Notes
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[1]
Cette région, située au cœur géographique de l’Angola, correspond aux provinces de Huambo et Bié et à une partie des provinces de Kwanza Sud et de Benguela. Ancien « grenier à céréales » depuis la généralisation de l’agriculture commerciale à partir des années 1920, la région, la plus peuplée du pays, a également servi de réservoir de travailleurs conscrits, envoyés dans les plantations de café du nord ou les usines de poissons de la côte atlantique, dans la région de Namibe.
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[2]
Principal groupe ethnique de l’Angola, les Ovimbundu représentent environ 35 % de la population.
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[3]
Jonas Savimbi a été tué au cours d’une embuscade le 22 février 2002. Rapidement, l’Unita dépose les armes, et le 30 mars, les deux parties se mettent d’accord sur le texte d’un protocole d’accord, qui est signé à Luanda le 4 avril. Techniquement, le protocole de Luena est un addendum au protocole de Lusaka de 1994. Politiquement, il s’agit plus d’un accord de reddition que d’un accord de paix. Voir A. Griffiths, « The end of the war. The Luena Memorandum of understanding », Accord, n° 15, 2004, p. 24-27. Pour le texte du protocole, voir www.c-r.org/our-work/accord/angola/key-texts.php. Voir aussi C. Messiant, « Fin de la guerre, enfin, en Angola. Vers quelle paix ? », Politique africaine, n° 86, juin 2002, p. 183-195.
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[4]
Sur les racines du nationalisme angolais et de ses divisions, voir notamment C. Messiant, 1961. L’Angola colonial, histoire et société, Bâle, P. Schlettwein Publishing, 2006.
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[5]
Voir par exemple P. Gleijeses, Conflicting Missions. Havana, Washington, and Africa, 1959-1976, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002.
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[6]
Voir G. de Loanda, « La longue marche de l’Unita vers Luanda », Politique africaine, n° 57, mars 1995, p. 63-70, ainsi que F. Bridgland, Jonas Savimbi. A Key to Africa, Edimbourg, Mainstream Publishing, 1986.
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[7]
Le Coq noir, emblème de l’Unita, est devenu également un synonyme pour décrire le parti ou, parfois, son fondateur.
-
[8]
Sur l’ethnicisation du conflit angolais, voir C. Messiant, « Angola, les voies de l’ethnisation et de la décomposition, I. De la guerre à la paix (1975-1991) : le conflit armé, les interventions internationales et le peuple angolais », Lusotopie, 1994, p. 155-210, et « Angola, les voies de l’ethnisation et de la décomposition, II. Transition à la démocratie ou marche à la guerre ? L’épanouissement des deux “partis armés” (mai 1991- septembre 1992) », Lusotopie, 1995, p. 181-212.
-
[9]
Les interactions entre Cubains et populations locales demandent encore à être analysées, et l’on ne sait pas à quel point la propagande de l’Unita a suscité de la méfiance à l’égard des Cubains, ni d’ailleurs dans quelle mesure ces sentiments ont pu inciter des gens à rejoindre l’Unita. Quoi qu’il en soit, la plupart des personnes qui ont adhéré au parti de Jonas Savimbi dans les années 1970 citent la présence cubaine comme l’une des raisons principales de leur choix.
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[10]
Sur cette dérive, lire Fred Bridgland, auteur, en 1986, d’une biographie très complaisante de Savimbi, et qui, près de dix ans plus tard, a témoigné de la manière dont Savimbi aurait peu à peu éliminé, dès la fin des années 1970, tous ses rivaux potentiels au sein de l’Unita, dont notamment son jeune et brillant « ministre des Affaires étrangères » Pedro (« Tito ») Chingunji, très en vue à Washington à la fin des années 1980, au moment de sa « disgrâce ». Voir F. Bridgland, « Savimbi et l’exercice du pouvoir. Un témoignage », Politique africaine, n° 57, mars 1995, p. 94-102. Sur l’instrumentalisation par Savimbi des symboles du pouvoir « traditionnel » ovimbundu, voir L. Heywood, « Towards an understanding of modern political ideology in Africa: the case of the Ovimbundu of Angola », Journal of Modern African Studies, vol. 36, n° 1, 1998, p. 139-167.
-
[11]
I. Brinkman, A War for People : Civilians, Mobility, and Legitimacy in South-East Angola during MPLA’s War for Independence, Cologne, Rüdiger Köppe, 2006.
-
[12]
T. Blom Hansen et F. Stepputat, « Introduction », in T. Blom Hansen et F. Stepputat (dir.), Sovereign Bodies : Citizens, Migrants and States in the Postcolonial World, Princeton, Princeton University Press, 2005, p. 26.
-
[13]
À la fin des années 1990, le discours à propos de l’Unita, en Angola tout d’abord, mais également sur la scène internationale, se durcit à mesure que sont introduites des sanctions contre le mouvement et ses dirigeants. Dans la foulée, le conflit angolais se « judiciarise » également, rendant de moins en moins probable la possibilité d’une solution négociée. Voir C. Messiant, « Des alliances de la guerre froide à la juridisation du conflit angolais : vers la judiciarisation ? », in P. Hassner et R. Marchal (dir.), Guerres et sociétés. État et violence après la Guerre froide, Paris, Karthala, 2003, p. 491-520.
-
[14]
Diário da Assembleia nacional, n° 1, 1999-2000, série I, n° 4/Extraord/2000, session plénière extraordinaire, 20 juin 2000, séance de l’après-midi.
-
[15]
Sur la crise humanitaire que crée la dernière phase de la guerre en Angola, voir C. Messiant, « Fin de la guerre… », art. cit., ainsi que J. Gomes Porto, C. Alden et I. Parsons, From Soldiers to Citizens. Demilitarization of Conflict and Society, Aldershot, Ashgate, 2007, chapitre 2.
-
[16]
Le recensement électoral en vue des législatives de septembre 2008 a été réalisé entre novembre 2006 et septembre 2007. Il a été ensuite prolongé de quelques semaines en mai-juin 2008.
-
[17]
Fuba e couve, la nourriture de base dans les campagnes du planalto.
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[18]
Il était alors très difficile, dans les zones Unita, de se procurer ce genre de produits de base ainsi que nombre d’autres produits manufacturés : les usines du planalto ne fonctionnaient plus et l’Unita interdisait le commerce avec les villes côtières, restées sous contrôle gouvernemental.
-
[19]
Le MPLA a officiellement fêté son cinquantième anniversaire en 2006, même s’il est désormais avéré qu’en tant que tel, le mouvement n’a été fondé qu’en 1960. Voir C. Messiant, « “Chez nous, même le passé est imprévisible”. L’expérience d’une recherche sur le nationalisme angolais, et particulièrement le MPLA : sources, critique, besoins actuels de la recherche », Lusotopie, 1998, p. 157-197.
-
[20]
Voir notamment Human Rights Watch, Unfinished Democracy : Media and Political Freedom in Angola, juillet 2004, disponible sur http://hrw.org/backgrounder/africa/angola/2004/angola0704.pdf.
