Notes
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[1]
Ce texte est dédié à la mémoire de notre collègue Mathieu Hilgers. Je remercie Vincent Bonnecase, Alexis Roy et Serge Bayala pour leurs commentaires sur une première version. J’exprime également ma gratitude à Moumouni Lemba pour nos pérégrinations ouagalaises sur sa moto.
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[2]
Nous ne reviendrons pas ici sur les détails de cette séquence inaugurale : voir V. Bonnecase, « Sur la chute de Blaise Compaoré. Autorité et colère dans les derniers jours d’un régime », Politique africaine, n° 137, 2015, p. 151-168 ; V. Bonnecase, « Ce que les ruines racontent d’une insurrection. Morales du vol et de la violence au Burkina Faso pendant les journées des 30 et 21 octobre 2014 », Sociétés politiques comparées, n° 38, 2016 [à paraître] ; M.-S. Frère et P. Englebert, « Burkina Faso. The Fall of Blaise Compaoré », African Affairs, vol. 114, n° 455, p. 295-307 ; L. Chouli, « L’insurrection populaire et la transition au Burkina Faso », Review of African Political Economy, vol. 42, n° 153, 2015, p. 148-155 ; R. Banégas, « Burkina Faso : Politique de la « rue-cratie » et vigilantisme citoyen au Burkina Faso », Les Études du CERI, 2015, [à paraître].
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[3]
Siège de la présidence de la République, dans le nouveau quartier huppé de Ouaga 2000.
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[4]
Une radio clandestine, Radio résistance, est alors très vite lancée sur la bande FM. Voir I. Maïga, « Burkina Faso : “Radio Résistance” informe les citoyennes et citoyens durant le coup » [en ligne], Barzainfos, 5 octobre 2015, <wire.barza.fm/fr/farmer-stories/2015/10/burkina-faso-radio-resistance-informe-les-citoyennes-et-citoyens-durant-le-coup-12835>, consulté le 6 octobre 2015.
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[5]
Établi début octobre 2015, le bilan officiel des victimes du putsch s’élève à quatorze morts (dont un soldat du RSP) et 251 blessés. Des funérailles nationales ont été organisées le 9 octobre en l’honneur des manifestants tombés sous les balles.
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[6]
Mais pas de la rébellion ivoirienne des Forces nouvelles (FN) dont il était un des principaux interlocuteurs. Sur ces relations troubles et le soutien apporté par la présidence burkinabè aux FN, voir R. Banégas et R. Otayek, « Le Burkina-Faso dans la crise ivoirienne. Effets d’aubaine et incertitudes politiques », Politique africaine, n° 89, 2003/1, p. 71-87.
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[7]
Voir B. Beucher, Burkina Faso. Quand les hommes mangent le pouvoir, Paris, Karthala, 2015 [à paraître].
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[8]
Selon les mots d’Achille Tapsoba, vice-président du CDP, cité par A. Zabsonre, « Burkina : déclarés inéligibles, les pro-Compaoré appellent à la désobéissance civile » [en ligne], Afrik.com, 27 août 2015, <www.afrik.com/burkina-declares-ineligibles-les-pro-compaore-appellent-a-la-desobeissance-civile>, consulté le 29 septembre 2015.
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[9]
Déclaration de prise du pouvoir des putschistes, au nom d’un autoproclamé Conseil national de la démocratie.
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[10]
Voir M. Hilgers, Une ethnographie à l’échelle de la ville. Urbanité, histoire et reconnaissance à Koudougou (Burkina Faso), Paris, Karthala, 2009.
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[11]
Empruntant à ce registre très genré de la défiance domestique, empreint de croyances mystiques, les femmes ont, les premières, défié les forces de l’ordre le 27 octobre 2014, au début de la séquence de manifestations qui ont conduit à la chute de Compaoré. Voir S. Hagberg, L. Kibora, F. Ouattaraet et A. Konkobo, « Au cœur de la révolution burkinabè », Anthropologie et développement, n° 42, 2015, p. 199-224. En septembre 2015, les nombreuses femmes manifestant contre le putsch à Bobo Dioulasso ont pareillement brandi leurs ustensiles.
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[12]
Le Gisat est composé de nombreux partenaires extérieurs et pays voisins, sous la triple coordination de l’Union africaine, des Nations unies et de la Cédéao.
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[13]
« “Projet de protocole d’accord politique de sortie de crise” de la Cédéao. Le Ren-Lac rejette » [en ligne], REN-LAC, 21 septembre 2015, <renlac.com/2015/09/projet-de-protocole-daccord-politique-de-sortie-de-crise-de-la-cedeao-le-ren-lac-rejette/>, consulté le 24 septembre 2015.
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[14]
Lettre ouverte des syndicats des magistrats du Burkina, Ouagadougou, le 21 septembre 2015.
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[15]
Depuis les mutineries de 2011, le RSP avait centralisé les armes et munitions et ôté aux autres unités tout moyen de combat. Sur l’année 2011, voir M. Hilgers et A. Loada, « Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des révoltes populaires et maintien du pouvoir au Burkina Faso », Politique africaine, n° 131, 2013/3, p. 187-208 ; L. Chouli, Burkina Faso 2011. Chronique d’un mouvement social, Lyon, Tahin Party, 2012.
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[16]
Voir « Burkina : Bassolé dans le collimateur de la justice militaire » [en ligne], Jeune Afrique.com, 12 octobre 2015, <www.jeuneafrique.com/mag/270989/politique/burkina-bassole-dans-le-collimateur-de-la-justice-militaire/>, consulté le 12 octobre 2015.
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[17]
Ainsi, le 9 octobre, trois gendarmes ont été tués lors d’une attaque près de la frontière malienne, sans qu’un lien ait pu être établi entre cet événement et ceux de Ouagadougou.
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[18]
En particulier aux réseaux de patronage du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti des anciens caciques du régime Compaoré devenus subitement opposants en janvier 2014. Selon de nombreux témoignages, le vice-président du MPP, Salif Diallo, ex-ministre de l’Agriculture et grand argentier de l’ancien régime, a joué un rôle crucial dans l’organisation des manifestations de rue en 2014 et dans la mobilisation anti-putschiste (y compris des casernes) en septembre 2015. Sur les divers registres de légitimité qui traversent l’espace public burkinabè, voir V. Bonnecase, « Sur la chute de Blaise Compaoré… », art. cité.
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[19]
Le nombre de grèves, de mobilisations sectorielles et de manifestations locales s’est considérablement accru depuis le changement de régime, au point que le Premier ministre, en avril 2015, s’est senti tenu de rappeler à l’ordre les syndicats. Pour une analyse sur la période antérieure, voir E. Harsch, « Urban Protest in Burkina Faso », African Affairs, vol. 108, n° 431, 2009, p. 263-288.
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[20]
Voir M. Hilgers et J. Mazzocchetti, « L’après-Zongo : entre ouverture politique et fermeture des possibles », Politique africaine, n° 101, 2006, p. 5-18.
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[21]
Voir R. Banégas, F. Brisset-Foucault et A. Cutol (dir.), « Parlements de la rue. Espaces publics de la parole et citoyenneté en Afrique », Politique africaine, n° 127, 2012/3, p. 5-133.
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[22]
Voir la page Facebook du Cadre : <https://www.facebook.com/Deux-Heures-Pour-Nous-Deux-Heures-Pour-LAfrique-233298490127641/>.
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[23]
Entretien à son domicile, Ouagadougou, 23 juin 2015.
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[24]
Remarques sur la transcription : mon arrivée impromptue au début des débats ne m’a pas permis d’enregistrer convenablement les discours. La très mauvaise qualité du fichier audio a pu entraîner quelques erreurs ou approximations lors de la retranscription, effectuée avec l’aide de Blaise Gando, étudiant membre du Cadre, que je remercie.
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[25]
Voir A. Toh et R. Banégas, « La France et l’ONU devant le “parlement” de Yopougon. Paroles de “jeunes patriotes” et régimes de vérité à Abidjan », Politique africaine, n° 104, 2006/4, p. 141-158. Durant les deux jours passés à écouter les débats étudiants à Ouagadougou, j’ai été frappé par la similarité des registres et des techniques oratoires avec ceux de leurs homologues ivoiriens. La forte présence des « diaspos », nés ou ayant vécu en Côte d’Ivoire, dans les universités burkinabè et leur influence croissante sur les structures militantes des campus – voir la création récente d’un syndicat « frère » de la Fesci ivoirienne, la Fesci-BF – explique sans doute cela, sans que l’on puisse, à ce stade, mesurer ce phénomène. Pour trouver quelques éléments sur cette influence, voir J. Pogorowa, Contribution à une sociologie politique des mouvements étudiants au Burkina Faso : l’ANEB et la FESCI-BF entre autonomisation et instrumentalisation politique, mémoire de Master 2 de science politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015.
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[26]
Pour une analyse plus fournie de cette « herméneutique de la rue » en Côte d’Ivoire et au Sénégal, voir R. Banégas et A. Cutolo, « Gouverner par la parole : parlements de la rue, pratiques oratoires et subjectivation politique en Côte d’Ivoire », Politique africaine, n° 127, 2012/3, p. 21-48 ; T. Fouquet, « La trame politique des cultures urbaines : motifs dakarois », in K. Tall, M.-E. Pommerolle et M. Cahen (dir.), Collective Mobilisations in Africa. Enough is Enough !/Mobilisations collectives en Afrique. Ça suffit !, Leyde, Brill/Africa-Europe Group for Interdisciplinary Studies, 2015, p. 112-141.
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[27]
Allusion à un des épisodes de tension de la transition : en février 2015, le Premier ministre Zida, menacé par ses anciens frères d’armes du RSP qui refusaient les perspectives de réforme de leur régiment, s’est réfugié chez le Moogho Naaba, souverain des Mossi.
