Couverture de POLAF_170

Article de revue

Surveiller une aire marine protégée : pratiques, logiques et processus de coercition au Sénégal

Pages 41 à 62

Notes

  • [1]
    M. Goldman « Constructing an Environmental State: Eco-governmentality and other Transnational Practices of a “Green” World Bank », Social Problems, vol. 48, n° 4, 2001, p. 499-523.
  • [2]
    F. Féral et B. Cazalet, 2007, « Le cadre juridique de la gouvernance : un système de droit syncrétique », in J.-Y. Weigel, F. Féral et B. Cazalet (dir.), Les aires marines protégées d’Afrique de l’Ouest. Gouvernance et politiques publiques, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2007, p. 121-139 ; G. Harrison, « Post-Conditionality Politics and Administrative Reform: Reflections on the Cases of Uganda and Tanzania », Development and Change, vol 32, n° 4, 2001, p. 657-679 ; J. Igoe et D. Brockington, « Neoliberal Conservation: A Brief Introduction », Conservation and Society, vol. 5, n° 4, 2007, p. 432-449.
  • [3]
    J.-F. Médard, « L’État néo-patrimonial en Afrique noire », in J.-F. Médard (dir.), États d’Afrique noire. Formations, mécanismes et crise, Paris, Karthala, 1991, p. 92-104.
  • [4]
    T. Bierschenk, « States at Work in West Africa: Sedimentation, Fragmentation and Normative Double-Binds », Working Papers, n° 113, Mayence, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, 2010 ; T. Bierschenk et J.-P. Olivier de Sardan (dir.), States at Work: Dynamics of African Bureaucracies, Leiden, Brill, 2014, p. 440 ; G. Blundo, « Le roi n’est pas un parent. Les multiples redevabilités au sein de l’État postcolonial en Afrique », in P. Haag et C. Lemieux (dir.), Faire des sciences sociales. Critiquer, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, p. 59-86.
  • [5]
    J. Beek, Producing Stateness: Police Work in Ghana, Leiden, Brill, 2016 ; J. Beek, « Étiqueter les “déviants” : le travail des policiers au Nord-Ghana », Déviance et société, vol. 34, n° 2, 2010, p. 279-290.
  • [6]
    T. Cantens, « Être chef dans les douanes camerounaises, entre idéal type, titular chief et big katika », Afrique contemporaine, n° 230, 2009, p. 83-100.
  • [7]
    M. Göpfert, « Security in Niamey: An Anthropological Perspective on Policing and an act of Terrorism in Niger », The Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, 2012, p. 53-74.
  • [8]
    G. Blundo, « Les Eaux et Forêts sénégalais entre participation et militarisation. Ethnographie d’une réforme », Anthropologie & développement, n° 37-38-39, 2014, p. 185-223 ; R. N. Diallo, Politiques de la nature et nature de l’État : (re)déploiement de la souveraineté de l’État et action publique transnationale au Mozambique, Thèse de doctorat, Bordeaux, Université Bordeaux 4, 2013 ; M. Ece, Conserving Nature, Transforming Authority: Eviction and Development at the Margins of the State. The Niokolo-Koba National Park, Senegal, Thèse de doctorat en anthropologie, New York, City University of New York, 2012 ; J. Poppe, « The Power of the Uniform: Paramilitary Foresters and Rangers at the W Park, Burkina Faso », Sociologus, vol 63, n° 1-2, 2013, p. 11-36.
  • [9]
    G. Favarel-Garrigues et L. Gayer, « Violer la loi pour maintenir l’ordre. Le vigilantisme en débat », Politix, n° 115, 2016, p. 7-33.
  • [10]
    J. Comaroff et J. L. Comaroff (dir.), Law and Disorder in the Postcolony, Chicago, The University of Chicago Press, 2006 ; D. M. Goldstein, « Flexible Justice: Neoliberal Violence and “Self-Help” Security in Bolivia », Critique of Anthropology, vol. 25, n° 4, 2005, p. 389-411
  • [11]
    L. Fourchard, « État de littérature. Le vigilantisme contemporain. Violence et légitimité d’une activité policière bon marché », Critique internationale, n° 78, 2018, p. 169-186.
  • [12]
    D. Pratten et A. Sen, « Global Vigilantes: Perspectives on Justice and Violence: An Introduction », in D. Pratten et A. Sen (dir.), Global Vigilantes: Perspectives on Justice and Violence, Londres, Hurst, 2007, p. 1-21.
  • [13]
    C. Lund, « Twilight Institutions: Public Authority and Local Politics in Africa », Development and Change, vol. 37, n° 4, 2006, p. 685-705.
  • [14]
    Cette expression est proposée par Christian Lund.
  • [15]
    T. Bierschenk et J.-P. Olivier de Sardan, « ECRIS : Enquête Collective Rapide d’Identification des conflits et des groupes Stratégiques » [en ligne], Bulletin de l’Apad, n° 7, 1994, <https://journals.openedition.org/apad/2173>, consulté le 20 juin 2023.
  • [16]
    M. Gluckman, Custom and Conflict in Africa, Londres, Basil Blackwell, 1955.
  • [17]
    S.-C. Chakour et T. Dahou, « Gouverner une AMP, une affaire publique ? Exemples sud-méditerranéens » [en ligne], VertigO, hors série n° 6, 2009, <http://vertigo.revues.org/index9156.html>, consulté le 10 décembre 2013.
  • [18]
    G. Blundo, « “Je n’ai pas besoin de ticket” : négociations des droits de marché et petite corruption dans les collectivités locales sénégalaises », in C. Fay, Y. F. Koné et C. Quiminal (dir.), Décentralisation et pouvoirs en Afrique. En contrepoint, modèles territoriaux français, Marseille, IRD éditions, 2006, p. 323-342.
  • [19]
    Les neuf domaines de compétences transférés sont : environnement et gestion des ressources naturelles ; santé, population et action sociale ; jeunesse, sports et loisirs ; culture ; éducation, alphabétisation, promotion des langues nationales et formation professionnelle ; planification ; aménagement du territoire ; urbanisme et habitat ; assainissement. Depuis 2013, avec l’acte III de la décentralisation, cinq autres domaines ont été ajoutés : l’agriculture ; l’élevage et la production animale ; la pêche ; le tourisme ; l’hydraulique.
  • [20]
    V. Gomez-Temesio, L’État sourcier : anthropologie politique de l’hydraulique rurale au Sénégal, Thèse de doctorat, Paris, EHESS, 2014.
  • [21]
    C. Ségalini, « Les agents des parcs nationaux au Sénégal : soldats de la participation ? », Politique africaine, n° 128, 2012, p. 101-119.
  • [22]
    L’association est connue pour ses reboisements massifs de mangroves en Casamance et dans le delta du Saloum.
  • [23]
    Naru Hëlëk est une expression wolof qui signifie « la part de demain ».
  • [24]
    La commune rurale de Toubacouta est située dans la région de Fatick, dans l’Ouest du Sénégal.
  • [25]
    D’origine mandingue, un bolong désigne un chenal d’eau salée, caractéristique des zones côtières proches des estuaires du Sénégal ou de la Gambie. Il est généralement bordé de mangroves à palétuviers et abrite une faune halieutique et une flore diversifiée.
  • [26]
    T. Dahou et A. Wedoud Ould Cheikh, « L’autochtonie dans les aires marines protégées. Terrain de conflit en Mauritanie et au Sénégal », Politique africaine, n° 108, 2007, p. 173-190.
  • [27]
    M.-C. Cormier Salem, « De la conservation à la concertation. Quelles AMP pour quelle gouvernance territoriale au Sénégal ? », in M. Bonnin, R. Laë et M. Behnassi (dir.), Les aires marines protégées ouest-africaines. Défis scientifiques et enjeux sociétaux, Marseille, IRD éditions, 2015, p. 97-116.
  • [28]
    G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, « La corruption quotidienne en Afrique de l’Ouest », Politique africaine, n° 83, 2001, p. 8-37.
  • [29]
    J. Poppe, « Conservation’s Ambiguities: Rangers on the Periphery of the W Park, Burkina Faso », Conservation and Society, vol. 10, n° 4, 2012, p. 330-343.
  • [30]
    M. Ece, Conserving Nature, Transforming Authority…, op. cit.
  • [31]
    C. Ségalini, « Les agents des parcs nationaux au Sénégal… », art. cité, p. 107.
  • [32]
    Entretien avec Demba, éco-garde, Diaoulé, 15 février 2015.
  • [33]
    Le « montage » est la surveillance à partir d’un lieu d’observation propice. Il dure 48 heures.
  • [34]
    Le mirador est un poste d’observation, une construction en hauteur à partir de laquelle les éco-gardes peuvent avoir une vue dégagée sur le bolong de Bamboung.
  • [35]
    1 euro équivaut à 655 francs CFA et 2 000 francs CFA correspondent à 3,05 euros. Il faut noter qu’à cette période le Smic moyen au Sénégal était de 55 000 francs CFA, environ 84 euros.
  • [36]
    G. Sodikoff, « The Low-Wage Conservationist: Biodiversity and Perversities of Value in Madagascar », American Anthropologist, vol. 111, n° 4, 2009, p. 443-455.
  • [37]
    J. Poppe, « Conservation’s Ambiguities… », art. cité, p. 333.
  • [38]
    G. Blundo, « Négocier l’État au quotidien : agents d’affaires, courtiers et rabatteurs dans les interstices de l’administration sénégalaise », Autrepart, n° 20, 2001, p. 75-90.
  • [39]
    Extrait du règlement intérieur, article 18.
  • [40]
    Entretien avec Diouma, éco-garde, Ngouloul, 5 septembre 2014.
  • [41]
    Entretien avec Mamadou, éco-garde, Thioupane, 10 mars 2015.
  • [42]
    G. Favarel-Garrigues et L. Gayer, « Violer la loi pour maintenir l’ordre… », art. cité, p. 11.
  • [43]
    Entretien avec Famara, éco-garde, Niamel, 12 août 2014.
  • [44]
    T. Dahou et A. Wedoud Ould Cheikh, « L’autochtonie dans les Aires marines protégées… », art. cité.
  • [45]
    Entretien avec Badou, surveillant depuis la création de l’AMP, Ngouloul, 14 septembre 2014.
  • [46]
    Il s’agit ici de gens qui sont protégés mystiquement par des gris-gris, des bains rituels et autres prières. Ils sont considérés comme des intouchables et quiconque s’attaque à eux risque de faire face à un danger.
  • [47]
    M. Göpfert et J. Beek, « Police Violence in West Africa: Perpetrators’ and Ethnographers’ Dilemmas », Ethnography, vol. 14, n° 4, 2013, p. 477-500.
  • [48]
    M. Debos et J. Glasman, « Politique des corps habillés. État, pouvoir et métiers de l’ordre en Afrique », Politique africaine, n° 128, 2012, p. 5-23.
  • [49]
    M. Diallo, Au cœur de la nature et de l’État : une ethnographie de la cogestion de l’Aire marine protégée du Bamboung au Sénégal, Thèse de doctorat, Paris, EHESS, 2019.
  • [50]
    Entretien avec le conservateur de l’AMP, Diaoulé, 3 septembre 2014.
  • [51]
    G. Blundo, « Les Eaux et Forêts sénégalais… », art. cité.
  • [52]
    Entretien avec Samba, éco-garde, Niamel, 30 août 201
  • [53]
    Le RENOV’Parc est le Réseau national des organisations des volontaires des parcs et réserves du Sénégal. Il a été créé en 1998 dans le Parc national des oiseaux de Djoudj, situé dans le Nord du Sénégal.
  • [54]
    J.-P. Olivier de Sardan, « La sage-femme et le douanier. Cultures professionnelles locales et culture bureaucratique privatisée en Afrique de l’Ouest », Autrepart, n° 20, 2001, p. 61-73.
  • [55]
    C. Lund, « Twilight Institutions: An Introduction », Development and Change, vol. 37, n° 4, 2006, p. 673-684.

