Notes
-
[1]
C. Uhlig, « Auerbach’s ‘Hidden’(?) Theory of History » in Literary History and the Challenge of Philology. The Legacy of Erich Auerbach, ed. S. Lerer, Stanford, Ca 1996, pp. 36-49, surtout p. 36.
-
[2]
« Zur Dantefeier », Die Neue Rundschau, 32 (1921), pp. 1005-1006 ; « Sur la célébration du sixième centenaire de la mort de Dante », in E. Auerbach, Ecrits sur Dante, Paris, Macula, 1998, pp. 29-31. Pour une bibliographie des écrits de Auerbach, cf. E. Auerbach, Literary Language and Its Public in Late Latin Antiquity and in the Middle Ages, avec une nouvelle préface de J. M. Ziolkowski, Princeton 1993, pp. 393-405. [Cf. maintenant la bibliographie établie par Diane Berthezène in Erich Auerbach, la littérature en perspective, (Paolo Tortone éd.), Paris, P.S.N, 2009, pp. 285-372. N.d.T.].
-
[3]
W. Benjamin, Schicksal und Charakter, Gesammelte Schriften, II, 1, hg. R. Tiedemann u. H. Schweppenhäuser, Frankfurt a/M 1977, pp. 171-79 (publié une première fois in Die Argonauten, I. Folge, Hefte 10-12, 1921) ; traduction française, « Destin et Caractère », in Œuvres, Paris, Gallimard, 2000, I, p. 198-209. L’importance de l’essai de Benjamin dans ce contexte m’a été indiquée au cours de la discussion qui a suivi mon intervention à Berlin. Pour l’interprétation du fragment d’Héraclite, cf. Ch. H. Kahn, The Art and Thought of Heraclitus, Cambridge 1987, pp. 260-61 (Kahn fragm. CIV ; Diels-Kranz 119).
-
[4]
E. Auerbach, « Zur Dantefeier », p. 1006 : « in seiner [Dante’s] Konzeption von menschlicher Besondersein in der Verknüpfung mit dem Schicksal… das Schicksal ist der einzige Richter, das Schicksal ist Gott, und es gibt keinen Wert der Persönlichlikeit ‘an sich’ » ; « Sur la célébration du sixième centenaire de la mort de Dante », article cité, p. 31.
-
[5]
G. W. F. Hegel, Vorlesungen über die Aesthetik, II, Frankfurt am Main 1970, p. 214 : “Ein höheres Werk ist dasjenige, was jeder Mensch an sich selbst zu vollbringen hat, sein Leben, wodurch er sich sein ewiges Schicksal bestimmt. Diesen Gegenstand hat z. B. Dante in seiner Göttlichen Komödie nach katholischer Anschauung angefaßt…”) ; Esthétique, Paris, Librairie Générale, 2000, p. Auerbach fait référence au jugement de Hegel sur Dante in Figura, cf. Gesammelte Aufsätze, p. 89 ; Figura, Paris, Macula, 2003, pp. 126-128), et, de manière plus spécifique dans Mimesis, I, p. 207 ; (« une des plus belles pages qui aient jamais été écrites sur Dante ») ; Mimésis, Paris, Gallimard, p. 203. Cf. aussi C. Cases, « L’interpretazione hegeliana di Dante », in Dante e la cultura tedesca, L. Lazzarini (éd.), Padoue 1967, pp. 83-107.
-
[6]
H. Peyre, « Erich Auerbach » in Marburger Gelehrte in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts, Marburg 1977, pp. 10-21, surtout p. 18.
-
[7]
E. Auerbach, Dante, poeta del modo terreno, in Id., Studi su Dante, pref. D. Della Terza, Milano 1963, 2001 (Dante als Dichter der irdischen Welt, Berlin und Leipzig 1929) ; trad. française : Dante poète du monde terrestre, in Ecrits sur Dante, op. cit., pp. 33-189.
-
[8]
E. Auerbach, Dante, poeta, p. 3 ; Dante poète, op. cit., p. 34.
-
[9]
E. Auerbach, Dante, poeta, pp. 4-5 ; Dante poète, op. cit., p. 35.
-
[10]
E. Auerbach, Dante poeta, pp. 12-14 ; Dante poète, op. cit., p. 43.
-
[11]
C. Uhlig, « Auerbach’s ‘Hidden’(?) Theory of History », p. 36. E. Auerbach, Mimesis. Dargestellte Wirklichkeit in der abendländischen Literatur [1946], Tübingen and Basel 1994, pp. 187-88 (= Mimesis. Il realismo nella letteratura occidentale, tr. A. Romagnoli e H. Hinterhäuser, Torino 1970 ; trad. française, Mimésis, la représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Paris, 1968, pp. 233-234. M. de Launay n’aperçoit pas la discontinuité : « on constatera sans difficulté que Figura, puis Mimesis, sont dans la droite ligne de la conclusion du livre de 1929, Dante poète du monde terrestre (postface à E. Auerbach, Figura, op. cit, Paris 2003, p. 102 note 2.)
-
[12]
Pascal, Pensées, M. Le Guern, Paris 1977, fragm. 509. Cfr. anche La vie de Pascal écrite par Mme Périer, sa sœur, in Pascal, Pensées, L. Brunschvicg (éd.), Paris 1961, p. 31 : « On sait qu’il [Pascal] voulait qu’un honnête homme évitât de se nommer, et même de se servir des mots de je ou de moi ; ce qu’il avait coutume de dire sur ce sujet est que la piété chrétienne anéantit le moi humain, et que la civilité humaine le cache et le supprime ; il concevait cela comme une règle, et c’est justement ce qu’il pratiquait. »
-
[13]
E. Auerbach, « Figura », Archivum Romanicum, XXII (1938), réimprimé in Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie, Munich, 1967, pp. 55-92 ; traduction italienne in S. Francesco, Dante, Vico ed altri saggi di filologia romanza, Bari 1970 ; traduction française Figura, Paris 2003.
-
[14]
Sur le rapprochement entre Auerbach et Löwith cf. M. de Launay, postface à E. Auerbach, Figura, op. cit., p. 99.
-
[15]
Je me suis occupé de ce thème dans l’essai « Ecce » (C. Ginzburg, Occhiacci di legno. Nove riflessioni sulla distanza, Milano 1998, pp. 100-117 ; traduction française, A distance, Neuf réflexions sur le point de vue en histoire, Paris, 2001, pp. 89-103). J’y commente (ill. 8) l’Allégorie de l’Ancien et du Nouveau Testament de Hans Holbein le jeune qui se trouve reproduite sur la couverture de la traduction française de l’essai d’Auerbach Figura.
- [16]
-
[17]
H. White, « Auerbach’s Literary History : Figural Causation and Modernist Historicism », in idem, Figural Realism. Studies in the Mimesis Effect, Baltimore and London 1999, pp. 87-100, surtout pp. 90-91 : « the figural-fulfillment model is used by Auerbach to provide the diachronic plot of the history of Western literature. It provides the principle of mediation between successive periods of literary history or at least between successive periods within a common tradition of literary practice. Indeed, it would appear that, in his [i.e. Auerbach’s] view, an actual figure-fulfillment-figure relationship, a genealogical relationship of successive expropriations, is what constitutes a tradition as such. »
-
[18]
H. White, « Auerbach’s Literary History », p. 98.
-
[19]
H. White, « Auerbach’s Literary History », pp. 99-100.
-
[20]
H. White, Figural Realism, p. viii.
-
[21]
A. Grafton rapporte et commente de manière adéquate une observation pleine de mépris sur la « communauté fondée sur la réalité (reality-based community) » faite par un membre de l’administration Bush, « The Ways of Genius », The New York Review Books, December 2, 2004, p. 40.
-
[22]
Mimesis, I, Torino 1970, p. 200 (Mimesis, p. 177 : « Denn nirgends wird das Widereinander der beiden Traditionen, der antik stilltrennenden und der christlich stilmischenden so deutlich wie in diesem [i. e. Dante’s] mächtigen Temperament ») H. White, « Auerbach’s Literary History », p. 192, note 10 essaie en vain de dédouanner Auerbach du soupçon d’une erreur « representational » à savoir référentielle.
