Notes
-
[1]
L. Israël, « From Cause Lawyering to Resistance : French Communist Lawyers in the Shadow of History », in A. Sarat et S. A. Scheingold (dir.), The Worlds Cause Lawyers Make : Structure and Agency in Legal Practice, Stanford, Stanford University Press, 2005, p. 162 ; « La résistance dans les milieux judiciaires. Action collective et identités professionnelles en temps de guerre », Genèses, n° 45, 2001, p. 45-68.
-
[2]
Ndlr : On a choisi de conserver ici les terminologies anglaises « cause laywer » et « cause lawyering » qui n’appellent pas de traductions françaises évidentes et sont généralement conservées telles quelles. Il s’agit d’une pratique du droit qui est le fait « des avocats qui usent de leurs talents et des ressources qui sont à leur disposition pour atteindre des objectifs politiques et sociaux… ». Voir L. Israël, « Quelques éclaircissements sur l’invention du cause lawyering. Entretien avec Austin Sarat, Stuart Scheingold », Politix, vol. 16, n °62, 2003, p. 31.
-
[3]
Voir les travaux de B. Ibhawoh, notamment Imperial Justice : Africans in Empire’s Court, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 13-14 ; M. Terretta, « “We Had Been Fooled into Thinking that the UN Watches over the Entire World” : Human rights, UN Trust Territories, and Africa’s Decolonization », Human Rights Quarterly, vol. 34, n° 2, 2012, p. 329-360.
-
[4]
Voir L. Israël, « From Cause Lawyering to Resistance… », art. cité, p. 162 ; Robes noires, années sombres. Avocats et magistrats en résistance pendant la Seconde guerre mondiale, Paris, Fayard, coll. « Pour une histoire du xxe siècle », 2005.
-
[5]
S. Elbaz, « L’avocat et sa cause en milieu colonial : la défense politique dans le procès de l’Organisation spéciale du Mouvement pour le triomphe des libertés en Algérie (1950-1952) », Politix, vol. 16, n° 62, 2003, p. 65-66.
-
[6]
Voir V. Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), Paris, CNRS Éditions, 2012, p. 344.
-
[7]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 347 ; A. Brodiez, Le Secours populaire français, 1945-2000. Du communisme à l’humanitaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 53-56.
-
[8]
Voir F. Cooper, Citizenship between Empire and Nation : Remaking France and French Africa, 1945-1960, Princeton, Princeton University Press, 2014.
-
[9]
Archives nationales d’outre-mer (ANOM), France métropolitaine (FM), Affaires politiques, Box 2313/4, « Du ministre des Affaires étrangères (secrétariat des conférences) au ministre de la France d’outre-mer, directeur des Affaires politiques », 8 avril 1948.
-
[10]
E. Schmidt, Cold War and Decolonization in Guinea, 1946-1958, Athens, Ohio University Press, p. 25-30.
-
[11]
Lors des élections législatives de novembre 1946, le PCF obtint 168 sièges et l’URR en remporta 15, ce qui portait le total pour les partis alliés à 183 sièges, soit la plus grande coalition à l’Assemblée française.
-
[12]
E. Schmidt, Cold War and Decolonization…, op. cit., p. 206.
-
[13]
Sur ce point, se référer à V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 349.
-
[14]
Voir T. Chafer, The End of Empire in French West Africa. France’s Successful Decolonization ?, Oxford, Berg, 2002 ; E. Schmidt, Cold War and Decolonization…, op. cit., p. 33-44 ; M. Thomas, Fight or flight. Britain, France, and their Roads from Empire, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 190-207 ; T. Deltombe, M. Domergue et J. Tatsitsa, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2011, p. 149-186.
-
[15]
Sur ce point, voir V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 347-366.
-
[16]
S. Elbaz, « Les avocats métropolitains dans les procès du Rassemblement démocratique africain (1949-1952) : un banc d’essai pour les collectifs d’avocats en guerre d’Algérie ? », Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent, n° 80, 2002, p. 44-60.
-
[17]
M. Thomas, Fight or flight…, op. cit., p. 205-206.
-
[18]
E. Schmidt, Foreign Intervention in Africa. From the Cold War to the War on Terror, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 170.
-
[19]
A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours d’avocat anticolonialiste : Henri Douzon à Madagascar, juillet-octobre 1947 », in F. Arzalier et J. Suret-Canale (dir.), Madagascar 1947. La tragédie oubliée, Paris, Le Temps des cerises, 1999, p. 170-171.
-
[20]
A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours… », art. cité, p. 171. Raseta intervint depuis Paris avant que l’immunité parlementaire des députés malgaches ne fût levée en juin 1947. Par après, il fut lui aussi arrêté.
-
[21]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 348-349. Voir aussi A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours… », art. cité, p. 169-176.
-
[22]
A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours… », art. cité, p. 171.
-
[23]
Ibid ; P. Stibbe, Justice pour les Malgaches, Paris, Le Seuil, 1954, p. 60.
-
[24]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 151.
-
[25]
S. Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, coll. « L’espace de l’Histoire », 2001, p. 26.
-
[26]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 355 ; P. Stibbe, Justice pour les Malgaches…, op. cit..
-
[27]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit. p. 350.
-
[28]
S. Thénault, « Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l’indépendance. La “défense de rupture” en question », Le Mouvement social, n° 240, 2012/3, p. 121-135 ; S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[29]
C. Gérard, « Procès monstres à Grand-Bassam », Esprit, vol. 19, n° 12, 1951, p. 832-838 ; S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[30]
L. Israël, « From Cause Lawyering to Resistance… », art. cité, p. 147-154.
-
[31]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 348.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Ces liens apparaissent dans les archives Kaldor conservés aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis (ADSSD), fonds Kaldor (FK), non classé.
-
[34]
S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
ADSSD, FK, non classé, « De Pierre Kaldor au journal La Lumière, Lomé (Togo) », 16 novembre 1953.
-
[37]
S. Elbaz, « L’avocat et sa cause… », art. cité, p. 75 ; S. Thénault, « Défendre les nationalistes algériens… », art. cité, p. 124.
-
[38]
Voir la série de lettres adressées par Renée Plasson-Stibbe à des détenus ivoiriens, conservées à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Archives personnelles et familiales, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, correspondance professionnelle.
-
[39]
ADSSD, PCF, Archives de la section Polex (ASP), Afrique subsaharienne, carton 97, RDA, « Rapport sur la gestion des fonds du comité de coordination présenté par Félix-Tchicaya, Gabriel Lisette et Tiemoko Diara », 17 octobre 1949-4 avril 1950.
-
[40]
Voir, par exemple, « Renée Stibbe à Henri Douzon », Abidjan, 14 juin 1949, archives privées, cité dans S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité ; ADSSD, FK, non classé, « Courrier de Pierre Kaldor au bâtonnier de Paris », 18 juin 1950.
-
[41]
S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
E. Schmidt, « Cold War in Guinea : the Rassemblement Démocratique Africain and the Struggle over Communism, 1950-1958 », Journal of African History, vol. 48, 2007, p. 105.
-
[44]
Les efforts du RDA pour négocier une nouvelle alliance parlementaire étaient alors vigoureux, et aboutirent finalement à la coalition RDA-UDSR créée au début de 1952. Pour de plus amples détails, se reporter à E. Schmidt, Cold war and decolonization…, op. cit., p. 49-51.
-
[45]
BDIC, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, « Correspondance professionnelle : de la délégation du comité de coordination du RDA, Paris, au collectif des avocats chargés de la défense du RDA à Paris », 4 septembre 1951.
-
[46]
BDIC, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, « Correspondance professionnelle : de Renée Plasson-Stibbe à Jean-Baptiste Mockey », 5 octobre 1951.
-
[47]
BDIC, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, « Correspondance professionnelle : de Jean-Baptiste Mockey à Renée Plasson-Stibbe, 15 octobre 1951 et d’Albert Paraïso à Renée Plasson-Stibbe », 15 octobre 1951.
-
[48]
« Lettre de Ruben Um Nyobé à Henri Douzon, Douala, 11 mars 1950 », citée dans S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[49]
Entretien avec Pierre Braun, Paris, 14 avril 2014.
-
[50]
Ibid.
-
[51]
Voir, par exemple, ADSSD, FK, non classé, de Ruben Um Nyobé à Pierre Kaldor, au sujet du recours en annulation des élections territoriales du 30 mars 1952 dans la région de la Sanaga-Maritime.
-
[52]
Voir M. Terretta, Nation of Outlaws, State of Violence. Nationalism, Grassfields Tradition and State Building in Cameroon, Athens, Ohio University Press, 2013, p. 103.
-
[53]
S. Elbaz, « L’avocat et sa cause… », art. cité, p. 65-91.
-
[54]
R. Cevaer, « Justice et discrimination raciale au Cameroun. L’Africain a toujours un pied dehors et l’autre en prison », Droit et Liberté, n° 128, novembre 1953, p. 5.
-
[55]
ANOM, FM, Affaires politiques 3283/2, « du Haut-commissaire de la République française au Cameroun au ministre de la France d’outre-mer », 25 octobre 1957.
-
[56]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, UPC, bureau du comité directeur, « Note au sujet de la répression au Cameroun », 23 octobre 1954.
-
[57]
Les noms des avocats locaux exerçant au Cameroun français n’apparaissent qu’au coup par coup dans les archives.
-
[58]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 97, « De Louis Odru à Léon Féix, Voyages en Afrique », sd [1951].
-
[59]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, d’Um Nyobé à Odru », Dla, 14 avril 1955.
-
[60]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Moumié à Odru », 7 mai 1955.
-
[61]
M. Terretta, Nation of Outlaws…, op. cit., p. 126-130. Pour des récits rédigés par les individus emprisonnés après les événements, voir ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Tagny à Odru, depuis la prison de Yaoundé », 22 juin 1955.