1 Les réformes du secteur de la conservation de la biodiversité ont progressivement abouti à une reconfiguration du rôle que l’État joue dans l’action publique environnementale [1]. Aux modes de gouvernance dirigistes sous l’autorité des administrations publiques sont préférés de nouveaux régimes de régulation où l’État serait moins interventionniste [2]. Dans le cadre de cette restructuration, une tâche régalienne est dorénavant accessible pour les communautés locales : la surveillance des aires protégées. Résultat à la fois de l’ouverture du champ de la conservation aux populations locales et du manque drastique de personnel des administrations publiques, la surveillance par les communautés s’est amplifiée ces dernières années. Indicateurs ou pisteurs au départ, éco-gardes aujourd’hui, leur travail ne consiste plus seulement à informer et à indiquer aux agents de l’État la présence d’éventuels braconniers. Bien qu’ils leur soient assignés un rôle d’informateurs, les éco-gardes outrepassent cette injonction, déployant des pratiques et des processus inédits pour faire respecter les interdictions en cours au-delà des cadres qui sont fixés en concertation avec l’administration locale de conservation.

2 L’étude de la surveillance des aires protégées au Sénégal est une entrée pertinente pour appréhender les pratiques coercitives des éco-gardes, leur travail de « police » et les processus à travers lesquels ils s’imposent en tant qu’acteurs du maintien de l’ordre. Elle ouvre une perspective d’analyse des postures et des pratiques des éco-gardes quand ils sont au travail, en interaction avec les citoyens et les agents de l’État. Une ethnographie fine des pratiques de surveillance de l’Aire marine protégée du Bamboung (AMP) au Sénégal permet de mettre en évidence la complexité des pratiques coercitives et le type de sanctions qui en découle. Elle offre également la possibilité d’observer l’application des sanctions, pas seulement en tant qu’acte légal mais plutôt comme des pratiques s’inscrivant dans une dynamique processuelle. L’application des sanctions ou non en cas d’infraction ne dépend pas uniquement de la législation en cours. Elle implique la mobilisation d’autres répertoires normatifs (social, politique, religieux, etc.) et rend tangible l’écart entre les prescriptions légales et les pratiques de surveillance. L’observation des écarts, devenue un classique en sciences sociales, ne peut pas être uniquement interprétée à l’aune des concepts « d’informalité », de « néo-patrimonialisme [3] » ou de clientélisme, pour évoquer des thèses culturalistes largement remises en cause. Les décalages entre les pratiques coercitives et les règles officielles font écho à plusieurs recherches sur l’État au quotidien, ses administrations publiques et ses dynamiques locales, notamment ses routines quotidiennes et ses pratiques ordinaires [4]. Les corps habillés, chargés de veiller au maintien de l’ordre, tels que les policiers [5], les douaniers [6], les gendarmes [7] ou encore les « soldats de la nature [8] », n’échappent pas à cette logique. Leurs ethnographies ont souligné les dimensions processuelle, négociée et interactive des pratiques de police et de l’application des sanctions.

3 Les actions de surveillance des éco-gardes suscitent une réflexion autour de la pratique de la coercition par un groupe de citoyens ne relevant pas de l’État, dans ce cas précis de la Direction des aires marines protégées communautaires (DAMPC). Elles permettent d’interroger comment, en présence et en marge de l’État, des citoyens font respecter l’ordre. Elle incite d’autre part à ouvrir une perspective d’analyse sur la capacité d’institutions citoyennes à faire respecter des décisions collectives contraignantes. Comment, dans ce sens, les éco-gardes exercent les pratiques de coercition ? Comment font-ils respecter la loi sans avoir été formellement mandatés par l’État pour le faire ? Comment interagissent-ils avec les institutions étatiques qui, pendant longtemps, avaient le monopole du champ de la conservation ?

4 Plusieurs perspectives théoriques sont pertinentes pour appréhender ces questionnements. La première a trait aux travaux sur le vigilantisme entendu comme « un certain nombre de pratiques collectives coercitives, mises en œuvre par des acteurs non étatiques afin de faire respecter certaines normes (sociales ou juridiques) et/ou d’exercer la “justice” – un terme qui fait principalement référence ici à l’exercice du châtiment mais qui peut aussi évoquer, chez les vigilantes et leur public, un idéal sociétal [9] ». Certains travaux sur le vigilantisme décrivent, à travers une approche par le bas, comment les pratiques officieuses de maintien de l’ordre par des groupes de citoyens seraient liées à leur historicité et à leurs référents culturels spécifiques. D’autres travaux soulignent les liens étroits qui existent entre pratiques de vigilantisme et forme de gouvernance. C’est ainsi que les travaux de Jean et John L. Comaroff [10] mettent en avant le moment néolibéral contemporain et la diffusion globale du vigilantisme, considérés comme des « formes bon marché de maintien de l’ordre » et le produit de plusieurs décennies de dérégulation, de décentralisation et de privatisation des fonctions policières.

5 Au-delà d’une certaine privatisation du maintien de l’ordre, l’analyse des liens entre pratiques de vigilantisme et types de gouvernance met en évidence le fait que le déploiement du vigilantisme sous ses différentes formes traduit d’autres modalités d’exercice de l’autorité publique. En ce sens, elles ne révèlent pas forcément ni la faillite ni la privatisation de l’État [11], voire son remplacement par une autre forme de gouvernement ou de violence néolibérale [12]. Les pratiques coercitives permettent d’appréhender comment des citoyens se réapproprient l’autorité publique, qui n’est pas que l’apanage des institutions gouvernementales. D’autres institutions tentent d’exercer l’autorité publique et ont une certaine capacité à définir et à faire respecter des décisions collectives contraignantes qui ne sont pas exclusivement imbriquées dans ces institutions gouvernementales [13]. Finalement, ces pratiques posent des questions liées à « l’étaticité » (« stateness »), cette caractéristique propre à l’État et revendiquée, avec plus ou moins de succès, par d’autres acteurs. Les groupes citoyens s’imposent au final comme des « twilight institutions[14] », un mélange hybride entre le communautaire et l’étatique, le local et le national, le légal et le légitime.

6 Cet article s’appuie sur un corpus de près de 150 entretiens et plusieurs dizaines d’observations. Il a été collecté durant 16 mois de terrain entre 2014 et 2016 dans le cadre d’une thèse de doctorat. L’enquête ethnographique en question a démarré à travers une entrée par le « conflit », en considérant l’AMP comme une « arène » traversée par des conflits et où se confrontent divers groupes stratégiques [15]. Depuis Gluckman [16], les anthropologues vouent un intérêt particulier aux conflits car ils sont inhérents à toute vie sociale et renvoient à la structuration de la société comme les différences de positions, d’intérêts, etc. L’inhérence des conflits est tout aussi repérable dans les espaces naturels, devenus moins neutres, peu consensuels et davantage exposés aux conflits d’usage, de pouvoir, de stratégies et d’intérêts divers. Gouverner une aire protégée, c’est avant tout arbitrer des conflits [17], partager un pouvoir, entreprendre des négociations entre différents types d’acteurs et prendre en compte la dimension symbolique de la nature.