-
[23]
Cf. par exemple Mimesis, II, p. 64 ; trad. française : « à une époque bien plus tardive, l’œuvre du grand dramaturge servit d’idéal et de modèle à tous les mouvements qui s’insurgèrent contre la stricte séparation des styles dont le classicisme français avait fait un principe » ; Mimésis, op. cit., p. 315.
-
[24]
Mimesis, II, p. 341 ; traduction française, Mimésis, p. 550.
-
[25]
« Figura », in Studi su Dante, p. 218 (= Gesammelte Aufsätze, p. 85 : « die figuralen Formen vorwiegen und für die gesamte Struktur des Gedichts entscheidend sind ») ; traduction française, Figura, op. cit, p. 81. Et cf., ibid., pp. 218-226, traduction française, pp. 81-92.
-
[26]
Mimesis, I, p. 214 ; traduction française, Mimésis, p. 206.
-
[27]
Mimesis, I, p. 220 (Mimesis, p. 193 : « Dantes Werk verwirklichte das christlich-figurale Wesen des Menschen und zerstörte es in der Verwirklichung selbst ; der gewaltige Rahmen zerbrach durch die Uebermacht der Bilder, die er umspannte. ») ; traduction française, Mimésis, p. 211.
-
[28]
E. Auerbach, Typologische Motive in der mittelalterlichen Literatur, Krefel 1953, p. 16 : ““die typologische Struktur nicht etwa die einzige, sondern nur eine von vielen Möglichkeiten des Dantes Verstandnisses ist.” » ; trad. française, « Le symbolisme typologique dans la littérature médiévale », in Ecrits sur Dante, op. cit., pp. 317-324.
-
[29]
E. Auerbach, Zur Technik der Frührenaissancenovelle in Italien und Frankreich, Heidelberg 1921 (nouvelle édition avec une introduction de F. Schalk, 1971 ; traduction italienne Tecnica di composizione della novella, éd. F. Schalk, Rome-Naples 1996.)
-
[30]
E. Auerbach, Zur Technik, p. 3 : « Die novelle ist im wesentlichen eine von den vielen Auswirkungen seines Geistes. Von ihm stammt die leidenschaftliche Betrachtung des irdischen Lebens ; die neue aristokratische Gesinnung (nicht mehr feudal, sondern individualistisch) und also auch die Gesellschaft ; die Fähigkeit zur formalen Ausprägung einses Ereignisses… » (Tecnica, p. 17.)
-
[31]
G. Boccaccio, Das Dekameron, Leipzig 1921, traduction de Albert Wesselsky, introduction d’André Jolles, p. IX : « Einfache Formen nenne ich zum Beispiel : Sprichwort, Rätsel, Spruch, Witz, and viele anderen. ».
-
[32]
A. Jolles, Einfache Formen, Tübingen 1930 (traduction française : Formes simples, Paris 1972 ; traduction italienne : Forme semplici, Milan, 1980).
-
[33]
Cf. H.-J. Neuschäfer, Boccaccio und der Beginn der Novelle, Munich 1969, p. 71 sq. et passim. L’importance des « einfache Formen » pour la littérature médiévale a été soulignée par H. R. Jauss, « Une approche médiévale : les petits genres de l’exemplaire comme système littéraire de communication », in La notion de genre à la Renaissance, sous la direction de G. Demerson, Genève 1984, pp. 36-57 (= « Die kleinen Gattungen des Exemplarischen als literarisches Kommunikationssystem » in Alterität und Modernität der mittelalterlichen Literatur, München 1977.) D’autres développements se trouvent in P. Cherchi, « From Controversia to Novella », in La nouvelle. Actes du Colloque International de Montréal, M. Picone, G. Di Stefano, P. D. Stewart, (éds.) Montréal 1983, pp. 89-99 (avec des remarques intéressantes sur la formation en droit de Boccace).
-
[34]
Cf. l’essai pénétrant de C. Delcorno « Dante e l’’Exemplum’ medievale », Lettere italiane, XXXV (1983), pp. 3-28 (avec d’amples indications bibliographiques) ; et cf. du même Exemplum e letteratura. Tra Medioevo e Rinascimento, Bologna 1989.
-
[35]
G. Contini, « Leggere Dante » (1988) in idem, Postremi esercizî ed elzeviri, Turin 1998, pp. 5-12, surtout pp. 11-12.
-
[36]
A. D’Ancona, I precursori di Dante, Florence 1876.
-
[37]
Dante Alighieri, La Divina Commedia, commentée par G. A. Scartazzini et G. Vandelli, Milan, 1921, pp. 46-47.
-
[38]
E. Auerbach, Mimesis, I, pp. 239-40 ; trad. française, Mimésis, pp. 230-231.
-
[39]
E. Auerbach, Mimesis, I, pp. 247-48 ; trad. française, Mimésis, pp. 238-239. A. R. Ascoli, « Boccaccio’s Auerbach : Holding Up the Mirror to Mimesis », Studi sul Boccaccio, XX (1991-92), pp. 377-97, commente ces passages dans une perspective complètement différente.
- [40]
-
[41]
G. Boccaccio, Esposizioni sopra la Comedia, ed. G. Padoan, Milano 1965 (Tutte le opere, V. Branca (éd. ; VI), p. 314 sq. “Ma, prima che più avanti si proceda, è da racontare chi costei [Francesca] fosse e per che morta, accioché più agevolmente si comprenda quello che essa nelle sue seguenti parole dimostrerà…”
-
[42]
G. Boccaccio, Esposizioni sopra la Comedia, p. 316 : « Col quale [Paolo] come ella [Francesca] poi si giugnesse, mai non udi’ dire se non quello che l’autore ne scrive ; il che possibile è che così fosse : ma io credo quello essere più tosto fizione formata sopra quello che era possibile ad essere avvenuto, ché io non credo che l’autore sapesse che così fosse. »
-
[43]
G. Boccaccio, Esposizioni sopra la Comedia, p. 34 ff. Cf. F. Torraca, Nuove rassegne, Livourne, 1894, pp. 182-188, cité par A. E. Quaglio, article « Francesca », Enciclopedia dantesca, III, Rome 1971, p. 2.
-
[44]
E. R. Curtius, Letteratura europea e Medioevo latino, R. Antonelli (éd.), Florence 2002, pp. 69-71 (sur les exempla), p. 402 sq. (sur les exempla dans La Divine Comédie) ; traduction française, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, Paris, 1956, I, pp. 115-120 et II, pp. 99-101.
-
[45]
C. Delcorno, « Dante e l’’Exemplum’ medievale », pp. 5-6, a souligné ce point en renvoyant à Curtius (qui selon moi voit la question autrement). Mais cf. déjà H. Pflaum, « Il ‘modus tractandi’ della Divina Divine Comédie », Giornale dantesco, XXXIX (1936), pp. 153-78, et surtout, p. 177 : cet essai important est rarement cité ; et parmi les exceptions justement, on trouve. Auerbach dans sa recension à Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter de E.R. Curtius (c’est Kyung Ryong Lee qui me l’a fait remarquer).
