Notes
-
[1]
K. Farsoun, State Capitalism in Algeria, MERIP Reports, n° 35, 1975, p. 3-30 ; H. Roberts, « The Algerian Bureaucracy », Review of African Political Economy, n° 24, 1982, p. 39-54.
-
[2]
Sans doute en raison d’approches théoriques, mais aussi parce que l’Algérie a été, pendant la guerre civile, un terrain peu propice aux observations in situ.
-
[3]
Je tiens à remercier Nedjib Sidi Moussa et les membres du comité de rédaction de Politique africaine pour leurs remarques sur une version antérieure de ce texte.
-
[4]
H. Beblawi et G. Luciani (dir.), The Rentier State, Londres, Croom Helm, 1987 ; H. Beblawi, « The Rentier State in the Arab World », in G. Luciani, The Arab State, Londres, Routledge, 1990, p. 85-98.
-
[5]
M. Hachemaoui, « La rente entrave-t-elle vraiment la démocratie ? Réexamen critique des théories de “l’État rentier” et de la “malédiction des ressources” », Revue française de science politique, vol. 62, n° 2, 2012, p. 207-230.
-
[6]
J. Ferguson, « Transnational Topographies of Power. Beyond “the State” and “Civil Society” in the Study of African Politics », in J. Ferguson, Global shadows. Africa in the Neoliberal World Order, Durham (NC), Duke University Press, 2006, p. 89-112.
-
[7]
B. Berman et J. Lonsdale, Unhappy Valley : Conflict in Kenya and Africa, Athens/Londres, Ohio University Press/James Currey, 1992.
-
[8]
M. Catusse, « Le limon d’une question sociale, à contre-courant des révolutions arabes ? Comment circulent les paradigmes au nord et au sud du Sahara », Revue internationale de politique comparée, vol. 20, n° 2, 2013, p. 81-100.
-
[9]
A. Benamrouche, Grèves et conflits politiques en Algérie, Paris, Karthala/Institut Maghreb-Europe, coll. « Hommes et sociétés », 2000.
-
[10]
James Mc Dougall met également en évidence la montée d’un discours moral au sein des sphères religieuses qui gravitent autour du pouvoir, dont le but est un achèvement de la révolution par un accomplissement de la décolonisation des mœurs. J. Mc Dougall, « Culture as War by Other Means : Community, Conflict and Cultural Revolution, 1967-1981 », [à paraître].
-
[11]
A. Benachenhou, « L’aventure de la désétatisation en Algérie », in P.-R. Baduel (dir.), L’Algérie incertaine, Revue du monde musulman et de la Méditerranée, vol. 65, 1994, p. 175-185.
-
[12]
A. Benamrouche, Grèves et conflits…, op. cit.
-
[13]
L. Addi, « Sociologie politique d’un populisme autoritaire », Confluences Méditerranée, n° 81, 2/2012, p. 27-40.
-
[14]
A. El Kenz, « La société algérienne aujourd’hui : esquisse d’une phénoménologie de la conscience nationale », in A. El Kenz (dir.), L’Algérie et la modernité, Dakar/Paris, Codesria/Karthala, 1989, p. 7-31.
-
[15]
A. El Kenz (dir.), L’Algérie et la modernité, op. cit.
-
[16]
A. Sid Ahmed, « Algérie : quel développement ? Paradigme du consensus de Washington ou paradigme asiatique ? » in A. Mahiou et J.-R. Henry (dir.), Où va l’Algérie ?, Aix-en-Provence/Paris, Iremam/Karthala, 2001, p. 95-123.
-
[17]
L. Talha, « L’économie algérienne au milieu du gué : le régime rentier à l’épreuve de la transition institutionnelle », in A. Mahiou et J.-R. Henry (dir.), Où va l’Algérie ?, op. cit., p. 125-160.
-
[18]
T. Khalfoun, « La loi sur les partis politiques : un pluralisme administré », in G. Meynier (dir.), L’Algérie contemporaine. Bilan et solutions pour sortir de la crise, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 267-287.
-
[19]
P.-R. Baduel (dir.), L’Algérie incertaine, op. cit.
-
[20]
L. Talha, « L’économie algérienne… », art. cité.
-
[21]
A. Moussaoui, « La concorde civile en Algérie. Entre mémoire et histoire », in A. Mahiou et J.-R. Henry (dir.), Où va l’Algérie ?, op. cit., p. 71-92.
-
[22]
L. Martinez, « Algérie : les illusions de la richesse pétrolière », Les Études du CERI, n° 168, 2010.
-
[23]
On le constate autour des grands chantiers d’infrastructure, comme l’autoroute Est-Ouest, qualifié d’autoroute la plus chère du monde, ou des politiques de logement, puisque les attributions de logements sociaux donnent régulièrement lieu à des émeutes au sujet d’attributions indues. Pour une perspective de long terme, voir M. Hachemaoui, « Institutions autoritaires et corruption politique. L’Algérie et le Maroc en perspective comparée », Revue internationale de politique comparée, vol. 19, n° 2, 2012, p. 141-164.
-
[24]
A. Akef, « Algérie : le procès Sonatrach s’ouvre enfin », Le Monde, 15 mars 2015.
-
[25]
L. Martinez, « Algérie : les illusions.. », art. cité.
-
[26]
Ibid.
-
[27]
R. S. Chase, E. B. Hill et P. Kennedy, « Pivotal States and U.S. Strategy », Foreign Affairs, vol. 75, n° 1, 1996, p. 33-51.
-
[28]
M. Catusse, « Ordonner, classer, penser la société : les pays arabes au prisme de l’économie politique », in E. Picard, La Politique dans le monde arabe, Paris, Armand Colin, 2006, p. 215-238.
-
[29]
F. Talahite, « La rente et l’État rentier recouvrent-ils toute la réalité de l’Algérie d’aujourd’hui ? », Revue Tiers Monde, n° 210, 2/2012, p. 143-160.
-
[30]
A. Amarouche, « Régime politique, société civile et économie en Algérie : une analyse institutionnaliste », Mondes en développement, n° 159, 3/2012, p. 45-57 ; O. Bessaoud, « Aux origines paysannes et rurales des bouleversements politiques en Afrique du Nord : l’exception algérienne », Maghreb-Machrek, n° 215, 1/2013, p. 9-30.
-
[31]
Voir L. Baamara, « (Més)aventures d’une coalition contestataire : le cas de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) en Algérie », L’Année du Maghreb, vol. 8, 2012, p. 161-179.
-
[32]
Sans oublier la propagande du régime, jouant sur la peur d’un scénario à la libyenne ou à la syrienne pour contrer les velléités de « changement » de l’opposition. Voir N. Sidi Moussa, « Algérie : entre mesures et mesure. À l’écoute du changement sur une radio étatique », in M’hamed Oualdi, D. Pagès-El Karoui et C. Verdeil, Les Ondes de choc des révolutions arabes, Beyrouth/Damas, Presses de l’Ifpo, 2014, p. 163-180.
-
[33]
A. Djenane, « La dépendance alimentaire. Un essai d’analyse », Confluences Méditerranée, n° 81, 2/2012, p. 117-131.
-
[34]
T. Serres, « Variations sur le thème de l’union du peuple dans les discours politiques en Algérie », Dynamiques internationales, n° 7, octobre 2012, https://s3-eu-west-1.amazonaws.com/dynamiquesin-ternationales/DI7/Serres-DI7.pdf
-
[35]
I. Werenfels, « An Equilibrium of Instability : Dynamics and Reproduction Mechanisms of Algeria’s Political System », Confluences Méditerranée, n° 71, 4/2009, p. 179-194.
-
[36]
L. Dris-Aït Hamadouche, « L’Algérie face aux “printemps arabes” » : l’équilibre par la neutralisation des constestations », Confluences Méditerranée, n° 81, 2/2012, p. 55-67.
-
[37]
On le voit dans des régimes qualifiés de semi-autoritaires du fait de leur base clientéliste comme le Sénégal. T. Dahou, Entre parenté et politique. Développement et clientélisme dans le delta du Sénégal, Paris/Dakar, Karthala/Enda Graf Sahel, 2004.
