Notes
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[1]
Elke Erb et Claude Esteban sont parmi les auteurs du volume collectif bilingue franco-allemand dans lequel ils sont associés, Versschmuggel/Mots de passe, Heidelberg, Wunderhorn, 2003, p. 193-213.
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[2]
Gerhard Sauder, professeur émérite de littérature allemande à l’université de Sarrebruck, m’a fait l’amitié de relire ces pages et d’y suggérer des aménagements. Qu’il en soit chaleureusement remercié.
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[3]
Vexierbild [Trompe-l’œil], Berlin & Weimar, Aufbau Verlag, 1983, p. 57. Erb se démarque vivement du régime de la rda et de sa police politique (la Stasi).
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[4]
Kastanienallee — Texte und Kommentare [Allée des châtaigniers — Textes et commentaires] (Berlin, Aufbau Verlag, 1987). La dédicace à l’écrivain Franz Fühmann (1922-1984), grande figure à cette époque de la dissidence en rda, laisse entendre la portée politique de ces vers. Ceux-ci jouent sur un double registre : local d’abord, à travers les pleurs de protestation de l’auteur, solidaire de la population du village, révoltée contre le bétonnage d’un bout de forêt en montagne. Parallèlement, la portée est nationale comme le souligne Steffen Popp, poète ami et éditeur d’E. Erb, dans un article du Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le terme de plateforme appartient en effet au vocabulaire politique de la rda. Toute dissidence (interne ou externe) par rapport à la ligne du parti tombait sous le coup de l’accusation de « formation de plateforme illégale ou conspiratrice », et faisait donc l’objet de poursuites. La dénonciation de l’encadrement idéologique que pratiquait la rda se poursuit sous le voile du célèbre poème de Brecht au temps de son exil suédois, « À la postérité » (1939). On y lit ce vers selon lequel « une conversation sur les arbres est presque un crime » (v. 7). Le commentaire qu’Erb fait de son poème en 1987 est éloquent lorsqu’elle le conclut sur ces mots : « Les flancs de l’individualité qu’on appelle l’opinion me traversaient comme des barrières incandescentes et provoquaient mes larmes ».
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[5]
Ibid., p. 77. Ce court poème politique à l’allure très retenue déjoue finement la censure. Sans le nommer, il place en son centre le poète Reiner Kunze, que sa protestation en 1968 contre l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie avait mis au ban de l’État. Greif, le griffon des armoiries de la ville de Greifswald, cité hanséatique en Mecklembourg-Poméranie occidentale, laisse deviner sous lui par capillarité phonique Greiz, la ville de Thuringe où Kunze réside à cette époque avant d’être contraint à l’exil. « Une toute nouvelle Elke Erb », commente un lecteur lorsqu’il découvre le poème.
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[6]
E. Erb, Freude hin, Freude her [Tribulations de la joie], 1re éd. Berlin, 1991, cité ici d’après la rééd. de Munich, Lyrik Edition 2000, 2005, p. 21 et 24. Je ne retiens du long poème, composé d’une suite de 12 pièces, que les pièces 6 et 9. Le titre de cette suite est repris d’un vers de « Strassburg Konfiguration/ Configurations strasbourgeoises » (1932), poème dadaïste de J. Arp qui ne semble pas avoir été traduit en français (H. Arp, Gesammelte Gedichte, Zurich/ Wiesbaden, 1963-1984, 3 vol., t. I, p. 47). Elke Erb présente ici bien des éléments de son propre art poétique. Sur Arp (Strasbourg, 1887-Bâle, 1966), voir M. Deguy, « Un Arp poétique », Mélusine, no 9, « Arp, peintre, poète et plasticien », Paris, L’Âge d’homme, 1987, p. 127-139) et notamment cette phrase qui explicite le projet du poète : « “Il faut réétranger l’humain“, replonger l’humain dans le non-familier, le remettre à distance, le perdre parmi les choses » (p. 128).
