Couverture de POESI_172

Article de revue

Quelle parole s’interdire à ce point de silence ?

Le silence dans l’œuvre romanesque de Geneviève Delrieu

Pages 41 à 49

Notes

  • [1]
    Cf. « L’amant », in L’Étoile de la Rédemption, [1921, 1976], Paris, Seuil, 2003, p. 233 sq.
  • [2]
    L’Hiver, Paris, Gallimard, 1993 (désormais, H.) et Dormez-vous ?, Paris, Balland, 1997 (désormais D.).
  • [3]
    Cf. Louis Lavelle, La parole et l’écriture, Paris, 1947, p. 129 et 174 et les deux Petits Traités de Pascal Quignard : Taciturio, I, V et De Taciturnis, VI, XXXIII, in Petits Traités, Paris, Gallimard, Folio, 1999, volume I, p. 85 sq et volume II, p. 181 sq.
  • [4]
    Cf. Georges Bataille, Manet, Genève, Paris, Skira, 1955. « Ce dont il s’agissait, assez bizarre, était le silence dans la peinture », p. 37. Bataille oppose la modernité de ce silence à « l’éloquence du système » (p. 45, p. 49, p. 51, p. 55). Manet aurait imposé un « silence définitif à la peinture » (p. 55, p. 58). Il dépasse Monet et ses amis par sa passion de « réduire au silence – en une sorte d’opération » (p. 84).
  • [5]
    Cf. Martin Heidegger, Être et Temps, § 34 : « c’est seulement dans le parler véritable qu’un faire-silence authentique (eigentlichen Schweigen) devient possible » [p. 165], trad. E. Martineau, Paris, Authentica, 1985, p. 141.
  • [6]
    Jean-Louis Chrétien a fait de ces figures du silence un des sommets de sa profonde méditation sur la parole : cf. « Le silence dans la peinture », in Corps à corps. À l’écoute de l’œuvre d’art, Paris, Minuit, 1997 ; « L’hospitalité du silence », in L’Arche de la parole, Paris, Puf, « Epiméthée », 1998, p. 55-104 ; « Se taire » in Saint Augustin et les actes de parole, Paris, Puf, « Epiméthée », 2002, p. 91-104. Sur L’Arche de la parole, cf. l’étude de Jérôme de Gramont qui mesure l’écart qui sépare l’entreprise de Jean-Louis Chrétien de Acheminement vers la parole de Martin Heidegger, « L’aventure de la parole selon Jean-Louis Chrétien », in Comprendre, 19/2, 2017, p. 9-30.
  • [7]
    Cf. Maurice Blanchot : « Le ton n’est pas la voix de l’écrivain, mais l’intimité du silence qu’il impose à la parole, ce qui fait que ce silence est encore le sien, ce qui reste de lui-même dans la discrétion qui le met à l’écart ». L’Espace littéraire, Gallimard Folio Essais, 1955, p.22.
  • [8]
    Samuel Beckett, L’Innommable, Paris, Minuit, 1971, p. 37.
  • [9]
    Karl Jaspers, Philosophie, traduction Jeanne Hersch, 1989, p. 324.
  • [10]
    Jean-Jacques Rousseau, Emile, V, Œuvres Complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », tome IV, p. 745-746.
  • [11]
    Il reste que Marthe désirera savoir le nom de la jeune mère et que Quentin le lui cachera : « Il dit qu’elle n’avait pas à se soucier : le nom était si rare que même le hasard ne pourrait faire qu’il la hantât. Le tourment s’en accrut » (p. 67).
  • [12]
    Elle le révélera à la fin du roman. Elle a eu un fils qu’elle avait tant aimé qu’elle a fini par l’abandonner une fois qu’il fut grand : « J’ai rompu avec cet enfant comme on rompt avec un amant. De quoi sert une mère dont la peau s’interdit de s’émouvoir et qui a décidé d’aimer d’autres corps ? Quelle garantie a-t-on qu’on n’est en train de tuer celui qu’on aime ? » (H., p. 149).
  • [13]
    À plusieurs reprises, dans Dormez-vous ? La bouche est évoquée comme cavité où loger un baiser et non pas comme organe de la parole.
  • [14]
    Qu’on compare : Flaubert : « ’Ah je vais mourir ! Rapproche-toi ! Réchauffe-moi ! Pas avec les mains ! – non toute ta personne !’ Julien s’étala dessus complètement, bouche contre bouche, poitrine sur poitrine ». Dormez-vous ? : « Elle était effrayée par la constance de ce froid. Alors elle se glissa sous les arceaux. Elle entra dans le lit et se colla à lui. […] Annonciade l’amena à son ventre. Les deux corps étaient immobiles, l’un respirant à l’autre. […] On ne saurait dire le temps qu’elle resta contre lui, à réchauffer ce corps exténué, dans la terreur qu’il s’arrêtât soudain de vivre, qu’il fût tout le long d’elle froid et durci par la mort avant qu’elle pût s’en arracher » (p. 63). Ce schéma narratif sera rejoué plus loin quand Marthe rejoindra Quentin redevenu alcoolique à Londres – « Il fit le geste d’écarter Marthe dès qu’il se fut allongé, maigre et blanc comme un Christ déposé, la peau striée par les poils mouillés que l’eau défrisait. Pourtant elle se pencha sur lui » (p. 97).
  • [15]
    « Premier déchirement de l’enfance : s’endormir sans le viatique de la parole chaque soir lancée à travers la porte refermée, au moment précis où le pas s’engage dans l’escalier. Plus que du silence – quelle voix pourrait monter ce soir sinon le râle du mourant – l’horreur est d’une certitude : hier était le dernier soir. Leurs voix chuchotent sous le drap le serment de se taire à jamais » (H., p. 94). Cf. aussi, p. 99 ou encore : « Tus les mots qui auraient obligé à donner un statut – même chuchoté – à ce qui les nouait. Quelle syllabe assez tiède sauverait-on pour dire comme elle est seule et lasse ? », (p. 127). Lors de l’enterrement de R., il est question d’une « vieille dame qui ne sait plus chuchoter », p. 135.
  • [16]
    Pascal Quignard, Taciturio, op. cit., p. 88.
  • [17]
    « Calvino et l’allègement narratif », in La Beauté du monde, Paris, Gallimard, « Quarto », 2016, p. 981-991.
  • [18]
    Cf. l’histoire du peintre Liû, allégorie de l’impuissance, sur laquelle s’achève Dormez-vous ?, p. 157.
  • [19]
    Cf. Jean Rousset, « Madame Bovary ou le Livre sur rien », in Forme et signification, Paris, Corti, 1963, p. 133. Cf. aussi Gérard Genette, « Silences de Flaubert », Figures I, [1966], Paris, Seuil, Points, 1976, p. 223-243, surtout p. 242-243
  • [20]
    Herman Melville, Pierre ou les ambiguïtés, XIV, 1, trad. Pierre Leyris, Paris, Gallimard, 1967, p. 247.
  • [21]
    « Dans cette lettre », écrit Pascal Quignard, « Sidoine Apollinaire définit les particularités de sa façon d’écrire, il emploie un verbe latin qui n’est attesté que dans cette lettre : “esti tacere necdum coepimus, certe taciturire”. Il oppose ce verbe hapax à tacere. Il écrit : ce n’est pas “se taire” ; c’est “avoir envie de se taire” ». Taciturio, op. cit., p. 102.