-
[62]
À propos de cette interdiction de l’UPC, fondée sur une loi du 10 janvier 1936, voir T. Deltombe, M. Domergue et J. Tatsitsa, Kamerun !…, op. cit., p. 153-167.
-
[63]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, Douala », 24 juin 1955.
-
[64]
Ibid.
-
[65]
Ibid.
-
[66]
Ibid.
-
[67]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, Conseil d’État, Section du contentieux, défense pour le ministre de la France d’outre-mer contre Mr Mpaye, Ngom, Moumié, Recours n° 36 214 (rejeté) ».
-
[68]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, lettre du PCF aux dirigeants de l’UPC », 4 avril 1956.
-
[69]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Moumié à Braun », 14 mai 1956.
-
[70]
Voir M. Terretta, Nation of Outlaws…, op. cit., p. 97-133.
-
[71]
ANOM, Délégation de Paris Cameroun-Togo (DPCT), Box 20, « Note de renseignements au sujet de l’UPC », Douala, 9 avril 1956 ; « Lettre du Haut-commissaire au ministre de la France d’outre-mer, direction des Affaires politiques, services judiciaires, au sujet des poursuites judiciaires à l’égard des membres de l’UPC », 28 mai 1957.
-
[72]
ANOM, FM, Affaires politiques 3283/2, « De Pierre Messmer à Maître Meignie, président de l’Association nationale des avocats », Paris, 28 janvier 1958.
-
[73]
M. Michel, « Une décolonisation piégée, Pierre Messmer, Haut-commissaire au Cameroun », manuscrit inédit. Je remercie Marc Michel d’avoir bien voulu partager cet article avec moi.
-
[74]
M. Antangana, The End of French Rule in Cameroon, Lanham, The University Press of America, 2010.
-
[75]
Télégramme du Premier ministre André-Marie Mbida, Paris, 7 juillet 1957 ; ANOM, DPCT Box 20, « Lettre du Premier ministre, État-tutelle du Cameroun, au Président de la République », Paris, 19 septembre 1957.
-
[76]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Ministre de la France d’outre-mer au Haut-commissaire de la République au Cameroun », 5 juillet 1957.
-
[77]
Ibid.
-
[78]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Haut-commissaire Messmer au Ministre de la France d’outre-mer, concernant M. Marchand, magistrat, premier président de la cour d’appel de Yaoundé », 18 septembre 1957.
-
[79]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Haut-commissaire de la République française au Cameroun au ministre de la France d’outre-mer », 6 juillet 1957 ; « Note au sujet du malaise de la magistrature outre-mer », [sans date].
-
[80]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Premier ministre, État-tutelle du Cameroun, au président de la République », Paris, 19 septembre 1957.
-
[81]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Haut-commissaire Messmer au ministre de la France d’outre-mer, concernant M. Marchand, magistrat, premier président de la cour d’appel de Yaoundé », 18 septembre 1957.
-
[82]
ANOM, FM, Affaires politiques 3283/2, « De Pierre Messmer à Maître Meignie, président de l’Association nationale des avocats », Paris, 28 janvier 1958.
-
[83]
J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique de 1959 à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2012, p. 333.
-
[84]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Chrétien Dzukam, prison de Douala, au procureur général, chef du service judiciaire au appartenance à un mouvement politique désirant l’indépendance ainsi que la réunification du Cameroun français et des British Cameroons.
-
[85]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Chrétien Dzukam, prison de Douala, au procureur général, chef du service judiciaire au Kamerun », Yaoundé, novembre 1957.
-
[86]
ADSSD, FK, non classé, « De Pierre Kaldor à Charlotte Kaldor », 12 août 1958.
-
[87]
Ibid.
-
[88]
Voir, par exemple, ADSSD, FK, non classé, « De Jean-Marie Manga, détenu politique à la prison de Yoko, à Pierre Kaldor », 3 septembre 1958.
-
[89]
S. Ellman, « Cause Lawyering in the Third World », in A. Sarat (dir.), Cause Lawyering : Political Commitments and Professional Responsibilities, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 349-430. Au sujet du cause lawyering voir également : A. Sarat et S. Scheingold (dir.), Cause Lawyering and the State in a Global Era, New York, Oxford University Press, coll. « Oxford Socio-Legal Studies », 2001 ; A. Sarat et S. Scheingold (dir.), The Worlds Cause Lawyers Make. Structure and Agency in Legal Practice, Standford, Stanford University Press, 2005.
-
[90]
A. Ruscio, « Le monde politique métropolitain et l’Union française, 1944-1947 », in F. Arzalier et J. Suret-Canale (dir.), Madagascar 1947…, op. cit., p. 99-100.
-
[91]
Voir M. Willard, La Défense accuse, Paris, Éditions sociales, 1951 [1938].
1Sous la Quatrième République, une poignée d’avocats du barreau de Paris s’investirent dans la défense de dirigeants et militants politiques en transformant les salles d’audience de Madagascar, de Côte d’Ivoire ou du Cameroun français en places fortes de la défense d’une cause anticoloniale en évolution. Entre 1948 et 1958, certains avocats métropolitains tissèrent des relations personnelles avec des avocats africains anticolonialistes, voire indépendantistes, notamment par le biais de luttes politiques communes et de stratégies de défense juridique développées par la gauche française dans l’entre-deux-guerres et intensifiées pendant la résistance [1]. Ces batailles politico-judiciaires engagées devant les tribunaux coloniaux au cours de cette décennie éclairent les enchevêtrements politiques réciproques entre Paris et les confins de l’Empire qui caractérisèrent la France d’après-guerre, de la fugace Union française à la transition vers la Cinquième République de 1958.
2Du côté des administrateurs coloniaux français, l’instauration de la Quatrième République engendra une crise juridique : en appliquant une norme unique pour l’ensemble de l’Union française, la Constitution de 1946 abolissait la distinction entre le système de justice de la France métropolitaine et celui de la France coloniale. L’établissement d’une norme universelle de justice dans l’Union française clarifiait les limites entre ce qui était légal et ce qui ne l’était pas, alors qu’historiquement, dans tout l’Empire français, celles-ci avaient fluctué ou étaient restées dans un flou répondant aux circonstances politiques et économiques. Durant les quelque douze années que dura la Quatrième République, les cause lawyers [2] anticoloniaux qui défendirent les intérêts de détenus politiques dans l’Afrique française virent dans cette crise juridique, si déstabilisante pour l’Empire, une occasion idéale pour remettre en question le colonialisme, rendre possible la participation politique des habitants de la France d’outre-mer désormais détenteurs de droits et, ce faisant, coopter des alliés politiques dans les assemblées législatives françaises.
3Les rapports entre avocats métropolitains de gauche et militants politiques africains illustrent bien le jeu des flux et reflux impériaux par lesquels les valeurs concernant les libertés civiles et politiques, les droits humains ou la politique circulaient depuis l’Empire de l’outre-mer français vers la métropole [3]. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs avocats français se rendirent dans les territoires français d’Afrique pour transposer une mobilisation du droit comme modalité de résistance, que nombre d’entre eux avaient testée contre l’occupant allemand [4], vers la défense de prisonniers politiques. Le cause lawyering anticolonial n’engageait pas simplement une réforme du système judiciaire dans la France d’outre-mer : il impulsa également un engagement politique, juridique et professionnel conduisant à terme à contester et renverser l’ordre colonial [5]. Pourtant, si les stratégies de ces avocats français anticolonialistes visaient à politiser les procédures judiciaires en pointant les irrégularités procédurales du système judiciaire dans l’Afrique française, l’enjeu, au départ, n’était pas de défendre des causes nationalistes et la lutte pour l’indépendance [6]. Ils insistaient plutôt sur le droit des inculpés à s’exprimer, agir et se réunir librement au nom de leurs causes politiques. Le Secours populaire français (SPF), une association apparentée au Parti communiste français (PCF), finança largement les activités de ces avocats anticolonialistes, dont celles de Pierre Kaldor – secrétaire général du SPF de 1943 à 1947 [7]. Ces avocats du barreau de Paris, engagés à gauche, mirent leur pratique juridique au service des opposants politiques à Madagascar dès la fin des années 1940, en Côte d’Ivoire au début de la décennie suivante et au Cameroun français tout au long des années 1950. En retour, ils furent influencés par leurs clients dans leur manière de concevoir l’État de droit, la justice métropolitaine française et internationale et les droits humains. Beaucoup de ceux qui, dans les années 1940, avaient vu dans l’Union française naissante une opportunité pour réformer la justice dans les territoires de la France d’outremer, se convertirent, à la fin des années 1950, à la lutte pour l’indépendance. L’activisme juridique anticolonial, de même que les interventions du gouvernement français pour contourner, réduire ou supprimer ces alliances politico-juridiques entre la France et le continent, eurent des effets durables sur les usages politiques et les perceptions populaires de l’État de droit, au moment du passage de l’Afrique française à l’indépendance − et ultérieurement.
4Cet article rappelle d’abord que l’instauration de la Quatrième République coïncida avec la création du système de tutelle des Nations unies et celle du Rassemblement démocratique africain (RDA), qui contribuèrent à mettre en exergue les contradictions des objectifs affichés par l’Union française. Il retrace ensuite les trajectoires des hommes et des femmes qui composaient le réseau des avocats anticolonialistes de France au travers de leurs engagements, tout d’abord à Madagascar en 1948 puis en Côte d’Ivoire entre 1949 et 1959 pour ensuite s’attacher plus en détail au cas du Cameroun français entre 1950 et 1958 – date à laquelle le communiste Pierre Kaldor, avocat engagé et secrétaire général du Comité de défense des libertés démocratiques en Afrique noire, fut définitivement expulsé du territoire. Ce dernier cas souligne en retour le legs laissé par les politiques répressives engagées par l’État français contre ces luttes politico-juridiques sur l’évolution du régime des lois dans les pays francophones devenus indépendants.
