Couverture de POLAF_134

Article de revue

« Opération Somme » : La French Connection et le coup d'État de Seyni Kountché au Niger en avril 1974

Pages 133 à 154

Notes

  • [1]
    P. J. McGowan, « African Military Coups d’État, 1956-2001. Frequency, Trends and Distribution », Journal of Modern African Studies, vol. 41, n° 3, 2003, p. 339-370.
  • [2]
    Le coup d’État en Sierra Leone du 29 avril 1992 et, plus récemment, celui au Mali du 22 mars 2012 constituent d’autres exemples de mutineries ayant évolué en putschs. Voir M. Dwyer, « Anatomie d’une unité mutine : Le coup d’État de 1992 en Sierra Leone », Politique africaine, n° 128, 2012, p. 77-99 ; B. Whitehouse, « The Force of Action : Legitimizing the Coup in Bamako, Mali », Africa Spectrum, vol. 47, n° 2-3, 2012, p. 93-110.
  • [3]
    Une des premières études phares sur le sujet est celle de S. Decalo, Coups and Army Rule in Africa. Studies in Military Style, New Haven / Londres, Yale University Press, 1976.
  • [4]
    J. D. Kandeh, Coups from Below. Armed Subalterns and State Power in West Africa, New York, Palgrave Macmillan, 2004.
  • [5]
    E. Schmidt, Foreign Intervention in Africa. From the Cold War to the War on Terror, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « New Approaches to African History », 2013, p. 2.
  • [6]
    F.-X. Verschave, La Françafrique. Le plus long scandale de la République, Paris, Stock, coll. « Documents », 1998.
  • [7]
    Voir le chapitre 8 de J. F. Clark, The Failure of Democracy in the Republic of Congo, Boulder / Londres, Lynne Rienner Publishers, 2008.
  • [8]
    R. Banégas, R. Marchal et J. Meimon, « La fin du pacte colonial ? La politique africaine de la France sous J. Chirac et après », Politique africaine, n° 105, 2007, p. 7-26.
  • [9]
    E. Schmidt, Foreign Intervention in Africa…, op. cit., p. 2-3 et 11.
  • [10]
    J. F. Clark, The Failure of Democracy…, op. cit., p. 210.
  • [11]
    Parti progressiste nigérien / Rassemblement démocratique africain. Voir C. Fluchard, Le PPN/RDA et la décolonisation du Niger 1946-1960, Paris, L’Harmattan, coll. « Racines du présent », 1995.
  • [12]
    K. van Walraven, « Decolonization by Referendum. The Anomaly of Niger and the Fall of Sawaba, 1958-1959 », Journal of African History, vol. 50, n° 2, 2009, p. 269-292 ; K. van Walraven, The Yearning for Relief. A History of the Sawaba Movement in Niger, Leiden / Boston, Brill, 2013 ; M. Djibo, Les Transformations politiques au Niger à la veille de l’indépendance, Paris, L’Harmattan, coll. « Sociétés africaines et Diaspora », 2001.
  • [13]
    É. Apard-Malah, Queues de pie et grand boubous : une histoire franco-africaine. Les relations politiques franco-nigériennes de l’après-guerre aux années 2000, Thèse de doctorat, Histoire de l’Afrique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013, p. 289.
  • [14]
    J.-F. Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 1989, p. 20-29.
  • [15]
    J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique de 1959 à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio-histoire Inédit », 2012, p. 751, n° 14.
  • [16]
    É. Apard-Malah, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 281.
  • [17]
    Voir notamment l’ouvrage que j’ai consacré à la décolonisation du pays à travers la montée et la chute du mouvement Sawaba : K. van Walraven, The Yearning for Relief…, op. cit. Une traduction française, intitulée provisoirement Le Désir de calme. L’histoire du mouvement Sawaba au Niger, sera prochainement publiée chez Karthala.
  • [18]
    Ibid., p. 566-569.
  • [19]
    C. Legum (dir.), Africa Contemporary Record 1974-1975, Teaneck (NJ), Holmes & Meier Publishers, p. 724.
  • [20]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché (1974-1987) », in K. Idrissa (dir.), Armée et politique au Niger, Dakar, Codesria, 2008, p. 133.
  • [21]
    Voir V. Bonnecase, « Faim et mobilisations sociales au Niger dans les années 1970 et 1980 : une éthique de la subsistance ? », Genèses, n° 81, 2010, p. 5-24.
  • [22]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 131-133 ; voir les mémoires de M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon de Seyni Kountché [extrait], n.d., http://www.editions-nathan-adamou.com/UserFiles/File/15_Avril_Extrait_Gratuit.pdf, consulté le 1er novembre 2010.
  • [23]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité ; R. Higgott et F. Fuglestad, « The 1974 Coup d’État in Niger : Towards an Explanation », Journal of Modern African Studies, vol. 13, n° 3, 1975, p 383-398.
  • [24]
    K. van Walraven, The Yearning for Relief…, op. cit., p. 574-575.
  • [25]
    Ces soldats français appartenaient au 4e régiment interarmes d’Outre-Mer (RIAOM), comptant mille hommes. A. Idrissa et S. Decalo, Historical Dictionary of Niger, Lanham (MD), Scarecrow Press, 2012 [4e éd.], p. 218.
  • [26]
    É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 287 ; A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani. Premier président de la république du Niger, Paris, Karthala, 2010, p. 248-249 ; M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 135-136 ; E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires (1974-1977) », Revue française d’études politiques africaines, vol 13, n° 149, 1978, p. 38.
  • [27]
    Voir l’entretien avec Kountché dans : « Tout sur la chute de Diori », Jeune Afrique, 2 juillet 1976 ; M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon…, op. cit.
  • [28]
    A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani…, op. cit., p. 244-250 ; M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 134-136.
  • [29]
    Voir l’entretien de Diori dans Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité ; H. Diori, « Sans haine et sans regret », Jeune Afrique, 5 septembre 1984, où Diori pointa l’implication de Foccart.
  • [30]
    C. Raynaut, « Trente ans d’indépendance : repères et tendances », Politique africaine, n° 38, 1990, p. 13 ; É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 288.
  • [31]
    J.-P. Bat, « Les “archives Foccart” aux Archives nationales », Afrique et Histoire, vol. 5, n° 1, 2006, p. 189-201.
  • [32]
    Des documents auraient-ils pu être retirés du dossier ? Ceci semble improbable car les indices du plan de déploiement des parachutistes demeurent ! Le dossier est archivé sous le numéro de dossier 5AG/FPU 1525. Dérogation datée du 24 juillet 2012. L’analyse de ce dossier faisait partie d’une étude plus large des documents du secrétariat de Foccart, maintenant archivés à Pierrefitte-sur-Seine. Ceux-ci incluent les notes d’ambassade, des documents sur la sécheresse sahélienne, le voyage de Foccart au Niger tôt en 1974 et des correspondances avec Diori et Pompidou. Numéros de dossier : 5AG/FSD 147 (ex-FPU 783) ; 5AG/FPU 1164 ; 5AG/FPU 1527 et 5AG3/1181. Une demande pour un dossier sur l’uranium (5AG/FPU 1524) a été rejetée, de même que les demandes de dossiers relevant de l’ère Giscard d’Estaing.
  • [33]
    Sauf indication contraire, toutes les citations qui suivent proviennent des différents documents contenus dans le dossier archivé sous le numéro 5AG/FPU 1525. Par souci de clarté et de concision, nous ne préciserons pas, pour chaque citation tirée de ce dossier, le document précis qui en est à l’origine. Deux documents de ce dossier méritent une mention spécifique concernant l’analyse rétrospective du putsch par l’attaché militaire français à Niamey : Bulletin de renseignements, Ambassade de France au Niger, Bureau du conseiller militaire n° 171/NIG/CM/CD/SS, Niamey, le 21 mai 1974 (Lieutenant-colonel Mange, conseiller militaire Ambassade de France), Confidentiel défense, Source secrète ; et un de ses rapports antérieurs : Bulletin de renseignements, le 23 avril 1974.
  • [34]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute surprise et ses mystères », in S. Andriamirado et al., Dossiers secrets de l’Afrique contemporaine, Paris, Jeune Afrique Livres, 1989, p. 181.
  • [35]
    J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard. Tome 2, Paris, Fayard, coll. « Jeune Afrique », 1997, p. 224-225 ; J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit., p. 238 et 773.
  • [36]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité.
  • [37]
    J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., p. 225 ; J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit., p. 355 et 773.
  • [38]
    R. Higgott et F. Fuglestad, « The 1974 Coup d’État in Niger… », art. cité, p. 392-393 ; F. Martin, Le Niger du président Diori. Chronologie 1960-1974, Paris, L’Harmattan, 1991, p. 363.
  • [39]
    M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon…, op. cit. Autre exemple, apporté par Bat, le changement populaire de régime en République du Congo en 1963 eut lieu durant la saison principale de vacances en France, ce qui empêcha une réponse efficace. J.­P. Bat, « Le rôle de la France après les indépendances… », art. cité, p. 47.
  • [40]
    Élodie Apard suggère, en s’appuyant sur les mémoires de Djermakoye, que la décision de principe du coup fut prise en décembre. Voir É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 273.
  • [41]
    Moumouni Adamou Djermakoye déclare que les unités de Zinder (une partie au moins) voyagèrent par la route, abandonnant la route nationale n° 1 à Dosso et empruntant une route plus au nord avant de descendre sur l’aéroport de Niamey. Voir M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon…, op. cit.
  • [42]
    Selon l’attaché, seulement deux ou trois officiers des FAN connaissaient les plans de Kountché, finalement six ou sept, mais ceci pourrait être une sous-estimation pour se disculper de toute accusation sur son ignorance.
  • [43]
    Il semble que Gilbert Comte ait été à la source de cette rumeur. Comte, alors qu’il était journaliste au Monde, était un ami proche de Diori, et difficilement impartial. Voir ses articles dans Le Monde, 25 au 26 avril 1974.
  • [44]
    Souligné par l’auteur. Ceci confirme les propos d’Élodie Apard, qui interviewa un soldat français ayant travaillé pendant cette période pour les codeurs militaires. Voir É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 286.
  • [45]
    L’assassinat de la femme de Diori durant l’attaque inspira bien des spéculations ultérieurement. Le dossier de Foccart ne permet pas de faire la lumière sur ces rumeurs, mais il se contente d’en faire la liste.
  • [46]
    L’ambassadeur confirma plus tard que les Nigériens avaient placé sous écoute les appels entre l’ambassade et Paris.
  • [47]
    Voir Jacques Baulin, ancien conseiller diplomatique du Président Diori : Conseiller du président Diori, Paris, Eurafor Press, 1986, p. 122 ; J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., p. 224 ; S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 181. Galley et Maurin étaient partis pêcher, ce qui rendit difficile leur contact avec Foccart. Voir É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 276.
  • [48]
    Cette issue n’était pas sans précédent. En 1967, Foccart n’avait également pas réussi à convaincre les responsables politiques français de sauver le leader dahoméen Christophe Soglo. Voir J.­P. Bat, « Le rôle de la France après les indépendances. Jacques Foccart et la pax gallica », Afrique contemporaine, n° 235, 2010, p. 50 ; É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 274.
  • [49]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 181-183 ; J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., p. 225 ; J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit., p. 238 ; J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 122.
  • [50]
    J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard. Tome 1, Paris, Fayard, coll. « Jeune Afrique », 1995, p. 338 et Tome 2, op. cit., p. 224-225. Dans un journal publié plus tard, il prend ses distances avec cette idée, suggérant qu’il était réticent depuis le début. J. Foccart, Journal de l’Élysée, Tome 5. La fin du Gaullisme, 1973-1974, Paris, Fayard, 2001.
  • [51]
    Les institutions mentionnées supposèrent que le ministre de la Défense, à tout le moins, était informé. Est-il possible que Messmer et Poher aient fermé les yeux ?
  • [52]
    À part, bien sûr, Matignon et l’Élysée.
  • [53]
    Probablement une référence à l’aéroport militaire de Villacoublay.
  • [54]
    Souligné par l’auteur.
  • [55]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité.
  • [56]
    J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 142.
  • [57]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité ; E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani… », art. cité, p. 24.
  • [58]
    Souligné par l’auteur.
  • [59]
    Puisque de nombreux officiers des FAN étaient envoyés depuis des années pour suivre des entraînements en France, est-il inconcevable que les militaires nigériens aient leurs propres sources de renseignements dans ce pays ?
  • [60]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité.
  • [61]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 183-184.
  • [62]
    Voir aussi E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani… », art. cité, p. 35 ; A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani…, op. cit., p. 254.
  • [63]
    Kountché avait aussi des soupçons sur les Libyens à propos d’une dispute de frontière et d’incursions passées.
  • [64]
    J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 101-119.
  • [65]
    Le rapport peut être trouvé sous la référence 5AG/FPU 1527, dérogation du 24 juillet 2012.
  • [66]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 134 ; A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani…, op. cit., p. 244-246.
  • [67]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 186.
  • [68]
    R. Higgott et F. Fuglestad, « The 1974 Coup d’État in Niger… », art. cité, p. 392.
  • [69]
    C. Raynaut, « Trente ans d’indépendance… », art. cité., p 3 ; E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani… », art. cité, p. 21.
  • [70]
    Jacques Baulin, en tant que conseiller de Diori, n’était pas un témoin impartial. Voir J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 118.
  • [71]
    Souligné par l’auteur.
  • [72]
    Foccart déclara que, plus tard, Diori s’excusa d’avoir suggéré que l’ancienne métropole était derrière le coup. J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., Tome 2, p. 223.
  • [73]
    Voir K. van Walraven, The Yearning for Relief…, op. cit.
  • [74]
    Souligné par l’auteur.
  • [75]
    Voir aussi É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 289.
  • [76]
    V.T. Le Vine, Politics in Francophone Africa, Boulder / Londres, Lynne Rienner Publishers, 2004, p. 343.
  • [77]
    C’est lors de cette crise que la doctrine de non-intervention du Premier ministre français Lionel Jospin (« ni ingérence, ni indifférence ») est apparue. Voir R. Banégas, R. Marchal et J. Meimon, « La fin du pacte colonial ?… », art. cité, p. 16 ; Y. Gounin, La Politique africaine de la France. Le combat des anciens et des modernes, Bruxelles, De Boeck, 2009, p. 54-55.
  • [78]
    Ceci est aussi suggéré par J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit.
  • [79]
    J.­P. Bat, « Le rôle de la France après les indépendances… », art. cité, p. 44.