1.

1« Longtemps auparavant, sans qu’ils en aient eu le soupçon, les mots – grevés de trop d’absents – les avaient conduits au silence ». C’est l’ouverture de L’Hiver : des amants silencieux sont au musée et contemplent les peintures qui « instaurent le mutisme plus sûrement qu’un doigt posé sur les lèvres ». Comme nous ne saurons jamais leur nom, nous adopterons le lexique de Rosenzweig – l’amant et l’aimée – dans L’Étoile de la Rédemption[1]. L’aimée « trouva leur silence, fragilement enfermé par le peintre – cellule, étable, atelier, nuit parfois – et qu’elle voulut consolider en fortifiant autour de lui le silence des musées ». Au lendemain d’une nuit d’amour baignée « d’une sueur douce que ne brouille aucun parfum », les amants scellent un « pacte muet ». Au terme de leur histoire, et quand il faut refermer le livre, une voix s’élève pour garder le mystère : « ce livre dites-vous ? On a si peu dévoilé d’eux, si peu livré des mots qui allèrent d’une bouche à l’autre, quand ils tenaient encore leurs yeux grands ouverts. On a dit qu’ils s’aimaient. […] Achever ne serait rien d’autre que la réduction la plus sévère du peu de mots qui s’offrirent dans le temps de l’absence. Jusqu’à trouver l’impalpabilité des anciens gants de canepin : une coquille de noix pouvait les enfermer ». C’est par ce vœu de paucité que s’achève le roman des amants murés dans le silence. « ’Dormez-vous ?’ Il restait silencieux ». Ainsi commence Dormez-vous ?, roman que lance une contradiction performative et qui s’achève sur ces mots : « Elle avait cru au silence comme à un champ de neige. Le secret s’y résorberait ; enfoui, il n’existerait plus ». Ici les amants sont nommés Marthe et Quentin.