7 L’enquête ethnographique multi-site a principalement ciblé trois catégories d’acteurs : les structures communautaires et villageoises, les services publics de l’État et les bailleurs de fonds. Elle s’est structurée autour d’entretiens et d’observations directes. Les premiers entretiens ont été réalisés avec des membres des structures communautaires et villageoises, quels que soient leur rôle et leur position. Puis d’autres entretiens se sont concentrés sur les agents des services publics de l’État et les représentants des bailleurs de fonds. Ensuite, les observations ont porté sur les pratiques de surveillance des éco-gardes. La décision de la chercheure d’accompagner les éco-gardes en avait intrigué plus d’un. Ils ont été nombreux à s’étonner de la voir aller patrouiller avec les surveillants et surtout de vouloir y rester toute la durée du montage. En effet, le fait d’être une femme et d’aller patrouiller seule avec des surveillants n’est pas coutumier dans le Saloum et est en contradiction avec les normes sociales locales, qui préconisent une division sexuée des activités. Ce qui participait à atténuer la portée transgressive de la situation, c’était l’exécution de rôles dits féminins qui étaient attribués à l’enquêtrice, comme faire la cuisine durant les jours de patrouille. C’est sans doute dans ces moments de la vie quotidienne ordinaire que des rapports de confiance se sont tissés avec les éco-gardes, en permettant ainsi l’acceptation de la présence de la chercheure.

8 Dans les lignes qui suivent, nous verrons comment les pratiques de coercition sont inscrites à la fois dans un régime séculier, où les règles officielles doivent être exécutées selon la loi, et un régime socio-professionnel, qui vise la stabilité d’un ordre social et le respect des normes sociales. Avant cela, il convient toutefois de faire un détour historique qui permettra de comprendre comment ces citoyens se sont vus attribuer les prérogatives de police maritime.

Bamboung : une aire marine protégée locale en marge de l’État

9 Pour comprendre le travail et les pratiques des éco-gardes dans le delta du Saloum, il convient d’interroger le contexte dans lequel l’AMP a été créée, les dynamiques locales que cela a suscitées, ainsi que les processus qui ont conduit à l’attribution de la police maritime aux communautés locales. Ce détour historique passe nécessairement par une présentation de l’évolution des modes de gouvernance des aires protégées au Sénégal.

10 En effet, le premier élément de contexte est le changement de paradigme dans le champ de la conservation. La gestion des aires protégées au Sénégal a longtemps connu un ancrage militaire et répressif. Ainsi, à la tête de la première aire protégée, avait été nommé un ancien militaire français ayant servi durant la guerre d’Algérie, Roger André Dupuy. Ce dernier avait opté pour un dispositif de conservation militarisé permettant une lutte active contre le braconnage, notamment au sein du parc national du Niokolo-Koba dans le centre du pays. Il va, de ce fait, imprimer des normes militaires au dispositif de conservation, ce qui a structuré l’identité des agents de conservation. Ce choix de gestion a longtemps contribué à entretenir un climat de méfiance entre les populations locales et les agents. Des changements vont s’opérer par la suite du fait des critiques émises contre la conservation militarisée et de la diffusion de nouveaux modes de gestion promus par les ONG de conservation internationales, nationales et locales, la coopération bilatérale et multilatérale. Les nouveaux modes de gouvernance encouragent une participation plus importante des communautés locales dans la gestion des aires protégées. Le corps des éco-gardes est né durant cette période (1990) dans le Parc national des oiseaux de Djoudj, dans le Nord du Sénégal. Ils sont décrits comme des volontaires au service de la conservation. Leur mission est d’informer et d’animer des séances de sensibilisation dans les villages sur l’importance du parc et de ses ressources, leurs différentes fonctions, les principes de la cogestion du site par les populations et les agents du parc. Ils sont aussi des relais des agents des parcs nationaux pour la surveillance de l’intégrité du parc. Il faut le rappeler, le fait de recourir à des agents supplétifs informels est un phénomène récurrent au sein de l’administration locale sénégalaise [18].

11 Parallèlement à cela, à la fin des années 1990, le Sénégal engage l’acte II de sa politique de décentralisation qui aboutit au transfert de neuf compétences [19] aux collectivités locales, dont « l’environnement ». Avec cette réforme, les collectivités locales sont désormais compétentes pour créer et gérer des réserves naturelles « communautaires » et/ou des forêts « communautaires », ce qui représente une aubaine pour les administrations de l’État, ébranlées par les programmes d’ajustement structurel (PAS). Toutefois, ces transferts de compétences n’ont pas souvent abouti aux résultats escomptés. Ils ont conduit à une dérégulation de la gestion des biens et services qu’étaient censées fournir les collectivités locales, comme l’eau [20] ou la perception des recettes fiscales. Par ailleurs, dans le cadre de la décentralisation, la promotion de la participation a, dans certains cas, buté sur les principes militaires et coercitifs de la politique sénégalaise de conservation des aires protégées. À juste titre, Céline Ségalini [21] souligne le difficile ancrage du paradigme participatif, qui a été freiné par la militarisation des agents. Pourtant, cela ne signifie pas l’arrêt du recours aux volontaires par les agents de l’État et du développement d’initiatives locales de protection de l’environnement.

12 Ensuite, le deuxième élément de contexte structurant est la création de l’AMP de Bamboung, sous-tendue par une volonté de réguler les pêcheries et de « mise en agenda » des problèmes locaux. Au début des années 2000, l’Océanium, une association sénégalaise de protection de la nature [22] fondée et dirigée par Haïdar El Ali, écologiste et ancien ministre sénégalais de l’Écologie, initie le projet Naru Hëlëk [23]. Il a pour objectif de reconstituer les stocks de poissons en créant les premières AMP au Sénégal. Au regard de ce contexte, le fait de proposer la création d’une AMP est jugé pertinent et séduit l’Agence française de développement (AFD) et le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). De plus, en marge du Sommet de Johannesburg (2002) et du Congrès des parcs à Durban (2003), qui ont conclu qu’il y avait un déficit dans la protection des écosystèmes marins et côtiers, il y a une vraie effervescence autour de la promotion des AMP.

13 Au niveau local, en concentrant son argumentation sur l’épuisement des ressources, l’Océanium a suscité l’intérêt des pêcheurs, bien qu’il y ait eu quelques réticences, notamment des pêcheurs niominka issus des îles du Gandoul et de quelques femmes ramasseuses de coquillages. La création de l’AMP est perçue comme une solution permettant de pallier « l’envahissement » des pêcheurs « allochtones ». En octobre 2002, les démarches de l’Océanium aboutissent à la création de l’AMP suite à la délibération de la commune de Toubacouta [24]. Elle est par ailleurs légalisée par un arrêté sous-préfectoral. Deux ans plus tard, l’État sénégalais créait, à travers le décret présidentiel n°2004-1408 du 4 novembre 2004, cinq AMP, dont celle de Bamboung qu’il ne fait qu’officialiser. Elle est la seule, par ailleurs, dont le processus de création a été porté localement.

14 La création de l’AMP repose sur l’interdiction des activités de pêche et de l’exploitation des ressources conchylicoles dans le bolong[25] du Bamboung. Sa gestion est confiée à un comité de gestion constitué des 26 représentants issus des 13 villages membres de l’AMP. La création de l’AMP s’accompagne aussi d’une redéfinition du territoire ainsi que des usages et des accès. 13 villages, choisis en fonction de leur proximité géographique et historique avec le bolong, sont désignés « propriétaires » du bolong. Cette démarche d’appropriation par un groupe de villages est le résultat d’une proposition d’acteurs locaux en concertation avec l’Océanium. Au-delà du fait de remettre en question le droit de hache et de mettre en avant le droit des premiers occupants, elle conteste implicitement l’organisation politique de l’espace par l’État, notamment à travers la loi sur le domaine national. La loi 64-46 de 1964 relative au domaine national désigne l’État sénégalais comme le « détenteur » du domaine national. Son extension au domaine maritime a fait des territoires de pêche des zones d’exploitation pour tout pêcheur, « la mer appartient à tous » selon l’adage [26]. Cette configuration est remise en cause, et un droit de propriété exclusif en faveur d’un groupe hétérogène d’individus, d’ethnies et de villages est mis en avant, sans tenir compte de la diversité des stratégies et des pratiques de gestion des ressources [27]. Toutefois, elle permet de favoriser l’appropriation de l’aire protégée par un groupe d’acteurs. Cette exclusion des anciens usagers de bolong a ouvert un débat sur la remise en cause, par certaines communautés locales riveraines, de l’interdiction de son exploitation et de sa surveillance.

Figure 1

Localisation de l’AMP du Bamboung

figure im1

Localisation de l’AMP du Bamboung

Source : Laboratoire d’études et de recherches en géomatique (LERG), 2013, adaptée par Mariama Diallo.

15 Les noms des villages ont été anonymisés pour rendre moins identifiables les acteurs et les faits décrits dans cet article, et seul le chef de lieu de la communauté rurale est précisé.

16 Le classement du bolong de Bamboung en AMP pose aussi la question du chevauchement des règles, des normes et des institutions dans un même espace. D’abord au niveau de l’État, plusieurs administrations publiques revendiquent la tutelle de l’AMP, notamment la Direction des parcs nationaux, la Direction des pêches maritimes et la Direction des aires communautaires (DAC) du ministère des Pêches. Il faut aussi noter la présence d’ONG internationales, d’associations locales et de comités locaux de gestion des ressources naturelles. Ce contexte de flou institutionnel va représenter un avantage certain pour le comité de gestion et largement influer sur le positionnement des éco-gardes, ainsi que sur leurs pratiques de surveillance.