1Le 16 septembre 2015, à quelques semaines des élections qui devaient mettre un terme à la transition engagée après la chute de Blaise Compaoré en novembre 2014 [2], des militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) pénètrent en force au palais de Kosyam [3], en plein Conseil des ministres, et prennent en otage le président Michel Kafando, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, ainsi que deux ministres, celui de l’Habitat et celui de la Fonction publique, le professeur Augustin Loada, bien connu des lecteurs de Politique africaine. Aussitôt, des foules de manifestants convergent vers le palais pour s’opposer au coup de force, mais elles se heurtent à une répression féroce. Le siège de Radio Oméga – très prisée par les opposants à l’ancien régime – est saccagé [4] ; le studio d’enregistrement de Smockey, leader du Balai citoyen, est attaqué à la roquette. Les affrontements font de nombreuses victimes [5]. Le lendemain matin, un porte-parole des mutins confirme le putsch à la télévision, annonçant la dissolution des organes de transition et la proclamation d’un nouveau chef de l’État, le général Diendéré, patron officieux du RSP et tout-puissant homme de l’ombre du régime Compaoré, soupçonné de nombreux assassinats politiques, dont le crime originel de Thomas Sankara en 1987 et, indirectement, du journaliste Norbert Zongo en 1998, qui mit le feu aux poudres de la contestation citoyenne.
« Le coup d’État le plus bête du monde »
2Depuis la chute de « Blaise », Gilbert Diendéré avait quitté ses fonctions officielles à la tête du RSP, mais continuait d’exercer une influence majeure sur le système politico-sécuritaire (y compris dans la sous-région où ses connexions étaient toujours appréciées par les services de renseignement et de coopération occidentaux). C’est grâce à lui notamment que le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, jusqu’alors inconnu du grand public [6], avait pu faire une « OPA » sur la « révolution d’octobre » et se hisser aux plus hautes fonctions de l’État. L’objectif était évidemment de préserver ce qui pouvait l’être du « système Compaoré » après son départ. Mais la « créature » Zida, éphémère Président devenu Premier ministre, semble avoir échappé en partie à son créateur. Sous la pression conjuguée de la rue et du Conseil national de transition (CNT, l’assemblée intérimaire), mais aussi de ses nouvelles ambitions politiques, le Premier ministre a tenté de réduire le pouvoir de ses anciens frères d’armes et de s’en émanciper. Le 13 décembre 2014, jour anniversaire de la mort de Zongo, Zida annonçait un démantèlement du Régiment, sous les acclamations de la foule. Deux semaines plus tard, les soldats du RSP interrompaient violemment le Conseil des ministres et faisaient reculer le gouvernement. Le 4 février 2015, ils passaient à nouveau à l’offensive contre le Premier ministre qui dut se réfugier auprès du roi des Mossi, le Moogho Naaba, qui demeure une figure morale dans le pays [7]. Le bras de fer se poursuivit alors dans la rue. Les organisations de la société civile (OSC), Balai citoyen en tête, organisèrent une immense manifestation place de la Nation – redevenue en octobre place de la Révolution – pour exiger la dissolution du RSP. Cette mobilisation resta sans effet, la garde présidentielle faisant même annuler les nominations qui visaient à réduire ses compétences. Fin juin, les soldats du Régiment manifestaient encore leur défiance et provoquaient un début de panique à Ouagadougou en faisant feu dans leur camp de Naba Koom situé juste derrière le palais présidentiel.
3Ces tensions récurrentes entre les autorités de transition et le RSP n’étaient pas seulement l’expression de revendications corporatistes d’un régiment d’élite choyé sous l’ancien régime et jaloux de ses privilèges. Elles traduisaient aussi et surtout la résistance d’un système politico-sécuritaire criminel, associant certaines fractions de l’armée et des services de renseignements, l’ex-parti au pouvoir, le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès) et ses satellites, ainsi que de nombreux cercles affairistes tournant autour du clan Compaoré, dont son frère François et la belle-mère de celui-ci, Alizetà « Gando » Ouédraogo. Le RSP constituait le bras armé de ce système politico-mafieux que l’artiste Almamy KJ qualifie de « Compaorose ». Les justifications apportées par les putschistes à leur coup d’État et le soutien qu’ils obtinrent très vite des membres du CDP ne laissaient point de doutes quant à ces collusions qui se sont maintenues sous la transition. Le putsch a sans doute été précipité par la publication, le 14 septembre, du rapport de la Commission de réconciliation et des réformes, issue du CNT, prônant un démantèlement du RSP, et peut-être aussi par l’imminence des poursuites judiciaires relatives à l’assassinat de Thomas Sankara (le 17 septembre, il était prévu que les juges entendent des responsables militaires comme témoins). Mais c’est fondamentalement la crispation du climat politique préélectoral autour des candidatures de certains membres du CDP qui a motivé le coup de force.
4En avril 2015, en effet, les députés de l’Assemblée intérimaire adoptèrent, à une écrasante majorité, un nouveau code électoral rendant inéligible toute personne ayant « soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l’alternance démocratique » (art. 135). Cette disposition visant les politiciens qui avaient participé aux tentatives de modification constitutionnelle en faveur de Blaise Compaoré suscita de virulentes réactions parmi les membres de l’ancienne majorité. La tension monta subitement entre les deux camps. En masse, les militants du Balai et d’autres mouvements civiques reprirent le chemin de la place de la Révolution pour exprimer tout leur soutien au nouveau code électoral. De leur côté, le CDP et sept autres partis « pro-Compaoré » (Groupe de l’Appel du 9 avril), criant à l’exclusion « liberticide », saisirent la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui, le 13 juillet, invalida la loi électorale au motif qu’elle constituait « une violation du droit de libre participation aux élections ». Nonobstant, le Conseil constitutionnel burkinabè passa outre la juridiction régionale et, fin août, déclara inéligible une quarantaine de candidats de l’ex-majorité, dont l’ex-ministre des Affaires étrangères et général de gendarmerie Djibril Bassolé, ainsi que le nouveau président du CDP, Eddie Komboïgo, proche de Gilbert Diendéré, natif comme lui du village de Yako. Rejetant violemment cette décision, le CDP appelait alors ses militants à entreprendre « sur toute l’étendue du territoire toute action entrant dans le sens de la désobéissance civile [8] ». Malgré quelques paroles d’apaisement, la tension a continué de croître à l’approche du scrutin, jusqu’à ce 16 septembre où les hommes de Diendéré « ont décidé de mettre un terme au régime déviant de la transition » qui se serait « progressivement écarté des objectifs de refondation d’une démocratie consensuelle [9] ». La loi électorale qui, selon les putschistes, « a créé une division et une grave frustration au sein du peuple, érigeant deux catégories de citoyens », est ainsi posée comme justification première du coup de force.
5Ce coup d’arrêt porté à la transition suscite alors une contre-mobilisation radicale. Un peu partout dans le pays, la population se soulève pour faire pièce au coup d’État. À l’appel des OSC, des partis et des syndicats, un large mouvement de désobéissance civile se déclenche sur tout le territoire. Le couvre-feu n’est respecté nulle part, hormis sur les grands axes de la capitale tenus par la soldatesque. Ayant retenu les leçons d’octobre, les soldats du RSP quadrillent Ouagadougou et empêchent les grands rassemblements qui avaient eu raison du régime Compaoré. Ils tentent de couper Radio Oméga, internet et les réseaux de téléphone. Les activistes s’organisent alors autrement, créant, dans les quartiers, des centaines de foyers de révolte et mettant en place une stratégie de « guérilla » urbaine pour étirer le dispositif militaire, très répressif mais limité par le nombre réduit des effectifs du Régiment (1 300 hommes). Contraints à la clandestinité, les leaders du mouvement sont moins visibles qu’en octobre 2014 et les foules paraissent moins nombreuses à Ouagadougou. La peur de la répression mais aussi peut-être le désenchantement des militants quant aux évolutions de la transition tempèrent les ardeurs. Mais à l’échelle du pays, la mobilisation est sans doute plus importante qu’à la chute de « Blaise ». Bobo Dioulasso et Koudougou, la « ville rebelle [10] », sont à la pointe du combat, mais pas seulement. De Banfora dans le Sud-Ouest à Dori dans le Nord-Est, de Ouahigouya au Nord à Fada N’Gourma au Sud-Est, toutes les villes moyennes et les villages s’érigent des barricades et des barrages routiers. À Dédougou, les ronds-points sont occupés par les manifestants qui se rassemblent sur la route de Ouagadougou et protestent par un cortège nocturne de motos, au son des klaxons. Les forces de l’ordre laissent faire, dans la plupart des cas. Les opérations villes mortes bloquent toute activité. Les syndicats lancent un mot d’ordre de grève largement suivi, y compris dans les hôpitaux où s’entassent les blessés. Les mouvements du type Balai citoyen et les syndicalistes, notamment ceux proches du Parti communiste révolutionnaire voltaïque (PCRV), pourtant en forte rivalité, se rejoignent dans la lutte contre le RSP. Bien que minoritaires, les femmes sortent dans la rue, spatules en main [11], pour exprimer leur rejet du putsch, comme elles l’avaient fait en octobre 2014. À Yako, les domiciles du général Diendéré et d’Eddie Komboïgo sont saccagés, de même que les sièges du CDP à Ouagadougou et Bobo Dioulasso. Les médecins, les magistrats et d’autres corps d’État expriment publiquement leur résistance au coup de force et leur allégeance aux autorités de la transition. Le président Kafando et le Premier ministre Zida otages des putschistes, c’est Chériff Sy, président du CNT entré en clandestinité, qui s’arroge les pouvoirs de chef de l’État par intérim. On est alors formellement dans une situation de dyarchie. Ses appels adressés à l’armée loyaliste pour qu’elle prenne position et mette le RSP au pas demeurent toutefois sans effet. Pendant trois longs jours d’incertitude, l’état-major reste silencieux, attendant sans doute de voir dans quel sens le vent tournera.