-
[38]
V. Das and D. Poole (dir.), Anthropology in the Margins of the State, Santa Fe/Oxford, School of American Research Press/James Currey, 2004.
-
[39]
Occupation des espaces publics, violence tournée vers les symboles de l’État ou les corps de contrôle, détournement de la geste nationaliste. Plus de 10 000 interventions contre des troubles à l’ordre public ont eu lieu pour la seule année 2011 (chiffre cité par F. Talahite, « La rente et l’État rentier… », art. cité).
-
[40]
M. Hachemaoui, Clientélisme et patronage dans l’Algérie contemporaine, Paris, Karthala, coll. « Terrains du siècle », 2013.
-
[41]
A. Bayat, « The Arab Spring and its Surprises », Development and Change, vol. 44, n° 3, 2013, p. 587-601.
-
[42]
J.-F. Bayart, « Retour sur les printemps arabes », Politique africaine, n° 133, 1/2014, p. 153-175.
-
[43]
E. P. Thompson, « The Moral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century », Past& Present, n° 50, 1971, p. 76-136.
-
[44]
M. Catusse, « Le limon d’une question sociale… », art. cité, p. 81-100.
-
[45]
J. Siméant, « “Économie morale” et protestation – détours africains », Genèses, n° 81, 4/2010, p. 142-160.
-
[46]
C. Michael, « Moving Targets : Algerian State Responses to the Challenge of International Migration », Revue Tiers Monde, n° 210, 2/2012, p. 107-122.
-
[47]
A. O. Hirschman, Exit, Voice and Loyalty. Responses to Decline on Firms Organizations and States, Cambridge, Harvard University Press, 1990.
-
[48]
J. Scheele, Smugglers and Saints of the Sahara. Regional Connectivity in the Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.
-
[49]
Elle désigne généralement le commerce de biens non prohibés mais entrant dans le territoire sans s’acquitter des droits de douane, ou l’exportation d’essence ou de biens alimentaires subventionnés.
-
[50]
T. Dahou, « Droits d’accès ou droits de contourner ? Les concessions d’exploitation des ressources maritimes en Algérie », Études rurales, n°192, 2/2013, p. 25-42.
-
[51]
C. Lund et E. Ahonou (dir.), « Propriété et citoyenneté dans l’Afrique des villes », Politique africaine, n°132, 2014.
-
[52]
J. E. Thompson, Mercenaries, Pirates and Sovereigns : State-Building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe, Princeton, Princeton University Press, 1994 ; J. Roitman, Fiscal disobedience. An Anthropology of Economic Regulation in central Africa Princeton, Princeton University Press, 2005.
-
[53]
F. Adelkhah, Les mille et une frontières de l’Iran. Quand les voyages forment la nation, Paris, CERI/ Karthala, coll. « Recherches internationales », 2012.
-
[54]
J. S. Migdal, Strong Societies and Weak States, Princeton, Princeton University Press, 1988.
-
[55]
B. Gourisse, « Ordonner et transiger : l’action publique au concret dans l’empire ottoman et en Turquie », in M. Aymes, B. Gourisse et E. Massicard, L’art de l’État en Turquie. Arrangements de l’action publique de la fin de l’empire ottoman à nos jours, Paris, Karthala, coll. « Meydan », 2013, p. 11-33.
-
[56]
B. Hibou, « Tunisie. Économie politique et morale d’un mouvement social », Politique africaine, n° 121, 2011, p. 5-22, H. Meddeb, « L’ambivalence de la « course à “el khobza” », Politique africaine, n° 121, 2011, p. 35-51.
-
[57]
V. Das et D. Poole, « State and its margins. Comparative ethnographies », in V. Das et D. Poole (dir.), Anthropology in the Margins, op. cit., p. 3-34.
-
[58]
Un interlocuteur me disait, à propos de la surveillance des espaces maritimes et de la contrebande, que « l’État est juste un nom », pour exprimer l’absence de son rôle régalien au profit de logiques qui l’instrumentalisaient.
1Fruit de l’héritage de la révolution et de son cortège d’analystes du socialisme, la sociologie politique en Algérie a été influencée par une économie politique centrée sur l’étude des rapports États-société, autour du capitalisme d’État [1]. Dans ses différentes déclinaisons, c’est la bureaucratie qui a été privilégiée dans l’analyse, au détriment du fonctionnement des réseaux d’action en dehors des cadres administratifs. Les analystes politiques sont ainsi longtemps restés prisonniers d’une conception stato-centrée du politique du fait de leur perspective macro-sociologique [2], empêchant d’apprécier l’ensemble des rapports de pouvoir du champ politique à partir des interactions qui le constituent [3].
2Les travaux sur le politique en Algérie ont progressivement accordé une place de choix au paradigme rentier, importé des travaux sur les États arabes pétroliers, et qui a vu le jour dans les années 1980 [4]. La rente pétrolière aurait un effet de structuration du champ autoritaire en renforçant les moyens de contrôle et d’action de l’ordre prétorien issu de la guerre d’indépendance. À l’inverse, les processus de détotalisation ne sembleraient être à l’œuvre que lors des périodes de baisse effective des montants de cette rente. Le tournant des années quatre-vingt, avec le contre-choc pétrolier et les crises politiques qui s’en suivirent, a donné plus de crédit à cette thèse de l’État rentier. Enfin, la reconstitution du pouvoir de celui-ci au cours des années 2000 s’est faite à la faveur du second choc pétrolier, dont les dividendes auraient permis de restaurer sa légitimité. La plupart des analystes ont ainsi consacré une vision du politique où la rente explique les dynamiques d’intégration ou de désintégration du champ politique.
3Le paradigme rentier s’est forgé à partir d’une économie politique qui fait la part belle aux facteurs économiques sans prendre suffisamment en compte les trajectoires historiques des États avant l’accession à la rente pétrolière [5]. En outre, la dialectique autorité/contestation, appréhendée à l’aune de la distribution, ne permet pas non plus de rendre compte de l’omniprésence de l’État dans les imaginaires comme dans les pratiques de ses marges. L’État se caractérise par des représentations et des dispositifs d’englobement du social, mais il se dilue également dans la société par les pratiques quotidiennes de gouvernement [6]. Il apparaît donc pertinent, pour appréhender le politique, de déplacer l’observation vers les dynamiques des marges, plutôt que de se borner au mouvement d’intégration ou de désintégration de l’État lui-même. Il serait sans doute opportun de délaisser l’étude de l’État rentier au profit de l’analyse politique de la formation de l’État comme processus continu de conflits et compromis avec sa périphérie. Le détour par ce type d’analyse forgé en Afrique subsaharienne [7], et faiblement popularisé sur le monde arabe, est d’autant plus salutaire pour le cas algérien que l’expérience socialiste et la dictature militaire ont doublement fondé l’illusion historique d’une endogenèse de l’État.
4Là est la principale ambition de ce dossier. L’introduction, quant à elle, restitue dans un premier temps les logiques interprétatives des convergences des cycles économiques et politiques, qui expliquent les séquences de stabilité ou d’instabilité à partir de l’évolution des cours mondiaux du pétrole, présumant de l’efficacité de la notion de rente. Nous montrerons la résilience de ce cadre analytique malgré la révolution copernicienne qu’a pu représenter le printemps arabe pour l’analyse politique dans la région [8]. Nous débattrons dans un second temps de la pertinence de l’observation des marges de l’État pour saisir l’originalité des mobilisations sociales dans le contexte algérien, ainsi que la régulation politique des marges dans le transnational ou dans le droit et la propriété, autant de thématiques traités par les articles du dossier. Enfin nous tenterons d’évaluer comment l’analyse des marges doit inclure l’État sans nécessairement postuler l’hégémonie des acteurs qui en sont issus.
