Couverture de POLAF_113

Article de revue

Penser l'Afrique à l'aune des globalisations émergentes

Pages 5 à 27

Notes

  • [1]
    Pas plus l’étoffe que la cane ou même le chapeau ne sont nécessairement africains. Le kente, le « vrai », se produit de moins en moins au Ghana, d’où il est originaire. Celui que porte M. Liu a plusieurs origines possibles, dont la Chine elle-même qui, au grand dam d’entreprises du textile au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, inonde depuis cinq à six ans l’Afrique de contrefaçons – imitations de wax prints produits à l’origine en Hollande, puis en Afrique de l’Ouest, parmi lesquels on trouve nombre de copies imprimées de tissages kente. La cane aux créatures « africaines » génériques pourra certes avoir été faite en Afrique (au Sénégal, par exemple, où, sur le marché de Soumbédioune, à Dakar, se ravitaillent les touristes à la recherche d’« authentiques souvenirs »), mais il est tout aussi probable qu’elle provienne de la banlieue parisienne, de Brixton ou de Brooklyn ; il en va de même pour le chapeau. Pour un excellent survol des mutations du symbolisme kente, voir D. Ross (dir.). Wrapped in Pride : Ghanaian Kente and African American Identity, Los Angeles, Fowler Museum of Cultural History, 1998, en particulier p. 151-290 (à ne pas manquer, une photo publicitaire de la compagnie Disney où apparaissent Mickey et Minnie, vêtus tous deux d’étoffes kente qui ressemblent bigrement à celle de M. Liu – Figure 13.24, p. 281).
  • [2]
    Imaginaires qui jouent un rôle important dans la construction des identités au sein de communautés de la petite et moyenne bourgeoisie afro-américaine – d’où le choix de Bill Clinton, qui courtisait alors les voix et les donations de ces communautés, d’arborer lui aussi, lors d’un voyage officiel au Ghana en 1998, une étoffe kente.
  • [3]
    Voir C. Coonan, « China’s new export : farmers », The Independent, 29 décembre 2008.
  • [4]
    MqVU, « Is Baoding cun a hoax ? Or a “cultural phenomenon” ? », document électronique mis en ligne le 5 février 2009, http://mqvu.wordpress.com/2009/02/05/baodingvillage/. MqVU est le nom d’une équipe de chercheurs de l’université de Macquarie à Sidney et de l’Université libre d’Amsterdam travaillant sur un projet d’analyse de l’aide économique, de projets de développement et de migrations chinoises à l’échelle mondiale.
  • [5]
    Voir A. Kernen, La Chine vers l’économie de marché : les privatisations à Shenyang, Paris, Karthala, 2004.
  • [6]
    Voir, dans la littérature la plus récente, W. G. Martin, « Africa’s future : from North-South to East-South ? », Third World Quarterly, vol. 29, n° 2, 2008, p. 339-356 ; I. Taylor, China’s New Role in Africa, Boulder, Lynn Rienner Publishers, 2009. Pour une lecture nuancée, voir C. Alden, China in Africa, Londres & New York, Zed Books, Palgrave Macmillan, 2007 et D. Large, C. Alden et R. Soares de Oliviera (dir.), China Returns to Africa : A Rising Power and a Continent Embrace, Londres, Hurst, 2008.
  • [7]
    Pour un bilan des connaissances sur ce sujet, voir D. Large, « Beyond “Dragon in the Bush” : the study of China-Africa relations », African Affairs, vol. 197, n° 426, 2008, p. 45-61.
  • [8]
    Voir, entre autres, H. G. Broadman, Africa’s Silk Road : China and India’s New Economic Frontier, Washington, Banque mondiale, 2006. Pour un point de vue chinois sur le même thème, S. Guo et J.M. Blanchard(dir.), Harmonious World and China’s New Foreign Policy, Lanham, Lexington Books, 2008. Pour une approche de la question venue d’Afrique, K. Ampiah et S. Naidu (dir.), Crouching Tiger, Hidden Dragon ? Africa and China, Scottsville, University of KwaZulu-Natal Press, 2008. Pour des photos aidant à contextualiser les données présentées dans les textes cités ci-avant, on pourra consulter les illustrations qui accompagnent l’ouvrage de S. Michel et M. Beuret, La Chinafrique : Pékin à la conquête du continent noir, Paris, Grasset, 2008 (photos de Paulo Woods). Voir également une brève bibliographie de textes en chinois qui explorent l’impact des investissements Sud-Sud de la Chine, en Afrique et ailleurs, sur le site http://mqvu.files.wordpress.com/2009/01/bibliography-on-china.doc, p. 4-5. On trouvera d’autre part une carte interactive des principaux investissements chinois en Afrique sur le site http://worldfocus.org/blog/2009/02/13/qa-china-fortifies-partnerships-in-africa/3987/.
  • [9]
    J. Coussy et J. Lauseig, « L’Asie en Afrique. Introduction au thème », numéro spécial de Politique africaine sur « La renaissance afro-asiatique », n° 76, décembre 1999, p. 5-17.
  • [10]
    R. Marchal, Afrique-Asie : une autre globalisation, à paraître.
  • [11]
    A. Kernen et B. Vulliet, « Les petits commerçants et entrepreneurs chinois au Mali et au Sénégal », Sociétés politiques comparées, n° 5, mai 2008, http://www.fasopo.org/reasopo/n5/societespolitiquescomparees5_article.pdf.
  • [12]
    Merci à S. Geenen et K. Titeca de nous avoir confié cette information de terrain. Mariana van Zeller fait la même remarque concernant le sud de l’Angola (voir son documentaire de 2007, intitulé « Chinatown, Africa » : http://www.marianavanzeller.com/2008/12/chinatown-africa.html.
  • [13]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, CEDEAO-CSAO/OCDE, décembre 2006, p. 9.
  • [14]
    Voir B. Sautman, « Friends and interests : China’s distinctive links with Africa », Center on China’s Transational Relations, working paper, n° 12, The Hong Kong University of Science and Technology, 2006, http://www.cctr.ust.hk/articles/pdf/WorkingPaper12.pdf.
  • [15]
    Voir W. McLean, « Africans marvel, fret at China’s hard workers », Mail & Guardian (Londres), 21 août 2008.
  • [16]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, op. cit., p. 8.
  • [17]
    G. Mohan et D. Kale, The Invisible Hand of South-South Globalisation : Chinese Migrants in Africa, A Report of the Rockfeller Foundation Prepared by The Development Policy and Practice Department, The Open University, Milton Keynes, octobre 2007. Voir également M. Dupré et W. Shi, La Présence chinoise en Afrique de l’Ouest : le cas du Mali et du Bénin, document de travail, Agence française de développement, août 2008.
  • [18]
    T. Vircoulon, « Chinois d’Afrique, Chinois en Afrique et Afro-Chinois : les multiples visages de la communauté chinoise d’Afrique du Sud », Monde chinois, n° 8, 2006, p. 27-38.
  • [19]
    « L’Afrique nouvelle frontière de la Chine », Le Monde, 15 décembre 2007.
  • [20]
    Voir également les travaux menés par E. Keller dans le cadre de l’UCLA Globalization Research Center-Africa qui, en avril 2007, organisait une conférence intitulée « Rethinking Africa’s “China factor” : identifying players, strategies, and practices ». Cette conférence mettait en perspective les stratégies multiformes et complexes de l’engagement renouvelé de la Chine en Afrique, à la fois du point de vue de la diplomatie chinoise et de l’impact de la Chine sur la politique économique internationale, mais également de celui plus éclaté des nombreux réseaux d’acteurs à la fois étatiques et non étatiques.
  • [21]
    A. Kernen, « Les stratégies chinoises en Afrique : du pétrole aux bassines en plastique », Politique africaine, n° 105, mars 2007, p. 163-180.
  • [22]
    Voir A. Kernen et B. Vuillet, art. cit., p. 6.
  • [23]
    E. Hsu, « Medecine as business : Chinese medicine in Tanzania », in C. Alden, D. Large et R. Soares de Oliviera (dir.), op. cit. On notera aussi la présence de médecins chinois œuvrant loin des grands centres, au Niger notamment (A. Makosky, communication personnelle, 9 mars 2009).
  • [24]
    S. Bredeloup et B. Bertoncello, « La migration chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou “sanglot de l’homme noir” ? », Afrique contemporaine, vol. 2, n° 218, 2006, p. 199-224.
  • [25]
    On consultera avec intérêt, à ce sujet, les travaux de F. Vergès sur les réseaux d’échanges et de créolisation sur la côte est-africaine, à la Réunion et dans l’océan Indien plus largement. Voir notamment « L’océan Indien, un territoire de recherche multiculturelle », Hermès, n° 32-33, 2002, p. 447-456 et « Writing on water : peripheries, flows, capital and struggles in the Indian Ocean », Positions : East Asia Cultures Critique, vol. 11, n° 1, 2003, p. 241-257.
  • [26]
    A. Gaye, « La nouvelle donne chinoise en Afrique », colloque « L’Afrique et l’Europe dans la nouvelle géopolitique mondiale », 24 janvier 2008, http://www.gabrielperi.fr/IMG/article_PDF/La-nouvelle-donne-chinoise-en.pdf.
  • [27]
    S. Bredeloup et B. Bertoncello, art. cit., p. 218-219.
  • [28]
    « En Zambie, sentiments antichinois à vif avant l’arrivée de Hu Jintao », L’Afrique aujourd’hui, 22 février 2007.
  • [29]
    S. Michel, « Chinois en Zambie : l’amitié entre les peuples, sauce aigre-douce », Le Monde 2, dossier « Chine Afrique : quand l’histoire tourne mal », 24 octobre 2008.
  • [30]
    « Africa : striking Chinese workers sent home », Infoshop News, 7 avril 2008 http://communicatinglabourrights.wordpress.com/2008/04/07/africa-striking-chinese-workers-sent-home/.
  • [31]
    C. Obi, « Enter the Dragon ? Chinese oil companies & resistance in the Niger Delta », Review of African Political Economy, vol. 35, n° 3, septembre 2008, p. 417-434 ; W. McLean, art. cit.
  • [32]
    La Banque mondiale a elle-même encouragé ces ouvertures du droit foncier aux investisseurs étrangers pour répondre à la crise alimentaire mondiale. Voir Grain, Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière, rapport, octobre 2008, p. 12. Les données du paragraphe qui suit sont tirées de ce rapport disponible sur le site http://www.grain.org/briefings/ ?id=213.
  • [33]
    Ibid, p. 2.
  • [34]
    « India–boosting trade with Africa, Indian companies promote their products in African markets… », Africa Business Pages, Business Guide Internet Edition, http://www.africa-business.com/features/india_africa.html.
  • [35]
    Grain, op. cit., annexe, p. 10. Certes, l’acquisition foncière à grande échelle par des membres de communautés expatriées n’est pas chose entièrement nouvelle. Comme le fait remarquer Laurent Fourchard (communication personnelle, 10 mars 2009), une particularité de certaines communautés indiennes et libanaises est d’avoir bénéficié depuis des décennies de droits de propriété foncière, droits qui, même s’ils ont parfois été remis en question, leur ont permis de prospérer dans nombre de pays africains. La nouveauté, dans le contexte qui attire notre attention ici, est donc moins la chose en elle-même que la variété des acteurs qu’attire aujourd’hui l’acquisition foncière à grande échelle et celle, aussi, des stratégies qu’ils mettent en œuvre pour y accéder.
  • [36]
    Sur les relations entre l’« affaire Daewo » et la crise politique malgache, voir les articles de M. Pellerin et D. Galibert dans ce même numéro.
  • [37]