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[21]
Signe des temps, l’Église congrégationaliste, la principale Église protestante du planalto, dont est issue une partie des cadres historiques de l’Unita, et qui avait ouvertement soutenu Savimbi et son parti lors des élections de 1992, a opté pour une politique officielle de neutralité en vue des législatives de 2008.
-
[22]
A. Vines, « La troisième guerre angolaise », Politique africaine, n° 57, mars 1995, p. 27-39.
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[23]
Les « organisations de défense civile », milices organisées ou « citoyens en armes » ont joué un rôle non négligeable dans la guerre civile angolaise. La question de leur désarmement a constitué une importante pierre d’achoppement lors des tentatives de règlement du conflit des années 1990, l’Unita reprochant notamment au gouvernement de ne pas tenir ses promesses à ce sujet. D’où la force du symbole dans le contexte actuel.
1Le planalto central angolais est la région qui est communément associée à l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) [1]. C’est de là qu’était originaire son fondateur et dirigeant historique, Jonas Savimbi, et c’est notamment au sein de l’ethnie ovimbundu, majoritaire dans la région, que Savimbi a construit la base sociale de son mouvement [2]. Durant la guerre civile, l’Unita a d’ailleurs cherché à se présenter comme le champion des Ovimbundu, et plus généralement de tous les Angolais noirs ou originaires de la partie sud du pays contre un gouvernement qui, selon Savimbi, était dominé par une élite créole luandaise. C’est à Huambo, la principale ville du planalto central, que Savimbi déclare en 1975, grâce à une alliance de circonstance avec le Front de libération nationale de l’Angola (FNLA), l’indépendance d’une République démocratique d’Angola mort-née, et c’est de cette ville qu’il tente de prendre le contrôle de l’Angola après l’échec des élections de 1992, lors desquelles l’Unita avait obtenu la majorité des voix dans les provinces du planalto.
2À l’approche des élections de 2008, il semble nettement peu probable que l’Unita réitère son succès électoral de 1992 sur le planalto. Cet article se propose de mettre en perspective les difficultés que rencontre actuellement l’Unita dans son ancien bastion. Il s’agira de montrer que le parti n’est pas parvenu à rompre avec son passé, ni à établir des liens avec son électorat qui correspondraient mieux aux règles du jeu dans le contexte d’élections multipartites. Ceci rend d’autant plus ardue l’opposition au Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA, au pouvoir depuis l’indépendance) qui jouit d’avantages exorbitants comme gouvernement sortant et comme vainqueur indiscutable de la guerre.
3Cet article se base sur des entretiens réalisés en Angola durant deux périodes distinctes. Les premiers remontent aux années 2001 à 2003, et ils couvrent les derniers mois de la guerre civile, ainsi que la période suivant immédiatement la mort de Jonas Savimbi et le protocole d’accord de Luena signé entre les Forces armées angolaises (FAA) et la direction militaire de l’Unita [3]. Ils ont eu lieu en différents endroits du centre et de l’est de l’Angola, avec des personnes ayant passé toute ou partie de leur vie sous contrôle de l’Unita. Les entretiens les plus récents ont été réalisés en 2008 dans la province de Huambo, auprès de personnes aux affiliations politiques variées. Alors que les premiers entretiens dépeignent, sur fond de guerre finissante, l’affaiblissement du contrôle de l’Unita sur « son peuple », les plus récents permettent de comprendre la façon dont est perçue actuellement l’Unita et portent sur la position du mouvement par rapport à la population de Huambo à l’approche des élections.
De la rébellion à l’opposition
4L’Unita a été fondée en 1966, en pleine guerre de décolonisation. Elle est le produit d’une scission au sein de l’un des mouvements nationalistes angolais, le FNLA de Holden Roberto, mouvement que Savimbi a quitté sous prétexte qu’il était dominé par les Bakongo et ne représentait pas les intérêts des travailleurs migrants ovimbundu dans le nord de l’Angola [4]. À l’indépendance en 1975, l’Unita est encore de loin le plus faible des trois mouvements. Sur le plan militaire tout d’abord, elle ne peut compter que sur quelques centaines de guérilleros [5], et politiquement ensuite, parce qu’elle ne dispose pas encore d’une base sociale à la mesure de celle ses deux adversaires, le MPLA et le FNLA. Dès cette époque pourtant, l’internationalisation de la guerre civile angolaise, et le soutien qu’obtiennent les principaux belligérants de la part des deux blocs de la Guerre froide, aident l’Unita à rattraper son retard. Aidée par l’Afrique du Sud puis par les États-Unis, elle bâtit une armée qui, à la fin des années 1980, lui permet de s’engager dans des batailles de type conventionnel.
5Parallèlement, l’Unita développe sa base sociale, tout en la resserrant : délogée de Huambo en 1993 par le MPLA et ses renforts cubains, l’Unita est contrainte de se retirer dans la « brousse ». Sa « longue marche » la conduit à Jamba, dans ce que les Portugais appelaient les Terras do Fim do Mundo, à l’extrême sud-est du pays, où elle établit ce qui restera sa capitale jusqu’au début des années 1990 [6]. Paradoxalement, c’est dans le sillage de cette défaite initiale que l’Unita trouve son second souffle, et c’est là aussi que se mettent en place les principaux ressorts de la relation qui s’établit entre elle et « son peuple ». Tout d’abord, le mouvement du Coq noir [7] doit une bonne partie de l’élargissement de sa base sociale dans le planalto central (et au-delà) à la manière dont il parvient alors à jouer la carte identitaire. L’Unita opère en effet un glissement marqué vers un discours « ethnicisant », voire « racialisant », construit autour de ce que son leader présente comme la discrimination qu’imposent au peuple ovimbundu des élites côtières acculturées et déconnectées de « l’Angola véritable » [8], et autour de la présence de troupes cubaines « d’invasion » qui ajoutent encore à l’aliénation des « vrais » Angolais [9]. Ensuite, dans les zones qu’elle tient militairement, l’Unita exerce un contrôle qui, d’autoritaire, glisse peu à peu vers le totalitaire : Savimbi ne tolère ni critique ni, bien sûr, dissidence, et ceux qui pourraient lui faire de l’ombre sont écartés, lorsqu’ils ne sont pas éliminés physiquement [10].
6« Championne » de la cause ovimbundu et pouvoir totalitaire, l’Unita peut alors compter, de la part de ses adhérents, sur un sentiment d’identification particulièrement fort, comme le laisse entendre l’idée qu’un individu est « une personne de l’Unita » (pessoa da Unita), ou que la population d’une région particulière est le « peuple de l’Unita » (povo da Unita). Nous le verrons, il n’est pas toujours évident de savoir si l’identification à l’Unita était l’expression d’une conviction politique sincère ou si elle était conditionnée par la peur et la nécessité, et cela a pu varier de cas en cas, mais il n’en demeure pas moins que le référent identitaire a eu une importance très grande. Enfin, dernière caractéristique importante de l’Unita alors qu’elle est à l’apogée de son pouvoir, et corollaire du totalitarisme de ses dirigeants, le sentiment d’identification et d’appartenance au Coq noir est indissociable des relations de type clientélaire qui s’établissent entre le parti et « son peuple ».