Les éco-gardes : au départ, assurer un rôle de veille et de sensibilisation

17 Au démarrage de l’AMP du Bamboung, les pratiques de surveillance des éco-gardes devaient être encadrées de façon à respecter une nette distinction entre le travail de sensibilisation qu’ils doivent effectuer et celui de police réservé aux agents de la DAMPC. Le fait d’étudier ces principes d’opérationnalisation de la surveillance permet de mettre à jour, dans les sections suivantes, les grandes marges de manœuvre des éco-gardes, qui parviennent in fine à produire d’autres mécanismes de surveillance en dehors des canaux officiels.

18 L’AMP est surveillée en permanence par les éco-gardes, qui veillent au respect des règles régissant l’aire protégée. La règle phare est l’interdiction de l’accès au bolong de Bamboung à tous les usagers. L’énonciation de la règle se matérialise par une délimitation des zones interdites à l’exploitation. Les activités suivantes sont formellement interdites dans l’AMP : les activités de pêche ; l’exploitation des mollusques, coquillages et autres fruits de mer ; les coupes de mangroves et des autres espèces terrestres ; les activités de chasse de lamantins, de dauphins et autres animaux terrestres (singes, phacochères) ; la navigation des pirogues à moteur hors-bord (sauf pour l’équipe de surveillance, l’équipe écotourisme et la recherche scientifique). Ces règles restent étroitement liées aux juridictions nationales en cours, c’est-à-dire qu’elles sont inspirées du Code de la pêche et du Code forestier. La gestion des AMP ne disposant pas encore de législation propre, elle s’appuie sur les codes déjà existants, notamment ceux cités ci-dessus.

19 La présence des éco-gardes sur le terrain répond à une double préoccupation : l’impératif participatif et le manque de ressources humaines des administrations de conservation. Ils sont assimilés à des individus « autochtones » appuyant la gestion des aires protégées. La présence d’indicateurs au sein des administrations publiques a été historiquement expérimentée depuis la colonisation et s’est intensifiée dans les années 1990. Le recours au bénévolat constitue dès lors une voie privilégiée [28] qui permet aussi de pallier la valse des agents de l’État, perçus comme des étrangers qui ont une faible connaissance du milieu. La mobilisation d’indicateurs est motivée par leur connaissance du terrain [29]. Dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, la figure de l’indicateur est très présente chez les forestiers comme chez les agents de la conservation, les douaniers ou encore les politiciens. Il accompagne les agents dans leur travail, et constitue également un courtier, un intermédiaire entre l’État et les populations locales [30]. Les éco-gardes représentent par ailleurs une main-d’œuvre « bon marché » pouvant aider à effectuer de menues tâches [31] (aménagement des pistes, guidage, etc.). Lors de l’exécution de ces tâches sous la houlette des agents de l’État, qui sont souvent soutenues par des partenaires financiers, les éco-gardes sont rémunérés en fonction de l’ampleur du projet. Régulièrement, des complaintes sur le montant des rémunérations sont émises, les agents étant accusés de « garder l’argent pour eux [32] ».

20 À Bamboung, les éco-gardes sont recrutés par le président du comité de gestion après une recommandation des chefs des villages. Ils sont souvent issus de leurs familles ou de leurs cercles proches. Leurs profils sont très diversifiés. On y retrouve d’anciens pêcheurs ayant entre 40 et 50 ans et des jeunes qui ont moins de la trentaine. Quand ils sont interrogés sur leurs motivations, nombre d’entre eux mettent en avant « l’amour du village », du « territoire » ou de la nature. Les aspects financiers ou symboliques sont rarement mentionnés. Les surveillants sont répartis en binôme, non en fonction de leurs affinités mais selon une logique complémentaire d’après le président du comité. Le plus souvent, un jeune est associé à une personne mature. Chaque binôme assure une veille de 48 heures avant de laisser la place à un autre « montage [33] ». Avant chaque montage, le binôme passe obligatoirement chez le président du comité de gestion (CG). Cela fait office de pointage et leur permet également de récupérer leur ravitaillement alimentaire. Sur place, les éco-gardes sont souvent sédentaires et tuent le temps en écoutant la radio ou en jouant aux cartes autour d’un thé. Ils souhaitent faire de la surveillance mobile et circuler davantage dans le bolong, mais le comité de gestion ne dispose pas d’assez de moyens pour assurer les charges en carburant. Ils se contentent ainsi de rester à leur point de chute (un mirador [34]) à l’écoute d’un éventuel moteur de pirogue. L’existence d’un mirador de 10 m de haut à l’entrée principale du bolong et d’une pirogue de surveillance permet aux surveillants de mieux contrôler l’accès à l’AMP et d’intervenir en temps réel pour appréhender les contrevenants. Ils disposent également de tenues et de badges pour les rendre identifiables. Les tenues vert kaki foncé font penser aux uniformes des militaires. Quant aux badges, y sont inscrits le logo de l’AMP, le nom du surveillant, ainsi que sa photo.

21 La surveillance, à ses débuts, était bénévole et seule la nourriture était prise en charge. Les éco-gardes pouvaient toutefois bénéficier de rémunérations ponctuelles lors des travaux d’aménagement de l’AMP ou pendant les activités de guidage touristique. Avec la construction du campement écotouristique de l’AMP, propriété commune des 13 villages gérée par le CG, les surveillants ont commencé à être motivés financièrement. La construction du campement orchestrée par l’Océanium devrait permettre l’autonomisation de la gestion de l’AMP, et notamment le financement de sa surveillance. Lorsqu’en période de « saison basse », les revenus du campement ne permettent pas de financer la surveillance, l’Océanium la subventionne en assurant le coût de l’essence de la pirogue ainsi que les rémunérations des éco-gardes. Un système de rémunération fixe a été établi et leur permet de gagner 2 000 francs CFA [35] par jour et par personne. À chaque montage, les surveillants reçoivent 4 000 francs CFA chacun. Cependant, cette rémunération est toujours considérée comme insatisfaisante. Actuellement, la plupart des éco-gardes ont des revenus complémentaires à travers des activités agricoles et de maraîchage. La problématique de la rémunération de ceux qui protègent la nature est souvent évoquée dans les travaux sur la gestion de l’environnement et on peut distinguer deux tendances. La première souligne la précarité des défenseurs locaux de l’environnement, qui seraient des ouvriers bénéficiant de revenus faibles [36]. Ce caractère précaire des emplois liés à la protection de la nature les oblige à continuer à avoir des pratiques destructrices de la nature parce qu’ils ne sont pas suffisamment récompensés pour leurs emplois. En revanche, Poppe souligne le fait que les éco-gardes ne sont pas seulement des travailleurs précaires, mais qu’ils saisissent également les nombreuses opportunités que leur confère leur statut et, surtout, qu’ils ont une position socio-économique assez ambiguë [37]. Dans le cas du Bamboung, cela se traduit parfois par des arrangements entre pêcheurs et éco-gardes moyennant une rétribution financière.

22 Les éco-gardes de l’AMP n’ont pas de statut précis et demeurent des citoyens cooptés pour assurer la surveillance de l’AMP. N’étant pas assermentés, ils sont soumis au respect des règles de surveillance qui ont été établies entre le CG, l’Océanium et la DAMPC. Elles définissent, en quelque sorte, la façon dont les éco-gardes doivent surveiller l’AMP. Elles constituent donc les principes d’opérationnalisation de la surveillance, les modalités à travers lesquelles l’AMP est surveillée. Lors des recrutements et des réunions de formation, le président du comité de gestion précise « qu’aucun éco-garde n’a le droit d’avoir une hache, qu’ils sont des civils et ne sont pas autorisés à attaquer ou arrêter un quelconque individu ». Le rôle de l’éco-garde est bien défini. Il se limite à sensibiliser les pêcheurs en infraction ou qui ignorent le statut protégé du bolong. Ils sont tenus d’effectuer un travail informatif auprès des agents, l’arrestation et la sanction étant des domaines réservés à ces derniers. Dans ce sens, les pratiques des éco-gardes s’apparentent à une forme de décharge, voire de privatisation « interne », de l’État [38].

23 Bien que les surveillants soient parfois les seuls au mirador de garde, la première règle formelle est l’interdiction d’arraisonner des pirogues et d’interpeller des pêcheurs. En leur qualité de « simple » citoyen, non assermenté, les éco-gardes ne sont autorisés qu’à faire un travail de constat. Le règlement intérieur identifie clairement l’autorité habilitée à arraisonner et à interpeller : « Toute personne présente dans l’AMP et dont les activités peuvent nuire à la faune ou à la flore peut être expulsée par le conservateur ou son adjoint ou autre autorité assermentée compétente [39]. »

24 Cet article précise donc qui est habilité à interdire physiquement l’accès à l’AMP. Seuls les agents assermentés, qui, formellement, détiennent le monopole de la violence légale, peuvent le faire. Sur le terrain, l’observation du travail des éco-gardes offre une lecture plus nuancée de leurs pratiques de surveillance, et donc de leurs rapports à l’État et aux autres communautés locales.

