Couverture de POLAF_150

Article de revue

« Gouvernement perpétuel » et démocratisation janusienne au Cameroun (1990-2018)

Pages 97 à 114

Notes

  • [1]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel en Afrique centrale : le temps politique présidentialiste entre autoritarisme et parlementarisme dans la Cemac », Enjeux, n° 19, 2004, p. 9-14.
  • [2]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun : “un vote de cœur, de sang et de raison” », Politique africaine, n° 69, 1998, p. 40-52 ; M. Weber, Economy and Society, vol. 3, New York, Bedminster Press, 1968.
  • [3]
    N. Elias, La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1976.
  • [4]
    M. É. Owona Nguini, La sociogénèse de l’ordre politique au Cameroun entre autoritarisme et démocratie (1978-1996) : les régimes politiques et économiques de l’État au gré des conjonctures et des configurations socio-historiques, Thèse de doctorat en science politique, Bordeaux, Institut d’études politiques de Bordeaux (Sciences Po)/Centre d’étude d’Afrique noire, 1997.
  • [5]
    Le concept de « transformismo » comme celui de révolution passive sont des concepts d’Antonio Gramsci repris par Bayart, voir J.-F. Bayart, L’État en Afrique, Paris, Fayard, 1989.
  • [6]
    M. Foucault, Dits et écrits, Paris, Gallimard, 1994.
  • [7]
    J.-F. Médard, « L’État sous-développé en Afrique noire : clientélisme politique ou néopatrimonialisme ? », Travaux et documents, n° 1, Bordeaux, CEAN, 1982 ; J.-F. Médard (dir.), États d’Afrique noire : formation, mécanisme et crises, Paris, Karthala, 1991, p. 323-352.
  • [8]
    J.-F. Bayart, L’État en Afrique, op. cit., voir aussi R. Fatton, The Making of a Liberal Democracy : Senegal’s Passive Revolution, 1975-1985, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 1987.
  • [9]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun… », art. cité, p. 40.
  • [10]
    À propos de cette démarche en termes de sociogenèse, qui met en lumière la formation et la construction sociales et historiques de l’État, voir N. Elias, La dynamique de l’Occident, op. cit., p. 262 (sur l’étude sociogénétique) et M. É. Owona Nguini, La sociogénèse de l’ordre politique au Cameroun…, op. cit. La démarche en termes de « sociogenèse » recoupe le « structuralisme génétique » dans son acceptation bourdieusienne qui lie « sociologie critique » et « sociogenèse », voir P. Bourdieu, Sur l’État, Paris, Seuil/Raisons d’agir, 2012, p. 146 et 183.
  • [11]
    Sur la dialectique entre continuité politique et discontinuité politique qui souligne le caractère hybride du changement politique au Cameroun, voir P. Bigombe Logo et H.-L. Menthong, « Crise de légitimité et évidence de la continuité politique », Politique africaine, n° 62, 1996, p. 15-23.
  • [12]
    M. É. Owona Nguini, « La gouverne politique et institutionnelle du Cameroun à l’épreuve de la démocratie pluraliste : de la démocratisation-janus », Enjeux, n° 52, 2017, p. 10-17.
  • [13]
    Ibid., p. 12. Ce concept est inspiré de celui de « constitution janus » envisagé par J. Owona dans « L’essor du constitutionnalisme rédhibitoire en Afrique noire : étude de quelques “constitutions janus” », in Mélanges offerts à P. F. Gonidec. L’État moderne : horizon 2000, Paris, LGDJ, 1985, p. 235-243.
  • [14]
    En évoquant la figure d’Amina, il s’agit de souligner la manière dont l’ordre politique camerounais, dominé par le président Paul Biya, se travestit pour faire passer des structures politiques autocratiques pour celles d’une démocratie, voir M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique et de la démocratie au Cameroun : des dynamiques en lien avec les luttes sociales autour du changement polyarchique », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique subsaharienne : regards croisés sur le Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 41-66.
  • [15]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun… », art. cité, p. 40.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    M. Kamto, « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in G. Conac (dir.), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, p. 209-236.
  • [18]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel… », art. cité, p. 11.
  • [19]
    L. Sindjoun et M. É. Owona Nguini, « Politisation du droit et juridicisation de la politique : l’esprit sociopolitique du droit de la transition démocratique au Cameroun », in D. Darbon et J. du Bois de Gaudusson (dir.), La création du droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 217-245.
  • [20]
    P. Bigombe Logo et H.-L. Menthong, « Crise de légitimité et évidence… », art. cité, p. 19.
  • [21]
    R. Joseph, « Le renouvellement politique en Afrique subsaharienne : un défi pour les années 1990 », Afrique 2000, n° 3, 1990, p. 45-53.
  • [22]
    J. R Abessolo Nguema, « Les droits politiques africains en question : du “mimétisme” au “renouveau” ! L’expérience des révisions constitutionnelles de 1996 et de 2008 au Cameroun », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique…, op. cit., p. 137.
  • [23]
    Sur la position d’opérateur historique profitant de l’ancien parti unique/officiel, le RDPC dirigé par Paul Biya, voir M.M. É. Owona Nguini, « La politique et l’opposition politique au Cameroun : une socio-analyse d’une relation complexe », in F. Eboussi Boulaga, J.-B. Talla, C. Abé et M. É. Owona Nguini, Repenser et reconstruire l’opposition camerounaise, Yaoundé, Éditions Terroirs, 2014, p. 61-72.
  • [24]
    R. Michels, Les partis politiques, Paris, Champs-Flammarion, 1971.
  • [25]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel en Afrique centrale… », art. cité, p. 11.
  • [26]
    P. Bigombe Logo et H.-L. Menthong, « Crise de légitimité et évidence… », art. cité, p. 20.
  • [27]
    Le trinôme Biya-Renouveau national-RDPC a toujours disposé de majorités présidentielle ou parlementaire obèses pour asseoir son hégémonie.
  • [28]
    J. R Abessolo Nguema, « Les droits politiques africains… », art. cité, p. 147.
  • [29]
    H.-L. Menthong, « Mutation politique et champ scolaire : l’école aux politiciens », in L. Sindjoun (dir.), La révolution passive au Cameroun, Dakar, Codesria, 1999, p. 51.
  • [30]
    J.-M. Zambo Belinga, « Quête de notabilité sociale, rémanence autoritaire et démocratisation au Cameroun », Cahiers d’études africaines, n° 171, 2003, p. 573.
  • [31]
    E. Yenshu Vubo, Inventer un nouvel espace public en Afrique : le défi de la diversité ethnique, Paris, L’Harmattan, 2011.
  • [32]
    C. Abé, « Espace public et recompositions de la pratique politique au Cameroun », Polis : revue camerounaise de science politique, vol. 13, n° 1-2, 2006, p. 29-56.
  • [33]
    J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations à la faim de manifester : revendications publiques, rémanence autoritaire et procès de la démocratie au Cameroun », Politique africaine, n° 146, 2017, p. 73-96.
  • [34]
    M.-E. Pommerolle, « Routines autoritaires et innovations militantes. Le cas d’un mouvement étudiant au Cameroun », Politique africaine, n° 108, 2007, p. 155-172.
  • [35]
    Sur la répression symbolique du forum citoyen La grande palabre impliquant des intellectuels et des universitaires réputés critiques comme Fabien Eboussi Boulaga, Claude Abé, Alawadi Zelao ou Mathias Éric Owona Nguini, voir C. Morillas, « Débattre politique pour construire l’espace public et renforcer la culture critique : la question des “interdictions illégales” de La Grande Palabre », 2016, <https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01473618>, consulté le 12 septembre 2018.
  • [36]
    J.-F. Bayart, « France-Afrique : la fin du pacte colonial », Politique africaine, n° 39, 1990, p. 47-53 ; « La démocratie à l’épreuve de la tradition en Afrique subsaharienne », Pouvoirs, n° 129, 2009, p. 34-36.
  • [37]
    J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations… », art. cité, p. 84.
  • [38]
    L’association camerounaise Dynamique citoyenne était associée, pour cette initiative « Tourner la page » consacrée à la construction de l’alternance démocratique dans de nombreux pays africains, à d’autres activistes de pays africains, comme ceux de Balai citoyen au Burkina Faso et de Y’en a marre au Sénégal.
  • [39]
    M. É. Owona Nguini, « La politique et l’opposition politique au Cameroun… », art. cité, p. 65.
  • [40]
    H.-L. Menthong, « La question locale dans le débat constitutionnel au Cameroun : chassé-croisé entre unité et pluralisme », Africa Development, vol. 23, n° 1, 1998, p. 5-40.
  • [41]
    M. Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1992, p. 110.
  • [42]
    Il apparaît clairement que le RDPC, qui disposait d’une emprise claire sur les municipalités situées dans les régions de l’Ouest et de l’Adamaoua, a manœuvré pour favoriser les candidats du SDF aux élections sénatoriales dans ces régions.
  • [43]
    J.-B. Talla, G.-H. Ngnépi et M. É. Owona Nguini (dir.), Société civile et engagement politique au Cameroun, Yaoundé, Éditions Samory/La grande palabre, 2015.
  • [44]
    F. G. Bailey, Les règles du jeu politique, Paris, PUF, 1971.
  • [45]
    J.-F. Bayart, « Conclusion », in P. Geschiere et P. Konings (dir.), Itinéraires d’accumulation au Cameroun, Paris, Karthala, 1993, p. 335-344.
  • [46]
    M. Weber, Economy and Society, op. cit., p. 1125.
  • [47]
    M. É. Owona Nguini, « Le rapport des groupes d’opposition aux institutions politiques de l’État camerounais : un analyseur de la crédibilité de la démocratie comme political process souverain », in F. Eboussi Boulaga et al. (dir.), Repenser et reconstruire l’opposition…, op. cit, p. 107.
  • [48]
    M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique… », art. cité, p. 64.
  • [49]
    F. G. Bailey, Les règles du jeu politique, op. cit.
  • [50]
    A. Mbembe, « Crise de légitimité, restauration autoritaire et déliquescence de l’État », in P. Geschiere et P. Konings (dir.), Itinéraires d’accumulation…, op. cit., p. 370.
  • [51]
    La Conférence tripartite s’est imposée en lieu et place de la Conférence nationale souveraine comme « solution institutionnelle » permettant de dénouer la crise politique camerounaise entre janvier et octobre 1991. Sur ce concept, voir M. Dobry, Sociologie des crises politiques, op. cit., p. 211.
  • [52]
    Sur la « violence symbolique légitime » comme « concentration des ressources symboliques » opérée à travers la constitution du pouvoir étatique et structuré comme « monopole », voir P. Bourdieu, Sur l’État, op. cit., p. 111.
  • [53]
    Le trinôme dominant et dirigeant Biya-Renouveau national-RDPC s’appuie souvent sur le commandement territorial pour user de la législation et de la réglementation sur les réunions et les manifestations publiques qui ont été réformées lors de la session législative de novembre-décembre 1990, ceci afin de verrouiller l’espace de la mobilisation politique par des interdictions illégales de réunions et de manifestations.
  • [54]
    N. S. Ndock, « Vers une nouvelle civilité électorale au Cameroun ? », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique…, op. cit., p. 155 et 159.
  • [55]
    À propos de l’État comme « rapport de domination exercé par les hommes sur d’autres hommes et appuyé sur le moyen de la violence physique légitime », voir M. Weber, Le savant et la politique, Paris, La Découverte, 2003, p. 119.
  • [56]
    Lors de la conjoncture critique allant de janvier à octobre 1991, le bloc gouvernant dirigé par Paul Biya a dû recourir à la mise en place de commandements opérationnels pour briser la spirale contestataire liée à la revendication manifestante et quasi insurrectionnelle d’une Conférence nationale souveraine.
  • [57]
    J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations… », art. cité, p. 75.
  • [58]
    Lors de son discours du 28 février 2008 prononcé au cours de la crise émeutière, le président Paul Biya a adopté une posture de fermeté coercitive, en stigmatisant les « apprentis sorciers » qui auraient conduit à une escalade politique dans cette conjoncture critique.
  • [59]
    Y.-A. Chouala, « Conjoncture sécuritaire, champ étatique et ordre politique au Cameroun : éléments d’analyse anthropo-politiste d’une crise de l’encadrement sécuritaire et d’un encadrement sécuritaire de crise », Polis : revue camerounaise de science politique, vol. 8, n° spécial, 2001.
  • [60]
    Voir N. Elias, La dynamique de l’Occident, op. cit., p. 106.
  • [61]
    Le « up-high » (expression en pidgin-english) et le « sissia » (expression en langue mboo du Moungo dans la région du Littoral) sont deux formes symboliques qui renvoient à une culture camerounaise de la chicotte. Voir M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique… », art. cité, p. 56.
  • [62]
    Cette déclaration a été faite le 4 juillet 2015.
  • [63]
    M. É. Owona Nguini, « La construction et déconstruction de la paix et de la guerre en Afrique subsaharienne : entre présidence perpétuelle, centralismes principautaires et cultures de la démocratie », African Prospective/Prospective africaine, n° 2, 2008, p. 64-78.
  • [64]
    M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique… », art. cité, p. 64.
  • [65]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel… », art. cité, p. 12.
  • [66]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun… », art. cité, p. 40.
  • [67]
    M. Gazibo et C. Thiriot, « Le politique en Afrique dans la longue durée : historicité et héritages », in M. Gazibo et C. Thiriot (dir.), Le politique en Afrique, Paris, Karthala, 2009, p. 31.
  • [68]
    J.-B. Talla et al. (dir.), Société civile et engagement politique…, op.cit., p. 169.
  • [69]
    J. Onana, « Le changement politique dans l’analyse politique africaniste : objets, modes et modalités d’objectivation », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique…, op. cit., p. 25.

