Po&sie 2020/4 N° 174

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Article de revue

« Refuser parfois la traduction, aller au-delà d’elle »

Dialogue entre Martin Rueff et Tiphaine Samoyault autour de Traduction et violence, Paris, Seuil, « Fiction & Cie », 2020

Pages 7 à 17

Notes

  • [1]
    Il ne s’agit pas de diaboliser l’outil, qui présente évidemment de grands avantages. La traduction assistée par ordinateur est bien l’instrument positif d’une communication facilitée, démocratique et démultiplicatrice de contacts. Mais il ne faut pas oublier non plus qu’elle accentue la hiérarchie entre les langues. L’algorithme est efficace à partir de corpus de traductions existantes. Donc il favorise les langues qui sont beaucoup traduites et entraîne à terme la disparition des langues fragiles au profit des langues dominantes.
  • [2]
    Gayatri Chakravorty Spivak, « The Politics of Translation », in Lawrence Venuti, The Scandals of Translation : towards an Ethics of Difference, London, New York, Routledge, 1998.
  • [3]
    Antoine Berman, L’Âge de la traduction. « La tâche du traducteur » de Walter Benjamin. Un commentaire, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 2008. Le titre, « l’âge de la traduction » a été donné par Isabelle Berman, éditrice du texte posthume et tiré du contenu du séminaire.
  • [4]
    Vocabulaire européen des philosophies, sous la direction de Barbara Cassin, Paris, Seuil / Le Robert, 2004.
  • [5]
    Jean-Claude Milner dans Pour une politique des êtres parlants, Lagrasse, Verdier, 2011.
  • [6]
    Voir Chantal Mouffe, Agonistique. Penser politiquement le monde, Beaux-Arts de Paris éditions, 2014 [2013]. L’Illusion du consensus, trad. de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria, Albin Michel, 2016 [2005].
  • [7]
    Martha Cheung, « Rethinking Activism : The Power and Dynamics of Translation in China during the Late Qing Period (1840-1911) », in Mona Baker (éd.), Text and Context : Essays on Translation & Interpretation in Honour of Ian Maso, Routledge, 2014, p. 237-258. Leo Tak-hung Chan, Twentieth-Century Chinese Translation Theory : Modes, Issues and Debates, Benjamins Publishing, 2004.
  • [8]
    Michel Deguy, Réouvertures après travaux, Paris, Galilée, 2007, p. 225.
  • [9]
    Antoine Berman, L’Épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, « Tel », 1984, p. 16.
  • [10]
    Ibid., p. 73.
  • [11]
    Henri Meschonnic, Éthique et politique du traduire, Lagrasse, Verdier, 2007, p. 8.
  • [12]
    Gayatri Chakravorty Spivak, Nationalisme et imagination, trad. de l’anglais par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2011.
  • [13]
    Kenneth Goldsmith, Against Translation. Displacement is the New Translation, Paris, Jean Boîte Éditions, 2017. Son ouvrage prend la forme d’un coffret contenant huit livrets proposant le manifeste dans huit langues différentes (anglais, français, espagnol, allemand, chinois, japonais, russe et arabe).
  • [14]
    Antoine Berman, L’Âge de la traduction, op. cit., p. 180.

1Martin Rueff (MR) à Tiphaine Samoyault (TS). Traduction et violence est une somme intense. Tu nous permets de nous orienter à la fois dans notre âge de la traduction (un âge menaçant puisque les machines de traduction assistées rendront superflues l’apprentissage des langues comme le GPS a remisé les cartes routières au magasin des antiquités et tu expliques que ces machines entraîneront aussi la disparition des langues qui n’ont pas une forte valeur d’échange) et dans l’état de la question théorique.

2Tu dialogues et ferrailles parfois avec les théoriciens de la traduction, mais surtout, accomplissant un geste réflexif rare, tu les reconduis à leurs concepts premiers – je pense aux chapitres 6 et 7 sur la différence entre justice et justesse et sur la notion d’imprévisibilité. De cette manière ce livre s’offre à la fois comme une réflexion théorique sur la traduction et comme un livre sur la théorie menée à partir d’un champ devenu un opérateur théorique : la traduction.

3Ce qui contribue à l’intensité de cette somme, c’est aussi que Traduction et violence est sans doute, avec La Main négative (Argol, 2008) ton livre le plus politique. Il est politique parce qu’il fait face au monde d’aujourd’hui dans ses dimensions politiques (le problème des migrants, récurrent dans le livre, la question des frontières, le problème général de l’intégration, ses ambiguïtés, ses contradictions aussi) ; il est politique parce qu’il répond aux questions politiques du moment (la question de la communauté, chapitre 8 ; la question du féminin, chapitre 9 ; la question écologique, chapitre 10 ; la question de la transmission, partout) ; mais il est politique aussi parce qu’il fait de la traduction un levier concret pour affronter ces questionnements.