1Les observateurs des affaires africaines sont depuis longtemps habitués aux putschs, où des membres de forces armées renversent des chefs d’État en exercice au cours d’opérations qui peuvent être marquées par des bains de sang, ou, au contraire, par leur (relative) absence [1]. Ces coups d’État peuvent être le résultat d’une planification préméditée, le prolongement d’actions plus spontanées, telles que les mutineries, ou une combinaison complexe des deux [2]. L’étude des coups d’État en Afrique a permis d’en établir un véritable pedigree [3]. Elle conduit à mettre en avant plusieurs facteurs : l’importance des conditions de vie des militaires eux-mêmes (facteur dit « de corporation ») dans le déclenchement des coups, par opposition à la prise en compte d’un contexte sociétal plus large ; également, le type d’unités militaires spécifiques qui sont impliquées [4] ; ou enfin, la part respective des dynamiques nationales et internationales dans les prises de pouvoir armées.

2Ce dernier point renvoie au poids des interventions étrangères. Il soulève de nombreuses questions, qui dépassent le seul phénomène du putsch en tant que tel. L’intervention étrangère est elle-même un phénomène complexe. Elle s’inscrit dans un contexte historique, qui est passé de la rivalité de guerre froide à la multilatéralisation des interventions étrangères depuis plus de deux décennies. De façon évidente, une intervention étrangère ne mène pas nécessairement à un changement de régime. Elle peut au contraire conduire à la consolidation d’un gouvernement existant, chancelant. Il est cependant important de noter qu’une telle intervention implique souvent un déséquilibre de pouvoir entre les acteurs internes et les intervenants extérieurs [5].

3Un de ces contextes historiques est constitué par ce qu’on nomme encore parfois la « Françafrique » : cette formule met en avant une histoire franco-africaine qu’on résume par un interventionnisme jugé malveillant de la part de l’ancienne métropole dans les États d’Afrique francophone, et dans leurs conflits internes [6]. Cependant, la « Françafrique » décrit imparfaitement les relations franco-africaines car elle conduit à surestimer, comme cela a été le cas dans les théories de la dépendance, le rôle des facteurs externes dans les développements politiques africains. La politique française en Afrique peut toutefois difficilement être considérée comme un modèle de cohérence, non seulement dans des conjonctures historiques spécifiques (dans lesquelles différentes institutions françaises pouvaient sembler agir de façon contradictoire), mais aussi à travers le temps [7]. Un précédent dossier thématique de Politique africaine a démontré comment, plus récemment, la position de la France envers l’Afrique a perdu en cohérence, sujette à un processus de reformulation constante, et se résumant souvent à guère plus qu’une « non-politique » réactive [8].

4Même au cours des décennies précédentes, et en dépit des fortes inégalités de pouvoir caractérisant selon Schmidt les relations entre les intervenants extérieurs et les régimes africains issus des décolonisations [9], en particulier dans les premières années post-indépendance, la politique française semble avoir souffert d’une absence de « plan directeur » [10]. Ce fut particulièrement le cas lorsqu’elle fut mise à l’épreuve pour répondre à des événements soudains, tels qu’une tentative de coup d’État et la perte d’un client-allié africain. Le coup d’État du lieutenant-colonel Seyni Kountché en 1974 au Niger, qui mena à la chute du président Hamani Diori et du régime à parti unique du PPN/RDA [11], en est un bon exemple. Alors que le putsch annonça l’avènement des militaires dans la politique nigérienne, le régime précédent avait été, selon bien des aspects, la création de l’establishment gaulliste [12]. Il fut surveillé de près par ce dernier, et si, dans les dernières années il démontra des signes de velléités d’autonomie, sa sécurité dépendait considérablement de la bienveillance française. Sur cette base, l’article montre que la chute de Diori représenta un signe de la perte de l’influence française, comme en témoignèrent le retrait de ses troupes et la fermeture de sa base (le « camp Leclerc ») dans la capitale Niamey quelques mois après le coup.