-
[46]
Liber exemplorum ad usum praedicantium saeculo XIII compositus a quodam fratre minore Anglico de provinciae Hiberniae, A. G. Little (éd.), Aberdeen 1908, pp. 90-91 : (148) (dans la marge : « Liber gestorum Barlaam et Josaphat ») « Legitur in libro gestorum Barlaam et Josaphat servorum Dei, quod cum idem Josaphat, videlicet filius Avenir iuvenis regis Indie sanctissimus, temptacione luxurie quam plurimum fatigaretur, et ad temptacionem devitandam divinum suppliciter postularet auxilium, ostensum est ei per visionem tam infernale supplicium quam coeleste gaudium [blank space for one word in MS]. Josaphat itaque temptatus, ut dictum est, et instanter a Deo petens auxilium videt semetipsum per visionem a quibusdam viris venerabilibus raptum, et in loca que nunquam viderat pertranseuntem. Ostensa sunt autem ei primo inferni supplicia, deinde eternae felicitatis gaudia in forma cuiusdam civitatis, plene omni leticia et felicitate inenarrabili. Multa et mirabilia vidit ibi gaudia ad que propalanda lingua mea omnino insufficiens est. Et vocem audivit dicentem : ‘Haec est requies iustorum. Ista est leticia eorum qui placuerint Domino’. Inde denique educentes illum reverentissimi viri illi repedabant. Qui iucunditate illa et gaudio perfusus : ‘Ne privetis me’ aiebat, ‘ne privetis, rogo, ineffabili gaudio isto. Sed concedite mihi in uno preclare // civitatis huius angulo conversari’. Illi autem dicebant : ‘Impossibile est nunc te huiusmodi esse ; sed labore multo et sudore venies huc si tamen tibimet vim inferre potueris. » Cf. aussi F. C. Tubach, Index Exemplorum. A Handbook of Medieval Religious Tales, Helsinki 1969, # 485 : Barlaam and Josaphat (excerpt) : Viaticum # 67 (aussi # 484 e 486) (cf. Das Viaticum narrationum des Heumannus Bononiensis, A. Hilka (éd.), Berlin 1935.)
-
[47]
D. M. Lang, The Balavariani (Barlaam and Josaphat). A Tale from the Christian East translated from the Old Georgian, introduction de I. V. Abuladze, Berkeley and Los Angeles 1966. Cf. aussi l’entrée « Barlaam und Joasaph » in Lexikon des Mittelalters, I (1980), 1464-69. On sait comment Boccace réélabore un épisode de la vie de Barlaam et Josaphat dans une perspective comique : cf. Decameron, V. Branca (éd.), Turin 1980, pp. 462-65 (IVème journée, introduction).
-
[48]
R. Fitzgerald, Enlarging the Change : The Princeton Seminars in Literary Criticism 1949-1951, Boston 1985, p. 21 sq.
-
[49]
E. Auerbach, Gesammelte Aufsätze, pp. 330-338, en particulier, pp. 334, 336 : « hier, wie anderswo verkennt Curtius, wie mir scheint, die eigentliche Tradition der christlichen Deutung, die vom Historisch-Literalen ausgeht […]
1Ce nouvel essai de Carlo Ginzburg se situe au croisement de deux champs de ses recherches actuelles : Dante et Auerbach.
2Sur Dante, les lecteurs de Po&sie se souviendront de l’essai consacré à « L’épître à Cangrande et ses deux auteurs », Po&sie, 125, 2008, pp. 127-142 ; sur Auerbach, cf. notamment « Tolérance et commerce. Auerbach lit Voltaire », in Erich Auerbach. La littérature en perspective, Paolo Tortonese (éd.), Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2009, 117-143. Ce texte figure désormais dans Le fil et les traces, Vrai Faux Fictif, Lagrasse, Verdier, 2010, pp. 169-204.
3*
4Je partirai de deux observations évidentes : la lecture de Dante a une importance décisive pour Auerbach ; Auerbach a une importance décisive pour la manière dont nous lisons Dante. On a beaucoup écrit sur ces deux sujets. J’essaierai de montrer qu’il y a encore à dire sur l’un comme sur l’autre.
I
5Je commence par la chronologie. On a soutenu que Auerbach aurait commencé son activité de chercheur par Vico et que l’intérêt pour Dante ne serait apparu que dans un second temps [1]. Une telle observation ne tient compte ni de la traduction du sonnet « Tanto gentile e tanto onesta pare », ni d’un article de deux pages sur Dante paru en 1921 dans la revue Neue Rundschau – le premier texte publié par Auerbach après sa thèse de jeunesse sur un argument juridique [2]. Cet article, rédigé à l’occasion du sixième centenaire de la mort de Dante, n’était pas un écrit de circonstance. Faisant un écho implicite à l’essai de Walter Benjamin « Destin et caractère » (« Schicksal und Charakter »), paru quelques mois auparavant, Auerbach partait des paroles d’Héraclite : « le caractère de l’homme est son destin (daimon) » [3]. Mais tandis que Benjamin avait redéfini les deux concepts de caractère et de destin en soulignant leur divergence, Auerbach insistait sur leur unité. Dans la Comédie, observe Auerbach, « caractère et destin ne font qu’un, et c’est dans le libre arbitre du moi autonome que réside son sort ; il est créé par Dieu dans sa singularité, mais la liberté de décision lui est laissée. Là est le secret de la cohérence interne de Dante : dans sa conception d’une singularité humaine en relation avec le destin […] le destin est seul juge, le destin est Dieu, et il n’existe pas de valeur de la personnalité ‘en soi’ (an sich’) » [4]. En quelques phrases d’une grande densité, Auerbach développait de manière implicite un passage des leçons de l’Esthétique où Hegel identifiait le sujet de la Comédie avec « l’œuvre la plus élevée… que tout homme devrait réaliser en lui-même, sa vie, avec laquelle il détermine son destin pour l’éternité » [5].
6Comme on a pu le remarquer, Auerbach a passé sa vie à reconstruire quelques-unes de ses idées fondamentales de manière presque obsessionnelle [6]. Dans le cas de Dante, une telle continuité est particulièrement évidente. En 1929, Auerbach publie Dante, poète du monde terrestre : un livre qui renvoie tacitement, dès son titre et son épigraphe, empruntée à Héraclite, (« le caractère de l’homme est son destin ») à l’article paru dans Die Neue Rundschau [7]. Mais le premier chapitre du livre ne se limite pas à développer l’idée que dans la Comédie, la vie terrestre est projetée dans l’au-delà : il annonce quelques thèmes et certaines catégories fondamentales de Mimésis. La notion « d’art de l’imitation », s’y trouve avancée comme un correctif à celle de « réalisme » défini comme un « terme ambigu et protéiforme » [8]. Auerbach évoque rapidement quelques-unes des transformations que l’art de l’imitation a connues dans le cours de l’histoire : « Le naturel, l’authentique mimésis d’une scène homérique telle que la rencontre entre Ulysse et Nausicaa ne repose nullement sur l’observation de faits quotidiens, mais sur l’idée a priori de l’essence de deux personnages et du sort qui leur est dû. » [9] À quoi Auerbach opposait déjà « le substrat historique du christianisme, c’est-à-dire la crucifixion du Christ et les événements qui s’y attachent [qui] l’emporte en paradoxe et en contradiction sur toute la tradition antique, aussi bien mythique que pragmatique ». Et, développant une hypothèse formulée par Harnack, Auerbach observait : « Le reniement et la vision de Pierre, dans leur antinomie paradoxale et néanmoins évidente, ne sont pourtant que l’exemple le plus éclatant d’un état de fait qui gouverne dès le départ l’histoire de Jésus. Dès le début, il évolue entre des railleurs mal intentionnés et des disciples à la foi aveugle dans une aura bizarrement composée de sublime et de ridicule. » [10]
7Ainsi, un des thèmes fondamentaux de Mimésis – les Evangiles entendus comme violation de la hiérarchie classique des styles – trouve ses racines dans la lecture de Dante. Mais dans Dante, poète du monde terrestre, un élément qui devait assumer un peu plus tard un poids décisif faisait encore défaut : la perspective figurale. Dans le chapitre de Mimésis consacré à Dante, l’émergence de ce thème se fait sur un ton détaché, objectif [11]. Auerbach, comme Pascal, qu’il aimait tant, pensait que le moi est haïssable [12]. Auerbach n’aurait jamais souligné le nœud (évident quand bien même il resterait indémontrable) entre Figura, l’essai qu’il avait publié en 1938, et le traumatisme de l’émigration [13]. Et cependant, les circonstances biographiques, comme toujours, n’expliquent pas les caractéristiques, en dernière analyse imprévisibles, des œuvres. On a souligné à plusieurs reprises la manière dont un juif assimilé comme Auerbach n’a pris conscience de son identité juive qu’à travers la persécution raciale (Karl Löwith, qui était lui aussi professeur à l’université de Marburg, est passé par une expérience analogue). À la persécution antisémite, Auerbach a répondu en se plongeant dans l’étude des manières dont les chrétiens lurent au Moyen Âge la Bible juive en l’interprétant comme figura – à la fois préfiguration et véritable prophétie – du Nouveau Testament [14].