6L’intervention de la Cédéao va alors modifier la donne de façon paradoxale. Alors que la communauté internationale dans son ensemble condamne vigoureusement le coup d’État, que le Comité de paix et de sécurité de l’Union africaine appelle les « terroristes » du RSP à déposer les armes sans condition, Macky Sall et Boni Yayi, envoyés spéciaux de l’organisation ouest-africaine, appuyés par l’ambassadeur de France et les diplomates du Groupe international de soutien et d’accompagnement de la transition (Gisat) [12], négocient directement avec Diendéré un protocole d’accord en treize points qui entérine les revendications des putschistes : interdiction faite aux autorités de transition de légiférer sur autre chose que les élections ; interdiction de toucher aux réformes du secteur de la sécurité et de la défense, y compris le RSP, qui sont « laissées à l’appréciation du Président et du gouvernement issus des prochaines élections » ; réintégration dans le processus électoral des candidats invalidés par le Conseil constitutionnel ; libération des personnes de l’ancien régime arrêtées pour prévarication ; adoption d’une loi d’amnistie pour les auteurs du coup d’État. Ces dispositions, en partie conformes à la décision de la Cour de justice de la Cédéao, sont inacceptables pour les défenseurs de la transition. Elles produisent alors un sursaut de mobilisation contre ces « propositions indécentes de “sortie de crise” [13] ». Les leaders de la société civile et des partis s’insurgent contre ce protocole ; la rue se radicalise sur un mode nationaliste, indexant tout autant Diendéré que Macky Sall au nom d’une « souveraineté du peuple » bafouée. Jusqu’aux magistrats qui publient une lettre ouverte où ils réitèrent leur « refus ferme de collaborer de quelque manière que ce soit avec une autre autorité en dehors de celle dont le rétablissement sans condition est demandé [14] ». Le président Kafando lui-même, alors en résidence surveillée, prend ses distances avec ce texte, prétendant n’avoir pas été consulté sur le fond. Paris continue néanmoins de soutenir l’initiative de la Cédéao alors même que l’Union européenne appelle à une reddition sans condition des putschistes. Les 19 et 20 septembre, la détermination des manifestants et les négociations entreprises en coulisse avec certains segments de l’armée font basculer le rapport de forces. Des unités de l’armée loyaliste, que l’on pensait pourtant incapables de s’opposer aux soldats d’élite du RSP [15], sortent de leurs casernes et convergent vers la capitale. Une négociation s’engage sous les auspices du Moogho Naba pendant que les chefs d’État de la Cédéao continuent de se quereller à Abuja sur le sort à réserver aux putschistes. L’arène des négociations se re-nationalise ; le protocole honni de la Cédéao passe aux oubliettes. Sous la pression de la rue et de l’armée, le 23 septembre, le président Kafando est restauré dans ses fonctions. Le RSP accepte sa reddition tandis que le général Diendéré se confond en un pathétique mea culpa. La pression populaire ne faiblit pas pour autant : les syndicats maintiennent leur mot d’ordre de grève générale et les mouvements civiques continuent de se mobiliser pour la dissolution du RSP. Dissolution du régiment d’élite qui est finalement décidée par le Conseil des ministres le 25 septembre. Le régiment fait néanmoins de la résistance pendant quelques jours, jusqu’à ce que l’armée loyaliste prenne d’assaut le camp Naba Koom. Gilbert Diendéré, réfugié à la nonciature, est arrêté, inculpé d’attentat à la sûreté de l’État et de « collusion avec des forces étrangères », ainsi que d’autres responsables militaires et politiques accusés de complicité, dont Djibril Bassolé, visé notamment pour ses contacts avec Guillaume Soro jusqu’aux dernières heures de la crise [16].
Les étudiants et le RSP : prise de parole publique, vigilantisme civique et herméneutique de l’Histoire
7À l’heure où nous écrivons ces lignes, il est évidemment trop tôt pour savoir si ces arrestations constituent un véritable dénouement de la crise, si le démantèlement du RSP est susceptible de produire de nouvelles tensions dans le pays et à ses marges ou s’il va, au contraire, renforcer le processus de démocratisation [17]. L’évolution rapide des rapports de forces sur le terrain semble indiquer qu’un effet de cliquet s’est opéré en faveur du changement, à l’occasion de ce conflit. La sociologie des crises politiques et des transitions nous enseigne toutefois la prudence en ce domaine où l’incertitude fait loi. La seule évidence est qu’à deux reprises en moins d’un an, la rue burkinabè – en lien avec certaines factions désormais majoritaires de l’armée – a fait échec aux velléités de restauration autoritaire de l’ancien régime. Cela ne signifie pas forcément que ces mouvements de foule sont par nature pro-démocratiques, qu’ils sont exempts de motivations matérielles et ne s’articulent pas à d’autres régimes de légitimité et à des réseaux qui s’ancrent précisément dans les logiques de cet ancien régime [18]. Il reste que, quels que soient les résultats des prochaines élections, l’on peut conjecturer que cette « rue-cratie » continuera sous une forme ou une autre à peser sur les manières de faire et les équilibres politiques du Burkina Faso. Depuis l’insurrection d’octobre 2014, en effet, la parole s’est libérée, des tabous sont tombés ; une détermination nouvelle s’affirme chez les citoyens ordinaires à faire entendre leurs voix et leurs choix. La convocation des figures du « peuple » et de la « rue » est certes un grand classique des événements révolutionnaires et un thème récurrent du « pays des hommes intègres », où la grande geste sankariste demeure vivace ainsi que le souvenir de la chute du régime Yaméogo, en janvier 1966, sous la pression populaire. Mais ce constat ne suffit pas à rendre compte de l’évolution radicale du climat politique. Les enquêtes menées depuis la chute de « Blaise » indiquent que, malgré la persistance du système Compaoré et le désenchantement croissant des militants, les rapports au politique ont changé sous l’influence de ce que l’on pourrait nommer un « vigilantisme civique ». Partout dans le pays, les citoyens ordinaires s’organisent, débattent en public ou en privé, se mobilisent pour des causes que l’on croyait jusqu’alors perdues [19]. C’est un contraste frappant avec le régime antérieur où, au contraire, les rapports populaires au politique, malgré de fréquents accès de contestation, s’énonçaient sur le mode de la résignation et de la « fermeture des possibles [20] ».
8Comme en d’autres lieux, les jeunes urbains familiers des réseaux sociaux jouent un rôle central dans cette nouvelle liturgie politique de la rue, du moins dans sa mise en récit. Dans la réalité, il convient sans doute de nuancer le supposé « effet Facebook » en raison du faible accès des populations aux nouvelles technologies, et de préciser la composition sociologique de cette rue burkinabè : en septembre 2015 comme en octobre 2014, ce ne sont pas seulement les « classes moyennes urbaines », figures obligées de la nouvelle doxa de l’émergence et des récits transitologiques post-« printemps arabes », qui se sont mobilisées. Il semble que les classes populaires, les jeunes sans emploi notamment, constituaient le gros des troupes manifestantes et des « barragistes ». Si elle se confirme par des enquêtes ad hoc, ce serait une caractéristique notable des mobilisations actuelles en Afrique de l’Ouest, en comparaison des vagues antérieures pré-conférences nationales où les étudiants, enseignants et fonctionnaires étaient à l’avant-garde des revendications démocratiques.
9En juin 2015, à l’occasion d’enquêtes de terrain, j’ai eu l’occasion d’assister à de vifs débats organisés par les étudiants sur le campus de l’université de Ouagadougou, en plein air, dans un espace que l’on pourrait inclure dans la catégorie des « parlements de la rue » précédemment analysés dans les colonnes de Politique africaine [21]. Créé en 2013, le Cadre « Deux heures pour nous, deux heures pour l’Afrique », se présente comme un espace de prise de parole et de délibération ouvert à tous [22]. Faute de temps sur place, je n’ai pas pu enquêter correctement sur les orientations politiques et le bagage militant des participants. Serge Bayala, le fondateur de cet espace est un jeune étudiant en lettres, né en Côte d’Ivoire de parents émigrés, qui s’est politisé au contact de la guerre ivoirienne et d’un professeur qui lui rapportait du Burkina des livres de Norbert Zongo. Impliqué dans les débats lycéens, il s’est tenu pourtant à distance de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), le syndicat étudiant ivoirien devenu la principale milice du régime Gbagbo qu’il considère comme un « club de gangsters [23] ». Il nourrit la même méfiance vis-à-vis des syndicats et organisations partisanes burkinabè. Revenu au pays pour ses études supérieures, Bayala se fait vite remarquer sur le campus et en cité universitaire pour ses qualités rhétoriques. Orateur charismatique passionné par Sankara, il remporte même le concours d’art oratoire organisé par le collectif Ciné Droit Libre, anti-chambre des mouvements civiques depuis une dizaine d’années. En 2013, il prend la tête d’un spectaculaire mouvement de résistance de sa cité universitaire et devient un des membres fondateurs du Balai citoyen qui se crée à ce moment-là. Le Cadre de débats qu’il dirige sur le campus n’est pas pour autant une antenne du Balai. Pour ce que nous avons pu en juger, les orateurs qui se succèdent sur le podium proviennent d’horizons militants variés et, par leurs discours, expriment des obédiences politiques parfois radicalement opposées au Balai. À les écouter, on sent notamment l’influence des syndicats et mouvements proches du PCRV – dont le sigle est tagué sur une des tables-podium – mais pas seulement. Comme on le lit dans les pages qui suivent, la veine anti-impérialiste, panafricaniste et anticolonialiste y est largement partagée, de même que la référence au sankarisme, (re)devenue hégémonique parmi les franges activistes proches du Balai, et contestée par les militants syndicalistes qui gardent un mauvais souvenir de la période révolutionnaire.