    C. Ulrich, « Madagascar : la Corée du Sud loue la moitié des terres arables à Madagascar », Global Voices, 23 novembre 2008, et C. Ulrich, « Madagascar : l’accord avec Daewoo finalement rejeté par le gouvernement », Global Voices, 26 novembre 2008, relatant l’article de M. Rakotomalala, « L’État malgache lâche Daewoo », L’Express de Madagascar, 27 novembre 2008.
  • [38]
    G. Collender, « Far from home : Chinese farms in Africa », London International Development Center (LIDC), 8 décembre 2008, http://lidc.bloomsbury.ac.uk/news_detail.php ?news_id=42.
  • [39]
    P. Utomi, « China in Nigeria », rapport du Center for Strategic and International Studies (CSIS), 4 juin 2008.
  • [40]
    M. Lee, « Uganda-China relationship in the 21st Century », communication au colloque « Rethinking the China-Africa Relationship », avril 2007, http://www.globalization-africa.org/papers/81.pdf.
  • [41]
    A. Kernen et B. Vulliet, art. cit.
  • [42]
    G. Dobler, « Cheapness and resentment : Chinese traders and local society in Oshikango, Namibia », conférence donnée à l’African Studies Centre, Leiden, 27 mars 2008, http://www.asclei-den.nl/Pdf/paperdobler.pdf.
  • [43]
    A. Kernen et B. Vuillet, art. cit.
  • [44]
    J. Carling et H. Østbø Haugen, « On the edge of the Chinese diaspora : the surge of Baihuo busi-ness in an African city », Ethnic and Racial Studies, vol. 28, n° 4, 2005, p. 639-662.
  • [45]
    W. McLean, art. cit.
  • [46]
    Voir le documentaire de Mariana van Zeller, « Chinatown, Africa » (2007), précédemment cité. À Lagos, on trouve une situation analogue : petites échoppes où l’on peut acheter et manger chinois (ainsi que fast-foods tel Mr. Bigg’s où se vendent des assiettes en plastique qui croulent sous le fried rice à la cantonaise), ainsi que de gigantesques et luxueux restaurants où se donne rendez-vous la bourgeoisie locale et où les prix rivalisent avec ceux de New York ou de Londres.
  • [47]
    A. Makosky, communication personnelle, 9 mars 2009.
  • [48]
    Ce programme quinquennal visait à développer des relations commerciales avec plusieurs pays cibles : l’île Maurice, le Kenya et l’Éthiopie, notamment, et a été élargi en 2003 à dix-huit pays d’Afrique subsaharienne et six autres d’Afrique du Nord dans lesquels l’Inde disposait déjà de représentations diplomatiques. « Indian Government to Expand Focus Africa programme », Emerging Markets Economy, 11 février 2003, http://findarticles.com/p/articles/mi_qn4174/is_20030211/ai_n12917101.
  • [49]
    Voir sur ce sujet F. Landy, « Projections de l’Inde sur l’Afrique. L’image post-apartheid de l’Inde, chez les “Indiens” de Durban », Politique africaine, n° 76, décembre 1999, p. 91-93. L’auteur met notamment en garde contre une assimilation des Non Resident Indians, émigrés récents qui gardent des contacts étroits avec leur pays d’origine, et les émigrations plus anciennes, aux contours statistiques plus flous, dont les liens avec l’Inde se sont au fil du temps distendus. L’auteur donne l’exemple de l’Afrique du Sud, où les relations avec l’Inde restent faibles et dans lesquelles le rôle des Sud-Africains d’origine indienne reste à déterminer. Au Cap en particulier, la question de ce rôle, et des constructions identitaires auquel il renvoie, est touffue. À ce sujet, on lira avec intérêt l’ouvrage dirigé par Z. Erasmus, Coloured by History, Shaped by Place : New Pesrpectives on Coloured Identities in Cape Town, Le Cap, Kwela Books, 2001, ainsi qu’un essai de K. Ward et N. Worden, « Commemorating, suppressing, and invoking slavery », in S. Nuttall et C. Coetzee (dir.), Negotiating the Past : The Making of Memory in South Africa, Oxford et New York, Oxford University Press, 2000, p. 201-220. Il faudra cependant se garder de conclure que ce qui semble indubitable pour l’Afrique du Sud l’est pour d’autres pays aussi. Les liens entre communautés d’origine indienne, établies depuis des générations en Afrique de l’Est, et l’Inde elle-même sont sans aucun doute moins éphémères et, quoi qu’il en soit, ont des spécificités qui leur sont propres.
  • [50]
    F. Oliveira, « International strategies and the South-South dialogue in the Lula administration : lasting alliances or ephemeral coalitions ? », in F. Villares (dir.), India, Brasil and South Africa : Perspectives and Alliances, São Paulo, IEEI, 2007.
  • [51]
    Voir sur ce thème les travaux d’Hélène Thiollet qui s’intéresse au champ peu étudié des migrations érythréennes dans la péninsule arabique.
  • [52]
    Voir F. Lafargue, « La rivalité entre la Chine et l’Inde en Afrique australe », Afrique contemporaine, n° 222, 2007, p. 167-179.
  • [53]
    J. Santiso, « La Chine et l’Inde en Amérique latine et en Afrique », Problèmes d’Amérique latine, n° 66-67, 2007, p. 157-170.
  • [54]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, op. cit.
  • [55]
    La Chine est devenue le deuxième importateur de pétrole angolais après les États-Unis, multipliant ainsi par sept ses relations commerciales avec Luanda depuis 2002. I. Campos et A. Vines, « Angola and China, a pragmatic partnership », rapport du Center for Strategic and International Studies (CSIS), Washington, 4 juin 2008.
  • [56]
    S. Michel, « En Angola, son premier partenaire africain, la Chine essuie plusieurs revers », Le Monde (édition internationale), 24 octobre 2008, p. 6.
  • [57]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, op. cit., p. 15.
  • [58]
    U. Gosset, « La longue marche du “Mao” africain », http://www.france24.com/fr/20080223-longue-marche-%C2%AB-mao-%C2%BB-africain.
  • [59]
    Voir notamment R. Marchal, Afrique-Asie, op. cit.
  • [60]
    Voir par exemple l’Afro-Shangaï blog, http://www.afroshanghai.com/blog/.
  • [61]
    En 2004 paraissent les deux premiers livres de ce genre publiés par des auteurs sud-africains (tous deux publiés par l’organisme sud-africain International Global Dialogue) : G. Le Pere (dir.), China Through The Third Eye – South African Perspective, et K. vanderWath, Doing Business In China – The System and the Strategies. Certes, il ne s’agit pas là de textes à vocation populaire, mais leur parution souligne l’importance grandissante des investissements africains en Chine.
  • [62]
    R. Marchal, Afrique-Asie, op. cit.
  • [63]
    E. Osnos, « Letter from China : The Promised Land : Guangzhou’s Canaan market and the rise of an African merchant class », The New Yorker, 9 février 2009, p. 50. Voir aussi S. Bredeloup et O. Pliez, « Hong Kong, Gangzhou, Yiwu : de nouveaux comptoirs africians en Chine », Critique internationale, à paraître.
  • [64]
    Voir R. Marchal, op. cit. Les Africains en Chine font face à une certaine violence policière. Sur les blogs d’expatriés, on trouve de nombreux récits de contrôle au faciès, de propos racistes, de bastonnades et d’incarcérations sur la base de suppositions sans fondement. En 2007, notamment, à la veille des Jeux olympiques, les villes chinoises (et « Chocolate City » en particulier) ont connu des rafles anti-africaines violentes. Pour un exemple, celui-ci à Pékin, voir J. Brea, « Beijing police round up and beat African expats », The Guardian (Londres), 26 septembre 2007.
  • [65]
    Une série d’échanges nourris sur la liste de diffusion de l’association H-Africa dans les premières semaines de mars 2009 souligne l’importance de plus en plus grande accordée par les chercheurs à l’enseignement du chinois dans les universités africaines et, en contrepartie, l’intérêt accru de certaines universités chinoises pour l’enseignement de langues africaines (quoiqu’il semble que cela se limite, pour la plupart, aux seuls Swahili et Hausa).
  • [66]
    Là aussi, quelques publications récentes ouvrent cependant des perspectives. Il s’agit notamment de romans étudiés par Katherine Baxter (université de Hong Kong), qui mettent en scène des personnages africains en Asie. Voir, par exemple, K. Kamoche, A Fragile Hope, Cambridge, Salt Publishing 2007.
  • [67]
    Pour des analyses sur les migrations dans des pays autres que la Chine, voir S. de Silva Jayasuriya, African Identity in Asia : Cultural Effects of Forced Migrations, Princeton, Markus Wiener Publishers, 2008, ou encore B. Mirzai, « African presence in Iran : identity and its reconstruction », Outre-Mer, Revue d’histoire, n° 336-337, 2e semestre 2002, p. 229-246. On pourra aussi s’intéresser au documentaire de B. Mirzai, « Afro-Iranian lives », 2008. Voir également L. Anshan, « A history of Chinese overseas in Africa », et « Social history of Chinese overseas in Africa : selected documents, 1800-2005 », (voir http://worldfocus.org/blog/2009/02/13/qa-china-fortifies-partnerships-in-africa/3987/ et http://www.huffingtonpost.com/2009/02/18/china-deepens-ties-with-a_n_167888.html.
  • [68]
    D. Bocquet, « Les pays émergents : une nouvelle phase de l’histoire ? », Commentaire, n° 121, printemps 2008, p. 277-281.
  • [69]
    D. Chakraborty et D. Sengupta, « IBSAC (India, Brazil, South Africa, China) : a potential developing country coalition in WTO negotiations ? », SH occasional Paper n°18, Publication of the French Research Institutes in India, New Delhi, 2006.
  • [70]
    Z. Roelofse-Campbell, « Brazil and South Africa : an evolving relationship between regional powers », Politeia (Pretoria), 1997, vol. 16, n° 2, p. 16-36.
  • [71]
    A. Hurell et A. Narlikar, « A new politics of confrontation ? Brazil and India in multilateral trade negotiations », Global Society, vol. 20, n° 4, 2006, p. 415-433 ; D. Chakraborty et D. Sengupta, op. cit. ; H. Solomon, « India-Brazil-South Africa : beyond the rhetoric », Electronic Briefing Paper, n° 63, Centre for International Political Studies, University of Pretoria, 2008 ; G. Lechini, « IBSA and the new South-South cooperation », South Bulletin, n° 6, 16 décembre 2006. Enfin, pour une lecture des rivalités régionales créées par la constitution de l’IBSA, voir C. Alden et M.A. Vieira, « India, Brazil and South Africa, a lasting partnership ? Assessing the role of identity in IBSA », présentation faite aux rencontres annuelles de l’International Studies Association, San Francisco, le 26mars 2008, http://www.allacademic.com/meta/p251819_index.html.
  • [72]
    Sur ce thème, voir A. Novoseloff, « La place des pays émergents aux Nations unies », in C. Jaffrelot (dir.), L’Enjeu mondial. Les pays émergents, Paris, Les Presses de Sciences Po/L’Express, 2008, p. 259-272, ainsi que A. Nourad, The Group of 77 at the United Nations, Oxford, Oxford University Press, 2006.
  • [73]
    J. et J. Comaroff, « Millenial capitalism : first thoughts on a second coming », Public Culture, vol. 12, n° 2, 2000, p. 291-343.
  • [74]
    J. A. Lent (dir.), Cartooning in Africa, Cresskill, Hambpton Press, 2009 ; A. Mbembe, « La “chose” et ses doubles dans la caricature camerounaise », Cahiers d’études africaines, vol. 36, no 141-142, 1996, p. 143-70 ; S. Newell (dir.), Readings in African Popular Fiction, Bloomington et Oxford, Indiana University Press/James Currey, 2002.
English version