5Ainsi, le putsch de 1974 est intéressant parce qu’il permet de reposer la question du poids relatif des facteurs externes et internes dans certaines des prises de pouvoir dans les États africains francophones depuis l’indépendance ? ou inversement dans l’absence de changements de régimes imposés. Cet article soutient que, pour le Niger, ce putsch représenta un premier coup porté contre l’influence hexagonale, un évènement qui révéla les capacités d’action dont les acteurs africains disposaient dans le pré carré franco-africain pour reconfigurer les paramètres de cette relation d’influence. Comme le note Élodie Apard-Malah, le putsch constitua, dans l’imaginaire nigérien, le début d’une nouvelle phase dans les liens avec la France [13]. On soutiendra ici que les modalités de la prise de pouvoir par Kountché préfiguraient une telle recomposition. L’influence française ne fut pas totalement éclipsée, mais elle prit alors une forme plus subtile (principalement économique). Si de nombreux Nigériens ont alors soupçonné la France d’être derrière le putsch contre Diori, l’analyse des positions françaises durant les événements qui secouèrent la politique nigérienne au printemps 1974 permet de rappeler les limites de ce que Jean-François Bayart avait appelé le « paradigme du joug » : un modèle explicatif qui réduit tous les développements historiques africains au simple résultat de manipulations extérieures [14].

6Du côté de l’ancienne métropole, en effet, le coup réactiva les anciens réflexes au sein des réseaux politiques franco­nigériens de l’époque. Si les actions déclenchées n’ont pas abouti, cela tient, en premier lieu, au volontarisme de Kountché, mais aussi au vide laissé par la mort du président Pompidou (le 2 avril, quinze jours avant le putsch), et, à moyen terme, par le déclin de l’influence de Jacques Foccart (Secrétaire général des affaires africaines et malgaches à l’Élysée) dans les affaires franco-africaines. Comme le note Jean-Pierre Bat, le pouvoir de « l’homme de l’ombre » fut à son apogée sous de Gaulle, avant de connaître un léger déclin sous Pompidou [15]. Dans l’interrègne compris entre le décès de ce dernier et l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle, Foccart fut confronté à des acteurs divers sur lesquels il n’avait pas toujours prise [16]. Ceci a pesé sur la réponse apportée par la France française au coup de Kountché.

7La première section de l’article retrace les interprétations qui furent données à ce putsch au Niger, et les confronte avec les données des archives gouvernementales françaises. Elle soutient que, non seulement les Français n’étaient pas impliqués dans le coup, mais ils furent totalement pris par surprise lors de cet événement. Ils envisagèrent même une intervention militaire pour sauver Diori et même restaurer son pouvoir. La rapidité avec laquelle Kountché prit le contrôle de la situation plaça les Français devant le fait accompli. Les sections suivantes analysent successivement les modalités du putsch, les discussions qui ont eu cours à Paris à propos du projet d’intervention militaire, le lancement de l’opération avec la mobilisation de parachutistes, et enfin son annulation prématurée sur les mises en garde de l’ambassadeur français au Niger. L’avant-dernière section expose les changements induits par le coup dans les relations franco-nigériennes, aboutissant au retrait de la présence militaire française. La dernière partie replace cet épisode dans le contexte plus large des relations franco-africaines, et soutient que la politique française en Afrique, à cette époque comme aujourd’hui, est essentiellement définie par le pragmatisme. En fonction des circonstances, ce pragmatisme conduit tantôt à intervenir pour soutenir la montée d’un client local, tantôt à accepter sa chute.

8Cet article procède d’une recherche de long terme sur l’histoire postcoloniale du Niger. Après un premier travail mené sur le moment de la décolonisation et le mouvement Sawaba [17], je m’intéresse désormais à l’épisode qui a suivi, c’est-à-dire l’interlude militaire ouvert par le coup d’État de Kountché en m’interrogeant plus spécifiquement sur le rôle de la France. Comme pour plusieurs pays sous contrôle de l’armée à ce moment­là, cette époque militaire a souvent été considérée comme une période d’affirmation déterminée face à l’ancienne puissance coloniale, au moins dans les sphères politiques et militaires. Cependant, s’il s’avérait que la France avait tenté d’empêcher le putsch, cela apporterait un nouvel éclairage sur cette posture plus tranchée des autorités nigériennes (conduisant au retrait de la présence militaire française par le Niger et à la reconnaissance de la Chine communiste), en particulier au regard de la dépendance économique persistante envers l’ancienne métropole.

Le putsch : anciennes interprétations et nouvelles preuves

9Le coup d’État eut lieu durant le week-end de Pâques de 1974, mais il avait été préparé depuis des mois. Les militaires nigériens se montraient de plus en plus mécontents à l’égard du régime et de la façon dont les hommes politiques les traitaient. Ces derniers n’avaient jamais fait totalement confiance aux Forces armées nigériennes (FAN), surtout depuis la mutinerie de 1963 [18]. Le régime avait tenté de renforcer son contrôle sur l’armée, en utilisant l’assistance militaire française et en choyant la gendarmerie et les milices partisanes. Une âpre compétition s’installa entre les FAN et les paramilitaires. Par ailleurs, les officiers nigériens entretenaient des relations difficiles avec les conseillers militaires français en charge de l’Assistance militaire technique (AMT), dans laquelle ils voyaient une interférence dans les affaires intérieures de l’armée (sans oublier l’irritation provoquée par une attitude jugée condescendante de ces militaires français à leur égard) [19].

10Les accusations de complots renouvelées au sein de l’armée en 1969 n’améliorèrent pas les relations avec le régime [20], mais celles-ci devinrent réellement problématiques au début des années 1970. La corruption, la monopolisation des privilèges, et les tensions générationnelles menèrent à des mouvements de contestation politique sans précédent, à la tête desquels se trouvaient des étudiants et des travailleurs du secteur public. Le régime y répondit par la répression, à laquelle l’armée contribua. La situation économique empira, néanmoins, avec la chute du prix de l’arachide, la brusque montée des prix des carburants et les pires sécheresses que le pays avait connues depuis des décennies, causant des ravages dans les campagnes [21]. Épuisé, le régime demeura passif, pour l’essentiel. Il scandalisa les Nigériens par sa présumée participation dans le détournement de l’aide alimentaire, auquel l’épouse du président Diori aurait été associée. L’armée fut alors contrainte de contribuer à la collecte des taxes, à son corps défendant. Non seulement sa légitimité politique en pâtit, mais elle devint le témoin du désastre se déroulant dans les campagnes, et de l’inanité des réponses gouvernementales face à la famine [22]. Des enjeux sociaux plus larges se combinèrent à des crispations plus corporatistes (dont la signature d’un accord de défense avec la Libye sans que les autorités militaires n’en soient préalablement informées) pour pousser les officiers des FAN à l’action [23].

11Si le coup fut salué par le peuple, il inspira ultérieurement diverses conjectures sur la complicité française dans l’accession de Kountché à la tête de l’État. D’une part, le président Diori était mêlé à de nombreuses querelles avec les Français, notamment un conflit latent relatif au prix payé par la France pour l’uranium nigérien. Ensuite, les Français disposaient de moyens capables d’assurer la protection de Diori mais ils ne les utilisèrent pas : un accord de défense stipulant les modalités d’intervention de l’armée française, une ligne téléphonique spéciale reliant le palais présidentiel à l’ambassade de France et au Camp Leclerc, et un plan, nommé « Opération Cheval Noir », prévoyant l’évacuation de Diori en cas d’urgence [24]. De plus, avec 270 soldats français lourdement armés à Niamey [25] et des officiers coopérants militaires dans l’armée au sein de l’armée nigérienne, certains observateurs ont considéré que les Français n’avaient pas pu ne pas remarquer des signes avant-coureurs, comme les inévitables mouvements de troupes.

12Comme le note Élodie Apard, ce sont également des chercheurs nigériens qui se sont aussi convaincus de la complicité française dans la prise de pouvoir de Kountché [26]. Dès lors, peu de Nigériens furent totalement convaincus par le déni ultérieur de Kountché quant à une quelconque implication française dans la réalisation de son putsch, ou encore par les craintes qu’il a émises (avec son camarade de complot Moumouni Adamou Djermakoye) face à la perspective d’une possible action française à l’encontre des putschistes des FAN [27]. On soutenait plutôt que Diori s’était mis les Français à dos en soutenant le Nigeria dans la guerre du Biafra, et en refusant de suivre de Gaulle lorsqu’il flirtait avec les séparatistes québécois. L’accord de défense signé avec la Libye de Mouammar Kadhafi remettait en outre en question la notion même de « pré carré ». Diori avait également conclu une alliance avec le Gabon afin d’obtenir des concessions dans les négociations sur l’uranium [28]. Le président déchu lui-même accusera ultérieurement les Français d’avoir organisé sa chute [29]. Même des chercheurs français ont considéré qu’un certain degré de connivence de la part des autorités françaises dans la chute de Diori (sous couvert d’une prétendue neutralité bienveillante à l’égard des opérations de Kountché) était somme toute probable [30].

