Couverture de POLAF_134

Article de revue

Renouveau religieux et politique au Mozambique : entre permanence, rupture et historicité

Pages 155 à 177

Notes

  • [1]
    Une première version de ce texte a été présentée à la conférence « Saisir les articulations contemporaines du religieux et du politique en Afrique : objets d’étude, outils méthodologiques et cadres d’analyse », Centre d’étude d’Afrique noire (CEAN), Université de Bordeaux, 16 novembre 2007. Je tiens à remercier l’organisateur de la conférence, Cédric Mayrargue, et les participants, ainsi que les deux évaluateurs anonymes de Politique africaine, pour leurs commentaires et suggestions.
  • [2]
    B. Meyer, « “Make a Complete Break with the Past”. Memory and Post-Colonial Modernity in Ghanaian Pentecostalist Discourse », Journal of Religion in Africa, vol. 28, n° 3, 1998, p. 316-349 ; R. Marshall-Fratani, « Mediating the Global and Local in Nigerian Pentecostalism », Journal of Religion in Africa, vol. 28, no 3, 1998, p. 278-315 ; P. Gifford, Ghana’s New Christianity. Pentecostalism in a Globalising African Economy, Londres, Hurst & Co, 2004 ; A. Tayob, Islamic Resurgence in South Africa : The Muslim Youth Movement, Le Cap, University of Cape Town Press, 1998 ; M. Diouf, « The Senegalese Murid Trade Diaspora and the Making of a Vernacular Cosmopolitanism », Public Culture, vol. 12, no 3, 2000, p. 679-702 ; O. Kobo, Unveiling Modernity in Twentieth-Century West African Islamic Reforms, Leiden, Brill, 2012.
  • [3]
    Voir, entre autres, M. Lasseur et C. Mayrargue, « Le religieux dans la pluralisation contemporaine. Éclatement et concurrence », Politique africaine, no 123, 2011 ; R. Marshall, Political Spiritualities. The Pentecostal Revolution in Nigeria, Chicago, Chicago University Press, 2009 ; M. Engelke, « Past Pentecostalism : Notes on Rupture, Realignment, and Everyday Life in Pentecostal and African Independent Churches », Africa, vol. 80, no 2, 2010, p. 177­199 ; R. Loimeier, « Patterns and Peculiarities of Islamic Reform in Africa », Journal of Religion in Africa, vol. 33, no 3, 2003, p. 237-262 ; O. Kane, « Islamism : What is New, What is Not ? Lessons from West Africa », African Journal of International Affairs, vol. 11, no 2, 2008, p. 157­187.
  • [4]
    L’expression qui vise à problématiser la notion de « démocratisation » vient de J.-F. Bayart, « La problématique de la démocratie en Afrique noire : “La Baule, et puis après ?” », Politique africaine, no 43, 1991, p. 5­20.
  • [5]
    M. Cahen, Mozambique, la révolution implosée. Études sur 12 ans d’indépendance (1975-1987), Paris, L’Harmattan, coll. « Points de vue concrets », 1987, p. 170.
  • [6]
    T. Young et M. Hall, Confronting Leviathan : Mozambique since Independence, Londres, Hurst & Co, 1997 ; É. Morier-Genoud, « Mozambique since 1989 : Shaping Democracy after Socialism », in A. R. Mustapha et L. Whitfield (dir.), Turning Points in African Democracy, Oxford, James Currey, 2009, p. 153-166.
  • [7]
    G. Seibert, « Massive Conversion to Spiritual Churches in Semi-Urban in Mozambique », présentation à la conférence Afrika in Kontext, Hanovre, Allemagne, 2004 ; J. Pfeiffer, « African Independent Churches in Mozambique : Healing the Afflictions of Inequality », Medical Anthropo logy Quarterly, vol. 16, no 2, 2002, p. 176. Voir aussi « Mozambique Fears Growth of Islam », Mail & Guardian (Johannesbourg), 5 au 7 juillet 1996, p. 16.
  • [8]
    M. Cahen, « L’État Nouveau et la diversification religieuse au Mozambique, 1930-1974. I. Le résistible essor de la portugalisation catholique (1930-1961) », Cahiers d’études africaines, no 158, 2000, p. 309-349 ; « L’État Nouveau et la diversification religieuse au Mozambique, 1930-1974. II. La portugalisation désespérée (1959-1974) », Cahiers d’études africaines, no 159, 2000, p. 551­592.
  • [9]
    Les Églises « zions » sont des institutions chrétiennes d’origine africaine. La catégorie est officielle au Mozambique. En Afrique, les sciences de la religion distinguent traditionnellement deux types d’Églises chrétiennes indépendantes : les Églises « zionistes » et les Églises « éthiopiennes ». La deuxième catégorie regroupe les institutions créées par scission d’Églises missionnaires alors que la première regroupe les institutions créées sous influence du mouvement américain de guérisons par la foi, basé à Zion, dans l’Illinois. Pour une discussion de cette typologie, voir B. Sundkler, Bantu Prophets in South Africa, Londres, Oxford University Press, 1961, p. 53 et suiv. ; pour une critique, voir J. P. Kiernan, « African Religious Research. Themes and Trends in the Study of Black Religion in Southern Africa », Journal of Religion in Africa, vol. 12, no 2, 1981, p. 136-147.
  • [10]
    Les notes de la section « religion » du recensement affirment diplomatiquement, et assez bizarrement, qu’il est « possible qu’une partie des personnes sans religion pratiquent de fait une religion non organisée comme, par exemple, les croyances animistes » [sic]. Voir : Instituto Nacional de Estatística, Mozambique, http://web.archive.org/web/20031007205557/ http://www.ine.gov.mz/censo2/03/brochura/03religiao.htm, consulté le 24 avril 2009.
  • [11]
    J’y ai moi-même réalisé plusieurs terrains depuis 1997 sans constater de changements importants.
  • [12]
    Secretariado Geral da Conferência Episcopal de Moçambique, Anuário Católico de Moçambique 2008, Maputo, Editorial Paulinas, 2008, http://www.fecongd.org/fec/anuarios_igrejas_lusofonas/anuario_mz.pdf. Malheureusement, l’annuaire est incomplet lui aussi, ce qui ne permet pas un calcul pour l’ensemble du pays.
  • [13]
    En portugais, Igreja universal do reino de Deus (IURD).
  • [14]
    B. Meyer, « “Make a Complete Break with the Past”… », art. cité ; R. Marshall-Fratani, « Mediating the Global… », art. cité ; P. Gifford, Ghana’s New Christianity…, op. cit. ; et, pour l’islam, voir entre autres L. Brenner (dir.), Muslim Identity and Social Change in Sub-Saharan Africa, Londres, Hurst & Co, 1993 ; E. P. Renne (dir.), Veiling in Africa, Bloomington, Indiana University Press, 2013.
  • [15]
    L. Macagno, « Les nouveaux Oulémas. La recomposition des autorités musulmanes au Nord du Mozambique », Lusotopie, vol. 14, no 1, 2007, p. 151-177 ; L. J.K. Bonate, « Dispute over Islamic Funeral Rites in Mozambique. A Demolidora dos Prazeres by Shaykh Aminuddin Mohamad », LFM. Social Sciences & Missions, no 17, 2005, p. 41­59 ; É. Morier­Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance. Histoire d’une montée en puissance », L’Afrique politique, Paris, Karthala, 2002, p. 123-146.
  • [16]
    L. J.K. Bonate, « Dispute over Islamic Funeral Rites in Mozambique… », art. cité, et É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair. Religious Competition and State Mediation in Contemporary Mozambique », Journal of Southern African Studies, vol. 26, no 3, 2000, p. 409-427.
  • [17]
    J. Pfeiffer, « Money, Modernity and Morality. Traditional Healing and the Expansion of the Holy Spirit in Mozambique », in T. Luedke et H. G. West (dir.), Borders and Healers. Brokering Therapeutic Resources in Southeast Africa, Bloomington, Indiana University Press, 2006, p. 81-100 ; T. Cruz e Silva, « Evangelicals and Democracy in Mozambique », in T. O. Ranger (dir.), Evangelical Christianity and Democracy in Africa, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 161-189.
  • [18]
    D. G. Gaspar, ? dando que se recebe ». A igreja universal do reino de Deus e o negócio da fé em Moçambique, thèse de master, Université fédérale de Bahia, Brésil, 2006, p. 228 ; L. van de Kamp, Violent Conversion. Brazilian Pentecostalism and the Urban Pioneering of Women in Mozambique, Thèse de doctorat, Université d’Amsterdam, 2011 ; « Converting the Spirit Spouse : The Violent Transformation of the Pentecostal Female Body in Maputo, Mozambique », Ethnos, vol. 76, no 4, 2011, p. 510-533 ; « Afro-Brazilian Pentecostal Re-Formations of Relationships Across Two Generations of Mozambican Women », Journal of Religion in Africa, vol. 42, no 4, 2012 p. 433-452.
  • [19]
    P. Anouilh, « Des pauvres à la paix. Aspects de l’action pacificatrice de Sant’Egidio au Mozambique », LFM. Social Sciences & Missions, no 17, 2005, p. 11-40 ; « Sant’Egidio au Mozambique : de la charité à la fabrique de la paix », Revue internationale et stratégique, no 59, 2005/3, p. 9-20.
  • [20]
    J. Pfeiffer, K. Gimbel-Sherr, et O. J. Augusto, « The Holy Spirit in the Household. Pentecostalism, Gender, and Neoliberalism in Mozambique », American Anthropologist, vol. 109, no 4, 2007, p. 688.
  • [21]
    J. Pfeiffer, « Commodity fetichismo, the Holy Spirit, and the Turn to Pentecostal and African Independent Churches in Central Mozambique », Culture, Medicine and Psychiatry, no 29, 2005, p. 255.
  • [22]
    L. J.K. Bonate, « Dispute over Islamic Funeral Rites in Mozambique… », art. cité, « Roots of Diversity in Mozambican Islam », Lusotopie, vol. 14, no 1, 2007, p. 129-149.
  • [23]
    En suivant les jalons posés par M. Engelke, « Discontinuity and the Discourse of Conversion », Journal of Religion in Africa, vol. 34, no 1/2, 2004, p. 82-109 ; « Past Pentecostalism : Notes on Rupture… », art. cité.
  • [24]
    Notícias (Maputo), 7 août 1995, p. 6 ; Notícias (Maputo), 24 février 1996 ; Imparcial (Maputo), no 453, 14 mars 1996, p. 3.
  • [25]
    É. Morier-Genoud, « Archives, historiographie et églises évangéliques au Mozambique », Lusotopie, 2000, p. 621-630.
  • [26]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité, p. 131.
  • [27]
    Ce point a été admirablement démontré par David Maxwell dans son livre African Gifts of the Spirit : Pentecostalism and the Rise of a Zimbabwean Transnational Religious Movement, Oxford, James Currey, 2006.
  • [28]
    É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité, p. 420.
  • [29]
    F. A. Monteiro, « Sobre a actuação da corrente “wahhabitta” no Islão moçambicano : algumas notas relativas ao período 1964-1974 », Africana Studia (Porto), vol. 12, 1993, p. 85-107.
  • [30]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité.
  • [31]
    D. G. Gaspar, ? dando que se recebe ». A igreja universal…, op. cit., p. 177. Linda van de Kamp caractérise, elle, le milieu de l’EURD comme étant principalement féminin et en ascendance sociale ; voir L. van de Kamp, Violent Conversion. Brazilian Pentecostalism…, op. cit.
  • [32]
    P. Anouilh, « Des pauvres à la paix. Aspects de l’action… », art. cité, p. 27.
  • [33]
    A.M.S. Carvalho, O empresariado islâmico em Moçambique no período póscolonial : 1974-1994, thèse de doctorat, Institut supérieur d’économie et de gestion, Université Technique de Lisbonne, 1999, p. 317-318.
  • [34]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité, p. 132.
  • [35]
    D. G. Gaspar, « ? dando que se recebe ». A igreja universal…, op. cit., p. 182.
  • [36]
    Étonnamment, il n’existe aucune recherche en sciences sociales sur les changements globaux au sein de l’Église catholique au Mozambique après l’indépendance. Pour une première approche, voir É. Morier-Genoud et P. Anouilh, « The Catholic Church in Mozambique under Revolution, War and Democracy », in P. C. Manuel, A. Lyon et C. Wilcox (dir.), Religion and Politics in a Global Society. Comparative Perspectives from the Portuguese-speaking World, Lanham, Lexington Books, 2012, p. 185-203.
  • [37]
    B. Schubert, « Die Kirchen auf Mosambiks Weg vom Krieg zum Frieden », in C. Lienemann-Perrin et W. Lienemann (dir.), Kirche und Öffentlichkeit in Transformationsgesellschaften, Stuttgart, Kohlhammer Verlag, 2006, p. 227-265.
  • [38]
    J. Haynes, « Popular Religion and Politics in Sub-Saharan Africa », Third World Quarterly, vol. 16, no 1, 1995, p. 89­108.
  • [39]
    P. Gifford, African Christianity. Its Public Role, Bloomington, Indiana University Press, 1998, p. 341-342 ; P. Gifford, Ghana’s New Christianity…, op. cit.
  • [40]
    R. Marshall, Political Spiritualities…, op. cit., en particulier le chapitre 6.
  • [41]
    É. Morier-Genoud et P. Anouilh, « The Catholic Church in Mozambique… », art. cité.
  • [42]
    É. Morier-Genoud, « The Politics of Church and Religion in the First Multi-Party Elections of Mozambique », Internet Journal of African Studies (Bradford), no 1, 1996. Pour les cinémas, voir note 24 ; pour les bureaux dans le bâtiment du comité central du Frelimo, voir Savana (Maputo), 7 novembre 1994, p. 16-17 ; mediaFAX (Maputo), no 721, 23 mars 1995, p. 3 ; Correio da Manhã (Maputo), no 1717, 2 décembre 2003, et Savana (Maputo), 14 octobre 2011.
  • [43]
    Voir les références de la note 6 ainsi que H. Abrahamsson et A. Nilsson, Mozambique. The Troubled Transition : From Socialist Construction to Free Market Capitalism, Londres, Zed Books, 1995 ; M.A. Pitcher, Transforming Mozambique. The Politics of Privatization, 1975-2000, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.
  • [44]
    É. Morier-Genoud, « Of God and Caesar… The Relation between Christian Churches and the State in post-colonial Mozambique, 1974-1981 », LFM. Social Sciences & Missions, n° 3, 1996 ; « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité ; « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité.
  • [45]
    Le parti était couramment appelé non pas « parti indépendant », mais « parti islamique du Mozambique ». À son propos, voir R. Braga Pires, « A Formação do Partido Independente de Moçambique (PIMO) », Africana Studia (Porto), no 12, 2009, p. 91­109 et R. Braga Pires, « Yaqub Sibindy. O PIMO - oração fúnebre a um caixão vazio. Entrevista conduzida por Raul Braga Pires », Africana Studia (Porto), no 12, 2009, p. 113­121.
  • [46]
    É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité ; R. Braga Pires, « A Formação do Partido Independente… », art. cité.
  • [47]
    Voir supra ; un autre cas très controversé fut celui de la méditation transcendantale ; à ce propos, voir P. Oliveira, « Le président et le Transcendant », Politique africaine, no 52, 1993, p. 150-151.
  • [48]
    Sur la transformation de la guerre au Mozambique en guerre civile, voir M. Cahen et L. de Brito (dir.), « Mozambique. Guerre et nationalismes », Politique africaine, no 29, 1988 ; T. Young et M. Hall, Confronting Leviathan : Mozambique since Independence, Londres, Hurst & Co, 1997, chapitre 7 ; M. Cahen, Les Bandits. Un historien au Mozambique, 1994, Paris, Publications du centre culturel Calouste Gulbenkian, 2002.
  • [49]
    É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité, p. 423.
  • [50]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité, p. 135.
  • [51]
    É. Morier-Genoud, « Demain la sécularisation ? Les musulmans et le pouvoir au Mozambique aujourd’hui », in R. Otayek et B. Soares (dir.), Islam, État et société en Afrique, Paris, Karthala, 2009, p. 353-383.
  • [52]
    D. Péclard, « The “Depoliticizing Machine” : Church and State in Angola since Independence », in P. C. Manuel, A. Lyon et C. Wilcox (dir.), Religion and Politics in a Global Society, op. cit., p. 139-160.
  • [53]
    Vatican News (Rome), 9 décembre 2011, http://www.news.va ; O País (Maputo), 22 fevrier 2012, http://opais.sapo.mz.