Récit rentier et contrôle politique
5La focalisation sur la séquence courte de la construction de l’État algérien semble, de prime abord, corroborer la thèse rentière. Lorsque que la nationalisation des hydrocarbures intervient en février 1971, le régime politique se durcit. La fin de l’expérience autogestionnaire cède alors la place à l’entreprise socialiste, où, si les salariés accèdent à la participation, la grève est interdite [9]. La consolidation autoritaire du régime, certes à l’œuvre dès les années 1960, aurait pris de l’ampleur au cours de la décennie suivante avec une plus grande caporalisation des organisations partisanes et syndicales [10]. S’il n’y a rien de mécanique à l’affirmation du contrôle social et si les germes autoritaires étaient plus anciens, la croissance des cours, consécutive aux chocs pétroliers, a pu participer de cette montée en puissance du caractère autoritaire du régime de Houari Boumediene. Le corset réglementaire de l’entreprise publique est maintenu [11], même lorsque le droit de grève fut ensuite reconnu et des augmentations salariales consenties [12]. La dépense publique, autorisée par la fiscalité pétrolière, a accrédité la thèse de la construction d’un régime autoritaire sur des bases clientélistes et populistes [13], sous la férule du parti unique, le Front de libération national (FLN). Le contrat social s’est ainsi résumé à un essor de la protection économique, au prix d’un renoncement aux droits politiques [14].
6Les cartes politiques sont rebattues à la mort de Boumediene en décembre 1978, au profit d’un autre militaire, Chadli Bendjedid, mais la nature du système reste identique. Néanmoins, la chute des cours au milieu des années 1980 entraîne une reconfiguration des rapports État/société [15]. L’emploi favorisé par les entreprises publiques ainsi que les salaires, surestimés par rapport à la productivité réelle, se dégradent avec la baisse des prix du pétrole [16]. L’Algérie entre dans un cycle de turbulences lié à son incapacité à maintenir des niveaux d’emploi et de consommation suffisants dans un contexte d’explosion démographique. La corrélation entre les niveaux de dépenses publiques et les recettes pétrolières souligne les contradictions du modèle économique [17] et leur érosion suscite de fortes revendications sociales. Les émeutes d’octobre 1988 constituent un premier épilogue de cette crise puisqu’elles font entrer l’Algérie dans une phase de réformes institutionnelles (la constitution de 1989 ouvre le jeu politique) et de libéralisation. Les tenants d’un socialisme de marché inspiré des pays de l’Est imposent la privatisation de la production à l’ancien appareil, d’autant plus facilement que les militaires et la nomenklatura profitent de ces mesures.
7Le décalage entre ces réformes limitées et l’ampleur des attentes sociales et politiques a conduit à la crise politique majeure du début des années 1990. Suite à l’avènement du multipartisme (ou « pluralisme administré [18] ») et à la montée en puissance de l’islam politique, sous l’égide du Front islamique du salut, la crise politique culmine avec l’arrêt du processus électoral et l’entrée dans le cycle de violence de la décennie noire [19]. Au sein de l’armée et du FLN, les éradicateurs s’imposent aux tenants d’une solution négociée, et la restriction des libertés, incarnée par la constitution de 1996, plonge alors l’État dans un isolement profond, aussi bien sur la scène intérieure qu’extérieure. Des années quatre-vingt à la fin des années quatre-vingt-dix, seules les dépenses courantes (salaires, transferts et service de la dette) sont maintenues, au détriment de l’investissement, ce qui rend le pays encore plus dépendant des ressources pétrolières [20]. L’élite sécuritaire, qui a accru sa mainmise sur l’appareil politique et économique, redore en partie son blason par la victoire militaire sur les groupes islamistes et la mise en œuvre de la « loi de la clémence ». Mais il faut attendre le début des années 2000 pour que l’envolée des prix du pétrole sur les marchés internationaux et la conjoncture de la lutte internationale contre le terrorisme (à partir du 11 septembre 2001) restituent à l’État tous ses moyens politiques et économiques.
8Ce cycle de reconstitution d’une base politique est incarné, à partir de 1999, par le magistère de Abdelaziz Bouteflika, lequel s’est voulu en rupture avec le pouvoir prétorien en proposant un nouveau contrat social aux Algériens : l’oubli de la guerre civile au profit du développement économique. Tout en accélérant la pacification de la société algérienne, avec la loi de concorde civile envers les islamistes repentis [21] (processus parachevé par leur amnistie inscrite dans la charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005, dont la contrepartie est l’exonération de toute responsabilité pénale pour les militaires dans la lutte contre le terrorisme), il a su coopter au sein du régime différents partis, y compris religieux. Les cours élevés du pétrole lui ont permis de renouer avec une politique de relance économique et de grands travaux et une politique de protection sociale ambitieuse. Il a ainsi pu, malgré des réformes de libéralisation, maintenir des niveaux d’emploi dans la fonction publique (voire les accroître, comme c’est le cas dans la police, avec 200 000 fonctionnaires en 2010 [22]), et surtout actionner le levier des transferts sociaux, là où les politiques d’emploi et de salaires n’étaient plus viables. Mais la structure distributive du pays, minée par un appareil politico-administratif dont la gabegie n’est plus à prouver, limite les impacts de ces politiques budgétaires auprès des classes populaires. Les scandales liés aux politiques publiques sont légion [23] et se sont étendus jusqu’à la société publique d’exploitation pétrolière, la Sonatrach [24].
9La rente pétrolière n’en serait pas moins dotée d’un pouvoir de structuration du champ politique, à travers un système de dépouilles organisé des niveaux centraux jusqu’aux niveaux locaux, qui expliquerait les difficultés de sortie du régime autoritaire. Dans la première décennie du millénaire, les réserves croissent jusqu’à atteindre les 150 milliards de dollars en 2010 [25]. La constitution liberticide de 1996 n’est pas fondamentalement remise en cause lors de son amendement en novembre 2008, pour permettre au candidat président de se représenter une troisième fois et l’état d’urgence est maintenu. L’appareil répressif et le contrôle social se sont accrus (avec la croissance des effectifs policiers), sous la bienveillance des partenaires européen et américain, soucieux de maintenir leur accès aux produits énergétiques [26] et de préserver la stabilité d’un partenaire stratégique et sécuritaire dans la région [27].
10En dépit de l’intérêt heuristique qu’a pu présenter la notion de rente dans le champ de la science politique sur le monde arabe [28], ce paradigme a entériné une vision stato-centrée – voire totalisante [29] – de la politique algérienne. Il ne permet pas de déchiffrer la boîte noire des modes de gouvernement. Comment dès lors interpréter l’inertie algérienne face aux récents bouleversements régionaux ? Elle pourrait davantage procéder de l’efficacité des pratiques de pouvoir au quotidien – la multiplicité des transactions, qui, dans l’hégémonie, entrelacent des groupes au sein de l’État et les populations – plutôt que de celle des actions distributives.
Un équilibre non remis en cause par les printemps arabes
11Pourtant l’hypothèse rentière ressurgit dans les analyses récentes [30]. La longévité des élites politiques et la perpétuation de la fermeture du jeu partisan revigorent cette thèse et son double, l’hyper-centralisme de la politique algérienne. Les jeux de pouvoir autour de la présidentielle de 2014 se sont déroulés dans une relative opacité (fuites sur les scandales de corruption imputées aux services et affrontements entre réseaux dans la presse), et se déploient dans les coulisses du quatrième mandat de Bouteflika qui pourrait ne pas aller à son terme. Ils consacrent la vision oligarchique d’un pouvoir, partagé entre élites politiques, économiques et sécuritaires ayant gagné en autonomie vis-à-vis de la société depuis la lutte contre le terrorisme.
12De fait, l’Algérie a passé le gué des printemps arabes sans encombre majeur, malgré une instabilité chronique liée à l’inefficacité de la distribution et à la corruption. Cet immobilisme réhabilite la vision rentière, lorsque l’absence de transition est expliquée par la capacité distributrice du régime. Certains chiffres corroborent cette vision de l’État puisant dans ses réserves pour désamorcer la contestation. Si des mobilisations d’ampleur n’ont pas vu le jour ou leur politisation a été un échec [31], c’est peut-être parce que de nombreuses revendications catégorielles ont été atténuées par des augmentations salariales, notamment dans le premier cercle des soutiens de l’État, les membres du secteur public, voire par l’accentuation des importations et subventions de biens de consommation courantes pour les autres [32].