L’Union française le système de tutelle des Nations unies et le RDA
5Ce sont les ambiguïtés elles-mêmes de la Constitution de la Quatrième République qui ouvrirent le champ à une contestation devant les tribunaux coloniaux, dans la mesure où elle contredisait les particularités juridictionnelles supranationalles de la tutelle onusienne. Pour leur part, les projets des leaders africains de créer une fédération ouest-africaine [8] posaient également un défi pour la Constitution de la Quatrième République, en introduisant la possibilité d’un niveau supplémentaire de souveraineté, remettant en cause le principe de centralisation métropolitaine. Les assemblées constituantes françaises de 1945 et 1946 redéfinirent les limites du territoire français en incluant les territoires impériaux d’outre-mer au sein de l’Union française. À partir de janvier 1946, au moment du lancement des débats sur les accords de tutelle à l’Assemblée générale des Nations unies, des représentants onusiens mirent en doute la légalité de l’intégration du Togo et du Cameroun français – des territoires administrés par la France, mais sous le contrôle du Conseil de tutelle de l’Onu – au sein de l’Union française. Les ministères de la France d’outre-mer et des Affaires étrangères demandèrent alors à des juristes de rédiger un argumentaire démontrant que la Constitution était compatible avec la Charte des Nations unies et les accords de tutelle. Jusqu’à la fin des années 1940, le représentant français au Conseil de tutelle répondit à toutes les requêtes et les remises en cause de l’Onu en prétendant que les sections de la Constitution relatives à la structure de l’Union française pouvaient être interprétées de manière flexible [9]. Cette ambiguïté de la Constitution ouvrait donc une marge de manœuvre au ministre de la France d’outre-mer à l’égard des prescriptions du droit international, concernant les territoires sous tutelle sous tutelle de l’Onu.
6Parallèlement à ces développements en France et à l’Onu, les leaders politiques de toute l’Afrique française se réunissaient à la Conférence de Bamako du 18 au 21 octobre 1946 – soit une semaine avant l’entrée en vigueur de la Constitution de la Quatrième République dans l’ensemble des territoires de l’Union française, le 27 octobre – pour créer le RDA affilié à l’Union républicaine et résistante (URR), cette dernière étant apparentée au Parti communiste français [10]. Parmi les seize députés africains élus lors des élections législatives françaises de novembre 1946, onze étaient membres du RDA et en décembre suivant, sept des conseillers de la République l’étaient aussi [11]. Bien que les dirigeants du RDA ne devinrent pas membres du PCF [12], les communistes français y virent l’opportunité de former, avec les députés de ce parti, un bloc « démocratique » et, partant, d’élargir l’influence politique de leur parti dans le système législatif français en profitant de cette nouvelle configuration transrégionale de la Quatrième République.
7Ce contexte contribua à faire de l’Afrique française le théâtre des luttes politiques de la France métropolitaine. Les enjeux étaient particulièrement saillants dans les tribunaux coloniaux où la justice avait longtemps servi de vecteur essentiel du contrôle des populations assujetties [13]. De manière générale, dans l’ensemble de l’Afrique française, les autorités coloniales appliquèrent systématiquement des décrets et autres règlements administratifs pour réprimer tout activisme anticolonial ainsi que pourchasser les chefs politiques de ces mouvements de lutte, en particulier les syndicalistes ou les nationalistes qui revendiquaient l’indépendance plutôt que l’intégration au sein de l’Union française [14]. Les avocats français de gauche qui se mobilisèrent pour leur défense envisageaient cet engagement sur le terrain du droit comme partie intégrante d’une stratégie anticoloniale cohérente. Pour autant, comme nous l’avons signalé plus haut, il convient de souligner qu’à ce stade, pour la plupart des militants africains et leurs défenseurs, cet engagement anticolonial ne s’assimilait pas à une apologie de l’indépendance ou d’un nationalisme pro-indépendance. À la fin des années 1940 et jusqu’au début de la décennie suivante, l’anticolonialisme désignait plutôt le combat contre la discrimination politique fondée sur la distinction raciale dans les secteurs exécutif, législatif et judiciaire de l’administration d’outre-mer française. Ce n’est qu’à partir de 1957, lorsque la torture en Algérie fut propulsée au-devant du débat politico-médiatique de la France métropolitaine, que nombre de ces avocats anticolonialistes commencèrent à plaider publiquement en faveur de l’indépendance, à l’unisson des nationalistes qu’ils défendaient [15]. Pendant une décennie avant cela néanmoins, ils avaient défendu des Africains confrontés au harcèlement judiciaire du fait de leurs activités politiques. Les développements suivants relatent leurs engagements à Madagascar entre 1947 et 1950, en Côte d’Ivoire de 1948 à 1952, puis au Cameroun français sur la quasi-totalité des années 1950, engagements qui firent de ces lieux des sites expérimentaux du cause lawyering anticolonialiste, terrains précurseurs des stratégies juridiques des avocats engagés en Algérie de 1950 à 1962, qui ne sont pas traitées ici [16].
Prémisses du cause lawyering anticolonial : Madagascar, 1947-1948
8Dans l’après-guerre à Madagascar, le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM), favorable à l’indépendance, fut le fer de lance d’un mouvement nationaliste qui se transforma en insurrection et s’étendit des villes du centre aux régions littorales de l’Est du pays [17]. À l’origine, début 1946, le MDRM fut créé pour promouvoir, au travers de moyens légaux, l’indépendance de Madagascar. Mais en mars 1947, alors que le mouvement comptait quelque 300 000 adhérents, la population malgache se révolta dans les zones côtières et attaqua des bâtiments administratifs, des postes militaires, des colons français ou des Malgaches considérés comme partisans de la France [18]. L’armée coloniale française écrasa l’insurrection au cours du trimestre suivant, et trois députés de l’Assemblée nationale ainsi que trois conseillers malgaches de la République furent arrêtés et poursuivis pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Dans le même temps, 67 des 92 députés des assemblées provinciales furent également appréhendés, aux côtés d’innombrables autres membres de la base du MDRM [19].
9Des membres fondateurs de ce qui allait devenir plus tard le collectif des avocats anticolonialistes se rendirent à Tananarive pour défendre les dirigeants et militants du MDRM – y compris les parlementaires incriminés. Le premier à faire le voyage fut Pierre Stibbe. Il arriva dans la capitale malgache le 1er mai 1947, à la requête du député malgache Joseph Raseta, qui se trouvait à Paris au moment des arrestations [20]. Le lendemain de son arrivée, trente détenus l’engagèrent comme conseiller juridique pour les auditions liées à l’enquête. Estimant qu’il fallait davantage d’avocats à ses côtés, Stibbe appela en renfort d’autres confrères communistes, dont sa propre épouse, Renée Plasson-Stibbe, ainsi qu’Yves Dechezelles et Henri Douzon, à l’époque jeune stagiaire de 22 ans [21]. La présence de cette équipe juridique fut cruciale dans les mois précédant les procès, car le bâtonnier de Tananarive et le député de Madagascar Roger Duveau, du Mouvement républicain populaire (MRP), avaient interdit aux membres du barreau local d’assister les détenus avant que le tribunal ne les désigna pour cette tâche [22]. Aussi, dans ces conditions, seuls les avocats qui n’étaient pas inscrits au barreau de Tananarive furent en mesure d’offrir leurs services aux détenus au cours des interrogatoires et des auditions préparatoires aux procès. Lors de cette phase préliminaire, Stibbe put observer, à l’issue des interrogatoires, des marques de torture sur le corps des prisonniers [23].
10Les procédures judiciaires à Tananarive mirent au jour les anomalies de la justice coloniale, l’arrestation des députés à Madagascar ayant notamment été effectuée en violation de l’article 22 de la Constitution garantissant l’immunité parlementaire. Par la suite, l’Assemblée nationale vota la levée de celle-ci et le bureau du procureur de Madagascar modifia les chefs d’accusation pesant sur les députés pour y inclure l’« incitation à la rébellion » et la « complicité d’assassinat », toutes deux punissables de la peine de mort [24]. Le procureur ordonna aussi que les procès se déroulent à huis clos, s’assurant de la sorte que le public malgache ne puisse y assister et qu’ils ne reçoivent que peu, ou pas, de couverture médiatique. Plusieurs des prévenus jugés à Tananarive, dont les députés et les conseillers de la République, risquaient la peine capitale pour leur rôle présumé dans la révolte de 1947. Bien que les peines de mort aient été commuées en peines d’emprisonnement à perpétuité, 28 condamnés furent effectivement exécutés. Quelque 1 600 autres restèrent emprisonnés jusqu’à l’adoption d’une amnistie en 1956, en grande partie grâce aux campagnes que Pierre Stibbe continuait de mener en France en faveur de mesures de clémence. Les dirigeants du MDRM ne furent, quant à eux, libérés qu’après l’indépendance de Madagascar, en juillet 1960 [25].
11Les procès de Tananarive montrèrent clairement aux avocats qui y plaidèrent que pour défendre les nationalistes malgaches, il fallait mobiliser des moyens de circonvenir, endiguer, contester, rendre public ou surmonter d’une manière ou d’une autre des pratiques judiciaires spécifiques aux territoires d’outre-mer qui auraient été absolument impensables en France métropolitaine [26]. Les procès de Tananarive en 1948 permirent de développer diverses stratégies de ce cause lawyering anticolonial qui allaient être testées pendant la décennie suivante de manière répétée en Côte d’Ivoire, au Togo, au Cameroun puis en Algérie. Ces stratégies s’appuyaient sur une contestation des procédures judiciaires, la politisation du procès pour souligner les irrégularités des systèmes de justice coloniale, et la médiatisation de ces affaires devant l’opinion publique [27].