1La littérature sur le religieux en Afrique s’est focalisée de manière toujours plus intense ces dernières années sur les mouvements et les institutions pentecôtistes, charismatiques et réformistes musulmanes, qui ont été analysées avant tout sous l’angle du renouveau religieux et de la rupture avec le passé [2]. Certains auteurs ont relevé des éléments de continuité et la recherche est de plus en plus nuancée à ce propos [3], mais la dimension rupture reste trop souvent et trop fortement privilégiée. L’innovation est mise en avant à plusieurs niveaux : une nouvelle éthique et une nouvelle morale individuelles, une nouvelle religiosité, l’usage de technologies modernes, un fonctionnement en réseaux (particulièrement transnationaux), une grande mobilité, et un lien étroit avec le capitalisme moderne. Les mots-clés de ces recherches sont : individualisme, média, modernité, postmodernité, réseaux, transnational, et globalisation. Nul doute qu’il s’agit là de thèmes stimulants et fructueux qui ont l’avantage de décloisonner l’étude du fait religieux et de problématiser son articulation à des dynamiques plus générales telles que le capitalisme et la modernité. Il n’empêche. Il convient de se demander si ces éléments de discontinuité reflètent vraiment les traits les plus significatifs du phénomène de renouveau religieux de ces vingt dernières années. Qu’en est-il des autres aspects, voire même des dynamiques contraires ? Ceux-ci n’éclairent-ils pas pertinemment l’analyse ? Se pourrait-il alors que les caractéristiques décrites comme dominantes par une partie des sciences sociales s’intéressant au pentecôtisme, au réformisme musulman et aux charismatiques catholiques ne soient en réalité ni prééminentes ni les plus déterminantes ? À l’extrême, se pourrait-il que le « renouveau religieux » soit, de fait et en partie au moins, un effet d’optique ?

2Il ne s’agit pas ici de nier les transformations que les nouveaux mouvements religieux ont apportées en Afrique depuis la « décompression autoritaire » [4] survenue à la fin des années 1980. Il s’agit plutôt de penser les éléments de continuité et de permanence là où la dimension de rupture et de nouveauté a été privilégiée, sur la base de l’analyse de certains courants religieux seulement, et de porter un regard critique sur ce qui constitue une nouveauté. Nous envisagerons dans cet article des continuités à trois niveaux. Premièrement, des continuités temporelles dans la mesure où, par exemple, les pentecôtistes sont présents en Afrique depuis le début du xxe siècle et les réformistes et charismatiques depuis les années 1960 au moins. Deuxièmement, nous envisagerons des liens et des similitudes « horizontales » entre différents courants religieux, à savoir entre les nouveaux mouvements et leurs parents religieux comme les soufis en islam, les Églises protestantes dites « établies » ou « historiques », et l’Église catholique. Enfin, nous interrogerons la continuité à partir de l’impact des institutions religieuses dans le domaine politique avant et après la décompression autoritaire.

3L’article traitera de ces questions en partant d’une étude de cas, celle du Mozambique, où la recherche affirme qu’il y a eu un phénomène de « renouveau religieux » depuis environ vingt ans et où la majorité des chercheurs qui travaillent sur le religieux se concentrent sur le pentecôtisme et le « réformisme » musulman et, dans une moindre mesure, sur les charismatiques catholiques. Pour explorer les continuités temporelles et horizontales mentionnées, nous analyserons dans une première section la nature du renouveau religieux au Mozambique depuis la fin des années 1980. Nous examinerons ensuite les continuités historiques et dénominationnelles existantes pour discuter, dans une troisième section, de l’impact des transformations religieuses sur la relation entre religion et politique. Au final, il conviendra de faire la part entre ruptures et permanences et, plus encore, d’appréhender la question au-delà de cette dichotomie. L’approche adoptée se veut historique et sociologique ; les sources et le matériel utilisés résultent de vingt années de travail de terrain, réparties entre analyses d’archives, entretiens, collectes d’histoires de vie et observation participante sur l’ensemble du territoire mozambicain, tant au sein de l’Église catholique que dans les milieux protestants et musulmans.