1L’État camerounais est engagé depuis 1990 dans une dynamique de démocratisation ambivalente. Cette dynamique est biaisée et inachevée du fait de sa capture par le régime du Renouveau conduit par le président Paul Biya – au pouvoir depuis novembre 1982. La démocratisation a été phagocytée par ce que nous appelons le « gouvernement perpétuel [1] », c’est-à-dire un gouvernement à durée illimitée. Le système de gouvernement conduit par Paul Biya en tant que leader présidentiel est parvenu à éviter le risque inhérent au processus de démocratisation d’une alternance au pouvoir par la voie d’élections loyales, libres et compétitives. Le régime a pu jusqu’ici imposer un tempo politique fondé sur sa capacité à garder le contrôle sur les commandes centrales de l’État. Il a développé un art de la survie gouvernante à travers lequel il confine les formes de la démocratisation au régime peu compétitif de la « démocratisation passive [2] » comme cas limite de transition démocratique hypothéquée par des persistances autoritaires. Contrairement aux attentes de nombreuses personnes, le régime du Renouveau conduit par le président Biya est parvenu à résister aux pressions visant à lui imposer un dispositif de transition démocratique dont il n’aurait pas le contrôle, s’arcboutant devant l’exigence d’une Conférence nationale souveraine portée par le mouvement social qui avait organisé les opérations dites des « villes mortes » et du « Cameroun mort » entre avril et octobre 1991. Il est parvenu à neutraliser les potentialités concurrentielles des différentes entreprises politiques d’opposition et à dominer celles-ci lors de différents processus électoraux (1992, 1997, 2004, 2011 et 2013).