1Pour la photo reproduite sur la couverture de ce numéro de Politique africaine, Liu Jianju pose en tenue « africaine ». Un portrait de Mao, jeune et souriant dans son uniforme, trône sur le meuble derrière lui. L’étoffe kente couvrant l’une des épaules de Liu brille de couleurs chatoyantes qui s’accordent aux ornements dorés de son couvre-chef. Il tient d’une main une cane sculptée d’animaux de la savane [1]. Le choix d’apparat n’est pas innocent. Le kente, originellement chargé d’un symbolisme spécifique aux communautés asante du Ghana, est aujourd’hui une métonymie : qui dit kente dit Afrique ou, plus encore, imaginaires de l’Afrique [2] et espoirs de succès économique. M. Liu en est de toute évidence conscient. Homme d’affaires chinois originaire de la ville de Baoding, située à 140 kilomètres au sud de Pékin, il était, en 1998, à la tête du bureau du commerce extérieur de la province du Hebei. Il cherchait des idées innovantes afin de relancer les activités économiques de Baoding, alors touchée par la crise asiatique. Pour ce faire, expliquait-il, il fallait voir – et donc regarder – loin. Cela l’amena en Zambie. Il y rencontra une centaine d’anciens résidents de Baoding qui, après avoir terminé la construction d’un barrage, étaient demeurés là. Ils disaient bénéficier de meilleures conditions de vie en Afrique, où ils pouvaient vivre aisément d’agriculture ou d’élevage. L’idée plut à M. Liu, qui lança en conséquence le concept des « villages [dits] Baoding ». En quelques années, annonçait-t-il dans les médias, lors de conférences et workshops, quelque 10 000 fermiers originaires du Hebei se seraient délocalisés, sur sa recommandation, pour fonder des villages « chinois » dans plus de dix-hui pays africains, dont le Rwanda, l’Afrique du Sud, le Mozambique ou encore le Ghana [3].

2Cette réussite entrepreneuriale africaine fit le tour des médias chinois et européens. Elle bâtit la réputation de M. Liu et de ses villages Baoding : on en parlait jusque dans les foyers les plus modestes de sa province. La chose, cependant, parut suspecte à un groupe d’internautes chinois installés en Afrique qui, pour s’en assurer, lança une enquête. Les résultats furent sans appel : point de villages Baoding ; ils avaient été inventés par M. Liu. Au-delà de son amusante sophistication, ce canular est révélateur, comme le souligne une équipe d’anthropologues, de la manière dont « des Chinois ordinaires s’investissent dans une nouvelle culture d’entrepreneuriat global et envisagent les possibilités d’un cosmopolitanisme chinois », une nouvelle représentation de soi et de l’insertion de la Chine dans le monde et, plus spécifiquement, en Afrique [4]. Les discours, conférences et autres interviews de M. Liu créèrent un réel engouement, un véritable « phénomène culturel », pour reprendre la tournure proposée par M. Liu lui-même. Car cette « légende rurale » est aussi l’expression idéelle des désirs d’ailleurs d’une classe moyenne urbaine chinoise, précarisée par la transition vers l’économie de marché [5], mais également – et le phénomène est plus récent – d’une main-d’œuvre agricole ayant choisi de quitter la Chine et la restructuration du marché pour trouver, dans d’autres pays du Sud et en Afrique notamment, des options de reclassement.

3Les ouvrages et autres numéros spéciaux sur les relations Chine-Afrique se sont multipliés ces dernières années, suivis de près par des écrits sur les nouvelles coopérations Sud-Sud, eux-mêmes nourris par l’activisme diplomatique et commercial chinois, par l’accélération des investissements Sud-Sud depuis le début des années 2000 et la succession effrénée des forums et autres sommets Chine-Afrique, Inde-Afrique, ou encore Inde-Brésil-Afrique du Sud [6]. L’objet de ce dossier n’est pas d’ajouter à une littérature déjà abondante, mais plutôt de mettre en lumière certains angles morts de la recherche actuelle [7]. Car autant celle-ci analyse abondamment la politique étrangère des pays du Sud en quête de légitimité internationale, leurs relations économiques extérieures et leur insertion dans l’économie-monde [8], autant elle laisse en friche des pans entiers de ce champ d’étude.

4Ce numéro se veut à la fois un prolongement et un élargissement du dossier sur la « Renaissance afro-asiatique » publié en décembre 1999 par Politique africaine. Un prolongement d’abord, car Jean Coussy et Jérôme Lauseig y posaient, il y a dix ans déjà, les jalons d’une réflexion distanciée des représentations fantasmées de la présence chinoise en Afrique pour en percevoir les nuances et les réalités. Les auteurs soulignaient alors la présence d’une pléiade d’autres acteurs asiatiques (le Japon, l’Inde, Singapour, Hong Kong, la Corée, la Malaisie, etc.) qui débordait largement le simple tête-à-tête de Pékin avec l’Afrique et suggérait la multiplicité des stratégies, des modes de pénétration et d’intégration dans les économies locales africaines des « produits, des capitaux et des hommes [9] ». Un élargissement ensuite, car nous entendons ici étendre cette réflexion non seulement aux autres pays asiatiques mais plus généralement aux autres pays des Suds. Élargissement aussi, car, comme l’indique notre choix de couverture, par-delà une littérature que dominent les analyses macro-économiques et géopolitiques, nous nous intéresserons tout particulièrement aux acteurs des nouvelles coopérations, à leurs pratiques sociales et à leurs représentations culturelles. Car si l’on connaît aujourd’hui les chiffres et statistiques des échanges Sud-Sud (ou du moins de certains d’entre eux), nous n’en avons pas « la chair », nous manquons d’indications sur leur épaisseur humaine et sociale, rapportée à la pluralité des trajectoires individuelles et collectives. Dans ce dossier, nous entendons sortir d’un bilan à la fois désincarné et monolithique de la seule présence chinoise en Afrique pour repenser plus largement, plus concrètement et plus sociologiquement les transformations actuelles des relations Sud-Sud. À travers une approche multidisciplinaire construite autour de politologues, d’anthropologues, d’historiens et historiens de l’art et de spécialistes des relations internationales, nous mettons en avant ici les observations de terrain et le quotidien des échanges afin d’articuler le global au local et les niveaux micro, méso et macro des analyses afférentes.

Les Suds en Afrique : la globalisation vue d’« en bas »

5En premier lieu, notre objectif est de nous départir d’une focale exclusivement interétatique pour nous intéresser, à travers des analyses localisées, aux quotidiens de ce que Roland Marchal nomme la « globalisation subalterne [10] ». Nous renouons en l’occurrence avec une tradition de Politique africaine, celle qui consiste à se pencher sur les perceptions « par le bas ». Notre volonté est, ainsi, de faire la part belle à la multiplicité des acteurs qui sont au cœur de ces échanges Sud-Sud, d’en souligner la pluralité et la fragmentation, d’analyser leurs stratégies convergentes ou concurrentes, leurs pratiques, mais aussi de nous intéresser aux transformations sociales qui les accompagnent et que nous voulons analyser jusque dans leur trame. Car, pour paraphraser Antoine Kernen et Benoît Vulliet, tout autant que par le haut, les nouvelles relations Sud-Sud se construisent par le bas [11].

Des communautés en voie de constitution

6Bien que la Chine ne soit pas au centre du dossier que nous proposons, il nous semble essentiel de revenir sur sa présence en Afrique – d’abord parce que, de tous les pays du Sud, c’est elle qui compte le plus d’expatriés récents sur le continent africain. Aujourd’hui, ce n’est plus aux cris de « Blancs ! Blancs ! » que les enfants accueillent les nouveaux visiteurs dans l’est du Congo mais à ceux de « Chinois ! Chinois ! [12] ». Même si elle s’inscrit dans la longue durée, la migration chinoise s’est considérablement renforcée en l’espace de dix ans. On ne connaît pas encore exactement le nombre de ressortissants chinois en Afrique. Les demandes de visas pour l’Afrique, sur lesquels les services diplomatiques de Pékin s’appuient pour avancer le chiffre de 78 000 migrants en 2006, ne prennent pas en compte la main-d’œuvre qui, une fois les chantiers finis, reste sur place et passe dans l’illégalité, ni les autres flux migratoires en ricochet, issus d’une immigration primaire en Europe par exemple, en France notamment. D’autres estimations avancent le nombre de 500 000 immigrés de République populaire de Chine, de Taiwan ou du Hong Kong d’avant la rétrocession, dont 150 000 détenant un passeport chinois [13]. Si dans la presse et de nombreux articles académiques le chiffre de 130 000 est utilisé, Barry Sautman estime quant à lui que de 100 000 à 300 000 Chinois sont actuellement présents dans la seule Afrique du Sud [14], tandis que, pour sa part, W. McLean note qu’un décompte de 750 000 pour le continent entier ne serait « pas déraisonnable [15] ».

7Quelle que soit la réalité statistique de la présence chinoise sur le continent, la seule transformation du bâti urbain et la multiplication des enseignes chinoises au Nigeria, au Soudan, au Lesotho, au Zimbabwe, ou encore au Ghana [16] suffisent à constater que les migrants chinois sont plus nombreux, plus visibles mais aussi plus organisés qu’ils ne l’ont jamais été. En effet, l’accroissement du nombre de ressortissants chinois a conduit à un phénomène nouveau : celui de la constitution de communautés chinoises [17], qui se superposent parfois à des immigrations plus anciennes [18], structurées localement autour de groupes d’aide logistique à l’installation, d’associations visant à les représenter et à défendre leurs droits, de chambres de commerce sino-africaines, etc. Les premiers journaux chinois d’Afrique ont fait leur apparition, comme au Nigeria où le West Africa United Business, qui regroupe des informations d’affaires, est tiré entre 3 000 et 7 000 exemplaires par semaine [19].

Fragmentation des acteurs

8Une grande partie des analyses réduit les investissements chinois en Afrique à une stratégie gouvernementale construite autour d’une politique commerciale – et particulièrement énergétique – ou d’une volonté de coopter les voix africaines au sein d’instances internationales. C’est pourtant bien plus complexe. De récentes études anthropologiques ont considérablement enrichi notre connaissance de terrain et ont contribué à nous extraire de cette image univoque de la diaspora chinoise. Antoine Kernen et Benoît Vuillet pour le Mali et le Sénégal ainsi que Mathilde Dupré et Weijing Shi dans le cas du Mali et du Bénin ont très justement pointé l’erreur inhérente à une perception uniforme des entrepreneurs chinois comme les instruments d’une politique gouvernementale, alors même que leur autonomisation par rapport aux choix et exigences de Pékin s’est nettement affirmée ces dernières années [20]. Aujourd’hui, nombre de réseaux d’entrepreneurs privés – bien qu’il faille rester prudent vis-à-vis d’une césure trop marquée du public et du privé – répondent à leurs propres objectifs, stratégies et manières de faire [21]. D’ailleurs, si les projets gouvernementaux chinois se sont d’abord centrés sur quelques pays africains (Zimbabwe, Angola, Afrique du Sud, Soudan et Nigeria, soit des pays producteurs de pétrole et de minerais essentiellement), la présence chinoise, elle, s’est élargie à des zones non traditionnelles de migrations, notamment l’Afrique occidentale et centrale, traduisant des réalités multiformes. En marge des grands chantiers de construction ou de réfection des routes, aux côtés des acteurs étatiques, consortiums et multinationales chinoises, les petits commerçants chinois ouvrent des magasins de vêtements et de chaussures, des supermarchés et des restaurants, vendent des produits d’alimentation et des objets de décoration intérieure chinoise, mais aussi des produits locaux (y compris des tapis de prière et des reproductions de mollahs maliens, des beignets ou des mèches de cheveux [22]), pratiquent la médecine [23], créent (on l’a vu) des journaux…

9Giles Mohar et Dinar Kale à l’échelle de l’Afrique plus largement, ou encore Sylvie Bredeloup et Brigitte Bertoncello dans le cas des tenants de bazars chinois venus de Macao ou de Hong Kong au Cap-Vert, ont mis en avant l’importance des réseaux transnationaux familiaux, communautaires et d’affaires dans les parcours migratoires [24]. Sur un plan sociologique, il est tout aussi fondamental d’avoir une compréhension de la manière dont ces derniers interagissent avec d’autres réseaux, locaux eux – réseaux commerçants et économiques, politiques, sociaux et d’ordre symbolique –, comment ils les transforment et, en retour, sont transformés par eux [25].