Genèse du collectif anticolonial des avocats métropolitains : engagements autour du RDA et en Côte d’Ivoire, 1948-1952
12En 1949, un collectif d’avocats anticolonialistes se forma en France métropolitaine, en réponse à la répression systématique organisée dans l’ensemble de l’Afrique française par l’administration coloniale contre les militants du RDA [28]. Son fondateur, Henri Douzon, arriva à Abidjan en mars 1949, un mois après l’arrestation, le 6 février, de presque tous les membres de la branche ivoirienne du RDA, dont deux conseillers généraux des assemblées représentatives territoriales créées en Afrique occidentale française (AOF), accusés de « complicité de violence en bande organisée et de pillage [29] ». Les premiers membres du collectif, aux côtés de Douzon, étaient les mêmes que ceux qui avaient défendu les militants du MDRM à Tananarive, à savoir Yves Dechezelles, Pierre Stibbe et sa femme Renée Plasson-Stibbe. D’autres avocats les rejoignirent ensuite, dont Pierre Braun, âgé d’une vingtaine d’années, et Pierre Kaldor, qui finit par prendre la tête du collectif dans l’Afrique subsaharienne française.
13Pierre Kaldor figurait parmi les jeunes avocats formés dans les années 1930 aux stratégies juridiques de défense des syndicalistes et des droits des travailleurs par Marcel Willard, au sein de l’Association juridique internationale [30]. En 1947, alors qu’il était secrétaire général du Secours populaire français, il avait contesté la ligne centrale du PCF en remettant en cause l’attention exclusive de l’organisation portée aux « victimes de la réaction et du fascisme » de l’après-guerre [31]. En conséquence, le bureau politique du PCF décida de le démettre de ses fonctions à la tête du SPF le 13 mars 1947. Il retourna alors à sa pratique d’avocat à plein-temps, et utilisa cette position comme tremplin, sans doute pour court-circuiter cette sanction symbolique et professionnelle [32]. Il mobilisa ensuite sa pratique juridique et ses contacts personnels auprès d’autres avocats parmi les militants de la Confédération générale du travail (CGT) [33], pour fournir une assistance juridique et morale et un soutien matériel aux prisonniers politiques africains.
14Le but initial du collectif était de favoriser la disponibilité quasi-permanente d’avocats français en Afrique, susceptibles de défendre les partisans du RDA soumis à une répression politique par voie judiciaire [34]. Contrairement à ce que Douzon avait initialement prévu, ses membres ne s’installèrent pas en Afrique française pour y pratiquer localement le droit, mais ils restèrent plutôt inscrits au barreau de Paris [35]. Le collectif fut structuré de manière à pouvoir mener à bien son travail dans les prisons, où les noms des « avocats démocratiques » – comme ils se surnommaient eux-mêmes dans leurs correspondances avec les Africains [36] − circulaient par le bouche-à-oreille [37]. Renée Plasson-Stibbe, en particulier, entretint une correspondance régulière avec de nombreux prisonniers en Côte d’Ivoire, faisant le point sur les éléments juridiques concernant leur cas, échangeant avec eux des vœux de circonstance ou leur donnant des nouvelles des activités d’autres avocats [38]. Le comité de coordination du RDA supervisa le financement du collectif, avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), la branche territoriale ivoirienne du RDA prenant en charge les frais de déplacement et les honoraires par des fonds supplémentaires apportés par le Comité de défense des libertés démocratiques en Afrique noire [39].
15Les avocats engagés en Côte d’Ivoire exposèrent les violations procédurales des tribunaux coloniaux, comme Stibbe et ses confrères l’avaient fait à Tananarive peu de temps auparavant [40]. En contestant ces entorses à la régularité des procédures dans le cadre colonial et en sollicitant l’intervention du barreau de Paris dans les affaires judiciaires de l’Afrique française, le collectif transforma délibérément les salles d’audience coloniales en forum d’expression politique, dans un contexte où l’administration française avait pour usage d’étouffer les libertés civiles et politiques par la voie judiciaire [41]. Ce faisant, les avocats métropolitains et, par conséquent, les opposants qu’ils défendaient, remirent en cause la légitimité de l’Union française en démontrant l’application inégale de l’État de droit sur l’étendue de son territoire [42].
16Cependant, un groupe non négligeable de dirigeants du RDA, mené par Félix Houphoüet-Boigny, commença à considérer que l’alliance avec les communistes français était la cause principale de la répression du RDA dans l’Afrique française. Le 18 octobre 1950 [43], le RDA mit finalement un terme à son affiliation au PCF et en août 1951, après que le nombre de sièges du PCF à l’Assemblée nationale fut tombé à 95, le comité directeur du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ordonna aux détenus en attente d’un jugement devant la cour d’assises de Grand Bassam d’engager de nouveaux avocats métropolitains, en lieu et place de ceux qui œuvraient au sein du collectif anticolonialiste [44]. L’argument mis en avant était que les détenus faisaient face à de plus grandes difficultés en prison et devant les tribunaux à cause des avocats qui les défendaient [45] ; les prisonniers politiques suivirent alors cette ligne dictée par le PDCI. Renée Plasson-Stibbe fit part de son sentiment de trahison à un certain nombre de ses correspondants en détention, dont Jean-Baptiste Mockey, un conseiller territorial appartenant à la direction du PDCI [46]. Plusieurs des prisonniers politiques que le couple Stibbe avait défendus répondirent qu’eux aussi avaient trouvé cette rupture imposée rude au point de vue émotionnel et promirent de garder en mémoire l’aide que le collectif leur avait fourni au moment où ils en avaient fort besoin [47].
17Après avoir été congédiés par le bureau dirigeant du PDCI, les avocats anticolonialistes tournèrent de facto la page ivoirienne, mais le collectif ne fut pas pour autant dissout. Au contraire, désormais dirigés par Pierre Kaldor aux commandes du Comité de défense des libertés démocratique en Afrique noire, les avocats militants tournèrent leur attention vers le Cameroun français, un territoire sous tutelle des Nations unies, dont l’administration avait été confiée à la France, et où l’Union des populations du Cameroun (UPC), un mouvement nationaliste, conservait des liens étroits avec le PCF et la CGT.
De la Côte d’Ivoire au Cameroun français sous tutelle onusienne
18Le collectif des avocats anticolonialistes acquit une certaine notoriété à travers l’Afrique française grâce à son action en Côte d’Ivoire et à l’influence interterritoriale exercée par le RDA. Ruben Um Nyobé, le secrétaire général de l’UPC, entra ainsi en contact avec Henri Douzon au moment où le collectif s’apprêtait, en 1949, à défendre les dirigeants du PDCI en Côte d’Ivoire. Dans une lettre qu’il lui adressa en mars 1950, Um Nyobé expliquait que la répression contre les anticolonialistes au Cameroun était devenue systématique et qu’à ce titre « la présence d’un avocat serait d’un intérêt politique considérable » pour l’UPC [48]. Peut-être cette lettre explique-t-elle l’arrivée sur place au Cameroun, peu de temps après, de l’avocat communiste Pierre Braun ? Toujours est-il qu’en 1950-1951, celui-ci passa huit mois au total en Afrique française, dont la moitié au Cameroun où il défendit des « upécistes » dès que nécessaire dans des procès, tout en offrant des conseils juridiques quasi quotidiens à Um Nyobé [49].
19Dans le Cameroun français du début des années 1950, comme en Côte d’Ivoire et à Madagascar, les administrateurs coloniaux réprimaient l’activisme politique par le biais du système judiciaire. Ainsi, Braun se souvient qu’en 1950 et 1951 les « patriotes » camerounais étaient systématiquement poursuivis en justice [50]. Après son départ, les dirigeants de l’UPC incorporèrent dans leur pratique politique les stratégies juridiques qu’il leur avait conseillées [51]. Ils développèrent alors une rhétorique juridique articulant les niveaux national et international, en jouant du fait que le statut juridictionnel du Cameroun devait leur offrir une protection juridique en cas de violation par la France des termes de l’accord de tutelle signé avec les Nations unies. C’est en décembre 1952, après la période camerounaise de Braun, que Ruben Um Nyobé et Abel Kingue, le leader de la Jeunesse démocratique du Cameroun, voyagèrent pour la première fois à New York pour assister aux réunions de la quatrième commission de l’Assemblée générale de l’Onu [52].
20Après le départ de Braun du Cameroun en 1951, de nombreux avocats anticolonialistes concentrèrent leur énergie et leurs ressources sur le procès de l’Organisation spéciale, la branche armée du Mouvement pour le triomphe des libertés (MTLD) en Algérie (1950-1952) [53], mais certains d’entre eux continuèrent à se rendre régulièrement au Cameroun afin de prêter assistance juridique aux détenus politiques. Comme ils l’avaient fait à Tananarive, ces avocats anticolonialistes s’employèrent à médiatiser auprès du public métropolitain les injustices, les violations procédurales, la répression extrajudiciaire, la torture et les conditions de détention en vigueur en Afrique. En 1953, Maître Roger Cevaer livra ainsi un rapport détaillé sur les conditions de vie dans la prison de Douala, dans un article publié dans la revue Droit et Liberté, la revue du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (MRAP) [54]. La même année, Maître Yves Henry Louisia, né en Martinique en 1921, arriva au Cameroun français et établit un cabinet à Nkongsamba où il fournit des conseils juridiques aux dirigeants de l’UPC, comme Braun l’avait fait durant les quatre mois qu’il avait passés dans le territoire [55].