10Le Cadre « Deux heures pour nous, deux heures pour l’Afrique » se tient tous les jours de 13 h 30 à 16 heures à l’ombre des arbres, autour de tables en ciment qui font office de podium. Sous la houlette d’un modérateur qui chauffe le public (très majoritairement masculin ; une centaine de participants environ lors des séances auxquelles nous avons assisté), les orateurs grimpent sur la table centrale et prennent la parole chacun leur tour sur le thème du jour, inscrit à la craie sur un tableau de classe : « La gouvernance actuelle est-elle en phase avec l’esprit insurrectionnel ? » ; « Découverte continuelle de produits périmés au Burkina Faso » ; « Quel système éducatif pour l’Afrique ? », etc. Hasard du calendrier, le premier jour de ma visite, les discussions portaient sur l’avenir du RSP. Quelques jours plus tôt, dans un discours aux députés, le Premier ministre Yacouba Zida avait tenu à rassurer ses anciens frères d’armes en considérant que le pays « a[vait] besoin du RSP » et que la réforme de l’appareil de sécurité ne pouvait conduire à son démantèlement. Les étudiants réunis au Cadre étaient donc ce jour-là invités à débattre de cet enjeu hautement inflammable : « Quelle analyse faites-vous de la déclaration du 1er ministre sur le RSP face aux députés ? ». Quatorze orateurs se succédèrent sur la table-podium pour y répondre, sous forme de brèves interventions suivies de débats.
11Sont reproduits ci-dessous une partie de leurs discours, allégés des questions-réponses [24]. On y entend des propos prémonitoires sur le putsch de septembre et l’insurrection populaire qu’il a suscitée, mais aussi tout un ensemble de considérations sur les défis politico-sécuritaires de la transition, la trahison des hommes politiques et des OSC, ou encore les connexions, nationales ou internationales du système Compaoré. On y lit la détermination des jeunes militants à faire advenir un nouvel ordre plus juste, mais aussi leur désenchantement vis-à-vis d’un changement en trompe-l’œil ; l’incantation révolutionnaire du pouvoir de la rue, mais également la pleine lucidité des rapports de forces dominés par les armes et par l’argent. Sur un vieux fond dépendantiste et anti-impérialiste, s’y exprime une problématique de l’émancipation nationale et générationnelle qui laisse penser qu’au Burkina comme en Côte d’Ivoire à l’époque des Jeunes patriotes [25], la subalternité en acte qui s’exprime sous la forme d’une « citoyenneté insurrectionnelle » n’est pas juste le signe d’un « dégagisme » conjoncturel contre tous les « en-haut du haut ». Elle met aussi et surtout en scène de nouveaux régimes de subjectivité qui, dans et par la rue, tentent de s’instituer en régimes de vérité alternatifs des récits hégémoniques postcoloniaux. En témoigne, dans les pages qui suivent, la force des interprétations complotistes du RSP, « rongeurs supérieurs du peuple » et « pion cimenté de l’impérialisme néolibéral », armé par la France et les États-Unis. Ici comme ailleurs, ces prises de parole donnent à entendre un travail de décryptage de l’actualité, d’interprétation du réel par des « intellectuels » auto-institués qui, en s’octroyant une fonction de dévoilement de la domination, du pouvoir et de ses doubles, se livrent à une herméneutique subalterne de l’Histoire pour en (r)établir la « vérité ». Une vérité bricolée sur la base de lectures personnelles, d’informations glanées sur internet, de mots d’ordre partisans mais aussi des rumeurs de radio-trottoir qui, dans ses approximations mêmes et ses contradictions, traduit la difficulté de ces nouvelles générations militantes à s’affirmer individuellement et collectivement en sujets de cette nouvelle histoire qui s’écrit dans les rues africaines [26].
Cadre de débats « Deux heures pour nous, deux heures pour l’Afrique », université de Ouagadougou, 16 juin 2015
Introduction du modérateur
12Chers amis, chers camarades, bonjour. Bienvenue au Cadre « Deux heures pour nous, deux heures pour l’Afrique ». Je rappelle ici que le Cadre a eu ses deux ans le mois passé. […] Le Cadre […] est un cadre d’éveil de conscience, de sensibilisation, de mobilisation et d’action contre les maux qui minent nos sociétés. C’est un cadre qui est reconnu, un cadre qui a tous ses papiers. Quand je parle de la reconnaissance du Cadre, il faut dire que sur les médias international [sic], le Cadre « Deux heures pour nous, deux heures pour l’Afrique » a fait l’objet de documentaires, par exemple si je prends France 24, le Cadre […] est passé sur France 24 […]. Mais si le Cadre aujourd’hui continue son bon chemin c’est parce que tout simplement vous qui êtes ici, vous acceptez chaque jour de venir […] pour participer aux débats. C’est vous qui faites vivre le Cadre […]. Vous venez ici débattre des idées mais il faut aussi parler du Cadre à d’autres amis, surtout à ceux qui viennent d’arriver nouvellement sur le campus pour que, eux aussi, ils prennent part aux… débats intellectuels du Cadre « Deux heures pour nous, deux heures pour l’Afrique ». […] OK. Sans plus tarder, […] y a un nouveau thème qui est là [montrant le tableau où est inscrit à la craie] : « Quelle analyse faites-vous de la déclaration du 1er ministre sur le RSP face aux députés ? », parce qu’il faut noter que la semaine passée [le Premier ministre Yacouba Isaac] Zida s’est un peu prononcé sur la situation de l’État et il a eu à évoquer la question du RSP. Zida a été clair, il a dit que « le RSP, on ne peut pas dissoudre ». Lui-même il a fait 20 ans. [Zida dit] « Il faut reconnaître le RSP a des valeurs et des compétences, il a des capacités, c’est un corps d’élite, etc. ». Et le Président lui aussi a dit que le RSP, on a pris beaucoup d’argent pour former ce corps d’élite et dissoudre ce corps sera une perte pour la nation. Mais est-ce que dissoudre ce corps sera vraiment une perte pour la nation ? Aussi, Zida a donné un proverbe : « si tu abats ton chien parce qu’il n’aboie pas, c’est la chèvre du voisin qui viendra te mordre ». Il veut dire quoi exactement par-là ? Nous sommes tous étudiants, je suis sûr qu’on a tous compris ce qu’il veut dire à travers ce proverbe. […] Le débat est libéralisé ; oui on l’applaudit très fort […].
Premier intervenant
13Bonsoir tout le monde […], nous parlons aujourd’hui du RSP. Ce que les uns et les autres n’ont pas encore compris, c’est ce que vaut ce RSP. C’est quand ils vont commencer à rentrer ici [à l’université] prendre les étudiants comme des poussins qu’ils vont comprendre et faire des débats sérieux sur le RSP. Posons la question : « que vaut le RSP au Burkina ? », « quelle est sa place au Burkina, dans le développement économique du Burkina Faso ? ». Moi je dis : zéro ! Zida dit que quand tu abats ton chien sous prétexte qu’il n’aboie pas, c’est la chèvre d’autrui qui viendra te mordre, mais nous lui retournons cette question : « que vaut un chien qui n’aboie pas ? ». Un proverbe africain dit que, dans un village où il n’y a pas de chien, on amène les chats à aboyer. Ce que Zida a oublié, c’est que le RSP ne vaut pas un chien parce qu’il a oublié son rôle premier qui est d’aboyer pour intimider et effrayer les autres. En effet, pour ma part, le RSP ne doit plus exister, on doit le réformer parce qu’il est anticonstitutionnel. Jusqu’à preuve du contraire, le RSP était là pour Blaise. Ils peuvent tout faire, sauf ce qu’on attend d’eux. En temps normal, l’armée est là pour garantir la sécurité du pays et du peuple, mais si l’armée devient adversaire direct du peuple, ça devient autre chose. […] Les uns et les autres sont là et on les regarde faire. Si on ne prend pas ce problème au sérieux, le moment viendra où on va dire : « hier on a kidnappé le modérateur B. », et on va venir fermer son débat ici. Un peu partout en Afrique, nous n’avons que des armées de répression et quand il s’agit des étudiants qui manifestent, chacun affûte ses armes et son armée pour mater. Mais quand il s’agit de Boko Haram, là, on n’a pas de compétence, on n’a pas les moyens, on n’a pas de tant tant tant… […] Quand c’est pour venir faire taire des milliers d’étudiants qui manifestent, c’est à ce moment on sait qu’on a une armée. […] Le RSP, il faut tout simplement le reformer en les associant aux autres. Lors d’une conférence, un professeur disait que c’est sérieux : le RSP face à l’armée nationale, c’est une heure de combat. Qu’est-ce que cela veut dire ? […] Le RSP par rapport à l’armée nationale, tout le monde sait, et j’ai même fait des recherches où on me dit que la force d’un seul RSP, sa force de frappe, ça équivaut dix militaires de l’armée nationale sinon dix terroristes et malgré tout ça, ils sont là, ils font rien et nous, on les applaudit. Ici même, on a mené des débats où des étudiants ont défendu le RSP en disant que l’insurrection était une utopie parce que le RSP est là. C’est pour dire que c’est quand on va commencer à attraper les étudiants qu’ils vont prendre conscience et ils vont commencer à mener le débat, sinon notre nombre devait dépasser ça. […] Je résume pour dire que si réellement le RSP a toutes ces qualités dont parlent les gens, ils devraient l’utiliser pour servir et défendre le peuple et non une seule personne ; c’est-à-dire qu’il soit confondu à l’armée nationale.
