Po&sie 2007/3 N° 121

Couverture de POESI_121

Article de revue

Paysage / Paesaggio

Pages 6 à 7

Notes

  • [1]
    Attilio Bertolucci, La Repubblica, le 5 mars 1996
  • [2]
    Ho rubato due versi a Baudelaire : prose e divagazioni ; a cura e con un saggio di Gabriella Palli Baroni. Milan, Mondadori, 2000.
  • [3]
    La camera da letto in Opere, Milano, Mondadori, 1997 ; La Chambre, éditions Verdier, 1988.
  • [4]
    Bertolucci fut aussi le traducteur de Shakespeare, Milton, Wordsworth, Hardy, Pound, Eliot et Frénaud. Cf. la section Imitazioni in Opere (op. cit., p. 835-950). Pour Baudelaire, cf. p. 861-867. On n’est pas étonné de retrouver le « Crépuscule du matin » dans cette sélection.
  • [5]
    G. Raboni, « Note à la traduction en prose » des Fleurs du mal par A. Bertolucci, in I Fiori del male, Milano, Garzanti, [1975], 2006, p. XXI à XXIV. On n’oubliera pas que Raboni a offert lui aussi une traduction en vers des Fleurs du Mal in Baudelaire, Opere, Milano, Mondadori, 1996, p. 16-353. Parmi les traductions les plus récentes des Fleurs du Mal, on peut indiquer celle d’Antonio Prete, en vers elle aussi (Feltrinelli, 2003).
C’est moi, disciple d’un siècle qui croit ne pas mentir, qui me reconnais dans cet homme malade, me mentant à moi-même : et j’écris pour exorciser un mal auquel je crois et ne crois pas.
Attilio Bertolucci

1« J’ai lu les Fleurs du mal pour la première fois dans la traduction de Riccardo Sonzogno. C’était, pour autant que je sache, la première traduction en italien et en prose. J’avais treize ans. J’étais alors dans la troisième classe du ginnasio inferiore, une sorte de collège, nettement plus difficile et nettement meilleur que celui d’aujourd’hui mais sans doute moins démocratique. « L’enfant amoureux de cartes et d’estampes » avait déniché chez un bouquiniste la traduction de Riccardo Sonzogno publiée dans la fameuse Biblioteca Universale Sonzogno, collection bénie entre toutes dans laquelle je n’allais pas tarder à découvrir les Feuilles d’herbe de Walt Whitman et la merveille du vers libre. Mais voilà qu’à seize ans, je peux entrer dans la Bibliothèque Palatine de Parme où je peux finalement lire les Fleurs du mal en français. Depuis cette date, et jusqu’à la parution des deux volumes de la Pléiade, je n’ai jamais cessé de lire mon Baudelaire : je dis “le mien” parce que je l’ai fait mien au point d’opérer quelques refoulements à peine licites » [1]. Opérations de refoulement ? Attilio Bertolucci rendra public son larcin en intitulant un recueil d’essais (publié en 2000 l’année de sa mort) Ho rubato due versi a Baudelaire – « J’ai volé deux vers à Baudelaire » [2]. Il s’agit de deux vers du Crépuscule du matin : « L’aurore grelottante en robe rose et verte/ S’avançait lentement sur la Seine déserte » : « J’avoue que je n’ai pas imité ces vers, Baudelaire est inimitable, mais que je les ai volés pour la clausule d’un chant de La Chambre » [3].

2Cette intimité revendiquée par Attilio Bertolucci mériterait un examen approfondi. De fait, l’esthétique du poète de Casarola entretient des rapports complexes avec celle de Baudelaire comme l’indique l’évocation de Whitman et de son vers libre. Les relations entre prose et poésie, si complexes déjà chez Baudelaire, seraient à n’en pas douter le chapitre essentiel de cette étude. Elles ne se confondent pas avec la question du rapport de la poésie et du récit, décisive pour Bertolucci comme en témoigne La Chambre – roman familial en vers.

