Si toute traduction comporte une dimension éthique, tenter de relayer la voix d’Isabella Morra (ou di Morra), jeune poétesse assassinée à l’âge d’environ 25 ans, entraîne un surcroît de responsabilité. Derrière les dispositifs et les formules topiques, les réminiscences de Pétrarque, Sannazaro ou Bembo, transparaît à chaque instant un univers étouffant de domination masculine, un carcan d’interdits et de limitations imposé par des médiocres à qui valait bien plus qu’eux. Perle parmi les pourceaux, Isabella exige que l’on se montre digne de son éclat. Et, avant cela, que l’on évoque ne serait-ce que brièvement sa triste destinée, qui aurait pu figurer parmi les « histoires tragiques » de son contemporain Bandello ou les Chroniques italiennes de Stendhal. On comprend qu’elle ait éveillé l’intérêt et stimulé l’imagination d’Angelo De Gubernatis (« Il romanzo di una poetessa », Rivista d’Italia, fasc. 3, 1901), puis que Benedetto Croce, avec certes davantage de rigueur, lui ait fait une place dans ses Vite di avventure, di fede e di passione (1936).
Isabella naît vers 1520, éventuellement quelque cinq ans plus tôt, dans une famille de la petite noblesse lucanienne détenant la baronnie de Favale (aujourd’hui Valsinni, dans la Basilicate). Son père, Giovan Michele Morra, est un homme cultivé qui, dans les guerres qui ravagent alors l’Italie, prend résolument le parti de François Ier contre Charles Quint. Mal lui en prend. En 1528, après l’échec des troupes de Lautrec devant Naples, il est contraint de quitter ses terres et de trouver refuge en France, en compagnie de son fils Scipione…
Cet article est en accès conditionnel
Acheter cet article
5,00 €
Acheter ce numéro
18,00 €
S'abonner à cette revue
À partir de 75,00 €
Accès immédiat à la version électronique pendant un an
4 numéros papier envoyés par la poste