Deuxième intervenant
14[…] Moi, je pense en toute sincérité que Zida est en train de dévier de sa mission. On se souvient très bien, après l’insurrection, net, quand Zida a été nommé Premier ministre, il a pris des engagements comme quoi on trouvera une solution au RSP et aujourd’hui, le débat n’est pas de dire que le RSP est important, le RSP quoi quoi quoi…, donc on ne peut pas le dissoudre. Aujourd’hui, tout le monde est unanime là-dessus parce que depuis 1998, après l’assassinat de Norbert Zongo, les sages ont dit, ont parlé de ce RSP-là, qu’il faut le dissoudre. Dissoudre là, ça ne veut pas dire qu’il faut les laisser en chômage, non, il faut les réintégrer dans l’armée. Aujourd’hui, le RSP même constitue un danger pour tous les autres militaires de même que nous les civils. On n’a pas dit qu’ils n’ont pas de qualité, s’ils ont des qualités on reconnaît leurs qualités. Mais avoir les qualités et puis rester là dans le même coin, qu’est-ce qu’ils font là-bas ? Quel terroriste va venir attaquer Kossyam ? Les frontières, il faut les redéployer dans les frontières pour pouvoir assurer notre sécurité. On ne peut pas avoir plus de mille militaires et quelques bien formés et qui s’asseyent. Ça sert à quoi, à être là, à jouer dames, à jouer ludo, à manger, et réclamer 20 000 francs en fin d’année pour aller fêter. Ça c’est du gaspillage, l’argent qu’on a investi pour les former. Même si on investit l’argent pour former quelqu’un, si à un moment donné, il devient dangereux, […] on regarde pas l’argent : il faut dissoudre et les redéployer dans les frontières parce que nous sommes menacés. Moi-même je suis un peu découragé. […] Le Mali c’est notre voisin direct. Si Mali est menacé, ou bien Niger tout de suite, là, ça veut dire que nous, on n’est pas à l’abri. Mais pourquoi les laisser dire qu’ils sont bien formés et voilà, maintenant qu’est-ce qu’ils font ? Depuis longtemps, là, le Burkina a survécu : qui a attaqué le Burkina ? Nous ne sommes pas menacés. […] On avait confié la question du RSP à l’armée, de trouver une solution concernant RSP. Est-ce qu’ils ont publié le résultat de leur travail ? Vous avez donné une mission à quelqu’un d’étudier comment on doit faire, publiez ça au lieu de dire : « on ne peut pas dissoudre ! ». Il veut préparer l’esprit des gens aux résultats d’une commission chargée des réformes de l’armée. Et d’ailleurs, je suis désolé, on a demandé à Michel Kafando de réformer le RSP, là. Tu pars confier au chef d’État-major qui prend, il confie à Gilbert Djendjéré ! Comment quelqu’un, moi j’ai mis mon enfant au monde, je le forme bien même s’il est mauvais, on me dit encore : « ton enfant il n’est… est-ce que tu peux pas… ? ». Attendez, soyons sérieux ! Est-ce que Gilbert lui, il est bête ? […] Même si Gilbert propose quelque chose aujourd’hui, là, soit c’est à l’avantage du RSP ou même si c’est à l’encontre du RSP, c’est pour mettre un conflit entre RSP et la population, ou soit maintenant avec l’autre armée. Donc aujourd’hui, la question n’est pas de dire que RSP… On sait que RSP est bon, ils sont bien formés, d’ailleurs même, c’est notre argent qu’on a pris pour les former, donc il faut les redéployer quelque part.
Troisième intervenant
15Pour commencer, moi je suis gourounsi, je demande à Zida de m’envoyer le chien, là, je saurai quoi faire avec parce qu’ici, le problème, ce n’est pas le fait que le chien n’aboie pas mais le fait qu’il s’attaque à son maître et ses enfants ! Le problème, c’est le chien qui est là et ne fait rien, quand un voleur rentre, le chien ne fait rien, quand on veut forcer la porte, le chien est assis et ne dit rien, mais quand un enfant sort pour aller à l’école, l’enfant est attaqué. Mais ce chien il faut l’abattre ! Mais moi ça ne m’étonne pas que cela vienne de Zida parce que tout le monde sait que Zida est du RSP, il y a même passé 20 ans. Il est du RSP, il est le produit fini du RSP. Donc Zida ne peut pas dissoudre le RSP parce que justement, le RSP l’a envoyé derrière le boubou du Moogho Naaba [27]. Il ne peut pas même s’il en avait la volonté. Mais en réalité, il n’y a pas que lui. Où sont nos mouvements de la société civile dans lesquels les gens militent ? Où ils sont, ces mouvements qui comptent près de 200 à 300 mouvements pour un seul pays et pauvre d’ailleurs ? Ce Zida, il n’a parlé que du RSP, il a aussi parlé du Code électoral mais avec ses analyses, ses propos, tu sais que « yoro mayin » [« c’est pas bon » en dioula]. Moi, je dis que ce que la population burkinabè a fait les 30 et 31, c’est l’occasion pour nous sortir de cette ornière. Vous voyez, lors de ces événements, des gens ont été tués, d’autres blessés, d’autres ont perdu la voix en espérant que les hommes politiques allaient prendre leurs responsabilités pour organiser le pays, pour qu’on sorte de ce bordel pour de bon. Mais si l’occasion est ratée, qui va sortir encore ? Vous pensez que si demain, on dit : « allez, sortez, y a la lutte », moi je sors parce que je sais que RSP y a rien dans la tête ? Avant-hier, on a tué un gendarme à la frontière, y a un qui a été enlevé à Dori mais déployez RSP là-bas pour sécuriser la frontière, là ! La France, elle a une opération du nom de Barkhane au Nord du Burkina, au Nord du Mali ; mais on a une force ici qui est bien équipée et suréquipée, qui a tous les atouts nécessaires… Les musulmans disent « Allahmdoulillah ». Mais amenez-les au Nord, ils vont combattre ces terroristes ! Sur le surarmement du RSP, Zida dit qu’il connaît, qu’il y a passé 20 ans. La question qu’on pourrait se poser : qu’il nous donne une seule valeur du RSP, une seule fois où le RSP s’est prononcé en faveur du peuple, une seule fois où un criminel a été tué par le RSP ? Thomas Sankara, Norbert Zongo, Dabo Boukary, Flavien Zongo… Tous ces massacres-là, qui est à la base ? Et aujourd’hui, quand tu regardes le pays, tout le monde sait que les choses vont de mal en pis, c’est-à-dire que le pays est en train de couler vers le chaos. Avant, j’écoutais certains qui disaient que « moi, je suis mossi musulman et cela suffit largement pour être président du Faso », de l’autre côté un autre dit : « sortons avec des gourdins, des machettes, des balles pour accompagner… », le président de la NAFA [Nouvelle alliance du Faso] certifie que le nouveau Code électoral et que le Conseil constitutionnel vont valider sa candidature. Mais quand vous analysez toutes ces diarrhées verbales, qu’est-ce qui en ressort ? Si après 2015, rien n’est fait et que c’est un malfrat qui vient au pouvoir, moi je prends mes cliques et mes claques et je pars ailleurs parce que y a pas quelqu’un qui est mouton de sacrifice de quelqu’un. Parce qu’en réalité, les gens qui vont sortir pour se faire tuer pendant que, eux, leurs enfants sont en Europe, et ils sortent avec de grands discours : « c’est des héros, c’est des martyrs, le peuple vous sera reconnaissant… », pendant que leurs enfants veulent être ministres. Si c’est bon d’être martyrs, faites sortir vos enfants, nous tous, on va lutter et on va tirer sur nous tous, mais si on pense que y a des moutons qui vont se faire tuer et après on va sortir faire de beau discours… Mais le malheur dans tout ça c’est que nous sommes en face d’une jeunesse qui est morte ! Qui ne sait pas ce qu’elle veut parce qu’elle continue à être le bétail électoral des hommes politiques souvent moins instruits que les jeunes ! Dans ces conditions-là, les hommes politiques ne feront que créer les conditions pour qu’on puisse mourir, et de la façon la plus belle.
Quatrième intervenant
16Le RSP en réalité est une armée mise en place pour servir un seul individu, une armée pour protéger le Président. Si la Quatrième république a été jusqu’à 27 ans c’est grâce au RSP, parce que le RSP constituait une deuxième constitution. C’est une constitution qui était à la hauteur de la Constitution que nous connaissons. On parle aujourd’hui de nouvelle constitution et on ne parle pas de la dissolution du RSP. Or, le RSP est plus fort que la Constitution de la Quatrième République. Donc, je ne pense pas que le RSP a sa raison d’être. Même si on ne va pas le dissoudre totalement, on doit penser à le réformer, c’est-à-dire une partie dans la gendarmerie, une partie dans l’armée de terre, etc. Face aux députés, si Zida il dit comme ça, c’est qu’en 2015, il a un plan. En 2015, le nouveau Président qui va venir sera guidé par le RSP. Tout le monde sait que le RSP est armé, même Boko Haram, il pourrait avoir peur du RSP. Alors, c’est pas le peuple… C’est difficile que le peuple se réunisse encore comme les 30 et 31. Donc à ce titre, si le RSP reste comme ça, même si on change la constitution, on restera dans la même logique que la Quatrième République. [Question du modérateur pour qu’il précise son propos] Non, la compétence du RSP n’est pas pour le peuple et la nation entière. C’est de garder et de maintenir un seul individu au pouvoir, même si celui-ci n’est plus là. C’est de garder un système […].