2Le silence est l’élément, le milieu des deux romans de Geneviève Delrieu, L’Hiver et Dormez-vous[2]. Il les domine, les enveloppe et s’il leur donne leur gravité de peinture classique non moins que leur préciosité et leur densité baroques, s’il peut aussi renvoyer à une méditation plus générale sur le silence de l’écriture, [3] il invite aussi à s’interroger sur ses différentes formes, tant le silence, comme le notait Bataille à propos de Manet, sait se distinguer. [4]

3C’est que dans ces deux romans d’amour où les femmes et les hommes se désirent, se déchirent, s’attachent et se rapprochent et s’éloignent dans l’énergie érotique des corps et des mots un tel poids donné au silence ne peut manquer d’intriguer. Il y a plus : dans ces deux romans, l’amour est tout, l’amour est fou – il n’est pas une détermination des personnages, il est leur être, leur métamorphose, leur puissance d’arrachement. La question devient alors : si le langage est la mise en œuvre de l’amour, si, à tout le moins, il change son être, (tel le feu qui n’existe pas sans se déclarer) et lui donne le temps dans l’institution du lien, alors la question est moins de savoir ce que l’amour fait au silence, que celle de saisir ce que le silence fait de l’amour. Comment imaginer la transaction de ces deux « faire », faire l’amour et faire le silence, puisque le silence, comme l’amour est une action (« se taire ») [5] ? Il semble en effet que certaines langues – dont le grec, aient distingué deux modalités du silence – celui qui est (sigè, le silence de la nature et des espaces finis ou infinis), celui que la parole crée quand elle fait silence (siopaô – faire silence). On esquisse dans ces quelques paragraphes une description et une articulation des divers types de silence dans l’œuvre romanesque de Geneviève Delrieu [6]. La part que sa prose fait au silence contribue à la qualité de son ton, cette empreinte que laisse toute œuvre une fois qu’elle s’est tue [7].

2.

4« Et en vérité », écrit Beckett dans L’Innommable, ce n’est pas tout de garder le silence, mais il faut voir aussi le genre de silence qu’on garde [8] ». Examinons les genres du silence dans L’Hiver et Dormez-vous ? Serrer de près le silence dans ces romans, ce n’est pas leur surimposer une typologie a priori (le silence comme dimension et le silence comme acte, le silence intérieur et le silence extérieur, le silence interdit et le silence de l’art ou encore le silence de l’écoute, comme réponse ou comme extase), c’est le mesurer à l’unique passion des personnages : l’amour.

5Le silence ceint le corps des personnages : « ces jours existèrent indicibles à quiconque. Rien n’en fut partagé. Pas un mot risqué. Pas un ami conduit dans la confidence » (H., p. 21). Appelons périphérique ce silence qui s’élève comme une muraille pour protéger les amants. C’est le catimini (H., p. 23) et la retraite : « le silence n’est pas à fuir » (D, p. 13). Quant Marthe et Quentin se retrouvent, et s’enveloppent de « caresses imprécises », « ils se gardent des mots » (D., p. 33) car le silence les garde (D. p. 52).

6Le silence ceint les mots des personnages – c’est le « taisez-vous » qui est comme une provocation érotique (p. 22). Appelons partagé ce silence qui est le sceau de l’entente par-delà les mots et dont le philosophe Karl Jaspers offre une belle description : « la réserve dans la certitude réciproque, le regard et la main au lieu de la parole, sont ce qui reste dans les moments de perfection de la communication existentielle […] Garder le silence c’est alors vraiment parler [9] ». Ce silence des mots s’oppose au bavardage (Kierkegaard, Heidegger). Les amants s’entendent à mots couverts. Un regard, une moue suffisent.

7Plus encore, le silence ceint l’existence des personnages – il est la garantie de l’intensité vécue (« Non d’un temps qu’ils crurent très tôt promis à la mémoire, rien ne saurait être dit », H., p. 21). Appelons mémoriel ce silence qui se renferme sur le présent. Ce silence est comme un vœu. On en trouve une belle allégorie chez Rousseau – « Brantôme dit que du temps de François premier une jeune personne ayant un amant babillard lui imposa un silence absolu et illimité qu’il garda si fidèlement deux ans entiers qu’on le crut devenu muet par maladie. Un jour en pleine assemblée, sa maîtresse, qui, dans ces temps où l’amour se faisait avec mystère, n’était point connue pour telle, se vanta de le guérir sur le champ, et le fit avec ce seul mot : parlez[10]. »

