à procéder à des fouilles de tout colis ou sac jugé suspect, principalement les emballages dits “plastics noirs” », tout en rappelant qu’« est également suspect, toute personne qui se réjouit des difficultés de l’État ou souhaite voir l’État en difficulté [43] ».
28 Ce type de qualification, en plus de constituer un moyen de légitimer la violence par l’emploi d’un jargon légal [44], fait jouer une logique binaire qui distingue les loyaux des rebelles [45]. Dès lors, tout en étant inséparable de la légitimité [46], l’infliction de la violence recherche toujours à établir une certaine proportionnalité légale, même factice, avec le niveau du délit dans le but de disqualifier toute forme de menace avérée ou supposée contre l’ordre hégémonique [47]. Les contestations et les menaces sorcellaires des populations d’Olembé ont été requalifiées d’actes politico-criminels, de complot contre l’ordre et la stabilité de l’État, alors même que les propos de M. Mbella n’avaient pas explicitement trait à la sphère politique [48]. C’est également dans ce sens que fut interprétée la reprise des activités agricoles et champêtres par quelques riverains en guise de protestation et pour bloquer l’avancement des travaux à Olembé. Il s’agit clairement d’un mode de construction du crime qui opère par insinuation des intentions des groupes contestataires dans le but de trancher rapidement le différend qui les oppose à l’État [49], mais aussi dans l’optique de disqualifier leurs revendications en les définissant comme un complot afin de prévenir « une attitude délibérément dirigée contre l’État et la société avec une intention démonstratrice dans le cadre de laquelle de tels délits [sont] commis [50] ».
Profil socio-politique des acteurs critiques et déploiement différencié de la répression
29 Une fois la « gravité » du « crime » établie, l’autorité administrative a mobilisé les forces de police afin de procéder à l’interpellation de M. Mbella. Ainsi, des agents cagoulés de la police se sont rendus à son domicile début 2018, construit non loin du site faisant l’objet des expropriations, en l’encerclant de part et d’autre. Il était néanmoins parvenu à se réfugier dans son village natal quelques jours avant l’arrivée des agents dont il appréhendait la descente imminente. En son absence, ses enfants et sa femme ont été emmenés au commissariat de police :
« Ils ont envoyé 15 éléments armés de la gendarmerie qui sont venus m’arrêter vers 3 heures du matin, tout le quartier était encerclé. À ce moment-là, je n’étais pas à Yaoundé. J’avais voyagé pour mon champ. J’avais déjà l’information qu’on va venir me chercher mais ils ont arrêté mes enfants et ma femme [51]. »
31 Quand il est rentré de son village quelques semaines plus tard, il a appris l’arrestation de sa femme et de ses enfants par la police. Il se rend au commissariat, et les agents de police relâchent les membres de sa famille et l’informent qu’il est arrêté. Il leur demande : « Est-ce que vous m’avez convoqué [52] ? » « Après le départ de ma femme, c’est là qu’ils libèrent les enfants et c’est là qu’ils font donc des convocations [53]. » La convocation exigeait qu’il se présente au commissariat le 8 mars 2018. À cette date, il s’est effectivement rendu à la brigade de Nkolondom, où se trouvaient le commandant et son adjoint qui l’attendaient dans l’après-midi. Il était accompagné de sa femme et d’un avocat. S’adressant à lui, le commandant lui aurait dit : « Vous savez que dernièrement vous avez manqué de respect au gouverneur et, partant, au chef de l’État et à ses projets… On va vous écraser [en accompagnant ces paroles d’un piétinement du sol] jusqu’à ce que vous soyez effacé [54]. » Son avocat a tenté de raisonner le commandant en lui expliquant qu’il ne s’agissait pas d’une insulte au Président Biya et que son client connaissait bien ses droits. Face à ce rappel qui s’apparentait à un défi et à une leçon de droit, le commandant « a giflé l’avocat jusqu’à ce que ses papiers se soient envolés et le commandant a ajouté que : “Je m’en fous des avocats. J’emprisonne.” On a pris l’avocat, on l’a mis nu dans la cellule. La brigade était remplie comme ça. C’était terrible. Tout ça à cause des indemnisations [55] ». Par la suite, le commandant a saisi le sous-préfet de Yaoundé 1er en lui disant qu’il fallait « m’envoyer au secrétariat d’État à la défense (SED) [56] », rapporte M. Mbella. Le sous-préfet s’exécute et rédige un message porté à l’attention des responsables du SED. Une fois au SED :
« On me présente le Colonel de la légion qui me dit immédiatement : “Comme tu crois que tu es déjà arrivé, on va te cueillir…” J’ai fait 5 jours en cellule au SED… Le lundi, il fallait déjà qu’on me transfère au parquet. J’arrive au parquet et la juge me dit : “Donc, c’est toi qui parles mal au gouverneur et qui insultes les projets du président ? Tu vas voir.” On arrive à 8 heures du matin, mais c’est à 19 heures qu’on commence à traiter vos dossiers. On appelait au fur et à mesure. Je suis parmi les derniers qu’on appelle. Tu comprends que l’affaire était déjà enrôlée [57]. »
33 Au bout de ce « chemin de croix » qui s’est poursuivi jusqu’à la Cour suprême, M. Mbella a été condamné à un an d’emprisonnement. Mais pour éviter de purger la totalité de sa peine en prison, sa famille s’est débrouillée pour soudoyer les autorités judiciaires et policières en déboursant « plus de 500 000 francs CFA [près de 900 euros] par derrière [58] ».