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[7]
« weltwunder », dont je traduis ici le titre, est un poème en langue allemande composé par Jean Arp en 1917, à partir de formules découpées dans les journaux, et publié dans la revue Der Sturm (H. Arp, Gesammelte Gedichte, op. cit., t. I, p. 47). Il ne semble pas non plus avoir été traduit en français.
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[8]
Alexandre Herzen (Moscou, 1812 – Paris, 1870), écrivain et essayiste politique russe. Les deux mots grecs, en tête de strophe un peu plus haut, sont écrits en caractères grecs.
-
[9]
Poesiealbum « Elke Erb », no 301, anthologie établie par Richard Pietrass, Märkischer Verlag Wilhelmshorst, 2012, p. 18. Les Énigmes de l’univers (1899), ouvrage de vulgarisation publié par Ernst Haeckel (1834-1919), disciple allemand de Darwin, connut un immense succès.
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[10]
Leibhaft lesen [Lire avec son corps], Warmbronn, Ulrich Keicher, 1999, p. 7. Le poème s’éclaire des pages du Journal datées d’août 1998 qui décrivent la pauvreté affective dans laquelle les parents ont laissé l’enfant. Le père est essentiellement absent du fait de la guerre et vit un moment seul à Halle, avant d’y faire venir sa famille. La mère est un sujet en creux, recluse dans sa cuisine, fermée sur elle-même, sans tendresse, « citadine à la campagne, athée chez les catholiques, tandis que le mariage était vidé de son sens puisque l’État lui avait volé son mari ». Erb s’interroge fugitivement sur l’éventualité, charmante et irréelle, d’avoir jadis formé un couple avec son père, enveloppée avec lui dans un même nuage érotique (Die Crux, Bâle, Urs Engeler, 2003, p. 25).
-
[11]
Extrait de Gänsesommer, Bâle et Weil am Rhein, Urs Engeler, 2005. Le bourg d’Edenkoben, dans les collines de la route allemande du vin en Rhénanie-Palatinat, dispose d’une Maison d’artistes où Erb fut accueillie.
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[12]
Extrait de Meins, Gedichte und Kommentare, Leipzig, poetenladen, coll. « Neue Lyrik », 2016, réédition en format de poche, 2020, p. 68, 69. Le procès de l’art pour tous que Mallarmé instruit contre ses contemporains remonte à l’esprit de l’auteur dans son appartement berlinois, comme une hallucination à la fois optique et acoustique. Elke Erb s’imagine dans sa maison de Haute-Lusace au village de Wuischke, au pied du mont Czorneboh, un jour d’hiver, et croit entendre japper le chien de la ferme voisine.
-
[13]
Edenkoben, en Rhénanie-Palatinat (voir supra le poème « Générosité », note 12), et Feldafing, commune de Bavière au bord du lac de Starnberg — deux lieux parmi d’autres où l’auteur s’adonna à la lecture et à l’écriture.
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[14]
Meins, op. cit., p. 84, 85. L’ironie métamorphose, au premier vers, la petite pièce dans laquelle E. Erb se tient à la campagne en un boudoir de château féodal. Et le tapis sur lequel est allongée l’auteur évoque la toison d’or conquise par Jason.
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[15]
Ibid., p. 154, 155. L’auteur travaillait, dit-elle, dans un pré au-dessus de Wuischke.
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[16]
Abréviation du patronyme Erb.
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[17]
Ibid., p. 174, 176.
Elke Erb n’a pas sa pareille pour inscrire dans la langue la liberté et la plasticité de la pensée : elle provoque, assouplit, précise et rectifie.