13Les revenus pétroliers ont indéniablement été mobilisés pour faire face aux émeutes des années 2010 et 2011, puisque les subventions allouées aux biens de consommation courante sont restées élevées et que la croissance des importations alimentaires a alors explosé, atteignant pour la seule année 2011 le chiffre record d’environ 10 milliards de dollars [33]. En outre, les investissements infrastructurels ont joué un rôle dans l’emploi des catégories précaires. Les constructions de logements, devenues un symbole des politiques sociales algériennes, ont participé de ces mécanismes d’atténuation des contraintes internes, malgré les émeutes récurrentes auxquelles donne lieu leur attribution. Enfin, les dispositifs localisés de crédit aux jeunes entre preneurs bénéficient à une bonne partie des jeunes algériens sansemplois. Les augmentations salariales et les programmes d’embauche des jeunes dans la fonction publique se sont accompagnés de lois restrictives sur les associations, de menaces sur les médias privés. L’État est parvenu à mettre sous l’éteignoir une contestation sociale généralisée, en maintenant à un niveau local les diverses frondes sociales et politiques.
14Le paradigme de l’État rentier, susceptible d’être validé par les événements récents, n’est toutefois pas explicatif de l’ensemble des dynamiques sociales et politiques de l’Algérie contemporaine. Les politiques de dépense demeurent inefficaces en termes d’emploi, puisque les ressources pétrolières constituent à elles seules environ les deux tiers du budget. Si les revenus ont progressé, les Algériens restent, pour beaucoup, confrontés à la précarisation du travail. Les marges du système de prébendes sont importantes, et les exclus de l’emploi ou des revenus informels gagnent les rangs des contestataires réguliers. Le paradigme rentier butte sur le fait de cantonner l’analyse aux segments les plus insérés dans cette économie de la distribution. Or, la majorité des revenus des travailleurs procède de l’informel, et ceuxci bénéficient peu de la protection sociale entretenue par la manne pétrolière, même s’ils peuvent parfois accéder à des prestations sociales comme le logement.
15Nombre d’analyses récentes, sans épouser strictement la perspective rentière, demeurent dans sa lignée en privilégiant une vision exagérément cohérente du régime politique. Cette cohérence, qui se retrouve dans les discours du régime soucieux de masquer ses divisions [34], se décline selon plusieurs versions. L’une d’entre elles met l’accent sur un équilibre dynamique qui se caractérise par la capacité du groupe élitaire à maintenir sa cohésion en cooptant des groupes sociaux à l’écart des centres de décision [35]. Il en va ainsi de l’incorporation dans l’oligarchie, de groupes sociaux initialement éloignés du premier cercle de la famille révolutionnaire, les élites francophones, ayant eu les premiers la mainmise sur l’appareil d’État. Dans cette version, la rente joue un rôle dans la cohésion du système de dépouilles dans lequel se joue la compétition, mais également dans les moyens accordés à la cooptation de nouvelles catégories pour la participation à la compétition. La seconde version, non opposée à la première, postule un équilibre qui serait issu non plus de la cohérence du personnel politique au sein de l’État, mais de l’annulation des oppositions. Elle suggère que ce dernier dispose d’une capacité à jouer sur les oppositions au sein des mouvements contestataires en agissant sur leur concurrence [36]. Ici la rente peut servir à créer des différenciations au sein des mouvements sociaux ou entre ces mouvements – par exemple entre l’opposition kabyle et islamiste –, ce qui suppose également une cohérence des actions de l’État à l’égard des diverses luttes.
16Cette vision élitaire et d’équilibre préjuge que l’État agit sans cesse de façon rationnelle, malgré l’ensemble des forces centrifuges qui le traversent. Elle tend ainsi à affirmer sa relative étanchéité aux clivages qui parcourent la société. Derrière cette conception se cache un manque d’analyse des collusions entre État et société et des instances intermédiaires de pouvoir. Cette sociologie politique, qui se révèle excessivement focalisée sur l’appareil bureaucratique et les élites qui gravitent autour de lui, ne porte sans doute pas, de ce fait, assez d’attention au caractère négocié du pouvoir et aux transactions politiques courantes au niveau des sphères locales. Y compris dans les régimes clientélistes, les rapports politiques ne peuvent se limiter à des relations matérielles et d’intérêt stricto sensu [37]. En définitive, on perçoit encore mal les interactions entre gouvernants et gouvernés. Derrière l’opposition binaire qui ressort de l’adage « Pays riche, peuple pauvre », se dissimule la dichotomie État/société, qui naît sans doute des discours populistes eux-mêmes et de leur remise en cause par les acteurs sociaux. Elle tend à oblitérer un certain nombre de contradictions inhérentes aux pratiques dans l’État comme aux revendications sociales.
Observer les marges
17L’illusion d’équilibre se dissipe lorsque l’on décèle l’incomplétude des modes de régulation politique et la multitude des conflits qu’ils génèrent aux marges de l’État. De nombreux signes actuels attestent de mobilisations politiques qui dépassent le cadre des revendications strictement catégorielles, qu’il s’agisse de manifestations pour l’emploi ou de récentes mobilisations contre l’exploitation du gaz de schiste. Le caractère dynamique du rapport au politique ne se dément pas quand on sort de la vision rentière et stato-centrée. Dès lors, qu’y a-t-il en dehors du clientélisme ou dans le clientélisme comme économie morale de la subversion ? Quels sont les déséquilibres des relations politiques tissées par l’État ? Quelles sont ses marges économiques et politiques ?
18À l’inverse d’une focale macrosociologique pointée sur l’État, une démarche méthodologique qui puise dans le local une analyse des modes de régulation politiques révèle des formes d’autorité qui dépassent les cadres légaux et administratifs et permet de rendre compte des interactions entre différentes sources de pouvoirs. Il s’agit dès lors d’appréhender le gouvernement au sein des marges spatiales, économiques et politiques de l’État [38], à travers une dialectique des normes et des pratiques concrètes, d’autorités de régulation étatique et non étatique, et enfin du légal et de l’illégal. Les tensions entre dynamiques centripètes et centrifuges des institutions de régulations politiques et les interactions entre ces dernières (par nature, plurielles au niveau local) induisent une relecture de la façon dont le politique a traditionnellement été appréhendé en Algérie.
19Si la trajectoire des élites et le fonctionnement de l’État central présagent d’une impossibilité de réformes ou d’une inertie politique à l’égard des changements globaux, les modes de gouvernement n’en sont pas moins dynamiques, et l’observation des sphères locales mène à reconsidérer les paradigmes de la rente et de la centralité de l’État. La prolifération et l’inventivité des modes de mobilisation actuels [39], dans un contexte de restriction de l’espace public et de retranchement des acteurs du pouvoir, témoignent de la très relative autonomie du centre politique constitué autour du périmètre de l’État. Le champ politique local apparaît moins déterminé par l’État central que résilient à ce dernier, et marqué par une concurrence entre élites, qui puise parfois davantage dans les compétitions entre pouvoirs locaux que dans les luttes entre factions nationales. On l’observe dans l’intrusion du phénomène tribal dans le politique ou dans les concurrences religieuses et leurs impacts sur les scrutins [40].
20Actuellement, la critique des inégalités économiques ou écologiques suscite des regroupements moins éphémères que ceux que l’on observe lors des attributions de logement ou d’accès à des prestations sociales. Des émeutes aux revendications très corporatistes ou très localisées peuvent se greffer les unes aux autres et déboucher sur des mobilisations de plus large ampleur et davantage critique des modes de gouvernement [41]. Ne serait-on pas confronté à des mobilisations au potentiel d’intégration plus large et qui gagnent en intensité, lesquelles ont pu ailleurs renverser à terme des régimes autoritaires ? Même si l’heure des doutes est arrivée dans la phase actuelle de restauration autoritaire [42], les mobilisations politiques en Algérie semblent désormais suivre une évolution vers des contestations de l’ordre politique qui dénoncent la marginalisation croissante de certaines catégories sociales ou de certains espaces.