7Le contraste avec la situation actuelle de l’Unita est saisissant. En premier lieu, une combinaison de facteurs historiques et de décisions du régime MPLA ont réduit la portée et la légitimité des doléances invoquées par l’Unita pour mobiliser en sa faveur. Deuxièmement, l’Unita doit désormais lutter pour le pouvoir dans un système démocratique – au moins prétendument – où elle se trouve dans une situation particulièrement désavantageuse. Troisièmement, malgré ce qui vient d’être noté, la notion que l’on peut être « une personne de l’Unita » reste importante, et maintenant que l’Unita n’a plus le pouvoir coercitif qui était le sien durant la guerre civile, on peut supposer que toute personne qui s’identifie avec ce parti le fait plus par conviction. Enfin, les relations clientélistes entre le parti et ses adhérents existent toujours, ne serait-ce que de façon résiduelle, en tout cas dans l’esprit de ceux qui lui sont restés fidèles. En revanche, les moyens dont elle dispose pour les entretenir ne sont plus ce qu’ils étaient, bien entendu.
Être membre de l’Unita aujourd’hui
8Pour une représentation visuelle du rapport des forces politiques à Huambo – ou dans l’ensemble de l’Angola –, un détour par le quartier général des deux plus grands partis (MPLA et Unita) s’avère très instructif. Le siège du MPLA pour la province de Huambo est situé dans une imposante bâtisse de style colonial récemment rénovée, peinte dans les tons roses si chers à l’architecture des bâtiments officiels portugais, et qui, sous bonne garde policière, donne sur un parc tranquille. À quelques centaines de mètres en contrebas flotte, au mur d’un bâtiment commercial datant probablement des années 1960, le drapeau vert et rouge de l’Unita. Les murs et la cage d’escalier n’ont pas l’air d’avoir été repeints depuis la construction de l’immeuble, et il n’y a pas de vitres aux fenêtres. Si le lieu est peu avenant de prime abord, l’absence de gardes fait que l’on peut monter à l’étage sans rendez-vous. Il n’y a pas d’ordinateur, ni même de machine à écrire en vue. Dans un coin, quelques instruments de musique délabrés – un tuba, un trombone et une trompette – ramènent le visiteur à l’époque où l’Unita avait sa propre fanfare militaire. Pour seul mobilier, quelques chaises et tables en plastique. Et tous les jours, une douzaine de femmes et d’hommes attentent en silence de pouvoir offrir leurs services au parti ou de pouvoir solliciter une aide.
9L’une de ces femmes, à l’approche de la quarantaine, est de l’Unita depuis sa plus tendre enfance, lorsque ses parents adhérèrent au mouvement au moment de l’indépendance. Formée comme enseignante à Jamba, ses diplômes ne lui sont d’aucune utilité pour trouver un emploi. « Je n’ai pas de travail », dit-elle. « J’ai déjà essayé à de nombreuses reprises, mais cela n’est pas possible. Si vous êtes de l’Unita, vous ne pouvez pas trouver de travail dans les régions sous contrôle du gouvernement. Si vous n’avez pas de parrain, vous ne trouvez pas de travail ». À la question de savoir ce qu’est un « parrain », elle répond: « un parrain, cela veut dire… quelqu’un qui peut payer pour [obtenir] des documents, des certificats de formation professionnelle. Si quelqu’un est du gouvernement, il ou elle peut obtenir une place de responsable dans le domaine de la formation. Mais pour moi qui suis de l’Unita, si je n’ai pas de patron, je ne trouverai pas de travail. L’Unita peut m’aider ».
10Selon José Lias Gomes, secrétaire provincial de l’Unita pour la mobilisation, certains des visiteurs sont d’anciens soldats de l’Unita, mais la plupart sont simplement des fidèles de longue date du parti, qui ont soutenu le mouvement de façon clandestine à l’époque du parti-État (1977-1989), ou séjourné en tant que civils à Jamba. « Ils demandent du parti un soutien moral, la recherche d’un emploi – le parti compte quelques entrepreneurs qui peuvent les embaucher. Des conditions propices à la réintégration sociale – voilà plus ou moins les sollicitations que nous recevons de la part de nos militants ». D’autres, ajoute Gomes, viennent chercher de l’aide lorsqu’ils sont malades. « Comme vous le savez, nos hôpitaux n’ont pas de médicaments ; lorsqu’un malade se rend à l’hôpital, il ressort de la consultation avec une ordonnance pour aller se procurer les médicaments que l’hôpital ne possède pas. C’est dans ces circonstances que quelques militants ont recours à nous ».
11Une autre femme présente ce jour-là dans la salle d’attente, la cinquantaine, dit qu’elle a rejoint l’Unita en 1974 et qu’elle est allée « faire la révolution en brousse ». Elle dit avoir adhéré à l’Unita « par conviction », parce que « l’Unita était le seul parti patriotique, son dirigeant étant d’Angola et donc en mesure de résoudre le destin de l’Angola ». Cette femme a également été formée à Jamba, en tant que technicienne de laboratoire, et elle aussi se plaint de ne pas trouver de travail.
12Il n’est pas tout à fait exact que les membres de l’Unita n’ont aucune chance de se faire engager auprès de l’État, mais la capacité de l’administration civile à absorber les anciens membres et employés de l’Unita est très limitée. La haute fonction publique, qui plus est, est toujours largement dominée par des personnes loyales au MPLA. Quoi qu’il en soit, c’est la perception de la discrimination qui est importante, puisque c’est elle qui sert de ciment à la relation entre l’Unita et le noyau de membres qui lui restent fidèles.
13La situation actuelle est donc assez différente des revendications à base identitaire qui étaient au cœur de la stratégie de mobilisation de l’Unita des années 1960 aux années 1990, dominée, on l’a vu, par la défense des intérêts ethniques et régionaux, ainsi que par le rejet de « l’invasion cubaine ». Aujourd’hui, celles et ceux qui sollicitent l’aide de l’Unita ne se plaignent pas de discriminations au motif qu’ils sont noirs, ou ovimbundu, ou originaires du sud de l’Angola, et les Cubains sont partis depuis longtemps. Dès lors, la principale revendication de l’Unita, celle qu’elle met au centre de sa stratégie, c’est d’être elle-même l’objet de discriminations. En d’autres termes, c’est désormais le parti qui devient le référent identitaire central, ce qui sous-entendrait que celui-ci représente un pôle d’identification au moins aussi fort que les répertoires de l’ethnie, de la race ou de l’origine régionale. Comment cette « identité Unita » a-t-elle pu se développer ?
La loyauté au bout du fusil
14Dans les années 1980, lorsque l’Unita était à son apogée, avec une capitale, Jamba, des liens diplomatiques et commerciaux internationaux, ainsi que le soutien financier de l’Afrique du Sud d’apartheid, elle fonctionnait d’une façon peu éloignée d’un État: un État totalitaire qui exigeait une loyauté absolue de la part de ses sujets, mais qui assumait également l’entière responsabilité de leur formation, de leur emploi et de leur bien-être. Cette relation de contrôle et de patronage était basée sur des liens identitaires. Être, ou se vouloir, une « personne de l’Unita » impliquait de se soumettre au contrôle autoritaire du parti, mais donnait également droit à une certaine protection et un accès à la munificence du parti. Mais être « une personne de l’Unita » ne ressortait pas d’un choix: il s’agissait d’une question de survie. Ce type de relation était certes typique du contexte de quasi-État qu’était Jamba, mais on peut en trouver des racines dans les premières tentatives de l’Unita pour obtenir des soutiens à la fin de la période coloniale.