13Les nombreux arguments ci-dessus ont en commun une tendance à lire les développements politiques précédant le putsch à la lumière des événements de 1974. Une façon de tenter de résoudre cette énigme de manière plus définitive consiste à consulter les archives gouvernementales françaises. Une importante source d’information est à ce titre récemment devenue accessible : les archives de Jacques Foccart [31]. Si les Français étaient impliqués de quelque manière que ce soit dans le renversement de Diori, il est légitime de penser que ces archives de Foccart en fourniraient les indices. Une telle implication aurait requis l’organisation d’une opération d’une certaine ampleur, avec la participation de diverses institutions gouvernementales, militaires et autres. De fait, les archives de Foccart incluent effectivement un dossier rassemblant des correspondances entre plusieurs institutions gouvernementales, dont des ambassades, le secrétariat de Foccart, Matignon, l’Élysée et le quai d’Orsay, et divers organes militaires français, concernant le putsch [32]. Ce dossier n’avait encore jamais été consulté. Les séries de rapports, lettres et télégrammes qu’il contient [33] mettent en évidence que non seulement les cercles français (au Niger et dans l’ancienne métropole) n’étaient impliqués d’aucune façon dans l’idée et l’exécution du coup d’État, mais qu’ils furent complètement pris au dépourvu par les actions des FAN ; ces sources rendent compte d’un déclin des capacités de renseignements de la France (du moins temporairement), et, de manière plus permanente, de son influence militaire sur son partenaire sahélien. Puis on y apprend que, durant les deux premiers jours après le putsch, les Français ont même considéré la possibilité de défaire les putschistes et revenir à la situation ex ante et/ou de sauver Diori par le déploiement de forces basées principalement en France. Ceci confirme les rumeurs évoquées précédemment, selon lesquelles les leaders français ont bien envisagé une telle action le jour du coup, avant d’y renoncer [34]. Les archives montrent que, malgré cette décision, les Français ont effectivement enclenché les étapes logistiques nécessaires pour une intervention militaire. Cette opération, qui fut annulée dans la journée du 16 avril ou peu après, fut connue sous le nom de code « Plan Somme ». Cette découverte contredit la thèse relative aux frustrations des Français envers leur client nigérien, et confirme les dires de Foccart quant à sa détermination initiale à agir militairement contre les putschistes [35]. La décision de ne pas intervenir fut donc un temps ignorée, la machine militaire fut enclenchée. Cela doit être croisé avec les accusations lancées par Kountché contre la France après sa prise de pouvoir, selon lesquelles les Français auraient exigé que le bien-être de Diori soit garanti, et qu’il soit libéré, et auraient même tenté de « kidnapper » l’ex-Président pour garantir sa sécurité [36]. Il y avait, dans ces accusations, davantage qu’une paranoïa d’un nouveau régime très sensible aux différentiels de puissance militaire. Elles renvoient à la menace provenant du camp Leclerc et des opérations aériennes qui pouvaient être lancées depuis la France ou depuis les pays voisins. Et pourtant, l’annulation du « Plan Somme » à son deuxième jour d’existence doit être comprise à la lumière du fait accompli créé par les forces nigériennes : le putsch a rapidement permis une prise de contrôle total. Nous étions en outre en pleine période d’interrègne à Paris. Les risques liés à une intervention devenaient trop élevés [37].

Duper le régime, induire les Français en erreur

14Au début de l’année 1974, l’armée nigérienne est sommée d’agir, devant la menace d’une réorganisation de ses forces et d’une conférence imminente du PPN/RDA prétendant renforcer la subordination de l’armée dans les structures de l’État à parti unique. Cette conférence fut annoncée en janvier, prévue pour le mois de mai [38], ce qui imposa une limite dans le temps pour une action de l’armée. Le congrès aurait été reporté, mais ceci ne découragea pas les comploteurs, car l’armée venait de vivre une nouvelle humiliation : la signature de l’accord de défense libyen. Le décès de Pompidou allait par ailleurs empêcher une réaction résolue de la France, affaiblissant d’autant sa capacité de protéger le régime de Diori. Le coup d’État fut donc programmé pour le week-end de Pâques (12-15 avril), cette période de fêtes devant contribuer à retarder la réaction de Paris [39].

15Dans une analyse ultérieure du coup, l’attaché militaire à l’ambassade de France à Niamey suggéra que Kountché avait pris la décision de conduire un putsch probablement en janvier­février, citant une réunion d’officiers tenue en janvier et mentionnée dans les mémoires de Djermakoye, ainsi qu’un rassemblement entre Kountché et ses unités en février ; la date du coup avait ainsi dû être choisie avant le 1er avril [40]. Ces déductions de l’attaché renvoient en fait à ce qui sera ensuite considéré comme de véritables opérations lancées par Kountché pour tromper ses adversaires. Au début du mois d’avril, l’armée demanda la permission pour le déploiement d’un escadron de voitures blindées à Niamey ainsi que de la 5e CSM (Compagnie saharienne motorisée) à Tahoua pour une mission « nomade » prévue le 8 avril dans la région du Filingué-Ouallam (au nord de la capitale), dans le but apparent de poursuivre des voleurs de bétail dans cette zone. Durant plusieurs jours, deux unités de l’armée étaient présentes dans une zone située à deux ou trois heures de route de la capitale, et ce sans lever le moindre soupçon. La deuxième unité de la CSM d’Agadez avait été déployée contre des voleurs de bétail en décembre dernier, et cette unité reçut également des ordres par téléphone de se déplacer vers Arlit et Tchin-Tabarene, c’est-à-dire environ à mi-chemin entre Agadez et Niamey. L’unité prit la route le 11 avril, vers le sud-ouest en évitant la route principale au profit de chemins secondaires, stratégie logique pour la pour-suite de voleurs de bétail. La dernière unité mobilisée en dehors de Niamey fut la 3e CPC (Compagnie portée de combat) à Zinder, incluant environ soixante hommes menés par Djermakoye qui devaient être transportés par avion, quelques heures avant le putsch (dans la nuit du dimanche 14 au lundi 15). Les vols ne furent pas enregistrés et, comme pour les autres actions déjà lancées, les ordres de mobilisation furent donnés de bouche-à-oreille, ou « sous timbre confidentiel » [41].

16Le régime ignorait totalement l’avancement des troupes vers la capitale [42]. Qu’en était-il des conseillers militaires français ? Là encore, les hommes de Kountché ne comptèrent pas leurs efforts pour les induire en erreur. On dit à l’officier AMT attaché à l’escadron d’Agadez, un mécanicien, qu’il n’était pas nécessaire qu’il accompagne la mission contre des « voleurs de bétail ». Le capitaine AMT commandant l’escadron aérien de Zinder était, lui, en mission en France, et l’officier nigérien en charge donna l’ordre pour les décollages sans en informer ses collègues français, utilisant les deux seuls pilotes nigériens attachés à l’escadron. L’unité de Tahoua déployée le 8 avril n’avait pas d’officier AMT en son sein.

17La gendarmerie fut mobilisée pour une marche dans la nuit du 14 au 15 avril, officiellement à titre de punition pour son incapacité à intervenir plus tôt dans un incident (de telles sanctions étaient habituelles en cas de dysfonctionnement). Ainsi, l’officier AMT de la gendarmerie ne soupçonna rien, tout juste s’étonna-t-il qu’aucune unité ne reste disponible pour le maintien de l’ordre. Ce fut seulement quand les gendarmes furent réunis et réarmés qu’ils prirent connaissance de l’objectif réel de leurs man œuvres. La nuit du coup, une partie du régiment de parachutistes de l’armée était invitée à un « méchoui bien arrosé », par le lieutenant Cyrille Gabriel, un des conspirateurs. Dans leur humeur festive, les parachutistes ne firent part d’aucune objection au plan. Le personnel de l’unité responsable de la protection des bâtiments gouvernementaux, la CCAS (Compagnie de commandement d’appui et de service), fut informé alors que le palais présidentiel était déjà attaqué, et reçut ensuite l’ordre de garder des points-clefs de la ville. Ironie du sort, plusieurs sous­officiers de l’AMT résidant dans le camp de la CCAS n’entendirent pas les bruits émanant des mouvements de troupes, des bruits étouffés par le brouhaha des climatiseurs. Il en fut de même pour la plupart des Européens vivant à Niamey, dont le personnel de l’ambassade de France. Il fut plus tard suggéré que le commandant du camp Leclerc, qui passait son week-end de Pâques dans une réserve de chasse, n’avait laissé aucune instruction [43], mais cette accusation fut rejetée par l’ambassadeur. Le problème était que, ainsi que le déclara l’attaché, « personne n’a éventé le moindre préparatif », et par conséquent, « les cadres de l’AMT n’ont rien remarqué ». Mais aussi, aucun d’entre eux ne disposait de moyen direct de communication avec les unités mobilisées pour le putsch. Suivant la communication entre l’ambassadeur et Paris le 20 avril, « le secret le plus complet ayant été respecté chez les militaires nigériens, ils [les officiers de l’AMT] n’ont rien su de ce qui se préparait. La surprise a été totale[44] ».

18Évidemment, une fois que les tirs eurent commencé, les Français réalisèrent qu’il se passait quelque chose. Mais même à ce stade, la réaction militaire française fut longue à venir, entre autres car le chef du bataillon français pensa que les tirs provenaient d’exercices de nuit ; ces derniers avaient été fréquents depuis peu, participant sans doute au leurre organisé par Kountché. De plus, le palais, relié au camp Leclerc par le « réseau de sécurité spécial », n’avait pas contacté les militaires français. Ce fut seulement quand les tirs gagnèrent en intensité que le commandant en charge donna l’ordre de se mobiliser. Mais les procédures de mobilisations, mises en place sous le nom de code « Plan Girafe Blanche » (les stades préliminaires de l’« Opération Cheval Noir »), ne pouvaient être achevées en moins de trois heures. Cependant, l’assaut du palais avait commencé à précisément 2h00 du matin le 15 avril, et déjà à 2h05, Diori avait été mis en détention et transporté dans l’urgence. Les fusillades les plus nourries eurent lieu à la fin des opérations, les gardes présidentiels loyaux affrontant les militaires putschistes. Après une demi-heure, la résistance des gardes s’effondra [45].