2En dépit de mobilisations collectives fortes (janvier-octobre 1991, février 2008 et octobre 2016-février 2018) contestant son emprise sur le pouvoir central camerounais, Paul Biya a conservé les commandes de la formation sociale et étatique camerounaise. Ce contrôle bénéficiant au « leader central [3] » a perduré en dépit de la constitution d’unités concurrentes déterminées à exploiter la dynamique de démocratisation pour l’évincer du pouvoir. La trajectoire historique de la démocratisation camerounaise entre les années 1990 et 2010 n’a pas permis à une alternance pacifique d’émerger par la voie des urnes, de manière à assurer la démonopolisation des « régimes politiques et économiques de l’État [4] » et à renforcer les bases sociales et culturelles de l’État de droit. Un tel état de choses prévalant aux plans politico-institutionnel et socio-politique souligne la capacité qu’a développée la coalition dirigeante de se cramponner au pouvoir, avec l’appui du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais (RDPC) en tant qu’appareil politique. En procédant de la sorte, celle-ci a dévié de la trajectoire historique souhaitable de la démocratisation de l’État et de la société au Cameroun pour en faire une configuration tropicalisée et africanisée relevant du « transformismo[5] », c’est-à-dire d’un changement politique contraint dans ses possibilités libérales et démocratiques. Le groupe gouvernant est parvenu à mettre en place une cosmétique politique et institutionnelle aux allures démocratiques visant à dissimuler sa coloration disciplinaire et autoritaire.

3Avant même toute analyse de fond, il apparaît que le régime du Renouveau national et son leader Paul Biya ont eu recours à des « technologies de pouvoir [6] » permettant de différer l’arrivée d’une alternance démocratique et la consolidation du système polyarchique de droit et de l’espace public, qui auraient pu mettre en question leur présence au pouvoir. Pour ce faire, les acteurs institutionnels et gouvernants associés au régime ont exploité les structures et les formes politiques relevant des expressions locales de « l’État néo-patrimonial [7] » en Afrique. Dans un tel ordre, ce sont les formes structurelles et culturelles de la « révolution passive [8] » qui se sont imposées, facilitant et favorisant les démarches politiques permettant d’anesthésier la démocratisation, avec en vue d’évidents calculs de reproduction étatiste et monopoliste du pouvoir.

4La question centrale que pose cet article est la suivante : comment la démocratisation camerounaise a-t-elle pu être capturée au point d’empêcher la transformation du pays en État parlementaire ? Pour y répondre, nous formulons l’hypothèse que cette « capture » est le résultat de la capacité endurante et persistante du système politique et gouvernant à en canaliser les formes institutionnelles et normatives, transactionnelles et rétributives, ainsi que coercitives et contraignantes. Pour ce faire, il s’est appuyé sur les structures et les procédures du gouvernement perpétuel, réduisant le processus de réformes à une démocratisation profondément ambivalente. Pour rendre compte de la capture de la démocratisation camerounaise entre les années 1990 et 2010, cet article s’interroge sur les stratégies et les tactiques visant à contrôler ses ressources politiques, en les appréhendant comme des actions s’inscrivant dans le registre de la « démocratisation passive [9] ».

5L’analyse proposée, qui dévoile les ressorts de la capture de la démocratisation camerounaise par une étatisation (néo)-monopoliste et post-monopoliste de facture autoritaire, relève d’une démarche en termes de « sociogenèse [10] » et de sociologie critique. Une telle analyse exige de prendre en compte le fait qu’il existe une dialectique entre « continuité politique » et « discontinuité politique [11] ». En effet, l’étude de la trajectoire de capture de la démocratisation au Cameroun permet d’esquisser les traits d’une « démocratisation Janus [12] », c’est-à-dire d’une « démocratisation biface qui oscille entre pluralisme et autoritarisme comme il y a existé des “constitutions Janus” [13] » contenant à la fois des règles autoritaires et des règles libérales. Le système institutionnel et politique camerounais prend l’allure d’« une démocratie pastichée et simulée » mais également celle d’« une autocratie déguisée et dissimulée », que l’on pourrait qualifier de « syndrome d’Amina [14] » du nom d’un travesti célèbre dans les rues de Yaoundé dans les années 1970 et qui évoque la nature double ou duale de la démocratie camerounaise.

La canalisation des sphères substantielles et communicationnelles par le gouvernement perpétuel

6Marquée par la « fin du monopole politique » entre les années 1990 et 2010, la démocratisation camerounaise n’en révèle pas moins une « dimension autoritaire [15] ». Cette dualité incite à analyser les configurations substantielles (ressources normatives et institutionnelles) et communicationnelles (ressources expressives et rétributives) mobilisées lors la construction de la « libéralisation politique [16] ». La sphère institutionnelle et normative – relevant du droit politique – et la sphère expressive et persuasive – ressortissant à la communication politique – vont voir leurs potentialités libérales et démocratiques freinées par la persistance de logiques et de pratiques ayant partie liée avec la « démocratisation autoritaire [17] ». Entre 1990 et 2010, la démocratisation camerounaise a ainsi vu ses ressources politiques institutionnelles et normatives apprivoisées du fait de l’exercice prégnant du « gouvernement sempiternel [18] ».

La pérennisation relativisée des ressources institutionnelles et normatives

7La démocratisation camerounaise, même modelée par les calculs d’éternisation gouvernante du régime du Renouveau national et du président Biya, a donné lieu, surtout entre 1990 et 1993, à un « droit de la transition démocratique [19] ». C’est à travers ce droit que sont consacrées et aménagées les normes et les institutions de la démocratisation camerounaise, permettant l’adoption des lois sur les libertés en décembre 1990 et l’autorisation renouvelée du multipartisme à partir de janvier 1991. C’est sur la base de cette infrastructure normative et institutionnelle que s’est opéré « l’ajustement du système de domination politique [20] » à travers l’institutionnalisation de cycles politico-électoraux basés sur l’engagement concurrentiel de différentes formations politiques (mars 1992, octobre 1992, janvier 1997, mai 1997, octobre 1997, mai-juin 2002, octobre 2004, mai-juin 2007, octobre 2011, avril 2013, septembre 2013). Le système politique camerounais, jusque-là fondé sur la monopolisation de l’accès aux mobilisations électorales par le parti officiel RDPC, s’est ouvert à la compétition libérale.

8Entre les années 1990 et 2010, différentes occasions politico-institutionnelles ont ouvert des opportunités pour une « relève totale par l’élection d’un nouveau gouvernement ou d’un nouveau parti à la faveur d’un processus électoral [21] ». C’est sur le socle normatif et institutionnel qui se construit depuis les années 1990 que s’est installé un système politique faisant apparaître, aux côtés du RDPC, d’autres formations politiques telles que le Social Democratic Front (SDF) dirigé par Ni John Fru Ndi, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), d’abord conduite par Samuel Eboua, puis depuis 1991 par Maïgari Bello Bouba, ou l’Union démocratique camerounaise (UDC) dirigée depuis 1991 par Adamou Ndam Njoya. La dynamique de démocratisation ouverte sous le contrôle du régime du Renouveau national va donner lieu, compte tenu de la pression forte des groupes d’opposition et de la contestation, à une entreprise de révision constitutionnelle concrétisée avec la Constitution du 18 janvier 1996 s’inscrivant dans « un droit formellement démocratique [22] ». La démarche de mobilisation du droit à des fins de libéralisation et de démo-cratisation de l’espace politique et social camerounais a relativement desserré les contraintes normatives et institutionnelles associées à l’héritage de l’ordre politique organisé préalablement (entre 1966 et 1990) sous une forme monopoliste et autoritaire.