15Parmi les populations rurales de la région, celles et ceux qui sont assez âgés pour se souvenir du début des années 1970 disent que, jusqu’en 1974 ou 1975, ils ne connaissaient ni le MPLA, ni l’Unita. Quelles que soient les prétentions de l’Unita à représenter l’« indigénéité » du planalto, les distances importantes qui séparent la région de toute frontière internationale ont empêché les mouvements nationalistes de mobiliser les populations paysannes durant la guerre coloniale (1961-1974), l’armée portugaise ayant réussi à contrer les tentatives d’incursion des nationalistes dans la partie la plus peuplée du planalto. Seule la chute du régime salazariste, le 25 avril 1974, puis surtout le processus de décolonisation formelle qui s’est alors mis en place, ont donné aux mouvements nationalistes, au premier rang desquels l’Unita, la liberté d’action nécessaire à des actions politiques sur le planalto. Mais, pendant les années qui ont suivi l’indépendance, une proportion non négligeable de la région a échappé tant au contrôle du MPLA qu’à celui de l’Unita ; en revanche, les raids des deux armées n’ont épargné personne. Aujourd’hui, certaines personnes âgées parlent certes de l’admiration qu’elles ont ressentie pour l’Unita parce que « son leader était du sud », mais il n’empêche que c’est d’abord surtout sur le mode de la prédation qu’elles ont été en contact avec le mouvement de Savimbi. Un villageois de la province de Huambo se souvient de cette période dans les termes suivants: « Les forces de l’Unita sont souvent venues. Elles ne désiraient qu’une chose, voler les biens du peuple. Le MPLA lui aussi venait voler. Il n’y avait aucune armée qui respectait le peuple. Le MPLA venait se servir, l’Unita venait se servir ». La seule façon d’éviter de se faire tuer était d’offrir aux soldats ce qu’ils étaient venu chercher, et de se montrer soumis et loyal aux hommes en armes. Un habitant de Huambo l’explique en ces termes :
« Nous vivions constamment dans une situation de guerre qui était très difficile à comprendre. J’en veux pour preuve que ma mère, lorsque nous avons réussi à quitter Luena [dans l’est du pays] pour Huambo, a dû s’identifier auprès des deux mouvements [Unita et MPLA], parce qu’entre Luena et Katchiungo le train était sous contrôle de l’Unita, et de Katchiungo jusqu’ici [Huambo] il était sous contrôle du MPLA. Les voyageurs devaient avoir la possibilité de s’afficher avec l’un ou l’autre [des deux mouvements]. Pour rester en vie, il était nécessaire de dire que l’on était d’un parti ou d’un autre. Cette attitude de ma mère… Nous étions trois enfants, et elle devait nous protéger. Nous étions seuls, notre père était resté [à Luena]. Sincèrement, à l’époque, dire que l’on était d’un côté ou de l’autre était très compliqué. »
17Pour les paysans, il ne suffisait pas d’exprimer sa loyauté. Il fallait également fournir de la nourriture aux deux armées rivales. « Être d’un mouvement signifiait l’approvisionner volontairement – mais ceci [l’identification à l’un ou l’autre mouvement] pouvait changer avec le temps », indique un catéchiste qui a travaillé dans des zones agricoles durant toute la durée de la guerre. Cependant, comme le précise un ancien de village, « volontairement » peut avoir un sens bien particulier dans un contexte de guerre : « nous devions fournir volontairement de la nourriture – si nous ne le faisions pas, on nous la prenait de force ».
18Cet élément de coercition aide à expliquer le paradoxe qui est au cœur de la politique identitaire que la guerre civile a formée : conserver et proclamer son identité pouvait être une question de vie ou de mort, mais la profondeur des convictions politiques à la base de ces identités n’était pas évidente, et les identités pouvaient (et devaient) changer lorsque l’on passait du poste de contrôle d’un mouvement armé à celui d’un autre mouvement armé. Celles et ceux qui parlent de ce processus d’appartenance ont habituellement recours à l’expression « être de » l’un ou l’autre des mouvements, même lorsque ces personnes sont bien conscientes que cette affiliation ne résulte pas d’un choix, et tout aussi conscientes que cette affiliation est susceptible de devoir changer en tout temps. Comme le dit un prêtre catholique qui a grandi dans le planalto des années 1980 :
« On était obligé d’être du MPLA ou de l’Unita à cause des menaces, mais après, comme nous vivions dans cette situation où nous étions tantôt du MPLA, tantôt avec l’Unita, cela créait des problèmes au sein des familles, ou entre voisins, parce que celui qui est de l’Unita tue le MPLA, et celui qui est du MPLA tue l’Unita. En vérité, ce n’était pas la faute du peuple – c’était la situation en vigueur le pays qui voulait ça ».
20L’anthropologue Inge Brinkman a utilisé l’expression « Une guerre pour les gens » (« A war for people ») pour décrire le conflit opposant les autorités coloniales portugaises aux mouvements angolais luttant pour l’indépendance, une guerre durant laquelle les différentes parties au conflit cherchaient à devenir « riches en personnes » en « capturant » les populations [11]. Cette analyse s’applique tout aussi bien, selon moi, à la phase postindépendance de la guerre civile, lorsque le mouvement de personnes en direction des zones sous contrôle de l’Unita était essentiel à sa survie. Comme le dit un instituteur d’une école rurale qui, dans les années 1970, a travaillé pour le gouvernement du MPLA puis dans une région sous contrôle Unita, « pour pouvoir gouverner un pays, il faut du monde – qui ne possède personne ne gouverne pas » (« quem quer governar um país precisa pessoas – quem não tem gente, não governa »). Lorsque l’Unita se retire de Huambo en 1976, elle emmène avec elle une partie importante de la population, ainsi qu’un nombre non négligeable de cadres, formés notamment dans les missions chrétiennes. Aujourd’hui, cet épisode est remémoré par les sympathisants du MPLA comme un enlèvement à grande échelle, alors que pour ceux de l’Unita, il s’agit de personnes qui ont fui volontairement l’invasion cubaine pour chercher la protection de l’Unita. De toute évidence, il s’agissait alors pour l’Unita de développer une armée rebelle, mais les motifs qui l’ont poussée à rassembler autant de monde que possible sous son contrôle semblent avoir été autant politiques que militaires : il s’agissait de se procurer des « richesses en hommes », pour reprendre l’expression de Brinkman. Ou, si l’on se réfère à la manière dont Hansen et Stepputat présentent le défi auquel font face les mouvements nationalistes, l’Unita cherchait à acquérir « une nation, […] le référent qui rendait légitime le pouvoir d’État [12] ». L’Unita n’était pas un État au sens formel et institutionnel du terme, mais, comme nous l’avons déjà relevé, grâce aux soutiens financiers dont elle a bénéficié, elle a réussi à mettre sur pied à Jamba quelque chose qui ressemblait à un État, et le contrôle des populations était une condition sine qua non de sa légitimité para-étatique.