21À mesure qu’ils en apprenaient davantage sur les ficelles juridiques et la violation systématique des procédures judiciaires au Cameroun, les militants de l’UPC intégrèrent, dans les usages de leur mouvement, une stratégie de défense politique fondée sur une approche juridique, en documentant systématiquement les arrestations, les procédures judiciaires et les emprisonnements de nationalistes locaux. En octobre 1954, le bureau directeur de l’UPC publia ainsi une « note sur la répression au Cameroun » soulignant qu’aussi bien les lois françaises que les lois internationales, telles qu’énoncées dans la Charte des Nations unies et l’accord de tutelle, devaient être respectées sur le territoire [56]. Les dirigeants de l’UPC y envisageaient les actes signés à l’Onu comme des garde-fous supplémentaires que la France, en tant qu’autorité administrante, était tenue de respecter, tandis qu’il incombait à l’Onu d’en imposer l’application. Néanmoins, ils faisaient valoir que jusque-là, plutôt que de leur offrir une plus grande protection, le statut juridique du territoire avait conduit à une répression extrajudiciaire plus importante que partout ailleurs dans l’Afrique française.
22La « note sur la répression » affirmait que l’administration française avait lancé une répression secrète et détournée contre les upécistes, surtout dans les régions constituant des bastions du parti. Même si l’administration prétendait à la « séparation des pouvoirs » au Cameroun, le Haut-commissaire de la France dans ce territoire, qui supervisait tous les services publics, y compris le secteur pénitentiaire, exerçait en réalité une influence déterminante sur le système judiciaire. La note signalait des exemples caractéristiques pour étayer ces allégations et indiquait que la liberté de défense des prévenus était menacée au Cameroun parce que l’autorisation d’exercer, pour les avocats venant de l’extérieur du territoire était du ressort du seul ministère public qui la délivrait. En outre, les avocats locaux étaient placés sous l’autorité directe du ministère public. Certains, craignant des représailles de la part du procureur, préférèrent délaisser leurs clients plutôt que de risquer une expulsion du territoire. Ce fut le cas par exemple de Maître Cazenave, un avocat de Yaoundé, qui ne parvint pas à fournir une assistance effective à son client, Pastor Song, en 1952 [57]. En outre, la note dénonçait la méthode par laquelle des gendarmes, des administrateurs, les agents des forces du maintien de l’ordre, voire des magistrats contraignaient des détenus politiques, dont la majorité était analphabète, à signer des déclarations ne reflétant pas leur témoignage.
23En ce qui concernait les violations régulières de l’accord de tutelle, la note décrivait les mesures de représailles imposées aux individus soumettant des plaintes à l’Onu. Elle abordait également la question de la torture dans les geôles du Cameroun, en citant le cas de Benoît Mvogo qui, arrêté pour des imputations de vol et malgré ses dénégations devant le tribunal, fut enfermé pendant dix jours sans nourriture et sans eau et mourut finalement sans avoir été examiné par un médecin. Plusieurs autres cas individuels étaient également détaillés dans ce document, qui précisait également les lieux et les chefs d’accusation spécifiques, les déviations de la procédure, les dates de procès ou de mise en détention, les éventuels actes de torture subis ou les décès constatés. Cette note montrait donc que le bureau directeur de l’UPC avait, à partir de 1954, formellement adopté un langage juridique et, comme les avocats métropolitains militants, l’utilisait pour dénoncer l’injustice coloniale, et plus particulièrement la violation par la France de ses engagements auprès des Nations unies dans le cadre de l’accord de tutelle.
24En 1955, Ruben Um Nyobé ainsi que d’autres membres dirigeants du bureau directeur de l’UPC restaient en contact régulier avec Louis Odru, un conseiller communiste de l’Union française, enseignant et résistant pendant la guerre, qui avait voyagé en Côte d’Ivoire pour observer et rendre compte des procès de Grand Bassam et d’ailleurs [58]. Les lettres que les leaders de l’UPC échangèrent avec lui cette année-là en disent long sur leur relation avec le PCF et le collectif des avocats anticolonialistes. Ainsi par exemple, le 14 avril 1955, Um Nyobé remerciait Odru pour deux brochures de Mao Tsé Tsung qu’il venait de recevoir et indiquait qu’il en avait commandé une centaine d’exemplaires pour les étudiants de l’école des cadres que l’UPC venait d’ouvrir à Douala [59]. De même, début mai, quelques semaines seulement avant les soulèvements qui eurent lieu dans différentes villes du pays entre les 22 et 25 mai 1955, et juste après qu’Um Nyobé n’entra en clandestinité après qu’un mandat d’arrêt fut émis contre lui pour diffamation, Moumié écrivit à Odru pour lui faire part de l’espoir des dirigeants du parti de voir un représentant du PCF présent au procès d’Um Nyobé à Yaoundé le 6 juin 1955 [60].
25Le procès d’Um Nyobé passa au second plan, suite aux événements de la fin mai, lorsque des émeutes éclatèrent à Yaoundé et que des groupes d’upécistes armés de gourdins, machettes, frondes, pierres et couteaux envahirent les rues des quartiers administratifs ou des sites fréquentés par les colons européens à Douala et Nkongsamba [61]. Ces soulèvements permirent à l’administration française de justifier l’interdiction du parti à compter du 13 juillet 1955 [62]. L’UPC et ses différentes branches d’affiliation (union des femmes, des jeunes, syndicat et coopérative) furent alors les premiers mouvements politiques à être bannis dans un territoire sous tutelle de l’Onu, en contradiction avec l’accord de tutelle. L’administration tenta aussi d’empêcher les avocats métropolitains de venir défendre ceux qui furent arrêtés dans la foulée des événements de mai [63], mais leurs protestations vigoureuses auprès du procureur général du Cameroun et du procureur de Douala permirent de contourner en partie ces obstacles. En fait, en juin 1955, le climat général conduisit les avocats engagés à conclure qu’ils se trouvaient « en présence d’une volonté délibérée de l’administration « d’en finir avec l’UPC » et que cette volonté s’est exprimée par la nomination de Roland Pré [au poste de Haut-commissaire] à qui mission a été donnée de liquider l’UPC [64] ».
26La majorité des personnes arrêtées à la suite des émeutes de mai 1955 furent inculpées pour participation à la violence, à une rébellion, ou à des bandes armées, mais des accusations pour atteinte à la sûreté de l’État, assassinat ou complicité d’assassinat furent également avancées [65]. Les chefs d’accusation les plus graves furent portés contre les membres du bureau exécutif de l’UPC et contre les individus soupçonnés d’être impliqués dans le meurtre de trois Européens à Douala. Dans la plupart des cas, il n’y avait aucun élément de preuve étayant ces accusations. De fait, les avocats de la métropole constatèrent que les audiences d’enquête préliminaires semblaient être fondées sur une claire présomption de culpabilité des accusés upécistes. La stratégie du collectif des avocats consista à mettre en avant les provocations délibérées ayant déclenché les émeutes, à tenter d’établir des alibis, de manière à obtenir la libération d’autant de détenus que possible et à alerter l’opinion publique française du transfert d’un certain nombre des personnes arrêtées vers le camp de travaux forcés de Mokolo, à l’extrême nord du pays, loin de leur famille et de leurs avocats [66]. Au-delà de la défense des upécistes incriminés dans les événements de mai, le collectif aida également l’UPC à déposer un recours contre le ministère de la France d’outre-mer pour contester sa décision de dissoudre le parti devant les juridictions administratives françaises, mais l’illégalité de l’interdiction fut rejetée en appel par le Conseil d’État [67].
27Après les procès et le rejet de la procédure contestant la légalité de l’interdiction du parti, les dirigeants de l’UPC se regroupèrent dans la partie britannique du territoire camerounais. Les lettres qu’ils adressèrent au PCF durant la première moitié de l’année 1956, soit les mois précédant l’adoption de la loi-cadre par l’Assemblée nationale, exprimaient le sentiment de trahison ressenti par les upécistes. L’UPC s’opposait en effet à l’application de la loi-cadre pour le Cameroun, considérant l’autonomie interne du territoire comme acquise, de par l’accord de tutelle et l’article 76b de la Charte des Nations unies. En outre, elle voyait dans l’intégration du territoire à une « grande France » une violation de l’accord de tutelle et un obstacle évident à la possible réunification avec le Cameroun administré par les Britanniques. Mais le PCF et un certain nombre des avocats anticolonialistes qui lui étaient associés se détournèrent alors du Cameroun pour se concentrer sur le cas de l’Algérie, en estimant que les problèmes coloniaux ne pourraient être résolus qu’une fois la paix négociée dans ce pays [68]. Les leaders upécistes comprirent que leur lutte ne figurait désormais plus parmi les priorités du PCF et furent déçus par ses réticences à condamner l’Union française et à soutenir leur appel à l’indépendance totale du Cameroun.
28Lorsque le président de l’UPC, Félix Moumié, écrivit à Pierre Braun en 1956, il l’avertit de l’intention des dirigeants du parti de recourir à la violence si le gouvernement et les partis politiques français continuaient à sous-estimer [leur] lutte :
« Une certaine tradition a voulu qu’à Paris on ne remue le Parlement que lorsque coule à gros flots le sang humain ou lorsque surviennent des Dien-Bien Phu… Mais s’il faut des fellagahs pour que l’on s’occupe de nous, nous saurons en faire éclore… Avant d’en arriver à une solution de désespoir, nous lançons l’ultime appel aux Français honnêtes de tous horizons et nous croyons que nos amis sont les seuls habilités pour diffuser cet appel à la compréhension et à la solution pacifique de notre problème [69] ».
30L’appel resta cependant sans effet : le PCF s’éloigna de l’UPC, et les dirigeants de l’UPC formèrent des maquisards qui menèrent une guérilla depuis les forêts et l’arrière-pays camerounais. Seul Yves Henry Louisia, aidé par intermittence par René Colombé, resta dans le territoire après l’interdiction de l’UPC, pour dispenser ses services et conseils juridiques aux nationalistes.
