Quand elle nous en apprendrait beaucoup sur la poésie, vaine serait pourtant une poétique qui n’en aurait rien appris sur la langue ; quand elle nous en apprendrait beaucoup sur la langue, non moins vaine serait une poésie qui ne nous apprendrait rien sur le monde qu’elle cherche et perd sans cesse, se nourrissant de cette perte qui la lance à corps perdu à la recherche d’elle-même et du monde. En d’autres termes, empruntés à Stéphane Bouquet : Un monde existe.
Dans la préface à l’édition italienne du livre important que la poétesse Ann Carson consacre à Paul Celan, Economy of the Unlost, Antonella Anedda demande :
Que reste-t-il des paroles qui restent ? Quel est le profit de la poésie ? Comment quantifier un langage fait de durée et de dispersion, exposé à la perte pure ou, comme le définit Paul Celan dans son discours de Brême, avec un terme parfaitement exact et parfaitement désespérant pour ses traducteurs : l’unverloren ?
Rappelons le texte du discours de Brême :
Accessible, proche et non perdue (unverloren) demeura au milieu de toutes les pertes seulement ceci : la langue. Elle, la langue, demeura non perdue, oui, malgré tout. Mais elle devait à présent traverser ses propres absences de réponse, traverser un terrible mutisme, traverser les mille ténèbres de paroles porteuses de mort. Elle les traversa et ne céda aucun mot à ce qui arriva ; mais cela même qui arrivait, elle le traversa. Le traversa et put revenir au jour, « enrichie » de tout cela.Seule demeur…
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