La pérennisation réaffirmée des ressources institutionnelles et normatives

9Les acteurs de la coalition dirigeante du Renouveau national conduite par le président Paul Biya ont toujours utilisé et mobilisé leur contrôle sur les commandes centrales du pouvoir étatique pour canaliser la constitution institutionnelle et politique d’une concurrence démocratique. Dans cette optique, les acteurs du « centre étatique », contrôlant « l’opérateur historique sur le marché politique [23] » qu’est le RDPC ainsi que les dispositifs administratifs de l’État, ont usé de cette situation et de ces mécanismes pour canaliser les cadres institutionnels et normatifs de production du droit de la transition et/ou de la consolidation démocratiques. Les acteurs centraux de la coalition dirigeante, fondée sur le trinôme dominant Biya-Renouveau national-RDPC, ont, pour rétablir un « certain degré de césarisme [24] », pulvérisé la limitation des mandats présidentiels qui avait été introduite par la constitution révisée du 18 janvier 1996 en supprimant la clause inscrite dans l’article 6, alinéa 2, à l’occasion de la révision d’avril 2008. Ce faisant, ils ont restauré les bases de la domination politique et institutionnelle présidentialiste constituée dans le cadre de l’État de parti unique. Le choix institutionnel de restaurer la non-limitation des mandats présidentiels en avril 2008, conduit par le président Biya et ses lieutenants institutionnels ou politiques, démontre leur capacité à agir dans le sens de « l’exploitation néo-autoritaire ou crypto-autoritaire du temps de la démocratisation [25] ». La maîtrise des positions étatiques centrales de pouvoir par les sociétaires du régime du Renouveau national s’est également observée au sujet du contrôle des commandes de l’État et à travers une préemption sur la codification politico-législative de l’organisation des élections entre 1992 et 2013, afin de perpétuer « la construction hégémonique de la continuité politique [26] » en dépit de la démocratisation. Ainsi, entre 2006 et 2011, les acteurs du régime ont maintenu une stricte emprise, se fondant sur leurs majorités hégémoniques répétitives à l’Assemblée nationale, sur la codification des élections en général et du régulateur électoral Elections Cameroon en particulier [27]. Le régime a abondamment utilisé « la catégorie juridico-politique progressivement mis en place » liée à l’article 67 de la constitution telle que révisée en janvier 1996 pour user et abuser de « la gestion du transitoire [28] », afin de retarder la mise en place du Sénat (entre 1996 et 2013) ou du Conseil constitutionnel (entre 1996 et 2018). En opérant de cette manière, le leader central du régime du Renouveau parvient à contrôler la maturation libérale et démocratique des institutions politiques et constitutionnelles de consensus associées à la révision constitutionnelle de janvier 1996. La stratégie institutionnelle et normative de canalisation des chances juridiques et politiques de démocratisation par le groupe gouvernant central du Renouveau permet au président Biya et aux forces sociopolitiques de son régime, de limiter la « mutation politique » pour assurer leur perpétuité au pouvoir malgré la « crise de légitimité de l’État [29] ».

10Paul Biya a usé à profusion de son pouvoir constitutionnel de nomination aux hautes fonctions civiles et militaires, notamment au niveau gouvernemental, afin d’assurer son contrôle du pouvoir central camerounais. Il a aussi tiré parti de l’« Opération épervier » menée de 2005 à 2018, une campagne institutionnelle et gouvernementale anti-corruption. Celle-ci a permis d’appréhender des barons du régime comme Marafa Hamidou Yaya, Jean-Marie Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah, Urbain Olanguena Awono ou Yves-André Fotso impliqués dans des procédures politico-judiciaires en accordéon, à savoir des procédures successives mais reliées les unes aux autres, montrant que la lutte contre la corruption va au-delà des objectifs de gouvernance pour devenir un élément de stratégies de purge ou de contrôle de la classe gouvernante.

11Cette canalisation apparaît aussi comme une canalisation communicationnelle des ressources politiques de la démocratie janusienne par la monopolisation stylisée du gouvernement (une monopolisation adoucie prenant des formes pluralistes sans perdre son noyau coercitif). C’est-à-dire que la démocratisation camerounaise verra sa crédibilité affectée dans l’organisation et l’orientation des arènes communicationnelles en tant qu’arènes politiques du fait de l’action dominante des réseaux associés à l’ordre gouvernant qui va alors révéler sa « rémanence autoritaire [30] » en canalisant le champ de l’expression politique.

La monopolisation réévaluée des ressources persuasives et expressives

12Les dynamiques de libéralisation et de démocratisation de l’ordre politique initiées au Cameroun à partir des années 1990 se sont aussi exprimées, manifestées et structurées dans les sphères politico-communicationnelles. Ces dynamiques ont ouvert des espaces expressifs et discursifs longtemps verrouillés par l’ordre politique monopoliste lié à l’État de parti unique, ceci jusqu’à l’émergence, à partir des années 1990, d’une libéralisation de la communication sociale contribuant à « inventer un nouvel espace public [31] ». L’« espace public » camerounais s’est densifié de manière significative entre les années 1990 et 2010, à travers la création et le développement de nombreuses entreprises de communication, instituant sans conteste des éléments organisationnels et structurels autant qu’idéologiques et symboliques attestant d’un certain pluralisme. Ainsi, depuis le début des années 2000, les acteurs du pouvoir central ont dû faire face à un renforcement de ce pluralisme communicationnel conduisant à une « recomposition de la pratique politique [32] » au Cameroun.

13La prolifération des médias radiophoniques (Satellite FM, Magic FM, Équinoxe FM, Royal FM, Soleil FM, Radio Tiemeni Siantou) et télévisuels (Canal 2, Spectrum Television, DBS Television, Vision 4, Radio-Télévision Lumière, LTM Television) est venue s’ajouter à la floraison de titres de la presse écrite initiée dans les années 1990 (Challenge Hebdo, Nouvelle Expression, Dikalo, Galaxie, Le Front Indépendant, Cameroon Post, Eden, The Chronicle) et qui s’est poursuivie dans les années 2000 et 2010 (La Météo, L’Anecdote, Nouvelle Presse, Repères, etc.). Cela a facilité l’installation d’une « temporalité politique délibérative [33] » exposant les tenants du pouvoir central, encore marqués par un ethos monopoliste et unanimiste, à une mise en question de leurs options et orientations gouvernantes par un usage critique des ressources expressives et discursives procurées par la démocratisation.

La monopolisation réitérée des ressources persuasives et expressives

14La construction de registres communicationnels relevant de la liberté d’expression dans l’ordre social et politique camerounais, quoiqu’effective, n’en rencontre pas moins des dynamiques de résistance. Celles-ci montrent comment les ressources politiques discursives, qui ont fondé l’institutionnalisation d’un espace public caractérisé par la libéralisation et/ou la démocratisation de l’expression publique et politique au Cameroun, sont confrontées à la reproduction de « routines autoritaires [34] » pouvant peser sur l’exercice des libertés d’expression et de communication. On peut voir à l’œuvre de telles routines autoritaires et censitaires dans la manière dont le centre étatique rationne l’attribution des licences autorisant les entreprises de communication audiovisuelle à émettre, préférant réguler leur capacité d’interpellation critique du système gouvernant en les confinant à la tolérance administrative et en faisant en sorte que les propriétaires des télévisions privées, comme Canal 2, Vision 4, Spectrum Télévision 1 et 2, Équinoxe TV ou DBS, soient tous des personnalités apparentées au RDPC. Les acteurs du pouvoir central usent de leur position pour canaliser sur le mode de la censure les formes associatives correspondant à la « culture critique » comme le forum La grande palabre (LGP) animé par le journaliste indépendant Jean Bosco Talla et des « intellectuels critiques du régime » dont les tenants du pouvoir n’apprécient pas les orientations en termes de « discussion publique et critique de problèmes sociopolitiques tels qu’ils s’incarnent au Cameroun [35] ». Depuis 2012, « La grande palabre » est mise en veilleuse du fait d’un contentieux avec le ministère de l’Administration territoriale. Les acteurs gouvernants s’appuient sur les responsables du commandement territorial (gouverneurs, préfets et sous-préfets) pour multiplier les interdictions de réunions ou de manifestations politiques, agissant ainsi dans une logique de « restauration autoritaire [36] ». Il s’agit pour le régime de s’appuyer sur l’administration territoriale pour freiner les capacités anti-système de mobilisation citoyenne. La logique de neutralisation du dynamisme mobilisateur des groupes contestataires et protestataires au Cameroun conduit les autorités politiques et administratives à « jeter l’opprobre sur les manifestations qui mettent en cause le régime [37] ». C’est ainsi que le sous-préfet de Yaoundé II a interdit la tenue d’une réunion publique en septembre 2015 organisée par l’association Dynamique citoyenne, dirigée par l’activiste et syndicaliste Jean Marc Bikoko, à l’occasion de la célébration de la « journée africaine de la démocratie », parce que ce militant de la société civile critique entendait profiter de cette occasion pour lancer au Cameroun la campagne Tourner la page, vue d’un mauvais œil par les autorités [38].