4Il est tout à fait clair au reste que pour toi, penser politiquement, c’est à la fois penser au ras des événements politiques concrets lus comme des rapports de domination (l’intelligence consistant moins à les surplomber qu’à essayer de s’y repérer sans préjuger de leur signification et tu te réclames des exigences d’Étienne Balibar, p. 41 et 46 et de Chantal Mouffe, p. 52-3) ; accepter la conflictualité irréductible de ces situations, et surtout ne pas refuser la négativité. La main des traductrices et des traducteurs est une main négative. Je te cite : « la traduction est d’abord une activité négative » (p. 191). Il s’agit donc de penser la négativité politique des conflits à partir d’un instrument qui doit être rendu à sa négativité propre.

5Enfin, l’intensité de ce livre est aussi le fait de ton engagement. C’est, comme on le dit parfois avec pudeur, un essai « très personnel ».

1.

6MR. Commençons par une question qui permet un tour d’horizon. Michel Deguy, reprenant et amplifiant Berman soutient dès la fin des années 1980 que « nous sommes entrés dans l’âge de la traduction ». On peut en effet considérer qu’une date importante est la publication, en 1984, de L’épreuve de l’étranger. Je voudrais m’interroger avec toi sur les raisons de cet « âge » parce qu’ici encore, comme le montre ton introduction qui évoque le changement de la TAO (p. 8-9), la chronologie est décisive. Tu emploies d’ailleurs plusieurs fois l’expression « dans un avenir proche ».

7Dans la poétique française des années 1960 à 1980, chez Barthes, il semble que la traduction ne soit pas constituée comme un « problème », encore moins comme un « âge » – ce qui ne signifie certes pas qu’on ne traduit pas, ni même qu’on ne réfléchit pas à la traduction. Mais, pour emprunter une démarche proche de celle de Foucault, on pourrait dire que cet objet n’a encore pas franchi certains seuils, pas même celui dit de « positivité » qui correspond à sa formation et à son autonomisation d’objet. Et puis la traduction est devenue un objet, qui franchit sinon un seuil de scientificité du moins un seuil d’épistémologisation avec ses concepts propres.

8On peut donner des dates – et notamment, dans le champ français la publication en 2004 du Vocabulaire européen des philosophies, dictionnaire des intraduisibles, ou en Italie la publication du livre d’Umberto Eco, Dire quasi la stessa cosa (Bompiani, 2003, Grasset, 2004).

9Je voudrais te conduire à réfléchir sur trois points. D’une part essayer de comprendre comment la traduction a franchi ce seuil. D’autre part, me demander avec toi si la philosophie joue un rôle dans ce franchissement ou si ce n’est pas plutôt que quelque chose a changé qui a permis aussi à la philosophie de se tourner vers cet objet et de contribuer à sa constitution. Enfin, serais-tu d’accord pour dire que l’âge de la traduction, c’est aussi un âge dans lequel ce qu’on veut dire de la littérature et qu’assumaient autrefois d’autres discours (poétique, stylistique) est désormais assumé par la traduction ? Tu te réfères notamment aux travaux de Andreas Huyssen pour soutenir une hypothèse audacieuse : le succès de la traduction serait dû aussi à la fragilisation de la notion même de représentation (p. 56).

10TS. Dit-on l’âge de la traduction comme on dit l’âge de fer ou comme on dit l’âge d’or ? Parle-t-on d’époque au sens temporel ou au sens axiologique de moment florissant ? Il me semble que les deux se conçoivent ensemble. Nous vivons dans un âge où la traduction est devenue paradigmatique, comme a pu l’être la langue à partir des années 1960, c’est-à-dire un lieu de pensée qui traverse les disciplines et qui aide à concevoir leur lien, en même temps qu’un outil essentiel pour réinventer le politique. On peut même soutenir que le « translation turn » dont on parle parfois n’est qu’une variante du « linguistic turn », qu’il en procède, plutôt, malgré les différences qu’il institue et sur lesquelles je vais revenir. Dans ce sens, la traduction est bien un discours qui permet d’assumer d’autres discours.