34 Ces échanges informels ne sont pas seulement une manifestation de la corruption policière [59]. Ils représentent aussi des formes indirectes de reconnaissance par M. Mbella de sa culpabilité, fait central dans tout travail de police [60]. Ce qui est particulièrement frappant, dans ce passage entre les cases du commissariat de police, de la gendarmerie, de la sous-préfecture, du tribunal et de la prison, est l’absence de recours immédiat et systématique à la violence physique contre M. Mbella. Ce que l’on observe s’apparente bien plus à de l’indifférence, comme la longue attente avant le jugement, une violence « parallèle » comme la gifle appliquée, non pas au « criminel » mais à son avocat, ou encore des paroles de menaces et d’intimidation. Cette expérience « douce » contraste avec les violences corporelles dont ont été victimes les populations qui ont choisi de manifester leur mécontentement en poursuivant diverses activités champêtres sur les lieux de l’expropriation à Olembé. Il s’agit notamment d’un membre de la famille Atangana, de M. Essama et du fils de M. Mbella. En effet, les deux premiers avaient décidé de faire barrage à l’avancement des travaux de l’État en poursuivant des activités agricoles sur le site d’Olembé. Ils ont été accusés de « désordre » et d’« atteinte à la propriété privée de l’État [61] ». À leur encontre, « le colonel M. a dépêché des camions militaires qui ont fait 3 à 4 jours ici. Il y avait les camions militaires avec les armes. Pendant ce temps, nous étions déjà à Kodengui [la prison centrale de Yaoundé]. Ils ont pris toutes nos cultures. Il ne fallait pas que quelqu’un regimbe [62] ». De fait, se rappelle M. Essama : « J’ai fait trois mois à Kodengui [où] j’ai été torturé parce que sur les terres restantes de terrassement, j’avais planté du maïs et on est venu encore terrasser. Quand je me plains, c’est la prison directement. J’ai été bien bastonné [63] ». Et parce qu’il était venu au secours de ces deux personnes, l’un des fils de M. Mbella « a même sauvagement été battu là-bas [64] ».
35 Le recours à la violence brutale et l’infliction de la douleur ne sont donc pas systématiques [65]. En revanche, ce différentiel en termes de coercition suggère que les forces de l’ordre mobilisent différemment la violence. Autrement dit, les délits et les illégalismes sont gouvernés de manière très différenciée en fonction de l’intensité du « désordre », mais aussi et surtout du profil de la cible [66]. Contrairement aux autres protagonistes, qui ne sont connus localement que comme des gens ordinaires, et tout au plus comme des notables, comme M. Essama, M. Mbella, lui, est un ancien fonctionnaire à la présidence de la République. Cette différence de statut est perceptible dans les lettres adressées aux autorités. Alors que M. Mbella affiche toujours dans l’entête de ses correspondances ses titres de Commandeur du Mérite Camerounais, de chef de Bureau des Télécommunications de la Présidence de la République du Cameroun et d’ancien fonctionnaire à l’intendance du Palais, des Résidences et des Pavillons présidentiels, les autres protagonistes écrivent généralement « sous couvert » d’une autorité traditionnelle locale ou de l’Église d’Etoudi [67]. Dans un contexte où la présidence est une institution puissante depuis le Président Ahidjo [68], le statut d’ancien fonctionnaire à la présidence peut effectivement constituer un capital d’influence. Par ailleurs, les mobilisations et les critiques des uns et des autres n’avaient pas la même incidence matérielle sur la progression des chantiers. En effet, alors que les malédictions « insinuées » par M. Mbella projetaient seulement mentalement leur arrêt, l’entretien des cultures vivrières sur le site loti d’Olembé constituait un obstacle manifeste ou, mieux, la matérialisation concrète de l’intention de « troubler » l’ordre public et de freiner l’avancement des chantiers.