21Les mobilisations dans le Sud, étudiées ici par Naoual Belakhdar, illustrent cette évolution. En se penchant sur les dynamiques de revendications des populations du Sud, qui réclament l’accès à l’emploi pétrolier et à l’emploi public, l’auteure fait ressortir la dimension morale des doléances de la population. Convoquant l’analyse de l’économie morale [43] des mouvements sociaux, réhabilitée dans l’analyse politique du monde arabe depuis les révoltes de 2010 [44], elle témoigne de l’enracinement de la contestation sur un socle historique ancien et sur un registre de marginalisation raciale et identitaire. Le dévoilement des situations de marges économiques et les demandes d’emploi se greffent à la révélation de la marginalité politique et à la dénonciation du mépris de l’État. Les revendications identitaires éclosent à travers une demande d’appartenance nationale, perçue comme non reconnue, et un réajustement de la mémoire de la lutte pour l’indépendance à partir de ses contributions régionales, contestant les légitimités économiques comme mémorielles de l’État. Comme y incitait le concept d’économie morale à ses origines (avant qu’il ne devienne éculé dans les études africaines [45]), ce sont bien les catégories du juste (ici la notion de dignité) qui remettent en cause le rapport au gouvernant en référence à une histoire particulière (celle de l’édification du projet socialiste).
22Malgré sa dimension contestataire, le mouvement invoque dans ses discours les imaginaires de l’État, interpellant le rôle protecteur de celui-ci, en opposition à l’image rentière corrompue qu’il véhicule. S’il s’agit d’une demande d’État, elle le déborde largement, car elle sert surtout à confronter cet idéal à un État partial et accaparé par une oligarchie qui, malgré ses discours paternalistes, se montre incapable d’intégrer les droits des populations du Sud. Les imaginaires de l’État confrontent finalement les acteurs de l’État à leur incapacité à mener des politiques économiques et sociales inclusives. La critique de ses marges, construisant en miroir l’image d’un État idéel, le ramène inéluctablement à sa formation sur des bases hétérogènes, dans son fonctionnement interne, comme dans sa construction territoriale. Il s’agit également d’une réponse aux idiomes unitaires du populisme, auxquels l’État recourt pour discréditer le mouvement et laisser planer le doute sur la nature séditieuse des contestations. La convocation des imaginaires de l’État protecteur est également un moyen de se parer d’une légitimité nationale pour des mouvements critiques de l’action de l’État algérien, à l’heure où ce dernier peine à maîtriser les logiques économiques de la globalisation.
23Cette relecture du champ politique par les marges, contestataires ou non, s’impose d’autant plus dans un cycle historique de transnationalisation des phénomènes sociaux. L’accélération de la globalisation sous l’effet de la libéralisation, mais aussi de la réinsertion de l’État dans les politiques internationales, même de manière lacunaire, ne manque pas d’avoir des répercussions sur les rapports entre scènes locale et nationale.
Transnationalisation, production des localités et illicite
24La transnationalisation du politique s’est accentuée au cours des deux dernières décennies en Algérie, depuis les flux institutionnels et sécuritaires jusqu’aux mobilités sociales et migratoires qui obligent l’État à se redéfinir vis-à-vis de son environnement global et des arènes locales. Si des écrits ont mis en évidence l’évolution de la contrainte externe et l’adaptation de l’État algérien à celleci, on perçoit plus difficilement comment les scènes locales réagissent à ces nouvelles configurations de pouvoir et comment elles influencent le politique national.
25La question migratoire est emblématique de ces transformations, non seulement parce que l’Algérie devient une terre d’immigration, avec l’afflux de migrants subsahariens et asiatiques, mais aussi parce que l’émigration ne s’est pas estompée, après les violences des années 1990. Malgré la progression des revenus dans les années 2000, les politiques d’emploi sont en échec, et l’Algérie a tenté d’endiguer les flux par un contrôle plus strict. Face aux départs par voie maritime, le pays a privilégié l’insertion dans les politiques de sécurité régionale [46], et a traité la question migratoire par une stratégie de pénalisation de la migration illégale et d’inflexion des politiques européennes de visas. Si, d’un côté, les départs atténuent la pression sur le marché du travail, ils ont pour conséquence de remettre en cause les discours nationalistes et ils marquent une rupture avec le contrat social de ce millénaire. Leurs effets politiques au niveau des sphères locales, qui demeurent encore difficilement perceptibles car sousétudiés, pourraient croître avec le temps, du fait des trajectoires de réussite (avec des flux de normes et de ressources) ou d’échec. Le texte de Salim Chena explore minutieusement la marge politique, économique et morale dans laquelle se forgent les projets migratoires et sur leur manière d’interpeller l’État. À partir du cas précis de Sidi Salem, quartier d’Annaba, il révèle la construction d’un exil à domicile qui tend à placer les groupes de jeunes ayant des velléités de départ à la fois dans des dispositifs d’assujettissement issus des institutions, et dans des pratiques contestataires du politique. La sortie du projet nationaliste par la mobilité s’assimile à une stratégie d’exit [47] et le seul désir d’exil peut être à l’origine d’une identité frondeuse vis-à-vis des politiques distributrices de l’État.
26À un autre niveau, les bouleversements du champ sécuritaire depuis les « révolutions arabes » et la chute du sanctuaire djihadiste du Nord Mali – et le déplacement de son centre de gravité vers la Lybie, autre frontière de l’Algérie – ont un impact sur les stratégies de l’État et sur ses tentatives de contrôle du champ politique. La résurgence de la menace terroriste et les émeutes récurrentes placent l’État devant des difficultés politiques aux quelles il cherche des réponses adaptées aux différentes scènes locales. Dans le Sud, une meilleure maîtrise de la contrebande par ce dernier s’est imposée, dans la mesure où nombre de ses populations sont engagées dans des pratiques délictueuses qui dépassent désormais le champ du contrôle étatique. Les routes de la contrebande alimentent un trafic de drogue international [48] et permettent une circulation de terroristes dans les régions sahariennes. L’attentat d’In Amenas en 2013 qui, pour la première fois, a touché un site d’exploitation énergétique, a révélé des complicités locales et des capacités de circulation des agents de la violence sur le territoire algérien. Bien que le laisser-faire de la contrebande participe du contrôle de la frontière et de la construction politique hégémonique par le quadrillage des activités des populations du Sud marginalisées de l’économie pétrolière, certains flux échappent à l’État dans un contexte de multiplication des contestations.
27L’État est également partie prenante de l’illicite qui structure autant le champ central que local. Si l’État central est considéré comme souverain de ses espaces et institutions de frontière, ses ressources et son infrastructure peuvent être utilisées pour servir des intérêts hétéroclites, arrimés à l’État et en dehors, et susceptibles d’éroder les régulations légales-institutionnelles. Pourtant, on décèle une grande stabilité de la contrebande, étudiée par Nabila Moussaoui, à la frontière avec le Maroc, fermée depuis 1994. Le trabendo (contrebande [49] en arabe dialectal) y est parfaitement institutionnalisé et régulé par des segments de l’État, ses corps de contrôle policiers et douaniers. La participation de ceux-ci aux rouages de la contrebande révèle le rôle de l’État dans l’essor de ses marges, seules les conjonctures faisant varier le degré d’intervention. Les subalternes (les soldats dans la terminologie des contrebandiers) de l’économie de contrebande sont les plus soumis aux aléas de l’application des règles légales sur ce commerce, et les changements de personnel policier ou douanier les exposent à des risques fluctuants, révélant par là même le caractère transactionnel de cette économie, au-delà d’une opposition entre dynamiques de pouvoir et escapisme. L’engagement de différents intermédiaires dans ces réseaux locaux contribue sans doute à l’atténuation des conflits, et à l’absence de remise en cause de cet ordre illégal ou de contestation de l’État dans ces pratiques.
28Cette stabilité ne va pas de soi à la frontière opposée, celle que l’Algérie partage avec la Tunisie, sur la zone côtière, où sévit un trafic de corail. Les contrebandiers participent dans cette région d’une délégitimation du contrat social, en justifiant leur pratique par leur difficulté de s’insérer dans l’emploi et en discréditant l’ordre prétorien par la stigmatisation des pratiques de corruption qui encadrent ce trafic [50]. Mais surtout, ils peuvent s’opposer de manière violente à la remise en cause du contrat tacite autour du laisser-faire de la contrebande par l’État. Des émeutes, avec des violences sur les garde-côtes et l’incendie de la capitainerie, ont eu lieu, suite à une volonté d’endiguer partiellement ce trafic. Des zones de dissidences s’articulent alors aux zones de nondroit, puisque le trafic a alors repris de plus belle. On voit à quel point la régulation d’une frontière par des activités illicites peut être une arme à double tranchant, favorisant une observation des flux par les autorités et polarisant certains flux de ressources, mais donnant naissance à des éthiques en dehors de l’État de droit, susceptibles de devenir difficiles à contrôler, voir séditieuses.