Arrêter et contraindre : la mise en avant de l’autorité des éco-gardes

25 Diouma est éco-garde. Il vient du village de Guassi. Avant la création de l’AMP, il s’occupait de la pirogue du président du CG qui était actif dans la filière ostréicole. Actuellement, il cumule son travail de surveillant avec des activités de maraîchage qui le font vivre. Il considère son implication dans la surveillance de l’AMP comme une opportunité d’avoir des revenus supplémentaires même si la rémunération reste faible [40]. Pour le comité de gestion, Diouma, la trentaine, est une recrue de qualité qui peut dissuader les pêcheurs du fait de sa constitution robuste. Quand il est en « montage », la nuit, il va sur le mirador pour guetter d’éventuelles pirogues en infraction.

26 Un soir, comme souvent, après plusieurs fausses alertes, il finit par apercevoir des lumières de pirogue. Il en informe immédiatement son binôme Famara : « Il faut aller les arrêter ! » À peine arrivés, en pleine mer, les éco-gardes crient sur les deux pêcheurs à bord de la pirogue qui avaient entre les mains un filet rempli de poissons. Ils les somment d’arrêter immédiatement la pêche. Les pêcheurs refusent de s’exécuter. Diouma approche sa pirogue de celle des protagonistes avant de sauter soudainement dans celle-ci. Avec une force intense, il arrache le matériel de pêche en bousculant l’un des pêcheurs. Il lui rappelle le statut protégé du lieu et l’interdiction de pêche. Le pêcheur ne semble pas l’ignorer car il réside dans un des villages membres de l’AMP. Il résiste et se débat pour récupérer son matériel de pêche. Mais Diouma parvient à le maîtriser et à garder son matériel. Il évoque immédiatement la détention de preuves qui lui permettra de saisir la DAMPC. Diouma et Famara ont réussi à contraindre les pêcheurs non seulement d’arrêter la pêche, mais aussi de se rendre au niveau de l’administration de conservation.

27 Cet événement qui impliquait Diouma, Famara et les deux pêcheurs contrevenants permet de constater que le travail des éco-gardes n’est pas qu’informatif et prend les allures d’actions coercitives. En réalité, de telles situations ne sont pas rares. Plusieurs récits d’éco-gardes relatent des pratiques de surveillance contraignantes et oppressives dans certains cas. Lors d’un entretien, un autre surveillant, Mamadou se vante d’avoir arrêté à lui seul une centaine de pirogues et de les avoir contraints à se rendre, dont une contenant 22 pêcheurs [41]. Mamadou semble être à l’aise avec la dimension coercitive de son travail. Il fait partie des premiers surveillants de l’AMP, qui ont été recrutés à une époque où la surveillance n’était pas encore rémunérée. Son implication dans la gestion de l’AMP est en partie due à sa proximité avec le premier président du comité de gestion. Parent par alliance, ce dernier l’a initié à la protection de l’environnement et l’a mobilisé en tant que piroguier dès le début du projet Naru Hëlëk, dont il a une bonne connaissance par rapport aux autres éco-gardes. Parallèlement à ses activités de pêcheur, il devient le piroguier de l’AMP puis surveillant. Chez lui, il montre fièrement un ensemble de documents, dont des lettres de félicitation qui lui ont été adressées suite à ces exploits, dont l’une est signée par le ministre de l’Environnement de l’époque. Ces documents, dont il est difficile de s’assurer de l’authenticité, sont mis en avant par Mamadou afin de mettre en exergue son courage et surtout sa détermination à contraindre les délinquants de la mer. Il se bat avec les pêcheurs pour les forcer à le suivre au poste de contrôle des agents de la DAMPC. Les altercations physiques qu’il décrit s’observent surtout quand ils refusent de collaborer et continuent leurs activités de pêche. L’attitude de Mamadou vis-à-vis des pêcheurs fraudeurs peut être expliquée par la conception qu’il a du travail d’éco-garde et par sa trajectoire dans le processus de création de l’AMP, qui fait qu’il bénéficie d’une certaine légitimité pour exercer une coercition sur les pêcheurs.

28 Arrêter les pirogues et se battre avec les délinquants supposés sont des pratiques quotidiennes de surveillance qui ne sont pas explicitement reconnues ni par le comité de gestion, ni par les agents de l’État. Ces pratiques ne font pas non plus l’objet d’une quelconque sanction. « Tout le monde » sait que les éco-gardes arraisonnent des pirogues, se battent avec les pêcheurs et brandissent même parfois des armes. Les éco-gardes ont conscience de violer la loi pour mieux la faire appliquer [42]. Cela participe à la conservation et à l’établissement de l’ordre dans l’AMP. Ils veillent ainsi à maintenir l’ordre et à ce que l’interdiction soit appliquée. Ils ne sont plus seulement des lanceurs d’alerte et ils ne se contentent pas de rapporter les infractions à l’autorité habilitée, ils les règlent. Ils symbolisent une certaine autorité en incarnant le travail que faisait l’État. Ainsi, en prenant en charge le travail que les agents ne font plus, ils contestent de façon implicite non seulement les règles de surveillance, mais aussi le monopole de la violence légale de l’État, surtout quand celui-ci est absent du terrain.

29 La coercition pratiquée par les éco-gardes constitue une réponse à diverses problématiques. L’un des premiers impératifs est d’assurer l’efficacité de la surveillance, et donc d’éviter l’exploitation du bolong. La règle, qui consiste simplement à contacter les agents de la DAMPC, s’avère stérile selon les éco-gardes. Il faut donc l’adapter en contraignant les pêcheurs :

30

« Quand tu entends le bruit d’un moteur et que tu aperçois des pêcheurs, ce que tu fais, c’est que tu contactes directement les agents, et c’est pour ça, avant de faire les montages, le comité de gestion nous donne du crédit téléphonique, comme ça, dès qu’on voit un délinquant, on les appelle immédiatement. Mais ils n’arrivent jamais à temps. La fois passée, j’ai demandé de l’aide à 9 heures du soir, les agents ne sont venus qu’à 1 heure du matin. Qui va t’attendre là-bas ? Donc, si on doit respecter cela, aucun pêcheur ne sera arrêté. On est astucieux quand ils ne sont pas nombreux. On prend leur matériel et comme ils savent que c’est eux qui sont en tort, ils ne nous poursuivent pas [43]. »

31 Ces pratiques dissuadent les villageois de pêcher dans le bolong. Au-delà de la contrainte qui est exercée, le fait de se faire arrêter par son voisin, par les siens, semble dévaloriser ces pêcheurs qui occupaient une position importante au sein de l’échiquier social. Un des pêcheurs du village membre du comité de gestion avait l’habitude de pêcher frauduleusement dans le bolong. Lors d’une de ses sorties, il a été appréhendé. Son matériel de pêche a été confisqué et ses coordonnées transmises aux agents de la DAMPC. En rentrant dans son village, il reconnaît avoir éprouvé une certaine gêne quand il a dû expliquer à ses voisins que des jeunes du village d’à côté avaient saisi son matériel de pêche et qu’ils l’ont fait convoquer devant le chef du village. En effet, le pêcheur âgé d’une cinquantaine d’années a été appréhendé deux jours auparavant par Demba et Modou, deux jeunes éco-gardes. Au début, le pêcheur a refusé de leur obéir sous prétexte qu’il les connaissait et qu’ils n’étaient que des « jeunes du village ». Alors les surveillants l’ont contraint par la force à s’arrêter en confisquant son matériel de pêche. Le pêcheur considère avoir vécu un moment de honte. La honte demeure un puissant effet de la coercition. Après cette mésaventure, le pêcheur affirme avoir arrêté de pêcher dans les eaux interdites. Il ne souhaite plus subir d’humiliation ou quémander la charité auprès de voisins à qui il devrait être redevable. L’autorité qu’affichent les éco-gardes et les pesanteurs sociales dissuadent ainsi progressivement les éventuels fraudeurs éventuels. Au final, l’usage de la violence est une interaction sociale dont l’objectif est de parvenir à un contrôle de la situation ; infliger de la douleur n’en est pas l’aspect le plus important.

32 En s’appropriant des fonctions en principe réservées aux agents de l’État, à l’instar des arrestations, les éco-gardes font aussi valoir de larges pouvoirs discrétionnaires, notamment le pouvoir de sanction. Par ailleurs, en appréhendant les fraudeurs, l’éco-garde se positionne comme celui qui applique la réglementation, mais aussi comme celui qui décide qui sanctionner et qui pardonner. Ces pouvoirs discrétionnaires contribuent également à rendre plus dynamiques les pratiques coercitives, qui sont ainsi négociées par les pêcheurs au gré des contextes.

Un exercice différencié de la coercition

33 Toutes les arrestations des éco-gardes ne donnent pas lieu à des altercations physiques. Leurs pouvoirs discrétionnaires leur permettent d’adapter la surveillance en fonction des contextes et des pêcheurs. Ils ont ainsi la latitude de décider qui sanctionner et qui pardonner. Ces attitudes nous renseignent sur la manière dont le terrain crée ses propres règles en mobilisant d’autres répertoires normatifs que ceux formels et légaux. Elles permettent par ailleurs d’interroger les dynamiques de l’action collective et de la régulation sociale.