Peur, dénonciations d’un complot et ethos de la loyauté à l’égard de l’État : ambivalence du rapport quotidien au pouvoir
36 L’un des effets recherchés par ces deux niveaux de violence est d’entretenir la peur dans l’imaginaire des populations victimes aussi bien que témoins de la violence d’État. Au quotidien, cette peur est directement entretenue à travers des pratiques de surveillance policière aléatoire, comme le laisse entendre le témoignage de M. Mbella : « Après le parquet, ils ont continué à envoyer des gens cagoulés habillés en noir, pour me faire peur [69]. » Mais la peur est aussi indirectement entretenue dans les consciences par le traumatisme carcéral, ce « souvenir de la peur de la mort tout juste surmontée [70] ». C’est dans ce sens que les populations locales ont chaque jour l’impression que « dès que tu veux parler, on te met en prison [71] » ou encore que « dès que tu parles, on te coupe la tête [72] ».
37 Et pourtant, ce n’est pas « partout mystère et bouche cousue [73] ». Les populations mécontentes d’Olembé s’emploient au quotidien à saisir les autorités gouvernementales, religieuses et traditionnelles de Yaoundé pour leur faire part de leur situation, en critiquant sévèrement le processus d’expropriation par le biais de correspondances et de comptes-rendus rédigés pour l’essentiel entre 2012 et 2021. Ces lettres dénoncent notamment une « rétrocession irrégulière qui a lésé les véritables propriétaires coutumiers de ces parcelles et qui apparaît aujourd’hui comme une opération mafieuse [74] », c’est-à-dire un système de chevauchement des positions entre la famille Oyono et des autorités publiques « tapies dans l’ombre [75] ». Plusieurs « indices » iraient dans ce sens : changement d’attitude des autorités, souvent « bienveillantes » au départ ; sentiments que leur cause n’avance pas ; cession des 57 ha détenus par la famille Oyono à des hauts commis de l’État, etc. [76].
38 La dénonciation de pôles de pouvoir « obscurs » au sein du gouvernement n’est pas uniquement liée à l’impression qu’il existe un « couplage subtil et ambivalent des hiérarchies politiques officielles et de discrètes hiérarchies de terroir [77] ». Elle se nourrit également d’expériences personnelles réinterprétées à l’aune du registre sorcellaire, dont plusieurs travaux ont souligné l’homologie avec les récits marqués par le complotisme [78]. C’est précisément le cas de M. Mbella. Après son périple judiciaire, il se serait une deuxième fois rendu dans son village natal pour s’y réfugier pendant quelques semaines en entretenant paisiblement des activités champêtres. Mais il va aussitôt faire l’expérience d’une violence « invisible » qu’il attribue aux autorités qui se trouveraient derrière le complexe policier auquel il a été confronté :
« Dans mon champ, il y a une liane avec des épines qui m’a fait une petite égratignure ; immédiatement, le pied a commencé à gonfler. Il y avait les ampoules partout. Quand je reviens à la maison, tout le corps est pratiquement paralysé. Tout ceci est arrivé en trois jours seulement. Je monte à Yaoundé ; je vais à l’hôpital, on m’injecte les antibiotiques. Le pied gonfle comme ça [il fait un geste des mains pour m’indiquer que le pied est devenu très gros], j’avais essayé d’attacher un truc. Ma femme me dit qu’on aille à l’hôpital général, le docteur ouvre. Le pied avait déjà pourri. Le docteur se met à pincer partout et je ne ressentais rien, mais c’est quand il pince au bas du pied, je lui dis que je ressens quelque chose. J’ai dépensé 3 050 000 francs CFA dans cette affaire, dont 1 050 000 francs CFA pour l’assurance et le reste pour l’hospitalisation pendant un mois. C’était la sorcellerie. Moi, je dis que c’était la sorcellerie et ce sont les gens d’en haut-là qui m’ont fait ça [79]. »