1Née à Scherbach dans l’Eifel en 1938, Elke Erb est la fille d’un intellectuel communiste rhénan qui, mobilisé en 1941, obtient à la sortie de la guerre un poste à l’université de Halle, dans la jeune République démocratique allemande (rda). Il fait venir auprès de lui, à l’Est, sa femme et ses trois filles, dont Elke, alors âgée de onze ans, est l’aînée. C’est là que grandit l’enfant et l’adolescente. À l’université, elle étudie le Russe et l’allemand. Sur cette lancée, elle développera une importante activité de traductrice, d’abord autour des poètes et prosateurs russes, qu’elle étendra par la suite à la littérature de langue anglaise, italienne et même française. À Halle, elle fait la connaissance de la nouvelle génération poétique qu’on désigne sous le nom d’école saxonne (Heinz Czechowski, Wulf Kirsten, Sarah et Rainer Kirsch). Ses membres se sont groupés autour de Georg Maurer, poète dont l’enseignement à l’université de Leipzig promeut une esthétique sensible au paysage et ouverte à l’expérience personnelle, en marge du modèle socialiste officiel. Après quelques mois passés dans le monde agricole, Elke Erb travaille (de 1963 à 1966) comme lectrice dans une maison d’édition. Elle choisit alors de vivre de sa plume, se partageant bientôt entre ses deux résidences de Berlin-Est, où elle s’installe en 1969, et la maison qu’elle acquiert au village de Wuischke, en Haute-Lusace, sur les marches orientales de l’Allemagne, près de la frontière polonaise.
2Dans le paysage de la poésie allemande contemporaine, Elke Erb occupe une place singulière que le prix Büchner, l’un des plus prestigieux outre-Rhin, est venu tardivement reconnaître en 2020. Ancrée dans cette Allemagne orientale qui a produit Johannes Bobrowski, Peter Huchel et Reiner Kunze, l’œuvre expérimentale et multiforme, ambitieuse et réputée difficile, gravite autour de la parole. Elle lui doit son feu, son intransigeance et jusqu’à son aspérité. Dans sa forme ramassée ou profuse, elle témoigne, livre après livre depuis plus d’un demi-siècle, de l’exigence intérieure qui l’habite. Instruite par Heine et par Brecht, par les formalistes russes et les grandes voix d’Occident, elle va sans relâche son chemin vers plus de liberté.
3L’espace de liberté qui lui est nécessaire elle le construit dès l’époque où le pays est déchiré entre les régimes antagonistes de la rda sous contrôle soviétique, à l’Est, et de la République fédérale d’Allemagne (rfa) d’inspiration libérale à l’Ouest. Elke Erb n’est pas seulement lue des deux côtés de la frontière, dans la mesure où ses œuvres sont régulièrement relayées, peu après leur publication à l’Est, par les revues et maisons d’édition de l’Ouest (Allemagne ou Autriche). À la faveur de son aura, elle fait connaître à l’Ouest les jeunes poètes nés en rda, dont l’audience encore confidentielle parfois se limitait à des cercles privés et régionaux. Une anthologie y pourvoit, qu’elle préface et codirige, dont le titre à soi seul vaut invitation à dépasser les clichés dominants de chaque côté : Le Contact reste à la marge. Nouvelle littérature de la rda [Berührung ist nur eine Randerscheinung. Neue Literatur aus der ddr] (Cologne, Kiepenheuer & Witsch, 1984).
4La poésie chez Erb est première, indépendance qu’affiche le titre du recueil publié à Berlin-Ouest en 1976, un an après sa sortie à l’Est : Une voix s’écrie : non ! (Einer schreit : Nicht !). « Vivre les frontières, c’est vivre libre » (offen leben), déclare plus tard avec une fière détermination Allée de châtaigniers, titre inspiré d’une rue du quartier où l’auteur habite à Berlin-Est (Kastanienallee, Berlin & Weimar, 1987). Le programme assume le risque, l’invention, l’imperfection, sans lesquels il n’y a pas d’écriture. « Les phrases, poursuit le même ouvrage, ne sont pas des couronnements impériaux ». Et l’auteur ajoute : « Sur le royaume de l’autocrate, plane l’oiseau de malheur ». La poésie n’est le « relais » d’aucune voix extérieure. Elle se cherche dans la fidélité à elle-même, soutenue en 1985 par la découverte d’un précurseur, le poète et plasticien Jean Arp, écrivain bilingue, cofondateur de Dada et ami des surréalistes.