Résistances locales

10Les investissements massifs chinois et – on le verra aussi – indiens ont induit un coût social important et introduit une forte concurrence commerciale. Cela n’a pas été sans difficulté. Depuis le milieu des années 2000, les résistances locales se sont multipliées, qu’elles soient sociales ou politiques : manifestations anti-chinoises au Cameroun, sinophobie en Afrique du Sud ou au Zimbabwe, par exemple, à la suite des pertes d’emploi dans l’industrie du textile… Même les belles-de-nuit de Douala protestent bruyamment contre la prostitution chinoise bon marché [26]. En novembre 2002, les commerçants dakarois de l’Union des commerçants et industriels du Sénégal (Unicois) dénonçaient la « concurrence déloyale » et la « fraude sur les exportations » des commerçants chinois et le « laisser-faire » du pouvoir, au point d’organiser en août 2004 une opération ville morte [27]. En Zambie, si les premiers investissements chinois de la fin des années 1990 avaient été accueillis à bras ouverts dans le secteur du cuivre notamment, les méthodes de travail et le style de leadership managérial chinois se sont rapidement heurtés aux actifs syndicats zambiens. Depuis qu’en avril 2005 il y eut 52 morts dans l’explosion d’une mine exploitée par une compagnie chinoise en Zambie, les grèves et marches de protestation sont devenues courantes. Ces mouvements sociaux ont été jusqu’à contraindre le président Hu Jintao à renoncer à sa visite de janvier 2007 dans la région de la Copperbelt. La question des investissements chinois dans l’industrie du cuivre, dans celle du textile et dans plusieurs autres domaines économiques s’est muée en objet central de la course à la présidence zambienne en 2006. Un refrain rythmait la joute électorale du leader populiste Michael Sata : « la Zambie n’est pas une province de la Chine ». Les Chinois, scandait Sata, « prennent des magasins destinés aux locaux [28] » et son camp avait fait de « China, go home ! » son slogan de campagne. En Zambie toujours, certains juges se spécialisent aujourd’hui dans les contentieux sino-zambiens. Fait nouveau, en juin 2008, un ingénieur chinois de la Nonferrous Metal Industry’s Foreign Engineering & Construction (NFC) a été placé en détention en attendant le verdict d’un procès dans lequel il était accusé d’avoir battu un employé, délégué syndical, qui avait protesté face à l’insuffisance de la compensation offerte après la mort d’un ouvrier. L’ingénieur a été libéré peu après, faute de preuves, et l’ouvrier licencié [29]. En mars 2008 encore, 500 ouvriers zambiens s’étaient révoltés à coups de pierres contre leurs 200 contremaîtres chinois sur un chantier de fonderie, détruisant le matériel de la compagnie. Ils s’insurgeaient contre une rémunération insuffisante (75 euros par mois). En avril 2008, Pékin rapatriait 400 ouvriers employés sur un chantier de construction équato-guinéen : lors d’une grève, la police locale avait tiré, tuant deux ouvriers chinois. Le gouvernement Obiang aurait imposé le départ immédiat des grévistes du territoire national [30]. Ailleurs encore, il y a achoppement, notamment dans le delta du Niger et dans l’Ogaden, en Éthiopie (exploitations pétrolières) [31].

Les « accaparements » fonciers

11Favorisé par la récente crise alimentaire mondiale, un nouveau type d’investissement transnational Sud-Sud, l’achat et la location de terres, suscite également de vives réactions. Les rapports des spécialistes du foncier (dont l’ONG Grain) et la mise en garde en 2008 du directeur de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui ont nourri la controverse, font état d’achats ou de location de concessions foncières cédées à moindre prix par certains gouvernements africains à des acheteurs venus d’« autres » pays du Sud. Ces acquisitions se produisent au prix de modifications légales majeures en termes de propriété et d’exploitation du sol dans des contextes fonciers parfois déjà très tendus [32]. Sous couvert de transfert de connaissances et de techniques agricoles, l’Inde, la Chine ou encore la Corée entendent ainsi anticiper et pallier les risques d’insécurité alimentaire (anticiper était, d’ailleurs, un des arguments avancés par M. Liu). Mais, plus largement, ce sont l’Arabie saoudite, la Jordanie, le Koweit, le Qatar, la Malaisie, le Japon, la Libye ou encore l’Égypte qui, depuis le début de 2008, travaillent activement à l’acquisition de terres agricoles fertiles en Ouganda et au Soudan, ainsi qu’au Brésil, au Cambodge ou au Pakistan. La Chine notamment, qui compte 7 % des terres arables au monde et simultanément 22 % de la population mondiale, doit faire face en outre au rapide appauvrissement de sols surexploités. Elle aurait conclu, en grande partie en Afrique, pas moins de trente accords de coopération agricole lui ouvrant de nouvelles terres arables en échange de technologies et d’investissements en infrastructure et en formation. « Des entreprises chinoises, rapporte Grain, […] louent ou achètent des terres, créent de grandes exploitations agricoles, font venir des agriculteurs, des chercheurs et des agents de vulgarisation, et vont jusqu’à faire le travail de culture [33] ». L’État d’Andhra Pradesh en Inde du Sud a conclu un accord avec le Kenya et l’Ouganda pour l’envoi de 500 agriculteurs dans des fermes est-africaines. Il a acquis, pour ce faire, plus de 20 000 hectares au Kenya et a signé un accord préalable avec l’Uganda Investment Authority pour acquérir 8 000 hectares de terres supplémentaires sur la base de baux de 99 ans accordés à une coopérative indienne [34]. À Madagascar, la Corée, via la firme Daewoo Logistics, s’est vu attribuer la location de la moitié des terres arables au moyen d’un bail emphythéotique concédé par le gouvernement de Marc Ravalomanana sans autre compensation que la promesse de création d’emplois agricoles. La Libye, quant à elle, achète des terres en Ukraine [35]

12À Madagascar cependant, comme en Ouganda, ces tractations foncières ont soulevé de nombreuses protestations [36]. L’intensité de la controverse a conduit le gouvernement malgache à annuler son accord, provoquant en retour une réaction acerbe dans un éditorial du journal coréen Joong Ang Ilbo. Celui-ci soulignait, en effet, que jamais n’avaient été mises en cause les exploitations britanniques ou françaises de Madagascar [37]. Le chercheur James Keeley, pourtant, relativise cette question de l’« accaparement » des terres. Il note que la Chine reste un exportateur net de céréales et continue de limiter ses importations à 5 % de ses besoins. En dehors du bois, précise-t-il en outre, la majeure partie de la production des fermes chinoises en Afrique est vendue localement [38].

13Comme l’indique ce qui précède, les relations entre la Chine, l’Afrique et les autres pays du Sud sont complexes, dynamiques, évolutives. Elles se sont transformées rapidement au gré de la conjoncture économique mondiale et des interactions avec les communautés locales. Pat Utomi, par exemple, décrit l’évolution rapide des relations entre la Chine et le Nigeria, en même temps que leur complexité et leur caractère multiforme. Si le gouvernement nigérian accueille à bras ouverts les investisseurs asiatiques, la communauté d’affaires nigériane, elle, se montre plus réticente ; la Chine serait à ses yeux présente dans trop de secteurs d’activité à la fois [39].

14C’est le même constat de perception différenciée – réception positive de l’État et mitigée de la communauté d’affaires locale – que dresse Margaret Lee dans le cas de l’Ouganda [40]. Cet enchevêtrement de vues et d’approches offre aux chercheurs un terreau particulièrement riche d’analyse des interactions, des circulations de savoirs et des apprentissages sociaux réciproques nés d’une promiscuité inédite entre communautés [41]. Gregor Dobler évoque la manière dont les points d’entrée et l’évolution des commerçants chinois en Namibie influe sur leur intégration dans leur société d’accueil et influence en retour les pratiques et relations de pouvoir entre les différents acteurs au sein de cette communauté [42]. Kernen et Vuillet ont quant à eux montré comment les stratégies des commerçants chinois pouvaient susciter des contre-stratégies, sénégalo-libanaises par exemple [43]. La compétition locale – et la restructuration du tissu économique qui lui est associée – n’est d’ailleurs pas restreinte aux relations entre entrepreneurs chinois et africains, elle s’étend aussi aux commerçants chinois entre eux, qui voient évoluer leurs pratiques commerçantes à mesure de la saturation du marché, comme le montrent H. Haugen et J. Carling à propos des magasins baihuo (bazars chinois) de Praia au Cap-Vert [44].

15Les mécanismes d’apprentissage à l’œuvre dans les nouvelles politiques africaines des pays du Sud ne se limitent pas à la sphère économique mais s’ouvrent également aux domaines politique et diplomatique. Il serait intéressant de se pencher sur la façon dont les diplomaties du Sud se sont transformées depuis le renforcement, à la fin des années 1990, des échanges économiques avec le continent africain. De quelle manière, par exemple, la diplomatie chinoise s’est-elle adaptée à la nouvelle doctrine de « grande puissance responsable » inaugurée sous Hu Jintao ? Au cours des dix dernières années, l’Inde a reçu à plusieurs reprises des grandes personnalités de l’ANC sud-africaine – Thabo Mbeki et Jacob Zuma notamment : cela traduit-il une nouvelle approche diplomatique de New Delhi à l’égard du continent africain ?