11Cet âge a d’abord des raisons d’être historiques. La globalisation implique la traduction. C’est la raison pour laquelle les développements de l’Intelligence artificielle au service de la traduction sont aussi cruciaux. Ils servent la logique générale du marché. Ils font rentrer les langues dans le grand système de l’équivalence – monétaire, entre les marchandises, les biens –, ce qui lui ôte une part de sa complexité et cesse d’en faire un problème. La TAO ne fonctionne que sur la base d’une croyance en cette équivalence, avec comme horizon l’utopie d’une transparence des échanges [1]. Dès qu’on s’intéresse à la traduction pour la différence qu’elle instruit, on récuse cette croyance. S’il y a bien un « translation turn », ou un « tournant traductif », c’est me semble-t-il pour deux raisons : parce que la traduction permet de problématiser la circulation des idées, mais aussi des personnes et des œuvres, qu’elle révèle des rapports de force, des hiérarchies, un système-monde inégal et mobile, produisant d’inévitables changements d’échelle ; mais surtout parce qu’elle met au jour la part négative, ou plutôt la part difficile de ces circulations et de ces échanges : c’est pourquoi, dans les théories contemporaines de la traduction, ce qui est à traduire est précisément ce qui ne se traduit pas ; ce qui appelle la traduction est l’intraduisible comme ce qui est toujours à traduire. Dans les pensées postcoloniales de la traduction, où la question est celle des langues minorisées ou mineures, ce qui est à traduire est précisément tout ce qui offre des alternatives aux représentations dominantes, transmises par les langues institutions. Dans « The Politics of Translation », Gayatri Spivak écrit ainsi que « le texte littéraire intéressant, à traduire, est justement celui où nous n’apprenons pas la perspective majoritaire de la représentation ou de l’autoreprésentation culturelle de l’état nation [2]. » La traduction a ainsi un rôle éminent à jouer pour les représentations, dans la mesure où, activité elle-même considérée comme mineure, elle peut être une pratique sensible de ce qui est habituellement laissé pour compte. Pour renverser les valeurs qui ont présidé à cette assimilation, on peut dire qu’avoir été culturellement dominé peut devenir une force permettant de repenser notre vie en commun. La traduction peut ainsi être le lieu d’une critique de l’autorité.

12L’âge de la traduction a aussi une raison philosophique. Si c’est le titre donné au commentaire de « La Tâche du traducteur » de Walter Benjamin par Antoine Berman [3], c’est parce que ce dernier en fait « le » grand texte philosophique de notre époque au sens large, non seulement le grand texte sur la traduction, mais aussi sur le langage et sur la vie. Or ce texte date de 1923, il a presque cent ans. Mais il a fallu du temps pour prendre la mesure de ce qu’il disait – il reste d’ailleurs en lui des points qui me sont obscurs –, et rien de ce qui s’est écrit d’important sur la traduction au tournant des xxe et xxie siècle n’a pu en faire abstraction. Même en laissant de côté son caractère métaphysique et sa théorie du pur langage, ce texte donne à la traduction deux raisons majeures d’être constituée en paradigme, plus une autre, subsidiaire, moins souvent aperçue mais qui me semble décisive. La première raison, c’est l’attention à la lettre. Un âge de la traduction ne peut concevoir celle-ci comme un simple processus de communication interculturelle ; il doit prendre la mesure d’un dialogue des différences qui ne s’aperçoit que dans une attention à la lettre et à sa mobilité. C’est ce dont témoigne l’extraordinaire entreprise du Vocabulaire européen des philosophies, sous-titré (c’est presque devenu son surnom), « dictionnaires des intraduisibles [4] », et ses résonances un peu partout dans le monde : la non-équivalence des concepts est leur chance et l’imperfection de la traduction un espace particulièrement propice pour penser, hors des certitudes d’un logos universel ou d’une raison surplombante. La mise en cause de l’Un trouve à se réfléchir dans la traduction qui permet d’affirmer que le deux ne se résout jamais dans l’un, qu’on doit faire avec la différence et que le travail du sens est toujours à venir. Ainsi, il y a et il n’y a pas d’intraduisible. Il y a traduction toutes les fois qu’on perçoit de l’intraduisible et qu’on commence à le réduire. La deuxième raison qui fait de la traduction un paradigme pour notre temps et qui se trouve au cœur de la réflexion de Benjamin, c’est la question de la mémoire. Si l’œuvre est inoubliable par essence, alors la traduction devient mémoire de l’inoubliable et assure de ce fait le rapprochement du lointain (car l’inoubliable est lointain) et la survie d’une vie enfermée dans son essence. Que la traduction soit remémoration explique aussi son importance à une époque qui, pour des raisons historiques, est aussi un âge de la mémoire, de la mémoire de violences extrêmes inacceptables et, par-là, inoubliables elles aussi. Une troisième raison tient à la liaison implicite (mais qui s’explicite lorsqu’on met en relation plusieurs de ses textes, notamment « La tâche du traducteur » avec « Pour une critique de la violence », de 1921) qu’élabore Benjamin entre traduction et violence justement : il y a une violence du choc d’une langue sur l’autre, une violence de la déformation qui s’ensuit, une violence de l’accentuation du texte.

2.