8Le silence scelle le pacte des amants : dans Dormez-vous ? Marthe invite Quentin à faire un enfant à une autre femme, pour que seul les unisse leur amour secret. Appelons partagé ce secret ou « complot » ou « pacte » même le silence qui précipite le destin des amants. Le silence devient alors l’élément narratif du roman : Quentin aura un enfant d’une femme à qui il ne dira pas qu’il aime Marthe à qui il ne dira rien de cette femme qu’il aura choisie pour mère de son enfant (p. 14) [11]. Ce pacte mystérieux, exigé par Marthe, lourde, elle aussi d’un secret qui n’appartient qu’à elle [12], impose sa pente au roman. Elle ne s’en explique pas : « d’un doigt dont elle barra ses lèvres, elle lui enjoignit de ne plus questionner » (D. p. 15). De même Quentin ne dit à rien à Annonciade et au moment où il pourrait s’expliquer il glisse de sa langue un anneau de mariage dans sa bouche [13]. Quentin entre ses deux femmes est comme au centre de deux réseaux de silence. Et de la même manière, Madeleine, la gouvernante qui règne en maîtresse sur la maisonnée et son histoire impose le silence quand Annonciade ramènera un fugitif – communauté des secrets : « qu’on se taise surtout ! » (D. p. 59). De ce roman on pourrait dire en parodiant l’incipit des Métamorphoses qu’il chante le silence qui passe de corps en corps. On n’est pas surpris de voir Annonciade offrir un nouvel anneau à cette chaîne de silence. Elle taira le soin prodigieux qu’elle porte au naufragé lorsque, pour le réchauffer, elle accomplira ce que Saint Julien l’hospitalier avait accompli pour Jésus dans les Trois contes de Flaubert [14].

9Le silence ceint les mots des personnages. Il les traverse et les troue. « Chuchoter » est un verbe fréquent, non moins que « murmurer ». Ces verbes évoquent les mots qu’on dit tout bas, dans la proximité et l’amour – « les oreilles de R. avaient été le dernier songe de sa veille. Elle leur aurait chuchoté son silence dans une intime caresse » (H., p. 79), dans la honte et la fâcherie aussi, dans la confiance et la peur [15]. Séparé du silence de l’amant, l’aimée retrouvera le silence chez Elias, musicien qui « l’accueille en silence, il n’est pas homme à gaspiller ses mots pour la mélancolie des autres » (H., p. 32). En sa compagnie, « se décide-t-elle à parler, il faut aussitôt qu’elle se taise ». Elle voudra aimer. Elle aimera Germain, digne et silencieux à son tour. Elle aimera Sévère avec qui elle se retirera dans une maison de campagne. Le silence passe d’un amant à l’autre (c’est le silence relayé). Mais il arrive que le silence ceigne la séparation des amants : il est la condamnation de la mort des amants. Appelons tombal ce silence dans lequel sombrent ceux qui s’éloignent et auxquels est donné le temps de l’absence (« ils s’étaient éloignés l’un de l’autre, promesse faite de ne pas se revoir. Ils restaient silencieux » ; H., p. 25). Le silence qui suit la séparation engouffre le bavardage des envieux – « plus tard des mots sur lui vinrent jusqu’à elle ». De l’aimée sans l’amant il suffira de dire « qu’elle vécut et se tut » (H., p. 40). Elle cherchera telle compagnie « muette et enjouée » avant de choisir Sévère et sa retraite : « la maison l’a aussitôt enfermée » (H., p. 59). La seconde moitié de L’Hiver se passe dans cette maison grise et carrée, où « rien n’échappe au silence » (p. 59). Dans cette masure où elle vient se fuir, l’amante raréfie ses lectures : « toute page tournée entame le silence. C’est un très intime silence, qu’elle flétrit jusqu’à le faire crier, comme on fait d’un corps au plus fort de l’amour, pour que recule enfin l’autre silence, étouffé de blancheur : silence et clarté de la neige à travers les fenêtre fermées. Silence jour et nuit très semblable » (p. 61 et 92). L’évocation de cette vie à deux est solennelle, les gestes deviennent beaux et abstraits à force de description minutieuse et comme cérémonieuse. Leurs promenades sont étouffées par la neige épaisse et voilà qu’un jour l’aimée « cesse de se taire » (p. 64). L’aimée est une des Héroïdes et, sans que jamais Ovide ne soit nommé, on sent le souffle triste des amantes délaissées se répandre sur le récit de cette nouvelle Didon : « elle envie les amantes abandonnées sur des grèves immenses. Les vagues ont relayé leurs sanglots, elles ont porté l’écho très loin » (p. 68) de leurs « lamentos d’abandon » (p. 108). Elle demande : « qui n’a osé le rêve d’enfermer son tourment dans un palais ancien ? » (p. 129). Et c’est alors, dans cette maison où elle est venue pour se laisser aimer que « les cercles du silence se multiplient » (p. 69), qu’il « fait rage » (p. 71). Il faudra bien qu’elle l’ébroue.