40 Il y a donc bien une pratique quotidienne de la contestation du processus d’expropriation à Olembé et des acteurs gouvernementaux qui y contribuent. Mais le basculement de cette contestation vers une théorie du complot suggère que l’autre conséquence de la coercition est « l’éducation » des cibles du pouvoir et notamment la modulation de leur critique publique [80]. Ainsi, qu’ils dénoncent la présence de forces mystiques ou l’existence d’une mafia d’État, ces discours critiques marqués du sceau du complotisme ne visent aucunement à remettre en question la pertinence de la présence des infrastructures du gouvernement qui sont à la base de leur indignation. Au contraire, les populations locales dénoncent et critiquent au quotidien le processus d’expropriation tout en mettant en avant l’idée qu’elles ne s’opposent ni à l’État ni à ses projets, et notamment à la construction du stade et des logements sociaux : « Nous ne sommes pas contre l’État. Nous sommes derrière les idéaux de l’État. Ceux qui partent dire que nous sommes contre l’État pour qu’on nous punisse ainsi ont tort [81]. » En l’occurrence, « les peuples Y. et T. ont fondé beaucoup d’espoir sur ce projet qu’ils ont apprécié et aimé [82] ». Plus encore, « la population d’Olembé attend l’argent et les victuailles et elle a hâte de bénir les travaux par des rites de purification [83] ».
41 Ces signes d’attachement aux projets étatiques ont émergé à la suite des épisodes d’arrestations, d’intimidations et de violences policières qui ont été évoqués plus haut. Ainsi, l’hégémonie n’opère pas seulement par le biais d’un endoctrinement idéologique, mais se nourrit aussi de pratiques coercitives qui permettent au pouvoir de redéfinir l’ensemble des registres de l’interaction avec l’État, y compris ceux de la contestation sociale. L’ethos de la loyauté suggère dès lors l’existence d’une « ligne de conduite » suscitée par la répression à laquelle les habitants d’Olembé se conforment désormais dans leurs critiques quotidiennes du pouvoir. Cette ligne de conduite « coordonne » en quelque sorte leurs répertoires d’actions et de revendications, qui se veulent plus « patriotiques » et « civiques » et moins frontaux [84]. Il s’agit donc d’une tactique discursive qui permet aux acteurs d’Olembé de critiquer le protocole officiel des indemnisations tout en évitant de se confronter directement à l’appareil policier et répressif de l’État. En même temps qu’il permet aux populations de dénoncer « tranquillement » le pouvoir, le soutien au régime et à ses projets traduit une forme insidieuse de coercition.
42 À travers le cas concret de l’expropriation d’Olembé, cet article a montré la centralité des pratiques coercitives, des imaginaires collectifs et des représentations du pouvoir dans la construction de l’hégémonie au Cameroun. Il a d’abord permis de relever l’existence d’un mode de légitimation de la violence policière et de disqualification des mécontentements sociaux qui s’articule à l’idée d’un complot contre l’État ourdi par les populations locales. Il a ensuite mis en évidence les mécanismes de déploiement différentiel et « dosé » de la coercition. Alors que M. Mbella a subi de nombreuses menaces et humiliations, les autres familles mécontentes ont fait l’expérience de violences physiques plus directes. Ce différentiel s’explique non seulement par le caractère « uniquement » intentionnel de la menace sorcellaire de M. Mbella, mais aussi par ses hautes connexions à la présidence de la République, où il a exercé au service des intendances, sans qu’il ne soit possible de démêler définitivement les deux logiques. Pour ceux qui ont matérialisé leur intention de « nuire » en occupant les terrains déjà viabilisés tout en ayant un statut socio-politique plutôt « ordinaire » dans la ville de Yaoundé, la coercition a pris la forme de coups et de torture. Si le profil social influence donc les niveaux de coercition exercée sur les individus, il est évident que les humiliations et les menaces subies par M. Mbella ont révélé les limites de son statut d’ancien employé à la présidence. De fait, les modalités à travers lesquelles le statut social est pris en compte dans les opérations de police sont changeantes, donc incertaines, et c’est cette incertitude qui permet au pouvoir d’avoir toujours un coup d’avance et de s’exercer même à l’égard des personnes a priori « immunisées ».