8Auerbach, si je ne m’abuse, n’a jamais souligné que la « véritable prophétie » est en fait un renversement patent de la réalité historique : à savoir le fait qu’une série de passages tirés d’Isaïe et des psaumes ont contribué de manière décisive à modeler (ou, plus exactement, à engendrer) le récit évangélique de l’enfance et de la passion de Jésus [15]. Certes, Auerbach n’avait nul besoin de souligner ce renversement dans la mesure où il se proposait seulement d’analyser la manière dont les chrétiens avaient lu la Bible au Moyen Âge. Son silence aurait eu une toute autre portée s’il s’était avisé de faire de la perspective figurale non seulement un thème de recherche, mais un instrument d’analyse : en d’autres termes, une catégorie non seulement emic mais aussi etic, pour recourir à l’utile distinction formulée par Kenneth Lee Pike [16].
9L’éventualité que j’ai mentionnée se trouve au centre de l’interprétation proposée par Hayden White dans son essai « Auerbach’s Literary History : Figural Causation and Modernist Historicism. » D’un côté White admet que la lecture figurale est « un exemple d’expropriation théologique, en l’espèce, chrétienne, de la religion juive » : de l’autre, il soutient que « Auerbach se sert du modèle de l’achèvement figural comme d’une intrigue diachronique qui lui permet d’écrire l’histoire de la littérature occidentale. L’achèvement figural constitue le principe de médiation entre les périodes successives de l’histoire littéraire ou au moins entre les périodes successives qui s’inscrivent à l’intérieur d’une tradition littéraire commune. De fait, il semblerait que pour lui [Auerbach], ce qui constitue la tradition à proprement parler, c’est le rapport figure-achèvement-figure, c’est-à-dire un rapport généalogique fondé sur une série d’expropriations successives » [17]. Cette expropriation esthétique permettrait d’expliquer, selon White, le fait que Mimésis, tout en se présentant comme une « histoire de la ‘représentation de la réalité dans la littérature occidentale’ offre un exemple d’historicisme nettement moderniste » [18]. Or, observe White, « dans le modernisme, la littérature se manifeste comme cette forme d’écriture qui, de fait, transcende les anciennes oppositions entre la dimension littérale et la dimension figurative du langage, entre les discours qui se fondent sur les faits et ceux qui se fondent sur l’invention. » [19]
10S’agit-il ici d’un portrait intellectuel d’Auerbach ou d’un autoportrait de Hayden White ? Il y a fort à parier que White rejetterait cette question comme hors sujet. Au moment de republier son essai sur Auerbach dans un recueil intitulé Figural Realism : Studies in the Mimesis Effect, [Réalisme figural : études sur l’effet mimétique], White est allé jusqu’à soutenir que « dès lors que la théorie est intrinsèquement conjecturale et délibérative (speculative and deliberative), elle ne saurait être soumise à des critères de falsification fondés sur un recours aux faits » [20]. Je ne peux m’arrêter ici sur la convergence paradoxale entre la définition de la théorie proposée par Hayden White, qui se considère comme un auteur de gauche, et la thèse avancée par les fondamentalistes chrétiens selon laquelle il faudrait enseigner à l’école à la fois l’évolutionnisme et le créationnisme [21]. Mais Auerbach qui à la différence de White, croyait avec Vico à la convergence de verum et de factum, allait prendre la référence aux faits très au sérieux. Le thème de Mimesis est, comme le déclare le sous-titre, la « représentation de la réalité » (dargestellte Wirklichkeit), et non le réalisme (comme le laisse croire malheureusement la traduction italienne). Mais au centre du livre, ne se trouve pas le réalisme figural, mais bien, pour citer encore Auerbach, « l’opposition des deux traditions, la tradition antique qui sépare les styles et la tradition chrétienne qui les mélange » [22]. Pour Auerbach, Dante représente l’expression suprême du mélange des styles (Stilmischung) en tant qu’elle s’oppose à leur séparation (Stiltrennung) : cette antithèse réapparaît plus loin quand Auerbach oppose Shakespeare à Racine [23]. L’épilogue souligne que ces deux idées, ainsi que celle de la perspective figurale sont au fondement de la construction du livre [24]. Auerbach ne soutient donc jamais que la perspective figurale serait l’unique fondement de Mimésis.
11Cette conclusion ne mine en rien la valeur intrinsèque de Figura (cette valeur est des plus hautes), ni son importance dans l’œuvre d’Auerbach. Mais il n’est pas inutile de dire un mot de plus à ce propos.
12Auerbach était convaincu que la perspective figurale, qui avait modelé en profondeur la lecture de la Bible au Moyen Âge, avait aussi inspiré « l’œuvre qui achève et résume la civilisation médiévale » : la Comédie. « Dans ce cas », écrivait-il dans l’essai de 1938, « les formes figuratives sont fondamentalement dominantes, et déterminent toute la structure du poème » : une telle affirmation était exemplifiée par des personnages tels que Caton d’Utique, Virgile et Béatrice [25]. Auerbach renvoie à ces pages dans le chapitre de Mimésis qu’il consacre à Dante. Mais à côté de cette continuité affleure aussi un doute sur les limites de la validité d’une lecture figurale du poème dantesque. Auerbach écrivait : « La relation de figure accomplie à existence inaccomplie que les morts de Dante entretiennent avec leur propre passé terrestre est le plus aisément saisissable dans les cas où le caractère et l’être essentiel ne sont pas seuls à s’accomplir mais accomplissent aussi une signification qui apparaissait déjà dans la figure terrestre ». Mais un peu plus loin, Auerbach observe qu’une « pareille démonstration n’est pas souvent possible ». Le motif, resté implicite, ne fait pas mystère : une grande partie des personnages de Dante n’existent pour nous qu’à travers la Comédie. Certes, continuait Auerbach, « les cas où elle [la démonstration] l’est, suffisent à mettre en lumière l’idée que Dante se fait de l’individu dans l’ici-bas et dans l’au-delà. Le caractère et la fonction d’un homme ont leur place déterminée dans l’économie divine ; ils sont figure pour ce monde, accomplissement dans l’autre » [26]. Mais cet hommage au thème central de son essai de jeunesse inspiré par Hegel – l’unité du caractère et du destin dans la Comédie – laissait place, dans les dernières pages du chapitre, à une conclusion différente, fût-elle toujours formulée dans un langage hégélien : « L’œuvre de Dante fit une réalité de l’être chrétien-figuratif de l’homme, et le détruisit par cette réalisation même ; le cadre grandiose se brisa du fait de la puissance bouleversante des images qu’il contenait » [27]. Quelques années plus tard, dans l’essai « Le symbolisme typologique dans la littérature médiévale », Auerbach faisait un pas de plus en prenant prudemment ses distances par rapport à la construction élaborée précédemment. La perspective typologique, ou figurale, écrivait-il, « n’est pas la seule manière d’essayer de comprendre Dante mais une parmi tant d’autres possibles » [28].
II
13Je vais essayer de démontrer qu’une de ces « autres manières possibles », à savoir, une voie alternative à la lecture figurale de la Comédie se trouve cachée dans les écrits de Auerbach. Je tenterai de la mettre au jour.
14Je partirai de la dissertation publiée par Auerbach en 1921, sous le titre Sur la technique de composition de la nouvelle en France et en Italie. À la fin de l’introduction, Auerbach revient sur Dante à qui il avait consacré le bref article publié la même année [29]. Du point de vue du contenu, observait-il, la nouvelle semble liée aux genres médiévaux comme l’exemplum, le fabliau, le lai et le roman courtois ; mais du point de vue de la forme, aussi bien interne qu’externe, la nouvelle apparaît comme une « création originale de la Renaissance », l’âge inauguré par Dante ; « en substance, un des multiples effets de son esprit ». C’est à Dante en effet qu’il faut faire remonter « le regard passionné sur la vie terrestre », « la nouvelle attitude aristocratique (non pas féodal mais individualiste) », « la capacité d’exprimer un événement sur le plan formel. » [30]
15Cet écrit de jeunesse sur l’origine de la nouvelle en tant que genre apparaît à première vue assez décevant. Sur le plan de la forme, la liste des éléments psychologiques, sociologiques et stylistiques, qui seraient liés à la personnalité de Dante semble assez vague ; sur le plan du contenu, l’hypothèse qui concerne le lien entre exemplum, fabliau, lai et nouvelle est argumentée de manière insuffisante. Mais surtout, l’opposition entre la forme et le contenu apparaît rigide et artificielle. Aujourd’hui, on tenterait d’expliquer l’émergence d’un genre littéraire comme la nouvelle en choisissant une perspective unitaire, fondée sur des catégories capables d’offrir une médiation entre forme et contenu. On irait plutôt chercher du côté de la morphologie – ce qui n’est certes pas une idée récente.