Reconquérir tout le peuple
21Néanmoins, la capacité à contrôler une population et à en disposer dépendait de la puissance militaire des deux partis et, pour cette raison, le « peuple de l’Unita » – même si, nous l’avons vu, cette catégorie a toujours été flexible –, s’est réduit comme une peau de chagrin lorsque le mouvement a perdu l’initiative militaire durant les années 1990. Après la reprise des derniers centres urbains encore sous contrôle de l’Unita – Bailundo dans la province de Huambo et Andulo dans celle de Bié en 1998, ainsi que Mavinga et Cuando Cubango en 2000 – par les Forces armées angolaises (FAA), ces dernières sont passées d’une stratégie de guerre conventionnelle à une stratégie de contre-subversion dont le but était de couper de tout soutien l’Unita et ses forces mobiles de guérilla. Le vice-ministre de la Défense Demóstenes Chilingutila esquissait cette stratégie dans un discours à l’Assemblée nationale le 20 juin 2000 :
« Les Forces armées et le gouvernement angolais ont établi une stratégie en vue de la destruction totale des forces et des moyens de l’organisation terroriste de Savimbi [13], et cette stratégie a certains objectifs, dont le fait de retirer à l’organisation de Jonas Savimbi son soutien populaire. [L’armée] ôterait à [l’Unita] sa base dans la population, confinerait cette dernière dans des régions peu hospitalières et, ensuite, lui assènerait le coup final […]. Bien sûr, ces populations, après s’être présentées à l’armée, seront redirigées vers des centres d’accueil pour déplacés internes (IDPs). Ensuite, les organes et institutions du gouvernement mandatés pour l’occasion, ainsi que des ONG, offriront tout leur soutien [14]. »
23Dans le camp de déplacés de Chipindo, au nord de la province de Huíla, un homme décrit ainsi les effets de cette stratégie en 2001: « toutes ces personnes étaient de l’Unita. Dans le passé, ils travaillaient dans les champs, produisaient bien. Pendant cette guerre [1999-2002], le gouvernement a forcé tout le monde à venir ici, dans les terres du gouvernement ». À la question de savoir pourquoi il pense que la dernière phase du conflit s’est déroulée de cette façon, il ajoute : « le gouvernement voulait reconquérir tout le peuple ».
24D’autres entretiens menés durant cette période auprès de personnes qui étaient passées dans des zones sous contrôle du gouvernement suggèrent une certaine ambivalence dans les identités politiques des personnes concernées : elles disaient avoir été « capturées » par le gouvernement, mais exprimaient tout de même en général leur soutien à celui-ci. Une des raisons qui a influé sur ce changement de loyauté est sans doute le fait que le gouvernement contrôlait l’accès à l’aide humanitaire. Durant cette période, les agences humanitaires internationales ne travaillaient que dans des régions administrées par le gouvernement [15], et dans certains cas, le drapeau du MPLA flottait audessus des centres dans lesquels le Programme alimentaire mondial (PAM) distribuait des vivres. Afin d’obtenir le droit à des rations de nourriture, il fallait alors se procurer une carte du ministère de l’Assistance et de la Réinsertion sociale. Cela conduisait certains à croire que le PAM était une agence du gouvernement angolais.
25Une femme de Mavinga se souvient :
« J’étais dans la brousse à cause de la guerre – toujours avec l’Unita, dans la zone de Capembe. Durant la guerre, nous étions sans arrêt en train de courir, et ensuite nous avons été pris par le gouvernement. Alors maintenant nous sommes à Mavinga.
– Vous êtes encore membre de l’Unita ?
– [Elle sourit :] Non, maintenant je suis membre du gouvernement.
– Pourquoi êtes-vous membre du gouvernement ?
– Parce que je suis ici avec le gouvernement. »
27Une autre femme, née sur le planalto, mais qui a passé son enfance à Jamba, décrit sa situation de la façon suivante : « J’ai été capturée par l’armée du gouvernement, qui m’a amenée ici. Nous avons été bien accueillis par le gouvernement, nous étions bien. Lorsque nous sommes arrivés ici, on nous a donné des tentes ». À la question de savoir pour qui elle voterait si elle en avait la possibilité, elle répond : « Je voterais pour le président José Eduardo dos Santos parce que je préfère cette vie ici ».
28Ce que ces échanges suggèrent, c’est que l’identité Unita s’est érodée graduellement à mesure que le mouvement a perdu sa capacité à offrir de l’aide, et que le gouvernement – tout à fait indiscernable du MPLA pour la plupart des gens – s’est approprié le mérite de l’assistance reçue par les personnes qui, des zones tenues par l’Unita, avaient rejoint les territoires sous contrôle du gouvernement.
29Ce thème est encore très présent dans le discours du MPLA alors qu’approchent les élections. Un dimanche après-midi de juin 2008, l’Organisation de la femme angolaise (Organização da mulher angolana, OMA) qui dépend du MPLA organise une réunion publique à Santa Teresa, un quartier semi-rural à la limite de la ville de Huambo. Lors de la réunion, propagande partisane et fonctions officielles de l’État se confondent allègrement, puisqu’on en profite pour distribuer des cartes de recensement électoral [16], et que des responsables locaux du MPLA s’adressent aux villageois : « À l’époque de l’Unita, vous ne mangiez que l’enveloppe du maïs. Maintenant, vous mangez de la semoule de maïs et du chou [17]. À l’époque de l’Unita, même si vous aviez de l’argent, vous ne pouviez pas acheter de sel ». Dans les villes et les villages contrôlés tour à tour par le gouvernement et l’Unita durant les années 1990, lorsque les habitants relatent leur expérience de l’Unita, ils mentionnent toujours le manque de sel et d’habits [18], et dans ces régions, l’évocation par le MPLA de ce passé récent peut lui faire gagner les voix d’électeurs dont les sympathies penchaient pourtant plutôt du côté de l’Unita au début de la guerre.
30Là où l’affiliation à l’Unita est restée la plus forte en revanche, c’est dans les 35 centres de cantonnement établis en différents points du pays en conformité avec le protocole de Luena. Selon ce texte, les soldats de l’Unita devaient se rendre dans les zones de cantonnement pour y être démobilisés et rendre leurs armes, et y rester avec leur famille jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer dans leur région d’origine. Les civils qui se trouvaient à la fin de la guerre sous contrôle de l’Unita reçurent également l’injonction de se rendre dans les zones de cantonnement. Ces zones, bien que supervisées par les FAA, n’ont pas cessé d’être administrées par des officiels de l’Unita jusqu’à leur démantèlement, et elles représentent de fait la dernière manifestation de l’organisation quasi étatique que l’Unita avait commencé à mettre sur pied dans les années 1970. Ce n’est pas une coïncidence si, parmi celles et ceux qui continue à s’identifier comme « personnes de l’Unita », une proportion importante a fait partie des 400 000 personnes qui ont transité par les zones de cantonnement à la fin de la guerre.
