Présentation
« Parlementaires-debout » de Kinshasa, « People’s Parliaments » de Nairobi et d’Eldoret, « Ebimeeza » de Kampala, « agoras » et « parlements » patriotiques d’Abidjan, « grins » de Bamako et de Ouagadougou, réunions de quartiers de Johannesbourg : dans la rue, sur une place ou dans un bar, dans un jardin ou au coin d’un kiosque à journaux, les instances de débat et de discussion publique fleurissent en Afrique. En écho aux manifestants de la Place Tahrir au Caire, des « indignados » de Madrid et des mouvements Occupy qui, de Wall Street à Tel Aviv, ont mis en évidence de nouveaux modes politiques d’investissement de l’espace urbain, ce dossier s’interroge sur ce phénomène des « parlements de la rue » en Afrique subsaharienne.
Faut-il voir dans ces rassemblements populaires des espaces de confrontation avec le pouvoir ou des courroies de transmission des mots d’ordre de celui-ci ? S’agit-il de lieux contre-hégémoniques, propices à l’émancipation citoyenne ou, au contraire, des instruments de dépolitisation et de subordination à un ordre postcolonial, futil nouvellement délibératif ? Que nous dit ce phénomène sur les conceptions de la souveraineté en vigueur dans telle ou telle société et sur la manière dont on pense les formes légitimes de la participation politique et de la prise de parole en Afrique ? Loin de toute vision normative, ce dossier tente d’éclairer ces questions par une approche ethnographique des espaces de discussion de rue et de ceux qui les animent. À partir d’études de cas menées en Afrique du Sud, au Kenya, en RDC et en Côte d’Ivoire, il entend engager une réflexion comparatiste sur les fondations sociologiques, historiques et imaginaires de l’espace public au Sud comme au Nord du Sahara.