La nature du renouveau religieux au Mozambique

4Qu’est-ce qu’un « renouveau religieux » ? Un « réveil » de foi ? Le développement rapide d’institutions ? L’apparition de nouveaux traits religieux ? Plusieurs définitions peuvent être avancées et le terme peut ainsi recouvrir divers phénomènes : l’augmentation du nombre de croyants, une expansion territoriale de certaines religions, de nouvelles formes du croire, une radicalisation des croyances, une intensification des pratiques religieuses, ou encore un gain de visibilité. Face à cette complexité, l’article ne considère pas un postulat plus valide qu’un autre. Il nous importe plutôt d’observer empiriquement l’évolution qui s’est opérée depuis vingt ans dans le monde religieux au Mozambique. Cette période, généralement considérée comme celle du « renouveau religieux », a débuté durant la deuxième moitié des années 1980. À cette époque, le Front de libération du Mozambique (Frelimo) est au pouvoir depuis plus de dix ans, mais la révolution socialiste qu’il a mise en marche à l’indépendance en 1975 « implose [5] ». Au gré d’une crise économique et sociale profonde (résultant du départ massif des colons et de politiques socialistes contreproductives), une guerre de déstabilisation, initiée par le pouvoir blanc de la Rhodésie voisine, touche le pays et se transforme en « guerre civile ». Pour résoudre la crise, le Frelimo décide, en 1986, de se tourner vers l’Ouest et le FMI ; en 1989 il abandonne le socialisme et adopte une politique de libéralisation sociale et économique en même temps qu’il entre en négociation avec la guérilla de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo). En 1992, un accord politique est conclu entre les belligérants et met fin à la guerre. S’ouvre alors une période de paix et de renaissance sociale, économique, politique et religieuse [6].

5Considérons tout d’abord la question du renouveau religieux sous l’angle de la recrudescence du nombre de croyants. Y a-t-il eu une « croissance exponentielle » de l’islam et des églises pentecôtistes au Mozambique depuis 1989 qui justifierait l’identification d’un « renouveau religieux [7] » ? Trois recensements de la population (1960, 1997 et 2007) ont pris en compte la dimension de la religion mais ils se révèlent assez problématiques et leur comparaison reste peu aisée. Les catégories utilisées pour chaque recensement diffèrent, d’une part entre celui établi à l’époque coloniale et les deux réalisés depuis l’indépendance, d’autre part entre les deux recensements de l’époque postcoloniale. Ainsi, les Portugais ne distinguaient pas les différents courants protestants ; de même, ils dénombraient les « animistes » avec les « sans religion » – le gouvernement indépendant fit de même en 2007 (mais pas en 1997). Par ailleurs, le recensement de 1997 fait référence à une catégorie « protestant/ évangélique » alors que celui de 2007 réunit « protestants et pentecôtistes » sous une même étiquette (tout en introduisant également une nouvelle rubrique distincte, « anglican », alors que cette Église est minoritaire). On sait aussi que la collecte d’informations pour le recensement a été marquée, sur le terrain, par des interprétations différentes des catégories utilisées. Par exemple, en 1997, les recenseurs décidèrent dans certaines régions que seules les personnes allant à la mosquée cinq fois par jour pouvaient être considérées comme musulmanes, réduisant ainsi considérablement le nombre d’adeptes dans ces zones. De tels cas de figure devraient suffire pour illustrer le fait que les données des recensements doivent être manipulées avec circonspection. S’agissant des seules données globales disponibles, elles restent incontournables pour notre analyse. Nous les utiliserons ici seulement après les avoir testées et critiquées et en les croisant avec d’autres données quantitatives et qualitatives.

6Tout d’abord, quels changements sont intervenus dans les appartenances religieuses entre 1970 et 1997 (voir tableau 1) ? Premièrement, on remarque une progression modeste des grandes religions, particulièrement monothéistes (christianisme et islam), dont le nombre d’adeptes évolue seulement de 1,4 à 4,2 points en vingt-sept ans, variation particulièrement faible si l’on considère que la période comprend treize années de liberté religieuse – cinq ans de colonialisme libéral envers l’islam et le protestantisme après 1969 [8], et huit ans de libéralisme religieux après 1989. Autre fait majeur, la part des « sans religion » s’effondre de 49 % à 23 % entre 1970 et 1997. Toutefois, il est vraisemblable que cette détérioration considérable soit imputable, en partie, aux modifications de la catégorisation (une partie des « zions » [9] ayant été recensés comme « sans religion » par les Portugais) et que cette diminution conséquente soit donc une illusion d’optique. Précisons ici que l’acception « sans religion » recouvre des réalités différentes en 1970 et en 1997. Alors que les Portugais considéraient les adeptes des religions dites traditionnelles comme « sans religion », l’État mozambicain dénombre les « sans religion » comme des « athées » (bien que l’Institut de statistiques ait reconnu, en 1997, que la catégorie statistique « sans religion » incluait également des « animistes » [10]). Pour confirmer cette interprétation, il faut relever une correspondance entre le gain des « autres chrétiens » (19,9 %) et l’inflexion des « sans religion » (26,5 %). Partant de cette évaluation, on peut estimer que le déclin des « sans religion » sur 27 ans serait de deux à cinq points seulement, équivalant à l’augmentation des grandes religions monothéistes. Une analyse plus fine et précise s’impose mais il semble déjà possible d’avancer qu’il n’y a probablement pas eu d’effondrement des « sans religion » ni d’explosion numérique des grands courants religieux au Mozambique entre 1970 et 1997.

Tableau 1

Appartenances religieuses au Mozambique, 1970 et 1997

Tableau 1
Catégories Total – 1970 Total – 1997 Croissance Musulmans 13,6 % 17,8 % +4,2 Catholiques 22,4 % 23,8 % +1,4 Protestants 4,5 % 7,8 % +3,3 Autres chrétiens 1,2 % 21,1 % {Zions : 17,5 % Autres : 3,6 % +19,9 Sans religion 49,6 % 23,1 % -26,5 Autres et sans réponses 8,7 % 6,3 % -2,4

Appartenances religieuses au Mozambique, 1970 et 1997

Sources : Direcção Nacional de Estatística, « iv Recenseamento Geral da População - 1970 », in Moçambique : Panorama demográfico e sócio-económico, Maputo, 1995 ; Instituto Nacional de Estatística, II Recenseamento Geral da População e Habitação 1997. Indicadores socio-demoragáficos - País total - País total, Maputo, 1998, http://www.ine.gov.mz/Censo2/00/brochura/00religiao.htm, consulté le 28 octobre 1999.

7Qu’en est-il de l’évolution des effectifs selon les religions entre 1997 et 2007, période couverte par un nouveau recensement ? Le recensement de 2007 est survenu quinze ans après la fin de la guerre, soit plus d’une décennie après le début du « renouveau religieux », et il correspond à une période de liberté religieuse ininterrompue. Est-ce que pour autant on constate une dilatation flagrante de certains courants religieux ? Quelles autres tendances émergent ? D’emblée, on remarque la stagnation du nombre de « protestants et autres chrétiens » dans l’ensemble du pays (voir tableau 2). En revanche, les écarts statistiques d’une région à l’autre révèlent une forte progression dans le Sud du pays comme ailleurs, hormis dans les provinces de Nampula et Inhambane, où son déclin très prononcé annulerait même tous les gains obtenus dans les autres provinces (Nampula et Inhambane comptent un quart de la population du pays). Ces résultats semblent plausibles au regard des Églises pentecôtistes qui se sont implantées essentiellement dans le Sud du pays, le Nord restant à dominante musulmane. A contrario, les pentecôtistes ne représentent qu’une part modeste des protestants et autres non-catholiques. De plus, certaines données du recensement laissent perplexes, comme le fléchissement des protestants de 6,9 points dans la province d’Inhambane, phénomène qui ne s’explique par aucun chamboulement social majeur et que les chercheurs n’ont pas relevé [11]. Une autre donnée surprenante est la correspondance numérique entre l’essor des « protestants et autres chrétiens » et le déclin des « sans religion » ou « zions ». Il est impossible de savoir s’il s’agit de conversions religieuses d’un groupe à un autre ou s’il s’agit d’un changement de classification par l’Institut national de statistiques (INE). Quoi qu’il en soit, le fait est que le recensement ne relève pas un accroissement significatif des « protestants et autres chrétiens » entre 1997 et 2007.

Tableau 2

Évolution statistique du pourcentage de population appartenant à une religion, 1997-2007*

Tableau 2
Province Catholiques Musulmans Protestants et autres Chrétiens* Zions Sans religion Autres Inconnus Maputo ville +1,4 +0,7 +13,3 -13,5 -1,6 +4,7 -2,9 Maputo Province +1,9 +0,7 +10,5 -9,1 +0,5 +6,5-2,8 Gaza +2,5 +0,2 +11,8 +0,3 -16,3 +5,3 -1,7 Inhambane +2,9 +0,1 -6,9 +1,8 +7,8 +110 Manica -1,9 +0,2 +16,1 +4,3-17,7 +0,1 -0,7 Sofala +1,5 +0,4 +12,7 +0,9 -11,9 -2,80 Tete -1,2 +0,4 +8,4 -0,5-5,2 +6,9 -4,9 Zambézie -1,4 +0,3 +5,6 -3,4 +4,2 -14,5 -2,2 Nampula +11,7 -2,4-8,2 +0,4-2,2 +1,8 +0,9 Cabo Delgado +16,7 +0,1 +1,0 -0,1 -2,3 -0,2 -0,8 Niassa +2,5 -0,7 +3,9 +2,6 -1,3 +1,4 -0,6PAYS +5,4 -0,10 -2 -4,4 +5-2

Évolution statistique du pourcentage de population appartenant à une religion, 1997-2007*

* J’ai regroupé différentes catégories chrétiennes existantes en 1997 en 2007 qui ne se recoupaient pas dans les recensements, comme « Protestants/évangéliques », « Évangéliques/Pentecôtistes », « Autres chrétiens », « Anglicans », et « Témoins de Jéhovah ».
Source : Calculs sur la base des recensements de 1997 et 2007. Pour le recensement de 2007, voir : http://www.ine.gov.mz, consulté le 30 avril 2009.