19L’ambassade de France et le camp Leclerc furent paralysés par de nombreuses mesures prises par les forces nigériennes, ainsi que par leur propre désorganisation. Les gendarmes coupèrent les lignes téléphoniques à 2h00-2h10. Aux premiers tirs, Diori se réfugia dans son bureau (où il fut arrêté), alors que son transmetteur était situé dans sa chambre. Quand l’attaque du palais commença, les détachements des FAN armés de mitraillettes prirent leurs positions près des portes du camp Leclerc. Avec au moins huit barrages routiers érigés entre le camp Leclerc et l’ambassade, il n’y avait aucun moyen pour le commandant du camp de quitter la base ou de se confronter aux FAN car il avait pour cela besoin d’une autorisation préalable de l’ambassade. Pire encore, l’ambassade et le camp n’étaient pas sur la même fréquence radio car les militaires français avaient pris la précaution d’appeler l’ambassade par une fréquence non disponible au palais (déjà dans les mains de Kountché), alors que l’ambassade tentait encore de communiquer sur la fréquence initiale. Le lien radio avec l’ancienne métropole ne pouvait pas être utilisé car le responsable des communications codées passait le week-end à la campagne, et ses remplaçants ne pouvaient être contactés. Plus tard dans la nuit, le chef de bataillon les fit venir au camp, mais leurs tentatives pour contacter le quartier général militaire français dans la région, à Abidjan, n’aboutirent pas à cause d’un « manque de pratique ». Comme il n’y avait toujours pas eu de contact avec Paris, l’attaché donna l’ordre d’envoyer un message flash par radio militaire vers l’état­major français, mais il arriva par erreur sur un mauvais bureau et non sur celui du chef d’état-major, une erreur rectifiée seulement plus tard dans l’après­midi. À sept heures du matin, les lignes téléphoniques de Niamey redevenaient opérationnelles. L’envoi d’un premier télégramme au quai d’Orsay à 9h05 n’eut aucun impact car, comme indiqué par l’attaché plus tard, dès 6h00 « l’affaire [était] terminée » : Seyni Kountché avait pris le pouvoir. Aux environs de 8h00, l’ambassadeur eut finalement Jacques Foccart au téléphone, mais ils furent coupés « au milieu de la conversation » [46]. Les Français avaient perdu le contrôle de la situation.

Les contre-mesures françaises

20Foccart avait été dépassé par la rapidité d’exécution des putschistes. Mais certaines options lui restaient ouvertes. L’ambassadeur du Niger à Paris demanda une intervention militaire à Foccart le matin du lundi 15 avril. Dans l’après-midi, Foccart, rentré précipitamment à Paris, le Président par intérim Alain Poher, le Premier ministre Pierre Messmer, le ministre des Affaires étrangères Michel Jobert, et le ministre de la Défense Robert Galley, appuyé par le général Maurin, chef d’état-major des armées, se réunirent au Sénat [47]. Galley et Jobert se seraient opposés à une intervention, comme le fit Messmer, qui aurait ainsi rappelé à Poher son statut d’intérimaire. Poher (qui n’avait jamais apprécié Foccart) se serait ainsi prononcé contre cette idée d’intervention défendue par ce dernier [48]. À l’issue de la réunion, on s’accorda sur l’envoi d’un certain colonel Prax à Niamey dans le but de faire libérer Diori [49].

21Mais Foccart était loin d’être satisfait. Il considérait le coup contre Diori (qui avait été un favori de de Gaulle) comme « absolument inadmissible » et il déclara plus tard qu’il était « convaincu qu’une opération était possible et qu’elle avait toutes les chances de réussir [50] ». De fait, en toute discrétion, Paris a lança une opération logistique allant bien plus loin que ce qui était requis pour l’envoi d’un médiateur. On ignore si cette action résultait d’une man œuvre unilatérale de Foccart, mais son dossier sur le coup contient de nombreux échanges de télégrammes avec et entre diverses institutions militaires ayant participé à une opération logistique portant le nom de code « Plan Somme » [51]. Le premier télégramme, provenant du secrétariat de Foccart à l’Élysée, et adressé à une série d’organes de défense, ordonnait le déploiement d’« éléments de 2e REP » (Deuxième régiment étranger de parachutistes basé en Corse). Cette communication est datée du 15 avril, le jour du coup et de la réunion au Sénat où une décision contre l’intervention aurait été prise. Or il n’y a pas de doute qu’elle concernait un ordre de mobilisation car le message était suivi, ou bien précédé (le télégramme ne mentionnant pas l’heure), d’une autre communication envoyée avant la fin de l’après­midi, plus ou moins au moment même de la réunion au Sénat : « Alpha Mise en alerte Hirondelle Parapluie Somme ce jour 15.20 – Bravo a Fox – RAS ».

22Le lendemain matin, un autre message, provenant du bureau de Foccart et destiné au chef des forces aériennes et aux hautes institutions politiques, était intitulé « objet : application du Plan Somme », qui ordonnait l’envoi d’un avion de transport à Istres, là où les parachutistes de Corse devaient se rendre. Un autre télégramme stipulait :

23

« DC 8 débarquera Compagnie REP à Istres et embarquera Colonel Prax dès arrivée cet officier […] destination N’Djamena ordre poursuivre mission sur Niamey ou de retour en France sera donnée sur place. Guépard nr. 2 et éléments de commandement seront regroupés à Istres par moyens une ou deux rotations des deux C 16 actuellement à Bastia. Ce 16 numéro 3 rejoindra Toulouse pour embarquer BOMAP [un régiment de parachutistes, [NDA] et la regrouper à Istres avec éléments para définis ci-dessus. Les trois C 16 et les éléments terre regroupés à Istres seront mis en alerte à 3 heures. Mission Libreville prévue pour mardi 16 avril reportée à date ultérieure ».

24En d’autres termes, une force considérable de régiments parachutistes de Toulouse et de Corse était en cours de mobilisation. L’hypothèse selon laquelle ces troupes devaient être transportées par avion vers une destination inconnue semble étayée par le fait qu’une mission prévue dans la capitale du Gabon fut même annulée, et plusieurs centres militaires en France reçurent une copie du message ci-dessus [52] : la 11e division de Pau, la deuxième brigade para de Tarbes, le centre opérationnel air Paris, la région militaire Marseille, le centre opérationnel de transport aérien militaire Villa [53], la 9e brigade de Saint-Malo, ainsi que les troupes françaises Niger et au Tchad. Selon toute vraisemblance, l’idée était de transporter les forces militaires vers N’Djamena, avec ou sans le colonel Prax. Les appareils de transports tels que les C 16 mentionnés ci­dessus pouvaient être utilisés à cette fin, mais le DC 8 supposé transporter Prax avait aussi la capacité d’amener les paras en Afrique de l’Ouest.

25Ce fut l’ambassadeur de France au Niger qui révéla l’enjeu du plan, et ce en conseillant son abandon, paradoxalement. Toujours le même jour où les ordres d’assemblée et d’envol des troupes traversaient la chaîne de commande hexagonale, il informa Paris que :

26

« Dans ces conditions, une intervention militaire à Niamey est […] totalement exclue. Les forces [n]igériennes dans la capitale […] qui, toutes, soutiennent le nouveau régime sont bien supérieures en nombre et en armements au détachement français. […] Le terrain d’aviation fermé à tout trafic, est occupé. […] J’ignore où est détenu le président Diori. Une intervention militaire serait donc non seulement […] inopportune mais encore irréalisable sauf au prix d’un renforcement par des moyens extérieurs considérables » [54].

27Ainsi, non seulement l’ambassadeur compara la puissance des forces armées françaises et nigériennes, mais il fit également allusion à une force externe provenant des airs vers Niamey, dont l’objectif était de sauver Diori, si ce n’est de renverser les putschistes. Le secrétariat de Foccart fit ensuite partir un télégramme intitulé « objet : situation Niamey » destiné à plusieurs centres militaires de l’ancienne métropole ainsi qu’au camp Leclerc et ordonnant un délai de 24 heures avant l’envoi de l’avion vers N’Djamena. Ceci montre que la force mobilisée était destinée au Niger. Or, le 16 avril, un autre télégramme annonçait un changement dans les plans français. Le DC 8 partant d’Istres devait conduire le colonel Prax directement à Niamey en vue de négociations avec l’armée nigérienne. Mais Kountché et ses hommes redoutaient une attaque aérienne potentielle. Le même jour, trois avions militaires français transportant de l’aide alimentaire pour lutter contre la famine furent interdits d’atterrissage. Malgré cela, l’ambassadeur de France rencontra Kountché et son numéro deux, Sani Souna Sido. Ils n’apprécièrent pas les « pressions » subies à propos du bien-être de Diori. Ils n’autorisèrent pas l’atterrissage du DC 8 de Prax, en indiquant à l’ambassadeur qu’ils suspectaient que l’appareil contienne des troupes, et proposèrent qu’il soit redirigé vers la capitale de la Haute-Volta, Ouagadougou [55]. Finalement, Prax fut ramené à Niamey par un avion nigérien, toujours le 16 avril, avec en main une lettre demandant la libération de Diori. Il reçut un accueil glacial.