31Louisia demeura surtout actif à Nkongsamba, qui était un carrefour de rencontre stratégique pour les nationalistes en raison de sa proximité avec la frontière anglo-française, de l’implantation du maquis dans les montagnes entourant la ville, de l’importance des immigrants Bamiléké – dont la plupart étaient upécistes –, et de la place de choix réservée à l’activité syndicale dans cette région qui accueillait les plus grandes et les plus lucratives plantations et fermes d’élevage de tout le territoire [70]. En 1956, Louisia et Colombé se donnèrent pour tâche prioritaire – parfois avec succès – de plaider pour la libération de prisonniers sur la base des irrégularités procédurales constatées, d’interjeter en appel auprès des tribunaux supérieurs ou d’arguer pour des peines plus clémentes [71]. Louisia se saisit également du problème de la police et de la surveillance extraterritoriale effectuée par les administrateurs et le personnel de sécurité et du renseignement français dans la partie britannique du territoire camerounais [72].
Le Cameroun français de 1957 à 1959 : un État à trois statuts juridictionnels
32Les rapports entre pouvoirs exécutif et judiciaire au Cameroun furent définis entre 1957 et 1959, au moment de la création d’un l’État administré par un gouvernement franco-camerounais sous tutelle de l’Onu. Cet État quasi autonome, géré par un gouvernement camerounais en formation, une administration française et sous tutelle de l’Onu au Cameroun, fut officialisé le 10 mai 1957, lorsque le Cameroun français passa du statut de territoire sous tutelle à celui d’État sous tutelle. Que représentait ce statut juridictionnel plutôt confus en termes juridiques, législatifs, exécutifs et politiques ? Il s’agissait d’un État hybride toujours sous contrôle de l’Onu et dirigé par un Haut-commissaire français (Pierre Messmer), un Premier ministre camerounais (André-Marie Mbida) et une assemblée territoriale élue en décembre 1956 et transformée en assemblée législative en avril 1957 [73]. Le Haut-commissaire avait pouvoir de nommer le Premier ministre, il présidait le Conseil des ministres et supervisait les forces armées et les services de sécurité (comme la sûreté) et judiciaires. Cet État franco-camerounais, sous tutelle onusienne, perdura jusqu’au 1er janvier 1959, lorsque la gestion des affaires internes fut transférée à l’État du Cameroun, plaçant sous son contrôle l’organisation judiciaire, la législation pénale et commerciale, et le maintien de l’ordre public [74]. Le régime de la tutelle ne fut effectivement aboli qu’à partir du 1er janvier 1960, lorsque le Cameroun français devint indépendant et prit le nom de République du Cameroun.
33Cette période du chevauchement de trois statuts juridictionnels au Cameroun français se caractérisa par les efforts déployés par le Premier ministre Mbida pour obtenir de la justice qu’elle soit plus sévère à l’encontre des militants de l’UPC [75]. Ainsi, dès juillet 1957, ce dernier demanda avec insistance une révision des clauses judiciaires du statut du Cameroun, tandis que de son côté, le Haut-commissaire Messmer écrivit à plusieurs reprises au ministre de la France d’outre-mer et au président de la République pour leur expliquer que le gouvernement camerounais trouvait les autorités judiciaires trop indulgentes vis-à-vis des dirigeants de l’UPC, et que cela l’amenait à remettre en cause les dispositions du statut concernant les juridictions françaises sur le territoire [76]. Le ministre Jacquet chargea Pierre Messmer de convaincre le procureur général d’expliquer aux magistrats sous ses ordres que le gouvernement camerounais avait été désigné dans le cadre d’une démocratie parlementaire, appuyée sur une assemblée législative, et que les « jeunes États » étaient particulièrement vulnérables à l’action de partis d’opposition cherchant à compromettre – par des moyens légaux ou illégaux – l’établissement des nouvelles institutions [77]. Peu de temps après, le ministère de la France d’outre-mer, sous l’impulsion du Haut-commissaire Messmer, fit pression sur le président du Conseil supérieur de la magistrature afin qu’il démette de leurs fonctions les magistrats considérés sympathisants de l’UPC par le gouvernement Mbida [78]. En juillet 1957, Messmer demanda ainsi la mutation disciplinaire de Louis Viaud-Murat, juge d’instruction au tribunal de première instance de Yaoundé, qui paraissait à maints égards trop favorable aux upécistes puisqu’il facilitait leur libération, intervenait pour qu’ils retrouvent leur emploi ou les autorisait à le consulter dans son cabinet [79]. Au milieu du mois de septembre, le Premier ministre Mbida écrivit alors au Président français en soutenant que le départ de Louis Marchand, premier président de la cour d’appel de Yaoundé, contribuerait à « renforcer les mesures que nous préconisons pour la lutte contre les nationalistes extrémistes qui donnent l’impression de porter sans cesse atteinte à l’ordre public tout à fait impunément [80] ». Le président organisa la mutation de Marchand « pour des raisons politiques ». Prenant en compte le fait que ces manœuvres soulevaient « un certain nombre de difficultés pratiques en raison du statut de la magistrature », il proposa au ministre de la France d’outre-mer d’adresser une lettre au président du Conseil supérieur de la magistrature « … exposant que le premier président de la cour d’appel de Yaoundé doit être en même temps le conseiller du gouvernement camerounais pour la préparation des textes relatifs à la simplification de la procédure pénale ». Il fallait donc remplacer Marchand, « persona non grata auprès du gouvernement camerounais » par un magistrat « auquel le gouvernement camerounais accorderait sa confiance [81] ». Le départ de Marchand fut suivi par l’expulsion, fin octobre 1957, de Maître Louisia, à la demande de Mbida et sur ordre officiel du Haut-commissaire Pierre Messmer, approuvé par le ministre de la France d’outre-mer [82]. Selon les informations contenues dans son dossier d’expulsion, l’avocat Louisia assistait régulièrement aux réunions de l’UPC et se trouvait présent dans la partie britannique du territoire camerounais quand les upécistes y reconstituèrent leur parti sous l’appellation « One Kamerun ». Aux yeux de l’administration coloniale, Louisia était un « employé » de l’UPC dans la mesure où le parti rémunérait ses services.
34À chaque niveau de l’administration, depuis le bureau du Haut-commissariat du Cameroun jusqu’à la présidence de la République en passant par le ministère de la France d’outre-mer, les autorités françaises consentirent aux demandes du Premier ministre camerounais de contraindre l’indépendance de la magistrature, afin de neutraliser politiquement les membres et sympathisants de l’UPC. Le gouvernement français souhaitait que le territoire camerounais sous son contrôle reste membre de la communauté française et que l’État camerounais en formation demeure dans sa sphère d’influence. Il était donc évidemment acquis à l’idée que l’UPC et sa milice intégrée devaient être supprimés au moment où le territoire se dirigeait vers l’indépendance. Les demandes de Mbida fournirent surtout aux autorités françaises une opportunité pour contourner les normes judiciaires en vigueur en métropole, y compris en 1957-1958, alors même que les services judiciaires du territoire étaient encore du ressort de l’administration française. Ce mode de gouvernance, qualifié par l’historien Jean-Pierre Bat d’« illégalisme d’État », fut facilité par l’existence d’un réseau de l’ombre dirigé par Jacques Foccart et organisé par la France dans ses anciens territoires africains sous les présidences successives du Général de Gaulle et de Georges Pompidou [83].
35Les ressorts de cette forme d’illégalisme d’État transparaissent sans doute dans la manière par laquelle Messmer tira profit des « requêtes » de Mbida concernant le système judiciaire dans le Cameroun français en 1957. L’indépendance du pouvoir judiciaire fut sans conteste gravement compromise par le gouvernement français en 1957-1958. Un certain nombre de nationalistes de l’UPC, en particulier ceux qui avaient développé des connaissances juridiques dans les années précédentes, comprirent non seulement les irrégularités judiciaires qu’ils observaient mais les dénoncèrent également, à chaque occasion possible. Peu après l’expulsion de Louisia, Chrétien Dzukam, qui avait été reconnu coupable de trafic d’armes et purgeait sa peine dans la prison de New Bell à Douala, écrivit au procureur général : « S’il est de la tradition de la magistrature d’un pays qui se dit démocratique de demeurer indépendante dans toutes les circonstances, il me semble que tel n’est pas le cas en ce moment en ce qui nous concerne au Kamerun [84] ». Dzukam soutenait qu’il n’y avait « aucune différence » entre le bureau du procureur et la police du Cameroun ; il identifiait des magistrats ayant eux-mêmes porté des coups sur les détenus qui se présentaient devant leur cour [85]. En l’absence d’avocats français, la stratégie juridique de défense politique survivait au Cameroun par le biais des actions et des écrits des prisonniers politiques tels que Dzukam.
36Le procès des upécistes pour des crimes passibles, au pénal, de la peine de mort, conduisit l’avocat militant Pierre Kaldor à Nkongsamba en août 1958, pour défendre une quinzaine de personnes poursuivies pour un double assassinat à Mantem. Six d’entre elles risquaient la peine capitale, mais à l’issue du procès, seul Maurice Kouam fut effectivement condamné à mort [86]. Bien que le ministre de l’Intérieur ait ordonné l’expulsion de Kaldor au lendemain du procès, ce dernier parvint à visiter les détenus politiques dans les prisons de Yaoundé, Eséka, Edéa et Douala [87]. Après son départ, il continua à correspondre avec tous les prisonniers politiques qui s’adressaient à lui et à leur envoyer les publications qu’ils requéraient, comme la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte des Nations unies, l’accord de tutelle avec l’Onu, le quotidien communiste L’Humanité ou encore des ouvrages sur la guerre d’Algérie [88]. Il avait lui-même encouragé les détenus à faire appel devant la Cour de cassation de Paris et promit d’en assurer le suivi. Après sa visite, des avocats métropolitains comme Colombé, Louisia ou Braun se virent systématiquement refuser l’autorisation de défendre les prisonniers politiques au Cameroun. Les appels auprès de la Cour de cassation de Paris restèrent l’unique recours offert aux détenus politiques qui emplissaient les prisons camerounaises jusqu’à l’indépendance officielle du territoire, le 1er janvier 1960.