16La même année, en 1921, paraissait une nouvelle traduction allemande du Décameron, par Albert Wesselsky : elle était accompagnée d’une ample introduction d’André Jolles. Jolles y soulignait l’importance pour la nouvelle de formes simples (einfache Formen) comme « le proverbe, la devinette, la devise, le trait d’esprit (Witz) et tant d’autres. » [31] Pour des raisons chronologiques, Auerbach n’a pas pu tenir compte des remarques de Jolles, et inversement. Mais quelques années plus tard, Auebarch aura pu lire le livre que Jolles annonçait implicitement dans l’introduction du Décameron : Formes simples (Einfache Formen). Publié en 1930, et oublié ensuite, Formes simples fut redécouvert au début des années 70 (on en compte de nombreuses traductions) [32]. Deux des chapitres les plus brillants de ce livre désormais justement fameux, traitent d’une point de vue rigoureusement morphologique de « formes simples » proches de la nouvelle : le cas (Kasus) et le « Memorabile ». Dans le chapitre qu’il consacre au « cas », Jolles mentionne rapidement l’« Exempel » et le « Beispiel ». Selon une tentative inspirée par une suggestion aiguë de Hans-Jörg Neuschäfer et qui consiste à combiner la perspective morphologique de Jolles avec la perspective historique d’Auerbach, on a tenté d’explorer les articulations – morphologiques et historiques – entre les différents éléments qui forment la configuration que nous avons vu peu à peu se dessiner : l’exemplum, le poème de Dante, la nouvelle [33].
17Exemplum est un terme ambigu qui renvoie à deux traditions distinctes qui se sont peut-être recoupées. D’une part, une tradition païenne, représentée par Valère Maxime, fondée sur des faits et des dits exemplaires de personnages fameux ; de l’autre, une tradition chrétienne, transmise par des sermons ou par des recueils d’exempla destinés à des prédicateurs, fondés sur des faits ou des propos attribués à des hommes et à des femmes souvent obscurs, qui apparaissaient aux vivants pour les avertir en décrivant leur condition ultraterrestre. Bien que ces deux traditions soient très différentes, elles ont un élément en commun : l’une et l’autre se fondent sur des noms propres, fameux ou obscurs, qui démontrent l’authenticité (et, par conséquent, l’autorité) de l’exemplum. Les noms propres de personnes et, moins souvent, les noms de lieux, peuvent être considérés comme un trait spécifique de l’exemplum comme genre, même s’ils ne sont pas toujours présents [34].
18Essayons de nous approcher de la Comédie en suivant cette trace. Dans un de ses derniers écrits, Gianfranco Contini s’est arrêté sur l’importance décisive des noms propres de personnes et de lieux dans la Comédie [35]. Est-il possible de s’appuyer sur les noms propres pour répondre à la question récurrente, qui n’a jamais trouvé de réponse adéquate, du genre, ou du sous-genre littéraire dans lequel faire rentrer La Divine Comédie ?
19Comme Alessandro D’Ancona a pu le souligner dans un essai pionnier, il semblerait, à première vue, qu’on puisse reconduire la Comédie à ces textes médiévaux qui décrivent, sous forme de vision, le voyage dans l’outre-tombe ainsi que les joies et les douleurs de l’au-delà chrétien. Mais il s’agit d’une ressemblance superficielle [36]. Une différence saute aux yeux. Dans ces visions, l’au-delà est peuplé de foules d’âmes anonymes. Dante, lui, nomme toutes les âmes dont il parle, à commencer par Francesca da Rimini ; qui plus est, arrivé à la fin du Purgatoire, dans un passage dramatique, le poète-Dante nomme le personnage Dante, en s’excusant immédiatement en se réclamant de la nécessité. Dante partage les émotions des âmes, discute avec elles, en embrasse une, en frappe une autre. (La haine, une des sources d’inspiration les plus puissantes de sa poésie, implique nécessairement le recours au nom propre). Le rapport intime, personnel entre Dante, poète et personnage, et les âmes d’outre tombe, est un des éléments qui font de la Comédie (comme ses lecteurs les plus avertis ont immédiatement pu le comprendre) une œuvre unique, et difficile à classer. Mais on peut peut-être tenter une classification provisoire. À titre d’approximation, j’avancerais l’hypothèse que le poème de Dante pourrait être situé à l’intersection de deux traditions différentes, celle des visions de l’outre-tombe et celle des exempla. En ajoutant une précision qui va de soi : dans le cadre du poème, l’exemplum a perdu ses connotations moralistes traditionnelles. Ulysse, puni dans le cercle des fraudeurs, devient le symbole de la soif humaine de la connaissance ; Francesca da Rimini l’adultère raconte les débuts de son amour avec son beau-frère et provoque l’évanouissement de Dante (cette scène mettra dans l’embarras un docte commentateur du début du xxe siècle qui ne parvenait pas à s’expliquer pourquoi Dante n’avait pas condamné moralement la pécheresse) [37]. Et on pourrait continuer.
20On peut dire que sans la réinterprétation des exempla offerte par Dante, la nouvelle n’aurait jamais constitué un genre littéraire à part entière. Cette phrase est l’écho délibéré d’une phrase de Mimésis : « Sans La Divine Comédie le Decamerone n’aurait pu voir le jour ». Boccace (poursuit Auerbach) tient de Dante sa capacité à embrasser le monde des phénomènes :
« à saisir ceux-ci dans toute leur complexité et à les reproduire dans une langue expressive et docile. Grâce au génie de Dante, qui sut rendre justice aux diverses figures humaines qui surgissent dans son œuvre, Farinata et Brunetto, Pia de’ Tolomei et Sordello, san Francesco et Cacciaguida, qui sut les évoquer dan leurs conditions particulières et les faire parler dans leur propre langue, Boccace put à son tour parvenir au même résultat avec Andreuccio et frate Cipolla ou son serviteur, avec Ciappelletto et le boulanger Cisti, avec Madonna Lisetta et Griselda. » [38]
22Auerbach a su saisir l’importance décisive des noms propres dans la Comédie comme dans le Décameron. Mais il remarqua aussi qu’un tel rapprochement implique une différence profonde : « L’unité figurative du monde terrestre s’est brisée au moment même où, chez Dante, elle parvint à dominer souverainement la réalité terrestre. […] Sitôt qu’il veut représenter la réalité totale et multiple de son temps, Boccace renonce à l’unité de l’ensemble » [39].
23Pour illustrer cette divergence, Auerbach souligne ce qui sépare le traitement de l’éros chez Dante et Boccace : « Dans l’épisode de Francesca da Rimini, Dante avait peint une scène pleine de grandeur et de réalisme […] Dans les histoires d’amour auxquelles Boccace veut conférer un tour tragique ou noble […] la part de l’aventure et de l’élément sentimental est prépondérante […] Dante a dédaigné de mentionner les circonstances dans lesquelles Francesca et Paolo furent surpris par le mari de cette dernière… » [40]
24Qui veut bien se rappeler des conditions dans lesquelles Auerbach a écrit Mimesis, loin des grandes bibliothèques, ne s’étonnera pas qu’il manque ici un renvoi à la page des propos sur la Comédie dans laquelle Boccace rapporte les circonstances, passées sous silence par Dante, dans lesquelles Francesca et Paolo furent surpris par le mari [41]. Or cette page, qu’on a pu définir comme la cent-unième nouvelle du Décameron, apporte un autre élément qui confirme l’argumentation d’Auerbach. Le récit de Boccace s’ouvre sur une critique à Dante. La description de la scène dans laquelle Paolo et Francesca tombent amoureux qu’on peut lire dans la Comédie est, selon Boccace, une « fiction », une invention fondée sur la pure possibilité :
« pour ma part, je crois qu’il s’agit là plutôt d’une fiction forgée à partir de ce qui était possible et je ne crois pas que l’auteur [Dante] ait pu savoir ce qui s’est passé » [42].