3C’est en 1975 qu’Attilio Bertolucci publie anonymement une version en prose des Fleurs du Mal – pour être plus précis, une traduction paraphée des seules initiales : A.B[4].

4En présentant cette traduction, G. Raboni pouvait écrire :

5

« En choisissant la prose, l’auteur de cette traduction des Fleurs du Mal a fait un choix radical et courageux. Je dirais même plus : un choix de poète. Seul un poète sait intimement, et comme dans sa chair, que le vers n’est qu’une des composantes de l’expression poétique et pas toujours la plus importante. Il compte avec la syntaxe, avec le lexique, avec la manière dont les images s’accumulent, se ramifient ou explosent, avec la structure du raisonnement ou des métaphores. Si ce n’était pas le cas, aucun poète ne pourrait être traduit dans une autre langue alors que nous savons bien qu’il n’en est rien ; le caractère intraduisible des poètes est une vérité relative qui devient un cliché si on en fait un absolu et finit par constituer un des lieux communs les plus insistants et les plus ennuyeux de la critique idéaliste » [5].

6* * *

7

Paesaggio
Voglio per comporre castamente le mie egloghe, dormire accanto al cielo, come fanno gli astrologhi ; e vicino ai campanili, ascoltare sognando i loro inni solenni portati via dal vento. Le mani sotto il mento, dall’alto dalla mia mansarda, vedrò l’officina che canta e che chiacchiera, i comignoli, i campanili, alberi maestri della città, e i grandi cieli che fanno sognare l’eterno.
È dolce veder nascere tra le brume la stella nell’azzuro, la lampada alla finestra, i fiumi di carbone che salgono al firmamento e la luna che versa il suo pallido incanto. Vedrò passare primavere, estati, autunni ; e quando arriverà, con le sue nevi monotone, l’inverno, serrerò porte e finestre, fabbricherò nella notte i miei palazzi stregati. Sognerò allora orrizonti azzurini, giardini, zampilli d’acqua riversanti il loro pianto negli alabastri, baci, uccelli cantanti sera e mattino, e quanto di più infantile l’idillio può possedere. Tempestando vanamente al mio vetro la Rivolta non riuscirà a farmi alzare la fontre dal leggìo, perché sarò tutto immerso nel piacere d’evocare la Primavera, di fare nascere un sole dal mio cuore e di trasformare i miei pensieri ardenti in una tiepida atmosfera.
Charles Baudelaire, I Fiori del male, © Garzanti 2006


Date de mise en ligne : 01/10/2016

https://doi.org/10.3917/poesi.121.0006

Notes

  • [1]
    Attilio Bertolucci, La Repubblica, le 5 mars 1996
  • [2]
    Ho rubato due versi a Baudelaire : prose e divagazioni ; a cura e con un saggio di Gabriella Palli Baroni. Milan, Mondadori, 2000.
  • [3]
    La camera da letto in Opere, Milano, Mondadori, 1997 ; La Chambre, éditions Verdier, 1988.
  • [4]
    Bertolucci fut aussi le traducteur de Shakespeare, Milton, Wordsworth, Hardy, Pound, Eliot et Frénaud. Cf. la section Imitazioni in Opere (op. cit., p. 835-950). Pour Baudelaire, cf. p. 861-867. On n’est pas étonné de retrouver le « Crépuscule du matin » dans cette sélection.
  • [5]
    G. Raboni, « Note à la traduction en prose » des Fleurs du mal par A. Bertolucci, in I Fiori del male, Milano, Garzanti, [1975], 2006, p. XXI à XXIV. On n’oubliera pas que Raboni a offert lui aussi une traduction en vers des Fleurs du Mal in Baudelaire, Opere, Milano, Mondadori, 1996, p. 16-353. Parmi les traductions les plus récentes des Fleurs du Mal, on peut indiquer celle d’Antonio Prete, en vers elle aussi (Feltrinelli, 2003).

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