43 L’article a ainsi montré que les populations mécontentes, y compris M. Mbella, développent un imaginaire où la violence du pouvoir est omniprésente à travers des canaux visibles (police, gendarmerie, prison, justice, autorités administratives), mais aussi invisibles (sorcellerie), sans que cela signifie pour autant que les critiques du pouvoir n’existent plus à Olembé. En fait, les populations adoptent au quotidien un registre discursif ambivalent. Tout en exprimant leur indignation en privé, elles mettent en œuvre des formes de dénonciation qui, tout en intégrant des signes de soutien aux idéaux et aux projets étatiques au nom du « patriotisme », cherchent aujourd’hui à éviter de nouvelles représailles de la part de l’État. S’ils dénoncent par exemple un complot visant à accaparer des terres, les riverains ne visent ni à fomenter du désordre, ni à s’opposer au projet de développement proposé par l’État, permettant par là même que s’effectue une forme d’autosurveillance de leurs « prises de parole [85] » contre le gouvernement. Par conséquent, tout le terrain aménagé par la Maetur à Olembé est désormais la propriété exclusive de l’État. Et, surtout, l’affaire d’Olembé n’a plus, depuis 2018, donné lieu à de nouvelles contestations publiques : « tout a été arrangé ; on n’entend plus les gens se soulever [86] », même si, au demeurant, « les gens continuent à espérer que l’État pourra faire un geste [87] ».
Notes
-
[1]
Ministère de l’Administration territoriale, Procès-verbal de la conférence des gouverneurs de provinces, organisée à Yaoundé le 31 juillet 1990, p. 11. Archives du MINAT.
-
[2]
Je remercie tous mes informateurs de Yaoundé, et notamment les habitants d’Olembé et des quartiers environnants qui m’ont généreusement ouvert leurs portes et confié des informations utiles pour ma recherche. En plus des évaluateurs anonymes, dont les commentaires ont contribué à affiner mon analyse, je voudrais aussi remercier les coordinatrices du numéro, Lucie Revilla et Romane Da Cunha Dupuy, dont les relectures ont été bénéfiques pour moi. Je tiens enfin à remercier Béatrice Hibou et Didier Péclard qui, lors de nos nombreux échanges, m’ont suggéré des pistes théoriques et des réflexions qui m’ont aidé à « assainir » mes données de terrain.
-
[3]
Instituées depuis les années 1970, les conférences sont des rencontres qui regroupent l’ensemble des échelons administratifs relevant du ministère de l’Administration territoriale (gouverneurs et préfets). Elles se tiennent en général deux fois par an. Lors de ces conférences, les autorités administratives passent en revue la situation économique, politique et sociale de leurs régions respectives dans le but d’exposer les difficultés, les échecs et les réussites dans ces différents domaines et de partager d’éventuelles « recettes ».
-
[4]
A. Kom, « Aux armes citoyens ? Violences du pouvoir et pouvoir de la violence au Cameroun » [en ligne], AOC, 21 février 2020, <https://aoc.media/opinion/2020/02/20/aux-armes-citoyens-violences-du-pouvoir-et-pouvoir-de-la-violence-au-cameroun/>, consulté le 15 juin 2023.
-
[5]
G. M. Eyenga, « Les nouveaux yeux de l’État ? L’introduction de la télésurveillance dans l’espace public à Yaoundé », Cahiers d’études africaines, n° 244, 2021, p. 753-776.
-
[6]
P. Ela, Dossiers noirs sur le Cameroun. Politique, services secrets et sécurité nationale, Paris, Éditions Pyramide papyrus presse, 2002.
-
[7]
M. Göpfert, « Bureaucratic Aesthetics: Report Writing in the Nigérien Gendarmerie », American Ethnologist, vol. 40, n° 2, 2013, p. 324-344 ; J. Beek et M. Göpfert, « Travelling Police: The Potential for Change in the Wake of Police Reform in West Africa », Social Anthropology, vol. 23, n° 4, 2015, p. 465-479.
-
[8]
T. Lindenberger, « Secret et public : société et polices dans l’historiographie de la RDA », Genèses, n° 52, 2003, p. 38.
-
[9]
Voir J. Beek et M. Göpfert, « State Violence Specialists in West Africa », Sociologus, vol. 63, n° 1-2, 2013, p. 103-124 ; M. Morelle, « La prison, la police et le quartier. Gouvernement urbain et illégalismes populaires à Yaoundé », Annales de géographie, n° 702-703, 2015, p. 300-322. Voir aussi, dans la lignée de la Plural policing, M. O’Neill et N. R. Fyfe, « Introduction. Plural Policing in Europe: Relationships and Governance in Contemporary Security Systems », Policing and Society, vol. 27, n° 1, 2017, p. 1-5.
