« Je ne suis pas un lecteur de Deguy, dit-il. Il m’est arrivé de l’écouter, comme un spectateur, dire des choses, ce qui n’en finit pas. »
Le vieil homme le regarde, dodeline de la tête. « Tu sais, je connais Michel Deguy il y a plus de quarante ans. » Le jeune homme sourit sans rien dire. Cette phrase, il l’avait déjà entendue. Pas une fois. Pas deux fois. Pas trois fois. Le vieil homme ne cessait de lui rappeler, à chaque occasion, sa longue amitié avec Deguy. Le jeune homme s’étonne tout de même que le vieil homme lui ait redit la même phrase un jour pas comme les autres, ce mardi 22 février 2022, après l’absoute.
Éprouve-t‑il du plaisir à commettre un « impair » ?Église Saint-Séverin.
La femme du vieil homme promène ses regards sur ces hommes et femmes venus, pour une « raison poétique », rendre hommage à « un homme de peu de foi » – ces gens soucieux de leur santé et des belles manières. Le jeune homme, à son tour, les regarde. Ils se parlent entre eux, s’échangent des nouvelles sur leurs prochaines publications, se moquent des livres de leurs collègues absents qu’ils jugent mal écrits. Leurs visages laissent transparaître la peur « de l’illisibilité ».
Le mort est esseulé. Ils ne s’en aperçoivent même pas, ces gens qui ont appris à se couvrir d’éloges en public et à se détester en secret. Ont-ils oublié « le sens de la visite » ?
« Michel s’est éteint le 16 février », dit l’un en jetant un mégot par terre et en essayant de l’écraser.
« Oui, Michel, nous a quittés », dit un autre la mine allongée…
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