La normalisation des sphères procédurales et structurelles par le pouvoir perpétuel

15La détermination du régime du Renouveau national à pérenniser le pouvoir central contrôlé par le président Biya s’observe à travers sa capacité à procéder au confinement de « la politique d’opposition » et de la mobilisation contestataire dans un schéma d’« insertion décorative dans la concurrence pluraliste [39] ». La mobilisation des ressources politiques gouvernantes s’organise dans l’optique de restreindre et de réduire la démocratisation camerounaise dans les arènes politiques rétributives et transactionnelles ou coercitives et contraignantes.

16Cette normalisation consiste d’abord en une normalisation procédurale des ressources politiques de la démocratie janusienne après la perpétuation rusée du pouvoir. Il est question ici de montrer comment le président Paul Biya et les sociétaires de sa formation dirigeante articulée autour du régime du Renouveau national et du RDPC entendent tirer profit du contrôle politique et institutionnel des moyens du « centralisme étatique » pour relativiser les effets de « la reconfiguration de l’État-nation [40] » par la démocratisation au Cameroun.

La pérennisation relaxée des ressources rétributives et transactionnelle

17Les tenants du pouvoir usent de subtilité politique pour domestiquer les cadres opérationnels et pragmatiques de la démocratisation. Appuyé par la machinerie politique monopolisatrice du parti présidentiel (le RDPC), Paul Biya agit aussi habilement pour enserrer les leaders et les cadres des formations co-gouvernementales ou extra-gouvernementales dans ces « transactions collusives [41] » permettant de les coopter avec des visées rétributives dans les positions de pouvoir au sein des enceintes parlementaires (à l’Assemblée nationale, puis depuis avril-mai 2013 au Sénat). C’est dans cette perspective que le RDPC a manœuvré pour donner la possibilité au SDF de John Fru Ndi d’obtenir des postes de sénateurs dans les régions de l’Ouest ou de l’Adamaoua, où la principale formation d’opposition ne disposait pourtant pas d’une forte implantation locale suite aux élections municipales de 2007 [42]. C’est également dans cette perspective transactionnelle que, aussi bien en 2013 qu’en 2018, Paul Biya a nommé des sénateurs issus de l’UNDP (Union nationale pour la démocratie et le progrès), de l’ANDP (Alliance nationale pour la démocratie et le progrès), du FSNC (Front pour le salut national du Cameroun) ou de l’UPC (Union des populations du Cameroun) au titre de la disposition légale qui lui permet de désigner trois sénateurs dans chacune des dix régions, soit près d’un tiers des cent sénateurs. Les calculs de pérennisation gouvernante du président camerounais et de l’appareil politique du Renouveau, s’appuyant sur le RDPC, commandent aux « classes présidentialistes associées à l’ordre central étatique camerounais » d’impliquer les réseaux de l’opposition dans des interactions et transactions collusives destinées à confiner ceux-ci à un statut d’« opposition faire-valoir [43] » peu capable de mettre en question le contrôle du pouvoir central. Pour y parvenir, les tenants de l’ordre gouvernant camerounais constitué par le régime en place travaillent idéologiquement et stratégiquement à faire croire que les chefs de l’opposition, s’étant laissé séduire par les facilités du « leadership transactionnel [44] », sont incapables de développer un « leadership moral ». C’est dans cette logique qu’ils ont toujours associé les partis d’opposition à la composition des bureaux successifs de l’Assemblée nationale (1992, 1997, 2002, 2007, 2013) ou du Sénat (2013, 2018), qui constituent les formations dirigeantes de cette chambre du parlement.

La pérennisation revigorée des ressources rétributives et transactionnelles

18La stratégie politique du régime du Renouveau consiste à procéder à la combinaison dialectique de la « décompression autoritaire » et de la « restauration autoritaire ». Il s’agit d’élargir les « factions au pouvoir » en utilisant habilement la cooptation dans les cercles d’opposition comme technique de « conservation du pouvoir » et en associant d’anciens opérateurs anti-gouvernementaux à des lignes gouvernantes (légitimes ou illégitimes) d’« accumulation [45] ». L’association de personnalités de l’opposition, comme Augustin Frédéric Kodock, Paul Dakole Daissala, Ahmadou Moustapha, Issa Tchiroma Bakari et leurs obligés ou compagnons de parti, à des coalitions gouvernementales dominées de manière massive par le bloc gouvernant et dirigeant de Paul Biya n’est pas gratuite. Ce sont des techniques d’attestation de la démocratisation autoritaire et de la « démocratie hégémonique [46] » à l’abri desquelles le Renouveau national coopte des opérateurs politiques d’opposition pour limiter leur potentiel de contestation démocratique de la pérennisation au pouvoir du président Biya. Ce faisant, le bloc gouvernant camerounais travaille à freiner la capacité compétitive et concurrentielle de ces opérateurs politiques, de manière à asservir la dynamique de démocratisation aux objectifs de reproduction et de reconduction post-monopolistes de la maîtrise des institutions étatiques postcoloniales de pouvoir. Les acteurs du régime inscrivent ainsi les forces d’opposition dans une logique de « participation secondaire et marginale au pouvoir exécutif [47] ». Le groupe gouvernant a recouru à l’« apprentissage des politiques de coalition gouvernementale [48] », en associant des politiciens issus du Mouvement pour la défense de la République (MDR), de l’UPC, de l’UNDP ou du FNSC à différentes équipes gouvernementales entre avril 1992 et mars 2018. En opérant de la sorte, le Renouveau national travaille à imposer la croyance en une activité consistante et résolue de son régime pour instituer un dialogue pluraliste et démocratique avec des formations d’opposition conviées à participer au gouvernement et à bénéficier alors des avantages concessifs ou collusifs que procure le « leadership transactionnel [49] ». La dynamique transactionnelle comme élément de valorisation du pluralisme apparaît aussi dans les négociations politiques RDPC-SDF entre novembre 1997 et janvier 1998 conduites entre deux délégations, respectivement menées par Joseph-Charles Doumba (secrétaire général du parti présidentiel) et Nyoh Samuel Wakai (président de la cellule des conseillers du SDF), en vue de rechercher un apaisement politique.

19La normalisation se présente d’abord comme une normalisation structurelle de la démocratie janusienne s’exerçant à travers la reconduction feutrée du pouvoir. Ainsi, la démocratisation camerounaise qui s’est déployée entre les années 1990 et 2010 a été résorbée au moyen de stratégies politiques gouvernantes recourant, dans certaines conditions, à des formes peu mesurées de coercition relevant du registre de la « tonton-macoutisation [50] ».