5Rebelle aux consignes et au modèle officiels, experte à creuser sous les interdits, Elke Erb est couronnée à l’Ouest en 1988, un an avant la chute du Mur, par le prix Peter Huchel qui, dans la fidélité au maître qui lui donne son nom, distingue des œuvres exploratrices de voies nouvelles. La chute du Mur et la réunification allemande marquent la fin de l’univers surveillé et corseté contre lequel s’était élevée la rébellion de Reiner Kunze. Elke Erb avait salué la portée de son geste aussitôt sanctionné par le régime : le carcan s’était desserré, un espace s’était ouvert. À la culture étatique ancienne, dont les habits, explique-t-elle, sont ceux d’un mendiant et les effets ravageurs car ils ont saccagé la nature, elle oppose la protection de l’environnement, qui procède d’un amour maternel pour la terre. Une évolution se fait jour depuis la déclaration initiale faite à Christa Wolf, selon laquelle n’y aurait pas de place dans son œuvre pour l’espoir. Sans rompre avec la lucidité qui est la sienne, la poésie s’autorise un éclair de joie, un rire qui ne procède pas comme auparavant de la blessure sauvage de L’Homme qui rit. Elle dénonce les entraves à la vie, que les racines en soient privées ou étatiques, et rend au langage son mouvement et sa créativité. Elle s’interroge sur le processus créateur et les forces qu’il met en jeu. Largement ouverte à la pensée et à la philosophie, polymorphe, elle se coule dans les moules les plus divers. Elle épouse le vers libre et garde mémoire des audaces formelles d’Apollinaire.
6D’où la poésie tire-t-elle cette autonomie ? De son irrigation par les épreuves et les énergies de l’enfance ? Du féminisme que l’auteur partage avec ses amies, les poètes Sarah Kirsch en Saxe et Friederike Mayröcker en Autriche, avec la romancière berlinoise Christa Wolf, et par-delà les époques et les pays, avec Annette von Droste-Hülshoff et Else Lasker-Schüler en Allemagne, l’une au temps du romantisme, l’autre dans les années 1920, comme avec Emily Dickinson aux États-Unis, Virginia Woolf en Grande-Bretagne et Marina Tsvetaeva en Russie ? La liberté vient encore de Wittgenstein ou de Mallarmé, qui lui a appris la portée vitale et sacrée de l’écriture.
7Comment n’être pas surpris, dans ces conditions, de la quasi-ignorance dans laquelle le public français reste d’une œuvre par ailleurs largement reconnue dans le monde anglo-saxon et qui, de Hugo à Jean Arp et Derrida, a plus d’une affinité avec la France. Singulier silence, quand Elke Erb a traduit André Du Bouchet et Claude Esteban (lequel, en retour, dans un chant amébée a traduit en 2003 trois de ses poèmes en français) [1]. C’est à peine si de rares revues ont entr’ouvert un accès : à leur tête LITTERall (1997, no 9), suivie de Poezibao, (en 2010 et 2020) et de La Mer Gelée (mars 2016, no 5).
8La traduction des quelques pièces qui suivent, présentées dans l’ordre chronologique de leur composition, constitue une invitation à pousser avant la découverte d’une poésie qui s’éprouve profondément traductrice. Les éclaircissements, dont l’auteur accompagne très tôt ses poèmes, débordent le cas particulier de Poèmes et commentaires [Gedichte und Kommentare] (Leipzig, 2016), où ils soutiennent au passage le traducteur slovène auquel ils suggèrent le mot le plus adéquat dans la langue d’accueil. Solidaires de la création comme le journal, ils introduisent dans l’intimité de « l’atelier du poème ». Avec Arp et Valéry, Erb définit la poésie par son étymologie grecque comme un poïein, un faire par excellence [2].