34 Les pratiques de surveillance de l’AMP du Bamboung laissent entrevoir une grande tolérance vis-à-vis des pêcheurs autochtones et, a contrario, un durcissement de l’attitude, voire un exercice délibéré de la violence, lorsque les pêcheurs sont originaires de villages situés en dehors de l’AMP. L’identification des pêcheurs allochtones se fait avant tout par le biais d’une reconnaissance directe, étant donné que des liens familiaux étroits existent entre les 13 villages situés à proximité du Bamboung. Lorsqu’un groupe de pêcheurs n’est pas reconnu par les éco-gardes, d’autres critères sont alors pris en compte, dont les plus notables sont la taille et le modèle de leurs embarcations, leurs pratiques de pêche et leur nombre (les allochtones étant, en général, plus nombreux dans les pirogues). La surveillance peut ainsi entrer en congruence avec l’idée de départ qui a motivé l’adhésion des pêcheurs locaux, c’est-à-dire que ce sont les pêcheurs étrangers qui détruisent le bolong de Bamboung. Le discours des éco-gardes incrimine les pêcheurs allochtones, adoptant ainsi le point de vue des populations locales autochtones, et le fait de les arrêter participe donc à la consolidation des normes sociales en vigueur sur le territoire surveillé. Sur cet aspect, le travail de « police forestière » répond aux standards sociaux et aux relations de pouvoir du champ social au sein duquel les acteurs évoluent. Cette application sélective de la loi reflète une prise en compte des problématiques locales, et surtout des conflits permanents entre les autochtones et les allochtones pour l’accès aux ressources. On assiste, pour ainsi dire, à une « surenchère de l’autochtonie [44] », calquée sur le fonctionnement du comité de gestion de l’AMP de Bamboung qui ne regroupe que les 13 villages situés sur l’emprise du Bamboung. Dans ce sillage, il apparaît que la pratique de la coercition est en lien avec la forme de gouvernementalité à l’œuvre, qui induit une différenciation entre allochtones et autochtones, mais aussi le fait de préférer la sensibilisation à la répression.

35 Plutôt que de les interpeller, les éco-gardes jouent la carte de la sensibilisation quand il s’agit des pêcheurs locaux. Il n’est pas question de réprimander mais de sensibiliser et d’éduquer. Cette appétence de la surveillance pour l’éducation des individus est constitutive de l’évolution du travail de la police. Leur fonction de police se conjugue avec celle d’éducateur, d’accompagnateur, etc. Ces pratiques, que l’on peut qualifier de « surveillance par la morale », gagnent en légitimité, cela même auprès des agents de la DAMPC. Elles permettent d’éviter les conflits entre fraudeurs locaux et surveillants. Les éco-gardes peuvent être confrontés à des problèmes de légitimité vis-à-vis des populations locales, qui remettent en cause leur droit d’exercer un travail de police en tant que « simple citoyen ». Ils sont souvent considérés comme des « vendus » ou des « traîtres », qui préfèrent « balancer » leurs parents à des étrangers (les agents de la DAMPC) au lieu de se soutenir mutuellement.

36 Au-delà de cette volonté de conserver une certaine forme d’exclusivité communautaire sur l’emprise de l’AMP, la détermination à se protéger soi-même, surtout dans un contexte où l’éco-garde est parfois mal perçu, est également de mise. Appréhender ou se battre avec un pêcheur local comporte également un risque que les éco-gardes doivent être à même d’évaluer, et cela pour plusieurs raisons. Badou, surveillant depuis la création de l’AMP, avoue qu’il n’arraisonnera jamais les pirogues de la famille Sarr de Saré. Il considère que c’est une famille avec un « grand » arsenal mystique et que s’opposer à eux, c’est se mettre en danger : « Dans le Niombato, l’arrestation est une humiliation, ils vont te marabouter et tu vas mourir ou tu vas t’exiler [45]. » Badou considère n’être qu’au début de sa préparation mystique. Âgé d’une vingtaine d’années, il vient de rejoindre le comité de surveillance après une tentative ratée pour s’installer à Dakar en tant que manutentionnaire. Son père, le chef de village de Niamel, l’a fait recruter comme éco-garde. Il considère que la peur de la puissance mystique de certains pêcheurs est souvent évoquée par les éco-gardes, qui savent qui arrêter ou pas. Après une altercation, deux éco-gardes, qui ont été blessés, ont décidé de se retirer de la surveillance, d’autant plus qu’elle était bénévole à cette époque. En effet, tous les éco-gardes ne sont pas aussi courageux que Mamadou dont les exploits ont été évoqués plus haut. Pour arrêter les pirogues et se battre avec les pêcheurs, il faut être un « guerrier » et être bien préparé mystiquement. Les éco-gardes pratiquent « la divination et utilisent des charmes magiques, des potions et des sacrifices pour se protéger eux et leurs familles ». Avant une altercation, il y a une intimidation mystique qui consiste à montrer à son adversaire son arsenal de gris-gris en retroussant ses manches ou en enlevant son habit. C’est lui montrer sa force et, surtout, son arme puissante : le gris-gris. Dans les récits des populations, on considère que l’éco-garde qui est blessé n’était pas bien préparé mystiquement. Les éco-gardes rappellent toutefois qu’il faut éviter de s’attaquer à des gens « blindés [46] », « intouchables ». À partir de leurs principes et de leurs systèmes de valeurs, ils déterminent avec qui il faut appliquer les règles.

37 Dans l’exercice des pratiques coercitives, même si les pêcheurs autochtones bénéficient d’une grande tolérance, leurs comportements sont déterminants pour l’application ou non de la sanction. Quand les pêcheurs appréhendés reconnaissent leurs délits, ils peuvent être épargnés en demandant la clémence des surveillants et en évoquant leur ignorance du statut protégé du bolong. En leur demandant d’être cléments, les pêcheurs leur reconnaissent un pouvoir de sanction. Cela contribue à la fabrique d’un prestige social dans leurs villages d’origine. Être pardonné par un éco-garde, c’est reconnaître son autorité sur la gestion des ressources naturelles. Ils sont interpellés aussi pour intervenir quand il s’agit de demander la clémence des agents ou diminuer le montant de l’amende.

38 En revanche, un traitement sévère est réservé aux pêcheurs qui résistent ou qui sont récidivistes. Ils sont traités plus violemment, comme si « la violence était finalement réservée aux tenaces, aux têtus [47] ». Les sanctions sont également très personnalisées. Quand les éco-gardes appréhendent un pêcheur qui n’a jamais commis d’infraction, ils se contentent de sensibiliser le délinquant et le laissent aussitôt partir sans le sanctionner. S’il est un récidiviste, il est sanctionné plus durement et est souvent emmené devant les agents de la DAMPC. Le récidiviste n’est pas sanctionné pour avoir commis l’infraction, mais surtout pour avoir défié l’autorité. Dans ce cas, c’est le non-respect de l’autorité qu’incarnent les éco-gardes qui est sanctionné.

39 Les pratiques coercitives ne se réduisent pas donc à la simple application des règles de conservation. Elles visent aussi le maintien d’un ordre social, de la paix sociale, et le respect de standards sociaux. La sanction n’est pas systématiquement une réponse à l’infraction commise. En effet, les processus de sanction n’ont pas pour unique vocation de maintenir en l’état la biodiversité, mais ils ont aussi une fonction sociétale. Cette volonté de maintenir l’ordre social est constitutive du contrôle de l’autorité publique par l’État sur son territoire.

Éco-gardes et agents de l’État : entre alliance et rivalités

40 Surveiller une aire protégée, arrêter et sanctionner les personnes en infraction sont autant de « manifestations de la présence et du pouvoir d’État », de ses représentations et de ses pratiques, « non pas tel qu’il est fantasmé, mais tel qu’il est vécu au quotidien [48] ». Ainsi, en reproduisant le travail des agents, les éco-gardes contestent implicitement le monopole de la violence légale des agents de la DAMPC et revendiquent une certaine autorité. Cependant, les processus de revendication et de constitution de l’autorité publique sont largement enchâssés dans des rapports de force dans le cadre desquels la DAMPC entend conserver sa position prédominante.

41 La création de la DAMPC intervient le lendemain de l’élection de Macky Sall, augurant un certain « retour de l’État » mis à rude épreuve pendant le mandat de Wade [49]. Lors du retrait progressif de l’Océanium de la gestion du Bamboung, à partir de 2014, le comité de gestion ainsi que la commune sollicitent sans succès la DAMPC pour une participation financière à la surveillance, qui a un coût annuel de près de 4 millions de francs CFA. Invoquant sans cesse « le manque de moyens de l’État », l’administration de conservation répond négativement. La DAMPC au niveau local a pourtant un budget de fonctionnement de 17 millions de francs CFA. Pour le conservateur, ce budget est surtout un « budget d’investissement de l’État qui est utilisé pour les priorités en termes d’équipement des pirogues, du carburant, l’entretien des voitures, de téléphone, de papier, de stylo [50] ». Cette délégation de service, si elle est un moyen pour la DAMPC de s’adapter à la carence de moyens (en ressources humaines et financières), reflète également une certaine privatisation informelle, l’intervention du service public étant souvent financée par le CG. Celui-ci paie désormais aux fonctionnaires un service qu’ils étaient censés délivrer « gratuitement ».

42 Malgré le fait que l’administration de conservation a largement recours aux éco-gardes, les agents de la DAMPC ont de plus en plus tendance à les considérer comme des rivaux. La coexistence de différents répertoires normatifs rend plus vives les compétitions et les revendications de contrôle de la gestion de l’AMP. La défiance de la DAMPC vis-à-vis des éco-gardes est le reflet d’un sentiment largement partagé au sein des administrations sénégalaises de protection de l’environnement, qui considèrent le transfert de la gestion des ressources naturelles comme un moyen d’empiéter sur leurs compétences. Cette position leur permet également de sécuriser le contrôle des amendes financières [51] car avoir le monopole de la gestion, c’est avoir le contrôle des ressources financières. En effet, quand des fraudeurs sont verbalisés et soumis au paiement d’une amende, 70 % sont destinés au trésor public et les 30 % restants du montant total de l’amende reviennent aux agents verbalisateurs et informateurs. Cet argent « privé » « légal » entre dans le cadre du dispositif de ristourne, observé aussi au sein d’autres administrations de contrôle (forestiers, douaniers, gendarmes, etc.).