28Dans le contexte de l’opération Somme, dont la mise en œuvre logistique était bien avancée, les soupçons de Kountché ne pouvaient être imputés à de la simple paranoïa. Un DC 8 avait effectivement la capacité de transporter un nombre conséquent d’hommes. Jacques Baulin, un des conseillers présidentiels de Diori, affirmera plus tard que l’avion était arrivé dans la région après une escale à Dakar, où se trouvait une large base militaire française [56]. Sous couvert de son caractère civil, cet avion aurait pu créer la surprise pour le nouveau régime nigérien : selon Kountché, Prax était arrivé à Ouagadougou « accompagné de toute une escouade de militaires » et durant son séjour il s’efforça de découvrir le lieu de détention de Diori [57]. Le camp Leclerc demeura, lui, sous haute surveillance. Selon le télégramme de l’attaché militaire français envoyé une semaine plus tard : « la hantise de l’intervention du Détachement du 4e RIAOM voire d’un élément venant de France a été constante. Huit jours plus tard, et notamment pendant la présence du Colonel Prax à Niamey, elle était encore sensible [58] ».

29De toute évidence, Kountché était informé de l’imminence d’une opération aérienne [59]. Foccart avait-il essayé d’agir seul, utilisant un avion civil pour tromper les autorités nigériennes et se servant de Prax pour faire diversion ? Son dossier sur le putsch ne donne aucune indication à ce sujet. Dans son interview de 1976, Kountché rapportait un incident impliquant de probables mercenaires, seulement un mois après que Diori fut transféré à Zinder. Un mystérieux avion transportant des troupes françaises et africaines aurait essayé d’atterrir à l’aéroport de la ville, mais fut forcé (apparemment par les autorités aéroportuaires) de se diriger vers Kano, ville proche du nord du Nigeria. Kountché ajouta que l’avion arrivait apparemment de N’Djamena [60], la ville-clef dans la mise en place du Plan Somme. C’était également la ville qui accueillait la base française la plus proche du lieu d’assignation à résidence de Diori.

Changer les liens franco-nigériens

30La crainte d’une attaque aérienne, loin d’être inconcevable, concerna également les Libyens. Le 15 avril, le bras droit de Kadhafi, le Major Jalloud, tenta d’aller à Niamey pour entreprendre des négociations avec le nouveau régime. L’objectif de ce voyage demeure incertain mais doit être replacé dans le contexte du pacte de défense encore récent entre les deux pays. Alors que des sources indiquaient que l’ambassadeur du Niger à Paris s’était tourné vers la Libye afin de tenter de sauver Diori (et son régime), après avoir pressenti que le gouvernement français n’interviendrait pas [61], Jalloud s’envola pour Sebha, dans le sud-ouest de la Libye. Des avions de transport militaires C 130 se tenaient prêts à embarquer deux compagnies de parachutistes, qui, selon des sources non confirmées, devaient s’envoler pour Niamey le 16 avril. Comme pour le colonel Prax, Jalloud ne reçut pas l’autorisation d’atterrir, et fut contraint de rentrer à Tripoli [62]. Le 18 avril il fit une nouvelle tentative et put rencontrer Kountché, qui, selon l’ambassadeur de France : « au cours d’une conversation orageuse […] lui aurait demandé des explications au sujet de la mise en alerte, le 15 avril, d’un détachement de parachutistes libyens [63] ».

31La perception d’une menace extérieure avait considérablement renforcé la vigilance et la fermeté du nouveau régime. Ajoutée au fait accompli créé par le coup d’État éclair de Kountché, elle poussa les Français à annuler définitivement l’Opération Somme. La date de cette décision demeure incertaine car les dossiers de Foccart sont silencieux à ce sujet, mais elle fut probablement prise peu après l’arrivée à Paris du message d’alerte de l’ambassadeur, le 16 avril, voire un peu plus tard, quand la sortie de Zinder (si c’était une opération française) fut arrêtée.

32L’annulation de l’Opération Somme avait aussi beaucoup à voir avec la manière dont les Français évaluaient leurs liens avec l’ancien régime du Niger et son successeur. Les désaccords entre les deux pays étaient, pour les Français, gérables : la différence d’attitude sur un problème mineur comme le Québec aurait difficilement continué à influencer leurs relations, la question du Biafra ne se posait plus, et même les désaccords à propos du concentré d’uranium nigérien ne pouvaient rompre les liens. Foccart n’avait visité le Niger pour la dernière fois qu’en février 1974, pendant une tournée dans la région sahélienne dédiée à la famine. En préparation de son voyage, son secrétariat avait conçu un rapport notant les « bonnes » relations du Niger avec le Commissariat français à l’énergie atomique (CEA), à l’encontre duquel certains Nigériens avaient été particulièrement critiques durant les phases les plus difficiles des négociations sur le prix de l’uranium [64]. On attendait alors du CEA qu’il redouble désormais d’efforts pour satisfaire les désirs du Niger sur cette question, dans un contexte de crise pétrolière favorisant la quête de sources d’énergie alternatives. Finalement, le rapport concluait, comme le jugeait Diori, que les relations étaient bonnes, et que la France demeurait « l’amie » du Niger [65]. Bien sûr, les négociations tripartites à Niamey à la fin du mois de mars entre le Gabon, le Niger et la France provoquèrent quelques irritations, mais les Français étaient suffisamment pragmatiques pour jouer la carte du temps [66]. À leurs yeux, l’uranium constituait le seul atout de Diori. Celui-ci allait, en conséquence, devoir se satisfaire d’un compromis. Voilà ce qu’anticipait le secrétariat de Foccart. Sans aucun doute, les Français avaient fait des concessions dans ces discussions, même s’ils n’allèrent pas jusqu’à accepter les demandes de Diori (initialement) qualifiées d’irréalistes [67]. Le Président par intérim, Poher, avait indiqué à Diori que l’ancienne métropole viendrait avec des propositions plus favorables [68], en mettant sur pied une équipe de négociation qui était attendue à Niamey les 18-19 avril [69]. La programmation de cette visite rendait donc absurdes les allégations ultérieures sur l’implication de la France dans le coup contre Diori [70].

33Les archives de Foccart montrent que le jugement français sur Diori était plus nuancé et pragmatique. Comme l’ambassadeur à Niamey le nota calmement dans une lettre pour son ministre des Affaires étrangères, Jobert, une semaine après le coup :

34

« Nous devons certes regretter le Président Diori, en dépit des difficultés qu’il nous a parfois causées. C’était un ami fidèle, profondément attaché à notre langue et à notre culture. Ne disait-il pas publiquement, il y a quelques mois, que la France était “notre ami privilégié” et que le Niger était le héraut de la francophonie ? Mais une page est tournée dans l’histoire des relations franco-nigériennes… » [71].

35Diori aurait dû s’inquiétait davantage des risques d’un putsch venu de l’intérieur. Même s’il l’avait fait, il n’aurait probablement pas demandé à temps l’aide des Français, vu ses tentatives pour paraître plus indépendant d’eux (ironiquement, s’il l’avait fait, ils seraient venus à son secours). Il fut renversé non pas à cause de Paris [72], mais parce qu’il n’avait pas suffisamment pris conscience que, en dernière analyse, il dépendait de ceux qui l’avaient mis au pouvoir en premier lieu, c’est-à-dire l’establishment gaulliste [73].

36Le pragmatisme de la France s’étendait également aux nouveaux leaders nigériens. Maintenir l’hostilité initiale envers Kountché devint inutile, car ce dernier, dans sa sagacité, signifia rapidement qu’il ne souhaitait pas une politique étrangère révolutionnaire mais désirait de bonnes relations avec la France, dont il voulait ménager les intérêts économiques. En louant l’attitude nigérienne « favorable à la France », l’ambassadeur à Niamey conclut, dans la même lettre à Jobert :

37

« Quelles que soient […] les réticences que nous puissions éprouver à l’égard du régime militaire, en raison des moyens employés pour prendre le pouvoir, je pense qu’il est de notre intérêt, pour l’avenir des relations franco-nigériennes, de ne pas décourager sa bonne volonté et la modération dont jusqu’ici il fait preuve ».

38Cette appréciation de la situation faisait même oublier le fait que, durant les premiers mois du règne de Kountché, les relations étaient loin d’être normales, car marquées par une profonde hostilité et méfiance envers la présence militaire française restée dans le pays. Ceci peut être partiellement interprété comme la conséquence de l’opération Somme, qui, même si elle avait été avortée, avait montré que les Français, du moins potentiellement, représentaient toujours une menace militaire. Quelques jours avant qu’il ne prenne le pouvoir, il devint clair que Kountché souhaitait que certains des Corses qui avaient travaillé pour Diori au palais et formaient le noyau dur de sa sécurité quittent le pays. Quatre jours après le début de son règne, l’ambassadeur avait déjà suggéré que le détachement RIAOM, bien armé, du camp Leclerc recevrait probablement l’ordre de partir aussi. Sa présence rendait les Nigériens nerveux. Le 27 avril l’ambassadeur fut informé que ceux-ci avaient noté des mouvements de troupes à l’intérieur du camp, ainsi que le maintien de l’état d’alerte (nié par l’ambassadeur). Kountché, Moumouni Djermakoye et Sani Souna Sido se plaignirent que le commandant du camp ait rendu visite à deux officiers des FAN et leur ait posé des « questions indiscrètes ». Deux jours plus tard, Kountché indiqua clairement qu’il souhaitait le retrait du commandant. Les Français pensaient que ceci était lié à une conversation téléphonique entre le commandant et Paris, le 26 avril, où l’absence de ce dernier de Niamey la nuit du putsch fut discutée, ainsi que, potentiellement, les modalités de l’Opération Cheval Noir ? une discussion qui avait probablement été placée sous écoute par les Nigériens. Cette même nuit, les FAN furent mises en état d’alerte maximale. À la suite d’une conversation tendue avec les leaders militaires, l’ambassadeur se plia à leur demande : le commandant serait rappelé. Trois jours plus tard, Kountché fit venir le diplomate car les autorités avaient aperçu deux camions militaires français circulant à travers la capitale (selon l’ambassadeur, ils contenaient en fait du lait en poudre destiné aux efforts de lutte contre la famine), alors qu’au camp Leclerc, ils avaient remarqué des soldats en treillis de combat (même s’ils n’étaient pas armés).