-
[10]
J. Beek, « Friend of the Police: Polizei in Nord-Ghana (Upper West Region) », Working Paper, n° 93, Mayence, Johannes-Gutenberg Universität, 2008 ; M. Göpfert, « Security in Niamey: An Anthropological Perspective on Policing and an Act of Terrorism in Niger », The Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, 2012, p. 53-74 ; M. Göpfert, « Surveillance in Niger: Gendarmes and the Problem of “Seeing Things” », African Studies Review, vol. 59, n° 2, 2016, p. 39-57 ; L. Fourchard, « État de littérature. Le vigilantisme contemporain. Violence et légitimité d’une activité policière bon marché », Critique internationale, n° 78, 2018, p. 169-186 ; L. Revilla, Le travail de l’ordre : hiérarchies sociales et ancrages policiers dans les quartiers populaires de Khartoum et Lagos, Thèse de doctorat en science politique, Bordeaux, IEP de Bordeaux/Université de Bordeaux, 2021.
-
[11]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa: Perpetrators’s and Ethnographers’ Dilemmas », Ethnography, vol. 14, n° 4, p. 486-487.
-
[12]
Les collectifs de famille n’ont pas de substrat juridique à proprement parler, mais constituent des regroupements qui surgissent généralement à l’occasion de déguerpissements et d’expropriations « injustes ». Ils sont souvent encadrés par des acteurs associatifs reconnus par l’État.
-
[13]
M.-E. Pommerolle, « La démobilisation collective au Cameroun : entre régime postautoritaire et militantisme extraverti », Critique internationale, n° 40, 2008, p. 73-94 ; J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations à la faim de manifester : revendications publiques, rémanence autoritaire et procès de la démocratie au Cameroun », Politique africaine, n° 146, 2017, p. 73-97 ; A. Mbassi, Se mobiliser dans la rue en régime « post-autoritaire ». Une analyse des manifestations publiques au Cameroun, Thèse de doctorat en sciences politiques, Douala, Université de Douala, 2019.
-
[14]
J. N. Atemengue, « Le pouvoir de police administrative du président de la République au Cameroun : réflexion sur les fondements de l’ordre juridique », Verfassung und Recht in Übersee, vol. 35, n° 1, 2002, p. 83.
-
[15]
A. Gramsci, Cahiers de prison. Anthologie, Paris, Gallimard, 2021.
-
[16]
Voir par exemple le dossier « Gramsci, les médias et la culture » de la revue Quaderni, n° 57, 2005.
-
[17]
Voir J.-F. Bayart, « Hégémonie et coercition en Afrique subsaharienne. La “politique de la chicotte” », Politique africaine, n° 110, 2008, p. 123-152 ; B. Hibou, Anatomie politique de la domination, Paris, La Découverte, 2011, p. 24 ; J.-F. Bayart, L’énergie de l’État. Pour une sociologie historique et comparée du politique, Paris, La Découverte, 2022, p. 566-680.
-
[18]
Décret d’expropriation n° 79/087 du 14 mars 1979. Archives privées.
-
[19]
Le Directeur général de la MAGZI à monsieur le Directeur des domaines, ministère de l’Urbanisme et de l’habitat, « zone industrielle d’Olembé », Yaoundé, 22 juin 1984. Archives privées ; Le Directeur général de la MAGZI à monsieur le chef de service provincial de l’urbanisme et de l’habitat du Centre, « zone industrielle d’Olembé », Yaoundé, 26 septembre 1984. Archives privées.
-
[20]
Voir l’article 13 du décret n°87/1872 du 18 décembre 1987 portant application de la loi 85/9 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation.
-
[21]
Arrêté n°028/Y.2.5/MINUH/D211 du 29 juillet 1993.
-
[22]
Entretien avec la famille Atangana, Yaoundé, 7 juillet 2021.
-
[23]
Le Directeur de la MAETUR à monsieur le ministre des Domaines et des affaires foncières, « Demande de rectification de l’arrêté d’attribution pour mise en conformité avec le titre foncier MAETUR n°23105/M sis à OLEMBE », Yaoundé, 7 octobre 2009. Archives privées.