16Quelles relations, aussi, se nouent au jour le jour dans les communautés concernées ? Les mariages et autres relations amoureuses sont de plus en plus courants entre Africains et Asiatiques des nouvelles diasporas Sud-Sud. Les chiffres, cependant, restent flous [45]. L’Internet, on le sait, regorge d’offres de « mariages ailleurs » auxquelles s’intéressent hommes et femmes de pays en voie de développement. Il convient de souligner la variété des modes de vie des immigrés des « autres » Suds en Afrique. L’exemple chinois est probant. Si, comme beaucoup d’Européens, de nombreux Chinois vivent en vase clos (quartiers, boutiques, restaurants construits par et pour eux), à Douala, cependant, pour ne citer qu’un lieu, des familles entières résident « au quartier », notamment à New Bell, une des parties les plus pauvres de la capitale économique camerounaise, dans les mêmes conditions que leurs voisins. A Luanda, on trouve de modestes restaurants chinois, tel le « Macau » de M. Lin, le quatrième ressortissant chinois à s’être installé dans la capitale il y a de cela douze ans, et de gigantesques eateries, dont le « Shang Hai », qui peut accueillir 450 convives et contient sept karaokés privés – le tout tenu non pas par un businessman chinois, mais par un propriétaire d’origine portugaise [46]. L’apprentissage de la langue est constructrice également de nouvelles identités [47]. A Akwa, grand quartier commerçant de Douala, en 1999 déjà, dans certains magasins spécialisés dans la vente d’objets chinois (vases, fleurs artificielles, prises et autres petites fournitures électriques), on pouvait voir des patrons chinois et leurs employés camerounais échanger des phrases essentielles à leur travail dans une langue faite de raccourcis mi-cantonais, mi-franglais. Entre communautés « expatriées » aussi, il y a des liens qu’il faudrait examiner de plus près. Ainsi ce restaurant de Douala où, depuis le début des années 1990, on peut manger indien et japonais, le tout préparé par d’excellents cuisiniers camerounais…

Des Suds, des Afriques

17Comme le suggère cette dernière observation, et comme on l’a déjà indiqué, ce numéro vise à se départir d’une focale uniquement chinoise et économique pour ouvrir l’analyse à d’autres relations entre les Suds. L’Inde, bien sûr, qui, avec sa politique de promotion commerciale « Focus : Africa » lancée en 2002 [48], talonne la Chine dans sa politique de pénétration des marchés extérieurs, est un acteur majeur de cette globalisation afro-asiatique. Elle dispose de réseaux de migrations d’entrepreneurs plus anciens et déjà bien implantés en Afrique de l’Est et en Afrique australe, bien que l’on surestime bien souvent leur rôle d’intermédiaires et les liens qu’ils ont conservés avec l’Inde [49]. Le Brésil, qui se veut l’initiateur d’un dialogue Sud-Sud et porte-parole des pays en développement, nous intéressera également ici [50]. Mais nous aurions pu évoquer aussi Singapour, la Thaïlande, le Vietnam, la Corée du Sud, davantage impliqués sur le continent qu’auparavant. Ou encore la globalisation islamique arabo-afro-asiatique et le rôle pivot de la Libye ou des pays de la Corne, les pèlerinages des Africains à La Mecque, les associations afro-islamiques, etc [51]. Notons au passage que l’usage rhétorique de la terminologie Sud-Sud a souvent conduit à une unification factice des Suds, au lissage des inégalités, au gommage des disparités, des asymétries et des compétitions entre acteurs du Sud. Contrairement à l’image que peuvent se faire d’aucuns, rien de tout cela n’est simple. Autant l’aventure africaine des grands pays émergents fait des émules et suscite l’intérêt de leurs voisins en mal de débouchés, autant elle crée de nouvelles rivalités régionales, entre l’Inde et la Chine par exemple [52], ou encore entre l’Inde et le Pakistan, ce dernier commençant à entrevoir la possibilité d’une coopération plus importante avec le continent africain [53].

18Cela, nous avons tenu à le mettre en avant. De la même manière, nous avons souhaité privilégier les cas d’études susceptibles de nous affranchir d’une vision monolithique qui suggèrerait, à tort, que ces nouvelles coopérations s’appliquent de manière uniforme à toute l’Afrique. Il apparaît indispensable d’analyser les variations spatiales des coopérations Sud-Sud. La Chine, l’Inde ou le Brésil n’ont pas une politique africaine mais bien des politiques africaines. Et s’il y a des Suds, il y a également des Afriques : l’équité apparente d’un jeu « gagnant-gagnant » (dont se targue notamment la Chine) recouvre des soldes variables pour les partenaires africains, avec un net avantage pour les pays pétroliers (Angola, Nigeria, Soudan, Congo, Guinée équatoriale) et producteurs de coton (Bénin, Burkina, Mali, Tchad) [54]. Ainsi l’Angola, qui par sa production pétrolière détient un surplus commercial avec la Chine, a obtenu de son partenaire chinois des financements à tarif préférentiel [55] et bénéficie de la multiplication de ses échanges commerciaux avec l’Inde, l’Afrique du Sud ou encore le Brésil. L’Angola a pu ainsi éponger à vitesse accélérée une partie de sa dette auprès des institutions de financement occidentales, dont le Club de Paris. En améliorant ses lois sur l’investissement, le pays espère attirer de nouveaux investisseurs. Mais l’explosion momentanée des prix du pétrole et l’accroissement de sa production lui ont aussi permis d’annuler un projet chinois de raffinerie à Lobito pour négocier un nouveau contrat avec des acteurs américains [56]. Car contrairement à l’image de passivité des acteurs africains véhiculée par les analystes du « new scramble for Africa », les règles du jeu de ces nouvelles relations Sud-Sud sont fort bien comprises de part et d’autre. Jusqu’ici, la recherche s’est souvent restreinte à l’étude d’une relation bilatérale (sino-africaine) et à sens unique, alors que la véritable nouveauté réside dans l’éclatement et la diversification des partenaires économiques et politiques extérieurs à l’Afrique et, en conséquence, dans l’accroissement des capacités de négociation des diplomaties et des économies africaines. Pour obtenir de nouveaux financements ou soutiens du Sud, ces dernières ne renoncent pas nécessairement au renouvellement de leur coopération avec les acteurs du Nord [57].

19Dans le prolongement de cette réflexion sur l’Afrique comme acteur des relations Sud-Sud, peu de place est faite dans la littérature à la transmission de modèles économiques à travers la migration africaine vers d’autres pays du Sud. « Quand le président Bongo était particulièrement content de moi, il m’appelait “Mao”, nous confie l’ancien ministre des Affaires étrangères gabonais. Quand il était moins satisfait, il me donnait du “Monsieur le Ministre d’État”. Et quand les choses allaient normalement, il m’appelait “Jean” », raconte le sino-gabonais Jean Ping, aujourd’hui président de la commission de l’Union africaine, à un journaliste de France 24 [58]. La littérature, tous domaines confondus, commence à peine à s’intéresser à ces nouvelles diasporas commerçantes et à la captation symbolique ou plus réelle du modèle de réussite chinois [59]. Or, tout comme les communautés chinoises en Afrique, les communautés africaines, en Asie notamment, s’organisent et se structurent. Les blogs des Africains de Pékin, de Shangaï ou de Hong Kong, de Thaïlande se multiplient sur le web avec leur lot de conseils pratiques visant à faciliter l’installation des ressortissants africains en Asie [60] et l’on assiste à la publication de guides dont le but est d’aider les investisseurs africains à se frayer un chemin en Chine [61]. L’information, comme le souligne Roland Marchal, est primordiale dans la constitution de réseaux, la géographie de l’installation des différentes communautés et leur insertion dans d’autres réseaux commerçants globalisés d’Inde, de Chine, du Vietnam, du Maroc, de Dubaï et d’autres encore, déjà présents dans les Suds [62].

20L’exemple de la ville de Guangzhou en Chine, et du quartier surnommé « Chocolate City » par les chauffeurs de taxi, pose clairement la question de la constitution de telles communautés et, en leur sein, de celle, potentielle, d’une bourgeoisie commerçante africaine transnationale qui, à partir de la Chine (ou de l’Inde, d’ailleurs, notamment de Bombay) ouvrirait la voie du développement au sud du Sahara. Vingt-mille africains, essentiellement d’Afrique de l’Ouest, seraient établis à Guangzhou de façon provisoire ou permanente, mobilisant accointances et autres attaches, parfois aléatoires, pour favoriser leur intégration dans les réseaux de solidarité et les réseaux marchands de la place [63]. Il serait intéressant de déterminer le rôle, dans la constitution de ce commerce globalisé, des liens de parentèle, ethniques, géographiques ou nationaux (dans le cas des réseaux formels ou informels nigérians, par exemple, dans la ligne de mire de la police de l’immigration chinoise [64]), mais aussi l’influence des boursiers africains de Chine. Celle-ci accorde en effet un nombre croissant de bourses aux étudiants africains désireux de suivre des cours de médecine, de gestion et de génie notamment, et multiplie les échanges académiques et culturels. On sait peu de chose sur la manière dont cela infléchit en retour les trajectoires des élites africaines (dont témoigne le boom de l’enseignement du chinois en Afrique [65]) et modifie la circulation des savoirs [66], accroît les apprentissages trans-Sud mais surtout constitue une porte d’entrée pour des migrations africaines de main-d’œuvre et d’entrepreneurs sur les marchés asiatiques.

21Nous ne disposons également jusqu’à présent que de peu d’instruments de mesure de l’impact des Africains sur le marché local et sur ses règles de fonctionnement. Y a-t-il de vraies réussites économiques de marchands africains en Asie ? Un séjour en Chine constitue-t-il une entreprise d’accumulation de capital économique et social sur place, valorisable une fois de retour en Afrique ? Quid du retour de fonds vers les pays d’origine via Western Union et d’autres méthodes, moins aisément quantifiables, de transfert des devises ? Les modèles de développement chinois s’exportent-ils en Afrique ? Enfin, les séjours d’entrepreneurs africains en Chine modifient-ils les imaginaires sociaux et les perceptions des Chinois de Chine et des Chinois d’Afrique [67] ?

Une mobilisation internationale trans-Sud : Esprit de Bandoeng es-tu là ?

22Certaines figures clés, comme celle du prix Nobel d’économie bangladais Muhammad Yunus et son modèle de microfinance rurale exporté à partir de la fin des années 1980 dans d’autres pays en voie de développement, ont participé à la circulation informelle de modèles économiques alternatifs au Sud. Le renforcement des coopérations et des échanges Sud-Sud contribue-t-ils pour autant à l’harmonisation des politiques extérieures et économiques du Sud ? Il est nécessaire de mesurer l’impact au niveau international de ces coalitions – qu’elles soient ad hoc ou plus formalisées – sur les pays en développement. Soutenue par la perception d’une trajectoire commune, notamment de lutte pour l’indépendance, et un discours de renouveau tiers-mondiste revitalisant l’esprit de Bandoeng et du non-alignement, ces nouvelles coopérations visent à une recomposition de l’ordre politique et économique mondial et à l’émergence d’une politique d’aide et de développement alternative. La crise des relations Nord-Sud, l’essoufflement des politiques d’aide au développement et les effets accélérateurs de la mondialisation en ont renouvelé l’intérêt. Il s’agit maintenant de faire la part entre cette rhétorique néo-tiers-mondiste et les possibilités réelles d’action.

23Il nous semble essentiel, en effet, de dépasser aussi bien les envolées lyriques que les clivages idéologiques afin d’analyser l’impact tangible de ces nouvelles coopérations sur les modes de domination internationaux. La reconfiguration en cours de l’équilibre du pouvoir mondial, dont font état les articles qui constituent ce dossier, doit nous pousser à nous interroger plus avant sur le renouvellement des relations internationales entre pays du Sud, sur l’impact qu’il a (ou pourra avoir) sur les relations Nord-Sud et, surtout, sur la capacité d’agrégation d’intérêts autour de nouveaux axes de coopération Sud-Sud [68]. Les acteurs émergents qui nous préoccupent ici, plus ou moins unis, disposent-ils de leviers efficaces dans les principaux forums internationaux multilatéraux (Organisation mondiale du commerce, Banque mondiale, Fonds monétaire international, Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, etc.) pour redéfinir les rapports de force politiques et économiques à l’échelle internationale ?