8Une autre tendance surprenante se dégageant du recensement de 2007 est la croissance considérable du nombre de catholiques. Ces derniers auraient enregistré un gain de 5,4 points au niveau national en dix ans, ce qui en ferait les grands gagnants de la liberté et de la compétition religieuse existante dans les années 2000. Paradoxalement, la recrudescence des catholiques concerne essentiellement deux provinces, Nampula et Cabo Delgado, pourtant à majorité musulmane, Nampula rassemblant même le siège de toutes les confréries (turuq) du pays. Les problèmes précédemment évoqués du comptage des musulmans ont été observés dans la province de Nampula. Qui plus est, les statistiques de l’Église catholique ne corroborent pas celle de l’État pour ces deux provinces. En effet, si les chiffres produits par l’Église catholique confirment grosso modo les résultats du recensement de 2007 au plan national, les données pour Nampula et Cabo Delgado ne concordent pas du tout avec celles de l’INE [12]. Quand le recensement officiel indique 39 % de catholiques dans la province de Nampula en 2007, l’Église catholique, elle, estime la part de ses adeptes à 15,5 % seulement de la population totale – soit moins de la moitié du pourcentage annoncé par l’INE. Il en est de même dans la province de Cabo Delgado où la proportion de catholiques s’étend de 19,5 % selon l’Église à 36 % selon l’INE. Certes, il convient tout autant de s’interroger sur la fiabilité des sources catholiques, dont la rigueur n’est pas absolue. Mais la différence est telle qu’il paraît raisonnable de revoir à la baisse les données du recensement officiel. Si l’on tenait compte des statistiques de l’Église catholique pour les deux provinces en question, d’une augmentation de 5,4 points sur la période en question au niveau national, on passerait à une baisse de 0,5 % point. Par ricochet, le déclin des musulmans à Nampula et leur faible progression à Cabo Delgado paraissent improbables. On ne peut pas transférer à l’islam tous les gains statistiques « erronés » du catholicisme, dans la mesure où les pertes des « protestants et autres chrétiens » à Nampula sont elles aussi surprenantes, et ne sont attestées par aucune observation empirique. Il semble préférable dès lors d’avancer que les musulmans ont probablement gagné entre 1 ou 2 points dans l’ensemble du pays, tout comme les catholiques.

9Qu’en est-il maintenant de l’expansion territoriale des religions comme forme de « renouveau religieux » ? Les données du dernier recensement indiquent différents développements. Dans le Sud du pays, on constate une expansion des protestants et un déclin des zions. Cela reflète peut­être le développement manifeste du protestantisme, pentecôtiste en particulier, dans cette région. Néanmoins, l’évolution quantitative des zions est presque inversement équivalente à celle des protestants. Si l’on considère à quel point cette catégorie est problématique du fait de ses redéfinitions multiples, il est possible que l’augmentation du nombre de protestants ne soit en partie que le fruit d’un changement de classification. Cette impression est renforcée par le fait que la recherche qualitative n’atteste pas de conversion singulière de zions au néo­pentecôtisme, comme on le verra par exemple ci­dessous à propos de l’origine religieuse des adeptes de l’Église universelle du royaume de Dieu (EURD) [13]. Il serait dès lors prudent de relativiser l’expansion protestante au Sud du Mozambique, et de la réduire de moitié, soit aux alentours de cinq ou six points, à Maputo ville, Maputo province et Gaza. Au centre du pays, on constate également une forte progression du protestantisme dans les provinces de Manica, Sofala et Tete. Mais cette tendance semble là encore discutable, puisqu’elle n’est corroborée par aucun témoignage ou observation empirique et qualitative. Qui plus est, la corrélation entre gains protestants et pertes des « sans religion » apparaît très forte, sans compter que les proportions de « sans religion » à Manica et à Sofala atteignaient étrangement près de, ou plus de, 50 % de la population en 1997. Ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas un réel essor des protestants, mais plutôt que ce dernier n’est pro­ bablement pas aussi rapide que ne l’indique le recensement. Enfin, au Nord, les données font état d’une forte expansion de l’église catholique et, à l’inverse, d’un déclin des protestants et des musulmans à Nampula. Mais il est maintenant démontré que cette croissance est probablement illusoire, car non confirmée qualitativement et infirmée par les données de l’Église catholique. En résumé, le recensement semble indiquer une certaine croissance du protestantisme au Sud et au Centre, et des gains inférieurs à cinq points pour chacune des autres religions ailleurs dans le pays. Autrement dit, les statistiques ne montrent pas d’expansion territoriale majeure des religions au Mozambique après 1992. Bien des recherches seront encore nécessaires pour clarifier cette question, mais à ce stade il semble raisonnable de parler de consolidation des territoires religieux, ou d’expansion marginale, plutôt que d’une dilatation géographique générale ou radicale des religions comme marqueur d’un « renouveau religieux ».

10S’il n’y a pas eu d’« explosion » quantitative et peu de gains territoriaux, se pourrait­il que le « renouveau religieux » découle plutôt d’un surcroît de visibilité des religions ? La réponse ici est clairement positive. Depuis 1989, les religions s’affichent publiquement, beaucoup plus qu’elles ne l’ont fait auparavant, voire qu’elles ne l’ont jamais fait dans le pays. Ce changement résulte tout à la fois de l’abandon officiel du socialisme en 1989, de la fin de la guerre en 1992, de l’ouverture concomitante d’une période de « libéralisation du marché religieux », et du rôle accru des nouvelles technologies (radios, télévisions et journaux). Le Frelimo autorisa dès 1989 l’adhésion au parti des adeptes d’institution religieuse et, inversement, il permit officiellement aux membres du parti de pratiquer à nouveau librement leur foi. À l’échelle de la société, le gouvernement réinstaura le droit à la pratique publique d’une religion ainsi que le prosélytisme. Ce revirement entraîna le retour des processions religieuses dans les rues et les campagnes, la réapparition de signes et de publicités religieuses, et la reprise de l’évangélisation de rue et de porte-à-porte. Cette libéralisation permit la levée des restrictions concernant la construction de bâtiments religieux et, de fait, leur nombre explosa après 1989. Tant en milieu rural qu’en milieu urbain, des milliers de lieux de prière furent construits. Dans le centre-ville de la capitale Maputo, de nouvelles églises et mosquées apparurent, fait inédit depuis l’indépendance pour les églises, et depuis la fin du XIXe siècle pour les mosquées. Ceci donna une impression très forte de renouveau religieux dans le pays dans les années 1990 et 2000.

11Quid, en dernier lieu, des nouvelles formes du croire ? Dans ce domaine, il ne fait guère de doute qu’il y a eu un « renouveau » avec l’émergence de nouvelles façons de pratiquer sa foi depuis 1989. En témoignent l’apparition de nouvelles institutions et le développement de nouveaux courants venus ou influencés de l’extérieur : « wahhabis », évangéliques (américains), pentecôtistes (brésiliens), et charismatiques catholiques. Une nouvelle religiosité se manifeste dans ces communautés, une nouvelle éthique et morale individuelles ainsi que l’usage de technologies modernes et un fonctionnement en réseaux transnationaux, comme de nombreux auteurs l’ont déjà démontré pour le reste du continent [14]. Au sein de l’islam au Mozambique, le développement du courant réformiste a clairement redéfini l’orthodoxie et généré de nombreux débats et conflits [15]. La pratique religieuse est teintée d’une nouvelle rigueur, l’usage d’un code vestimentaire strict a gagné du terrain, et on a assisté à plusieurs querelles résultant de l’opposition des réformistes au soufisme [16]. De même, la montée en puissance des évangéliques et pentecôtistes a redéfini le rapport à la bible pour de nombreux protestants, mais aussi à l’Église, à l’alcool, à l’argent et à la « tradition [17] ». Le cas le mieux étudié est celui de l’EURD qui mène, dans ses « temples », sur sa chaîne de télévision et sur les ondes de sa radio, des campagnes permanentes contre les esprits malins, promouvant un Évangile de la prospérité, et proposant des « thérapies de l’amour [18] ». Il en va de même pour le catholicisme avec l’apparition de courants et d’organisations charismatiques tels que Sant’Egidio ou le Mouvement de rénovation charismatique, qui ont produit de nouveaux référents quant à l’orthodoxie et l’orthopraxie [19]. Il n’y a probablement pas lieu de parler de révolution socio-éthique dans l’ensemble du pays, mais il y a bien globalement un « renouveau » dans les manières de croire depuis 1989.

12On peut donc définir le « renouveau religieux » au Mozambique après 1989 comme ne résultant pas d’une recrudescence quantitative ou d’une expansion territoriale des religions, mais d’une nouvelle visibilité des religions dans le pays, du retour de l’activisme et du prosélytisme (grâce à la libéralisation du « marché religieux ») ainsi que de l’apparition de nouvelles formes de croire, associées à l’émergence ou au développement de nouveaux courants religieux (y compris des courants appelés parfois « fondamentalistes »). Les contours empiriques du renouveau religieux dessinés ici sont spécifiques au Mozambique, fruit d’une certaine configuration historique. S’ils ne sont en rien hors du commun, ils se différencient tout de même de ce que nombre d’auteurs ont affirmé jusqu’ici.

Renouveau dans la continuité ?

13Le renouveau religieux au Mozambique constitue-t-il une rupture historique, ou s’opère-t-il dans la continuité ? Nous l’avons indiqué, la recherche sur le religieux, au Mozambique comme ailleurs en Afrique, a eu tendance à se focaliser sur le pentecôtisme, les charismatiques et les wahhabis. Il y a là un effet de « mode », de courant intellectuel et de problématiques. Ainsi, ce sont surtout les aspects novateurs de ces mouvements et la dimension de la rupture qui ont été mis en avant dans la compréhension de ces phénomènes. À propos du pentecôtisme, James Pfeiffer affirme par exemple que « son expansion durant les vingt dernières années […] a été la plus rapide, vaste et remarquable [20] » ; dans un autre article, il parle d’un « changement important et spectaculaire » dans la manière dont les gens ont recours aux guérisseurs « traditionnels [21] » ; Liazzat Bonate souligne, elle, dans ses écrits sur les réformistes musulmans, l’aspect « dispute » et « conflit », autrement dit, l’opposition et la rupture en relation aux autres musulmans [22]. On pourrait multiplier les exemples, et discuter des liens (homologies ?) entre ce type d’analyse et le discours des acteurs, born-again, réformistes et autres, qui soulignent ces mêmes tendances [23]. Mais, fait particulièrement marquant, ces auteurs étudient peu, lorsqu’ils ne les ignorent pas complètement, les continuités temporelles et sociales du renouveau religieux. Nous avons introduit notre analyse en arguant qu’il fallait retenir trois types de continuités : verticales/temporelles et horizontales/sociales, qui font l’objet de la présente section ; les continuités en relation à l’impact politique seront abordées ultérieurement.