13MR. Dans cet âge de la traduction, après un moment qu’on pourrait dire ontologique (qui correspond à cette fortune de Benjamin en France au tournant de notre siècle, c’est-à-dire au relais offert par Benjamin à Heidegger), un âge éthique a vu le jour (il correspond aux année 1990 / 2010) – on veut faire jouer à la traduction un rôle éthico-politique qui est celui de la construction du consensus, dont tu montres, p. 11, toute l’ambiguïté.

14Tu indiques et tu portes toi-même en France un troisième moment qui est plus proprement politique au sens où ta politique de la traduction se dresse contre tout discours lénifiant de l’entente cordiale. Je te cite p. 54 : « c’est donc en termes politiques qu’il est possible de penser la traduction et non en termes éthiques, selon un modèle qui serait non plus celui de la négociation, mais celui du maintien de la rivalité. Le conflit existe, il est affronté. Il n’est pas déjoué. » Peux-tu décrire ce troisième moment et les raisons qui t’ont poussée à l’identifier ?

15TS. Il y a eu en effet, autour des années 1990-2000, un tournant éthique de la réflexion sur la traduction – qui coïncide plus ou moins, dans les sociétés occidentales, avec la fin de la Guerre froide – où l’on a voulu en faire un lieu de pacification, de compréhension de l’altérité qui a accompagné, me semble-t-il, un discours général allant dans ce sens (parvenir à une société pacifiée, sans conflits, vivre dans un monde sans ennemis…). En tant qu’exercice de la différence, la traduction serait exemplaire d’une relation respectueuse de l’étranger, d’un rejet de l’ethnocentrisme. Ce discours positif et généreux n’est évidemment pas faux : la traduction peut-être aussi cela ; mais elle ne peut pas être entièrement mise au service du consensus. Comme tout dialogue, elle est aussi confrontation à la parole de l’autre, au dernier mot. Comme toute rencontre, elle implique un consentement qui ne va pas sans dommages. Avec ce livre, j’ai voulu affirmer que mettre au jour le potentiel de violence que la traduction recelait n’était pas une manière de la dévaluer, mais au contraire d’accentuer sa force politique. Comme l’explique Jean-Claude Milner dans Pour une politique des êtres parlants[5], la politique commence avec la découverte qu’un être parlant peut en asservir d’autres sans avoir besoin de le mettre à mort. Le langage peut suffire…

16La traduction, j’en traite aussi dans mon livre, a participé à des expériences historiques de violence extrême, a pu contribuer à l’exercice de cette violence, coloniale notamment, en étant un des instruments de la domination culturelle, de l’appropriation de l’autre, de l’oubli ou de l’enfouissement des cultures. Certains traducteurs sont très conscients de cela et ressentent la violence en retour. Ainsi, pour donner un exemple, pour Yehuda Shenhav-Shahrabani, le traducteur hébreu de Zakira, roman de l’écrivain palestinien Salman Natour, le problème consiste à faire passer la souffrance palestinienne de la Nakba dans la langue des oppresseurs. La difficulté est à la source d’une angoisse qui le pousse à expliquer, à réécrire, à augmenter l’original pour être sûr de se faire comprendre. Le conflit intérieur qui l’habite concerne moins la langue qu’il traduit, l’arabe, que la langue vers laquelle il traduit et qui lui donne le sentiment de le trahir. Primo Levi a ressenti quelque chose d’inverse et pourtant de très comparable lorsqu’il a reçu la traduction allemande de Si c’est un homme : un retour dans la langue dans laquelle les faits s’étaient produits. Aucune violence ne peut être séparable de la ou des langues dans lesquelles elle a lieu.

17Pour ces raisons qui constituent l’arrière-plan historique de la réflexion je propose, comme je l’ai dit plus haut, de prendre en compte le potentiel politique inhérent au traduire. Parce que le deux, dans la traduction, ne se ramène jamais pleinement à de l’un, celle-ci permet de penser les manières de réguler la confrontation (pour détruire le moins possible, il importe de ne pas négliger que l’on détruit quand même). Je reprends à Chantal Mouffe sa pensée de la confrontation où elle rappelle que tout ordre est instauré par l’exclusion d’autres possibilités [6]. C’est aussi ce qui se passe dans la traduction. Il y a toujours, d’une langue à l’autre, différentes options parmi lesquelles il faut choisir et affirmer une position. J’appelle « traduction agonique » cette force du négatif à l’œuvre dans l’opération même du traduire. Le terme d’agonisme diffère de celui d’antagonisme et permet de définir une forme d’antagonisme « apprivoisé » (c’est aussi l’adjectif que Chantal Mouffe utilise pour évoquer la transformation d’une « lutte entre ennemis » en une « confrontation entre adversaires », d’accord sur certaines valeurs). L’agonisme, contrairement au consensus ou au dialogue, souligne une négativité impossible à déraciner. « Les questions politiques, écrit-elle, impliquent toujours des décisions qui exigent que l’on fasse un choix entre plusieurs options en conflit. » La traduction agonique est ainsi celle qui maintient les forces de conflit inhérentes à la traduction, entre les langues, entre l’esprit et la lettre, entre l’original et les traductions. C’est donc en termes politiques qu’il est possible de penser la traduction et non en termes éthiques, selon un modèle qui ne serait plus celui de la négociation, mais un modèle adversarial. Le conflit existe, il est affronté, il n’est pas déjoué. Le traducteur est amené à prendre une décision et à l’affirmer contre d’autres. De même sa traduction s’affirme à la fois avec et contre l’original, avec et contre la traduction précédente.