24Plusieurs ONG trans-Sud ou partenariats internationaux tels que l’Ibsa (Inde-Brésil-Afrique du Sud) s’affichent comme les porte-parole des « causes » du Sud dans les cénacles internationaux. Debashis Chakraborty et Dipankar Sengupta montrent clairement comment les négociations de l’OMC sont devenues un lieu d’affrontements entre les pays développés et en voie de développement depuis le cycle de négociations de l’Uruguay Round, et comment elles ont servi de lieux d’apprentissage et de mobilisation pour certaines nations du Sud [69]. L’âpreté des négociations a contribué à une prise de conscience majeure, au Sud, de la nécessité d’élargir l’accès des pays en voie de développement non seulement aux marchés, mais aussi aux investissements, aux savoir-faire technologiques et surtout aux mécanismes internationaux de prise de décision [70]. Ces convergences nouvelles avivent les points d’achoppement entre Nord et Sud lors des négociations internationales : réduction des tarifs douaniers, agriculture, services, propriété intellectuelle notamment. Le cycle de Doha, ouvert en 2001, qui devait élargir l’accès des pays en développement aux marchés des pays développés, a échoué en partie du fait des stratégies concertées des pays du Sud. Il a conduit à une alliance formalisée au Nord qui a fait échouer les projets de libéralisation des services lors du sommet de Cancun en 2003, à la suite de l’échec des pressions du Sud visant à modifier les politiques de subvention agricole de l’Europe et des États-Unis.

25La diversité des trajectoires économiques, la remise en question des leaderships au niveau des sous-régions et les rivalités économiques internes entre pays en développement hypothèquent la possibilité de trouver une ligne d’action commune sur le long terme. Mais surtout, il n’est en rien certain que les coalitions des économies émergentes puissent devenir le moteur du développement au Sud. Comme le montrent les récentes prises de position de l’Ibsa, désormais en voie d’élargissement à la Chine (IBSAC), les investissements indiens, brésiliens ou sud-africains ne se limitent pas aux économies du Sud. Bien qu’il s’affiche comme un outil de coopération intercontinentale en matière d’agriculture, de commerce, de culture et de défense, l’IBSA, adoubé par les pays occidentaux en quête d’interlocuteurs fiables, constitue surtout un vecteur de pénétration des marchés du Nord, européens et états-uniens en particulier, faisant concurrence, par exemple, aux produits mexicains… Car si l’IBSA emprunte régulièrement sa rhétorique tiers-mondiste aux pays du Sud, il partage plus souvent encore les positionnements stratégiques de ceux du Nord, comme on peut le voir clairement dans les négociations au sein de l’OMC [71].

26De la même manière, la minorité influente des pays du Sud, en association parfois avec certains pays développés comme le Canada, réclament une réforme de l’institution onusienne et une plus grande représentativité des nouveaux rapports de force internationaux [72]. La Chine, en 1971, avait accédé au conseil de sécurité de l’Onu en lieu et place de Taïwan grâce aux voix de pays africains et asiatiques. Les tractations sont intenses depuis plusieurs années déjà pour déterminer les tenants des futurs sièges permanents dans un Conseil de sécurité élargi. Le renforcement, à la faveur de la crise financière actuelle, du G20 (incluant l’Afrique du Sud, l’Inde, le Brésil ou encore la Corée du Sud) comme lieu de pouvoir et de réforme de la finance internationale en donne un avant-goût.

De l’avant : textes et images

27Construire un dossier, ce n’est pas seulement réunir des textes intéressants. C’est aussi les lier les uns aux autres, choisir l’ordre dans lequel ils seront lus et, ce faisant, proposer une trame, raconter une (ou des) histoire(s). Parfois la chose est simple. Ici, elle ne l’est pas. Plusieurs logiques s’ouvrent à nous. Le lecteur pourrait commencer par le niveau micro – en l’occurrence un marché au cœur de Lomé – et aller, crescendo, vers le méso – liens et césures entre politiques nationales et vécus locaux au Mali –, puis le macro – diplomatie et visées économiques d’un État (le Brésil) face à un continent tout entier (l’Afrique) – et, enfin, l’infini : un monde où le global a pour sens une rencontre mystique entre l’ici des mortels et l’au-delà de dieux issus de lieux (Afrique de l’Ouest, sous-continent asiatique, Amériques) que séparent non pas un mais deux océans. On pourrait également renverser la donne : commencer par l’infini et, diminuendo, en arriver aux étals des commerçantes loméennes dont les wax prints nous rappelleraient l’ersatz de kente porté par M. Liu. Mais tout cela ne simplifierait, en fin de compte, pas la donne. Car – nous le verrons –, au cœur de l’infini, il y a le local, un marché, lui aussi à Lomé, et, en son sein, des détails (objets, instants, bribes de conversations) qui mettent en lumière des aspects clés de chacun des contextes, micro, méso et macro, traités dans les articles qui constituent ce dossier. Et derrière le micro, derrière un détail des plus spécifiques – une étiquette cousue au revers d’un wax vendu sur ce même marché loméen – se cache une multiplicité de réseaux qui lient l’Afrique à l’Asie et l’Europe, ainsi que le présent au passé colonial et à un futur aux contours qui restent à deviner.

28Il est toutefois un élément qui lie entre eux les textes de ce dossier : c’est l’imaginaire. De prime abord, cela pourra surprendre. Certes, on l’a dit, la macroéconomie n’est pas au cœur des contributions qui suivent, mais il y est néanmoins question de statistiques, de politiques, de stratégies et, dans ces contextes-là, on parle rarement d’imaginaires. On a tort, et les articles ci-après le montrent. Des cénacles de Brasilia aux temples vodun de la côte béninoise, en passant par Bamako, Lomé, Bangkok, Shanghai, Hong Kong et Haïti, une autre globalisation est en train de se construire, faite d’approches qui parfois confortent et parfois se distinguent radicalement de celle qu’au « Nord » on imagine commune à la terre entière. La prise en compte, et au sérieux, des imaginaires – rêves d’un monde meilleur, fait d’une plus grande égalité des chances, de richesses spirituelles ou, plus prosaïquement, d’emplois, de salaires viables ou encore de styles de vie et de consommation ; espoirs et anxiétés face à l’« autre », au nouveau ou à l’imprévu ; visions célestes ou cauchemardesques ; rumeurs – est essentielle à une compréhension de cette globalisation fluide, complexe, en devenir.

29Nous commencerons au Mali. Françoise Bourdarias nous y présente une approche novatrice d’un phénomène dont on a beaucoup parlé mais qui, on l’a vu plus haut, a souvent été traité de manière unidimensionnelle. Il s’agit de la présence chinoise dans une grande ville africaine, en l’occurence ici Bamako. L’auteure nous livre une analyse nuancée qui s’appuie sur une palette variée de données : données historiques (mise en contexte de la présence chinoise au Mali, dont les débuts remontent à 1960 et qui a connu depuis lors d’importantes fluctuations) ; politiques (rapports des gouvernements maliens successifs à Pékin, d’une part, mais aussi à l’influx de plus en plus important d’entrepreneurs privés venus de Chine) ; économiques, bien sur, mais axées plus que de coutume sur la spécificité des marchés et des perceptions locaux ; enfin et surtout, données microsociales, avec une attention toute particulière aux trajectoires (origine, classe sociale, cursus, itinéraire), aux récits autobiographiques, aux constructions identitaires, mais aussi aux espoirs et déceptions d’hommes et de femmes d’origine chinoise vivant au Mali et, chose peu courante dans les études de ce genre, de Maliens qui ont étudié en Chine. Hétérogénéité des identités, des parcours, des métiers, des choix et des contraintes : le texte de Bourdarias montre toute l’importance de penser de manière différenciée, spécifique et contingente la présence chinoise en Afrique à l’aube du xxie siècle.

30La contribution de Nina Sylvanus donne chair et complexité à un thème abordé dans la dernière partie du texte de Bourdarias : les lectures, souvent hétérogènes, par des citadins africains, de présences chinoises parmi eux. Nous sommes ici à Lomé, au cœur d’un marché, au sens local et global du terme, celui des étoffes wax. « Made in Europe », « Made in Africa », « Made in China », « vrais », « faux », « vrais faux » et « faux faux » se rencontrent, se chevauchent et se transforment mutuellement. Ensemble, et liés à d’autres facteurs encore, ils mettent en lumière un monde en pleine mutation : un monde où se font et se défont non seulement des fortunes individuelles, économiques et politiques, mais aussi des classes entières d’entrepreneurs. Dans ce monde où les femmes prédominent, mais avec en toile de fond des présences masculines dont les identités floues prêtent à une anxiété que le discours des uns et des autres laisse entrevoir, la rumeur joue un rôle clé. De la capitale togolaise aux grandes villes de Thaïlande et de Chine populaire, de Taïwan à Hong Kong en passant par les principaux centres urbains d’Afrique de l’Ouest – partout où se fait, se défait et se reconstitue le marché des wax étudié par l’auteure –, les « on dit » structurent les relations. C’est, au sens propre du terme, une économie de la rumeur qui se met en place, qui s’articule à une conjoncture économique, sociale et politique en pleine mutation et tente de donner sens à cette globalisation par les Suds qui est au cœur de notre dossier.

31Claudio Ribeiro, quant à lui, s’intéresse à la façon dont se sont développées les relations – commerciales, économiques, politiques et, par endroits, sociales – entre interlocuteurs des Suds. Le genre de transversalités qui sous-tendent certains des échanges et des perceptions étudiés dans les deux articles précédents, mais qui ne sont pas nécessairement au cœur des analyses proposées par ces derniers – décisions en matière de politique étrangère, de diplomatie, de planification économique –, prennent ici le devant de la scène. Comme dans tous les textes de ce dossier, cependant, l’analyse se veut décentrée et attentive au caractère multiforme de ces interactions : ce qui intéresse, ici, c’est bien l’aspect « trans » et fluctuant des objets étudiés. Pas plus que chez Bourdarias ou Sylvanus, le but n’est de faire le portrait de relations aisément lisibles. Il s’agit, bien au contraire, de montrer comment, dans un monde en rapide mutation, des rapports se tissent (ou tentent de se tisser) – en l’occurrence entre pôles du Sud dont on ne sait s’ils parviendront en fin de compte à s’entendre : Brésil, Afrique du Sud, Nigeria, Angola, Inde… – qui participent d’une approche novatrice, mouvante et plus qu’incertaine de la globalisation contemporaine.

32L’incertitude et, paradoxalement, la certitude de lendemains meilleurs, sont au cœur de la globalisation « autre » qu’explore l’essai de Dana Rush. Sur la base d’études de terrain approfondies et à partir d’un corpus d’images bien particulier – représentations de déités hindoues qui, depuis les années 1950, sont présentes sur les côtes du Togo, du Bénin et du Ghana, où elles se mêlent de façons diverses et complexes à la religion vodun –, l’auteure met en lumière une conception inattendue de la mondialisation. Les origines de cette lecture sont à rechercher dans la longue durée des relations entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie, dans une perception et une intériorisation sophistiquée des représentations de celles-ci et, pour emprunter un terme aux anthropologues Jean et John Comaroff [73] dont s’inspire aussi Sylvanus, de visions « millénaristes » d’un présent-futur en plein devenir.

33En point d’orgue du dossier, on trouvera une série de caricatures du célèbre dessinateur sud-africain Zapiro (alias Jonathan Shapiro). Comme l’ont relevé plusieurs auteurs, touchant l’Afrique notamment [74], la caricature n’est pas que matière à rire – Zapiro en est plus que conscient, accusé qu’il est par Jacob Zuma de diffamation pour un de ses dessins. Dans les images proposées ici, on trouvera une lecture engagée, drôle et poignante de questions soulevées dans les essais qui les précèdent : anxiété, colère et parfois xénophobie face à l’« autre » venu d’Asie ; fascination aussi et ouverture, désir de collaboration ; compétition et soutien ; critique populaire de décisions prises en haut lieu… Au ludique et au commentaire se mêle en filigrane une réelle analyse, qui fait des caricatures choisies pour ce dossier moins une clôture qu’une invitation au dialogue et à la réflexion plus avant.

