Que peut faire aujourd’hui une poétesse palestinienne dont la terre a été occupée et le présent confisqué comme son corps ?
Une poétesse qui ne possède que son poème, dans une langue elle-même captive, une langue marginalisée telle un palais de légende dans les contes des Mille et Une Nuits ? Tout est fini et il ne reste que le récit…
La patrie et l’identité sont une narration parmi les narrations ; alors la poétesse veut être la magicienne, la princesse, le génie et la courtisane.
Une poétesse fait de son poème une terre, une patrie, un amant et tant d’autres… Mais c’est un poème ceint de barbelés et de versets truffés d’enfer, de prophètes et de saints. Poème menacé par les fusils, les tables d’écoute, les minarets et les mouchards.
La voilà qui écrit alors qu’ils lui ont tout volé sauf ce poème, devenu l’espace, la carte secrète de l’ego, une tranchée pour le corps et un écran pour le rêve.
Elle écrit l’extase avec un vocabulaire de terreur, la reddition dans une langue de défi, un pied dans les jardins terrestres et l’autre dans le cimetière.
Son poème est sa dernière tranchée qu’elle creuse dans le corps pour le corps, le chemin qui la relie aux inconnus et les inconnus qui la relient au chemin.
Que peut faire une poétesse avec un poème devenu la dernière balle, serait-ce le coup de grâce ?
Quel est le sens du poème qu’elle écrit quand le pain est devenu compagnon et l’encre nourriture ?
Où jettera-t-elle une terre réduite en cendres de contes dans les âtres des grands-mères, et les hommes devenus forêt de dragons et de singes …