43 Les agents de la DAMPC n’excluent pas non plus la mise en place de mécanismes légaux pour réduire le pouvoir des éco-gardes. Ainsi, lors de l’élaboration du dernier règlement intérieur de l’AMP, les agents de l’État ont insisté pour intégrer un article qui définit bien l’autorité chargée de la surveillance. Il s’agit de l’article 18, qui a fait grincer les dents des éco-gardes. Il stipule que « toute personne présente dans l’AMP et dont les activités peuvent nuire à la faune ou à la flore peut être expulsée par le conservateur ou son adjoint ou autre autorité compétente ». Le fait de ne pas être mentionnés a généré une certaine frustration chez les éco-gardes, qui s’interrogent sur leur rôle, ainsi que sur l’intérêt de leur présence sur le terrain.

44

« Moi, j’ai une question. Maintenant, si je vois quelqu’un qui brade la mer, qu’est-ce que je dois faire ? Nous, les surveillants, quel est notre rôle ? Si toutefois vous trouvez quelqu’un qui braconne, il faut forcément attendre l’arrivée du conservateur pour qu’il arrête de piller la forêt ? Ça veut dire que personne ne nous reconnaît [52] »

45 Cette réaction d’un éco-garde est assez largement partagée au sein du comité de surveillance. Bien qu’elle ne soit pas tout le temps sur le terrain, la DAMPC continue de brandir le monopole du pouvoir d’arrestation et de sanction. Si le transfert de la surveillance de l’AMP aux éco-gardes est effectif, celui du pouvoir formel n’est pas d’actualité. La reconnaissance des éco-gardes demeure une question sensible au Sénégal. Le RENOV’Parc [53] avait entamé des démarches pour une reconnaissance officielle de leur statut, mais le dossier est toujours entre des mains inconnues.

46 Par ailleurs, en se désengageant de la surveillance, et notamment de son financement, l’État n’a aucun moyen de contester les pratiques quotidiennes des éco-gardes. Le façonnage des règles pratiques demeure alors un compromis inexprimé entre les deux parties prenantes. En reconnaissant les règles pratiques, la DAMPC admet implicitement les pratiques des surveillants, mais également leur légitimité à produire des règles et donc leur autorité. C’est ainsi un contrat tacite de reconnaissance entre les administrations et les individus à même de reconfigurer l’espace socio-politique et son organisation, ainsi que de redéfinir les modalités d’accès aux ressources naturelles. Ce positionnement de l’État, qui oscille entre permanence et retrait, est représentatif des pratiques des administrations publiques. Il est révélateur du fait que, sur le terrain, l’État n’a pas le monopole de la délivrance de services et de biens publics dans divers secteurs et est concurrencé par d’autres acteurs locaux qui revendiquent leur part dans la production de « l’étaticité ». Pour autant, les pratiques de surveillance ne viennent pas seulement combler une lacune, mais renseignent aussi sur les relations entre l’État et ces modes alternatifs de délivrance de services, et donc bien sur sa présence.

47 La surveillance de l’AMP révèle comment, au niveau local, un système de régulation local se produit et se reproduit au quotidien. Grâce à leurs pouvoirs discrétionnaires, les éco-gardes font émerger de nouvelles règles qui prennent forme et régissent la surveillance de l’AMP à côté de celles émanant de la gestion officielle de l’AMP. La production des pratiques coercitives s’effectue finalement par « le recyclage et le réajustement incessant des normes disponibles, qui doivent être considérées comme autant de ressources pour la négociation et l’interaction [54] ».

48 À travers les pratiques de surveillance, les éco-gardes parviennent à s’imposer dans le champ de la coercition et leurs actions ne sont pas seulement mues par une volonté d’appliquer ou d’infliger une certaine violence à des acteurs qui ne respectent pas une réglementation en vigueur. Les pratiques de coercition ne sont pas une simple application des règles de conservation et répondent à plusieurs finalités. Au-delà des aspects liés à la régulation, dévolus à l’AMP, les éco-gardes adaptent la surveillance et prennent en compte des problématiques beaucoup plus larges, comme les rivalités entre allochtones et autochtones pour le contrôle des ressources naturelles. Les pratiques de coercition sont finalement inscrites à la fois dans un registre légal, où les règles officielles doivent être exécutées selon la loi, et dans un registre socio-culturel, qui vise la stabilité d’un ordre social et communautaire.

49 L’exercice de la contrainte par les éco-gardes renforce sans doute leurs pouvoirs discrétionnaires qui, par ailleurs, contribuent à asseoir leur légitimité et leur pouvoir décisionnel. Ce pouvoir est d’autant plus renforcé que la DAMPC, bien que brandissant le monopole de l’arrestation et de la sanction, est absente sur le terrain et se positionne finalement comme une autorité post-coercition. En se désengageant de la surveillance et en ne contestant pas ces pratiques, la DAMPC, sans le vouloir sans doute, reconnaît la légitimité des civils à produire des règles, et donc leur autorité. L’irruption de règles pratiques qui ne figurent pas dans le répertoire étatique et dans le règlement intérieur de l’AMP demeure plutôt un compromis tacite entre les différentes parties prenantes.

50 Cette production des règles en dehors des canaux officiels permet aussi d’appréhender le renouvellement des relations entre les agents de la DAMPC et les surveillants. Plus qu’un décalage entre normes et pratiques, elle permet de comprendre comment des citoyens se réapproprient l’autorité publique, et investissent un champ jusque-là réservé à et jalousement gardé par l’État. À travers la surveillance, il est possible d’explorer comment, en l’absence d’une reconnaissance légale, les éco-gardes jouent toutefois le rôle traditionnellement dévolu à des agents de l’État en arraisonnant et en sanctionnant d’éventuels délinquants. Le comité de surveillance peut ainsi être considéré comme une structure qui investit et s’approprie des missions régaliennes de l’État [55]. Quand les éco-gardes appréhendent, pardonnent ou décident de faire sanctionner les pêcheurs en infraction, ils exercent une certaine autorité publique en marge des administrations de l’État. Ils mettent par ailleurs en avant une capacité à contourner les normes officielles et à produire d’autres règles qui ne sont pas produites et élaborées dans les cercles des organisations rurales ou des institutions gouvernementales. De plus, les pratiques coercitives des éco-gardes démontrent la volonté des agents de l’État de ne pas contester l’appropriation de ces prérogatives par des citoyens dès lors qu’elle contribue à la conservation de l’AMP et à son financement. À l’instar du caractère inachevé et en construction des institutions étatiques, qui ne sont jamais définitivement constituées, l’autorité publique revêt une dimension purement dynamique et processuelle. Elle est fondamentalement transactionnelle et négociée, en fonction des situations et des acteurs en présence. Son analyse permet également de mettre en lumière la dimension processuelle et interactionniste de l’État.