29Nous pouvons dès lors questionner les modes de gouvernement par l’illicite, dans la gestion des zones frontières et la régulation de la contrebande par l’État, à partir de leurs impacts politiques. Comment évoluent les éthiques politiques selon la manière dont l’État module ses propres régulations, entre légal et illégal, par des concessions d’activités illégales à des corps publics et des groupes locaux ? Les modes de régulation politique, à l’œuvre dans les pratiques associant logiques légales et illégales, tout en servant de manière opportune l’État central dans ses moyens de gouvernement, peuvent mettre à mal sa légitimité au niveau local au gré des insertions dans les activités illégales. Aussi bien sur le champ migratoire que contrebandier, l’État gouverne ses propres marges, même si les pratiques des acteurs peuvent ici plus facilement saper son autorité. Dans les sphères non rentières de l’économie, les stratégies politiques se révèlent plus contingentes, dans la mesure où leur organisation est davantage coproduite par l’État et les groupes sociaux, y compris si ce lien par l’illicite est davantage vecteur de violence.
Droits de propriété et justice
30Si l’illicite confronte l’État à ses propres limites, la régulation par le droit n’est parfois pas moins incomplète. La propriété et le droit sont un autre champ d’analyse où les processus politiques rentiers et la capacité de l’État à orienter les stratégies peuvent être mis en discussion. Depuis le début des années quatre-vingt, les réformes foncières, qui ont cherché à résoudre les contradictions de la réforme agraire, ont été très progressives en Algérie. À la suite de l’échec du transfert des dividendes pétroliers vers le monde rural au cours de l’expérience coopérative, les gouvernements successifs ont cherché, depuis les premières mesures de libéralisation, à transférer les droits sur la terre, notamment par l’octroi de concessions d’usage. Si la loi sur l’Accès à la propriété foncière agricole (Apfa) de 1983, chargée de remédier à l’impéritie de la réforme agraire, était vouée à promouvoir l’entreprenariat national sur le domaine public en attribuant les terres des anciennes structures socialistes, sa refonte récente, en 2010, chercherait à encourager, elle, les investisseurs, en leur accordant des garanties foncières. Selon ces interprétations, elle vise à stimuler le transfert des droits des attributaires fonciers actuels pour pouvoir actionner le levier du crédit agricole au bénéfice de nouvelles catégories. Parallèlement aux tentatives de pilotage de la politique agricole par le droit, qu’il s’agisse de raffermir les droits d’exploitation ou d’encourager des cessions, les transactions foncières sans soubassement légal se sont multipliées face aux rigidités de la loi foncière et des politiques agricoles.
31Le texte d’Hichem Amichi, Pierre-Louis Mayaux et Sami Bouarfa révèle que, derrière la politique des droits fonciers, se cache une politique clientéliste qui tente de se construire au gré des aléas des transactions sur les marchés agricoles. Loin de poursuivre une logique rentière par la maîtrise de la libéralisation des marchés agricoles à travers ses lois et subventions – voire l’effacement des dettes des producteurs –, l’État demeure fortement contraint par les relations de pouvoir locales. Dans ce cas d’étude sur le Chéliff, les transactions courantes au niveau local favorisent des locations de terre que l’État est, à terme, amené à reconnaître. Le faire-valoir indirect s’est généralisé, donnant accès à la terre à des commerçants et entrepreneurs urbains qui cultivent les parcelles des attributaires des terres publiques. L’accès à la rente foncière se révèle plus ouvert pour une diversité d’acteurs ruraux, poussant l’État à avaliser le pouvoir de nouvelles élites. Bien que la libéralisation des marchés agricoles lui offre des moyens de coopter de nouvelles clientèles dans les zones rurales, puisqu’il a pu les favoriser financièrement – par l’octroi de matériel par exemple –, elle s’appuie moins sur une logique de concession de la terre maîtrisée par les pouvoirs publics pour orienter le crédit bancaire. Elle serait plutôt le reflet d’un investissement des acteurs privés non ruraux dans les filières agricoles. La loi foncière s’assimile davantage à un cadre normatif destiné à perpétuer le rôle d’arbitre de l’État, face à des évolutions susceptibles de marginaliser progressivement les anciennes paysanneries. La privatisation agricole aurait donc pour effet, malgré les aides financières qui l’accompagnent, de rendre plus incertaine la sélection des élites et de mener à des effets contre-productifs vis-à-vis des paysanneries. Si les anciens attributaires n’ont jusqu’à présent pas disparu et si certains se sont même constitués en notabilités aux côtés des élites non paysannes favorisées par la libéralisation, l’incertitude qui pèse sur leur devenir représente tout de même une menace pour la reproduction du pouvoir étatique dans les zones rurales. La « subversion » du cadre légal est autant issue de la régulation étatique des marges instituées par les normes marchandes que des trajectoires autonomes des pouvoirs locaux.
32Même le fonctionnement de la justice révèle les accommodements locaux du droit positif au cours de son application, atténuant le caractère omnipotent des lois nationales et révélant la négociation des modalités d’intervention de l’État. C’est ce que nous présente Yazid Ben Hounet dans son travail sur une anthropologie du droit en Algérie à partir des litiges fonciers et des dispositifs de conciliation sur les homicides. Il révèle qu’il n’y a pas d’opposition entre le droit positif et les autres sources de normes, qu’elles soient issues de la coutume, de la jurisprudence musulmane ou de la charia. Les relations entre ces normes ne suscitent pas des conflits dans la mise en œuvre du droit, mais induisent plutôt des solutions de continuité dans les pratiques de règlement des litiges. Néanmoins, si le droit positif est toujours considéré comme un référent et le seul ayant droit de cité dans l’espace public, l’État n’est pas totalement souverain en matière de justice. Ses agents locaux privilégient des complémentarités entre les normes, et reconnaissent, de ce fait, les ordres normatifs à ses marges et leur validité, altérant ainsi une partie de son pouvoir. L’énonciation du droit à partir de différentes sources ne dévoile pas des dissidences, mais des opportunités d’incorporer des dispositifs de conciliation dans les sphères administratives. Sans doute faut-il y voir, comme nous y incite Yazid Ben Hounet, le fruit d’une politique plus large de reconnaissance des normes religieuses locales, tant qu’elles ne contredisent pas de façon frontale le pouvoir régalien, mais surtout une manière pour l’État de rendre plus légitime l’exercice de sa justice.
33Y compris dans le droit et la propriété, secteurs par excellence de l’établissement d’un gouvernement politique [51], se manifestent des compromis sociaux de manière indépendante de l’État, même si ce dernier s’efforce de les réintégrer dans la sphère d’exercice de son pouvoir régalien pour mieux les maîtriser. La norme en Algérie n’est donc pas seulement issue d’un rapport d’autorité, le produit de la souveraineté, mais bien aussi la reconnaissance d’ordres locaux avec lesquels l’État se doit de composer. De même, les pratiques du droit aux marges de l’État se structurent parfois autour de ce dernier pour être davantage opératoires.
Des marges dans l’État ou à sa périphérie ?
34Les pratiques à la marge de l’État algérien sont loin de se réduire à une contestation politique. Elles engagent des acteurs et des ressources à la fois dans l’État et hors de l’État, y compris lorsqu’il s’agit des imaginaires de la contestation ou de la subversion. Cela nous amène à nous interroger sur le devenir de l’État algérien au-delà de l’image très centralisée, longtemps véhiculée par les analystes politiques. L’homogénéité et l’autonomie du gouvernement politique sont démenties par l’observation des scènes locales et des interactions quotidiennes. L’idée d’un État omniscient et contrôlant tout est battue en brèche par le phénomène d’altération de l’action publique dans le cours de son appropriation sociale (matérielle et idéelle). Les interpénétrations entre acteurs étatiques et non étatiques, pratiques légales et illégales structurent les logiques de contournement des institutions.