Crédits
© Elke Erb, avec l’aimable autorisation de l’auteur pour les poèmes : « Langue d’esclaves », « Responsable », « Brèche », « Je suis né à Strasbourg… », « Répété à l’oreille », « À propos des Ladies », « Seule dans le paysage », « Étrange ».© Urs Engeler Éditions, Bâle et Weil am Rhein, avec leur aimable autorisation pour les poèmes : « Ma patrie », « À trois ans, à treize ans… », « Générosité ».
Notes
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[1]
Elke Erb et Claude Esteban sont parmi les auteurs du volume collectif bilingue franco-allemand dans lequel ils sont associés, Versschmuggel/Mots de passe, Heidelberg, Wunderhorn, 2003, p. 193-213.
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[2]
Gerhard Sauder, professeur émérite de littérature allemande à l’université de Sarrebruck, m’a fait l’amitié de relire ces pages et d’y suggérer des aménagements. Qu’il en soit chaleureusement remercié.
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[3]
Vexierbild [Trompe-l’œil], Berlin & Weimar, Aufbau Verlag, 1983, p. 57. Erb se démarque vivement du régime de la rda et de sa police politique (la Stasi).
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[4]
Kastanienallee — Texte und Kommentare [Allée des châtaigniers — Textes et commentaires] (Berlin, Aufbau Verlag, 1987). La dédicace à l’écrivain Franz Fühmann (1922-1984), grande figure à cette époque de la dissidence en rda, laisse entendre la portée politique de ces vers. Ceux-ci jouent sur un double registre : local d’abord, à travers les pleurs de protestation de l’auteur, solidaire de la population du village, révoltée contre le bétonnage d’un bout de forêt en montagne. Parallèlement, la portée est nationale comme le souligne Steffen Popp, poète ami et éditeur d’E. Erb, dans un article du Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le terme de plateforme appartient en effet au vocabulaire politique de la rda. Toute dissidence (interne ou externe) par rapport à la ligne du parti tombait sous le coup de l’accusation de « formation de plateforme illégale ou conspiratrice », et faisait donc l’objet de poursuites. La dénonciation de l’encadrement idéologique que pratiquait la rda se poursuit sous le voile du célèbre poème de Brecht au temps de son exil suédois, « À la postérité » (1939). On y lit ce vers selon lequel « une conversation sur les arbres est presque un crime » (v. 7). Le commentaire qu’Erb fait de son poème en 1987 est éloquent lorsqu’elle le conclut sur ces mots : « Les flancs de l’individualité qu’on appelle l’opinion me traversaient comme des barrières incandescentes et provoquaient mes larmes ».
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[5]
Ibid., p. 77. Ce court poème politique à l’allure très retenue déjoue finement la censure. Sans le nommer, il place en son centre le poète Reiner Kunze, que sa protestation en 1968 contre l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie avait mis au ban de l’État. Greif, le griffon des armoiries de la ville de Greifswald, cité hanséatique en Mecklembourg-Poméranie occidentale, laisse deviner sous lui par capillarité phonique Greiz, la ville de Thuringe où Kunze réside à cette époque avant d’être contraint à l’exil. « Une toute nouvelle Elke Erb », commente un lecteur lorsqu’il découvre le poème.
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[6]
E. Erb, Freude hin, Freude her [Tribulations de la joie], 1re éd. Berlin, 1991, cité ici d’après la rééd. de Munich, Lyrik Edition 2000, 2005, p. 21 et 24. Je ne retiens du long poème, composé d’une suite de 12 pièces, que les pièces 6 et 9. Le titre de cette suite est repris d’un vers de « Strassburg Konfiguration/ Configurations strasbourgeoises » (1932), poème dadaïste de J. Arp qui ne semble pas avoir été traduit en français (H. Arp, Gesammelte Gedichte, Zurich/ Wiesbaden, 1963-1984, 3 vol., t. I, p. 47). Elke Erb présente ici bien des éléments de son propre art poétique. Sur Arp (Strasbourg, 1887-Bâle, 1966), voir M. Deguy, « Un Arp poétique », Mélusine, no 9, « Arp, peintre, poète et plasticien », Paris, L’Âge d’homme, 1987, p. 127-139) et notamment cette phrase qui explicite le projet du poète : « “Il faut réétranger l’humain“, replonger l’humain dans le non-familier, le remettre à distance, le perdre parmi les choses » (p. 128).