Notes

  • [1]
    Pas plus l’étoffe que la cane ou même le chapeau ne sont nécessairement africains. Le kente, le « vrai », se produit de moins en moins au Ghana, d’où il est originaire. Celui que porte M. Liu a plusieurs origines possibles, dont la Chine elle-même qui, au grand dam d’entreprises du textile au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, inonde depuis cinq à six ans l’Afrique de contrefaçons – imitations de wax prints produits à l’origine en Hollande, puis en Afrique de l’Ouest, parmi lesquels on trouve nombre de copies imprimées de tissages kente. La cane aux créatures « africaines » génériques pourra certes avoir été faite en Afrique (au Sénégal, par exemple, où, sur le marché de Soumbédioune, à Dakar, se ravitaillent les touristes à la recherche d’« authentiques souvenirs »), mais il est tout aussi probable qu’elle provienne de la banlieue parisienne, de Brixton ou de Brooklyn ; il en va de même pour le chapeau. Pour un excellent survol des mutations du symbolisme kente, voir D. Ross (dir.). Wrapped in Pride : Ghanaian Kente and African American Identity, Los Angeles, Fowler Museum of Cultural History, 1998, en particulier p. 151-290 (à ne pas manquer, une photo publicitaire de la compagnie Disney où apparaissent Mickey et Minnie, vêtus tous deux d’étoffes kente qui ressemblent bigrement à celle de M. Liu – Figure 13.24, p. 281).
  • [2]
    Imaginaires qui jouent un rôle important dans la construction des identités au sein de communautés de la petite et moyenne bourgeoisie afro-américaine – d’où le choix de Bill Clinton, qui courtisait alors les voix et les donations de ces communautés, d’arborer lui aussi, lors d’un voyage officiel au Ghana en 1998, une étoffe kente.
  • [3]
    Voir C. Coonan, « China’s new export : farmers », The Independent, 29 décembre 2008.
  • [4]
    MqVU, « Is Baoding cun a hoax ? Or a “cultural phenomenon” ? », document électronique mis en ligne le 5 février 2009, http://mqvu.wordpress.com/2009/02/05/baodingvillage/. MqVU est le nom d’une équipe de chercheurs de l’université de Macquarie à Sidney et de l’Université libre d’Amsterdam travaillant sur un projet d’analyse de l’aide économique, de projets de développement et de migrations chinoises à l’échelle mondiale.
  • [5]
    Voir A. Kernen, La Chine vers l’économie de marché : les privatisations à Shenyang, Paris, Karthala, 2004.
  • [6]
    Voir, dans la littérature la plus récente, W. G. Martin, « Africa’s future : from North-South to East-South ? », Third World Quarterly, vol. 29, n° 2, 2008, p. 339-356 ; I. Taylor, China’s New Role in Africa, Boulder, Lynn Rienner Publishers, 2009. Pour une lecture nuancée, voir C. Alden, China in Africa, Londres & New York, Zed Books, Palgrave Macmillan, 2007 et D. Large, C. Alden et R. Soares de Oliviera (dir.), China Returns to Africa : A Rising Power and a Continent Embrace, Londres, Hurst, 2008.
  • [7]
    Pour un bilan des connaissances sur ce sujet, voir D. Large, « Beyond “Dragon in the Bush” : the study of China-Africa relations », African Affairs, vol. 197, n° 426, 2008, p. 45-61.
  • [8]
    Voir, entre autres, H. G. Broadman, Africa’s Silk Road : China and India’s New Economic Frontier, Washington, Banque mondiale, 2006. Pour un point de vue chinois sur le même thème, S. Guo et J.M. Blanchard(dir.), Harmonious World and China’s New Foreign Policy, Lanham, Lexington Books, 2008. Pour une approche de la question venue d’Afrique, K. Ampiah et S. Naidu (dir.), Crouching Tiger, Hidden Dragon ? Africa and China, Scottsville, University of KwaZulu-Natal Press, 2008. Pour des photos aidant à contextualiser les données présentées dans les textes cités ci-avant, on pourra consulter les illustrations qui accompagnent l’ouvrage de S. Michel et M. Beuret, La Chinafrique : Pékin à la conquête du continent noir, Paris, Grasset, 2008 (photos de Paulo Woods). Voir également une brève bibliographie de textes en chinois qui explorent l’impact des investissements Sud-Sud de la Chine, en Afrique et ailleurs, sur le site http://mqvu.files.wordpress.com/2009/01/bibliography-on-china.doc, p. 4-5. On trouvera d’autre part une carte interactive des principaux investissements chinois en Afrique sur le site http://worldfocus.org/blog/2009/02/13/qa-china-fortifies-partnerships-in-africa/3987/.
  • [9]
    J. Coussy et J. Lauseig, « L’Asie en Afrique. Introduction au thème », numéro spécial de Politique africaine sur « La renaissance afro-asiatique », n° 76, décembre 1999, p. 5-17.
  • [10]
    R. Marchal, Afrique-Asie : une autre globalisation, à paraître.
  • [11]
    A. Kernen et B. Vulliet, « Les petits commerçants et entrepreneurs chinois au Mali et au Sénégal », Sociétés politiques comparées, n° 5, mai 2008, http://www.fasopo.org/reasopo/n5/societespolitiquescomparees5_article.pdf.
  • [12]
    Merci à S. Geenen et K. Titeca de nous avoir confié cette information de terrain. Mariana van Zeller fait la même remarque concernant le sud de l’Angola (voir son documentaire de 2007, intitulé « Chinatown, Africa » : http://www.marianavanzeller.com/2008/12/chinatown-africa.html.
  • [13]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, CEDEAO-CSAO/OCDE, décembre 2006, p. 9.
  • [14]
    Voir B. Sautman, « Friends and interests : China’s distinctive links with Africa », Center on China’s Transational Relations, working paper, n° 12, The Hong Kong University of Science and Technology, 2006, http://www.cctr.ust.hk/articles/pdf/WorkingPaper12.pdf.
  • [15]
    Voir W. McLean, « Africans marvel, fret at China’s hard workers », Mail & Guardian (Londres), 21 août 2008.
  • [16]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, op. cit., p. 8.
  • [17]
    G. Mohan et D. Kale, The Invisible Hand of South-South Globalisation : Chinese Migrants in Africa, A Report of the Rockfeller Foundation Prepared by The Development Policy and Practice Department, The Open University, Milton Keynes, octobre 2007. Voir également M. Dupré et W. Shi, La Présence chinoise en Afrique de l’Ouest : le cas du Mali et du Bénin, document de travail, Agence française de développement, août 2008.
  • [18]
    T. Vircoulon, « Chinois d’Afrique, Chinois en Afrique et Afro-Chinois : les multiples visages de la communauté chinoise d’Afrique du Sud », Monde chinois, n° 8, 2006, p. 27-38.
  • [19]
    « L’Afrique nouvelle frontière de la Chine », Le Monde, 15 décembre 2007.
  • [20]
    Voir également les travaux menés par E. Keller dans le cadre de l’UCLA Globalization Research Center-Africa qui, en avril 2007, organisait une conférence intitulée « Rethinking Africa’s “China factor” : identifying players, strategies, and practices ». Cette conférence mettait en perspective les stratégies multiformes et complexes de l’engagement renouvelé de la Chine en Afrique, à la fois du point de vue de la diplomatie chinoise et de l’impact de la Chine sur la politique économique internationale, mais également de celui plus éclaté des nombreux réseaux d’acteurs à la fois étatiques et non étatiques.
  • [21]
    A. Kernen, « Les stratégies chinoises en Afrique : du pétrole aux bassines en plastique », Politique africaine, n° 105, mars 2007, p. 163-180.
  • [22]
    Voir A. Kernen et B. Vuillet, art. cit., p. 6.
  • [23]
    E. Hsu, « Medecine as business : Chinese medicine in Tanzania », in C. Alden, D. Large et R. Soares de Oliviera (dir.), op. cit. On notera aussi la présence de médecins chinois œuvrant loin des grands centres, au Niger notamment (A. Makosky, communication personnelle, 9 mars 2009).
  • [24]
    S. Bredeloup et B. Bertoncello, « La migration chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou “sanglot de l’homme noir” ? », Afrique contemporaine, vol. 2, n° 218, 2006, p. 199-224.
  • [25]
    On consultera avec intérêt, à ce sujet, les travaux de F. Vergès sur les réseaux d’échanges et de créolisation sur la côte est-africaine, à la Réunion et dans l’océan Indien plus largement. Voir notamment « L’océan Indien, un territoire de recherche multiculturelle », Hermès, n° 32-33, 2002, p. 447-456 et « Writing on water : peripheries, flows, capital and struggles in the Indian Ocean », Positions : East Asia Cultures Critique, vol. 11, n° 1, 2003, p. 241-257.
  • [26]
    A. Gaye, « La nouvelle donne chinoise en Afrique », colloque « L’Afrique et l’Europe dans la nouvelle géopolitique mondiale », 24 janvier 2008, http://www.gabrielperi.fr/IMG/article_PDF/La-nouvelle-donne-chinoise-en.pdf.
  • [27]
    S. Bredeloup et B. Bertoncello, art. cit., p. 218-219.
  • [28]
    « En Zambie, sentiments antichinois à vif avant l’arrivée de Hu Jintao », L’Afrique aujourd’hui, 22 février 2007.
  • [29]
    S. Michel, « Chinois en Zambie : l’amitié entre les peuples, sauce aigre-douce », Le Monde 2, dossier « Chine Afrique : quand l’histoire tourne mal », 24 octobre 2008.
  • [30]
    « Africa : striking Chinese workers sent home », Infoshop News, 7 avril 2008 http://communicatinglabourrights.wordpress.com/2008/04/07/africa-striking-chinese-workers-sent-home/.
  • [31]
    C. Obi, « Enter the Dragon ? Chinese oil companies & resistance in the Niger Delta », Review of African Political Economy, vol. 35, n° 3, septembre 2008, p. 417-434 ; W. McLean, art. cit.
  • [32]
    La Banque mondiale a elle-même encouragé ces ouvertures du droit foncier aux investisseurs étrangers pour répondre à la crise alimentaire mondiale. Voir Grain, Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière, rapport, octobre 2008, p. 12. Les données du paragraphe qui suit sont tirées de ce rapport disponible sur le site http://www.grain.org/briefings/ ?id=213.
  • [33]
    Ibid, p. 2.
  • [34]
    « India–boosting trade with Africa, Indian companies promote their products in African markets… », Africa Business Pages, Business Guide Internet Edition, http://www.africa-business.com/features/india_africa.html.
  • [35]
    Grain, op. cit., annexe, p. 10. Certes, l’acquisition foncière à grande échelle par des membres de communautés expatriées n’est pas chose entièrement nouvelle. Comme le fait remarquer Laurent Fourchard (communication personnelle, 10 mars 2009), une particularité de certaines communautés indiennes et libanaises est d’avoir bénéficié depuis des décennies de droits de propriété foncière, droits qui, même s’ils ont parfois été remis en question, leur ont permis de prospérer dans nombre de pays africains. La nouveauté, dans le contexte qui attire notre attention ici, est donc moins la chose en elle-même que la variété des acteurs qu’attire aujourd’hui l’acquisition foncière à grande échelle et celle, aussi, des stratégies qu’ils mettent en œuvre pour y accéder.
  • [36]
    Sur les relations entre l’« affaire Daewo » et la crise politique malgache, voir les articles de M. Pellerin et D. Galibert dans ce même numéro.
  • [37]