35L’État agit toujours de manière discriminante, intentionnellement ou non, et se trouve ainsi souvent à l’origine de ses propres marges. Il en est ainsi lorsqu’il établit sa souveraineté, au-delà de la dimension constitutive (son autorité à contrôler ses frontières par la loi et la force) ; il délègue alors une partie de ses pouvoirs à des acteurs intermédiaires pour polariser certains flux de ressources et mieux gouverner ses frontières [52] au-delà de son pouvoir régalien. Par la polarisation de ces flux, il crée de l’hétérogénéité territoriale et sociale, favorisant l’éclosion de ses propres marges. De la même façon, dans son gouvernement interne, à travers le rôle de protecteur de la collectivité politique qu’il endosse, il institue des marges à travers ses catégories cognitives et pratiques. Les politiques publiques opèrent nécessairement par des mécanismes de réduction du réel qui suscitent des marges à leur action régulatrice, dans la mesure où autant les catégories administratives que les lois reposent sur un principe d’unicité censé s’appliquer à des situations hétérogènes. De même, il construit sa légitimité en tant que garant de l’unité de la nation, qui efface les mémoires alternatives sur les représentations de son action, les récits nationaux produisant des imaginaires spécifiques, toujours susceptibles de générer des contre-discours.
36Mais au-delà de l’hétérogénéité par laquelle gouverne l’État algérien, et finalement tout autre État, se pose la question de la manière dont les acteurs sociaux investissent ces marges et dont ils tissent avec lui un rapport ambigu, tantôt se l’appropriant, tantôt le contestant, tantôt le marginalisant vis-à-vis du corps social. C’est en tentant de réguler ces marges qu’il peut être poussé à infléchir son action. La formation de l’État se déroule à ses périphéries, qu’elles soient transnationales ou locales (comme l’illustre également l’Iran, autre pays rentier [53]), et dans un mouvement qui enchevêtre des ressources privées et publiques, des acteurs étatiques et des forces sociales capables de se soustraire à la seule domination autoritaire et d’influencer les règles du jeu (l’État est internalisé par la société [54], y compris pour des États considérés comme forts, à l’image de la Turquie [55]).
37Une fois rejetée l’idée de cohérence de l’action de l’État et si l’on admet la multiplicité d’agents et de pratiques en son sein, comment ne pas retomber dans une vision qui accorderait trop d’importance à ses représentants dans la lecture des phénomènes politiques à ses marges ? Les travaux sur l’assujettissement [56] et sur la biopolitique [57] inspirés de la critique foucaldienne du gouvernement libéral ont pu, d’une certaine manière, résoudre ce dilemme, en révélant l’irréductibilité des stratégies sociales aux agencements politiques étatiques et la dimension de désordre qui peut en résulter malgré la permanence de situations de pouvoir. L’État, en créant ses propres marges ou en les investissant pour les réguler, déconstruit une partie de son pouvoir, puisqu’il contourne, voire érode, ses instruments de contrôle et de légitimité. Ce qui caractérise le mieux les marges internes et externes de l’État est l’imprévisibilité, dans la mesure où il y agit moins en tant qu’organisation sociale que comme un champ.
38Peut-on pour autant supposer que plus l’État gouverne par ses marges, d’une part, plus incertaines sont ses capacités de régulation et, d’autre part, plus importante est la faculté des groupes sociaux à définir et réguler des espaces autonomes ? La production du politique national par ses différentes scènes locales pourrait-elle avoir des effets inattendus en termes de changement de modes de gouvernement du régime algérien, ou simplement révéler leur remarquable plasticité ? Si, plus que jamais en Algérie, « l’État n’est qu’un nom » [58] – du fait de la subversion de ses normes, et de l’instrumentalisation de son infrastructure –, ce qui est en jeu est bien le contenu du rapport politique des situations de pouvoir, et donc la capacité des acteurs politiques à infléchir leur caractère arbitraire. S’il s’agit bien de dépasser la notion d’autoritarisme qui a trop longtemps dominé les recherches sur les États de la région, sans doute convient-il de ne pas tomber dans une vision exclusivement tournée vers les mouvements sociaux et les manifestations de la dissidence. Il s’agirait plutôt de mettre à profit l’étude de configurations politiques complexes où l’État et la société seraient finalement aussi fragmentés l’un que l’autre, laissant place à des intrications tantôt heureuses en termes d’atténuation du contrôle politique, tantôt malheureuses en termes de recomposition de l’hégémonie.
Notes
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[1]
K. Farsoun, State Capitalism in Algeria, MERIP Reports, n° 35, 1975, p. 3-30 ; H. Roberts, « The Algerian Bureaucracy », Review of African Political Economy, n° 24, 1982, p. 39-54.
-
[2]
Sans doute en raison d’approches théoriques, mais aussi parce que l’Algérie a été, pendant la guerre civile, un terrain peu propice aux observations in situ.
-
[3]
Je tiens à remercier Nedjib Sidi Moussa et les membres du comité de rédaction de Politique africaine pour leurs remarques sur une version antérieure de ce texte.
-
[4]
H. Beblawi et G. Luciani (dir.), The Rentier State, Londres, Croom Helm, 1987 ; H. Beblawi, « The Rentier State in the Arab World », in G. Luciani, The Arab State, Londres, Routledge, 1990, p. 85-98.
-
[5]
M. Hachemaoui, « La rente entrave-t-elle vraiment la démocratie ? Réexamen critique des théories de “l’État rentier” et de la “malédiction des ressources” », Revue française de science politique, vol. 62, n° 2, 2012, p. 207-230.
-
[6]
J. Ferguson, « Transnational Topographies of Power. Beyond “the State” and “Civil Society” in the Study of African Politics », in J. Ferguson, Global shadows. Africa in the Neoliberal World Order, Durham (NC), Duke University Press, 2006, p. 89-112.
-
[7]
B. Berman et J. Lonsdale, Unhappy Valley : Conflict in Kenya and Africa, Athens/Londres, Ohio University Press/James Currey, 1992.
-
[8]
M. Catusse, « Le limon d’une question sociale, à contre-courant des révolutions arabes ? Comment circulent les paradigmes au nord et au sud du Sahara », Revue internationale de politique comparée, vol. 20, n° 2, 2013, p. 81-100.
-
[9]
A. Benamrouche, Grèves et conflits politiques en Algérie, Paris, Karthala/Institut Maghreb-Europe, coll. « Hommes et sociétés », 2000.
-
[10]
James Mc Dougall met également en évidence la montée d’un discours moral au sein des sphères religieuses qui gravitent autour du pouvoir, dont le but est un achèvement de la révolution par un accomplissement de la décolonisation des mœurs. J. Mc Dougall, « Culture as War by Other Means : Community, Conflict and Cultural Revolution, 1967-1981 », [à paraître].
-
[11]
A. Benachenhou, « L’aventure de la désétatisation en Algérie », in P.-R. Baduel (dir.), L’Algérie incertaine, Revue du monde musulman et de la Méditerranée, vol. 65, 1994, p. 175-185.
-
[12]
A. Benamrouche, Grèves et conflits…, op. cit.
-
[13]
L. Addi, « Sociologie politique d’un populisme autoritaire », Confluences Méditerranée, n° 81, 2/2012, p. 27-40.
-
[14]
A. El Kenz, « La société algérienne aujourd’hui : esquisse d’une phénoménologie de la conscience nationale », in A. El Kenz (dir.), L’Algérie et la modernité, Dakar/Paris, Codesria/Karthala, 1989, p. 7-31.
-
[15]
A. El Kenz (dir.), L’Algérie et la modernité, op. cit.
-
[16]
A. Sid Ahmed, « Algérie : quel développement ? Paradigme du consensus de Washington ou paradigme asiatique ? » in A. Mahiou et J.-R. Henry (dir.), Où va l’Algérie ?, Aix-en-Provence/Paris, Iremam/Karthala, 2001, p. 95-123.
-
[17]
L. Talha, « L’économie algérienne au milieu du gué : le régime rentier à l’épreuve de la transition institutionnelle », in A. Mahiou et J.-R. Henry (dir.), Où va l’Algérie ?, op. cit., p. 125-160.
-
[18]
T. Khalfoun, « La loi sur les partis politiques : un pluralisme administré », in G. Meynier (dir.), L’Algérie contemporaine. Bilan et solutions pour sortir de la crise, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 267-287.