10Le silence déchire les amants – il est la marque de la mésentente (« se taire ensemble est pis que tout » [H., p. 73] ; « votre silence me blesse » [D., p. 140]). Appelons séparateur, ou diviseur, ce silence où il est insuffisant de dire que se loge la mésentente. Il est sa forme la plus dure et tout peut le nourrir et le relancer - le mépris et la haine, l’indifférence et l’ennui (« jusqu’au dîner, ils se tairont »). Après que Marthe s’est donnée au premier voyageur venu, elle s’aperçoit qu’elle s’est éloignée de Quentin au point qu’elle choisit de ne pas répondre à ses appels téléphoniques – « son silence l’épouvanta […] Le silence la dévorait » (D, p. 129).

11Les figures du silence évoquées jusqu’ici, si diverses soient-elles, se tiennent toutes dans l’orbe de l’amour – mieux : ils le tracent. Il ne serait pas difficile de montrer que dans ces romans, le silence est partout, et qu’il existe au-delà de ce qui fait leur centre. Ne faut-il pas que le désir de silence soit impérieux pour que la profession de l’aimée (elle est actrice au théâtre) y soit reconduite ? Il est rare que le métier de comédien soit ainsi évoqué : « passé la porte du théâtre, elle plongeait dans le grand silence » (H., p. 51). Le silence prépare la scène (c’est le silence de préparation), il soude les acteurs avant qu’ils n’y montent (« puis approchait l’instant où les mots se changeaient en murmure, juste avant la sonnerie » - c’est le silence de concentration), il double la parole des acteurs (devant tant de « visages muets » - c’est le silence du public). L’amant est écrivain. Le silence entoure le livre que l’amant enfui finit par poser sur leur amour défunt – il est plein de silence : « elle s’engloutit avec orgueil dans cette offrande arrachée à l’absence » : « elle volait sa lecture au silence ». Une fois le livre refermé sur eux, sa décision est prise : « ni lire ni écrire ni dire. De là surgirait le silence – se taire – qui lui ferait devoir un jour de proclamer, à mots couverts et pour lui seul, ce qu’il en fut » (H., p. 49).

12On songe au Taciturio de Pascal Quignard : le livre « c’est du silence figé. Qui a figé » [16].

3.

13Une gravité étreint ces deux romans à laquelle l’art de l’ellipse n’est pas étranger. Les ellipses narratives peuvent produire les effets les plus différents : ironiques, légers, ou provocateurs comme ce silence qui escamote la première nuit d’amour entre Julien et Madame de Rênal (« Quelques heures après, quand Julien sortit de la chambre de madame de Rênal, on eût pu dire en style de roman, qu’il n’avait plus rien à désirer »). Chez Calvino, notait Jean Starobinski, l’ellipse relève de « l’allégement narratif [17] ». Chez Geneviève Delrieu, le silence du récit donne à chaque scène l’abstraction d’une épure et la gravité d’une eau-forte. Les personnages glissent sur un théâtre d’ombres que cisèle une prose inspirée de la syntaxe des moralistes. Ils s’aiment dans des chambres blanches dont les sols sont froids. Ils débarrassent les lits de leurs couvertures pour qu’apparaisse la candeur des draps. Ils s’aiment nus comme des poissons vifs (D., p. 121). Parfois on pense aux peintres caravagesques et à Georges de la Tour. D’autres fois, les personnages s’enfoncent dans la peinture des maîtres du Nord. Parfois, enfin, ils sont seuls dans des espaces vides comme ceux des peintres métaphysiques [18].

4.

14Le silence ne relève pas seulement de ce qui est dit de l’amour, il relève de l’art de la romancière. Il n’est pas seule matière, mais bel et bien manière. Soient les circonstances qui entourent la rencontre des amoureux de L’Hiver :

15

Le lieu n’était que cloisons sourdes où s’absorbent les voix. Comment imaginer qu’aucune défiance ne leur en soit venue ? Ils étaient alors en péril de leurs mots – ceux qu’il n’écrivait plus, ceux qu’elle avait cessé de dire sur un théâtre. Ils souffraient comme suspendus. Très vite, avec des mots qu’ils croyaient inventer, ils attachèrent leur souffrance et la dirent commune. Bientôt ils se sentiraient misérables. Puis contraints au silence.
Tout le reste fut circonstance.

16Une syntaxe de phrases indépendantes juxtaposées ; un goût prononcé pour la parataxe ; un effacement de la référence précise à laquelle contribuent les indéfinis ; des mots simples mais souvent abstraits – la prose de Geneviève Bouffartigue est de haute altitude. Elle relève d’un style âpre qui refuse la fluidité de constructions agglutinantes – on y perçoit çà et là des calques latins – « ce parcours entrecoupé d’arrêts le long des boulevards », (l’amante fuit Paris avec Sévère au nom d’empereur), pourrait bien être le seul moment non menti du voyage » (p. 54). Souvent une complétive surgit là où on attendrait une infinitive : « elle l’écoute qui ne dit rien que la mort » (p. 88). Le goût du beau langage anime les personnages comme l’atteste le résumé de leur échange : « elle voulait dire qu’elle s’éloignait d’un tourment dont il ne savait rien, qu’il était à son côté, sans partage. Et que, peut-être, malgré l’absurdité de dire “rompre avec”, il eût alors été plus sûrement avec elle qu’il ne l’était à cet instant, puisqu’il eût été intéressé à l’affaire. Il l’appela “mon petit Littré” en embrassant sa main et répondit qu’avec et ensemble ne lui semblaient pas si différents » (p. 55).