    C. Ulrich, « Madagascar : la Corée du Sud loue la moitié des terres arables à Madagascar », Global Voices, 23 novembre 2008, et C. Ulrich, « Madagascar : l’accord avec Daewoo finalement rejeté par le gouvernement », Global Voices, 26 novembre 2008, relatant l’article de M. Rakotomalala, « L’État malgache lâche Daewoo », L’Express de Madagascar, 27 novembre 2008.
  • [38]
    G. Collender, « Far from home : Chinese farms in Africa », London International Development Center (LIDC), 8 décembre 2008, http://lidc.bloomsbury.ac.uk/news_detail.php ?news_id=42.
  • [39]
    P. Utomi, « China in Nigeria », rapport du Center for Strategic and International Studies (CSIS), 4 juin 2008.
  • [40]
    M. Lee, « Uganda-China relationship in the 21st Century », communication au colloque « Rethinking the China-Africa Relationship », avril 2007, http://www.globalization-africa.org/papers/81.pdf.
  • [41]
    A. Kernen et B. Vulliet, art. cit.
  • [42]
    G. Dobler, « Cheapness and resentment : Chinese traders and local society in Oshikango, Namibia », conférence donnée à l’African Studies Centre, Leiden, 27 mars 2008, http://www.asclei-den.nl/Pdf/paperdobler.pdf.
  • [43]
    A. Kernen et B. Vuillet, art. cit.
  • [44]
    J. Carling et H. Østbø Haugen, « On the edge of the Chinese diaspora : the surge of Baihuo busi-ness in an African city », Ethnic and Racial Studies, vol. 28, n° 4, 2005, p. 639-662.
  • [45]
    W. McLean, art. cit.
  • [46]
    Voir le documentaire de Mariana van Zeller, « Chinatown, Africa » (2007), précédemment cité. À Lagos, on trouve une situation analogue : petites échoppes où l’on peut acheter et manger chinois (ainsi que fast-foods tel Mr. Bigg’s où se vendent des assiettes en plastique qui croulent sous le fried rice à la cantonaise), ainsi que de gigantesques et luxueux restaurants où se donne rendez-vous la bourgeoisie locale et où les prix rivalisent avec ceux de New York ou de Londres.
  • [47]
    A. Makosky, communication personnelle, 9 mars 2009.
  • [48]
    Ce programme quinquennal visait à développer des relations commerciales avec plusieurs pays cibles : l’île Maurice, le Kenya et l’Éthiopie, notamment, et a été élargi en 2003 à dix-huit pays d’Afrique subsaharienne et six autres d’Afrique du Nord dans lesquels l’Inde disposait déjà de représentations diplomatiques. « Indian Government to Expand Focus Africa programme », Emerging Markets Economy, 11 février 2003, http://findarticles.com/p/articles/mi_qn4174/is_20030211/ai_n12917101.
  • [49]
    Voir sur ce sujet F. Landy, « Projections de l’Inde sur l’Afrique. L’image post-apartheid de l’Inde, chez les “Indiens” de Durban », Politique africaine, n° 76, décembre 1999, p. 91-93. L’auteur met notamment en garde contre une assimilation des Non Resident Indians, émigrés récents qui gardent des contacts étroits avec leur pays d’origine, et les émigrations plus anciennes, aux contours statistiques plus flous, dont les liens avec l’Inde se sont au fil du temps distendus. L’auteur donne l’exemple de l’Afrique du Sud, où les relations avec l’Inde restent faibles et dans lesquelles le rôle des Sud-Africains d’origine indienne reste à déterminer. Au Cap en particulier, la question de ce rôle, et des constructions identitaires auquel il renvoie, est touffue. À ce sujet, on lira avec intérêt l’ouvrage dirigé par Z. Erasmus, Coloured by History, Shaped by Place : New Pesrpectives on Coloured Identities in Cape Town, Le Cap, Kwela Books, 2001, ainsi qu’un essai de K. Ward et N. Worden, « Commemorating, suppressing, and invoking slavery », in S. Nuttall et C. Coetzee (dir.), Negotiating the Past : The Making of Memory in South Africa, Oxford et New York, Oxford University Press, 2000, p. 201-220. Il faudra cependant se garder de conclure que ce qui semble indubitable pour l’Afrique du Sud l’est pour d’autres pays aussi. Les liens entre communautés d’origine indienne, établies depuis des générations en Afrique de l’Est, et l’Inde elle-même sont sans aucun doute moins éphémères et, quoi qu’il en soit, ont des spécificités qui leur sont propres.
  • [50]
    F. Oliveira, « International strategies and the South-South dialogue in the Lula administration : lasting alliances or ephemeral coalitions ? », in F. Villares (dir.), India, Brasil and South Africa : Perspectives and Alliances, São Paulo, IEEI, 2007.
  • [51]
    Voir sur ce thème les travaux d’Hélène Thiollet qui s’intéresse au champ peu étudié des migrations érythréennes dans la péninsule arabique.
  • [52]
    Voir F. Lafargue, « La rivalité entre la Chine et l’Inde en Afrique australe », Afrique contemporaine, n° 222, 2007, p. 167-179.
  • [53]
    J. Santiso, « La Chine et l’Inde en Amérique latine et en Afrique », Problèmes d’Amérique latine, n° 66-67, 2007, p. 157-170.
  • [54]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, op. cit.
  • [55]
    La Chine est devenue le deuxième importateur de pétrole angolais après les États-Unis, multipliant ainsi par sept ses relations commerciales avec Luanda depuis 2002. I. Campos et A. Vines, « Angola and China, a pragmatic partnership », rapport du Center for Strategic and International Studies (CSIS), Washington, 4 juin 2008.
  • [56]
    S. Michel, « En Angola, son premier partenaire africain, la Chine essuie plusieurs revers », Le Monde (édition internationale), 24 octobre 2008, p. 6.
  • [57]
    Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. L’Afrique et la Chine, op. cit., p. 15.
  • [58]
    U. Gosset, « La longue marche du “Mao” africain », http://www.france24.com/fr/20080223-longue-marche-%C2%AB-mao-%C2%BB-africain.
  • [59]
    Voir notamment R. Marchal, Afrique-Asie, op. cit.
  • [60]
    Voir par exemple l’Afro-Shangaï blog, http://www.afroshanghai.com/blog/.
  • [61]
    En 2004 paraissent les deux premiers livres de ce genre publiés par des auteurs sud-africains (tous deux publiés par l’organisme sud-africain International Global Dialogue) : G. Le Pere (dir.), China Through The Third Eye – South African Perspective, et K. vanderWath, Doing Business In China – The System and the Strategies. Certes, il ne s’agit pas là de textes à vocation populaire, mais leur parution souligne l’importance grandissante des investissements africains en Chine.
  • [62]
    R. Marchal, Afrique-Asie, op. cit.
  • [63]
    E. Osnos, « Letter from China : The Promised Land : Guangzhou’s Canaan market and the rise of an African merchant class », The New Yorker, 9 février 2009, p. 50. Voir aussi S. Bredeloup et O. Pliez, « Hong Kong, Gangzhou, Yiwu : de nouveaux comptoirs africians en Chine », Critique internationale, à paraître.
  • [64]
    Voir R. Marchal, op. cit. Les Africains en Chine font face à une certaine violence policière. Sur les blogs d’expatriés, on trouve de nombreux récits de contrôle au faciès, de propos racistes, de bastonnades et d’incarcérations sur la base de suppositions sans fondement. En 2007, notamment, à la veille des Jeux olympiques, les villes chinoises (et « Chocolate City » en particulier) ont connu des rafles anti-africaines violentes. Pour un exemple, celui-ci à Pékin, voir J. Brea, « Beijing police round up and beat African expats », The Guardian (Londres), 26 septembre 2007.
  • [65]
    Une série d’échanges nourris sur la liste de diffusion de l’association H-Africa dans les premières semaines de mars 2009 souligne l’importance de plus en plus grande accordée par les chercheurs à l’enseignement du chinois dans les universités africaines et, en contrepartie, l’intérêt accru de certaines universités chinoises pour l’enseignement de langues africaines (quoiqu’il semble que cela se limite, pour la plupart, aux seuls Swahili et Hausa).
  • [66]
    Là aussi, quelques publications récentes ouvrent cependant des perspectives. Il s’agit notamment de romans étudiés par Katherine Baxter (université de Hong Kong), qui mettent en scène des personnages africains en Asie. Voir, par exemple, K. Kamoche, A Fragile Hope, Cambridge, Salt Publishing 2007.
  • [67]
    Pour des analyses sur les migrations dans des pays autres que la Chine, voir S. de Silva Jayasuriya, African Identity in Asia : Cultural Effects of Forced Migrations, Princeton, Markus Wiener Publishers, 2008, ou encore B. Mirzai, « African presence in Iran : identity and its reconstruction », Outre-Mer, Revue d’histoire, n° 336-337, 2e semestre 2002, p. 229-246. On pourra aussi s’intéresser au documentaire de B. Mirzai, « Afro-Iranian lives », 2008. Voir également L. Anshan, « A history of Chinese overseas in Africa », et « Social history of Chinese overseas in Africa : selected documents, 1800-2005 », (voir http://worldfocus.org/blog/2009/02/13/qa-china-fortifies-partnerships-in-africa/3987/ et http://www.huffingtonpost.com/2009/02/18/china-deepens-ties-with-a_n_167888.html.
  • [68]
    D. Bocquet, « Les pays émergents : une nouvelle phase de l’histoire ? », Commentaire, n° 121, printemps 2008, p. 277-281.
  • [69]
    D. Chakraborty et D. Sengupta, « IBSAC (India, Brazil, South Africa, China) : a potential developing country coalition in WTO negotiations ? », SH occasional Paper n°18, Publication of the French Research Institutes in India, New Delhi, 2006.
  • [70]
    Z. Roelofse-Campbell, « Brazil and South Africa : an evolving relationship between regional powers », Politeia (Pretoria), 1997, vol. 16, n° 2, p. 16-36.
  • [71]
    A. Hurell et A. Narlikar, « A new politics of confrontation ? Brazil and India in multilateral trade negotiations », Global Society, vol. 20, n° 4, 2006, p. 415-433 ; D. Chakraborty et D. Sengupta, op. cit. ; H. Solomon, « India-Brazil-South Africa : beyond the rhetoric », Electronic Briefing Paper, n° 63, Centre for International Political Studies, University of Pretoria, 2008 ; G. Lechini, « IBSA and the new South-South cooperation », South Bulletin, n° 6, 16 décembre 2006. Enfin, pour une lecture des rivalités régionales créées par la constitution de l’IBSA, voir C. Alden et M.A. Vieira, « India, Brazil and South Africa, a lasting partnership ? Assessing the role of identity in IBSA », présentation faite aux rencontres annuelles de l’International Studies Association, San Francisco, le 26mars 2008, http://www.allacademic.com/meta/p251819_index.html.
  • [72]
    Sur ce thème, voir A. Novoseloff, « La place des pays émergents aux Nations unies », in C. Jaffrelot (dir.), L’Enjeu mondial. Les pays émergents, Paris, Les Presses de Sciences Po/L’Express, 2008, p. 259-272, ainsi que A. Nourad, The Group of 77 at the United Nations, Oxford, Oxford University Press, 2006.
  • [73]
    J. et J. Comaroff, « Millenial capitalism : first thoughts on a second coming », Public Culture, vol. 12, n° 2, 2000, p. 291-343.
  • [74]
    J. A. Lent (dir.), Cartooning in Africa, Cresskill, Hambpton Press, 2009 ; A. Mbembe, « La “chose” et ses doubles dans la caricature camerounaise », Cahiers d’études africaines, vol. 36, no 141-142, 1996, p. 143-70 ; S. Newell (dir.), Readings in African Popular Fiction, Bloomington et Oxford, Indiana University Press/James Currey, 2002.
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