39L’inévitable arriva bientôt. Le 16 mai, l’ambassade de France rapporta que le régime de Kountché avait requis le retrait du RIAOM, ajoutant que le Niger était contre « tout pacte ou accord à caractère spécifiquement militaire ». Une note diplomatique des Nigériens l’explique plus en détail :

40

La propriété et l’exercice du pouvoir sont les attributs inaliénables du peuple, et un gouvernement qui se réclame de la volonté populaire ne saurait se flatter d’avoir à recourir à des appuis extérieurs pour assurer la sécurité des populations. Ceci équivaudrait à une démission de sa part, et laisserait alors ouverte la possibilité d’ingérences sans oublier les risques d’incidents occasionnés par la présence des deux forces[74].

41Les deux parties savaient à qui il était fait référence. Les Français acceptèrent gracieusement la requête de retrait, dès lors qu’ils avaient reçu l’assurance qu’il se déroulerait dans l’ordre, que le Niger souhaitait une assistance technique et que les installations militaires françaises resteraient intactes. Paris, en retour, prévoyait d’être généreuse quant aux donations d’armement et de munitions. Quand les Français expliquèrent qu’un retrait des troupes prendrait trois mois, Kountché proposa la fin du mois de juillet comme date limite. Les relations franco-nigériennes avaient en effet tourné une page, les deux pays défendant posément leurs intérêts de realpolitik dans des circonstances nouvelles [75].

42Quelles sont, in fine, les marges de man œuvre pour un leader africain dans le contexte des relations franco-africaines ? Ces marges se sont-elles élargies au cours de l’ère postcoloniale ? Il est certes difficile d’imaginer que la France puisse avoir de nouveau une présence militaire conséquente au Niger. Et pourtant, cela n’a rien d’inconcevable, comme le démontrent les développements plus récents en Côte d’Ivoire (2002), au Mali (2013) et en République centrafricaine (2014). Victor Le Vine a montré que les politiques de la France en Afrique avaient été essentiellement marquées par le pragmatisme, avec des axes thématiques qui, en fonction des circonstances, pouvaient mener à une intervention ou une non-intervention. Mis à part des intérêts stratégiques relativement immuables, ces axes incluent le réflexe vers une vieille ligne politique établie par Foccart, des obligations personnelles envers les leaders en place ainsi que des réseaux clientélistes porteurs d’obligations réciproques qui donnent leur substance aux liens franco-africains [76]. Dans ce contexte, la non-intervention comme issue n’est jamais impossible, comme le montrent non seulement le putsch de Kountché mais aussi la chute de Pascal Lissouba en République du Congo (1997), le coup d’État par Robert Gueï en Côte d’Ivoire en 1999 [77], et les différents renversements de pouvoir en République centrafricaine (2003, 2013).

43Si la décision définitive de la France de ne pas intervenir lors du coup de Kountché au Niger fut dictée par les circonstances, le déclin relatif de son influence n’en fut pas moins réel [78], en particulier dans le domaine militaire. Ce putsch doit être considéré à la lumière de transformations plus larges en Afrique dans les années 1970, avec le renversement par les militaires des régimes à parti unique et le déclin de l’influence militaire de l’ancienne métropole. Le cas nigérien peut être comparé au coup d’État à Madagascar en 1972, qui signifia pour la France la perte d’une base aérienne principale [79]. Cependant, au niveau économique, la dépendance du Niger envers la France demeura relativement la même, suggérant ainsi qu’il existe bien d’autres façons d’exercer une influence.