La reconduction atténuée des ressources coercitives et contraignantes

20Pour domestiquer les capacités déstabilisatrices que la démocratisation pourrait engendrer pour le bloc au pouvoir, les opérateurs et acteurs du régime ont relativement desserré les cadres établis de gestion coercitive du changement politique. C’est dans cette logique, vouée à économiser le recours systémique à la répression dans le contexte critique de 1991 (entre janvier et avril), que le président Paul Biya s’est appuyé sur les acteurs les moins hostiles des groupes d’opposition et de contestation, comme Célestin Bedzigui, Louis Tobie Mbida ou Martin Nseth, pour forger la Conférence tripartite (entre le 30 octobre et le 13 novembre 1991) comme « solution institutionnelle [51] ». Les négociations qui ont imposé cet avatar de Conférence nationale souveraine ont permis d’évoluer vers une formule institutionnelle de décrispation favorisant la récession de l’utilisation de la violence et de la coercition dans l’opposition entre le mouvement social des « villes mortes » et le contre- mouvement basé sur les « commandements opérationnels ». Ces acteurs et opérateurs du bloc gouvernant camerounais ont paradoxalement usé des moyens étatiques de « violence symbolique [52] » liés au droit, pour éviter le recours à un usage actif de la coercition souveraine, comme lorsqu’en mars 2017, le pouvoir central camerounais s’est appuyé sur le gouverneur de la région du Littoral, M. Ivaha Diboua, pour contrer la volonté du bouillant député du SDF Jean-Michel Nintcheu de mobiliser à Douala sur la crise anglophone. Dans cette optique, il s’est agi de recourir aux pouvoirs administratifs d’interdiction des réunions ou manifestations publiques pour cause de mise en péril de l’ordre public, afin d’éviter une dynamique éventuelle de mobilisation de masse pouvant conduire à une répression difficile à gérer politiquement [53]. Le président Biya et les sociétaires de l’ordre gouvernant camerounais ont effectivement utilisé un art de la normalisation politico-administrative, un art de la mise en ordre et en règle en vue d’obtenir l’accoutumance des citoyens camerounais à « la forclusion de la violence politique [54] » allant dans le sens de la civilité électorale. Ainsi, après les opérations souvent politiquement heurtées (rudes et violentes) du cycle électoral de 1992 à 1997 (surtout entre mars 1992 et janvier 1996), et malgré les controverses récurrentes sur la bonne tenue des élections entre 1997 et 2013, les opérateurs politiques et institutionnels du bloc gouvernant camerounais ont tout de même réussi à réguler le jeu politique de manière à relativiser le recours à la coercition en situation électorale.

La reconduction réhabilitée des ressources coercitives et contraignantes

21Le régime au pouvoir, adossé à la bureaucratie centrale de l’État et s’appuyant sur le RDPC, a très souvent recouru aux moyens de monopolisation de la « violence physique légitime » pour assurer sa pérennité politique et institutionnelle [55]. Cela s’est dessiné dès l’installation de la démocratisation passive, quand l’ordre gouvernant camerounais – refusant la popularisation de la transition démocratique par la voie semi-insurrectionnelle de la Conférence nationale souveraine – a fermement réprimé les mobilisations d’opposition chapeautées par la Coordination nationale des partis d’opposition, occasionnant près de 400 morts [56]. Le groupe gouvernant, articulé autour des classes présidentialistes accompagnant le président Biya dans sa carrière de président perpétuel, a souvent eu recours à la « gouvernance du bâton [57] » pour préserver la base monopoliste de son pouvoir en l’immunisant contre toute remise en cause par une démocratisation compétitive. C’est dans cette logique de valorisation martiale des ressources coercitives et contraignantes que le président Paul Biya a mobilisé le système sécuritaire et militaire camerounais, en février 2008, pour briser l’évolution politico-insurrectionnelle d’une dynamique émeutière ayant saisi de nombreuses localités (Douala, Mbanga, Njombe-Penja, Bafoussam et même Yaoundé) [58]. Un tel recours à la force pour prévenir qu’une conjoncture de désordre social ne menace le contrôle politique et institutionnel central détenu par Paul Biya s’était déjà manifesté en 2001, lorsque l’appareil dirigeant camerounais avait mobilisé la technologie sécuritaire dure des commandements opérationnels. Il s’agissait alors de gérer la « crise de l’encadrement sécuritaire [59] » due à l’explosion de la criminalité à Douala. La formation étatique camerounaise, posée en « centrale de coordination » commandée par un « coordinateur suprême [60] » (le président Paul Biya), ne manque pas de recourir à l’usage normalisateur de la violence régalienne qui est mobilisée pour contrer des dynamiques insurrectionnelles et semi-insurrectionnelles de conflit, comme lors des émeutes de février 2008 ou de la crise anglophone initiée en octobre 2016. La répression du mouvement social de l’anglophonie identitaire illustre également les usages de la force et de la violence pour maintenir l’ordre social et le contrôle politique En janvier 2016, le régime en place a dissous le consortium de la société civile anglophone (une plateforme dirigée par Wilfred Tassang réunissant de nombreuses associations engagées dans la crise), puis appréhendé des leaders de ce mouvement tels que l’avocat Nkongho Agbor Balla, le magistrat Ayah Paul Abine ou l’universitaire Fontem Neba relâchés en juillet de la même année, alors que l’activiste et animateur de radio Mancho Bibixy est lui demeuré en prison. La formation gouvernante a fait valoir son contrôle étatique de la violence pour briser le banditisme armé des coupeurs de route (avec l’Opération scorpion au milieu des années 1990), grâce à l’intervention du BLI (Bataillon léger d’intervention) devenu BIR (Brigade d’intervention rapide), et mobilisé plus tard, à travers ses unités Delta et Côte, dans la lutte contre la piraterie maritime dans la baie de Biafra à partir de 2009. Les BIR seront mobilisées pour lutter contre les braconniers en provenance du Tchad, de la Centrafrique et du Soudan dans les régions septentrionales de l’Adamaoua et du Nord, puis engagées à travers l’Opération Alpha contre les djihadistes de Boko Haram à partir de 2013. Cette lutte contre Boko Haram a aussi mobilisé les forces régulières de défense et de sécurité à travers l’Opération émergence et les Forces spéciales (FS).

22Dans de telles conjonctures de crise pouvant affecter non seulement l’organisation de la souveraineté étatique mais aussi la détention des fonctions gouvernantes à des fins d’éternisation au pouvoir, les acteurs-clés du régime n’hésitent pas à faire valoir « la logique du up-high » ou du « sissia [61] » comme logique de coercition et de contrainte leur permettant de conserver le contrôle du pouvoir central camerounais, comme on l’a vu en février 2008 avec la répression ferme des émeutes contestant la perspective imminente d’une révision constitutionnelle permettant à Paul Biya de rester au pouvoir après 2011. À l’occasion de la visite officielle au Cameroun de son homologue français en juillet 2015, le président Paul Biya, réputé secret et peu disert, a bien exprimé l’horizon politique de sa pratique gouvernante : « Ne dure pas au pouvoir qui veut mais qui peut [62] ». Ces paroles révèlent comment l’exercice concret du pouvoir central étatique camerounais, tel qu’il a été configuré tout au long des mandats présidentiels de Paul Biya, a favorisé l’hameçonnage de la démocratisation par « la présidence perpétuelle [63] ». Dans un tel contexte politico-systémique, la capacité du régime à assurer la persistance du « bloc présidentialiste au pouvoir » a réussi, des années 1990 aux années 2010, à « contrer les virtualités démocratiques de rotation gouvernante [64] ». Afin de garantir la reproductibilité des stratégies politico-institutionnelles et sociopolitiques de défense de l’« inamovibilité gouvernante [65] », les acteurs du bloc hégémonique, qui détient et conserve le pouvoir central étatique camerounais depuis novembre 1982, sont prêts à entraver et à enclaver les dispositifs d’une démocratisation compétitive.