14Pour ce qui relève des continuités historiques, les nouvelles organisations et nouveaux modes de croire se manifestent plus particulièrement dans certaines régions du pays. Le wahhabisme a établi sa base principale dans le Sud, le protestantisme évangélique et pentecôtiste voit son centre de gravité partagé entre la capitale Maputo et la province de Zambézie, alors que le catholicisme charismatique demeure plutôt urbain. De telles caractéristiques ne sont pas le fruit du hasard, mais la conséquence de la manière dont ces mouvements sont apparus dans le pays et des institutions avec lesquelles ils se sont alliés ou articulés à leur arrivée. Ainsi, l’Église universelle du royaume de Dieu, comme la Maná, s’est implantée au Mozambique dans les années 1990 et a installé son siège à Maputo, la capitale du pays. Le développement de l’EURD a épousé le tissu urbain du pays puisque logistiquement, cela restait le plus évident et le plus aisé (d’autant plus que l’Église avait réussi à louer des cinémas étatiques désaffectés) [24]. Les évangéliques, quant à eux, ont prospéré principalement dans le Centre du pays, en particulier en Zambézie. Les baptistes du Sud notamment s’y sont rapidement étendus après leur installation sur des « vieilles » implantations évangéliques qu’ils ont « renouvelées » (Baptistes scandinaves, Adventistes, etc.). [25]. Le wahhabisme, lui, est apparu dans la capitale dans les années 1950-1960, en se développant sur les fondements du mouvement réformiste déobandi préexistant. Son expansion s’est avérée tourmentée (notamment en raison de l’opposition des soufis, mais pas seulement, nous y reviendrons) et, jusqu’à aujourd’hui, le mouvement peine à gagner le Centre et le Nord et à s’étendre au-delà des noyaux urbains (Beira, Nampula, Île de Mozambique, etc.) [26].

15Par ailleurs, ces nouveaux mouvements s’inscrivent dans une histoire. Ils ont été façonnés, voire préparés, par celle-ci et, en ce sens, le « renouveau » n’est que la pointe d’un iceberg temporel [27]. Si l’on considère à nouveau le cas des baptistes du Sud, leur arrivée sur la scène mozambicaine est certes récente et relativement spectaculaire. Mais, en plus de s’être développée sur d’anciens établissements évangéliques, cette Église avait aussi soigneusement préparé son implantation sur le territoire depuis plus d’une dizaine d’années. Alors qu’ils étaient retenus au-delà des frontières mozambicaines par la politique socialiste du Frelimo envers la religion et en raison également de la guerre civile, les baptistes dépensèrent énormément d’argent et d’efforts pour évangéliser les réfugiés mozambicains au Malawi dans l’espoir, explicite, qu’ils retournent au pays en tant que « missionnaires » à la fin de la guerre. Ceci explique la temporalité de leur arrivée, leur localisation et la chronologie de leur déploiement dans le pays [28]. Reprenant l’exemple des musulmans wahhabis, leur subite visibilité après 1989 s’est construite depuis les années 1960 et, plus encore, depuis 1979. Les débuts du wahhabisme furent compliqués, mais au début des années 1970 le leader du courant réussissait à gagner un peu de terrain grâce à une alliance avec l’État colonial [29]. La révolution socialiste figea cette modeste progression. Néanmoins, à partir de 1979, l’État socialiste tenta de se rapprocher de l’Arabie saoudite et, pour ce faire, il favorisa le mouvement réformiste, donnant en 1982 la direction d’un nouveau Conseil islamique du Mozambique au cheikh radical Abubacar Hagy Mussa Ismael (cheikh « Mágira ») [30]. Le renouveau apparaît donc là aussi comme le fruit d’un processus historique de maturation ancienne et complexe.

16Un autre domaine où des continuités se manifestent dans le renouveau religieux d’après 1989 concerne les classes et les groupes sociaux concernés. Là encore, le renouveau ne se réalise pas que sur le mode de la césure, car il se déploie dans des groupes et des classes sociales très spécifiques. Dans le cas de l’EURD, les analyses existantes indiquent un développement dans les milieux urbains paupérisés, une bonne partie des croyants étant sans emploi. Dowyan Gaspar, qui a travaillé sur la province de Maputo, montre que la majorité des croyants (57 % de son échantillon) étaient à la recherche d’un emploi quand ils ont rejoint l’Église [31]. Bien qu’arrivée par une stratégie similaire à celle de l’EURD (à savoir « par le haut »), la communauté Sant’Egidio, elle, s’est établie sur une armature sociale urbaine non pas populaire, mais résolument bourgeoise [32]. Concernant l’islam, la question se pose moins en termes de classe que de groupes sociaux. En effet, le wahhabisme s’est développé initialement dans une communauté particulière, celle des métis asiatiques-africains du Sud du pays [33], raison pour laquelle, en plus de son opposition au soufisme prédominant, ce courant continue à peiner pour rassembler plus d’adeptes [34]. Ceci ne contredit pas obligatoirement l’idée de rupture, mais montre que le « renouveau » s’appuie sur un socle social, une histoire, et une trajectoire.

17Les continuités dans le renouveau religieux au Mozambique concernent également les origines religieuses des adeptes des nouveaux courants. Les convertis au pentecôtisme, au réformisme musulman et au catholicisme charismatique ne viennent pas de n’importe où. Nombre d’entre eux sont issus des milieux religieux les plus proches de ces mouvements ou institutions. La recherche a ainsi montré que les charismatiques catholiques, avant de devenir charismatiques, étaient en majorité catholiques, que les wahhabis étaient, pour la plupart, préalablement musulmans (soufis ou déobandi) avant de devenir wahhabis, et que les pentecôtistes arrivaient essentiellement d’Églises chrétiennes. Pour citer une dernière fois l’EURD, les recherches de Dowyan Gaspar indiquent que 75 % de ceux qui l’ont rejointe avaient déjà connu « une expérience religieuse » avant de s’engager auprès d’elle. La plupart des nouveaux adeptes venaient de l’Église catholique (33 %), des Églises zions (33 %) et de la « religion traditionnelle ». Aucun des nouveaux adeptes de l’Église ne venait de l’islam et, étrangement, personne ne semblait issu des Églises protestantes [35]. Là encore ces données ne contredisent pas l’idée de « renouveau » religieux, mais elles montrent que l’on assiste socia lement plus à une progression ou un déplacement religieux vers le pentecôtisme qu’à une rupture avec d’autres religions.

18Au final, nombre d’auteurs ont tendance à cantonner le renouveau religieux aux charismatiques, wahhabis et pentecôtistes, posture que nous avons adoptée jusqu’ici. Mais le renouveau tient-il seulement à ces mouvements, et ces derniers n’ont-ils pas d’équivalents antérieurs ? Le wahhabisme, par exemple, a été précédé de plusieurs mouvements réformistes au Mozambique et il s’est développé dans les années 1960 en lien avec le mouvement réformiste déobandi. Pour ce qui est du pentecôtisme, il est apparu au Mozambique dès le début du xxe siècle. Les premières Églises pentecôtistes sont toujours présentes dans le pays et il serait intéressant de mener une recherche sur leur articulation aux mouvements et Églises néo­pentecôtistes contemporains. L’absence d’une telle recherche laisse la place à, et amplifie même, l’impression de nouveauté des courants actuels. Par ailleurs, le renouvellement des pratiques religieuses n’est pas le fait des seuls courants évoqués dans cette section. Il se manifeste aussi au sein des Églises protestantes « historiques » ou « libérales », au sein de l’Église catholique en général, et parmi les musulmans soufis. Pour ne parler que des chrétiens, il y a d’une part le rôle des dynamiques internes : l’Église catholique a beaucoup évolué depuis Vatican II et passablement innové en matière liturgique depuis les années 1990 [36]. D’autre part, on assiste à des phénomènes d’osmose ou « de contagion », à savoir le développement de réformes au sein d’Églises protestantes libérales ou historiques, sous l’influence des nouveaux courants. On entend ainsi souvent parler de « pentecôstalisation » ou d’« évangélicalisation » des grandes Églises protestantes au Mozambique. Dans certaines institutions, ces changements peuvent occasionner de véritables tensions, notamment au sein de l’Église pres bytérienne dont le substrat historique, au Sud du pays, est essentiellement libéral alors que les branches au Nord ont subi l’influence protestante dominante dans cette région très évangélique [37].

19En résumé, il existe donc de nombreuses continuités dans le renouveau religieux au Mozambique après 1989. Des continuités verticales et horizontales, historiques, sociales, géographiques et religieuses, temporelles, et entre mouvements religieux. De tels liens ne vont pas à l’encontre de l’idée d’un renouveau religieux en tant que tel, mais leur mise en lumière montre que le renouveau ne se conjugue pas sous le seul signe de la césure. Comme tout phénomène social, le « renouveau religieux » est fait de ruptures et de continuités, et l’accent mis sur les continuités est tout aussi éclairant que celui sur les discontinuités. Si les ruptures permettent de souligner les innovations et peut-être l’avenir du renouveau religieux, une analyse des permanences et de leur historicité nous aide à mieux comprendre le phénomène dans sa chronologie, ses causes, ses formes et peut-être aussi dans son avenir. Il n’en va pas autrement des articulations entre religion et politique dans un contexte de renouveau religieux.