Cinquième intervenant
17Il faut dire que ce sujet, il est très pertinent. Parce qu’il faudrait qu’en tant qu’étudiants, on sache où on va. Car, quand la transition s’est mise en place, ils disaient qu’eux, ils ont un seul objectif capital : baliser le terrain pour permettre au pouvoir qui sera démocratiquement élu de se mettre en place. Baliser le terrain, ça veut dire quoi ? Ça veut dire il faut faire des réformes solides. Au niveau de la justice, on a vu les états généraux de la justice. C’est dire que dans tous les secteurs, il faut faire des réformes pour que le peuple puisse encourager la transition, pour permettre à celui qui va venir de pouvoir travailler dans de bonnes conditions, pour ne pas que celui-ci vienne se comporter comme s’il était dans son salon. Parce que nous sommes dans une république et dans une république, il y a des lois. Rappelons-nous pendant la révolution : au début, là, c’est qui qui parlait sur la place de la Révolution ? Dans les rues ? C’est le peuple ! Au début, qu’est-ce Zida a dit ? Que les décisions seront prises à la place de la Révolution en présence du peuple ! Mais pourquoi aujourd’hui, lui, il ne veut pas écouter le peuple ? Parce qu’en réalité, il reçoit des ordres… [Modérateur : de qui ?] [Rires de l’orateur et de l’assistance] C’est comme ça, c’est à l’image de nos États, hein. Nous, on est là, on rit et on pense qu’en 2015, il y aura changement… Il n’y aura rien ! Moi je vous dis hein ! Il n’y aura rien ! […] Tant que la jeunesse ne va pas se mettre au centre de son développement, comme le disait Thomas Sankara… Il faudrait que le peuple même s’assoie pour écrire son propre développement. Aujourd’hui, là, le peuple veut qu’on dissoude le RSP mais pourquoi on le fait pas ? C’est parce qu’on attend les autorités et tant qu’on va toujours les attendre, le RSP ne sera jamais dissout. Il faut une pression ! Blaise ne voulait pas partir mais quand le peuple est descendu dans les rues, il est parti, non ? Donc maintenant, là, […] c’est le peuple qui doit descendre les rues pour dire « mon frère, RSP, là, faut dissoudre ça ». Ou tu le dissous ou bien tu t’en vas. Zida, là, c’est parce qu’on veut la paix, sinon, si on rentre dans son passé, là, Zida […] si on rentre dans l’histoire, là, il n’est pas propre. Il faut que dès à présent, on dise à nos politiciens, là, qu’ici là maintenant, c’est les besoins du peuple qui doivent être appliqués. Pour le cas du RSP, si le président, là, dis-moi son nom, Kafando, là, s’entête, demain il sera démis de ses fonctions. Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas comprendre qu’en plein Conseil des ministres on vienne enlever quelqu’un ! Non ! […] On nous parle de démocratie, pourtant, quand on dit démocratie, ça veut dire pouvoir du peuple non ? […] C’est-à-dire qu’aujourd’hui, là, y a un pouvoir qui a été érigé dans les mains du RSP et ce pouvoir ne se limite pas au Burkina seulement. C’est un régime ! […] Donc si on veut un changement en 2015, là, un changement réel, il faudra que le peuple se lève et demande la dissolution du RSP, il faudra que le peuple s’assoie et écrive son destin, son histoire […].
Sixième intervenant
18Zida a dit que ça fait 20 ans que lui est au RSP. Il y a un de ses aînés, parce que lui s’en va dans sa 26e année au niveau du RSP, en 2011 il m’a menacé avec kalachnikov sous prétexte que moi, il me soupçonnait de dire bonjour à sa fille. […] Un peu plus tard, nous sommes devenus des amis. Récemment, je l’ai rencontré. Je lui ai dit : « vous, là, Blaise est parti, vous devez partir aussi, on va vous dissoudre ». Et lui il a dit : « Petit, tu oses me parler comme ça ! Je préfère être enterré que d’être dissout », parce qu’il n’a pas compris le sens de la dissolution dont il est question. Mais je comprends ça parce que c’est des gens qui sont pas intellectuels, ils y sont grâce à l’effort physique. On n’a pas trop besoin cerveau dans ce corps-là. RSP comme le sigle le dit : Régiment de sécurité présidentielle et non Régiment de sécurité populaire. Présidentielle ça suppose un président, mais y a combien de présidents ? Donc, c’est normal qu’ils servent un individu et si le Président n’est pas là, leur mission prend fin parce qu’ils ne sont pas là pour le peuple. Le RSP devait être sanctionné parce qu’ils ont tenu en échec tout un Conseil des ministres qui est censé réfléchir sur des questions d’ordre national. Nous les étudiants, qu’est-ce qu’on dit par rapport à ça ? Donc, ce n’est pas à Zida de dire qu’on dissout le RSP ou quoi que ce soit sur le RSP parce que lui-même, il est issu des rangs du RSP et il est gradé, c’est un lieutenant-colonel. Il revient au peuple de dire qu’on dissout le RSP. C’est au peuple de demander son redéploiement pour mieux assurer sa sécurité. Sur la voie de Fada [N’Gourma], on ne sait pas combien de braquages on enregistre par jour, mais on a jamais attrapé ces braqueurs-là. Pourtant le RSP est là mais voici des occasions où il faut les envoyer pour qu’ils partent assurer la sécurité parce qu’ils sont bien expérimentés. Je suis convaincu d’une chose et je suis d’accord : c’est dans tous les pays, il y a une unité formée uniquement pour la sécurité du Président, je suis d’accord, mais ce n’est pas comme le RSP, parce que quand on prend l’historique du RSP, depuis sa création, on se rend compte que les grands crimes, c’est ce même RSP. […] On ne peut pas comprendre que dans un pays dit démocratique on puisse permettre deux armées, une armée dans l’armée : RSP à part et l’armée nationale à part. Aujourd’hui, on se retrouve avec une concurrence entre ces deux armées. La preuve, quand il y a eu l’insurrection, là, le chef d’état-major s’est autoproclamé président de la République. Lui, il avait tout le pouvoir nécessaire pour être le Président mais […] pour aller à Kossyam, il faut avoir des armes… Et de l’autre côté, il y avait Zida, un simple lieutenant-colonel qui s’autoproclame lui aussi, mais vu qu’il était RSP et qu’il avait tout l’arsenal de la poudrière, c’est lui qui a pris le pouvoir. […] Aujourd’hui, […] par rapport au RSP, même si Zida veut sa dissolution, il ne peut pas, mais c’est le peuple avec les sociétés civiles qui doit se lever pour réclamer la dissolution de ce corps. Sinon, si un seul individu se lève pour réclamer sa dissolution, c’est son cadavre qu’on va prendre. La preuve, voici que le RSP a tenu en échec un Conseil des ministres, et Zida s’est réfugié chez le Moogho Naaba… Zida a raison, il ne veut pas se faire tuer seul parce que s’il essaie, on va l’enterrer […].
Huitième intervenant
19[…] Le Burkina Faso, en tant que pays facilitateur, a besoin d’hommes valides, d’une armée bien formée pour nous défendre. Mais là où le bât blesse, c’est que ce groupe a été regroupé en bande de criminels contre le peuple, c’est une armée de répression. Le RSP n’a jamais rien fait pour défendre le peuple. Ils sont là pour tuer le peuple, éliminer les enfants du peuple. Le RSP est un pion qui est soudé, cimenté pour servir le système néocolonial et libéral. Pourquoi Kafando est parti en France ? Le Burkina est une nation souveraine, mais pourquoi un président d’une nation souveraine se lève pour aller chez le Président d’une autre nation souveraine ? […] Kafando est plus âgé que Hollande et pourquoi c’est lui qui se déplace ? Il est parti pour lui faire le bilan de la transition… En tant qu’Africains, il faut qu’on se respecte plus souvent. C’est justement à cause de ça que le Blanc continu de piétiner notre dignité. Nous-mêmes, on se respecte pas. Tu te lèves pour aller en France, tu vas aller dire quoi à Hollande ? S’il a besoin d’information, qu’il vienne au Burkina Faso ! Par rapport au RSP, c’est ceux-là qui maintiennent le RSP avec la complicité de nos frères noirs. Les Kafando, les Zida, c’est les mêmes : ils sont là pour enfoncer le Burkina Faso. Ne pensez pas que le système libéral est parti hein ! Non le système est toujours là ! Et c’est le RSP qui est là pour le maintenir. […] D’ailleurs par rapport à l’armement du RSP, qui les arme ? Y a une base française qui est là, celui qui passe sur le pont de Tanghin, vous allez les voir, qu’est-ce qu’ils transportent ? Quand vous remarquez, au temps de Blaise, y a des choses qui ne se faisaient pas mais qui se font aujourd’hui. Nous, on dit que la transition est un moment favorable pour écrire une nouvelle constitution, une nouvelle Histoire. Mais c’est aussi un moment favorable pour les exploiteurs économiques, politiques, culturels, pour mieux asseoir leur système néocolonial ! Tous ceux qui disent qu’ils sont libéraux, c’est des exploiteurs du peuple ! C’est la devise du libéralisme : exploiter l’autre pour s’enrichir. Par exemple la France a quoi ? Pourquoi la France est plus développée que l’Afrique ? C’est dû au fait que nous sommes malades mentalement ; parce que pour se développer, il faut penser africain. Nous sommes assis sur l’écriture de qui ? Nos constitutions, nos lois c’est quelle langue ? Tout est importé, ça vient de la France, on est assis et on discute de nos problèmes à l’Élysée. Kafando va et dit que Roch, il n’est pas concerné par la loi… Je vous assure que Roch est l’élément choisi par la France. Je ne serai pas étonné si Roch devient le Président au soir du 11 octobre. Par rapport au discours de Zida, c’est pour dire que le RSP ne sera pas dissout et le RSP occupera toujours la même position, celle de toujours protéger le système néolibéral qui sera élu, là. Le RSP sera toujours là pour le protéger et servir la France. En Afrique, on nous parle de terrorisme, les terroristes, là, c’est ceux-là, le RSP et autres. C’est vrai que c’est nos frères africains qu’on voit sur le terrain. Mais qui les forme ? Qui leur donne les armes ? Vous avez déjà vu des usines de fabrication d’armes en Afrique ? La fabrication d’armes, la France a interdit ça en Afrique de l’Ouest depuis le temps de Samory Touré. Quand il luttait contre les Français, les armes utilisées étaient fabriquées ici et étaient souvent plus performantes que celles des Blancs. C’est-à-dire que nos ancêtres étaient des intellectuels. Mais quand les Blancs ont eu l’intelligence et ont tué Samory, ils ont pris le temps de tout balayer, de détruire toutes nos manufactures de fabrication d’armes africaines. Ils ont tout balayé ! Ce qui veut dire que y a moins de probabilités que les armes qui sont dans les mains des terroristes viennent de l’Afrique. […] Les vrais terroristes, c’est le RSP et si y a insécurité et que les gens détiennent des armes pour se promener, c’est le RSP. Parce qu’au Burkina, personne n’a l’argent pour aller aux États-Unis ou en France acheter des armes. C’est le RSP qui fait rentrer les armes ici, parce que chaque RSP a un fusil AK47 qu’il rentre avec à la maison. Mais nos militaires de l’armée nationale, là, n’ont pas droit à ça. […] Donc je résume pour dire que le RSP n’a plus sa raison d’être, il faut le dissoudre, le réformer et le redéployer dans les autres forces, pour assurer la sécurité et la souveraineté du territoire national et du peuple […].