23En définitive, la formation dirigeante camerounaise combine ses ressources politiques de telle manière que les cadres normatifs et pragmatiques de la démocratisation soient canalisés et normalisés, ce qui lui permet de préserver son contrôle sur l’État. Ceci limite le fait que « la restauration du champ partisan [66] » puisse atteindre une densité compétitive permettant de faire évoluer le système gouvernant et institutionnel camerounais vers le seuil d’une alternance politique basée sur une démocratie électorale effective. Paul Biya et ses lieutenants politiques et institutionnels que sont les grands, moyens et petits barons liés au régime du Renouveau national ont ainsi inscrit prioritairement leur activité dans une perspective « d’autoperpétuation du pouvoir [67] » qui assouplit les contraintes et les exigences de rotation gouvernante associées à l’institutionnalisation de la démocratisation au Cameroun. C’est de cette façon qu’ils préservent les structures et les procédures autant que les institutions et les normes favorisant une « démocratie déguisée ou de façade » qui apparaît comme « Amina », ce travesti qui « toujours bien habillé en tenues féminines… donnait à distance l’illusion d’être une belle femme », alors que « ses traits masculins » se « précisaient clairement », révélant l’illusion liée à son « apparence féminine [68] ». On ne saurait bien saisir la démocratie janusienne que modèle le système de pouvoir perpétuel au Cameroun sans cerner son lien avec cette logique structurante de travestissement politique et institutionnel qui est exprimée à travers le syndrome d’Amina. Au final, il apparaît que le président et sa coalition dirigeante sont parvenus à éviter la rotation gouvernante par la voie de l’élection envisagée comme « technologie de production et de reproduction de l’ordre démocratique [69] » par le recours au turn-over pluraliste. Une telle logique commandée par des visées de conservation du pouvoir est aussi liée à ce que nous proposons d’appeler le « nkapitalisme » et le « katikalisme » comme formes d’une économie politique de capitalisme postcolonial et néocolonial. Ces concepts renvoient respectivement à une « configuration locale (africanisée) du capitalisme patrimonial » exprimée par le terme « nkap » (provenant des langues bamiléké et signifiant argent) et à l’action du « katika » (terme en pidgin-english qui renvoie à l’orientation paternaliste et clientéliste d’un patron courtier et rentier posé en big man) et ils expriment la démarche des élites camerounaises et africaines extraverties figurées en « élites compradores » et en « courtiers globalo-libéraux et néo-libéraux »