Date de mise en ligne : 05/01/2024

https://doi.org/10.3917/polaf.170.0041

Notes

  • [1]
    M. Goldman « Constructing an Environmental State: Eco-governmentality and other Transnational Practices of a “Green” World Bank », Social Problems, vol. 48, n° 4, 2001, p. 499-523.
  • [2]
    F. Féral et B. Cazalet, 2007, « Le cadre juridique de la gouvernance : un système de droit syncrétique », in J.-Y. Weigel, F. Féral et B. Cazalet (dir.), Les aires marines protégées d’Afrique de l’Ouest. Gouvernance et politiques publiques, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2007, p. 121-139 ; G. Harrison, « Post-Conditionality Politics and Administrative Reform: Reflections on the Cases of Uganda and Tanzania », Development and Change, vol 32, n° 4, 2001, p. 657-679 ; J. Igoe et D. Brockington, « Neoliberal Conservation: A Brief Introduction », Conservation and Society, vol. 5, n° 4, 2007, p. 432-449.
  • [3]
    J.-F. Médard, « L’État néo-patrimonial en Afrique noire », in J.-F. Médard (dir.), États d’Afrique noire. Formations, mécanismes et crise, Paris, Karthala, 1991, p. 92-104.
  • [4]
    T. Bierschenk, « States at Work in West Africa: Sedimentation, Fragmentation and Normative Double-Binds », Working Papers, n° 113, Mayence, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, 2010 ; T. Bierschenk et J.-P. Olivier de Sardan (dir.), States at Work: Dynamics of African Bureaucracies, Leiden, Brill, 2014, p. 440 ; G. Blundo, « Le roi n’est pas un parent. Les multiples redevabilités au sein de l’État postcolonial en Afrique », in P. Haag et C. Lemieux (dir.), Faire des sciences sociales. Critiquer, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, p. 59-86.
  • [5]
    J. Beek, Producing Stateness: Police Work in Ghana, Leiden, Brill, 2016 ; J. Beek, « Étiqueter les “déviants” : le travail des policiers au Nord-Ghana », Déviance et société, vol. 34, n° 2, 2010, p. 279-290.
  • [6]
    T. Cantens, « Être chef dans les douanes camerounaises, entre idéal type, titular chief et big katika », Afrique contemporaine, n° 230, 2009, p. 83-100.
  • [7]
    M. Göpfert, « Security in Niamey: An Anthropological Perspective on Policing and an act of Terrorism in Niger », The Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, 2012, p. 53-74.
  • [8]
    G. Blundo, « Les Eaux et Forêts sénégalais entre participation et militarisation. Ethnographie d’une réforme », Anthropologie & développement, n° 37-38-39, 2014, p. 185-223 ; R. N. Diallo, Politiques de la nature et nature de l’État : (re)déploiement de la souveraineté de l’État et action publique transnationale au Mozambique, Thèse de doctorat, Bordeaux, Université Bordeaux 4, 2013 ; M. Ece, Conserving Nature, Transforming Authority: Eviction and Development at the Margins of the State. The Niokolo-Koba National Park, Senegal, Thèse de doctorat en anthropologie, New York, City University of New York, 2012 ; J. Poppe, « The Power of the Uniform: Paramilitary Foresters and Rangers at the W Park, Burkina Faso », Sociologus, vol 63, n° 1-2, 2013, p. 11-36.
  • [9]
    G. Favarel-Garrigues et L. Gayer, « Violer la loi pour maintenir l’ordre. Le vigilantisme en débat », Politix, n° 115, 2016, p. 7-33.
  • [10]
    J. Comaroff et J. L. Comaroff (dir.), Law and Disorder in the Postcolony, Chicago, The University of Chicago Press, 2006 ; D. M. Goldstein, « Flexible Justice: Neoliberal Violence and “Self-Help” Security in Bolivia », Critique of Anthropology, vol. 25, n° 4, 2005, p. 389-411
  • [11]
    L. Fourchard, « État de littérature. Le vigilantisme contemporain. Violence et légitimité d’une activité policière bon marché », Critique internationale, n° 78, 2018, p. 169-186.
  • [12]
    D. Pratten et A. Sen, « Global Vigilantes: Perspectives on Justice and Violence: An Introduction », in D. Pratten et A. Sen (dir.), Global Vigilantes: Perspectives on Justice and Violence, Londres, Hurst, 2007, p. 1-21.
  • [13]
    C. Lund, « Twilight Institutions: Public Authority and Local Politics in Africa », Development and Change, vol. 37, n° 4, 2006, p. 685-705.
  • [14]
    Cette expression est proposée par Christian Lund.
  • [15]
    T. Bierschenk et J.-P. Olivier de Sardan, « ECRIS : Enquête Collective Rapide d’Identification des conflits et des groupes Stratégiques » [en ligne], Bulletin de l’Apad, n° 7, 1994, <https://journals.openedition.org/apad/2173>, consulté le 20 juin 2023.
  • [16]
    M. Gluckman, Custom and Conflict in Africa, Londres, Basil Blackwell, 1955.
  • [17]
    S.-C. Chakour et T. Dahou, « Gouverner une AMP, une affaire publique ? Exemples sud-méditerranéens » [en ligne], VertigO, hors série n° 6, 2009, <http://vertigo.revues.org/index9156.html>, consulté le 10 décembre 2013.
  • [18]
    G. Blundo, « “Je n’ai pas besoin de ticket” : négociations des droits de marché et petite corruption dans les collectivités locales sénégalaises », in C. Fay, Y. F. Koné et C. Quiminal (dir.), Décentralisation et pouvoirs en Afrique. En contrepoint, modèles territoriaux français, Marseille, IRD éditions, 2006, p. 323-342.
  • [19]
    Les neuf domaines de compétences transférés sont : environnement et gestion des ressources naturelles ; santé, population et action sociale ; jeunesse, sports et loisirs ; culture ; éducation, alphabétisation, promotion des langues nationales et formation professionnelle ; planification ; aménagement du territoire ; urbanisme et habitat ; assainissement. Depuis 2013, avec l’acte III de la décentralisation, cinq autres domaines ont été ajoutés : l’agriculture ; l’élevage et la production animale ; la pêche ; le tourisme ; l’hydraulique.
  • [20]
    V. Gomez-Temesio, L’État sourcier : anthropologie politique de l’hydraulique rurale au Sénégal, Thèse de doctorat, Paris, EHESS, 2014.
  • [21]
    C. Ségalini, « Les agents des parcs nationaux au Sénégal : soldats de la participation ? », Politique africaine, n° 128, 2012, p. 101-119.
  • [22]
    L’association est connue pour ses reboisements massifs de mangroves en Casamance et dans le delta du Saloum.
  • [23]
    Naru Hëlëk est une expression wolof qui signifie « la part de demain ».
  • [24]
    La commune rurale de Toubacouta est située dans la région de Fatick, dans l’Ouest du Sénégal.
  • [25]
    D’origine mandingue, un bolong désigne un chenal d’eau salée, caractéristique des zones côtières proches des estuaires du Sénégal ou de la Gambie. Il est généralement bordé de mangroves à palétuviers et abrite une faune halieutique et une flore diversifiée.
  • [26]
    T. Dahou et A. Wedoud Ould Cheikh, « L’autochtonie dans les aires marines protégées. Terrain de conflit en Mauritanie et au Sénégal », Politique africaine, n° 108, 2007, p. 173-190.
  • [27]
    M.-C. Cormier Salem, « De la conservation à la concertation. Quelles AMP pour quelle gouvernance territoriale au Sénégal ? », in M. Bonnin, R. Laë et M. Behnassi (dir.), Les aires marines protégées ouest-africaines. Défis scientifiques et enjeux sociétaux, Marseille, IRD éditions, 2015, p. 97-116.
  • [28]
    G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, « La corruption quotidienne en Afrique de l’Ouest », Politique africaine, n° 83, 2001, p. 8-37.
  • [29]
    J. Poppe, « Conservation’s Ambiguities: Rangers on the Periphery of the W Park, Burkina Faso », Conservation and Society, vol. 10, n° 4, 2012, p. 330-343.
  • [30]
    M. Ece, Conserving Nature, Transforming Authority…, op. cit.
  • [31]
    C. Ségalini, « Les agents des parcs nationaux au Sénégal… », art. cité, p. 107.
  • [32]
    Entretien avec Demba, éco-garde, Diaoulé, 15 février 2015.
  • [33]
    Le « montage » est la surveillance à partir d’un lieu d’observation propice. Il dure 48 heures.
  • [34]
    Le mirador est un poste d’observation, une construction en hauteur à partir de laquelle les éco-gardes peuvent avoir une vue dégagée sur le bolong de Bamboung.
  • [35]
    1 euro équivaut à 655 francs CFA et 2 000 francs CFA correspondent à 3,05 euros. Il faut noter qu’à cette période le Smic moyen au Sénégal était de 55 000 francs CFA, environ 84 euros.
  • [36]
    G. Sodikoff, « The Low-Wage Conservationist: Biodiversity and Perversities of Value in Madagascar », American Anthropologist, vol. 111, n° 4, 2009, p. 443-455.
  • [37]
    J. Poppe, « Conservation’s Ambiguities… », art. cité, p. 333.
  • [38]
    G. Blundo, « Négocier l’État au quotidien : agents d’affaires, courtiers et rabatteurs dans les interstices de l’administration sénégalaise », Autrepart, n° 20, 2001, p. 75-90.
  • [39]
    Extrait du règlement intérieur, article 18.
  • [40]
    Entretien avec Diouma, éco-garde, Ngouloul, 5 septembre 2014.
  • [41]
    Entretien avec Mamadou, éco-garde, Thioupane, 10 mars 2015.
  • [42]
    G. Favarel-Garrigues et L. Gayer, « Violer la loi pour maintenir l’ordre… », art. cité, p. 11.
  • [43]
    Entretien avec Famara, éco-garde, Niamel, 12 août 2014.
  • [44]
    T. Dahou et A. Wedoud Ould Cheikh, « L’autochtonie dans les Aires marines protégées… », art. cité.
  • [45]
    Entretien avec Badou, surveillant depuis la création de l’AMP, Ngouloul, 14 septembre 2014.
  • [46]
    Il s’agit ici de gens qui sont protégés mystiquement par des gris-gris, des bains rituels et autres prières. Ils sont considérés comme des intouchables et quiconque s’attaque à eux risque de faire face à un danger.
  • [47]
    M. Göpfert et J. Beek, « Police Violence in West Africa: Perpetrators’ and Ethnographers’ Dilemmas », Ethnography, vol. 14, n° 4, 2013, p. 477-500.
  • [48]
    M. Debos et J. Glasman, « Politique des corps habillés. État, pouvoir et métiers de l’ordre en Afrique », Politique africaine, n° 128, 2012, p. 5-23.
  • [49]
    M. Diallo, Au cœur de la nature et de l’État : une ethnographie de la cogestion de l’Aire marine protégée du Bamboung au Sénégal, Thèse de doctorat, Paris, EHESS, 2019.
  • [50]
    Entretien avec le conservateur de l’AMP, Diaoulé, 3 septembre 2014.
  • [51]
    G. Blundo, « Les Eaux et Forêts sénégalais… », art. cité.
  • [52]
    Entretien avec Samba, éco-garde, Niamel, 30 août 201
  • [53]
    Le RENOV’Parc est le Réseau national des organisations des volontaires des parcs et réserves du Sénégal. Il a été créé en 1998 dans le Parc national des oiseaux de Djoudj, situé dans le Nord du Sénégal.
  • [54]
    J.-P. Olivier de Sardan, « La sage-femme et le douanier. Cultures professionnelles locales et culture bureaucratique privatisée en Afrique de l’Ouest », Autrepart, n° 20, 2001, p. 61-73.
  • [55]
    C. Lund, « Twilight Institutions: An Introduction », Development and Change, vol. 37, n° 4, 2006, p. 673-684.

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