La présence est la plus cruelle des habitudes.
Imagine-t‑on le présent avec son moins visible ?
Pourquoi donc quelqu’un s’avance-t‑il ? demande Melville, à la toute fin de Moby Dick. Je ne le sais pas, je le remarque et l’éprouve. La belle réponse d’Ismaël, « parce que quelqu’un a survécu au naufrage », ne semble pas vous correspondre, mon cher Michel, à moins d’y entendre une adresse à notre pauvre humanité.
Mais je ne puis affecter votre figure au nombre.
Un jour, vous vous êtes avancé.
Votre belle nature, votre beau visage, votre voix si familière qui creusait parfois la dernière syllabe.
Votre attention française aux langues de la Terre.
Et à sa dévastation.
Votre corps meurtri par la maladie. Les derniers temps.Cimetières. Un chemin ici au fond de votre tombe : je connais la tristesse dans ses grandes lignes
Les séparations, nos rencontres avec elles, sont des fissures dans le temps. Une lumière fine et tenue s’y glisse qui n’éclaire rien sinon la fente même qu’elle traverse.
Le goût d’une lueur que nous distinguons à peine.
Le temps que l’on met à prendre la vraie mesure d’un événement qui vous affecte doucement (qui n’est ni soudain, ni tragique, ni violent, souvent même prévisible, sinon attendu, mais – et pas moins- toujours surprenant). Sa portée, lentement, envahit les années que nous n’avons pas encore vécues.Ce qui pour nous icidemain aura eu lieu.
Il y aura des sourires et du vin et nous n’y serons plus…
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