Notes

  • [1]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel en Afrique centrale : le temps politique présidentialiste entre autoritarisme et parlementarisme dans la Cemac », Enjeux, n° 19, 2004, p. 9-14.
  • [2]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun : “un vote de cœur, de sang et de raison” », Politique africaine, n° 69, 1998, p. 40-52 ; M. Weber, Economy and Society, vol. 3, New York, Bedminster Press, 1968.
  • [3]
    N. Elias, La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1976.
  • [4]
    M. É. Owona Nguini, La sociogénèse de l’ordre politique au Cameroun entre autoritarisme et démocratie (1978-1996) : les régimes politiques et économiques de l’État au gré des conjonctures et des configurations socio-historiques, Thèse de doctorat en science politique, Bordeaux, Institut d’études politiques de Bordeaux (Sciences Po)/Centre d’étude d’Afrique noire, 1997.
  • [5]
    Le concept de « transformismo » comme celui de révolution passive sont des concepts d’Antonio Gramsci repris par Bayart, voir J.-F. Bayart, L’État en Afrique, Paris, Fayard, 1989.
  • [6]
    M. Foucault, Dits et écrits, Paris, Gallimard, 1994.
  • [7]
    J.-F. Médard, « L’État sous-développé en Afrique noire : clientélisme politique ou néopatrimonialisme ? », Travaux et documents, n° 1, Bordeaux, CEAN, 1982 ; J.-F. Médard (dir.), États d’Afrique noire : formation, mécanisme et crises, Paris, Karthala, 1991, p. 323-352.
  • [8]
    J.-F. Bayart, L’État en Afrique, op. cit., voir aussi R. Fatton, The Making of a Liberal Democracy : Senegal’s Passive Revolution, 1975-1985, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 1987.
  • [9]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun… », art. cité, p. 40.
  • [10]
    À propos de cette démarche en termes de sociogenèse, qui met en lumière la formation et la construction sociales et historiques de l’État, voir N. Elias, La dynamique de l’Occident, op. cit., p. 262 (sur l’étude sociogénétique) et M. É. Owona Nguini, La sociogénèse de l’ordre politique au Cameroun…, op. cit. La démarche en termes de « sociogenèse » recoupe le « structuralisme génétique » dans son acceptation bourdieusienne qui lie « sociologie critique » et « sociogenèse », voir P. Bourdieu, Sur l’État, Paris, Seuil/Raisons d’agir, 2012, p. 146 et 183.
  • [11]
    Sur la dialectique entre continuité politique et discontinuité politique qui souligne le caractère hybride du changement politique au Cameroun, voir P. Bigombe Logo et H.-L. Menthong, « Crise de légitimité et évidence de la continuité politique », Politique africaine, n° 62, 1996, p. 15-23.
  • [12]
    M. É. Owona Nguini, « La gouverne politique et institutionnelle du Cameroun à l’épreuve de la démocratie pluraliste : de la démocratisation-janus », Enjeux, n° 52, 2017, p. 10-17.
  • [13]
    Ibid., p. 12. Ce concept est inspiré de celui de « constitution janus » envisagé par J. Owona dans « L’essor du constitutionnalisme rédhibitoire en Afrique noire : étude de quelques “constitutions janus” », in Mélanges offerts à P. F. Gonidec. L’État moderne : horizon 2000, Paris, LGDJ, 1985, p. 235-243.
  • [14]
    En évoquant la figure d’Amina, il s’agit de souligner la manière dont l’ordre politique camerounais, dominé par le président Paul Biya, se travestit pour faire passer des structures politiques autocratiques pour celles d’une démocratie, voir M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique et de la démocratie au Cameroun : des dynamiques en lien avec les luttes sociales autour du changement polyarchique », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique subsaharienne : regards croisés sur le Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 41-66.
  • [15]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun… », art. cité, p. 40.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    M. Kamto, « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in G. Conac (dir.), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, p. 209-236.
  • [18]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel… », art. cité, p. 11.
  • [19]
    L. Sindjoun et M. É. Owona Nguini, « Politisation du droit et juridicisation de la politique : l’esprit sociopolitique du droit de la transition démocratique au Cameroun », in D. Darbon et J. du Bois de Gaudusson (dir.), La création du droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 217-245.
  • [20]
    P. Bigombe Logo et H.-L. Menthong, « Crise de légitimité et évidence… », art. cité, p. 19.
  • [21]
    R. Joseph, « Le renouvellement politique en Afrique subsaharienne : un défi pour les années 1990 », Afrique 2000, n° 3, 1990, p. 45-53.
  • [22]
    J. R Abessolo Nguema, « Les droits politiques africains en question : du “mimétisme” au “renouveau” ! L’expérience des révisions constitutionnelles de 1996 et de 2008 au Cameroun », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique…, op. cit., p. 137.
  • [23]
    Sur la position d’opérateur historique profitant de l’ancien parti unique/officiel, le RDPC dirigé par Paul Biya, voir M.M. É. Owona Nguini, « La politique et l’opposition politique au Cameroun : une socio-analyse d’une relation complexe », in F. Eboussi Boulaga, J.-B. Talla, C. Abé et M. É. Owona Nguini, Repenser et reconstruire l’opposition camerounaise, Yaoundé, Éditions Terroirs, 2014, p. 61-72.
  • [24]
    R. Michels, Les partis politiques, Paris, Champs-Flammarion, 1971.
  • [25]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel en Afrique centrale… », art. cité, p. 11.
  • [26]
    P. Bigombe Logo et H.-L. Menthong, « Crise de légitimité et évidence… », art. cité, p. 20.
  • [27]
    Le trinôme Biya-Renouveau national-RDPC a toujours disposé de majorités présidentielle ou parlementaire obèses pour asseoir son hégémonie.
  • [28]
    J. R Abessolo Nguema, « Les droits politiques africains… », art. cité, p. 147.
  • [29]
    H.-L. Menthong, « Mutation politique et champ scolaire : l’école aux politiciens », in L. Sindjoun (dir.), La révolution passive au Cameroun, Dakar, Codesria, 1999, p. 51.
  • [30]
    J.-M. Zambo Belinga, « Quête de notabilité sociale, rémanence autoritaire et démocratisation au Cameroun », Cahiers d’études africaines, n° 171, 2003, p. 573.
  • [31]
    E. Yenshu Vubo, Inventer un nouvel espace public en Afrique : le défi de la diversité ethnique, Paris, L’Harmattan, 2011.
  • [32]
    C. Abé, « Espace public et recompositions de la pratique politique au Cameroun », Polis : revue camerounaise de science politique, vol. 13, n° 1-2, 2006, p. 29-56.
  • [33]
    J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations à la faim de manifester : revendications publiques, rémanence autoritaire et procès de la démocratie au Cameroun », Politique africaine, n° 146, 2017, p. 73-96.
  • [34]
    M.-E. Pommerolle, « Routines autoritaires et innovations militantes. Le cas d’un mouvement étudiant au Cameroun », Politique africaine, n° 108, 2007, p. 155-172.
  • [35]
    Sur la répression symbolique du forum citoyen La grande palabre impliquant des intellectuels et des universitaires réputés critiques comme Fabien Eboussi Boulaga, Claude Abé, Alawadi Zelao ou Mathias Éric Owona Nguini, voir C. Morillas, « Débattre politique pour construire l’espace public et renforcer la culture critique : la question des “interdictions illégales” de La Grande Palabre », 2016, <https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01473618>, consulté le 12 septembre 2018.
  • [36]
    J.-F. Bayart, « France-Afrique : la fin du pacte colonial », Politique africaine, n° 39, 1990, p. 47-53 ; « La démocratie à l’épreuve de la tradition en Afrique subsaharienne », Pouvoirs, n° 129, 2009, p. 34-36.
  • [37]
    J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations… », art. cité, p. 84.
  • [38]
    L’association camerounaise Dynamique citoyenne était associée, pour cette initiative « Tourner la page » consacrée à la construction de l’alternance démocratique dans de nombreux pays africains, à d’autres activistes de pays africains, comme ceux de Balai citoyen au Burkina Faso et de Y’en a marre au Sénégal.
  • [39]
    M. É. Owona Nguini, « La politique et l’opposition politique au Cameroun… », art. cité, p. 65.
  • [40]
    H.-L. Menthong, « La question locale dans le débat constitutionnel au Cameroun : chassé-croisé entre unité et pluralisme », Africa Development, vol. 23, n° 1, 1998, p. 5-40.
  • [41]
    M. Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1992, p. 110.
  • [42]
    Il apparaît clairement que le RDPC, qui disposait d’une emprise claire sur les municipalités situées dans les régions de l’Ouest et de l’Adamaoua, a manœuvré pour favoriser les candidats du SDF aux élections sénatoriales dans ces régions.
  • [43]
    J.-B. Talla, G.-H. Ngnépi et M. É. Owona Nguini (dir.), Société civile et engagement politique au Cameroun, Yaoundé, Éditions Samory/La grande palabre, 2015.
  • [44]
    F. G. Bailey, Les règles du jeu politique, Paris, PUF, 1971.
  • [45]
    J.-F. Bayart, « Conclusion », in P. Geschiere et P. Konings (dir.), Itinéraires d’accumulation au Cameroun, Paris, Karthala, 1993, p. 335-344.
  • [46]
    M. Weber, Economy and Society, op. cit., p. 1125.
  • [47]
    M. É. Owona Nguini, « Le rapport des groupes d’opposition aux institutions politiques de l’État camerounais : un analyseur de la crédibilité de la démocratie comme political process souverain », in F. Eboussi Boulaga et al. (dir.), Repenser et reconstruire l’opposition…, op. cit, p. 107.
  • [48]
    M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique… », art. cité, p. 64.
  • [49]
    F. G. Bailey, Les règles du jeu politique, op. cit.
  • [50]
    A. Mbembe, « Crise de légitimité, restauration autoritaire et déliquescence de l’État », in P. Geschiere et P. Konings (dir.), Itinéraires d’accumulation…, op. cit., p. 370.
  • [51]
    La Conférence tripartite s’est imposée en lieu et place de la Conférence nationale souveraine comme « solution institutionnelle » permettant de dénouer la crise politique camerounaise entre janvier et octobre 1991. Sur ce concept, voir M. Dobry, Sociologie des crises politiques, op. cit., p. 211.
  • [52]
    Sur la « violence symbolique légitime » comme « concentration des ressources symboliques » opérée à travers la constitution du pouvoir étatique et structuré comme « monopole », voir P. Bourdieu, Sur l’État, op. cit., p. 111.
  • [53]
    Le trinôme dominant et dirigeant Biya-Renouveau national-RDPC s’appuie souvent sur le commandement territorial pour user de la législation et de la réglementation sur les réunions et les manifestations publiques qui ont été réformées lors de la session législative de novembre-décembre 1990, ceci afin de verrouiller l’espace de la mobilisation politique par des interdictions illégales de réunions et de manifestations.
  • [54]
    N. S. Ndock, « Vers une nouvelle civilité électorale au Cameroun ? », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique…, op. cit., p. 155 et 159.
  • [55]
    À propos de l’État comme « rapport de domination exercé par les hommes sur d’autres hommes et appuyé sur le moyen de la violence physique légitime », voir M. Weber, Le savant et la politique, Paris, La Découverte, 2003, p. 119.
  • [56]
    Lors de la conjoncture critique allant de janvier à octobre 1991, le bloc gouvernant dirigé par Paul Biya a dû recourir à la mise en place de commandements opérationnels pour briser la spirale contestataire liée à la revendication manifestante et quasi insurrectionnelle d’une Conférence nationale souveraine.
  • [57]
    J.-M. Manga et A. R. Mbassi, « De la fin des manifestations… », art. cité, p. 75.
  • [58]
    Lors de son discours du 28 février 2008 prononcé au cours de la crise émeutière, le président Paul Biya a adopté une posture de fermeté coercitive, en stigmatisant les « apprentis sorciers » qui auraient conduit à une escalade politique dans cette conjoncture critique.
  • [59]
    Y.-A. Chouala, « Conjoncture sécuritaire, champ étatique et ordre politique au Cameroun : éléments d’analyse anthropo-politiste d’une crise de l’encadrement sécuritaire et d’un encadrement sécuritaire de crise », Polis : revue camerounaise de science politique, vol. 8, n° spécial, 2001.
  • [60]
    Voir N. Elias, La dynamique de l’Occident, op. cit., p. 106.
  • [61]
    Le « up-high » (expression en pidgin-english) et le « sissia » (expression en langue mboo du Moungo dans la région du Littoral) sont deux formes symboliques qui renvoient à une culture camerounaise de la chicotte. Voir M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique… », art. cité, p. 56.
  • [62]
    Cette déclaration a été faite le 4 juillet 2015.
  • [63]
    M. É. Owona Nguini, « La construction et déconstruction de la paix et de la guerre en Afrique subsaharienne : entre présidence perpétuelle, centralismes principautaires et cultures de la démocratie », African Prospective/Prospective africaine, n° 2, 2008, p. 64-78.
  • [64]
    M. É. Owona Nguini, « Les crises de la politique… », art. cité, p. 64.
  • [65]
    M. É. Owona Nguini, « Le gouvernement perpétuel… », art. cité, p. 12.
  • [66]
    H.-L. Menthong, « Vote et communautarisme au Cameroun… », art. cité, p. 40.
  • [67]
    M. Gazibo et C. Thiriot, « Le politique en Afrique dans la longue durée : historicité et héritages », in M. Gazibo et C. Thiriot (dir.), Le politique en Afrique, Paris, Karthala, 2009, p. 31.
  • [68]
    J.-B. Talla et al. (dir.), Société civile et engagement politique…, op.cit., p. 169.
  • [69]
    J. Onana, « Le changement politique dans l’analyse politique africaniste : objets, modes et modalités d’objectivation », in J. Onana (dir.), Leçons sur le changement politique en Afrique…, op. cit., p. 25.
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