Une démocratie inégalitaire
31Le principal défi pour l’Unita dans la période de préparation aux élections est de rompre avec sa politique de patronage. Cette conception du rôle du parti est une survivance de l’Unita militaire du passé, et elle ne peut lui permettre d’obtenir de nouveaux appuis. Au contraire : si elle reste dans ce paradigme, l’Unita continuera à perdre des voix, des soutiens – et les élections – aussi longtemps que le MPLA aura plus à offrir sur le plan matériel.
32Puisqu’elle ne peut plus concurrencer le MPLA sur le plan des ressources, si l’Unita souhaite suivre une stratégie mieux adaptée au jeu politique dans une démocratie multipartite, elle devra convaincre les électeurs qu’elle peut en tant que parti mettre sur pied des politiques qui leur seront plus favorables que celle du gouvernement en place. Au moment de la rédaction de cet article, l’Unita n’avait pas encore publié son programme en vue des élections de septembre 2008 – les responsables du parti parlaient d’un programme qui inclurait la consolidation de la paix, la réconciliation nationale, l’élargissement de la démocratie, la décentralisation du gouvernement, et la lutte contre la pauvreté. Toutes ces intentions devraient permettre au parti de trouver un certain écho auprès des électeurs angolais, mais jusqu’à présent l’Unita n’a pas encore fait passer son message auprès de la population à Huambo. Il n’y pas eu de meetings politiques, seulement de petites assemblées pour les fidèles du parti. Et les médias du parti ne se font absolument pas entendre.
33Les responsables de l’Unita soulignent que la période de campagne à proprement parler n’a pas encore commencé, et que, selon la loi électorale angolaise, elle ne sera lancée officiellement que 30 jours avant les élections. Cette remarque, même si elle est juste d’un point de vue technique, ne prend pas en compte le fait que l’Unita doit se battre contre le parti au pouvoir qui est, pour sa part, entré en campagne depuis plusieurs mois déjà. À tous les carrefours importants de la ville de Huambo, on voit ainsi des panneaux géants montrant la photo du président José Eduardo dos Santos avec des slogans tels que: « MPLA: pour la dignité et le bien-être du peuple » ou « MPLA : 50 années au service du peuple » [19]. Parmi les passants, beaucoup portent des tee-shirts et des casquettes marquées du portrait du Président ou de l’étoile jaune du MPLA. Le 10 mai 2008, dos Santos a prononcé un discours à l’occasion de la conférence nationale du MPLA à Luanda qui a déjà tout du manifeste électoral. Le soir même et le lendemain, de longs extraits du discours, détaillant les principales orientations de la politique à suivre, faisaient les titres du journal à la télévision nationale. Les réunions organisées par le MPLA au niveau des provinces occupent aussi une place de choix dans les médias d’État. Et même si les médias étaient équitables dans leur couverture des deux partis, le fait que le MPLA soit nettement plus actif pour créer l’événement politique permettrait au parti au pouvoir de dominer la scène médiatique. La réponse de l’Unita à ce qu’elle voit comme un biais en faveur du gouvernement dans les médias publics a été de lancer sa propre station de radio, Rádio Despertar (Réveil). Mais cette station ne peut être captée qu’à Luanda et dans ses environs parce que sa licence ne lui octroie qu’une seule station de transmission, située à Viana, une banlieue de la capitale.
34Deux facteurs principaux expliquent que l’Unita peine à s’affirmer auprès du public. Le premier a trait aux menaces et aux violences auxquelles doivent faire face les activistes de l’Unita lorsqu’ils essaient de rétablir les structures du parti, surtout dans les petits centres municipaux du planalto. La direction du parti s’est plainte depuis 2004 de ce que nombre de ses cadres et militants avaient subi des agressions, et certaines des exactions concernées ont été depuis confirmées par des sources indépendante [20]. Des prêtres de la région confirment également que ces plaintes sont généralement exactes, même s’ils précisent qu’une bonne partie de la violence est le résultat de rancœurs personnelles contre des membres de l’Unita plutôt que l’expression d’un programme d’intimidation contre le parti lui-même. En même temps, le MPLA tire profit de ce que, pour la grande majorité de la population, parti et État ne sont qu’une seule et même chose, et qu’affiliation politique signifie également contrôle politique – une perception qui est encore renforcée par la lenteur avec laquelle l’Unita à mettre en place des structures et à s’assurer une visibilité au niveau local. Comme le dit un chef de village interviewé en juin 2008, « [dans notre village,] nous avons un conseil du parti [MPLA], et un conseil de l’Église : l’un pour les questions politiques, l’autre pour les questions spirituelles. Nous n’avons besoin de rien d’autre ».
35Mais le second facteur, peut-être le plus évident, qui explique que le parti adopte un profil si bas, touche à la question des ressources. En tant que parti siégeant au Parlement, l’Unita reçoit, conformément aux dispositions de la Constitution à cet égard, des subsides annuels. Le parti devrait également recevoir des fonds supplémentaires lorsque la campagne électorale aura formellement commencé. Rien de cela ne peut, évidemment, compenser la capacité qu’a le MPLA à utiliser les ressources de l’État pour promouvoir son image. Le parti au pouvoir a su capter à son profit les bénéfices symboliques des projets de développement très spectaculaires réalisés à Huambo depuis la fin de la guerre, dans une large mesure grâce à des investissements chinois. Les routes qui mènent, par le nord, à Luanda et, par l’est, à Kuito, sont en train d’être réparées, et l’accès désormais facilité à la région côtière a amené dans les commerces de Huambo une gamme élargie de produits. Le dimanche après-midi, la place de l’Indépendance est pleine de citadins en promenade. Des gens se font photographier devant la statue récemment rénovée d’Agostinho Neto, qu’une plaque présente comme « le fondateur de la nation angolaise »; des jeunes filles aux cheveux tressés et décorés de perles jouent à la corde à sauter sur les escaliers, pendant que de jeunes garçons font la roue sur la pelouse. La place est entourée de bâtiments officiels qui, défigurés par des cicatrices de tirs de mortier et de bombes il y a quelques années encore, ont retrouvé leur éclat originel. Sur l’un des côtés de la place se trouve un bureau de poste d’où l’on peut désormais – pour la première fois depuis de longues années – envoyer une lettre qui arrivera à Luanda, voire n’importe où dans le monde. À côté est planté un panneau qui annonce l’édification prochaine d’une bibliothèque municipale sur un terrain encore vierge.
36Les dirigeants de l’Unita, et avec eux de nombreux intellectuels de Huambo sans affiliation partisane, s’indignent de ce que l’argent public soit utilisé pour courtiser les électeurs dans la perspective des législatives à venir, et certains doutent que cette course aux investissements publics continue après le décompte final des voix. Qui plus est, si les résidents relativement aisés du centre de Huambo peuvent parler avec fierté du nouveau vernis de sophistication urbaine dont a été recouvert leur ville, les bénéfices pour les pauvres sont plus difficiles à discerner. Les deux principaux marchés de la ville, qui étaient il y a peu encore situés dans la ville basse (Cidade Baixa) et dans le quartier de São Pedro ont été déplacés en dehors de la ville pour permettre la construction de commerces en dur qui profiteront à un nombre plus restreint de personnes. Aux limites semi-rurales de la ville, à quelques kilomètres à peine de la place de l’Indépendance, les routes ne sont pas goudronnées et pleines d’ornières. Les écoles, lorsqu’il y en a, n’ont ni livres ni électricité, et dans nombre de villages reculés, il n’y a tout simplement pas de service public. Au vu de cette réalité, les promesses de l’Unita en matière de réduction de la pauvreté devraient obtenir un certain écho. Pourtant, rien n’indique pour l’heure que le message du parti soit entendu par ceux dont on pourrait imaginer qu’ils sont en attente d’un changement politique.