17On mesurera mieux la part du silence si on compare ces lignes à d’autres célèbres « intrusions d’auteur ». « Comment imaginer qu’aucune défiance ne leur en soit venue ? » : comme il semble que la narratrice s’adresse au lecteur pour déjouer ses attentes, on pense à l’incipit de Jacques Le Fataliste – « comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? ». Mais tandis que, conformément à ses préoccupations métaphysiques, Diderot démonte, avec quelle allégresse, on le sait bien, les prétentions du récit classique à organiser le temps de la vie (à le finaliser), il s’agit ici de tout autre chose. Le silence sur les motivations du récit nimbe les personnages d’un mystère grave qui ne les quittera pas.

18La romancière vise à déconstruire le récit (« tout le reste fut circonstance ») à rendre impossible l’intelligence de ce qui fait histoire dans les histoires d’amour : « comment narrer sans temps ni lieux les jours où les mots faillirent, des corps qui eurent si peu de temps ? » (H., p. 21). Le poids de silence qui hante cette écriture abolit tout romanesque – « ce peu de choses dites, on est au terme de l’histoire » (H., p. 22). Le projet de refuser le lieu commun de l’histoire d’amour est explicite : « l’histoire se prendrait à sa fin quand chacun s’abîma. Leurs bouches s’étaient tues ». Le silence est celui que l’écrivaine impose aux réflexes et aux chevilles narratives. Ce refus de toute complaisance domine la prose de L’Hiver et se relâche à peine dans Dormez-vous ?

5.

19L’écart pris par rapport à la tradition romanesque se dit souvent au conditionnel qui donne congé aux attentes du lecteur : « on pourrait dire les jours l’un après l’autre, où elle se haïssait d’être privée d’esprit » (H., p. 66). « On pourrait » ? c’est dire que la romancière ne le fait pas parce qu’elle refuse de le faire. « Il n’y a pas lieu d’en dire plus sur ce très long matin » (H., p. 89). S’agit-il d’évoquer les souvenirs d’enfance de l’aimée, il faut faire vite : « des derniers jours il y aurait peu à dire. La neige tombait serrée et sans répit » ; « on dira vite aussi le retour. Ils voyagèrent en silence dans la lumière du jour » (H., p. 120). L’hiver absorbe les épisodes comme il amortit les bruits. Il promet un récit qu’il diffère sans cesse. C’est moins procrastination que pudeur comme le déclare un résumé du livre à venir enfoui dans les dernières pages :

20

elle écrirait plutôt une très longue histoire. Des hommes et des femmes iraient d’une maison à l’autre, à se chercher ou à se fuir. Ils parleraient beaucoup, parfois ils seraient indiscrets et la colère prendrait ceux qu’ils ont offensés par leur bavardage. Et l’on dirait qui est joyeux – le mot s’écrit si peu – ou en colère. On saurait ce que fut leur journée : s’ils ont été impatients, s’ils ont aimé et même s’ils se sont relevés la nuit plusieurs fois parce qu’ils avaient mangé des fruits verts qui leur tordirent le ventre. On dirait la couleur des fleurs et des étoffes. Que les vieillards jouaient aux cartes, et l’on saurait le jeu qu’ils ont dans leur main, assis autour de la table. […] S’attarder longtemps à décrire, puis soudainement, dire l’acte qui en découle, ce serait là la vraie fonction d’écrire. Mais ce n’était pas son histoire.
(H., p. 140).

21Car son histoire est du silence. Chaque épisode de L’Hiver mène au silence s’il n’en procède pas. La moindre péripétie y finit. L’aimée est au plus mal : « On sait qu’un soir d’hiver il lui fallut écarter la mort. Qu’en rapporterait-on ? […] Histoire mille fois écrite. Ici, nulle péripétie qui fasse trembler. Pas de descente aux enfers, pas un médecin à interroger. Pas même un divan à confesser. Elle vécut et se tut » (H., p. 40). Lui arrive-t-il de rêver sa mort ? Elle imagine une homélie de silence – « un signe ultime où l’on s’interdirait les mots ». Ce n’est pas tant qu’il ne passe rien, ou pas grand-chose dans les romans de Geneviève Delrieu sinon l’essentiel qui est l’amour et la mort, et leur course de côte. Les épisodes rares sont du quotidien : un repas, une promenade, un feu qu’on tisonne. La profession des amants est donnée en grande économie. L’essentiel est bien plutôt que toute l’attention merveilleuse de la romancière (aux choses, aux corps, aux mets, aux vêtements, aux étoffes, aux couleurs mais aussi aux mots écrits et dits, aux lettres et aux syllabes) se trouve comme écrasée par la lourde épaisseur d’un langage pétrifiant la vie pour la réduire au silence. Comme Flaubert, Geneviève Delrieu est la romancière de l’ennui, de l’inaction et de l’immobile du temps qui s’étire et ne passe pas [19]. Ce n’est pas l’aboulie des personnages qui pétrifie l’écriture : c’est le gel de l’écriture qui glace les personnages.