-
[24]
Le ministre des Domaines et des affaires foncières à monsieur le Préfet du département du Mfoundi, « rectification du titre foncier n°23105/Mfoundi », Yaoundé, 24 novembre 2009. Archives privées.
-
[25]
Démarré le 23 décembre 2009, le programme avait pour objectif la résorption du déficit en logements qui est évalué à 2 millions d’unités d’habitat.
-
[26]
Entretien avec les familles Mbella et Essama, Yaoundé, 2020 et 2021.
-
[27]
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine, Troisième rapport périodique du Cameroun au titre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Banjul, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine, 2013, p. 110.
-
[28]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[29]
Entretien avec un cadre de la Maetur, Yaoundé, 18 mars 2021.
-
[30]
F. Eboko, « Cameroun : acteurs et logiques des émeutes de 2008 », Alternatives Sud, vol. 15, 2008, p. 53-57.
-
[31]
Pour une discussion de ce paradigme, voir A. Biehler, A. Choplin et M. Morelle, « Le logement social en Afrique : un modèle à (ré)inventer ? » [en ligne], Métropolitiques, 18 mai 2015, <https://metropolitiques.eu/Le-logement-social-en-Afrique-un.html#:~:text=À%20compter%20des%20Indépendances%20en,de%20l%27ancienne%20puissance%20française.>, consulté le 16 juin 2023.
-
[32]
D. Péclard, A. Kernen et G. Khan-Mohammad, « États d’émergence. Le gouvernement de la croissance et du développement en Afrique », Critique internationale, n° 89, 2020, p. 9-27.
-
[33]
Entretien avec la directrice d’une PME, Yaoundé, 13 avril 2021.
-
[34]
P. Konings, The Politics of Neoliberal Reforms in Africa: State and Civil Society in Cameroon, Bamenda, Langaa RPCIG, 2011, p. 114 et suivantes.
-
[35]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[36]
Ibid.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Entretien avec un chef de bloc d’Olembé, Yaoundé, 5 juin 2020.
-
[40]
Terrain, observation directe, 2020 et 2021.
-
[41]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[42]
Voir C. F. Fisiy et P. Geschiere, « Sorcellerie et accumulation. Variations régionales », in P. Geschiere et P. Konings (dir.), Itinéraires d’accumulation au Cameroun, Paris/Leiden, Karthala/Afrika-Studiecentrum, 1993, p. 99 ; P. Geschiere, Sorcellerie et politique en Afrique. La viande des autres, Paris, Karthala, 2005, p. 130 et suivantes.
-
[43]
Articles 1 et 3 de l’arrêté préfectoral n°00001024AP/JOg/SP du 12 juillet 2022.
-
[44]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 488.
-
[45]
T. Lindenberger, « Secret et public… », art. cité, p. 56.
-
[46]
B. Hibou, Anatomie politique de la domination, op. cit., p. 95-97.
-
[47]
Voir V. Codaccioni, « La construction d’une façade légaliste en contexte répressif. L’action anticoloniale communiste pendant le conflit algérien », Sociétés contemporaines, n° 88, 2012, p. 45-72.
-
[48]
Sur l’usage du complot et la suspicion par le gouvernement camerounais, voir M.-E. Pommerrolle, « Les violences dans l’Extrême-Nord du Cameroun : le complot comme outil d’interprétation et de luttes politiques », Politique africaine, n° 138, 2015, p. 163-177 ; P. D. Belinga Ondoua, « Politique de la suspicion et développement urbain au Cameroun. Le Programme participatif d’amélioration des bidonvilles (PPAB) dans la ville de Yaoundé », Politique africaine, n° 150, 2018, p. 53-74 ; R. Orock, « Rumours in War: Boko Haram and the Politics of Suspicion in French–Cameroon Relations », The Journal of Modern African Studies, vol. 57, n° 4, 2019, p. 563-587.
-
[49]
Pour plus de détails sur le pouvoir de l’insinuation dans les disputes publiques, voir L. Boltanski et L. Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991, p. 411-412.
-
[50]
T. Lindenberger, « Secret et public… », art. cité, p. 46.
-
[51]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[52]
Ibid.
-
[53]
Ibid.
-
[54]
Ibid.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Ibid. Toute cette histoire est également relatée, mais avec moins de détails que dans les entretiens, dans la lettre de Monsieur Mbella adressée « à la Très haute attention de son Excellence Monsieur Paul Biya, Président de la République du Cameroun » intitulée « Indemnisation des populations autochtones du site du stade d’Olembé ; abus de pouvoir et incarcération arbitraire de la part du gouvernement du centre », Yaoundé, 18 avril 2018.