3.

18MR. Mais au sein même de cet âge politique de la traduction, tu distingues (c’est page 149) un « tournant éthique de la traduction » qui, si je te suis bien, est un moment de l’âge politique. Tu m’as fait penser à la relève (terme auquel tu as recours après Derrida, p. 127) de la » Moralität » par la « Sittlichkeit » dans les Principes de la philosophie du droit chez Hegel. Veux-tu revenir sur les trois formes de ce tournant éthique ?

19TS. Je distingue en effet trois éthiques du traduire, sur lesquelles je vais revenir, mais seulement deux « tournants ». Il y a le tournant éthique de la fin du xxe siècle, illustré en particulier par les œuvres majeures de Berman, de Deguy, de Meschonnic (si l’on considère la poétique chez lui comme une éthique), de Venuti, mais aussi, pour citer des références non-occidentales, de Martha Cheung ou de Leo Tak-Hung Chan pour la Chine [7]. Et il y a la reprise politique de ce tournant à laquelle j’en appelle. Si le premier défend le respect de l’autre en tant qu’autre, l’étrangéisation – c’est-à-dire le poids de la syntaxe étrangère sur la langue d’arrivée (foreignization en anglais) –, et correspond pour la traduction à la loi de l’hospitalité pour les sociétés, le second se présenterait plutôt comme la tentative de réparation de ce qui est nécessairement séparé par l’opération de traduction elle-même, l’effort pour faire entendre ce qui a été tu. C’est dans cet effort que la traduction peut vraiment créer du commun, le commun de la communauté, en se présentant précisément en tant que « comme un », comme le dit Michel Deguy. De même que la pensée politique de la communauté consiste à passer de « frère à comme des frères [8] », de même la réflexion sur la traduction permet de passer de « langue maternelle à langue comme maternelle », marquée par la non-identité à soi.

20D’un point de vue théorique, en revanche, on peut distinguer trois éthiques du traduire, l’une qui passe par la pensée de la relation des langues entre elles, une autre qui passe par les sujets et une dernière qui défend les cultures. Le premier développement prend en compte le dialogisme dans l’acte même de traduire. C’est l’acte fondateur posé par Antoine Berman avec L’Épreuve de l’étranger en 1984, qui reconnaît la lutte que se livrent les langues dans la traduction, le forçage de la langue maternelle par la langue de l’autre et qui invite à faire de la traduction le lieu où s’expose cette différence. La traduction n’est donc plus remplacement, substitut dans une autre langue, mais espace polémique dont l’éthique vient adoucir ce conflit. La responsabilité totale pour l’autre (que Berman hérite de Levinas) invite à féconder le propre par l’étranger : « L’essence de la traduction est d’être ouverture, dialogue, métissage, décentrement. Elle est mise en rapport, ou elle n’est rien [9].» Cela implique concrètement de s’attacher à la lettre du texte et de la transporter dans la langue d’accueil, alors transformée par ce que le corps de la langue étrangère fait à la langue propre. On voit bien le gain éthique : l’accueil est maximal puisque la langue de l’autre est encore présente dans la langue d’arrivée, elle la modifie avec son apport, ce qui implique aussi une « éduction à l’étrangeté [10] ». Mais on voit aussi le problème pratique : le texte traduit ne ressemble pas, mais pas du tout, au texte à traduire qui, lui, n’était pas compliqué par ce dialogue. L’éthique de Berman, même si elle connaît un déploiement pratique (notamment dans la critique concrète de l’ethnocentrisme de la plupart des traductions), a essentiellement une visée philosophique (c’est une éthique téléologique et non une éthique déontologique). Il s’agit d’approcher, par la traduction littérale, la vérité de toute mise en rapport (des êtres et des langues), pas de fonder une communauté interculturelle. Sa visée n’est pas vraiment fonctionnelle. Un autre développement de l’éthique du traduire passe par les sujets. Dans Éthique et politique du traduire, Meschonnic définit l’éthique en ces termes : « non comme une responsabilité sociale, mais comme la recherche d’un sujet qui s’efforce de se constituer comme sujet par son activité, mais une activité telle qu’est sujet celui par qui un autre est sujet. Et en ce sens, comme être de langage, ce sujet est inséparablement éthique et poétique. C’est dans la mesure de cette solidarité que l’éthique du langage concerne tous les êtres de langage, citoyens de l’humanité, et c’est en quoi l’éthique est politique [11]. » C’est ainsi le « sujet » du texte à traduire qui constitue le traducteur en sujet traduisant ; ils sont inséparables et impliquent une égalité autant qu’une réciprocité. Ce qui prévaut, c’est une relation, le discours (c’est-à-dire le langage habité par un sujet, porté par lui, qui ne doit pas être traduit par de la langue, mais par un autre discours) : que certaines pratiques de la traduction cherchent à neutraliser, parfois pour des raisons intentionnelles (pour ne pas se laisser entamer par cette relation, dénier à l’autre cette position de sujet). Enfin, une dernière éthique tente de prendre en charge aussi le poids des rapports entre les cultures dans les relations entre les langues. La traduction ne peut être démocratique que dans le cadre d’un échange véritablement réciproque entre les cultures et les êtres qui les portent. On pourrait considérer cette éthique comme culturaliste, ce qu’elle n’est pas entièrement parce qu’elle oblige à redéfinir ce que l’on entend par culture. Il s’agit de penser la culture comme l’articulation du langage, du politique et de leurs énonciations et donc de proposer, avec la traduction, une éthique des particularités. Pour ne pas en faire un geste transparent, il faut travailler sur les représentations et faire advenir ce que Gayatri Spivak appelle « un sujet de réparation », un « sujet responsable » selon l’économie de la dette et du don : la dette envers la langue maternelle, dont parle aussi Antoine Berman, implique la reconnaissance de la langue maternelle de l’autre qui nécessite un engagement, un don de la traductrice ou du traducteur : les réalités linguistiques, affectives, littéraires sont placées sur le même plan et la hiérarchie est effacée [12].