26Au début de ses propos sur la Comédie Boccace avait présenté Dante comme celui qui dit la vérité ; il s’était efforcé d’éloigner des mots poètes et forger (fingere) toute contamination possible avec la sphère du mensonge. Il est d’autant plus significatif qu’il tienne à déclarer que la version qu’il rapporte de l’histoire de Francesca da Rimini est complètement véridique à la différence de celle inventée par Dante [43]. On a voulu lire dans cette réécriture de l’épisode de Francesca un symbole du rapport ambivalent qui liait Boccace à Dante : un rapport fait d’admiration, d’imitation et de compétition. Le Décameron, cette Comédie humaine avant la lettre, serait inconcevable, (comme l’a noté Auerbach) sans la Comédie. Mais les nouvelles de Boccace comme le poème de Dante seraient inconcevables sans les exempla.
27Exempla : mais lesquels ? Dans sa Littérature européenne et le Moyen Âge latin, Ernst Robert Curtius évoque longuement l’importance des exempla dans la Comédie, mais dans une perspective très différente (et plus circonscrite) que celle qu’on a dessinée ici [44]. Dans le livre de Curtius, le chapitre sur Dante comprend deux paragraphes distincts : l’un est consacré aux « figures exemplaires » qui proviennent de la mythologie païenne, de l’Ancien et du Nouveau Testament et de l’histoire romaine ; l’autre aux « personnages de la Comédie », pour la plupart inconnus ou très peu connus, qui proviennent de l’histoire contemporaine. Curtius ne souligne pas que la présence de ces personnages, « exemplaires » à leur tour, renvoie à la tradition de l’exemplum chrétien [45]. Mais il y a plus. L’idée même du voyage dans l’outre tombe circulait à l’époque comme exemplum. Un franciscain irlandais qui, vers la moitié du xiiie siècle rencontra à Paris Bonaventura da Bagnoregio (qui deviendra saint Bonaventure) écrivit un recueil d’exempla destinés aux prédicateurs. Dans la seconde partie, consacrée aux joies du Paradis, on peut lire un exemplum d’une vingtaine de lignes intitulé « De visione Josaphat ». Un jeune homme est tourmenté par les tentations de la chair, il invoque Dieu et il a une vision : il se voit transporté dans l’au-delà par quelques hommes vénérables (a quibusdam viris venerabilibus raptum) ; il voit les tourments de l’Enfer et les joies du Paradis ; il voudrait s’arrêter là pour toujours, mais une voix le prévient : il n’y parviendra qu’après de nombreux efforts [46]. Une note marginale du manuscrit indique la source de l’exemplum : la version latine de la vie de Barlaam et Josaphat. Il s’agit d’un anneau d’une longue chaîne de traductions et de réécritures – en grec, en géorgien, en arabe – qui conduit, quand on la remonte, jusqu’à une vie de Bouddha [47].
28Nous ne savons pas si Dante a pu connaître cet exemplum dans une de ses versions. Mais il ne semble pas risqué d’affirmer que le cadre comme les innombrables épisodes de la Comédie – un poème fondé sur le voyage dans l’au-delà d’un individu tout à la fois unique et exemplaire – puissent être fondés sur une profonde réélaboration de l’exemplum comme genre, dans sa double version, païenne et chrétienne.
29Cette hypothèse reprend des indications et des observations qu’on peut trouver dans les écrits d’Erich Auerbach et de Ernst Robert Curtius. Les rapports, personnels et scientifiques entre les deux chercheurs furent difficiles. Dans le séminaire de Princeton de 1949, auquel ils participèrent tous deux, Curtius s’adressa à Auerbach sur un ton agressif, arrogant peut-être [48]. Le dialogue entre le juif condamné à l’exil et le non-juif qui avait choisi l’émigration interne et ses compromis inévitables, se compliquait encore d’une profonde divergence de perspective. Dans sa recension, précise et pointilleuse à la Littérature européenne et le Moyen Âge latin, Auerbach souligne l’absence de référence à son essai Figura, tout en soulignant qu’il avait écrit son livre à Istanbul, c’est-à-dire dans des conditions qui pouvaient expliquer les insuffisance de l’érudition et des l’information bibliographique. Dans le cas de Curtius, il ne pouvait pas s’agir, bien sûr, d’une ignorance de la bibliographie, mais bien plutôt d’un silence délibéré. Son interprétation du personnage de Béatrice ignorait sa dimension figurale – c’était là une limite, selon Auerbach, due à un « malentendu de la tradition herméneutique chrétienne, dans sa dimension historico-littérale » [49]. Cette critique visait au cœur du projet de Curtius.
30Curtius avait implicitement laissait tomber un dialogue possible sur la notion de perspective figurale. L’autre dialogue possible, relatif à l’exemplum et à ses implications, ne commença même pas.
III
31Dans le Paradis de Dante, le philosophe averroïste Siger de Brabant prend place aux côtés de Thomas d’Aquin qu’il avait combattu de son vivant. Pour Dante, qui parle au nom de Dieu, les discords des hommes peuvent se réconcilier dans la vérité divine. Mais pour ceux qui se contentent d’aspirer à la vérité, les discords ne sont jamais effacés ; un dialogue manqué peut se transformer en une impulsion pour la recherche.
32Une version un peu différente de cet écrit a été présentée lors d’un colloque sur Auerbach qui s’est tenu en décembre 2004 à Berlin au Zentrum für Literaturwissenschaft. Cf. « Auerbach und Dante – Ein Verlaufbahn », in Erich Auerbach. Geschichte und Aktualität eines europäischen Philologen, Karlheinz Barck, Martin Treml (éds.), Berlin, Kulterverlag Kadmos, 2007, pp. 33-45.
Notes
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[1]
C. Uhlig, « Auerbach’s ‘Hidden’(?) Theory of History » in Literary History and the Challenge of Philology. The Legacy of Erich Auerbach, ed. S. Lerer, Stanford, Ca 1996, pp. 36-49, surtout p. 36.
-
[2]
« Zur Dantefeier », Die Neue Rundschau, 32 (1921), pp. 1005-1006 ; « Sur la célébration du sixième centenaire de la mort de Dante », in E. Auerbach, Ecrits sur Dante, Paris, Macula, 1998, pp. 29-31. Pour une bibliographie des écrits de Auerbach, cf. E. Auerbach, Literary Language and Its Public in Late Latin Antiquity and in the Middle Ages, avec une nouvelle préface de J. M. Ziolkowski, Princeton 1993, pp. 393-405. [Cf. maintenant la bibliographie établie par Diane Berthezène in Erich Auerbach, la littérature en perspective, (Paolo Tortone éd.), Paris, P.S.N, 2009, pp. 285-372. N.d.T.].
-
[3]
W. Benjamin, Schicksal und Charakter, Gesammelte Schriften, II, 1, hg. R. Tiedemann u. H. Schweppenhäuser, Frankfurt a/M 1977, pp. 171-79 (publié une première fois in Die Argonauten, I. Folge, Hefte 10-12, 1921) ; traduction française, « Destin et Caractère », in Œuvres, Paris, Gallimard, 2000, I, p. 198-209. L’importance de l’essai de Benjamin dans ce contexte m’a été indiquée au cours de la discussion qui a suivi mon intervention à Berlin. Pour l’interprétation du fragment d’Héraclite, cf. Ch. H. Kahn, The Art and Thought of Heraclitus, Cambridge 1987, pp. 260-61 (Kahn fragm. CIV ; Diels-Kranz 119).