Renouveau religieux et politique

20Renouveau religieux et transformations politiques sont souvent allés de pair en Afrique dès la fin des années 1980. C’est du coup sans surprise que la majorité des auteurs soulignent la dimension de la rupture lorsqu’ils abordent la question. Pour la plupart d’entre eux, le renouveau religieux aurait contribué aux changements politiques sur le continent. Ainsi, Jeffrey Haynes note que la relation entre religion et politique a été modifiée à la fin des années 1980 suite à la redécouverte par les masses de la religion comme arme politique. Là où les leaders et institutions religieuses avaient été largement silencieux et cooptés politiquement, les populations auraient compris, à la fin des années 1980, comment utiliser la religion pour tenter de changer la donne politique – la « religion populaire » serait devenue politique, selon l’expression de l’auteur [38]. Travaillant sur le pentecôtisme, Paul Gifford affirme que, si le renouveau musulman et certains courants chrétiens sont devenus politiques et protestataires à la fin des années 1980, la majeure partie du renouveau chrétien a amené un autre type de rupture. Les Églises du renouveau protestant, et pentecôtistes en particulier, auraient cherché non pas à protester contre l’État comme l’affirme Haynes, mais plutôt à pénétrer les corridors du pouvoir pour mieux l’influencer et le transformer de l’intérieur [39]. Dans un style plus foucaldien, Ruth Marshall montre, de son côté, que la « révolution pentecôtiste » a amené une nouvelle théologie politique et un nouveau type de subjectivation qui ont poussé les pentecôtistes à adopter une distance critique avec le pouvoir [40]. Dénonçant la corruption des gouvernants, ces derniers se poseraient comme (contre-)exemples de comportement civique, de probité et d’honnêteté. D’une manière ou d’une autre donc, ces auteurs affirment tous que le renouveau religieux aurait provoqué un changement dans l’articulation entre religion et politique.

21Qu’en est-il au Mozambique ? Il faut souligner tout d’abord que le modèle de Haynes ne convient pas à ce pays qui n’a pas connu la montée en puissance d’une « religion populaire », dans les années 1980 ou 1990. La seule pression religieuse sur l’État est venue de certaines hiérarchies religieuses, notamment les évêques catholiques qui réclamaient une plus grande ouverture du système politique. Cette pression existait déjà depuis l’indépendance et elle ne s’est guère accentuée durant la période en question – ou alors seulement face à un pouvoir qui perdait en légitimité [41]. Pour ce qui est du modèle de Gifford, parlant d’une pénétration des corridors du pouvoir, cette proposition semble plus pertinente. Une Église telle que l’EURD s’est en effet implantée au Mozambique grâce à des alliances avec le parti au pouvoir dont elle est restée très proche depuis lors. L ‘EURD a même réussi, dès son arrivée, à louer ses premiers bureaux sur trois étages dans le bâtiment du comité central du Frelimo [42] ! Ceci résulte d’un accord par lequel l’Église s’engageait à ne pas faire de politique si ce n’est pour soutenir le parti au pouvoir. Pour ce qui est du modèle de Marshall, on constate il est vrai une nouvelle subjectivation et théologie politiques parmi les courants du renouveau dans le pays. Mais la critique du pouvoir de ces institutions a été très discrète et, pour ce qui est de l’EURD, sa probité a rapidement été mise en cause dans la sphère publique en raison de son amour excessif pour l’argent et de sa relation problématique avec la justice. Quant aux réformistes musulmans, ils ont tenté de s’impliquer en politique, mais avec un succès mitigé (voir infra). Leur comportement civique pourrait correspondre au modèle de Marshall (les principales figures du wahhabisme sont irréprochables moralement) si ce n’est que leur influence reste très restreinte sur la société. En bref, il apparaît que ces modèles ne sont pas très adéquats pour le Mozambique. Cela tient peut-être au fait qu’ils partent tous d’un même postulat, à savoir que l’articulation religieux-politique a changé sous l’influence du renouveau religieux.

22Or, la transformation de l’articulation entre religion et politique a plutôt été, au Mozambique, le fruit d’une impulsion venue du monde politique. Les grands changements de la fin des années 1980 résultèrent d’un vent libéral qui se mit à souffler depuis l’État. En 1989, le parti au pouvoir, encore « parti­État », décida d’opérer une transformation stratégique radicale, en abandonnant le socialisme et en adoptant le libéralisme en matière sociale, économique, politique et religieuse. Il n’y a pas lieu de faire ici l’histoire de ce retournement [43]. Il faut simplement retenir qu’en 1990, le pays adopta une nouvelle constitution libérale, qu’en 1992 le Frelimo et la guérilla de la Renamo signèrent des accords de paix, et qu’en 1994 le pays organisa ses premières élections multipartites qui rétablirent la paix sur tout le territoire. Le libéralisme changea la donne politique, sociale et économique du pays, ce qui eut des répercussions conséquentes sur le monde religieux, d’autant plus qu’au même moment, l’État modifia également sa politique religieuse. À partir de 1989, il abandonna sa politique de contrôle serré des activités religieuses et il autorisa la libre évangélisation, la libre circulation des personnes, et la libre construction de bâtiments religieux. C’est ainsi qu’émergea un « marché libre du religieux » dans lequel le parti au pouvoir devint non plus seulement un médiateur, mais aussi un acteur intéressé. Le Frelimo commença à courtiser et à passer des alliances avec des institutions religieuses et, du coup, là où la religion avait été réprimée puis contrôlée après l’indépendance, elle devint libre et occupa une place de choix [44].

23La nouvelle donne religieuse et politique après 1989, et la compétition entre parti au pouvoir et opposition pour l’appui des institutions religieuses en vue des élections, politisa les institutions de foi et leur ouvrit les couloirs du pouvoir. Le cas le plus connu, et le mieux étudié, est celui des musulmans. Après avoir considéré soutenir un nouveau parti musulman, le Parti indépendant du Mozambique (PIMO) [45], les principaux leaders de la communauté musulmane (de différentes traditions) décidèrent en 1993 de passer un accord, en tant que communauté, avec le parti au pouvoir en vue des premières élections multipartites du pays. Cet accord leur permit d’entrer au parlement en 1994, en tant que musulmans, sur les listes du parti au pouvoir. Peu après, ces mêmes musulmans s’organisèrent à la chambre du peuple afin de faire avancer leurs intérêts. Leur demande primordiale, et la plus controversée, vint par le biais d’une proposition de loi en 1996 pour transformer les jours des fêtes des Aïd en jours fériés nationaux. La loi fut soumise au vote du parlement et acceptée, mais cela déclencha un tollé dans la société mozambicaine – les Églises et d’importants secteurs intellectuels et politiques protestèrent contre ce qu’ils craignaient être une islamisation rampante de l’État. Le parti au pouvoir dut reculer et le président de la République fut contraint de trouver une ruse afin de neutraliser la loi sans l’annuler (ce qui arriva finalement à la fin de 1998) [46]. La politisation de la religion n’était pas « typique de », ou « limitée à », l’islam ; on l’a vu, plusieurs églises chrétiennes, dont l’EURD, avaient tissé des liens très serrés avec le parti au pouvoir dont elles tiraient des bénéfices très concrets [47]. Mais la polémique autour de l’islam dévoila de manière particulièrement flagrante et publique la nouvelle articulation entre le religieux et le politique au Mozambique. Le parti au pouvoir avait non seulement libéralisé le « marché religieux », mais aussi ouvert les corridors du pouvoir à certaines religions, ou institutions religieuses, afin de mieux asseoir son pouvoir dans certaines régions, ou certains groupes sociaux, en vue des élections.

24La religion joua un rôle dans cette transformation de l’articulation entre religion et politique. Tout d’abord les accords entre l’État et les institutions de foi résultaient de négociations que le parti au pouvoir ne contrôlait pas entièrement – il saisissait souvent des occasions plutôt qu’il n’en créait. Ensuite, ces transformations s’inscrivent dans l’histoire du rapport entre l’État et les institutions religieuses. Après l’indépendance, le parti au pouvoir entra dans une phase très anticléricale qui lui coûta cher par la suite : plusieurs grands États réduisirent leurs relations avec le Mozambique (ou firent pression sur le pays) et certains milieux religieux touchés par la politique anticléricale du Frelimo en vinrent à soutenir la guerre d’agression lancée par la Renamo avec des soutiens externes, contribuant à faire que cette dernière se transforme en une guerre civile [48]. Le Frelimo réalisa assez rapidement son « erreur » envers les institutions religieuses. Dès 1982, le parti changea le cap de sa politique et chercha à améliorer ses rapports avec des États comme l’Arabie saoudite ou le Vatican [49]. Mais les changements étaient perçus avant tout comme tactiques et ces pays ne se pressèrent pas pour normaliser leurs relations avec le parti-État mozambicain. En 1989, le chef du département des affaires religieuses se plaignait, malgré toutes les concessions du Frelimo, que les pays arabes ne soutenaient toujours le Mozambique que du bout des doigts [50]. L’État dut faire encore davantage de concessions. Autrement dit, si l’État (parti-État) fut la force motrice du changement du rapport religion/politique, le rôle du religieux semble indéniable, même s’il fut peut-être plus structurel.

25La nouvelle articulation religion/politique qui émergea au début des années 1990 ne dura pas, elle évolua même rapidement. Car si la politisation de la religion servit le Frelimo pour les élections de 1994, le parti comprit rapidement que laisser entrer la religion dans le domaine politique créait autant de problèmes qu’il n’offrait d’avantages. Entre autres, le Frelimo découvrit qu’il n’arrivait plus toujours à contrôler ses parlementaires, en particulier sur des sujets concernant la religion – que ce soit les musulmans à propos des jours fériés musulmans ou les chrétiens et musulmans après 1997 suite à une nouvelle loi sur la famille. Dès lors, le parti au pouvoir décida, probablement en 1998, d’éliminer graduellement de ses listes électorales tous les éléments religieux militants et de réimposer une lecture stricte de la laïcité au sein de son parti et de l’État. Entre 1999 et 2004, les musulmans militants furent écartés des listes électorales du Frelimo et l’EURD perdit ses bureaux dans le bâtiment du parti ainsi que le droit de louer des cinémas étatiques. Un chapitre de l’articulation religion/politique au Mozambique se ferma ainsi [51]. Un nouveau chapitre s’ouvrit après 1999 dans lequel les libertés étaient maintenues, mais la laïcité était pleinement restaurée. Ce nouveau régime s’installa sans résistance, car certaines institutions et certains leaders religieux n’appréciaient pas le mélange entre religion et politique. D’autre part, l’État avait mis en place, en coulisse, durant la décennie précédente, un régime de contrôle patrimonial des institutions religieuses. Les institutions de foi n’avaient pas reçu de personnalité juridique et elles dépendaient toutes entièrement de l’État (le Département des affaires religieuses) pour toute affaire légale. Autrement dit, le nouveau régime était un régime de laïcité mais aussi de « liberté surveillée » des religions.