21Je m’attache plus pour ma part à ces lieux et ces manières où la traduction peine à faire communauté pour lutter contre l’idée reçue et fausse selon laquelle elle le ferait toujours. C’est la raison pour laquelle j’évoque aussi une éthique de la non-traduction.

4.

22MR. C’est d’ailleurs sans doute une des idées les plus novatrices du livre que celle qui consiste à avancer, et c’est vertigineux, qu’un des actes traductifs les plus puissants consiste peut-être à ne pas traduire. Tu l’évoques deux fois. C’est d’abord à propos de la traduction anglaise de la « Todesfuge » de Celan par John Felstiner qui laisse trois vers du poème en allemand. Je te cite car ton commentaire est très puissant : « le sentiment d’évidence que produit cette traduction unique en son genre tient à la façon dont l’allemand cogne dans l’anglais comme il cogne dans l’allemand dans le texte original » (p. 59). C’est ensuite à propos d’un poème extraordinaire de Joy Harjo qui évoque, en anglais, l’avènement d’une langue qui pourrait « teach us a language so terrible / it could resurrect us all » (p. 146).

23TS. Il existe plusieurs manières d’être contre la traduction, hostile à elle. Kenneth Goldsmith, dans Against Translation, indique non seulement après d’autres que la traduction est souvent appropriation ou méconnaissance de l’autre, mais aussi qu’elle a perdu son sens dans notre monde digitalisé, en déplacement incessant. Il plaide alors en faveur du déplacement non-linéaire qui peut prendre la forme de traductions créatives ou homophoniques [13]. À côté de cette conception post-humaniste, il y a d’autres expériences notables de non-traduction. Celle que tu cites de John Felstiner de « Todesfuge » est particulièrement puissante car elle « traduit » précisément la part d’intraduisible irréductible qu’il y a chez Celan. On a pu dire de la poésie de Paul Celan qu’elle était intraduisible jusque dans sa propre langue. Cet intraduisible-là ne ressortit pas au mythe de l’intraduisible qui est une manière convenue de sacraliser l’original. Il est au contraire l’inscription dans le poème de la part incompréhensible et non-communicable (ou communicable seulement par ce moyen) de l’expérience de la violence extrême. L’allemand de Celan est une langue de traduction, nourrie par la traduction et mis à distance par elle. Le geste du traducteur américain restitue une différence contenue dans le poème, qui est celle de l’allemand lui-même. Il lui est possible de le faire car l’anglais et l’allemand sont des langues très voisines, mais il reste que ce retour de la langue du poème dans la traduction (retour plutôt que maintien, d’ailleurs) est particulièrement émouvant. Je ne peux le lire sans en être profondément bouleversée. Dans d’autres cas, la non-traduction se présente comme une réponse à la violence de la traduction. On peut ne pas vouloir être traduit pour l’avoir trop été, dans le contexte historique de dominations culturelles destructrices. Ainsi, quand la violence appropriative et la négation de l’autre ont été très fortes, on peut vouloir, affectivement et stratégiquement, ne plus être traduit. Si la réparation peut venir de la traduction elle-même, elle doit se faire parfois par un effort inverse : celui d’apprendre la langue de l’autre pour l’habiter, non pour la déplacer. Le Manifeste indien de Vine Deloria l’exprimait déjà en 1969 : les sociétés occidentales, si elles veulent réparer d’une manière ou d’une autre les crimes du génocide doivent mettre un frein à leur curiosité face aux textes des sociétés natives. Le poème de Joy Harjo, « Resurrection », parle de la privation de sa langue maternelle, des langues qui se sont imposées contre les langues locales, mais il y est question aussi des mots qui manquent pour répondre à la violence (« I have no damned words to make violence fit neatly »). Au-delà de la langue, la relation peut advenir dans la poésie : entre les vivants et les morts, entre les victimes qui enseignent aux survivants une langue si terrible « qu’elle pourrait nous ressusciter tous », nous les victimes. Dans tous ces cas, il me semble que la non-traduction est aussi une manière de traduire ou de penser la traduction.