Le poids de la mémoire
37Comme nous l’avons déjà indiqué, ceci peut s’expliquer en partie par le manque de moyens financiers et les difficultés que le parti éprouve pour mener campagne. Mais il y a des causes plus profondes, liées à l’image que véhicule l’Unita auprès du public dans une région qu’elle concevait comme son centre historique. Au niveau de l’identité culturelle régionale, les principes associés à l’Unita ont gardé une certaine pertinence intellectuelle, et une partie de l’intelligentsia s’y retrouve encore, principalement dans les milieux d’Église [21]. Mais même ceux qui se reconnaissent dans l’économie morale de l’Unita admettent que les événements de 1992-1993, lorsque l’Unita avait pris le contrôle de Huambo par les armes après le retour à la guerre qu’avait sanctionné l’échec du processus électoral issus des accords de Bicesse [22], ont fait perdre à l’Unita le soutien de nombreuses personnes qui avaient pourtant voté pour elle peu de temps auparavant. En effet, la conquête de la ville de Huambo par l’Unita en 1993, qui s’est faite au prix d’un siège de 55 jours au cours duquel près de 10 000 civils ont perdu la vie, puis la manière dont Savimbi et son parti ont régné sur la ville jusqu’à ce qu’elle soit reprise par le gouvernement en novembre 1994, ont durablement marqué les esprits à Huambo. Ironiquement, il se peut bien que l’Unita ait plus de chances d’améliorer son score aux élections de 2008 à Luanda, qui n’a pas connu de conflit armé depuis 1992, que dans son propre cœur historique où les souvenirs de la guerre sont encore frais.
38« Ce qui a détruit la réputation de l’Unita, c’est qu’elle a tué [é o problema de matar] », dit un prêtre qui, pourtant, avait un grand respect pour les idées de Savimbi quant à la nation angolaise. « La guerre fut de plus en plus féroce, et ils ont commencé à tuer de plus en plus de gens ». Parallèlement, pour l’intelligentsia de Huambo, moins encline culturellement à soutenir l’Unita, son comportement durant les mois où elle occupa la ville fut la preuve définitive que le parti n’y avait pas sa place. Comme l’exprime un avocat :
« Ce fut une dictature sans précédent – ce qui est normal, parce qu’ils sortaient de la brousse. Ce genre de gestion [du pouvoir] était normal pour quelqu’un qui vient de la brousse, mais c’était compliqué pour nous autres qui étions habitués à la vie urbaine – c’est une des choses qui nous distinguait le plus. »
40L’Unita n’a pas fait grand-chose pour dissiper ces impressions négatives. Plutôt que de se distancier des événements du début des années 1990, les militants de l’Unita nient que l’usage de la force par les rebelles ait été excessif à l’époque, une vision qui, pour la plupart des gens qui vécurent à Huambo durant cette période, ne correspond tout simplement pas aux faits.
41Tout ceci est bien sûr un élément de plus en faveur du MPLA, dont la stratégie depuis 2002 consiste à se présenter comme le parti qui a apporté la paix à l’Angola, et qui a conduit le processus de reconstruction depuis la fin du conflit. Le protocole d’accord de Luena en 2002 a été conçu comme un accord strictement militaire et non politique. Le président dos Santos, plutôt que de signer l’accord, avait laissé faire pour l’occasion le commandant militaire des FAA, Armando Cruz Neto, et le chef militaire de l’Unita, Abreu Kamorteiro. Cruz Neto avait salué à l’occasion le Président comme « l’architecte de la paix », et ce thème continue de dominer le discours public du gouvernement. Ainsi, lors d’un récent reportage à la télévision d’État, les téléspectateurs ont pu voir une cérémonie au cours de laquelle des armes à feu qui avaient été distribuées par le gouvernement à des organisations de « défense civile » [23] durant la guerre ont été déposées, le tout se déroulant bien entendu sous le drapeau du MPLA. Pour en rajouter encore au mélange des genres, à la fin de la cérémonie, de nouveaux adhérents au MPLA reçurent sous les applaudissements de la foule leur carte de membre.
42L’expérience de la guerre continue de définir les termes du discours politique à Huambo. On ne semble plus préoccupé de savoir s’il y a une opposition entre nord et sud, entre urbain et rural, ou entre Ovimbundu et Kimbundu, mais entre guerre et paix. Par ailleurs, comme je l’ai noté plus haut, les identités politiques sont flexibles, et des loyautés exprimées à un moment précis ne sont pas nécessairement l’expression d’une tendance durable. Dans la ville de Huambo tout particulièrement, le MPLA pourra obtenir des voix en faisant appel au souvenir du début des années 1990, lorsque le confort et les avantages de la vie en milieu urbain n’avaient pas survécu à la guerre et à la présence de l’Unita. Dans les zones rurales, des souvenirs plus anciens persistent d’un temps où l’Unita et le MPLA étaient perçus comme des forces prédatrices, et ces mêmes zones n’ont bénéficié en rien des plans de reconstruction qu’a mis en œuvre le gouvernement depuis la fin de la guerre. L’avenir pourrait bien mener à une réévaluation du passé récent. Il n’est pas exclu que les résultats des élections montrent que, dans le secret de l’isoloir, les anciennes loyautés envers l’Unita ont des racines plus profondes que les gens ne sont prêts à l’admettre en public, dans un contexte où affiliation politique signifie toujours, dans une large mesure, contrôle politique.
43Toutefois, ces considérations ne changent rien au fait que, si l’Unita veut devenir une force politique de poids et donner un sens à la démocratie multipartite en Angola, elle devra trouver le moyen de déplacer les termes du débat politique sur un terrain qui lui soit plus favorable. Pour l’instant en tout cas, du fait de son manque de ressources, ainsi que du discours dominant sur le souvenir de la guerre, l’Unita aura beaucoup de peine à défier la puissance du MPLA.
Notes
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[1]
Cette région, située au cœur géographique de l’Angola, correspond aux provinces de Huambo et Bié et à une partie des provinces de Kwanza Sud et de Benguela. Ancien « grenier à céréales » depuis la généralisation de l’agriculture commerciale à partir des années 1920, la région, la plus peuplée du pays, a également servi de réservoir de travailleurs conscrits, envoyés dans les plantations de café du nord ou les usines de poissons de la côte atlantique, dans la région de Namibe.
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[2]
Principal groupe ethnique de l’Angola, les Ovimbundu représentent environ 35 % de la population.