37Voici maintenant plus de 60 ans que des avocats français, anticolonialistes, ont participé à la défense de militants dans les procès politiques qui se déroulèrent en France d’outre-mer. Les divers avocats anticolonialistes de la France d’après-guerre engagés dans la défense d’opposants politiques combinèrent le droit français, le droit international, leur orientation politique et la rhétorique des droits humains pour aborder les divers problèmes juridiques et judiciaires qui prévalaient dans la France d’outre-mer, entre autres les incompatibilités entre la Constitution de la Quatrième République et l’accord de tutelle des Nations unies (en ce qui concernait le Cameroun, mais également le Togo), les violations des droits humains ou encore la réduction systématique des libertés civiles et politiques à travers toute l’Afrique française, en Algérie et à Madagascar. La rhétorique juridique d’une application en droit comme en pratique de l’État de droit devint partie intégrante des revendications politiques dans toute l’Afrique française, via les réseaux et les relations personnelles que les avocats militants construisirent avec les dirigeants et militants politiques africains à partir de la fin des années 1940. Les nouvelles formes de stratégie et de pratique juridiques influencèrent les processus politiques dans toute l’Afrique française d’après-guerre de manière significative et durable.
38La présence d’avocats anticolonialistes dans l’Afrique française politisa le terrain judiciaire à un degré tel que les procès, les procédures et la composition même du pouvoir judiciaire ont émergé comme lieux centraux des luttes contre le colonialisme. Mais ils devinrent aussi, du même coup, enjeux de luttes politiques dans la France métropolitaine de la Quatrième République. Le Cameroun français fut sans doute un cas particulier parmi les territoires africains sous contrôle français, en raison de son statut sous tutelle et de la longue lutte armée en faveur de l’indépendance, qui se poursuivit au-delà même de la date de l’indépendance officielle. En dépit de sa particularité, le cas du Cameroun nous permet de comprendre les pratiques juridiques issues des collaborations entre métropolitains et Africains − collaborations qui caractérisèrent à la fois la construction de l’État postcolonial et l’opposition politique à ce dernier. Alors que la Quatrième République cédait la place à la Cinquième en 1958, ce sont les accords bilatéraux liant la France aux États autonomes africains de la « communauté française » qui définissaient le cadre juridique de l’État de droit sur la base duquel ces territoires allaient accéder à l’indépendance, pour la plupart en 1960.
39Les activités des avocats de gauche dans l’après-guerre en France d’outre-mer démontrent que le cause lawyering, que l’on considère souvent dans la littérature scientifique comme un phénomène contemporain est loin d’être nouveau [89]. En réalité, s’il plonge plutôt ses racines dans la période de l’entre-deux-guerres, il se diffusa progressivement en articulation avec les processus politiques à l’œuvre dans la France d’outre-mer après la Seconde Guerre mondiale. Au départ, les avocats français qui défendaient les militants africains anticolonialistes adhérèrent au programme post-conflit du PCF, consistant à s’allier aux hommes politiques africains pour bâtir une coalition de gauche majoritaire dans l’assemblée de l’Union française [90]. Comme l’expression juridique de la cause anticolonialiste dominait la scène politico-judiciaire dans la France d’outre-mer, ces militants africains poussèrent leurs avocats à adopter une position de plus en plus radicale et anticolonialiste, fort éloignée dans certains cas de la ligne plus centriste des partis communiste ou socialiste. Les avocats anticolonialistes tirèrent parti de la jurisprudence constituée par la défense stratégique et politique que les communistes français avaient développée durant l’entre-deux-guerres [91] pour s’adapter à l’évolution rapide de la situation dans les territoires sous domination française, aux plans juridique et politique, tout en intégrant de nouveaux éléments dans leur stratégie, comme le droit international ou les appels des nationalistes pour une indépendance totale, hors de tout contrôle politique et économique de la France. L’exclusion systématique et définitive des opposants politiques de l’État de droit fut un projet collaboratif entrepris par les administrateurs français avant leur retrait, et souvent d’ailleurs à la demande d’administrateurs africains. Les régimes indépendants, soutenus par des accords bilatéraux avec la France, échouèrent à établir une quelconque indépendance judiciaire. Les territoires africains sous domination française ne devinrent indépendants que lorsque l’État de droit, revendiqué par les activistes africains et les avocats engagés qui les défendaient, bascula durablement pour être détourné en instrument de répression que les régimes en place utilisèrent pour éliminer leurs opposants de la sphère politique publique.
Notes
-
[1]
L. Israël, « From Cause Lawyering to Resistance : French Communist Lawyers in the Shadow of History », in A. Sarat et S. A. Scheingold (dir.), The Worlds Cause Lawyers Make : Structure and Agency in Legal Practice, Stanford, Stanford University Press, 2005, p. 162 ; « La résistance dans les milieux judiciaires. Action collective et identités professionnelles en temps de guerre », Genèses, n° 45, 2001, p. 45-68.
-
[2]
Ndlr : On a choisi de conserver ici les terminologies anglaises « cause laywer » et « cause lawyering » qui n’appellent pas de traductions françaises évidentes et sont généralement conservées telles quelles. Il s’agit d’une pratique du droit qui est le fait « des avocats qui usent de leurs talents et des ressources qui sont à leur disposition pour atteindre des objectifs politiques et sociaux… ». Voir L. Israël, « Quelques éclaircissements sur l’invention du cause lawyering. Entretien avec Austin Sarat, Stuart Scheingold », Politix, vol. 16, n °62, 2003, p. 31.
-
[3]
Voir les travaux de B. Ibhawoh, notamment Imperial Justice : Africans in Empire’s Court, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 13-14 ; M. Terretta, « “We Had Been Fooled into Thinking that the UN Watches over the Entire World” : Human rights, UN Trust Territories, and Africa’s Decolonization », Human Rights Quarterly, vol. 34, n° 2, 2012, p. 329-360.
-
[4]
Voir L. Israël, « From Cause Lawyering to Resistance… », art. cité, p. 162 ; Robes noires, années sombres. Avocats et magistrats en résistance pendant la Seconde guerre mondiale, Paris, Fayard, coll. « Pour une histoire du xxe siècle », 2005.
-
[5]
S. Elbaz, « L’avocat et sa cause en milieu colonial : la défense politique dans le procès de l’Organisation spéciale du Mouvement pour le triomphe des libertés en Algérie (1950-1952) », Politix, vol. 16, n° 62, 2003, p. 65-66.
-
[6]
Voir V. Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), Paris, CNRS Éditions, 2012, p. 344.
-
[7]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 347 ; A. Brodiez, Le Secours populaire français, 1945-2000. Du communisme à l’humanitaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 53-56.
-
[8]
Voir F. Cooper, Citizenship between Empire and Nation : Remaking France and French Africa, 1945-1960, Princeton, Princeton University Press, 2014.
-
[9]
Archives nationales d’outre-mer (ANOM), France métropolitaine (FM), Affaires politiques, Box 2313/4, « Du ministre des Affaires étrangères (secrétariat des conférences) au ministre de la France d’outre-mer, directeur des Affaires politiques », 8 avril 1948.
-
[10]
E. Schmidt, Cold War and Decolonization in Guinea, 1946-1958, Athens, Ohio University Press, p. 25-30.
-
[11]
Lors des élections législatives de novembre 1946, le PCF obtint 168 sièges et l’URR en remporta 15, ce qui portait le total pour les partis alliés à 183 sièges, soit la plus grande coalition à l’Assemblée française.
-
[12]
E. Schmidt, Cold War and Decolonization…, op. cit., p. 206.
-
[13]
Sur ce point, se référer à V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 349.
-
[14]
Voir T. Chafer, The End of Empire in French West Africa. France’s Successful Decolonization ?, Oxford, Berg, 2002 ; E. Schmidt, Cold War and Decolonization…, op. cit., p. 33-44 ; M. Thomas, Fight or flight. Britain, France, and their Roads from Empire, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 190-207 ; T. Deltombe, M. Domergue et J. Tatsitsa, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2011, p. 149-186.
-
[15]
Sur ce point, voir V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 347-366.
-
[16]
S. Elbaz, « Les avocats métropolitains dans les procès du Rassemblement démocratique africain (1949-1952) : un banc d’essai pour les collectifs d’avocats en guerre d’Algérie ? », Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent, n° 80, 2002, p. 44-60.
-
[17]
M. Thomas, Fight or flight…, op. cit., p. 205-206.
-
[18]
E. Schmidt, Foreign Intervention in Africa. From the Cold War to the War on Terror, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 170.
-
[19]
A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours d’avocat anticolonialiste : Henri Douzon à Madagascar, juillet-octobre 1947 », in F. Arzalier et J. Suret-Canale (dir.), Madagascar 1947. La tragédie oubliée, Paris, Le Temps des cerises, 1999, p. 170-171.
-
[20]
A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours… », art. cité, p. 171. Raseta intervint depuis Paris avant que l’immunité parlementaire des députés malgaches ne fût levée en juin 1947. Par après, il fut lui aussi arrêté.
-
[21]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 348-349. Voir aussi A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours… », art. cité, p. 169-176.
-
[22]
A. Berchadsky, « Aux origines d’un parcours… », art. cité, p. 171.
-
[23]
Ibid ; P. Stibbe, Justice pour les Malgaches, Paris, Le Seuil, 1954, p. 60.
-
[24]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 151.
-
[25]
S. Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, coll. « L’espace de l’Histoire », 2001, p. 26.
-
[26]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 355 ; P. Stibbe, Justice pour les Malgaches…, op. cit..