5.

24MR. Ton livre est aussi une forme d’hommage paradoxal aux traductrices et aux traducteurs : tu les aimes. Tu fais une place particulière à Paul Celan, à André Pézard, à Primo Levi, ou à Julia Smith la littéraliste, mais aussi plus près de nous à Luba Jurgenson, André Markowitz ou Guy Régis Jr. Ces portraits sont souvent bouleversants car ce sont des portraits politiques d’écrivaines et d’écrivains. Tu donnes en quelque sorte la clef de ces portraits dans les pages conclusives de ton étude (p. 192 sq.)

25TS. Il est difficile de penser théoriquement la traduction sans avoir ressenti dans son corps les effets de sa pratique et j’ai commencé à y réfléchir après en avoir fait l’expérience, en effet. Une part de la violence qui selon moi la caractérise vient de la lutte corps à corps menée pour ménager le passage d’une langue à l’autre, d’un discours à un autre discours. Au-delà de cet aspect charnel de la traduction – où il y a bien incorporation des mots et des phrases de quelqu’un d’autre, respiration à son rythme –, c’est la question de l’oralité qui me paraît frappante. En compagnie de la réflexion d’Édouard Glissant sur la traduction, mais aussi en réfléchissant à la traduction du langage des bêtes et des enfants, il m’est apparu que la traduction permettait de retrouver un point de non-fixation de l’écrit, un point de passage où la langue redevient chant, parole flottante, faite pour être transmise, transformée, adaptée à son gré. Elle bouscule en tout cas l’autorité de l’écrit qui fixe, encadre et sacralise. Je comprends ainsi que la traduction opère ce passage de l’écrit vers l’oral que des siècles de culture ont entrepris d’inverser. Je rejoins alors une réflexion d’Antoine Berman lisant Benjamin où il voit dans la libération de la langue pure par la traduction une pensée de l’oralité. « La langue même, c’est la langue orale. La définition ultime de la traduction, c’est de libérer dans l’original écrit sa charge d’oralité. Cela, l’original ne le peut pas. Le passage d’une langue à l’autre peut libérer l’oralité de l’écrit. Mouvement infiniment difficile, qui devrait être l’unique désir du traducteur [14]. » S’il rattache son propos au caractère dialectal selon lui de toute grande traduction concrète, j’étends pour ma part la réflexion à l’idée même de traduction qui dans son caractère temporaire, essentiellement transmissible et collectif, reconduit aux processus créatifs de l’oralité.

26Penser la traduction implique aussi d’être une lectrice de traduction. Lire des traductions, ce n’est pas simplement les comparer aux originaux, c’est les lire pour elles-mêmes, pour faire l’expérience d’une langue aimantée par une autre, parfois alourdie par une autre, d’une langue spéciale. Je lis bien sûr des traductions comme tout le monde, pour des raisons pratiques, à cause de ma méconnaissance de la plupart des langues, mais je lis aussi des traductions pour réfléchir à la rencontre de plusieurs espaces-temps dans la langue et pour voir à l’œuvre une subjectivité en train de traduire, ses malaises, ses triomphes, ses façons d’apparaître ou de se dissimuler. La tâche de la traduction est d’abord celle « du traducteur », et elle oblige à une forme d’écoute.

6.

27MR. Chaque chapitre captive, aimante, passionne, par sa densité de « précipité » de théories et d’expériences. Le chapitre 10 propose ainsi, contre une réflexion « herméneutique », une « esthétique » de la traduction selon le double sens de la notion même d’esthétique – c’est une logique de la sensation (p. 181) et c’est une logique de la création. Tu montres ainsi comment la traduction aujourd’hui se rend plus attentive aux dimensions matérielles du texte, à ses éléments concrets. C’est une réflexion passionnante qui permet d’articuler la théorie de la traduction et l’imaginaire de l’éco-poétique.