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[7]
« weltwunder », dont je traduis ici le titre, est un poème en langue allemande composé par Jean Arp en 1917, à partir de formules découpées dans les journaux, et publié dans la revue Der Sturm (H. Arp, Gesammelte Gedichte, op. cit., t. I, p. 47). Il ne semble pas non plus avoir été traduit en français.
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[8]
Alexandre Herzen (Moscou, 1812 – Paris, 1870), écrivain et essayiste politique russe. Les deux mots grecs, en tête de strophe un peu plus haut, sont écrits en caractères grecs.
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[9]
Poesiealbum « Elke Erb », no 301, anthologie établie par Richard Pietrass, Märkischer Verlag Wilhelmshorst, 2012, p. 18. Les Énigmes de l’univers (1899), ouvrage de vulgarisation publié par Ernst Haeckel (1834-1919), disciple allemand de Darwin, connut un immense succès.
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[10]
Leibhaft lesen [Lire avec son corps], Warmbronn, Ulrich Keicher, 1999, p. 7. Le poème s’éclaire des pages du Journal datées d’août 1998 qui décrivent la pauvreté affective dans laquelle les parents ont laissé l’enfant. Le père est essentiellement absent du fait de la guerre et vit un moment seul à Halle, avant d’y faire venir sa famille. La mère est un sujet en creux, recluse dans sa cuisine, fermée sur elle-même, sans tendresse, « citadine à la campagne, athée chez les catholiques, tandis que le mariage était vidé de son sens puisque l’État lui avait volé son mari ». Erb s’interroge fugitivement sur l’éventualité, charmante et irréelle, d’avoir jadis formé un couple avec son père, enveloppée avec lui dans un même nuage érotique (Die Crux, Bâle, Urs Engeler, 2003, p. 25).
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[11]
Extrait de Gänsesommer, Bâle et Weil am Rhein, Urs Engeler, 2005. Le bourg d’Edenkoben, dans les collines de la route allemande du vin en Rhénanie-Palatinat, dispose d’une Maison d’artistes où Erb fut accueillie.
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[12]
Extrait de Meins, Gedichte und Kommentare, Leipzig, poetenladen, coll. « Neue Lyrik », 2016, réédition en format de poche, 2020, p. 68, 69. Le procès de l’art pour tous que Mallarmé instruit contre ses contemporains remonte à l’esprit de l’auteur dans son appartement berlinois, comme une hallucination à la fois optique et acoustique. Elke Erb s’imagine dans sa maison de Haute-Lusace au village de Wuischke, au pied du mont Czorneboh, un jour d’hiver, et croit entendre japper le chien de la ferme voisine.
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[13]
Edenkoben, en Rhénanie-Palatinat (voir supra le poème « Générosité », note 12), et Feldafing, commune de Bavière au bord du lac de Starnberg — deux lieux parmi d’autres où l’auteur s’adonna à la lecture et à l’écriture.
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[14]
Meins, op. cit., p. 84, 85. L’ironie métamorphose, au premier vers, la petite pièce dans laquelle E. Erb se tient à la campagne en un boudoir de château féodal. Et le tapis sur lequel est allongée l’auteur évoque la toison d’or conquise par Jason.
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[15]
Ibid., p. 154, 155. L’auteur travaillait, dit-elle, dans un pré au-dessus de Wuischke.
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[16]
Abréviation du patronyme Erb.
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[17]
Ibid., p. 174, 176.