-
[3]
Jonas Savimbi a été tué au cours d’une embuscade le 22 février 2002. Rapidement, l’Unita dépose les armes, et le 30 mars, les deux parties se mettent d’accord sur le texte d’un protocole d’accord, qui est signé à Luanda le 4 avril. Techniquement, le protocole de Luena est un addendum au protocole de Lusaka de 1994. Politiquement, il s’agit plus d’un accord de reddition que d’un accord de paix. Voir A. Griffiths, « The end of the war. The Luena Memorandum of understanding », Accord, n° 15, 2004, p. 24-27. Pour le texte du protocole, voir www.c-r.org/our-work/accord/angola/key-texts.php. Voir aussi C. Messiant, « Fin de la guerre, enfin, en Angola. Vers quelle paix ? », Politique africaine, n° 86, juin 2002, p. 183-195.
-
[4]
Sur les racines du nationalisme angolais et de ses divisions, voir notamment C. Messiant, 1961. L’Angola colonial, histoire et société, Bâle, P. Schlettwein Publishing, 2006.
-
[5]
Voir par exemple P. Gleijeses, Conflicting Missions. Havana, Washington, and Africa, 1959-1976, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002.
-
[6]
Voir G. de Loanda, « La longue marche de l’Unita vers Luanda », Politique africaine, n° 57, mars 1995, p. 63-70, ainsi que F. Bridgland, Jonas Savimbi. A Key to Africa, Edimbourg, Mainstream Publishing, 1986.
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[7]
Le Coq noir, emblème de l’Unita, est devenu également un synonyme pour décrire le parti ou, parfois, son fondateur.
-
[8]
Sur l’ethnicisation du conflit angolais, voir C. Messiant, « Angola, les voies de l’ethnisation et de la décomposition, I. De la guerre à la paix (1975-1991) : le conflit armé, les interventions internationales et le peuple angolais », Lusotopie, 1994, p. 155-210, et « Angola, les voies de l’ethnisation et de la décomposition, II. Transition à la démocratie ou marche à la guerre ? L’épanouissement des deux “partis armés” (mai 1991- septembre 1992) », Lusotopie, 1995, p. 181-212.
-
[9]
Les interactions entre Cubains et populations locales demandent encore à être analysées, et l’on ne sait pas à quel point la propagande de l’Unita a suscité de la méfiance à l’égard des Cubains, ni d’ailleurs dans quelle mesure ces sentiments ont pu inciter des gens à rejoindre l’Unita. Quoi qu’il en soit, la plupart des personnes qui ont adhéré au parti de Jonas Savimbi dans les années 1970 citent la présence cubaine comme l’une des raisons principales de leur choix.
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[10]
Sur cette dérive, lire Fred Bridgland, auteur, en 1986, d’une biographie très complaisante de Savimbi, et qui, près de dix ans plus tard, a témoigné de la manière dont Savimbi aurait peu à peu éliminé, dès la fin des années 1970, tous ses rivaux potentiels au sein de l’Unita, dont notamment son jeune et brillant « ministre des Affaires étrangères » Pedro (« Tito ») Chingunji, très en vue à Washington à la fin des années 1980, au moment de sa « disgrâce ». Voir F. Bridgland, « Savimbi et l’exercice du pouvoir. Un témoignage », Politique africaine, n° 57, mars 1995, p. 94-102. Sur l’instrumentalisation par Savimbi des symboles du pouvoir « traditionnel » ovimbundu, voir L. Heywood, « Towards an understanding of modern political ideology in Africa: the case of the Ovimbundu of Angola », Journal of Modern African Studies, vol. 36, n° 1, 1998, p. 139-167.
-
[11]
I. Brinkman, A War for People : Civilians, Mobility, and Legitimacy in South-East Angola during MPLA’s War for Independence, Cologne, Rüdiger Köppe, 2006.
-
[12]
T. Blom Hansen et F. Stepputat, « Introduction », in T. Blom Hansen et F. Stepputat (dir.), Sovereign Bodies : Citizens, Migrants and States in the Postcolonial World, Princeton, Princeton University Press, 2005, p. 26.
-
[13]
À la fin des années 1990, le discours à propos de l’Unita, en Angola tout d’abord, mais également sur la scène internationale, se durcit à mesure que sont introduites des sanctions contre le mouvement et ses dirigeants. Dans la foulée, le conflit angolais se « judiciarise » également, rendant de moins en moins probable la possibilité d’une solution négociée. Voir C. Messiant, « Des alliances de la guerre froide à la juridisation du conflit angolais : vers la judiciarisation ? », in P. Hassner et R. Marchal (dir.), Guerres et sociétés. État et violence après la Guerre froide, Paris, Karthala, 2003, p. 491-520.
-
[14]
Diário da Assembleia nacional, n° 1, 1999-2000, série I, n° 4/Extraord/2000, session plénière extraordinaire, 20 juin 2000, séance de l’après-midi.
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[15]
Sur la crise humanitaire que crée la dernière phase de la guerre en Angola, voir C. Messiant, « Fin de la guerre… », art. cit., ainsi que J. Gomes Porto, C. Alden et I. Parsons, From Soldiers to Citizens. Demilitarization of Conflict and Society, Aldershot, Ashgate, 2007, chapitre 2.
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[16]
Le recensement électoral en vue des législatives de septembre 2008 a été réalisé entre novembre 2006 et septembre 2007. Il a été ensuite prolongé de quelques semaines en mai-juin 2008.
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[17]
Fuba e couve, la nourriture de base dans les campagnes du planalto.
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[18]
Il était alors très difficile, dans les zones Unita, de se procurer ce genre de produits de base ainsi que nombre d’autres produits manufacturés : les usines du planalto ne fonctionnaient plus et l’Unita interdisait le commerce avec les villes côtières, restées sous contrôle gouvernemental.
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[19]
Le MPLA a officiellement fêté son cinquantième anniversaire en 2006, même s’il est désormais avéré qu’en tant que tel, le mouvement n’a été fondé qu’en 1960. Voir C. Messiant, « “Chez nous, même le passé est imprévisible”. L’expérience d’une recherche sur le nationalisme angolais, et particulièrement le MPLA : sources, critique, besoins actuels de la recherche », Lusotopie, 1998, p. 157-197.
-
[20]
Voir notamment Human Rights Watch, Unfinished Democracy : Media and Political Freedom in Angola, juillet 2004, disponible sur http://hrw.org/backgrounder/africa/angola/2004/angola0704.pdf.
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[21]
Signe des temps, l’Église congrégationaliste, la principale Église protestante du planalto, dont est issue une partie des cadres historiques de l’Unita, et qui avait ouvertement soutenu Savimbi et son parti lors des élections de 1992, a opté pour une politique officielle de neutralité en vue des législatives de 2008.
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[22]
A. Vines, « La troisième guerre angolaise », Politique africaine, n° 57, mars 1995, p. 27-39.
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[23]
Les « organisations de défense civile », milices organisées ou « citoyens en armes » ont joué un rôle non négligeable dans la guerre civile angolaise. La question de leur désarmement a constitué une importante pierre d’achoppement lors des tentatives de règlement du conflit des années 1990, l’Unita reprochant notamment au gouvernement de ne pas tenir ses promesses à ce sujet. D’où la force du symbole dans le contexte actuel.