Dixième intervenant
20[…] Je vois mes camarades qui sont en train de montrer les faces et les facettes du RSP, mais moi, j’ai une question à vous poser : qu’espérez-vous ? Est-ce que vous croyez que ces bailleurs de fonds, ceux qui financent nos budgets, ceux qui payent à moitié nos fonctionnaires, ceux que Zida est parti faire du porte-à-porte pour quémander de l’argent pour venir organiser des élections, vont nous laisser décider de ce que nous voulons ? Est-ce que vous croyez réellement qu’il y a des gens qui se trouvent de l’autre côté et qui se soucient de l’indépendance du Burkina Faso ? Moi, je pense pas. Quand Zida est parti faire ces demandes-là, est-ce qu’il a demandé au peuple de faire une cotisation pour qu’on puisse organiser des élections ? Non ! Ils sont partis là où les gens financent le RSP, chez ceux qui ont mis le RSP. En 1983, je me rappelle, quand le capitaine Jean Claude Kamboulé a arrêté Thomas Sankara, qui l’a ordonné ? C’est un simple ministre de France qui a ordonné à l’armée burkinabè d’arrêter un capitaine. […] Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire que si on n’est pas d’accord, si nous n’avons pas les moyens de financer nos budgets, si nous n’avons pas une indépendance réelle, je vous assure, même si vous arrivez à faire dissoudre le RSP, vous allez voir pire que le RSP ! […].
Onzième intervenant
21[…] Le RSP doit pas partir. On n’a pas fini l’insurrection. Vous voulez quoi ? C’est parti de là-bas d’abord, c’est parti de là-bas. Quand Blaise est parti net, vous avez vu la déclaration… En même temps quand ils ont organisé les conférences, ils ont envoyé un émissaire, comment on appelle la… Cédéao, Union africaine, communauté internationale et ils ont réglé l’affaire et c’est fini. Et nous, on s’assoit, on se dit que : « Voilà on n’a qu’à dissoudre le RSP… ». Mais qui va me dire c’est comment qu’on a formé ces gars-là ? Ces fonds, ils viennent d’où ? C’est notre fonds ou ça vient d’ailleurs ? Les gens ont dit ici que « non, le RSP ne fait rien pour le Burkina Faso, ils sont pas efficaces ». Attends, est-ce qu’on a mis ça pour vous ? Hein, est-ce qu’on a mis ça pour vous-mêmes ? [Rires]. On n’a pas mis ça pour vous ! Ils sont venus seulement pour assurer la sécurité de Blaise Compaoré, parce que Blaise Compaoré avait dans sa tête qu’il va mourir au pouvoir. Pour éviter les coups d’État, voilà, il a organisé un cercle de mille trois cent et quelques hommes, chacun équipé du haut jusqu’en bas en armement. Ils sont là, ils mènent des opérations. Pour faire fonctionner le RSP, il faut attaquer les États voisins. Vous demandez l’implication de Blaise Compaoré dans la crise ivoirienne ? Quand on va fait sortir le bilan, vous serez étonnés ici. Il y a un frère qui a parlé du Liberia tout de suite, non ? Même Boko Haram, ils sont dedans… On vous dit pas la vraie face de la réalité. Les Français ho, les Américains ho, ils sont tous dans RSP. Voilà le fond du problème là : ils sont tous dans le RSP. Voyez bien : des gens se lèvent, on fait insurrection. On a chassé Blaise Compaoré, il faut dissoudre le RSP. Maintenant, la question que moi je me pose, c’est : à l’étape actuelle, est-ce que nous on veut du RSP ? On sait qu’on peut pas les dissoudre, ça c’est impossible. On ne peut pas, on va pas se flatter ici. Maintenant, on peut essayer de jongler, de trouver d’autres coins pour les amener à travailler de l’autre côté, à l’amiable… Peut-être dire : « Vous pouvez aller assurer Tambao, s’il y a petite crise on va vous envoyer là-bas », c’est ce qu’on peut faire. Sinon, supprimer RSP […]. Moi je pense l’aspect sécuritaire. Si vous n’êtes pas en sécurité, il n’y a pas d’économie, voilà. Voyez la Libye. […] Nous sommes dans une situation de dépendance. Et toutes les forces armées […] que vous voyez, c’est eux qui nous donnent l’argent. Nos policiers, nos gendarmes… C’est difficile, vous ne pouvez rien faire ici rien. […] Quand Zida a tenté, il a gâté son nom. Mais est-ce que vous avez vu les gens… On est resté là, chacun s’assoit sur son fauteuil, « Il faut dissoudre le RSP, quoi quoi quoi », et vous croyez que c’est comme ça ? Jamais ! Il faut que chacun commence à prendre conscience qu’en réalité, ce que vous voyez là, c’est pas la vraie face. Si tout le monde… Quand le top départ sera donné, vous allez voir la masse encore. Si on veut dissoudre le RSP, il faut sortir comme le 31 encore. Ils vont tuer ceux qui vont rester, c’est comme ça. Voilààà ! [Cris d’encouragement, applaudissements].
Douzième intervenant
22[…] Zida, je pense que c’est son point de vue il a donné, maintenant le point de vue de Zida n’est pas forcément le point de vue du peuple. Zida, là où il est, c’est parce que le peuple n’a pas voulu parler. Et puis il est assis maintenant, si aujourd’hui, il vient s’asseoir et il prend une décision pour dire que RSP c’est régiment qu’on peut pas dissoudre… Camarades, comprenez que le peuple lui-même quelque part a failli. Parce que le peuple burkinabè, c’est quelqu’un qui n’achève pas toujours ce qu’il commence. Parce que même au temps de la révolution, on a demandé à Thomas Sankara s’il était déçu de son peuple et il a dit effectivement qu’il est déçu de son peuple. […] Si le peuple l’avait soutenu, il serait encore là. […] Maintenant comme il est mort, le peuple se lève et dit : « voilà, c’est notre leader charismatique » parce que le peuple a toujours des remords, des regrets. On prend ça, et on dit : « bon voilà on compatit pour les morts en martyrs ». Mais honnêtement, nous-mêmes, est-ce qu’on est prêt pour mourir en martyr ? Nous voulons que les autres meurent en martyrs mais nous-mêmes, on ne veut pas mourir en martyr ! Y a quoi ? Surtout la jeunesse […]. La jeunesse elle-même quand tu leur dis : « voilà il faut se lever, prenons notre destin en main », ils disent que « non, je pense que je suis jeune, j’ai encore l’avenir devant moi ». Mais ils oublient que quand […] l’avenir sera arrivé, ils seront vieux ! En ce temps, ils parleront plus de l’avenir mais ils vont parler du passé, mais en ce temps, ce sera trop tard. Il est temps que la jeunesse elle-même se lève. Il faut que la jeunesse elle-même prend son bâton de pèlerin pour commencer un pèlerinage qui est très long. Parce que le pèlerinage que nous allons commencer, il faut dire ce n’est pas un pèlerinage d’ici à la place de la Nation ! Parce qu’on a fait pèlerinage à la place de la Nation à plusieurs reprises. Mais voilà où nous en sommes. […] Il ne faut pas rester comme nos aînés qui ont échoué lamentablement. Eux aussi, ils ont eu leur mission. Il ne faut pas dire qu’ils ont échoué parce que c’est eux qui ont lutté pour l’indépendance. Mais il y a quelque chose qu’ils n’ont pas achevé, parce que l’indépendance et l’autonomie ne sont pas pareilles. Ils ont lutté pour l’indépendance mais l’indépendance est un bout de papier. Après le bout de papier, on a signé, c’est fini, mais l’autonomie, c’est quelque chose, une fois que tu l’as eu, tu l’as eu pour toujours. Mais on a oublié de lutter pour l’autonomie. On a lutté seulement pour l’indépendance. On nous a donné l’indépendance, l’autonomie, on a oublié de lutter. Voilà pourquoi aujourd’hui, quand on besoin de quelque chose, même pour organiser les élections, on va au États-Unis. […] C’est là le problème […] Il faut que nous-mêmes on arrive à lutter pour le devenir…, pour que le Burkina Faso prospère. [Relance du modérateur sur le RSP] À travers les différentes propositions, j’ai vu que nous sommes presque unanimes pour qu’on dissout le RSP. Mais moi, j’ai l’impression qu’il y a toujours le RSP caché. Puisqu’on a vu que le RSP est une structure organisée depuis les pays occidentaux. […] Le RSP est une institution cachée. Ils sont au-dessus de l’armée nationale, mais il faudrait travailler à ce que l’armée nationale soit au-dessus du RSP, parce que le RSP, ils ont tout l’armement du Burkina Faso, ce qui n’est pas bien. Pour une seule personne, on arrive à instrumentaliser plus de 1 300 personnes. Mais honnêtement, si chaque président doit venir instrumentaliser 1 300 personnes, c’est que le Burkina Faso même serait un pays de jungle où on va appliquer la loi de la nature, où on dira que le plus fort fait la loi. Donc, je crois qu’il y a pas moyen sauf si la population… C’est la population qui prend la décision […]. Quand on sortait le 28 on n’avait pas en tête que Blaise Compaoré allait partir. Mais Blaise Compaoré est parti par surprise, donc le RSP aussi peut partir par surprise […].