-
[58]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[59]
M. Beti, La France contre l’Afrique. Retour au Cameroun, Paris, La Découverte, 2006, p. 105 et suivantes.
-
[60]
Voir M. Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 42-45 ; J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 485-486.
-
[61]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[62]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[63]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[64]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[65]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 487.
-
[66]
N. Fischer et A. Spire, « L’État face aux illégalismes », Politix, n° 87, 2009, p. 7-20 ; A. Amicelle « “Deux attitudes face au monde”. La criminologie à l’épreuve des illégalismes financiers », Cultures & Conflits, n° 94-95-96, 2014, p. 65-98 ; A. Amicelle et C. Nagels, « Les arbitres de l’illégalisme : nouveau regard sur les manières de faire du contrôle social » [en ligne], Champ pénal/Penal Field, vol. 15, 2018, <https://journals.openedition.org/champpenal/9774#:~:text=Dans%20ce%20cadre%2C%20des%20illégalismes,%27ont%20cessé%20d%27augmenter.>, consulté le 3 avril 2023.
-
[67]
Terrain, observation directe et entretiens, Yaoundé, 2020 et 2021.
-
[68]
J.-F. Bayart, L’État au Cameroun, Paris, Presse de la FNSP, 1979.
-
[69]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[70]
A. Lüdtke, « La domination comme pratique sociale », Sociétés contemporaines, n° 99-100, 2015, p. 30.
-
[71]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[72]
Entretien avec un chef traditionnel, Yaoundé, 23 août 2021.
-
[73]
M. Beti, Perpétue et l’habitude du malheur, Paris, Buchet Chastel, 1989 [1974], p. 13. Ce roman porte sur les années post-indépendance au Cameroun et décrit l’ambiance autoritaire et de terreur de l’époque.
-
[74]
Les membres de la famille Atangana, à Son Excellence Madame la ministre des Domaines et Affaires foncières, « rétrocession de 57 ha de terres sur le site d’Olembé à Yaoundé », Yaoundé, 4 janvier 2012. Les mentions en gras sont des auteurs de la lettre. Archives privées.
-
[75]
Collectif des membres de la famille Atangana à Monsieur le Ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières, « requête en vue du rétablissement de notre droit de propriété spolié à Nkol Mbong, arrondissement de Yaoundé 1er », Yaoundé, le 27 mai 2020. Archives privées.
-
[76]
Entretiens avec les familles Essama, Mbella et Atangana, Yaoundé, 2020 et 2021.
-
[77]
J.-F. Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006 [1989], p. 268.
-
[78]
Voir P. Geschiere, Witchcraft, Intimacy, and Trust: Africa in Comparison, Chicago, University of Chicago Press, 2013 ; J.-P. Dozon, La vérité est ailleurs. Complots et sorcellerie, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2017 ; P. Geschiere et R. Orock, « Anusocratie? Freemasonry, Sexual Transgression and Illicit Enrichment in Postcolonial Africa », Africa, vol. 90, n° 5, 2020, p. 831-851.
-
[79]
Entretien avec la famille Mbella, Yaoundé, 23 mai 2021.
-
[80]
J. Beek et M. Göpfert, « Police Violence in West Africa… », art. cité, p. 487.
-
[81]
Entretien avec la famille Essama, Yaoundé, 4 juin 2020.
-
[82]
M. Essama, « Observations sur le rapport final de l’étude d’impact environnemental et social », Yaoundé, 21 janvier 2017. Archives privées.
-
[83]
Monsieur Mbella à la très haute attention de son Excellence Monsieur Paul Biya, président de la République du Cameroun, « Indemnisation des populations autochtones du site du stade d’Olembé ; abus de pouvoir et incarcération arbitraire de la part du gouvernement du Centre », Yaoundé, 18 avril 2018.
-
[84]
Voir B. Hibou, Anatomie politique de la domination, op. cit., p. 58 et suivantes, qui montre que cette coordination est un mécanisme banal de domination.
-
[85]
M. de Certeau, La prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Seuil, 1994.
-
[86]
Entretien avec un cadre de la Maetur, Yaoundé, 18 mars 2021.
-
[87]
Entretien avec un chef de bloc d’Olembé, Yaoundé, 5 juin 2020.