28TS. L’écoute dont je parle est effectivement écologique. Se mettre à l’écoute des traductions, placer son oreille contre, est aussi une façon d’entendre les mouvements du monde. C’est un acte élémentaire, souvent minoritaire (« J’écoute et j’obéis… » disent les personnages subalternes – esclaves et djinns – qui peuplent Les Mille et Une Nuits) mais qui en appelle aussi à une circulation et une transmission. Il y a d’abord un combat à mener pour les langues, qui disparaissent aussi vite que les oiseaux et qui vont continuer à le faire si on n’en fait pas un des enjeux de notre lutte écologique. Mais il y a une attention à porter à tout ce qui déborde le sens, et qui a à voir avec l’appréhension du monde sensible. C’est pourquoi je parle de « tournant sensible » dans notre approche de la traduction, pour évoquer un processus par lequel la traduction n’a plus seulement à faire à un contenu, à une idée, voire même à une forme (la matière n’est pas la forme), mais à des éléments concrets qu’il s’agit à la fois de percevoir et de reproduire. C’est pourquoi je donne comme figure tutélaire au traduire Tirésias plutôt qu’Hermès. Tirésias, qui joue un rôle majeur dans ce grand poème-traduction qu’est « The Waste Land » de T.S. Eliot : Tirésias, le prophète au double sexe est doté par les dieux du don de comprendre l’inintelligible et chantante langue des oiseaux. Il rappelle au traducteur qu’il faut s’éloigne du sens pour rejoindre les sens et certaines formes d’absence de sens qui font le prix de la littérature.


Date de mise en ligne : 17/12/2020

https://doi.org/10.3917/poesi.174.0007

Notes

  • [1]
    Il ne s’agit pas de diaboliser l’outil, qui présente évidemment de grands avantages. La traduction assistée par ordinateur est bien l’instrument positif d’une communication facilitée, démocratique et démultiplicatrice de contacts. Mais il ne faut pas oublier non plus qu’elle accentue la hiérarchie entre les langues. L’algorithme est efficace à partir de corpus de traductions existantes. Donc il favorise les langues qui sont beaucoup traduites et entraîne à terme la disparition des langues fragiles au profit des langues dominantes.
  • [2]
    Gayatri Chakravorty Spivak, « The Politics of Translation », in Lawrence Venuti, The Scandals of Translation : towards an Ethics of Difference, London, New York, Routledge, 1998.
  • [3]
    Antoine Berman, L’Âge de la traduction. « La tâche du traducteur » de Walter Benjamin. Un commentaire, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 2008. Le titre, « l’âge de la traduction » a été donné par Isabelle Berman, éditrice du texte posthume et tiré du contenu du séminaire.
  • [4]
    Vocabulaire européen des philosophies, sous la direction de Barbara Cassin, Paris, Seuil / Le Robert, 2004.
  • [5]
    Jean-Claude Milner dans Pour une politique des êtres parlants, Lagrasse, Verdier, 2011.
  • [6]
    Voir Chantal Mouffe, Agonistique. Penser politiquement le monde, Beaux-Arts de Paris éditions, 2014 [2013]. L’Illusion du consensus, trad. de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria, Albin Michel, 2016 [2005].
  • [7]
    Martha Cheung, « Rethinking Activism : The Power and Dynamics of Translation in China during the Late Qing Period (1840-1911) », in Mona Baker (éd.), Text and Context : Essays on Translation & Interpretation in Honour of Ian Maso, Routledge, 2014, p. 237-258. Leo Tak-hung Chan, Twentieth-Century Chinese Translation Theory : Modes, Issues and Debates, Benjamins Publishing, 2004.
  • [8]
    Michel Deguy, Réouvertures après travaux, Paris, Galilée, 2007, p. 225.
  • [9]
    Antoine Berman, L’Épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, « Tel », 1984, p. 16.
  • [10]
    Ibid., p. 73.
  • [11]
    Henri Meschonnic, Éthique et politique du traduire, Lagrasse, Verdier, 2007, p. 8.
  • [12]
    Gayatri Chakravorty Spivak, Nationalisme et imagination, trad. de l’anglais par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2011.
  • [13]
    Kenneth Goldsmith, Against Translation. Displacement is the New Translation, Paris, Jean Boîte Éditions, 2017. Son ouvrage prend la forme d’un coffret contenant huit livrets proposant le manifeste dans huit langues différentes (anglais, français, espagnol, allemand, chinois, japonais, russe et arabe).
  • [14]
    Antoine Berman, L’Âge de la traduction, op. cit., p. 180.

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