Notes
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[1]
Ce texte est dédié à la mémoire de notre collègue Mathieu Hilgers. Je remercie Vincent Bonnecase, Alexis Roy et Serge Bayala pour leurs commentaires sur une première version. J’exprime également ma gratitude à Moumouni Lemba pour nos pérégrinations ouagalaises sur sa moto.
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[2]
Nous ne reviendrons pas ici sur les détails de cette séquence inaugurale : voir V. Bonnecase, « Sur la chute de Blaise Compaoré. Autorité et colère dans les derniers jours d’un régime », Politique africaine, n° 137, 2015, p. 151-168 ; V. Bonnecase, « Ce que les ruines racontent d’une insurrection. Morales du vol et de la violence au Burkina Faso pendant les journées des 30 et 21 octobre 2014 », Sociétés politiques comparées, n° 38, 2016 [à paraître] ; M.-S. Frère et P. Englebert, « Burkina Faso. The Fall of Blaise Compaoré », African Affairs, vol. 114, n° 455, p. 295-307 ; L. Chouli, « L’insurrection populaire et la transition au Burkina Faso », Review of African Political Economy, vol. 42, n° 153, 2015, p. 148-155 ; R. Banégas, « Burkina Faso : Politique de la « rue-cratie » et vigilantisme citoyen au Burkina Faso », Les Études du CERI, 2015, [à paraître].
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[3]
Siège de la présidence de la République, dans le nouveau quartier huppé de Ouaga 2000.
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[4]
Une radio clandestine, Radio résistance, est alors très vite lancée sur la bande FM. Voir I. Maïga, « Burkina Faso : “Radio Résistance” informe les citoyennes et citoyens durant le coup » [en ligne], Barzainfos, 5 octobre 2015, <wire.barza.fm/fr/farmer-stories/2015/10/burkina-faso-radio-resistance-informe-les-citoyennes-et-citoyens-durant-le-coup-12835>, consulté le 6 octobre 2015.
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[5]
Établi début octobre 2015, le bilan officiel des victimes du putsch s’élève à quatorze morts (dont un soldat du RSP) et 251 blessés. Des funérailles nationales ont été organisées le 9 octobre en l’honneur des manifestants tombés sous les balles.
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[6]
Mais pas de la rébellion ivoirienne des Forces nouvelles (FN) dont il était un des principaux interlocuteurs. Sur ces relations troubles et le soutien apporté par la présidence burkinabè aux FN, voir R. Banégas et R. Otayek, « Le Burkina-Faso dans la crise ivoirienne. Effets d’aubaine et incertitudes politiques », Politique africaine, n° 89, 2003/1, p. 71-87.
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[7]
Voir B. Beucher, Burkina Faso. Quand les hommes mangent le pouvoir, Paris, Karthala, 2015 [à paraître].
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[8]
Selon les mots d’Achille Tapsoba, vice-président du CDP, cité par A. Zabsonre, « Burkina : déclarés inéligibles, les pro-Compaoré appellent à la désobéissance civile » [en ligne], Afrik.com, 27 août 2015, <www.afrik.com/burkina-declares-ineligibles-les-pro-compaore-appellent-a-la-desobeissance-civile>, consulté le 29 septembre 2015.
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[9]
Déclaration de prise du pouvoir des putschistes, au nom d’un autoproclamé Conseil national de la démocratie.
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[10]
Voir M. Hilgers, Une ethnographie à l’échelle de la ville. Urbanité, histoire et reconnaissance à Koudougou (Burkina Faso), Paris, Karthala, 2009.
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[11]
Empruntant à ce registre très genré de la défiance domestique, empreint de croyances mystiques, les femmes ont, les premières, défié les forces de l’ordre le 27 octobre 2014, au début de la séquence de manifestations qui ont conduit à la chute de Compaoré. Voir S. Hagberg, L. Kibora, F. Ouattaraet et A. Konkobo, « Au cœur de la révolution burkinabè », Anthropologie et développement, n° 42, 2015, p. 199-224. En septembre 2015, les nombreuses femmes manifestant contre le putsch à Bobo Dioulasso ont pareillement brandi leurs ustensiles.
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[12]
Le Gisat est composé de nombreux partenaires extérieurs et pays voisins, sous la triple coordination de l’Union africaine, des Nations unies et de la Cédéao.
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[13]
« “Projet de protocole d’accord politique de sortie de crise” de la Cédéao. Le Ren-Lac rejette » [en ligne], REN-LAC, 21 septembre 2015, <renlac.com/2015/09/projet-de-protocole-daccord-politique-de-sortie-de-crise-de-la-cedeao-le-ren-lac-rejette/>, consulté le 24 septembre 2015.
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[14]
Lettre ouverte des syndicats des magistrats du Burkina, Ouagadougou, le 21 septembre 2015.
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[15]
Depuis les mutineries de 2011, le RSP avait centralisé les armes et munitions et ôté aux autres unités tout moyen de combat. Sur l’année 2011, voir M. Hilgers et A. Loada, « Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des révoltes populaires et maintien du pouvoir au Burkina Faso », Politique africaine, n° 131, 2013/3, p. 187-208 ; L. Chouli, Burkina Faso 2011. Chronique d’un mouvement social, Lyon, Tahin Party, 2012.
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[16]
Voir « Burkina : Bassolé dans le collimateur de la justice militaire » [en ligne], Jeune Afrique.com, 12 octobre 2015, <www.jeuneafrique.com/mag/270989/politique/burkina-bassole-dans-le-collimateur-de-la-justice-militaire/>, consulté le 12 octobre 2015.
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[17]
Ainsi, le 9 octobre, trois gendarmes ont été tués lors d’une attaque près de la frontière malienne, sans qu’un lien ait pu être établi entre cet événement et ceux de Ouagadougou.
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[18]
En particulier aux réseaux de patronage du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti des anciens caciques du régime Compaoré devenus subitement opposants en janvier 2014. Selon de nombreux témoignages, le vice-président du MPP, Salif Diallo, ex-ministre de l’Agriculture et grand argentier de l’ancien régime, a joué un rôle crucial dans l’organisation des manifestations de rue en 2014 et dans la mobilisation anti-putschiste (y compris des casernes) en septembre 2015. Sur les divers registres de légitimité qui traversent l’espace public burkinabè, voir V. Bonnecase, « Sur la chute de Blaise Compaoré… », art. cité.
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[19]
Le nombre de grèves, de mobilisations sectorielles et de manifestations locales s’est considérablement accru depuis le changement de régime, au point que le Premier ministre, en avril 2015, s’est senti tenu de rappeler à l’ordre les syndicats. Pour une analyse sur la période antérieure, voir E. Harsch, « Urban Protest in Burkina Faso », African Affairs, vol. 108, n° 431, 2009, p. 263-288.
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[20]
Voir M. Hilgers et J. Mazzocchetti, « L’après-Zongo : entre ouverture politique et fermeture des possibles », Politique africaine, n° 101, 2006, p. 5-18.
-
[21]
Voir R. Banégas, F. Brisset-Foucault et A. Cutol (dir.), « Parlements de la rue. Espaces publics de la parole et citoyenneté en Afrique », Politique africaine, n° 127, 2012/3, p. 5-133.
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[22]
Voir la page Facebook du Cadre : <https://www.facebook.com/Deux-Heures-Pour-Nous-Deux-Heures-Pour-LAfrique-233298490127641/>.
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[23]
Entretien à son domicile, Ouagadougou, 23 juin 2015.
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[24]
Remarques sur la transcription : mon arrivée impromptue au début des débats ne m’a pas permis d’enregistrer convenablement les discours. La très mauvaise qualité du fichier audio a pu entraîner quelques erreurs ou approximations lors de la retranscription, effectuée avec l’aide de Blaise Gando, étudiant membre du Cadre, que je remercie.
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[25]
Voir A. Toh et R. Banégas, « La France et l’ONU devant le “parlement” de Yopougon. Paroles de “jeunes patriotes” et régimes de vérité à Abidjan », Politique africaine, n° 104, 2006/4, p. 141-158. Durant les deux jours passés à écouter les débats étudiants à Ouagadougou, j’ai été frappé par la similarité des registres et des techniques oratoires avec ceux de leurs homologues ivoiriens. La forte présence des « diaspos », nés ou ayant vécu en Côte d’Ivoire, dans les universités burkinabè et leur influence croissante sur les structures militantes des campus – voir la création récente d’un syndicat « frère » de la Fesci ivoirienne, la Fesci-BF – explique sans doute cela, sans que l’on puisse, à ce stade, mesurer ce phénomène. Pour trouver quelques éléments sur cette influence, voir J. Pogorowa, Contribution à une sociologie politique des mouvements étudiants au Burkina Faso : l’ANEB et la FESCI-BF entre autonomisation et instrumentalisation politique, mémoire de Master 2 de science politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015.
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[26]
Pour une analyse plus fournie de cette « herméneutique de la rue » en Côte d’Ivoire et au Sénégal, voir R. Banégas et A. Cutolo, « Gouverner par la parole : parlements de la rue, pratiques oratoires et subjectivation politique en Côte d’Ivoire », Politique africaine, n° 127, 2012/3, p. 21-48 ; T. Fouquet, « La trame politique des cultures urbaines : motifs dakarois », in K. Tall, M.-E. Pommerolle et M. Cahen (dir.), Collective Mobilisations in Africa. Enough is Enough !/Mobilisations collectives en Afrique. Ça suffit !, Leyde, Brill/Africa-Europe Group for Interdisciplinary Studies, 2015, p. 112-141.
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[27]
Allusion à un des épisodes de tension de la transition : en février 2015, le Premier ministre Zida, menacé par ses anciens frères d’armes du RSP qui refusaient les perspectives de réforme de leur régiment, s’est réfugié chez le Moogho Naaba, souverain des Mossi.