Date de mise en ligne : 02/07/2014

https://doi.org/10.3917/polaf.134.0133

Notes

  • [1]
    P. J. McGowan, « African Military Coups d’État, 1956-2001. Frequency, Trends and Distribution », Journal of Modern African Studies, vol. 41, n° 3, 2003, p. 339-370.
  • [2]
    Le coup d’État en Sierra Leone du 29 avril 1992 et, plus récemment, celui au Mali du 22 mars 2012 constituent d’autres exemples de mutineries ayant évolué en putschs. Voir M. Dwyer, « Anatomie d’une unité mutine : Le coup d’État de 1992 en Sierra Leone », Politique africaine, n° 128, 2012, p. 77-99 ; B. Whitehouse, « The Force of Action : Legitimizing the Coup in Bamako, Mali », Africa Spectrum, vol. 47, n° 2-3, 2012, p. 93-110.
  • [3]
    Une des premières études phares sur le sujet est celle de S. Decalo, Coups and Army Rule in Africa. Studies in Military Style, New Haven / Londres, Yale University Press, 1976.
  • [4]
    J. D. Kandeh, Coups from Below. Armed Subalterns and State Power in West Africa, New York, Palgrave Macmillan, 2004.
  • [5]
    E. Schmidt, Foreign Intervention in Africa. From the Cold War to the War on Terror, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « New Approaches to African History », 2013, p. 2.
  • [6]
    F.-X. Verschave, La Françafrique. Le plus long scandale de la République, Paris, Stock, coll. « Documents », 1998.
  • [7]
    Voir le chapitre 8 de J. F. Clark, The Failure of Democracy in the Republic of Congo, Boulder / Londres, Lynne Rienner Publishers, 2008.
  • [8]
    R. Banégas, R. Marchal et J. Meimon, « La fin du pacte colonial ? La politique africaine de la France sous J. Chirac et après », Politique africaine, n° 105, 2007, p. 7-26.
  • [9]
    E. Schmidt, Foreign Intervention in Africa…, op. cit., p. 2-3 et 11.
  • [10]
    J. F. Clark, The Failure of Democracy…, op. cit., p. 210.
  • [11]
    Parti progressiste nigérien / Rassemblement démocratique africain. Voir C. Fluchard, Le PPN/RDA et la décolonisation du Niger 1946-1960, Paris, L’Harmattan, coll. « Racines du présent », 1995.
  • [12]
    K. van Walraven, « Decolonization by Referendum. The Anomaly of Niger and the Fall of Sawaba, 1958-1959 », Journal of African History, vol. 50, n° 2, 2009, p. 269-292 ; K. van Walraven, The Yearning for Relief. A History of the Sawaba Movement in Niger, Leiden / Boston, Brill, 2013 ; M. Djibo, Les Transformations politiques au Niger à la veille de l’indépendance, Paris, L’Harmattan, coll. « Sociétés africaines et Diaspora », 2001.
  • [13]
    É. Apard-Malah, Queues de pie et grand boubous : une histoire franco-africaine. Les relations politiques franco-nigériennes de l’après-guerre aux années 2000, Thèse de doctorat, Histoire de l’Afrique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013, p. 289.
  • [14]
    J.-F. Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 1989, p. 20-29.
  • [15]
    J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique de 1959 à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio-histoire Inédit », 2012, p. 751, n° 14.
  • [16]
    É. Apard-Malah, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 281.
  • [17]
    Voir notamment l’ouvrage que j’ai consacré à la décolonisation du pays à travers la montée et la chute du mouvement Sawaba : K. van Walraven, The Yearning for Relief…, op. cit. Une traduction française, intitulée provisoirement Le Désir de calme. L’histoire du mouvement Sawaba au Niger, sera prochainement publiée chez Karthala.
  • [18]
    Ibid., p. 566-569.
  • [19]
    C. Legum (dir.), Africa Contemporary Record 1974-1975, Teaneck (NJ), Holmes & Meier Publishers, p. 724.
  • [20]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché (1974-1987) », in K. Idrissa (dir.), Armée et politique au Niger, Dakar, Codesria, 2008, p. 133.
  • [21]
    Voir V. Bonnecase, « Faim et mobilisations sociales au Niger dans les années 1970 et 1980 : une éthique de la subsistance ? », Genèses, n° 81, 2010, p. 5-24.
  • [22]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 131-133 ; voir les mémoires de M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon de Seyni Kountché [extrait], n.d., http://www.editions-nathan-adamou.com/UserFiles/File/15_Avril_Extrait_Gratuit.pdf, consulté le 1er novembre 2010.
  • [23]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité ; R. Higgott et F. Fuglestad, « The 1974 Coup d’État in Niger : Towards an Explanation », Journal of Modern African Studies, vol. 13, n° 3, 1975, p 383-398.
  • [24]
    K. van Walraven, The Yearning for Relief…, op. cit., p. 574-575.
  • [25]
    Ces soldats français appartenaient au 4e régiment interarmes d’Outre-Mer (RIAOM), comptant mille hommes. A. Idrissa et S. Decalo, Historical Dictionary of Niger, Lanham (MD), Scarecrow Press, 2012 [4e éd.], p. 218.
  • [26]
    É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 287 ; A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani. Premier président de la république du Niger, Paris, Karthala, 2010, p. 248-249 ; M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 135-136 ; E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires (1974-1977) », Revue française d’études politiques africaines, vol 13, n° 149, 1978, p. 38.
  • [27]
    Voir l’entretien avec Kountché dans : « Tout sur la chute de Diori », Jeune Afrique, 2 juillet 1976 ; M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon…, op. cit.
  • [28]
    A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani…, op. cit., p. 244-250 ; M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 134-136.
  • [29]
    Voir l’entretien de Diori dans Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité ; H. Diori, « Sans haine et sans regret », Jeune Afrique, 5 septembre 1984, où Diori pointa l’implication de Foccart.
  • [30]
    C. Raynaut, « Trente ans d’indépendance : repères et tendances », Politique africaine, n° 38, 1990, p. 13 ; É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 288.
  • [31]
    J.-P. Bat, « Les “archives Foccart” aux Archives nationales », Afrique et Histoire, vol. 5, n° 1, 2006, p. 189-201.
  • [32]
    Des documents auraient-ils pu être retirés du dossier ? Ceci semble improbable car les indices du plan de déploiement des parachutistes demeurent ! Le dossier est archivé sous le numéro de dossier 5AG/FPU 1525. Dérogation datée du 24 juillet 2012. L’analyse de ce dossier faisait partie d’une étude plus large des documents du secrétariat de Foccart, maintenant archivés à Pierrefitte-sur-Seine. Ceux-ci incluent les notes d’ambassade, des documents sur la sécheresse sahélienne, le voyage de Foccart au Niger tôt en 1974 et des correspondances avec Diori et Pompidou. Numéros de dossier : 5AG/FSD 147 (ex-FPU 783) ; 5AG/FPU 1164 ; 5AG/FPU 1527 et 5AG3/1181. Une demande pour un dossier sur l’uranium (5AG/FPU 1524) a été rejetée, de même que les demandes de dossiers relevant de l’ère Giscard d’Estaing.
  • [33]
    Sauf indication contraire, toutes les citations qui suivent proviennent des différents documents contenus dans le dossier archivé sous le numéro 5AG/FPU 1525. Par souci de clarté et de concision, nous ne préciserons pas, pour chaque citation tirée de ce dossier, le document précis qui en est à l’origine. Deux documents de ce dossier méritent une mention spécifique concernant l’analyse rétrospective du putsch par l’attaché militaire français à Niamey : Bulletin de renseignements, Ambassade de France au Niger, Bureau du conseiller militaire n° 171/NIG/CM/CD/SS, Niamey, le 21 mai 1974 (Lieutenant-colonel Mange, conseiller militaire Ambassade de France), Confidentiel défense, Source secrète ; et un de ses rapports antérieurs : Bulletin de renseignements, le 23 avril 1974.
  • [34]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute surprise et ses mystères », in S. Andriamirado et al., Dossiers secrets de l’Afrique contemporaine, Paris, Jeune Afrique Livres, 1989, p. 181.
  • [35]
    J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard. Tome 2, Paris, Fayard, coll. « Jeune Afrique », 1997, p. 224-225 ; J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit., p. 238 et 773.
  • [36]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité.
  • [37]
    J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., p. 225 ; J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit., p. 355 et 773.
  • [38]
    R. Higgott et F. Fuglestad, « The 1974 Coup d’État in Niger… », art. cité, p. 392-393 ; F. Martin, Le Niger du président Diori. Chronologie 1960-1974, Paris, L’Harmattan, 1991, p. 363.
  • [39]
    M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon…, op. cit. Autre exemple, apporté par Bat, le changement populaire de régime en République du Congo en 1963 eut lieu durant la saison principale de vacances en France, ce qui empêcha une réponse efficace. J.­P. Bat, « Le rôle de la France après les indépendances… », art. cité, p. 47.
  • [40]
    Élodie Apard suggère, en s’appuyant sur les mémoires de Djermakoye, que la décision de principe du coup fut prise en décembre. Voir É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 273.
  • [41]
    Moumouni Adamou Djermakoye déclare que les unités de Zinder (une partie au moins) voyagèrent par la route, abandonnant la route nationale n° 1 à Dosso et empruntant une route plus au nord avant de descendre sur l’aéroport de Niamey. Voir M. A. Djermakoye, 15 avril 1974. Mémoires d’un compagnon…, op. cit.
  • [42]
    Selon l’attaché, seulement deux ou trois officiers des FAN connaissaient les plans de Kountché, finalement six ou sept, mais ceci pourrait être une sous-estimation pour se disculper de toute accusation sur son ignorance.
  • [43]
    Il semble que Gilbert Comte ait été à la source de cette rumeur. Comte, alors qu’il était journaliste au Monde, était un ami proche de Diori, et difficilement impartial. Voir ses articles dans Le Monde, 25 au 26 avril 1974.
  • [44]
    Souligné par l’auteur. Ceci confirme les propos d’Élodie Apard, qui interviewa un soldat français ayant travaillé pendant cette période pour les codeurs militaires. Voir É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 286.
  • [45]
    L’assassinat de la femme de Diori durant l’attaque inspira bien des spéculations ultérieurement. Le dossier de Foccart ne permet pas de faire la lumière sur ces rumeurs, mais il se contente d’en faire la liste.
  • [46]
    L’ambassadeur confirma plus tard que les Nigériens avaient placé sous écoute les appels entre l’ambassade et Paris.
  • [47]
    Voir Jacques Baulin, ancien conseiller diplomatique du Président Diori : Conseiller du président Diori, Paris, Eurafor Press, 1986, p. 122 ; J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., p. 224 ; S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 181. Galley et Maurin étaient partis pêcher, ce qui rendit difficile leur contact avec Foccart. Voir É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 276.
  • [48]
    Cette issue n’était pas sans précédent. En 1967, Foccart n’avait également pas réussi à convaincre les responsables politiques français de sauver le leader dahoméen Christophe Soglo. Voir J.­P. Bat, « Le rôle de la France après les indépendances. Jacques Foccart et la pax gallica », Afrique contemporaine, n° 235, 2010, p. 50 ; É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 274.
  • [49]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 181-183 ; J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., p. 225 ; J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit., p. 238 ; J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 122.
  • [50]
    J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard. Tome 1, Paris, Fayard, coll. « Jeune Afrique », 1995, p. 338 et Tome 2, op. cit., p. 224-225. Dans un journal publié plus tard, il prend ses distances avec cette idée, suggérant qu’il était réticent depuis le début. J. Foccart, Journal de l’Élysée, Tome 5. La fin du Gaullisme, 1973-1974, Paris, Fayard, 2001.
  • [51]
    Les institutions mentionnées supposèrent que le ministre de la Défense, à tout le moins, était informé. Est-il possible que Messmer et Poher aient fermé les yeux ?
  • [52]
    À part, bien sûr, Matignon et l’Élysée.
  • [53]
    Probablement une référence à l’aéroport militaire de Villacoublay.
  • [54]
    Souligné par l’auteur.
  • [55]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité.
  • [56]
    J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 142.
  • [57]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité ; E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani… », art. cité, p. 24.
  • [58]
    Souligné par l’auteur.
  • [59]
    Puisque de nombreux officiers des FAN étaient envoyés depuis des années pour suivre des entraînements en France, est-il inconcevable que les militaires nigériens aient leurs propres sources de renseignements dans ce pays ?
  • [60]
    Jeune Afrique, « Tout sur la chute de Diori », art. cité.
  • [61]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 183-184.
  • [62]
    Voir aussi E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani… », art. cité, p. 35 ; A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani…, op. cit., p. 254.
  • [63]
    Kountché avait aussi des soupçons sur les Libyens à propos d’une dispute de frontière et d’incursions passées.
  • [64]
    J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 101-119.
  • [65]
    Le rapport peut être trouvé sous la référence 5AG/FPU 1527, dérogation du 24 juillet 2012.
  • [66]
    M. M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché… », art. cité, p. 134 ; A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani…, op. cit., p. 244-246.
  • [67]
    S. Diallo, « Hamani Diori : Une chute… », art. cité, p. 186.
  • [68]
    R. Higgott et F. Fuglestad, « The 1974 Coup d’État in Niger… », art. cité, p. 392.
  • [69]
    C. Raynaut, « Trente ans d’indépendance… », art. cité., p 3 ; E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani… », art. cité, p. 21.
  • [70]
    Jacques Baulin, en tant que conseiller de Diori, n’était pas un témoin impartial. Voir J. Baulin, Conseiller du président Diori, op. cit., p. 118.
  • [71]
    Souligné par l’auteur.
  • [72]
    Foccart déclara que, plus tard, Diori s’excusa d’avoir suggéré que l’ancienne métropole était derrière le coup. J. Foccart et P. Gaillard, Foccart parle…, op. cit., Tome 2, p. 223.
  • [73]
    Voir K. van Walraven, The Yearning for Relief…, op. cit.
  • [74]
    Souligné par l’auteur.
  • [75]
    Voir aussi É. Apard, Queues de pie et grand boubous…, op. cit., p. 289.
  • [76]
    V.T. Le Vine, Politics in Francophone Africa, Boulder / Londres, Lynne Rienner Publishers, 2004, p. 343.
  • [77]
    C’est lors de cette crise que la doctrine de non-intervention du Premier ministre français Lionel Jospin (« ni ingérence, ni indifférence ») est apparue. Voir R. Banégas, R. Marchal et J. Meimon, « La fin du pacte colonial ?… », art. cité, p. 16 ; Y. Gounin, La Politique africaine de la France. Le combat des anciens et des modernes, Bruxelles, De Boeck, 2009, p. 54-55.
  • [78]
    Ceci est aussi suggéré par J.-P. Bat, Le Syndrome Foccart…, op. cit.
  • [79]
    J.­P. Bat, « Le rôle de la France après les indépendances… », art. cité, p. 44.

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