22On pense à la « Cold song » de King Arthur (acte III scène 2) de Purcell sur les paroles de John Dryden. La bouleversante montée des cordes relayée par la voix implorante provoque une émotion qui n’est pas étrangère au silence qui prend le large dans la prose de la romancière :

23

What power art thou, who from below
Hast made me rise unwillingly and slow
From beds of everlasting snow ?
See’st thou not how stiff and wondrous old
Far unfit to bear the bitter cold,
I can scarcely move or draw my breath ?
Let me, let me freeze again to death !

6.

24La catachrèse est l’oubli que l’histoire inscrit dans nos langues. On ne doit pas oublier que « secrétaire » dérive du mot « secret ». Le secrétaire, personne ou meuble, garde des secrets. Point n’est besoin de convoquer l’ontologie de la littérature pour se convaincre que tout écrivain est un secrétaire de rédaction.

25Que Geneviève Bouffartigue qui fut la secrétaire de rédaction de la revue Po&sie ait été une écrivaine, il y a là comme une tautologie : qu’elle ait été une écrivaine du silence, il y a là une leçon de mystère que confirme puissamment Melville : « toutes les choses profondes et toutes les émotions qu’elles éveillent sont précédées et escortées par le silence » [20].

26Lire l’œuvre romanesque de Geneviève Delrieu, c’est escorter son silence. Comme Sidoine Apollinaire à son éditeur Constantius, elle eût pu murmurer : « taciturio », j’ai envie de me taire [21].