-
[4]
E. Auerbach, « Zur Dantefeier », p. 1006 : « in seiner [Dante’s] Konzeption von menschlicher Besondersein in der Verknüpfung mit dem Schicksal… das Schicksal ist der einzige Richter, das Schicksal ist Gott, und es gibt keinen Wert der Persönlichlikeit ‘an sich’ » ; « Sur la célébration du sixième centenaire de la mort de Dante », article cité, p. 31.
-
[5]
G. W. F. Hegel, Vorlesungen über die Aesthetik, II, Frankfurt am Main 1970, p. 214 : “Ein höheres Werk ist dasjenige, was jeder Mensch an sich selbst zu vollbringen hat, sein Leben, wodurch er sich sein ewiges Schicksal bestimmt. Diesen Gegenstand hat z. B. Dante in seiner Göttlichen Komödie nach katholischer Anschauung angefaßt…”) ; Esthétique, Paris, Librairie Générale, 2000, p. Auerbach fait référence au jugement de Hegel sur Dante in Figura, cf. Gesammelte Aufsätze, p. 89 ; Figura, Paris, Macula, 2003, pp. 126-128), et, de manière plus spécifique dans Mimesis, I, p. 207 ; (« une des plus belles pages qui aient jamais été écrites sur Dante ») ; Mimésis, Paris, Gallimard, p. 203. Cf. aussi C. Cases, « L’interpretazione hegeliana di Dante », in Dante e la cultura tedesca, L. Lazzarini (éd.), Padoue 1967, pp. 83-107.
-
[6]
H. Peyre, « Erich Auerbach » in Marburger Gelehrte in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts, Marburg 1977, pp. 10-21, surtout p. 18.
-
[7]
E. Auerbach, Dante, poeta del modo terreno, in Id., Studi su Dante, pref. D. Della Terza, Milano 1963, 2001 (Dante als Dichter der irdischen Welt, Berlin und Leipzig 1929) ; trad. française : Dante poète du monde terrestre, in Ecrits sur Dante, op. cit., pp. 33-189.
-
[8]
E. Auerbach, Dante, poeta, p. 3 ; Dante poète, op. cit., p. 34.
-
[9]
E. Auerbach, Dante, poeta, pp. 4-5 ; Dante poète, op. cit., p. 35.
-
[10]
E. Auerbach, Dante poeta, pp. 12-14 ; Dante poète, op. cit., p. 43.
-
[11]
C. Uhlig, « Auerbach’s ‘Hidden’(?) Theory of History », p. 36. E. Auerbach, Mimesis. Dargestellte Wirklichkeit in der abendländischen Literatur [1946], Tübingen and Basel 1994, pp. 187-88 (= Mimesis. Il realismo nella letteratura occidentale, tr. A. Romagnoli e H. Hinterhäuser, Torino 1970 ; trad. française, Mimésis, la représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Paris, 1968, pp. 233-234. M. de Launay n’aperçoit pas la discontinuité : « on constatera sans difficulté que Figura, puis Mimesis, sont dans la droite ligne de la conclusion du livre de 1929, Dante poète du monde terrestre (postface à E. Auerbach, Figura, op. cit, Paris 2003, p. 102 note 2.)
-
[12]
Pascal, Pensées, M. Le Guern, Paris 1977, fragm. 509. Cfr. anche La vie de Pascal écrite par Mme Périer, sa sœur, in Pascal, Pensées, L. Brunschvicg (éd.), Paris 1961, p. 31 : « On sait qu’il [Pascal] voulait qu’un honnête homme évitât de se nommer, et même de se servir des mots de je ou de moi ; ce qu’il avait coutume de dire sur ce sujet est que la piété chrétienne anéantit le moi humain, et que la civilité humaine le cache et le supprime ; il concevait cela comme une règle, et c’est justement ce qu’il pratiquait. »
-
[13]
E. Auerbach, « Figura », Archivum Romanicum, XXII (1938), réimprimé in Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie, Munich, 1967, pp. 55-92 ; traduction italienne in S. Francesco, Dante, Vico ed altri saggi di filologia romanza, Bari 1970 ; traduction française Figura, Paris 2003.
-
[14]
Sur le rapprochement entre Auerbach et Löwith cf. M. de Launay, postface à E. Auerbach, Figura, op. cit., p. 99.
-
[15]
Je me suis occupé de ce thème dans l’essai « Ecce » (C. Ginzburg, Occhiacci di legno. Nove riflessioni sulla distanza, Milano 1998, pp. 100-117 ; traduction française, A distance, Neuf réflexions sur le point de vue en histoire, Paris, 2001, pp. 89-103). J’y commente (ill. 8) l’Allégorie de l’Ancien et du Nouveau Testament de Hans Holbein le jeune qui se trouve reproduite sur la couverture de la traduction française de l’essai d’Auerbach Figura.
- [16]
-
[17]
H. White, « Auerbach’s Literary History : Figural Causation and Modernist Historicism », in idem, Figural Realism. Studies in the Mimesis Effect, Baltimore and London 1999, pp. 87-100, surtout pp. 90-91 : « the figural-fulfillment model is used by Auerbach to provide the diachronic plot of the history of Western literature. It provides the principle of mediation between successive periods of literary history or at least between successive periods within a common tradition of literary practice. Indeed, it would appear that, in his [i.e. Auerbach’s] view, an actual figure-fulfillment-figure relationship, a genealogical relationship of successive expropriations, is what constitutes a tradition as such. »
-
[18]
H. White, « Auerbach’s Literary History », p. 98.
-
[19]
H. White, « Auerbach’s Literary History », pp. 99-100.
-
[20]
H. White, Figural Realism, p. viii.
-
[21]
A. Grafton rapporte et commente de manière adéquate une observation pleine de mépris sur la « communauté fondée sur la réalité (reality-based community) » faite par un membre de l’administration Bush, « The Ways of Genius », The New York Review Books, December 2, 2004, p. 40.
-
[22]
Mimesis, I, Torino 1970, p. 200 (Mimesis, p. 177 : « Denn nirgends wird das Widereinander der beiden Traditionen, der antik stilltrennenden und der christlich stilmischenden so deutlich wie in diesem [i. e. Dante’s] mächtigen Temperament ») H. White, « Auerbach’s Literary History », p. 192, note 10 essaie en vain de dédouanner Auerbach du soupçon d’une erreur « representational » à savoir référentielle.
-
[23]
Cf. par exemple Mimesis, II, p. 64 ; trad. française : « à une époque bien plus tardive, l’œuvre du grand dramaturge servit d’idéal et de modèle à tous les mouvements qui s’insurgèrent contre la stricte séparation des styles dont le classicisme français avait fait un principe » ; Mimésis, op. cit., p. 315.
-
[24]
Mimesis, II, p. 341 ; traduction française, Mimésis, p. 550.
-
[25]
« Figura », in Studi su Dante, p. 218 (= Gesammelte Aufsätze, p. 85 : « die figuralen Formen vorwiegen und für die gesamte Struktur des Gedichts entscheidend sind ») ; traduction française, Figura, op. cit, p. 81. Et cf., ibid., pp. 218-226, traduction française, pp. 81-92.
-
[26]
Mimesis, I, p. 214 ; traduction française, Mimésis, p. 206.
-
[27]
Mimesis, I, p. 220 (Mimesis, p. 193 : « Dantes Werk verwirklichte das christlich-figurale Wesen des Menschen und zerstörte es in der Verwirklichung selbst ; der gewaltige Rahmen zerbrach durch die Uebermacht der Bilder, die er umspannte. ») ; traduction française, Mimésis, p. 211.
-
[28]
E. Auerbach, Typologische Motive in der mittelalterlichen Literatur, Krefel 1953, p. 16 : ““die typologische Struktur nicht etwa die einzige, sondern nur eine von vielen Möglichkeiten des Dantes Verstandnisses ist.” » ; trad. française, « Le symbolisme typologique dans la littérature médiévale », in Ecrits sur Dante, op. cit., pp. 317-324.
-
[29]
E. Auerbach, Zur Technik der Frührenaissancenovelle in Italien und Frankreich, Heidelberg 1921 (nouvelle édition avec une introduction de F. Schalk, 1971 ; traduction italienne Tecnica di composizione della novella, éd. F. Schalk, Rome-Naples 1996.)