-
[27]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit. p. 350.
-
[28]
S. Thénault, « Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l’indépendance. La “défense de rupture” en question », Le Mouvement social, n° 240, 2012/3, p. 121-135 ; S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[29]
C. Gérard, « Procès monstres à Grand-Bassam », Esprit, vol. 19, n° 12, 1951, p. 832-838 ; S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[30]
L. Israël, « From Cause Lawyering to Resistance… », art. cité, p. 147-154.
-
[31]
V. Codaccioni, Punir les opposants…, op. cit., p. 348.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Ces liens apparaissent dans les archives Kaldor conservés aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis (ADSSD), fonds Kaldor (FK), non classé.
-
[34]
S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
ADSSD, FK, non classé, « De Pierre Kaldor au journal La Lumière, Lomé (Togo) », 16 novembre 1953.
-
[37]
S. Elbaz, « L’avocat et sa cause… », art. cité, p. 75 ; S. Thénault, « Défendre les nationalistes algériens… », art. cité, p. 124.
-
[38]
Voir la série de lettres adressées par Renée Plasson-Stibbe à des détenus ivoiriens, conservées à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Archives personnelles et familiales, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, correspondance professionnelle.
-
[39]
ADSSD, PCF, Archives de la section Polex (ASP), Afrique subsaharienne, carton 97, RDA, « Rapport sur la gestion des fonds du comité de coordination présenté par Félix-Tchicaya, Gabriel Lisette et Tiemoko Diara », 17 octobre 1949-4 avril 1950.
-
[40]
Voir, par exemple, « Renée Stibbe à Henri Douzon », Abidjan, 14 juin 1949, archives privées, cité dans S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité ; ADSSD, FK, non classé, « Courrier de Pierre Kaldor au bâtonnier de Paris », 18 juin 1950.
-
[41]
S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
E. Schmidt, « Cold War in Guinea : the Rassemblement Démocratique Africain and the Struggle over Communism, 1950-1958 », Journal of African History, vol. 48, 2007, p. 105.
-
[44]
Les efforts du RDA pour négocier une nouvelle alliance parlementaire étaient alors vigoureux, et aboutirent finalement à la coalition RDA-UDSR créée au début de 1952. Pour de plus amples détails, se reporter à E. Schmidt, Cold war and decolonization…, op. cit., p. 49-51.
-
[45]
BDIC, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, « Correspondance professionnelle : de la délégation du comité de coordination du RDA, Paris, au collectif des avocats chargés de la défense du RDA à Paris », 4 septembre 1951.
-
[46]
BDIC, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, « Correspondance professionnelle : de Renée Plasson-Stibbe à Jean-Baptiste Mockey », 5 octobre 1951.
-
[47]
BDIC, Stibbe Pierre, carton 1, division 6, « Correspondance professionnelle : de Jean-Baptiste Mockey à Renée Plasson-Stibbe, 15 octobre 1951 et d’Albert Paraïso à Renée Plasson-Stibbe », 15 octobre 1951.
-
[48]
« Lettre de Ruben Um Nyobé à Henri Douzon, Douala, 11 mars 1950 », citée dans S. Elbaz, « Les avocats métropolitains… », art. cité.
-
[49]
Entretien avec Pierre Braun, Paris, 14 avril 2014.
-
[50]
Ibid.
-
[51]
Voir, par exemple, ADSSD, FK, non classé, de Ruben Um Nyobé à Pierre Kaldor, au sujet du recours en annulation des élections territoriales du 30 mars 1952 dans la région de la Sanaga-Maritime.
-
[52]
Voir M. Terretta, Nation of Outlaws, State of Violence. Nationalism, Grassfields Tradition and State Building in Cameroon, Athens, Ohio University Press, 2013, p. 103.
-
[53]
S. Elbaz, « L’avocat et sa cause… », art. cité, p. 65-91.
-
[54]
R. Cevaer, « Justice et discrimination raciale au Cameroun. L’Africain a toujours un pied dehors et l’autre en prison », Droit et Liberté, n° 128, novembre 1953, p. 5.
-
[55]
ANOM, FM, Affaires politiques 3283/2, « du Haut-commissaire de la République française au Cameroun au ministre de la France d’outre-mer », 25 octobre 1957.
-
[56]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, UPC, bureau du comité directeur, « Note au sujet de la répression au Cameroun », 23 octobre 1954.
-
[57]
Les noms des avocats locaux exerçant au Cameroun français n’apparaissent qu’au coup par coup dans les archives.
-
[58]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 97, « De Louis Odru à Léon Féix, Voyages en Afrique », sd [1951].
-
[59]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, d’Um Nyobé à Odru », Dla, 14 avril 1955.
-
[60]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Moumié à Odru », 7 mai 1955.
-
[61]
M. Terretta, Nation of Outlaws…, op. cit., p. 126-130. Pour des récits rédigés par les individus emprisonnés après les événements, voir ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Tagny à Odru, depuis la prison de Yaoundé », 22 juin 1955.
-
[62]
À propos de cette interdiction de l’UPC, fondée sur une loi du 10 janvier 1936, voir T. Deltombe, M. Domergue et J. Tatsitsa, Kamerun !…, op. cit., p. 153-167.
-
[63]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, Douala », 24 juin 1955.
-
[64]
Ibid.
-
[65]
Ibid.
-
[66]
Ibid.
-
[67]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, Conseil d’État, Section du contentieux, défense pour le ministre de la France d’outre-mer contre Mr Mpaye, Ngom, Moumié, Recours n° 36 214 (rejeté) ».
-
[68]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, lettre du PCF aux dirigeants de l’UPC », 4 avril 1956.
-
[69]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Moumié à Braun », 14 mai 1956.
-
[70]
Voir M. Terretta, Nation of Outlaws…, op. cit., p. 97-133.
-
[71]
ANOM, Délégation de Paris Cameroun-Togo (DPCT), Box 20, « Note de renseignements au sujet de l’UPC », Douala, 9 avril 1956 ; « Lettre du Haut-commissaire au ministre de la France d’outre-mer, direction des Affaires politiques, services judiciaires, au sujet des poursuites judiciaires à l’égard des membres de l’UPC », 28 mai 1957.
-
[72]
ANOM, FM, Affaires politiques 3283/2, « De Pierre Messmer à Maître Meignie, président de l’Association nationale des avocats », Paris, 28 janvier 1958.
-
[73]
M. Michel, « Une décolonisation piégée, Pierre Messmer, Haut-commissaire au Cameroun », manuscrit inédit. Je remercie Marc Michel d’avoir bien voulu partager cet article avec moi.
-
[74]
M. Antangana, The End of French Rule in Cameroon, Lanham, The University Press of America, 2010.
-
[75]
Télégramme du Premier ministre André-Marie Mbida, Paris, 7 juillet 1957 ; ANOM, DPCT Box 20, « Lettre du Premier ministre, État-tutelle du Cameroun, au Président de la République », Paris, 19 septembre 1957.
-
[76]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Ministre de la France d’outre-mer au Haut-commissaire de la République au Cameroun », 5 juillet 1957.
-
[77]
Ibid.
-
[78]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Haut-commissaire Messmer au Ministre de la France d’outre-mer, concernant M. Marchand, magistrat, premier président de la cour d’appel de Yaoundé », 18 septembre 1957.
-
[79]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Haut-commissaire de la République française au Cameroun au ministre de la France d’outre-mer », 6 juillet 1957 ; « Note au sujet du malaise de la magistrature outre-mer », [sans date].
-
[80]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Premier ministre, État-tutelle du Cameroun, au président de la République », Paris, 19 septembre 1957.
-
[81]
ANOM, DPCT, Box 20, « Du Haut-commissaire Messmer au ministre de la France d’outre-mer, concernant M. Marchand, magistrat, premier président de la cour d’appel de Yaoundé », 18 septembre 1957.
-
[82]
ANOM, FM, Affaires politiques 3283/2, « De Pierre Messmer à Maître Meignie, président de l’Association nationale des avocats », Paris, 28 janvier 1958.
-
[83]
J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique de 1959 à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2012, p. 333.
-
[84]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Chrétien Dzukam, prison de Douala, au procureur général, chef du service judiciaire au appartenance à un mouvement politique désirant l’indépendance ainsi que la réunification du Cameroun français et des British Cameroons.
-
[85]
ADSSD, PCF, ASP, Afrique subsaharienne, carton 32, « Répression 1955, documentation UPC, de Chrétien Dzukam, prison de Douala, au procureur général, chef du service judiciaire au Kamerun », Yaoundé, novembre 1957.
-
[86]
ADSSD, FK, non classé, « De Pierre Kaldor à Charlotte Kaldor », 12 août 1958.
-
[87]
Ibid.
-
[88]
Voir, par exemple, ADSSD, FK, non classé, « De Jean-Marie Manga, détenu politique à la prison de Yoko, à Pierre Kaldor », 3 septembre 1958.
-
[89]
S. Ellman, « Cause Lawyering in the Third World », in A. Sarat (dir.), Cause Lawyering : Political Commitments and Professional Responsibilities, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 349-430. Au sujet du cause lawyering voir également : A. Sarat et S. Scheingold (dir.), Cause Lawyering and the State in a Global Era, New York, Oxford University Press, coll. « Oxford Socio-Legal Studies », 2001 ; A. Sarat et S. Scheingold (dir.), The Worlds Cause Lawyers Make. Structure and Agency in Legal Practice, Standford, Stanford University Press, 2005.
-
[90]
A. Ruscio, « Le monde politique métropolitain et l’Union française, 1944-1947 », in F. Arzalier et J. Suret-Canale (dir.), Madagascar 1947…, op. cit., p. 99-100.
-
[91]
Voir M. Willard, La Défense accuse, Paris, Éditions sociales, 1951 [1938].