-
[19]
P.-R. Baduel (dir.), L’Algérie incertaine, op. cit.
-
[20]
L. Talha, « L’économie algérienne… », art. cité.
-
[21]
A. Moussaoui, « La concorde civile en Algérie. Entre mémoire et histoire », in A. Mahiou et J.-R. Henry (dir.), Où va l’Algérie ?, op. cit., p. 71-92.
-
[22]
L. Martinez, « Algérie : les illusions de la richesse pétrolière », Les Études du CERI, n° 168, 2010.
-
[23]
On le constate autour des grands chantiers d’infrastructure, comme l’autoroute Est-Ouest, qualifié d’autoroute la plus chère du monde, ou des politiques de logement, puisque les attributions de logements sociaux donnent régulièrement lieu à des émeutes au sujet d’attributions indues. Pour une perspective de long terme, voir M. Hachemaoui, « Institutions autoritaires et corruption politique. L’Algérie et le Maroc en perspective comparée », Revue internationale de politique comparée, vol. 19, n° 2, 2012, p. 141-164.
-
[24]
A. Akef, « Algérie : le procès Sonatrach s’ouvre enfin », Le Monde, 15 mars 2015.
-
[25]
L. Martinez, « Algérie : les illusions.. », art. cité.
-
[26]
Ibid.
-
[27]
R. S. Chase, E. B. Hill et P. Kennedy, « Pivotal States and U.S. Strategy », Foreign Affairs, vol. 75, n° 1, 1996, p. 33-51.
-
[28]
M. Catusse, « Ordonner, classer, penser la société : les pays arabes au prisme de l’économie politique », in E. Picard, La Politique dans le monde arabe, Paris, Armand Colin, 2006, p. 215-238.
-
[29]
F. Talahite, « La rente et l’État rentier recouvrent-ils toute la réalité de l’Algérie d’aujourd’hui ? », Revue Tiers Monde, n° 210, 2/2012, p. 143-160.
-
[30]
A. Amarouche, « Régime politique, société civile et économie en Algérie : une analyse institutionnaliste », Mondes en développement, n° 159, 3/2012, p. 45-57 ; O. Bessaoud, « Aux origines paysannes et rurales des bouleversements politiques en Afrique du Nord : l’exception algérienne », Maghreb-Machrek, n° 215, 1/2013, p. 9-30.
-
[31]
Voir L. Baamara, « (Més)aventures d’une coalition contestataire : le cas de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) en Algérie », L’Année du Maghreb, vol. 8, 2012, p. 161-179.
-
[32]
Sans oublier la propagande du régime, jouant sur la peur d’un scénario à la libyenne ou à la syrienne pour contrer les velléités de « changement » de l’opposition. Voir N. Sidi Moussa, « Algérie : entre mesures et mesure. À l’écoute du changement sur une radio étatique », in M’hamed Oualdi, D. Pagès-El Karoui et C. Verdeil, Les Ondes de choc des révolutions arabes, Beyrouth/Damas, Presses de l’Ifpo, 2014, p. 163-180.
-
[33]
A. Djenane, « La dépendance alimentaire. Un essai d’analyse », Confluences Méditerranée, n° 81, 2/2012, p. 117-131.
-
[34]
T. Serres, « Variations sur le thème de l’union du peuple dans les discours politiques en Algérie », Dynamiques internationales, n° 7, octobre 2012, https://s3-eu-west-1.amazonaws.com/dynamiquesin-ternationales/DI7/Serres-DI7.pdf
-
[35]
I. Werenfels, « An Equilibrium of Instability : Dynamics and Reproduction Mechanisms of Algeria’s Political System », Confluences Méditerranée, n° 71, 4/2009, p. 179-194.
-
[36]
L. Dris-Aït Hamadouche, « L’Algérie face aux “printemps arabes” » : l’équilibre par la neutralisation des constestations », Confluences Méditerranée, n° 81, 2/2012, p. 55-67.
-
[37]
On le voit dans des régimes qualifiés de semi-autoritaires du fait de leur base clientéliste comme le Sénégal. T. Dahou, Entre parenté et politique. Développement et clientélisme dans le delta du Sénégal, Paris/Dakar, Karthala/Enda Graf Sahel, 2004.
-
[38]
V. Das and D. Poole (dir.), Anthropology in the Margins of the State, Santa Fe/Oxford, School of American Research Press/James Currey, 2004.
-
[39]
Occupation des espaces publics, violence tournée vers les symboles de l’État ou les corps de contrôle, détournement de la geste nationaliste. Plus de 10 000 interventions contre des troubles à l’ordre public ont eu lieu pour la seule année 2011 (chiffre cité par F. Talahite, « La rente et l’État rentier… », art. cité).
-
[40]
M. Hachemaoui, Clientélisme et patronage dans l’Algérie contemporaine, Paris, Karthala, coll. « Terrains du siècle », 2013.
-
[41]
A. Bayat, « The Arab Spring and its Surprises », Development and Change, vol. 44, n° 3, 2013, p. 587-601.
-
[42]
J.-F. Bayart, « Retour sur les printemps arabes », Politique africaine, n° 133, 1/2014, p. 153-175.
-
[43]
E. P. Thompson, « The Moral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century », Past& Present, n° 50, 1971, p. 76-136.
-
[44]
M. Catusse, « Le limon d’une question sociale… », art. cité, p. 81-100.
-
[45]
J. Siméant, « “Économie morale” et protestation – détours africains », Genèses, n° 81, 4/2010, p. 142-160.
-
[46]
C. Michael, « Moving Targets : Algerian State Responses to the Challenge of International Migration », Revue Tiers Monde, n° 210, 2/2012, p. 107-122.
-
[47]
A. O. Hirschman, Exit, Voice and Loyalty. Responses to Decline on Firms Organizations and States, Cambridge, Harvard University Press, 1990.
-
[48]
J. Scheele, Smugglers and Saints of the Sahara. Regional Connectivity in the Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.
-
[49]
Elle désigne généralement le commerce de biens non prohibés mais entrant dans le territoire sans s’acquitter des droits de douane, ou l’exportation d’essence ou de biens alimentaires subventionnés.
-
[50]
T. Dahou, « Droits d’accès ou droits de contourner ? Les concessions d’exploitation des ressources maritimes en Algérie », Études rurales, n°192, 2/2013, p. 25-42.
-
[51]
C. Lund et E. Ahonou (dir.), « Propriété et citoyenneté dans l’Afrique des villes », Politique africaine, n°132, 2014.
-
[52]
J. E. Thompson, Mercenaries, Pirates and Sovereigns : State-Building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe, Princeton, Princeton University Press, 1994 ; J. Roitman, Fiscal disobedience. An Anthropology of Economic Regulation in central Africa Princeton, Princeton University Press, 2005.
-
[53]
F. Adelkhah, Les mille et une frontières de l’Iran. Quand les voyages forment la nation, Paris, CERI/ Karthala, coll. « Recherches internationales », 2012.
-
[54]
J. S. Migdal, Strong Societies and Weak States, Princeton, Princeton University Press, 1988.
-
[55]
B. Gourisse, « Ordonner et transiger : l’action publique au concret dans l’empire ottoman et en Turquie », in M. Aymes, B. Gourisse et E. Massicard, L’art de l’État en Turquie. Arrangements de l’action publique de la fin de l’empire ottoman à nos jours, Paris, Karthala, coll. « Meydan », 2013, p. 11-33.
-
[56]
B. Hibou, « Tunisie. Économie politique et morale d’un mouvement social », Politique africaine, n° 121, 2011, p. 5-22, H. Meddeb, « L’ambivalence de la « course à “el khobza” », Politique africaine, n° 121, 2011, p. 35-51.
-
[57]
V. Das et D. Poole, « State and its margins. Comparative ethnographies », in V. Das et D. Poole (dir.), Anthropology in the Margins, op. cit., p. 3-34.
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[58]
Un interlocuteur me disait, à propos de la surveillance des espaces maritimes et de la contrebande, que « l’État est juste un nom », pour exprimer l’absence de son rôle régalien au profit de logiques qui l’instrumentalisaient.