-
[30]
E. Auerbach, Zur Technik, p. 3 : « Die novelle ist im wesentlichen eine von den vielen Auswirkungen seines Geistes. Von ihm stammt die leidenschaftliche Betrachtung des irdischen Lebens ; die neue aristokratische Gesinnung (nicht mehr feudal, sondern individualistisch) und also auch die Gesellschaft ; die Fähigkeit zur formalen Ausprägung einses Ereignisses… » (Tecnica, p. 17.)
-
[31]
G. Boccaccio, Das Dekameron, Leipzig 1921, traduction de Albert Wesselsky, introduction d’André Jolles, p. IX : « Einfache Formen nenne ich zum Beispiel : Sprichwort, Rätsel, Spruch, Witz, and viele anderen. ».
-
[32]
A. Jolles, Einfache Formen, Tübingen 1930 (traduction française : Formes simples, Paris 1972 ; traduction italienne : Forme semplici, Milan, 1980).
-
[33]
Cf. H.-J. Neuschäfer, Boccaccio und der Beginn der Novelle, Munich 1969, p. 71 sq. et passim. L’importance des « einfache Formen » pour la littérature médiévale a été soulignée par H. R. Jauss, « Une approche médiévale : les petits genres de l’exemplaire comme système littéraire de communication », in La notion de genre à la Renaissance, sous la direction de G. Demerson, Genève 1984, pp. 36-57 (= « Die kleinen Gattungen des Exemplarischen als literarisches Kommunikationssystem » in Alterität und Modernität der mittelalterlichen Literatur, München 1977.) D’autres développements se trouvent in P. Cherchi, « From Controversia to Novella », in La nouvelle. Actes du Colloque International de Montréal, M. Picone, G. Di Stefano, P. D. Stewart, (éds.) Montréal 1983, pp. 89-99 (avec des remarques intéressantes sur la formation en droit de Boccace).
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[34]
Cf. l’essai pénétrant de C. Delcorno « Dante e l’’Exemplum’ medievale », Lettere italiane, XXXV (1983), pp. 3-28 (avec d’amples indications bibliographiques) ; et cf. du même Exemplum e letteratura. Tra Medioevo e Rinascimento, Bologna 1989.
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[35]
G. Contini, « Leggere Dante » (1988) in idem, Postremi esercizî ed elzeviri, Turin 1998, pp. 5-12, surtout pp. 11-12.
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[36]
A. D’Ancona, I precursori di Dante, Florence 1876.
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[37]
Dante Alighieri, La Divina Commedia, commentée par G. A. Scartazzini et G. Vandelli, Milan, 1921, pp. 46-47.
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[38]
E. Auerbach, Mimesis, I, pp. 239-40 ; trad. française, Mimésis, pp. 230-231.
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[39]
E. Auerbach, Mimesis, I, pp. 247-48 ; trad. française, Mimésis, pp. 238-239. A. R. Ascoli, « Boccaccio’s Auerbach : Holding Up the Mirror to Mimesis », Studi sul Boccaccio, XX (1991-92), pp. 377-97, commente ces passages dans une perspective complètement différente.
- [40]
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[41]
G. Boccaccio, Esposizioni sopra la Comedia, ed. G. Padoan, Milano 1965 (Tutte le opere, V. Branca (éd. ; VI), p. 314 sq. “Ma, prima che più avanti si proceda, è da racontare chi costei [Francesca] fosse e per che morta, accioché più agevolmente si comprenda quello che essa nelle sue seguenti parole dimostrerà…”
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[42]
G. Boccaccio, Esposizioni sopra la Comedia, p. 316 : « Col quale [Paolo] come ella [Francesca] poi si giugnesse, mai non udi’ dire se non quello che l’autore ne scrive ; il che possibile è che così fosse : ma io credo quello essere più tosto fizione formata sopra quello che era possibile ad essere avvenuto, ché io non credo che l’autore sapesse che così fosse. »
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[43]
G. Boccaccio, Esposizioni sopra la Comedia, p. 34 ff. Cf. F. Torraca, Nuove rassegne, Livourne, 1894, pp. 182-188, cité par A. E. Quaglio, article « Francesca », Enciclopedia dantesca, III, Rome 1971, p. 2.
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[44]
E. R. Curtius, Letteratura europea e Medioevo latino, R. Antonelli (éd.), Florence 2002, pp. 69-71 (sur les exempla), p. 402 sq. (sur les exempla dans La Divine Comédie) ; traduction française, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, Paris, 1956, I, pp. 115-120 et II, pp. 99-101.
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[45]
C. Delcorno, « Dante e l’’Exemplum’ medievale », pp. 5-6, a souligné ce point en renvoyant à Curtius (qui selon moi voit la question autrement). Mais cf. déjà H. Pflaum, « Il ‘modus tractandi’ della Divina Divine Comédie », Giornale dantesco, XXXIX (1936), pp. 153-78, et surtout, p. 177 : cet essai important est rarement cité ; et parmi les exceptions justement, on trouve. Auerbach dans sa recension à Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter de E.R. Curtius (c’est Kyung Ryong Lee qui me l’a fait remarquer).
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[46]
Liber exemplorum ad usum praedicantium saeculo XIII compositus a quodam fratre minore Anglico de provinciae Hiberniae, A. G. Little (éd.), Aberdeen 1908, pp. 90-91 : (148) (dans la marge : « Liber gestorum Barlaam et Josaphat ») « Legitur in libro gestorum Barlaam et Josaphat servorum Dei, quod cum idem Josaphat, videlicet filius Avenir iuvenis regis Indie sanctissimus, temptacione luxurie quam plurimum fatigaretur, et ad temptacionem devitandam divinum suppliciter postularet auxilium, ostensum est ei per visionem tam infernale supplicium quam coeleste gaudium [blank space for one word in MS]. Josaphat itaque temptatus, ut dictum est, et instanter a Deo petens auxilium videt semetipsum per visionem a quibusdam viris venerabilibus raptum, et in loca que nunquam viderat pertranseuntem. Ostensa sunt autem ei primo inferni supplicia, deinde eternae felicitatis gaudia in forma cuiusdam civitatis, plene omni leticia et felicitate inenarrabili. Multa et mirabilia vidit ibi gaudia ad que propalanda lingua mea omnino insufficiens est. Et vocem audivit dicentem : ‘Haec est requies iustorum. Ista est leticia eorum qui placuerint Domino’. Inde denique educentes illum reverentissimi viri illi repedabant. Qui iucunditate illa et gaudio perfusus : ‘Ne privetis me’ aiebat, ‘ne privetis, rogo, ineffabili gaudio isto. Sed concedite mihi in uno preclare // civitatis huius angulo conversari’. Illi autem dicebant : ‘Impossibile est nunc te huiusmodi esse ; sed labore multo et sudore venies huc si tamen tibimet vim inferre potueris. » Cf. aussi F. C. Tubach, Index Exemplorum. A Handbook of Medieval Religious Tales, Helsinki 1969, # 485 : Barlaam and Josaphat (excerpt) : Viaticum # 67 (aussi # 484 e 486) (cf. Das Viaticum narrationum des Heumannus Bononiensis, A. Hilka (éd.), Berlin 1935.)
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[47]
D. M. Lang, The Balavariani (Barlaam and Josaphat). A Tale from the Christian East translated from the Old Georgian, introduction de I. V. Abuladze, Berkeley and Los Angeles 1966. Cf. aussi l’entrée « Barlaam und Joasaph » in Lexikon des Mittelalters, I (1980), 1464-69. On sait comment Boccace réélabore un épisode de la vie de Barlaam et Josaphat dans une perspective comique : cf. Decameron, V. Branca (éd.), Turin 1980, pp. 462-65 (IVème journée, introduction).
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[48]
R. Fitzgerald, Enlarging the Change : The Princeton Seminars in Literary Criticism 1949-1951, Boston 1985, p. 21 sq.
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[49]
E. Auerbach, Gesammelte Aufsätze, pp. 330-338, en particulier, pp. 334, 336 : « hier, wie anderswo verkennt Curtius, wie mir scheint, die eigentliche Tradition der christlichen Deutung, die vom Historisch-Literalen ausgeht […]