Date de mise en ligne : 23/06/2020

https://doi.org/10.3917/poesi.172.0041

Notes

  • [1]
    Cf. « L’amant », in L’Étoile de la Rédemption, [1921, 1976], Paris, Seuil, 2003, p. 233 sq.
  • [2]
    L’Hiver, Paris, Gallimard, 1993 (désormais, H.) et Dormez-vous ?, Paris, Balland, 1997 (désormais D.).
  • [3]
    Cf. Louis Lavelle, La parole et l’écriture, Paris, 1947, p. 129 et 174 et les deux Petits Traités de Pascal Quignard : Taciturio, I, V et De Taciturnis, VI, XXXIII, in Petits Traités, Paris, Gallimard, Folio, 1999, volume I, p. 85 sq et volume II, p. 181 sq.
  • [4]
    Cf. Georges Bataille, Manet, Genève, Paris, Skira, 1955. « Ce dont il s’agissait, assez bizarre, était le silence dans la peinture », p. 37. Bataille oppose la modernité de ce silence à « l’éloquence du système » (p. 45, p. 49, p. 51, p. 55). Manet aurait imposé un « silence définitif à la peinture » (p. 55, p. 58). Il dépasse Monet et ses amis par sa passion de « réduire au silence – en une sorte d’opération » (p. 84).
  • [5]
    Cf. Martin Heidegger, Être et Temps, § 34 : « c’est seulement dans le parler véritable qu’un faire-silence authentique (eigentlichen Schweigen) devient possible » [p. 165], trad. E. Martineau, Paris, Authentica, 1985, p. 141.
  • [6]
    Jean-Louis Chrétien a fait de ces figures du silence un des sommets de sa profonde méditation sur la parole : cf. « Le silence dans la peinture », in Corps à corps. À l’écoute de l’œuvre d’art, Paris, Minuit, 1997 ; « L’hospitalité du silence », in L’Arche de la parole, Paris, Puf, « Epiméthée », 1998, p. 55-104 ; « Se taire » in Saint Augustin et les actes de parole, Paris, Puf, « Epiméthée », 2002, p. 91-104. Sur L’Arche de la parole, cf. l’étude de Jérôme de Gramont qui mesure l’écart qui sépare l’entreprise de Jean-Louis Chrétien de Acheminement vers la parole de Martin Heidegger, « L’aventure de la parole selon Jean-Louis Chrétien », in Comprendre, 19/2, 2017, p. 9-30.
  • [7]
    Cf. Maurice Blanchot : « Le ton n’est pas la voix de l’écrivain, mais l’intimité du silence qu’il impose à la parole, ce qui fait que ce silence est encore le sien, ce qui reste de lui-même dans la discrétion qui le met à l’écart ». L’Espace littéraire, Gallimard Folio Essais, 1955, p.22.
  • [8]
    Samuel Beckett, L’Innommable, Paris, Minuit, 1971, p. 37.
  • [9]
    Karl Jaspers, Philosophie, traduction Jeanne Hersch, 1989, p. 324.
  • [10]
    Jean-Jacques Rousseau, Emile, V, Œuvres Complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », tome IV, p. 745-746.
  • [11]
    Il reste que Marthe désirera savoir le nom de la jeune mère et que Quentin le lui cachera : « Il dit qu’elle n’avait pas à se soucier : le nom était si rare que même le hasard ne pourrait faire qu’il la hantât. Le tourment s’en accrut » (p. 67).
  • [12]
    Elle le révélera à la fin du roman. Elle a eu un fils qu’elle avait tant aimé qu’elle a fini par l’abandonner une fois qu’il fut grand : « J’ai rompu avec cet enfant comme on rompt avec un amant. De quoi sert une mère dont la peau s’interdit de s’émouvoir et qui a décidé d’aimer d’autres corps ? Quelle garantie a-t-on qu’on n’est en train de tuer celui qu’on aime ? » (H., p. 149).
  • [13]
    À plusieurs reprises, dans Dormez-vous ? La bouche est évoquée comme cavité où loger un baiser et non pas comme organe de la parole.
  • [14]
    Qu’on compare : Flaubert : « ’Ah je vais mourir ! Rapproche-toi ! Réchauffe-moi ! Pas avec les mains ! – non toute ta personne !’ Julien s’étala dessus complètement, bouche contre bouche, poitrine sur poitrine ». Dormez-vous ? : « Elle était effrayée par la constance de ce froid. Alors elle se glissa sous les arceaux. Elle entra dans le lit et se colla à lui. […] Annonciade l’amena à son ventre. Les deux corps étaient immobiles, l’un respirant à l’autre. […] On ne saurait dire le temps qu’elle resta contre lui, à réchauffer ce corps exténué, dans la terreur qu’il s’arrêtât soudain de vivre, qu’il fût tout le long d’elle froid et durci par la mort avant qu’elle pût s’en arracher » (p. 63). Ce schéma narratif sera rejoué plus loin quand Marthe rejoindra Quentin redevenu alcoolique à Londres – « Il fit le geste d’écarter Marthe dès qu’il se fut allongé, maigre et blanc comme un Christ déposé, la peau striée par les poils mouillés que l’eau défrisait. Pourtant elle se pencha sur lui » (p. 97).
  • [15]
    « Premier déchirement de l’enfance : s’endormir sans le viatique de la parole chaque soir lancée à travers la porte refermée, au moment précis où le pas s’engage dans l’escalier. Plus que du silence – quelle voix pourrait monter ce soir sinon le râle du mourant – l’horreur est d’une certitude : hier était le dernier soir. Leurs voix chuchotent sous le drap le serment de se taire à jamais » (H., p. 94). Cf. aussi, p. 99 ou encore : « Tus les mots qui auraient obligé à donner un statut – même chuchoté – à ce qui les nouait. Quelle syllabe assez tiède sauverait-on pour dire comme elle est seule et lasse ? », (p. 127). Lors de l’enterrement de R., il est question d’une « vieille dame qui ne sait plus chuchoter », p. 135.
  • [16]
    Pascal Quignard, Taciturio, op. cit., p. 88.
  • [17]
    « Calvino et l’allègement narratif », in La Beauté du monde, Paris, Gallimard, « Quarto », 2016, p. 981-991.
  • [18]
    Cf. l’histoire du peintre Liû, allégorie de l’impuissance, sur laquelle s’achève Dormez-vous ?, p. 157.
  • [19]
    Cf. Jean Rousset, « Madame Bovary ou le Livre sur rien », in Forme et signification, Paris, Corti, 1963, p. 133. Cf. aussi Gérard Genette, « Silences de Flaubert », Figures I, [1966], Paris, Seuil, Points, 1976, p. 223-243, surtout p. 242-243
  • [20]
    Herman Melville, Pierre ou les ambiguïtés, XIV, 1, trad. Pierre Leyris, Paris, Gallimard, 1967, p. 247.
  • [21]
    « Dans cette lettre », écrit Pascal Quignard, « Sidoine Apollinaire définit les particularités de sa façon d’écrire, il emploie un verbe latin qui n’est attesté que dans cette lettre : “esti tacere necdum coepimus, certe taciturire”. Il oppose ce verbe hapax à tacere. Il écrit : ce n’est pas “se taire” ; c’est “avoir envie de se taire” ». Taciturio, op. cit., p. 102.

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