C’était un temps où l’on fumait en travaillant. Un temps où, malgré les mises en garde sanitaires, la loi Evin naissante n’avait pas encore totalement chassé des bureaux ce puissant stimulant de l’esprit : l’herbe à Nicot.
Ainsi Martine Segonds-Bauer, la première directrice que j’ai connue à la maison des écrivains, mordait de longues et fines cigarettes. C’était peut-être à ce prix que son bureau et son esprit étaient une pépinière à projets, qu’elle construisait, parfois dans l’urgence, avec son équipe entraînée dans la course de fond. Les subventions et donc les budgets de l’époque étaient à la hauteur des ambitions. Certains événements m’ont laissé de grands souvenirs, comme le colloque René Char, l’organisation des rencontres littéraires du festival latino-américain de Biarritz, les hommages à Antonioni et à Allen Ginsberg, en leur présence, mutique pour l’un et déclamatoire pour l’autre… Martine avait sans doute besoin de changer d’activité au bout de quelques années. Elle laissa la direction, toujours sous la présidence de Michel Deguy, à Alain Lance, poète et traducteur de l’allemand. Le havane et l’Europe de l’Est entraient dans notre horizon. Elle resta avec nous pour prendre en main le service d’aide à l’écriture de scénario destiné à des binômes collaboratifs écrivain / réalisateur. Ensuite, lorsque l’aide du CNC disparut, elle alla quelque temps diriger la Société des gens de lettres. Après avoir travaillé pour le ministère de la Recherche, elle dirigea l’Institut français de Madrid, puis celui de Naples, avant de revenir à Paris et de retrouver Michel Deguy, à qui elle m’avait recommandé comme dactylographe quelques années plus tôt…
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