26Globalement, il apparaît donc que le renouveau religieux au Mozambique ne fut pas l’élément prédominant dans la redéfinition de l’articulation entre religion et politique à la fin des années 1980. L’État fut un acteur bien plus influent, même si les institutions de foi et la religion jouèrent un rôle, peut­être plus structurel. Il est possible que le Mozambique soit un cas particulier en la matière – encore que la situation en Angola semble assez comparable [52]. Quoi qu’il en soit, les observations menées ici nous invitent à nuancer les modèles explicatifs de Haynes, Gifford et Marshall qui soulignent le rôle décisif de la religion dans la réarticulation du religieux et du politique à la fin du xxe siècle. Par a illeurs, on voit que la redéfinition de l’articulation entre religion et politique au Mozambique fut complexe et peu stable. Alors que les religions purent entrer en politique en 1994, le parti au pouvoir les en exclut à partir de 1998. La rupture originale fut ainsi rapidement suivie d’une contre-rupture, elle-même en mutation actuellement puisque le Mozambique vient de signer un Concordat avec le Vatican (décembre 2011 ; ratifié par le gouvernement en février 2012). [53] Autrement dit, il n’y a pas un renouveau et une réarticulation entre religieux et politique, mais plusieurs renouveaux et plusieurs réarticulations ou, mieux, un processus de transformation constante ou une concaténation de changements. Plutôt que de chercher à observer de grandes métamorphoses, ou à l’inverse certaines continuités, il semble qu’il serait plus judicieux d’analyser les dynamiques du changement et de tenter d’identifier des trajectoires.

27Cet article a proposé une perspective originale sur le renouveau religieux au Mozambique et son articulation au politique dans les années 1990 et 2000. L’analyse a révélé une situation religieuse et politique bien plus complexe qu’il ne pouvait paraître au premier abord. Tout d’abord, le « renouveau religieux » au Mozambique est d’une nature très singulière, sinon limitée. Il s’est traduit non pas par une croissance statistique ou une expansion géographique, mais avant tout par le renouveau des pratiques religieuses et un (re-)gain de visibilité, y compris sur le terrain politique, avec une période (limitée) durant laquelle la religion est entrée en politique. Ensuite, le renouveau s’est enraciné dans un terroir et a suivi une trajectoire spécifique. Les nouveaux courants religieux recrutent essentiellement dans des milieux similaires, ils se développent dans des régions déjà défrichées par des institutions parentes, et recrutent même parfois leurs adeptes parmi celles-ci. Ces dimensions ne nient pas la nouveauté du phénomène religieux, mais la complètent et nous permettent de mieux appréhender le champ des possibles – qui n’est pas illimité, bien au contraire. Enfin, en lien au politique, le renouveau religieux n’a pas redéfini l’articulation entre religion et politique au Mozambique. C’est plutôt une nouvelle orientation politique de l’État qui a amené un renouvellement religieux et une nouvelle articulation entre les domaines de la religion et du politique. Cette articulation a une trajectoire particulière, elle aussi, qui est ni stable ni linéaire : elle est constamment négociée et renégociée.

28Débattre de ruptures et de continuités en sciences sociales ne constitue pas une innovation en soi. Mais proposer cet angle d’analyse concernant la question du « renouveau religieux » en Afrique entre la fin des années 1980 et les années 2000 semble indispensable, car la recherche s’est laissé éblouir par la dimension « nouveauté », par les nouvelles manifestations religieuses, les nouvelles constructions d’églises et de mosquées ainsi que par le discours des acteurs sur la rupture avec le passé. Notre étude a montré qu’il existe d’autres dimensions, voire même des dynamiques contraires aux éléments de rupture. Ces continuités sont déterminantes car elles nous permettent de reconstruire des trajectoires historiques, d’évaluer la part d’innovation, et d’entrevoir les possibilités du futur. On peut globalement en conclure qu’il faudrait dorénavant rééquilibrer l’analyse du religieux en Afrique qui a par trop penché du côté des mouvements du renouveau et des ruptures, et laissé de côté l’analyse des continuités et l’analyse des courants religieux dit « historiques ». Il ne s’agit pas de privilégier une approche ou une autre, mais bien de penser ruptures et continuités ensemble, dialectiquement, afin d’appréhender la réalité sociale dans sa totalité.

Notes

  • [1]
    Une première version de ce texte a été présentée à la conférence « Saisir les articulations contemporaines du religieux et du politique en Afrique : objets d’étude, outils méthodologiques et cadres d’analyse », Centre d’étude d’Afrique noire (CEAN), Université de Bordeaux, 16 novembre 2007. Je tiens à remercier l’organisateur de la conférence, Cédric Mayrargue, et les participants, ainsi que les deux évaluateurs anonymes de Politique africaine, pour leurs commentaires et suggestions.
  • [2]
    B. Meyer, « “Make a Complete Break with the Past”. Memory and Post-Colonial Modernity in Ghanaian Pentecostalist Discourse », Journal of Religion in Africa, vol. 28, n° 3, 1998, p. 316-349 ; R. Marshall-Fratani, « Mediating the Global and Local in Nigerian Pentecostalism », Journal of Religion in Africa, vol. 28, no 3, 1998, p. 278-315 ; P. Gifford, Ghana’s New Christianity. Pentecostalism in a Globalising African Economy, Londres, Hurst & Co, 2004 ; A. Tayob, Islamic Resurgence in South Africa : The Muslim Youth Movement, Le Cap, University of Cape Town Press, 1998 ; M. Diouf, « The Senegalese Murid Trade Diaspora and the Making of a Vernacular Cosmopolitanism », Public Culture, vol. 12, no 3, 2000, p. 679-702 ; O. Kobo, Unveiling Modernity in Twentieth-Century West African Islamic Reforms, Leiden, Brill, 2012.
  • [3]
    Voir, entre autres, M. Lasseur et C. Mayrargue, « Le religieux dans la pluralisation contemporaine. Éclatement et concurrence », Politique africaine, no 123, 2011 ; R. Marshall, Political Spiritualities. The Pentecostal Revolution in Nigeria, Chicago, Chicago University Press, 2009 ; M. Engelke, « Past Pentecostalism : Notes on Rupture, Realignment, and Everyday Life in Pentecostal and African Independent Churches », Africa, vol. 80, no 2, 2010, p. 177­199 ; R. Loimeier, « Patterns and Peculiarities of Islamic Reform in Africa », Journal of Religion in Africa, vol. 33, no 3, 2003, p. 237-262 ; O. Kane, « Islamism : What is New, What is Not ? Lessons from West Africa », African Journal of International Affairs, vol. 11, no 2, 2008, p. 157­187.
  • [4]
    L’expression qui vise à problématiser la notion de « démocratisation » vient de J.-F. Bayart, « La problématique de la démocratie en Afrique noire : “La Baule, et puis après ?” », Politique africaine, no 43, 1991, p. 5­20.
  • [5]
    M. Cahen, Mozambique, la révolution implosée. Études sur 12 ans d’indépendance (1975-1987), Paris, L’Harmattan, coll. « Points de vue concrets », 1987, p. 170.
  • [6]
    T. Young et M. Hall, Confronting Leviathan : Mozambique since Independence, Londres, Hurst & Co, 1997 ; É. Morier-Genoud, « Mozambique since 1989 : Shaping Democracy after Socialism », in A. R. Mustapha et L. Whitfield (dir.), Turning Points in African Democracy, Oxford, James Currey, 2009, p. 153-166.
  • [7]
    G. Seibert, « Massive Conversion to Spiritual Churches in Semi-Urban in Mozambique », présentation à la conférence Afrika in Kontext, Hanovre, Allemagne, 2004 ; J. Pfeiffer, « African Independent Churches in Mozambique : Healing the Afflictions of Inequality », Medical Anthropo logy Quarterly, vol. 16, no 2, 2002, p. 176. Voir aussi « Mozambique Fears Growth of Islam », Mail & Guardian (Johannesbourg), 5 au 7 juillet 1996, p. 16.
  • [8]
    M. Cahen, « L’État Nouveau et la diversification religieuse au Mozambique, 1930-1974. I. Le résistible essor de la portugalisation catholique (1930-1961) », Cahiers d’études africaines, no 158, 2000, p. 309-349 ; « L’État Nouveau et la diversification religieuse au Mozambique, 1930-1974. II. La portugalisation désespérée (1959-1974) », Cahiers d’études africaines, no 159, 2000, p. 551­592.
  • [9]
    Les Églises « zions » sont des institutions chrétiennes d’origine africaine. La catégorie est officielle au Mozambique. En Afrique, les sciences de la religion distinguent traditionnellement deux types d’Églises chrétiennes indépendantes : les Églises « zionistes » et les Églises « éthiopiennes ». La deuxième catégorie regroupe les institutions créées par scission d’Églises missionnaires alors que la première regroupe les institutions créées sous influence du mouvement américain de guérisons par la foi, basé à Zion, dans l’Illinois. Pour une discussion de cette typologie, voir B. Sundkler, Bantu Prophets in South Africa, Londres, Oxford University Press, 1961, p. 53 et suiv. ; pour une critique, voir J. P. Kiernan, « African Religious Research. Themes and Trends in the Study of Black Religion in Southern Africa », Journal of Religion in Africa, vol. 12, no 2, 1981, p. 136-147.
  • [10]
    Les notes de la section « religion » du recensement affirment diplomatiquement, et assez bizarrement, qu’il est « possible qu’une partie des personnes sans religion pratiquent de fait une religion non organisée comme, par exemple, les croyances animistes » [sic]. Voir : Instituto Nacional de Estatística, Mozambique, http://web.archive.org/web/20031007205557/ http://www.ine.gov.mz/censo2/03/brochura/03religiao.htm, consulté le 24 avril 2009.
  • [11]
    J’y ai moi-même réalisé plusieurs terrains depuis 1997 sans constater de changements importants.
  • [12]
    Secretariado Geral da Conferência Episcopal de Moçambique, Anuário Católico de Moçambique 2008, Maputo, Editorial Paulinas, 2008, http://www.fecongd.org/fec/anuarios_igrejas_lusofonas/anuario_mz.pdf. Malheureusement, l’annuaire est incomplet lui aussi, ce qui ne permet pas un calcul pour l’ensemble du pays.
  • [13]
    En portugais, Igreja universal do reino de Deus (IURD).
  • [14]
    B. Meyer, « “Make a Complete Break with the Past”… », art. cité ; R. Marshall-Fratani, « Mediating the Global… », art. cité ; P. Gifford, Ghana’s New Christianity…, op. cit. ; et, pour l’islam, voir entre autres L. Brenner (dir.), Muslim Identity and Social Change in Sub-Saharan Africa, Londres, Hurst & Co, 1993 ; E. P. Renne (dir.), Veiling in Africa, Bloomington, Indiana University Press, 2013.
  • [15]
    L. Macagno, « Les nouveaux Oulémas. La recomposition des autorités musulmanes au Nord du Mozambique », Lusotopie, vol. 14, no 1, 2007, p. 151-177 ; L. J.K. Bonate, « Dispute over Islamic Funeral Rites in Mozambique. A Demolidora dos Prazeres by Shaykh Aminuddin Mohamad », LFM. Social Sciences & Missions, no 17, 2005, p. 41­59 ; É. Morier­Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance. Histoire d’une montée en puissance », L’Afrique politique, Paris, Karthala, 2002, p. 123-146.
  • [16]
    L. J.K. Bonate, « Dispute over Islamic Funeral Rites in Mozambique… », art. cité, et É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair. Religious Competition and State Mediation in Contemporary Mozambique », Journal of Southern African Studies, vol. 26, no 3, 2000, p. 409-427.
  • [17]
    J. Pfeiffer, « Money, Modernity and Morality. Traditional Healing and the Expansion of the Holy Spirit in Mozambique », in T. Luedke et H. G. West (dir.), Borders and Healers. Brokering Therapeutic Resources in Southeast Africa, Bloomington, Indiana University Press, 2006, p. 81-100 ; T. Cruz e Silva, « Evangelicals and Democracy in Mozambique », in T. O. Ranger (dir.), Evangelical Christianity and Democracy in Africa, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 161-189.
  • [18]
    D. G. Gaspar, ? dando que se recebe ». A igreja universal do reino de Deus e o negócio da fé em Moçambique, thèse de master, Université fédérale de Bahia, Brésil, 2006, p. 228 ; L. van de Kamp, Violent Conversion. Brazilian Pentecostalism and the Urban Pioneering of Women in Mozambique, Thèse de doctorat, Université d’Amsterdam, 2011 ; « Converting the Spirit Spouse : The Violent Transformation of the Pentecostal Female Body in Maputo, Mozambique », Ethnos, vol. 76, no 4, 2011, p. 510-533 ; « Afro-Brazilian Pentecostal Re-Formations of Relationships Across Two Generations of Mozambican Women », Journal of Religion in Africa, vol. 42, no 4, 2012 p. 433-452.
  • [19]
    P. Anouilh, « Des pauvres à la paix. Aspects de l’action pacificatrice de Sant’Egidio au Mozambique », LFM. Social Sciences & Missions, no 17, 2005, p. 11-40 ; « Sant’Egidio au Mozambique : de la charité à la fabrique de la paix », Revue internationale et stratégique, no 59, 2005/3, p. 9-20.
  • [20]
    J. Pfeiffer, K. Gimbel-Sherr, et O. J. Augusto, « The Holy Spirit in the Household. Pentecostalism, Gender, and Neoliberalism in Mozambique », American Anthropologist, vol. 109, no 4, 2007, p. 688.
  • [21]
    J. Pfeiffer, « Commodity fetichismo, the Holy Spirit, and the Turn to Pentecostal and African Independent Churches in Central Mozambique », Culture, Medicine and Psychiatry, no 29, 2005, p. 255.
  • [22]
    L. J.K. Bonate, « Dispute over Islamic Funeral Rites in Mozambique… », art. cité, « Roots of Diversity in Mozambican Islam », Lusotopie, vol. 14, no 1, 2007, p. 129-149.
  • [23]
    En suivant les jalons posés par M. Engelke, « Discontinuity and the Discourse of Conversion », Journal of Religion in Africa, vol. 34, no 1/2, 2004, p. 82-109 ; « Past Pentecostalism : Notes on Rupture… », art. cité.
  • [24]
    Notícias (Maputo), 7 août 1995, p. 6 ; Notícias (Maputo), 24 février 1996 ; Imparcial (Maputo), no 453, 14 mars 1996, p. 3.
  • [25]
    É. Morier-Genoud, « Archives, historiographie et églises évangéliques au Mozambique », Lusotopie, 2000, p. 621-630.
  • [26]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité, p. 131.
  • [27]
    Ce point a été admirablement démontré par David Maxwell dans son livre African Gifts of the Spirit : Pentecostalism and the Rise of a Zimbabwean Transnational Religious Movement, Oxford, James Currey, 2006.
  • [28]
    É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité, p. 420.
  • [29]
    F. A. Monteiro, « Sobre a actuação da corrente “wahhabitta” no Islão moçambicano : algumas notas relativas ao período 1964-1974 », Africana Studia (Porto), vol. 12, 1993, p. 85-107.
  • [30]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité.
  • [31]
    D. G. Gaspar, ? dando que se recebe ». A igreja universal…, op. cit., p. 177. Linda van de Kamp caractérise, elle, le milieu de l’EURD comme étant principalement féminin et en ascendance sociale ; voir L. van de Kamp, Violent Conversion. Brazilian Pentecostalism…, op. cit.
  • [32]
    P. Anouilh, « Des pauvres à la paix. Aspects de l’action… », art. cité, p. 27.
  • [33]
    A.M.S. Carvalho, O empresariado islâmico em Moçambique no período póscolonial : 1974-1994, thèse de doctorat, Institut supérieur d’économie et de gestion, Université Technique de Lisbonne, 1999, p. 317-318.
  • [34]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité, p. 132.
  • [35]
    D. G. Gaspar, « ? dando que se recebe ». A igreja universal…, op. cit., p. 182.
  • [36]
    Étonnamment, il n’existe aucune recherche en sciences sociales sur les changements globaux au sein de l’Église catholique au Mozambique après l’indépendance. Pour une première approche, voir É. Morier-Genoud et P. Anouilh, « The Catholic Church in Mozambique under Revolution, War and Democracy », in P. C. Manuel, A. Lyon et C. Wilcox (dir.), Religion and Politics in a Global Society. Comparative Perspectives from the Portuguese-speaking World, Lanham, Lexington Books, 2012, p. 185-203.
  • [37]
    B. Schubert, « Die Kirchen auf Mosambiks Weg vom Krieg zum Frieden », in C. Lienemann-Perrin et W. Lienemann (dir.), Kirche und Öffentlichkeit in Transformationsgesellschaften, Stuttgart, Kohlhammer Verlag, 2006, p. 227-265.
  • [38]
    J. Haynes, « Popular Religion and Politics in Sub-Saharan Africa », Third World Quarterly, vol. 16, no 1, 1995, p. 89­108.
  • [39]
    P. Gifford, African Christianity. Its Public Role, Bloomington, Indiana University Press, 1998, p. 341-342 ; P. Gifford, Ghana’s New Christianity…, op. cit.
  • [40]
    R. Marshall, Political Spiritualities…, op. cit., en particulier le chapitre 6.
  • [41]
    É. Morier-Genoud et P. Anouilh, « The Catholic Church in Mozambique… », art. cité.
  • [42]
    É. Morier-Genoud, « The Politics of Church and Religion in the First Multi-Party Elections of Mozambique », Internet Journal of African Studies (Bradford), no 1, 1996. Pour les cinémas, voir note 24 ; pour les bureaux dans le bâtiment du comité central du Frelimo, voir Savana (Maputo), 7 novembre 1994, p. 16-17 ; mediaFAX (Maputo), no 721, 23 mars 1995, p. 3 ; Correio da Manhã (Maputo), no 1717, 2 décembre 2003, et Savana (Maputo), 14 octobre 2011.
  • [43]
    Voir les références de la note 6 ainsi que H. Abrahamsson et A. Nilsson, Mozambique. The Troubled Transition : From Socialist Construction to Free Market Capitalism, Londres, Zed Books, 1995 ; M.A. Pitcher, Transforming Mozambique. The Politics of Privatization, 1975-2000, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.
  • [44]
    É. Morier-Genoud, « Of God and Caesar… The Relation between Christian Churches and the State in post-colonial Mozambique, 1974-1981 », LFM. Social Sciences & Missions, n° 3, 1996 ; « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité ; « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité.
  • [45]
    Le parti était couramment appelé non pas « parti indépendant », mais « parti islamique du Mozambique ». À son propos, voir R. Braga Pires, « A Formação do Partido Independente de Moçambique (PIMO) », Africana Studia (Porto), no 12, 2009, p. 91­109 et R. Braga Pires, « Yaqub Sibindy. O PIMO - oração fúnebre a um caixão vazio. Entrevista conduzida por Raul Braga Pires », Africana Studia (Porto), no 12, 2009, p. 113­121.
  • [46]
    É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité ; R. Braga Pires, « A Formação do Partido Independente… », art. cité.
  • [47]
    Voir supra ; un autre cas très controversé fut celui de la méditation transcendantale ; à ce propos, voir P. Oliveira, « Le président et le Transcendant », Politique africaine, no 52, 1993, p. 150-151.
  • [48]
    Sur la transformation de la guerre au Mozambique en guerre civile, voir M. Cahen et L. de Brito (dir.), « Mozambique. Guerre et nationalismes », Politique africaine, no 29, 1988 ; T. Young et M. Hall, Confronting Leviathan : Mozambique since Independence, Londres, Hurst & Co, 1997, chapitre 7 ; M. Cahen, Les Bandits. Un historien au Mozambique, 1994, Paris, Publications du centre culturel Calouste Gulbenkian, 2002.
  • [49]
    É. Morier-Genoud, « The 1996 “Muslim Holiday” Affair… », art. cité, p. 423.
  • [50]
    É. Morier-Genoud, « L’Islam au Mozambique après l’indépendance… », art. cité, p. 135.
  • [51]
    É. Morier-Genoud, « Demain la sécularisation ? Les musulmans et le pouvoir au Mozambique aujourd’hui », in R. Otayek et B. Soares (dir.), Islam, État et société en Afrique, Paris, Karthala, 2009, p. 353-383.
  • [52]
    D. Péclard, « The “Depoliticizing Machine” : Church and State in Angola since Independence », in P. C. Manuel, A. Lyon et C. Wilcox (dir.), Religion and Politics in a Global Society, op. cit., p. 139-160.
  • [53]
    Vatican News (Rome), 9 décembre 2011, http://www.news.va ; O País (Maputo), 22 fevrier 2012, http://opais.sapo.mz.
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